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Volume 10 • Été-automne 2015

La lumière :
un éclairage
moderne
Autresarticles
• Construire un cadran solaire
• Géométrie intégrale
• La rhétorique mathématique d’Archimède :
où priment les canons de rigueur
• Karl Weierstrass

Rubrique des

Mais qu’est-ce
que j’ai fait ?
Éditori l
Rédacteur en chef
André Ross
Professeur de mathématiques

Comité éditorial
Pietro-Luciano Buono
Professeur de mathématiques
University of Ontario
Dans ce numéro... Institute of Technology
Dans ce deuxième numéro de l’Année internationale de la lumière, nous France Caron
Professeure de didactique
vous présentons d’abord deux articles sous le thème Mathématiques et des mathématiques
lumière. La lumière : un éclairage moderne présente un résumé de l’évolution Université de Montréal
des théories de la lumière, du XVIIe siècle à nos jours. Philippe Etchécopar
Professeur de mathématiques
L’ombre projetée par la lumière du Soleil au cours de la journée a longtemps Cégep de Rimouski
été la seule façon de connaître l’heure. Cependant, pour Construire un Christian Genest
cadran solaire, il ne suffit pas de planter un bâton dans le sol. Christiane Professeur de statistique
Rousseau nous présente toutes les sophistications nécessaires pour calculer Université McGill
l’heure officielle après lecture de notre cadran solaire. Frédéric Gourdeau
Professeur de mathématiques
Sous le thème Géométrie et probabilités, Christiane Rousseau et Guillaume Université Laval
Roy-Fortin signent conjointement un article intitulé Géométrie intégrale. Bernard R. Hodgson
Si vous échappez un spaghetti non cuit sur la table, quelle est la probabilité Professeur de mathématiques
Université Laval
qu’il intersecte le napperon cental ? Un autre problème célèbre de géométrie
Stéphane Laplante
intégrale est le problème de l’aiguille de Buffon. L’article vous présentera Enseignant de mathématiques
les méthodes très élégantes de ce domaine à cheval sur la géométrie et les Collège de Montréal
probabilités. Christiane Rousseau
Professeure de mathématiques
Archimède était à la fois ingénieur et mathématicien. Il est parvenu à Université de Montréal
certains de ses résultats par une approche qu’il qualifie de « mécanique ».
Cependant, il les présente ensuite par la géométrie, car une investigation par la Production et Iconographie
mécanique était vue par Archimède comme « exclusive d’une démonstration ». Alexandra Haedrich
Institut des sciences mathématiques
Sous le thème Histoire des mathématiques, Marie Beaulieu et Bernard R.
Hodgson nous décrivent le souci du Syracusain de présenter ses résultats en Conception graphique
tenant compte des exigences de rigueur de son époque dans La rhétorique Pierre Lavallée
mathématique d’Archimède : où priment les canons de rigueur. Néograf Design inc.
Le 31 octobre 1815 naissait le mathématicien allemand Karl Weierstrass dont Illustrations de scientifiques
les travaux sont à l’origine du mouvement de renouveau des fondements et caricatures
du calcul infinitésimal appelé « arithmétisation de l’analyse ». Ce mouvement Alain Ross
a eu pour effet de remplacer les fondements géométriques de l’analyse par Noémie Ross
des fondements arithmétiques et algébriques. Dans Portrait d’un mathéma-
Illustrations mathématiques
ticien, nous vous présentons quelques éléments de la vie et de l’œuvre de
André Ross
ce mathématicien.
Dans la rubrique des paradoxes, Jean-Paul Delahaye nous présente Mais Révision linguistique
qu’est-ce que j’ai fait ? Des manipulations algébriques usuelles, que l’on Robert Wilson
applique en toute confiance, donnent un résultat erroné. Cherchez l’erreur ! Professeur de mathématiques
Cégep de Lévis-Lauzon

Bonne lecture!

