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Du cloisonnement des hommes, et de la complexité de la société.

On s’étonne, toujours, de tout. On a du mal comprendre comment tel ou tel événement peut
arriver. On se rabat sans arrêt sur des généralités rapides, traitant tantôt l’humanité de
mauvaise, de conne ou de cupide, ou critiquant les dirigeants pour ces conséquences
désastreuses ici ou là.

L’homme est-il fondamentalement mauvaise, et le devenir de l’humanité inéluctablement


effroyable ? Non, l’Homme n’est pas mauvais. Certains hommes sont cruels, barbares,
injustes, égoïstes. D’autres sont bons, généreux et altruistes. La grande majorité, m’est avis,
est d’une neutralité à faire pâlir la Suisse. Et c’est là que le devenir de l’humanité entre en jeu.

Ceux qui sont égoïstes, ambitieux, etc. auront toujours tendance à vouloir accumuler plus, et à
se retrouver au dessus des autres, à les diriger. Grâce à l’argent. Peu importe leurs intentions
finalement, quand ils prennent le pouvoir d’une structure, car nous allons voir combien leur
décision arrivent à leur but, et que les moyens d’y parvenir sont tous bons, sans que personne
ne les critique, tout en les exécutant.

Observons la « pyramide » de pouvoir d’une structure, quelle qu’elle soit. Généralisons à


l’entreprise.

1/ A la base, il y a le travailleur basique, le non-cadre ; indispensable au fonctionnement de


l’entreprise, notamment dans une structure productive, il reste pourtant aisément remplaçable.
Généralement, sa motivation est totalement soumise à son salaire et à ses éventuelles primes ;
mais comme il connaît sa position et le fait qu’il est remplaçable aisément, la carotte de
l’argent n’est pas utilisée à le motiver. On privilégie ainsi préférentiellement le bâton, l’épée
de Damoclès, du licenciement.

Dans sa position de travail, l’ouvrier, le travailleur, l’employé, est totalement immergé dans
son emploi, et généralement affilié à une tâche répétitive, ou peu renouvelée. Cela le
maintient dans un état de non-acquisition d’expérience. Son affectation à une tâche
particulière représente le premier gros point noir de notre civilisation : le cloisonnement. Dans
une entreprise lambda, l’employé du bas de l’échelle communique déjà très mal avec ses
collaborateurs (je ne parle pas de partager se vacances devant la machine à café, mais bel et
bien de partager ses connaissances avec les autres dans le cadre d’un projet, par exemple).
Même en réunion, les employés peinent à prendre la parole ; ils ont peur notamment de
l’image qu’ils renverront, et de l’éventuelle erreur qui pourrait être décelée lors de leur
intervention. Donc, silence entre collègue, autant que possible. Et qui plus est, « les autres
collègues ne comprendraient pas ».

Le cloisonnement isole les employés les uns vis-à-vis des autres. Qu’importe ce sur quoi ils
travaillent, ils effectuent leur tâche, de manière mécanique. Et quand bien même le résultat de
leur travail pourrait soulever des questions, ils devraient encore se soumettre au risque de
contredire leur supérieur : face à l’épée de Damoclès, l’employé est cloisonné également à son
niveau, en bas. Donc cloisonnement horizontal vis-à-vis des collègues de même niveau
hiérarchique, et cloisonnement vertical vis-à-vis de l’étage supérieur, les cadres.

2/ Les cadres. Ils gèrent généralement les employés autour d’eux, et sont affiliés à des projets
à court ou moyen terme. Pour ne pas retracer leur profil, globalement, leur réaction vis-à-vis
de leur supérieur reste sensiblement la même que celle de leur subalternes vis-à-vis d’eux.
Mais pire encore que les employés de base, les cadres sont véritablement spécialisés. De ce
fait, ce n’est pas l’abrutissement de la tâche à accomplir qui les cloisonne, mais le fait qu’à ce
niveau opérationnel, il devient déjà plus difficile de comprendre ce que font leurs collègues de
même niveau hiérarchique. De plus, les cadres possèdent généralement une charge de travaille
suffisamment élevée pour qu’ils n’aient pas le temps de partager directement avec leur
collègues.

Bien entendu, il existe des réunions dans lesquelles présentés les résultats. Mais là encore, le
cloisonnement revient violemment couper toute réelle communication ; la réunion doit être
concise, compréhensible pour tous, et surtout, on n’aura pas le temps de s’étaler en réflexion
métaphysique, il faut aller à l’essentiel. Donc, on privilégie les chiffres, les faits, mais surtout,
surtout, les succès, car toujours, présenter l’échec représente un danger, et l’on préférera se
dire que cet échec pourra toujours être corrigé par la suite, avant que l’on s’en rende compte
plus haut. Il ne faudrait pas se faire mal voir des cadres supérieurs !

3/ Les cadres supérieurs. Ils sont largement bien payés. Ils ont sensiblement moins de travail
opérationnel que leurs subalternes, et leur travail consiste principalement en du management
et du reporting. Ils sont tous affiliés à un domaine très précis. Ils n’ont déjà plus cure des
employés de base, car en fait, ils n’en entendent tout simplement jamais vraiment parler. Sauf
événement dramatique ou généralisé tel qu’une grève, aucune information ne leur remonte.
Les cadres sont trop pris par leur propre travail, et de plus, les échecs du bas ne remontent
déjà pas à leur niveau, toujours par peur du « dossier à suivre ».

