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Karma et fatalisme[modifier 

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La loi de rétribution des actes peut glisser vers le fatalisme. Toutefois, le Bouddha a écarté cette
idée : le karma n'est pas un destin marqué par le déterminisme16. C'est que l'être humain peut, à
travers ses actes, façonner sa destinée. Certes, les grandes lignes de notre situation actuelle
sont dessinées par notre karma : classe sociale à la naissance, manière de percevoir le monde; il
s'agit là du karma du passé. Mais nos actes intentionnels dans le présent ne sont pas le
résultat direct de nos vies passées (même si celles-ci, encore une fois, influent sur nos actions
actuelles). Par conséquent, nous ne sommes pas tenus à subir passivement une situation
négative parce qu'elle serait le résultat de notre karma. On peut réagir positivement à ce qui se
produit, en cherchant à le transformer dans un sens positif, au lieu de se résigner et de produire
un karma négatif qui serait nourri par notre colère et les reproches adressés à la société, la
famille, etc. Mais si l'on ne peut rien faire il s'agit bien aussi de prendre ses responsabilités et
d'assumer la forme de vie qui nous est échue, en la voyant comme résultats de nos actes
passés16.
Le maître britannique Ajahn Brahm20 souligne également que le karma ne doit pas conduire au
fatalisme. Le karma met les êtres dans une position et dans un monde donnés, l'important est
comment les êtres se comportent à partir des conditions dans lesquelles ils sont placés.
L'ascèse bouddhique est destinée à éviter la création de nouveau karma, même favorable, et
d'accéder ce faisant à l'inconditionné, nirvāna, « sans-naissance, sans-devenir, sans-création,
sans-condition ».
Karma collectif[modifier | modifier le code]
La notion de karma collectif (sādhāraṇa-karma[n] en sanskrit21), est abordée dans l'Abhidhamma,
et la littérature mahayana, par exemple dans le Yogacarabhumi-sastra  (en), en tant que
distinction par rapport au karma individuel, non partagé (asādhāraṇa-karman)22. Le karma
individuel et collectif sont liés, interagissant et s'influençant mutuellement22. Le karma collectif
conditionne le monde inanimé (bhājana-loka), dans lequel les êtres vivants évoluent, ces derniers
constituant le sattva-loka, conditionné par le karma individuel23.
Outre sa dimension cosmologique24, le karma collectif peut aussi être distingué à l’échelle d’une
famille, d’un groupe social donné ou d’un pays. On trouve par exemple une allusion à un tel
karma, dans une conférence donnée par Samdhong Rinpoché à l’Université Paris-Sorbonne en
2000, sur le thème « La non-violence, seule voie de libération pour le Tibet ». Samdhong
Rinpoché s’est exprimé au sujet de la souffrance du peuple de son pays, laquelle, selon lui, est
de nature karmique. Après avoir brièvement retracé les principales dates de l’Histoire du Tibet, il
a rappelé que les Tibétains considèrent « la compassion, la bonté et l’amour » comme des
valeurs spirituelles essentielles à préserver, et ce depuis l’introduction du bouddhisme dans leur
pays au VIIe siècle. Toutefois selon lui : « Cela ne veut pas dire que les Tibétains seraient
exempts de violence, de haine ou de cupidité. [...] Si le Tibet est aujourd’hui un pays occupé, la
faute en revient aux Tibétains, à un mauvais karma [collectif] qu’ils ont créé. La souffrance de ce
peuple martyre est de nature karmique, de ce fait l’expérience en est inévitable. Les Chinois sont
entrés au Tibet par la force, ils y font régner la répression et la torture. Toutes les souffrances,
celles des Tibétains comme des Chinois, proviennent d’un karma de violence. »25

Jaïnisme[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Doctrines fondamentales du jaïnisme#La théorie du karma.
Pour les jaïns, l'action n'est pas le seul critère, la parole et l'état d'esprit peuvent entrer aussi en
compte dans le karma. Sans Dieu, le jaïnisme décrit le karma comme des poussières qui
viendraient polluer l'âme du croyant cherchant à atteindre l'illumination, le moksha. Le jeûne et la
méditation peuvent entre autres aider à brûler ce karma. Respecter les cinq vœux majeurs du
jaïnisme : les Mahavratas et les Trois Joyaux sont la voie de la réalisation et de la destruction des
liens du karma26. Pour le laïc jaïn, les lois de cette foi sont moins ardues, car contrairement aux
moines et nonnes auxquels il est interdit de commettre toutes les violences (accidentelles,
professionnelles, défensives et intentionnelles), les laïcs sont obligés d'éviter au minimum la
violence intentionnelle, par la pensée, la parole et le corps. C'est pour cela, par exemple, que
certains jaïna (moines et nonnes de certaines sectes, laïcs lors d'une cérémonie…) portent
souvent des tissus sur la bouche ; faisant cela, ils évitent de tuer des insectes en les avalant par
inadvertance ; c'est aussi un symbole de retenue dans ses paroles.