Institut des sciences mathématiques


André Ross Université du Québec à Montréal
Case postale 8888, succ. Centre-ville
Montréal (Québec)
H3C 3P8 Canada
redaction@accromath.ca
www.accromath.ca

ISSN 1911-0189
Volume 10 • Été-Automne 2015

Sommaire
DossierMathématiques et lumière
2
La lumière : un éclairage moderne 2
André Ross
Construire un cadran solaire 8
Christiane Rousseau

Vol. 10 • été – automne 2015


DossierGéométrie et probabilités

14
Géométrie intégrale 14
Christiane Rousseau et Guillaume Roy-Fortin

DossierHistoire des mathématiques


La rhétorique mathématique d’Archimède :
où priment les canons de rigueur 20
Marie Beaulieu et Bernard R. Hodgson

DossierPortrait d’un mathématicien


Karl Weierstrass 26
André Ross 1

Rubrique des Paradoxes


Mais qu’est-ce que j’ai fait ? 30
Jean-Paul Delahaye
Solution du paradoxe précédent 31
Jean-Paul Delahaye

Section problèmes 32

20
30
La lumière :
un éclairage moderne
La compréhension d’un phénomène est indissociable de la construction
d’images mentales qui aident à réfléchir et à structurer les connaissances.
Cette construction d’images se fait principalement par analogie avec des
phénomènes déjà expliqués et bien compris. Quelle analogie retenir pour
décrire la lumière, onde ou corpuscule ?
Vol. 10 • été – automne 2015

André Ross Dans la théorie corpusculaire de la lumière


Professeur retraité
élaborée par Isaac Newton (1643-1727), il
est facile de raisonner par analogie. Les cor-
puscules de lumière sont de petites billes,
microscopiques, qui se déplacent en ligne
droite, comme tout projectile. Quelques
ombres au tableau : si la lumière est consti-
tuée de particules, le contour de l’ombre d’un
objet devrait être une ligne clairement défi-
nie alors qu’en réalité ce contour est flou. Les
défenseurs de la théorie corpusculaire ont
2 alors supposé que la trajectoire de la corpus-
cule était déviée au voisinage de l’objet par Crédit : Davide Restivo, Aarau, Switzerland (Drops #1)
une force répulsive exercée par celui-ci. [CC BY-SA 2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)],
via Wikimedia Commons
Une autre conséquence troublante de cette
théorie est que, pour expliquer la réfraction, Il y a d’autres considérations qui rendent
la lumière doit se propager plus rapidement cette théorie difficile à accepter. À l’époque
dans un milieu plus dense, c’est-à-dire plus de Huygens, elle nécessite beaucoup de
rapidement dans le verre que dans l’air et manipulations géométriques pour décrire
plus rapidement dans l’eau que dans l’air, par et prévoir le comportement de la lumière.
exemple. L’algèbre et l’analyse infinitésimale ne sont
pas encore suffisamment développées pour
Théorie ondulatoire décrire efficacement les concepts de la théorie
DossierLumière

Dans la théorie ondulatoire de la lumière ondulatoire. De plus, on sait, depuis les


développée par Christiaan Huygens travaux de Robert Boyle (1627-1691), que
(1629-1695), la lumière est une onde. On le son ne se transmet pas dans le vide.
peut se construire une image mentale par Comment une onde lumineuse pourrait-elle
analogie à la propagation d’une onde à la se propager dans le vide ? Les défenseurs de
surface de l’eau, à la différence que l’onde la théorie ondulatoire ont fait l’hypothèse
lumineuse, comme l’onde sonore, se propage que pour se propager, l’onde lumineuse a
dans toutes les directions, pas seulement dans besoin d’un support qui fut appelé éther1.
un plan. Le front d’une onde lumineuse est
donc sphérique. Cependant, pour expliquer 1. Éther est le nom donné par Aristote à
la substance incorruptible qui, dans sa
les phénomènes avec cette théorie, il faut théorie, remplissait l’espace supralunaire.
considérer que chaque point d’un front Cette substance a également porté le nom
de quintessence, ou cinquième élément,
d’onde se comporte comme une nouvelle complétant la liste des quatre éléments
source de lumière. Cette représentation n’est d’Empédocle associés par Platon à quatre
pas intuitivement évidente. des corps réguliers.
La lumière : un éclairage moderne | André Ross • Professeur retraité