Les cadres sup. donc, vivent dans un monde de plus en plus chiffrés. Et d’autant plus qu’un
paramètre majeur vient piloter leurs objectifs : l’argent, autrement appelé rentabilité. C’est
leur seul point commun, dicté par leurs supérieurs, les cadres dirigeants. Ils doivent suivre une
ligne, ou dégager, car plus on monte dans les étages de la pyramide, plus cette épée de
Damoclès est réelle, et moins le fil qui la retient, solide. Par ailleurs, le « dossier à suivre » est
également bien plus réel à ce niveau qu’à un autre. Retrouver un emploi au même niveau,
voire, puisque c’est généralement la logique qui prédomine, à un niveau supérieur, est
totalement soumis à l’historique ; alors gaffe !

On perçoit alors déjà que la peur, qu’elle soit de perdre son emploi, de ne pas en retrouver, de
ne pas posséder suffisamment d’argent, et j’en passe, focalise totalement les cadres sur leur
propre devenir, et pas sur celui de leurs subalternes. C’est pourtant leur rôle de manager. Mais
la pression d’en haut ne leur fait qu’agir dans un sens : transférer cette pression vers le bas. Et
ne rien remonter de négatif vers le haut.

4/ Les cadres dirigeants. Ils sont très bien payés, excessivement même ; et ils en sont
conscient. Ces sommes leur rappellent également leur responsabilité. Ils sont arrivés tout en
haut en serrant les fesses et en ne se préoccupant que d’eux-mêmes et de leurs supérieurs ; ce
n’est pas le moment de chuter. Ils ne manquent de rien dans leur vie, et même s’ils perdaient
leur emploi, ils leur resteraient assez pour vivre dignement des années durant. Mais non, il
faut qu’ils s’accrochent. Ils ont été « élevés » à la peur ; ils n’ont plus vu que leur propre
existence depuis qu’ils travaillent. Qu’ils viennent de la base (si l’on en trouvait encore des
comme ça…), ou de hautes études, ils ont sans cesse perçu le souffle avide et affamé d’un
prédateur caché dans l’ombre désireux de les voir chuter, et tout perdre.
Maintenant qu’ils sont là, ils distribuent les ordres, plus que simples : gagner toujours plus. Ils
regardent les cadres supérieurs s’agiter pour leur ramener des rapports brillants, et les
comparent aux chiffres qu’affichent la banque, et/ou la bourse. Ils décident, selon la situation,
s’il faut laisser pousser, ou couper une branche. Et ils serrent les fesses fortement quand
l’arbre commence à pourrir, car ce sera à leur tour de chuter.

A leur niveau, le travail est moindre encore. La responsabilité est absolue ; ils sont là pour
encaisser les tempêtes (médiatiques, populaires, etc), et les mauvaises nouvelles. Ils feront
toujours tomber des subalternes des étages inférieurs avant de tomber eux mêmes, car, même
sans méchanceté, ils ne vont tout de même pas se sacrifier avant d’en sacrifier d’autres ! Ils
ont tellement lutté pour en arriver là ! Et ceux qui donnent les ordres peuvent encore être
magnanimes… Peut-être y aura-t-il de la place dans un autre comité d’entreprise…

5/ L’actionnariat : le fantôme dans le système. Qui sont-ils ? Vous, moi, de riches fortunés,
etc. Qui sont-ils sur le terrain ? Eh bien, c’est à se demander en fait. A-t-on vraiment besoin
d’un médiateur pour demander aux cadres dirigeants de faire gagner de l’argent à
l’entreprise ? Non, il aura compris lui-même.

Certes, il faut bien contrôler tout cela ; mais on a une armée d’avocats, de lobbyistes, de
courtiers qui surveillent les paramètres, écrivent des e-mails, passent des coups de fils… La
machine roule toute seule, un simple coup d’œil sur le compte en banque suffit à rassurer, ou
à passer des coup de fil pour faire rétablir la barre.

Et nous y sommes. Au cloisonnement absolu. Personne ne travaille ici. L’argent rentre, et la


responsabilité est absente. Seul souci ? Recevoir un coup de fil annonçant une quelconque
perte irréparable. Sinon… ça roule.

Quant aux petits actionnaires… ils ne sont que l’huile qui graisse le moteur.

Alors maintenant que la situation est présentée, que les cloisonnements ont bien été définis,
via les spécialisations, les peurs, et l’égoïsme, il faut bien comprendre comment cela va
fonctionner pour déboucher sur des cataclysmes.

Comment, par exemple, en arrive-t-on à des empoisonnements par des médicaments ? Des
désastres écologiques ou des guerres ? Comment la fin arrive-t-elle à justifier tous les moyens,
sans que personne ne mette le haut-là avant que ces événements ne se produisent ?

Et y a-t-il finalement une source, une volonté, qui va au-delà du cloisonnement, des peurs et
de l’égoïsme, qui s’ajoute au simple fonctionnement du monde, pour en faire un monde
remplis d’échecs ?

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