Sikhisme[modifier | modifier le code]
Dans le sikhisme, le fait que la créature (le jiva) doive atteindre moksha la libération en brulant,
en détruisant son karma, comme dans l'hindouisme est une valeur reconnue. Par contre, il rentre
en jeu le hukam, l'ordre divin et le concept de nadar la grâce divine. « Il n'y a rien en dehors de
l'ordre du hukam » écrit Guru Nanak, un des gourous fondateurs du sikhisme dans le Guru
Granth Sahib (page 1)27. « Dieu par son ordre nous amène à marcher sur le bon chemin… Par le
karma, le corps physique est obtenu. Par la Grâce divine, la porte de la libération est donnée » dit
également le livre saint (page 2)28. Le karma n'est pas irréversible et peut-être modifié par une
bonne conduite et la grâce divine. La course des actions est une traduction pour le mot karma.
Dieu, Waheguru, agit par sa volonté sur nos actions. Une autre valeur du sikhisme est que tous
les humains naissent égaux, sans distinction de caste ou de statut. Les Gurus du
sikhisme étaient contre la mortification et la passivité. Ils recommandent de vivre une vie
d'hommes ou de femmes au foyer en suivant la voie de l'humilité, la dévotion et le service
désintéressé, ou sewa. La bhakti, autrement dit la voie de la dévotion est bonne pour les Sikhs
afin d'atteindre la libération29.

Le karma dans l'ésotérisme[modifier | modifier le code]


Kabbale[modifier | modifier le code]
Pour les kabbalistes modernes[Qui ?], le karma est une série d'épreuves que l'on s'est choisi juste
avant sa naissance, le but de la vie étant de réussir ces épreuves. Ainsi, chacun se choisit les
grandes épreuves de sa vie, le reste faisant partie du libre arbitre et pouvant être vécu comme
l'individu le souhaite. Ceci est résumé par l’Histoire des trois voyageurs, communément
appelée Les trois princes de Serendip.

Société théosophique[modifier | modifier le code]


La Société théosophique a répandu l'usage de ce concept en Occident à la fin
du XIXe siècle notamment sous la forme d'une loi de rétribution ou loi de cause et d'effet30.
« Nous décrivons Karma comme la Loi de réajustement qui […] agit toujours de manière à
rétablir l'Harmonie et à conserver l'Équilibre en vertu desquels l'Univers existe. […] Ce n'est pas
Karma qui récompense ou qui punit, mais c'est nous qui nous récompensons ou qui nous
punissons nous-mêmes, en travaillant, de concert avec la nature et en nous conformant aux lois
qui établissent l'harmonie, ou en agissant contrairement à ces lois. […] La loi de Karma est unie
d'une façon inextricable à celle de la Réincarnation… Il n'y a que cette doctrine qui puisse nous
expliquer le problème mystérieux du bien et du mal, et réconcilier l'homme avec la terrible
injustice apparente de la vie. »
— Helena Blavatsky, « La clef de la Théosophie », Editions Textes
théosophiques, 1993, p. 219-224
Société anthroposophique[modifier | modifier le code]
Rudolf Steiner, fondateur de la Société anthroposophique, a étudié ce concept dans plusieurs de
ses ouvrages dont Le Karma - Considérations ésotériques en 6 tomes.

Notes et références[modifier | modifier le code]


Notes[modifier | modifier le code]
1. ↑ Pour autant, cette conception n'est pas fataliste : l'individu peut à chaque instant produire des actes qui
modifieront le cours de son destin. (Fernand Schwarz, La tradition et les voies de la connaissance,
Éditions NA, 1991, p. 76)