L’existence d’un tel support était en accord réfraction, il le nomme « rayon


avec la théorie de l’impossibilité du vide héri- ordinaire » et l’autre se com-
tée d’Aristote (~384 à ~322). Cependant, les porte différemment, il le
travaux d’Evangelista Torricelli (1608-1647), nomme « rayon extraordinaire ».
de Blaise Pascal (1623-1662) et de Robert Plus intriguant, en faisant
Boyle ont clairement montré que le vide n’est tourner le cristal, l’image ex- 101°53’
pas impossible. traordinaire disparaît lorsque
Dans la théorie de Huygens, la réfraction le trait tracé sur la feuille est
est expliquée en supposant que la lumière orienté suivant la bissectrice
voyage moins vite dans le verre que dans l’air. des angles obtus du cristal. Placé parallèlement à la bissectrice
Cependant, Huygens ne disposait pas des Mais, comment expliquer un tel de l’angle obtus, le trait n’a qu’une
outils mathématiques qui lui auraient permis comportement de la lumière ? seule image.

de rendre cette théorie facilement accessible Pour que l’image se dédouble,


et entièrement convaincante. Le rayon lumineux se dédouble
il faut qu’en traversant le
en traversant le cristal.
Le prestige de Newton a favorisé l’adoption cristal le rayon lumineux se

Vol. 10 • été – automne 2015


de la théorie corpusculaire par la plupart des dédouble en rayon ordinaire
savants. et en rayon extraordinaire,
comme dans l’illustration de la
Biréfringence dans un cristal marge de droite.
Le phénomène appelé « biréfringence d’un Huygens s’attaque au problème
cristal » a été observé en 1669 par le médecin Rayon Rayon
et échafaude une explication extraordinaire ordinaire
danois Érasme Bartholin (1625-1698). Ayant basée sur le fait que la déviation
ramené un prisme de calcite d’un voyage en du rayon extraordinaire présente les mêmes
Islande2, il remarque un phènomène étonnant. symétries que les faces naturelles de la cal-
Le prisme a pour effet de dédoubler les cite. Il suppose que le cristal est constitué de
images des objets sur lesquels on le pose. petites masses, des molécules, disposées
Ainsi, en posant le cristal sur une feuille de symétriquement et invisibles à l’œil nu. Ces 3
papier marquée d’un trait, celui-ci se dé- molécules font dévier le front d’onde, ce
double. et on voit deux traits. qui donne le rayon extraordinaire. Le rayon
ordinaire se propage sans déviation dans
« l’éther  » emplissant l’espace entre ces
101°53’ molécules. Huygens fait diverses mesures sur
l’angle de déviation et l’orientation du cristal
par rapport à l’objet dédoublé. Cependant,
sa théorie explique seulement une partie des
phénomènes observables. En superposant
deux cristaux de calcite, divers phénomènes
L’image d’un trait vu au-travers d’un
cristal de spath d’Islande est dédoublée.
se produisent que Huygens s’avoue incapable
d’expliquer.
Newton saisit l’opportunité de démontrer
Bartholin suppose que ce dédoublement
la supériorité de sa théorie corpusculaire
des images résulte d’une double réfraction3.
et, en 1703, il publie Optique, dans lequel il
Un des rayons suit les lois habituelles de la
explique avoir repris les expériences et
2. Le spath d’Islande est une variété trans-
effectué les mêmes mesures que Huygens,
parente de calcite. C’est un cristal rhom- mais en parvenant à des résultats différents
boédrique dont les six faces sont des et conformes aux prévisions de la théorie
parallélogrammes avec un angle obtus de
101°53’. corpusculaire. Cette parution discrédite
3. Tous les cristaux, sauf ceux d’un réseau complètement la théorie ondulatoire qui,
cubique, ont cette propriété de double selon les mesures obtenues par Newton, n’est
réfraction, mais ils sont plus facilement
détectables dans un réseau rhomboédrique. pas conforme à l’expérience et les scienti-
Sur les réseaux cristallins, voir Cristaux fiques adoptent la théorie corpusculaire.
de Christiane Rousseau dans Accromath,
été-automne 2014.
DossierLumière