Références[modifier | modifier le code]
1. ↑ Gérard Huet, Dictionnaire Héritage du Sanscrit, version DICO en ligne, entrée « karman »,
lire: [1] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
2. ↑ Nyanatiloka, Vocabulaire pali-français des termes bouddhiques, Adyar, 1995
3. ↑ Jean Herbert et Jean Varenne, Vocabulaire de l'hindouisme, Dervy, 1985, p. 57.
4. ↑ Michel Angot, L’Inde classique, Les Belles Lettres, p 119
5. ↑ S. Dasgupta, A History of Indian Philosophy, vol. 1, p. 21-22
6. ↑ Michel Angot, L’Inde classique, Les Belles Lettres, p. 200-201
7. ↑ Revenir plus haut en :a b c d e f g et h D'après La Vache Sacrée et autres histoires indiennes de Tarun Chopra,
éditions Prakash Books, (ISBN 81-7234-041-9).
8. ↑ Gérard Huet, DICO en ligne, entrée « mokṣa », lire: [2] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
9. ↑ Tukaram, psaumes du pèlerin, préface de Guy Deleury, folio.
10. ↑ Revenir plus haut en :a et b Tara Michaël, Les voies du yoga, Points, 2011, p. 204.
11. ↑ Gérard Huet, version DICO en ligne, « saṃcita ou sañcita (variante) », lire: [3] [archive]. Consulté
le 23 juin 2020.
12. ↑ Gérard Huet, DICO en ligne, entrée « prārabdha », lire: [4] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
13. ↑ Gérard Huet, DICO en ligne, entrée « āgāmi », lire: [5] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
14. ↑ L'Enseignement de Ramana Maharshi, Albin Michel, 2005 (lire en ligne [archive]).
15. ↑ Gérard Huet, Version DICO en ligne, entrée « jīvanmukta », lire: [6] [archive]. Consulté le 23 juin 2020
16. ↑ Revenir plus haut en :a b c d e et f Peter Harvey (trad. de l'anglais par Sylvie Carteron), Le bouddhisme.
Enseignements, histoire, pratiques, Paris, Seuil, coll. « Points Sagesses », 1993 [1990], 495 p., p. 71-
78.
17. ↑ Gérard Huet, version DICO en ligne, entrée « kuśala », lire: [7] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
18. ↑ Gérard Huet, DICO en ligne, entrée « akuśala », lire: [8] [archive]. Consulté le 23 juin 2020.
19. ↑ Revenir plus haut en :a et b « Karman » in The Princeton Dictionary of Buddhism, p. 420. (Voir Bibliographie -
Études)
20. ↑ (en)Who ordered this truckload of dung  ?, Wisdom Publications, 2005.
21. ↑ (en) Chien-Te Lin et Wei-Hung Yen, « On the naturalization of karma and rebirth », International
Journal of Dharma Studies, vol. 3, no 1, 9 juin 2015, p. 6 (ISSN 2196-8802, DOI 10.1186/s40613-015-0016-2, lire
en ligne [archive], consulté le 27 juin 2020)
22. ↑ Revenir plus haut en :a et b (en) Robert E. Buswell Jr et Donald S. Lopez Jr, The Princeton Dictionary of
Buddhism, Princeton University Press, 24 novembre 2013 (ISBN 978-1-4008-4805-8, lire en ligne [archive]),
gong bugong ye
23. ↑ (en) Robert E. Buswell Jr et Donald S. Lopez Jr, The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton
University Press, 24 novembre 2013 (ISBN 978-1-4008-4805-8, lire en ligne [archive]), er shijian
24. ↑ Quentin Ludwig, Le grand livre du bouddhisme, Eyrolles, 2012 (ISBN 978-2-212-55324-6, lire en
ligne [archive]), p. 163
25. ↑ Tiré de la conférence de Samdhong Rinpoché « La non-violence, seule voie de libération pour le
Tibet », organisée par l’association France-Tibet, le 16 octobre 2000. Voir le texte complet (traduit en
français par Claude Arpi et publié par Sofia Stril-Rever) sur Buddhaline. (Lire en ligne [archive]. Consulté le 23
juin 2020).
26. ↑ (en)The A to Z of Jainism de Kristi L. Wiley édité par Vision Books, pages 118 et
119, (ISBN 8170946816).
27. ↑ Voir page 1 du Guru Granth Sahib [archive].
28. ↑ Page 2 du Guru Granth Sahib [archive].
29. ↑ (en) The Encyclopaedia of Sikhism dirigée par Harbans Singh, tome II, pages 443 et
444, (ISBN 8173802041).
30. ↑ Helena Blavatsky, Glossaire théosophique, version pdf

 (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia


en anglais intitulé « Karma » (voir la liste des auteurs) (6 mars 2005).

Bibliographie[modifier | modifier le code]
Textes classiques de l'hindouisme[modifier | modifier le code]
 Brihâd-Âranyaka Upanishad (750 av. J.-C. ?), trad. Martine Buttex dans 108 Upanishads,
Dervy, 2012.
 Mahâbhârata (IV°-III° s. av. J.-C. ?), partie XIII (Anushâsanaparvan), trad. G. Schaufelberger
et G. Vincent, Presses Universitaires de Laval, Québec, 2004-2009, 4 t.
 Lois de Manou (200 av. J.-C. - 200 ap. J.-C. ?), trad. Auguste Loiseleur-Deslongchamps
(1911), Châtellerault, Narratif, 2007.
Textes classiques du bouddhisme[modifier | modifier le code]
 Dhammapada. Les stances de la Loi (V° s. av. J.-C. ?), trad. Jean-Pierre Osier, Garnier-
Flammarion, 1999.
Textes modernes[modifier | modifier le code]
 Sri Aurobindo, Renaissance et Karma (1919), Éditions du Rocher, 1983
 Rudolf Steiner :
o Réincarnation et karma (1903-1912), trad., Éditions Anthroposophiques Romandes
o Les manifestations du karma, trad., Éditions Triades
o Le Karma - Considérations ésotériques, trad., 6 tomes, Éditions Anthroposophiques
Romandes.
Études[modifier | modifier le code]
Hindouisme[modifier | modifier le code]

 Jan Gonda, Les religions de l'Inde. T. 1 Védisme et hindouisme ancien, trad., Payot, 1962, p.
248-252.
 Wendy Doniger O'Flaherty (Ed.), Karma and rebirth in classical indian traditions, Berkeley,
University of California Press, 1980, XXV-342 p. — L'ouvrage traite aussi du bouddhisme et
du jaïnisme.

 Patrick Levy, Sâdhus, un voyage initiatique chez les ascètes de l'Inde, Éditions Pocket, 2011
[2009]. (ISBN 978-2-35490-033-5).
Bouddhisme

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