Coup de théâtre en 1802, le chimiste et le père de la cristallographie, René-Just Haüy


physicien anglais William Wollaston (1766- refait lui aussi les mesures de la réfraction
1828), sans que l’on sache pourquoi, dans un cristal et, comme Wollaston, parvient
reprend les expériences et vérifie les mesures aux mêmes résultats que Huygens.
de Newton en appliquant une méthode
de mesure des indices de réfraction qu’il a De la biréfringence
lui-même développée. À la surprise générale, à la polarisation
il parvient aux mêmes résultats que Huygens. Pour résoudre l’énigme posée par la biré-
fringence, l’Institut des Sciences, à Paris,
Les fentes annonce, en janvier 1808, un concours dont
de Young le prix sera attribué au mémoire :
Le premier à véritablement
remettre en question la
qui donnera de la double
théorie de Newton est le réfraction que subit la lumière
savant anglais Thomas en traversant diverses
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Young (1773-1829).
substances cristallisées,
Il conçoit une expérience
qui est appelée expérience une théorie mathématique
des fentes de Young vérifiée par l’expérience.
Young02. En éclairant une
plaque opaque percée En cette même année, le polytechnicien
d’une minuscule fente, on Étienne-Louis Malus observe, au-travers d’un
voit une bande claire sur un écran de l’autre prisme de calcite, les rayons du Soleil réfléchis
côté de la plaque. par une vitre du palais du Luxembourg et
remarque qu’un seul rayon traverse le cristal.
Si la plaque est percée de deux minces fentes,
Malus entreprend alors une série d’ex-
on s’attend à voir apparaître deux bandes
périences pour étudier la double réfraction.
4
claires, mais on voit une alternance de bandes
Il tente une explication dans un mémoire
claires et obscures. Dans son compte-rendu,
intitulé Sur une propriété des forces répul-
Young a recours à la théorie ondulatoire pour
sives qui agissent sur la lumière et présenté
expliquer le phénomène. Cette expérience n’a
en 1809. Dans ce mémoire, il base son étude
pas suffi à remettre sérieusement en question
sur la théorie corpusculaire et reprend une
la théorie corpusculaire parce que les conclu-
idée de Newton à l’effet que les corpuscules
sions de Young sont surtout qualitatives.
de lumière ont une forme. Il peuvent donc
Elles ne se fondent pas sur des descriptions
se décrire par rapport à trois axes perpendi-
et des développements mathématiques
culaires entre eux dans l’espace, dont l’un a
(pour une approche légèrement
Expérience mathématique, voir Young03).
la même orientation que le rayon lumineux
alors que les deux autres sont dans le plan
de polarisation De plus, pour qu’une expérience
ait un impact auprès de la com-
perpendiculaire et peuvent pointer dans
diverses directions.
Prenez deux verres de lunettes munauté scientifique, d’autres
de soleil polaroïd et superposez- chercheurs doivent y voir une Malus explique que la double réfraction
les. Vous voyez au-travers. piste importante à explorer, refaire est causée par l’orientation des « molécules
Faites tourner l’un des verres les expériences et en dévelop- constituantes »4 du milieu cristallin par
de 90°, la lumière ne passe per d’autres pour apporter une rapport aux « molécules lumineuses ». En
plus. Pas besoin d’acheter les meilleure compréhension. Pour 1811, il explique que des forces agissent sur
lunettes, vous pouvez faire entreprendre un tel projet, il les deux pôles de la molécule de lumière
l’expérience dans un magasin faut préalablement douter de la
en prenant deux paires de validité de la théorie acceptée par 4. L’appellation « molécules constituante »
est due à René-Just Haüy qui était égale-
lunettes. la communauté scientifique. Le ment membre de l’Académie des sciences
doute s’installe en 1804 alors que à cette époque.
La lumière : un éclairage moderne | André Ross • Professeur retraité

sans affecter son centre de gravité. Cette Sciences en 1819, en réponse au


action est similaire à celle du magnétisme concours lancé en 1817 et dont Diffraction, bord
terrestre sur l’aiguille aimantée d’une boussole. le sujet porte sur la diffraction d’un corps opaque
Malus donne un nom au phénomène étudié, la de la lumière, que Fresnel expose
« polarisation de la lumière ». ses théories. Il fait alors face à de
rudes adversaires, entre autres,
L’entrée en scène de Fresnel Pierre-Simon de Laplace (1749-
Indépendamment de Young, le français 1827) et Siméon-Denis Poisson
Augustin Fresnel (1788-1827) Fresnel01, (1781-1840) qui sont partisans
avec des moyens de fortune, entreprend de la théorie corpusculaire de
lui aussi de réaliser des expériences sur la Newton. Il compte cependant
lumière. Il étudie d’abord les franges claires sur quelques alliés précieux, Le trait noir représente la limite
et obscures à l’intérieur et à l’extérieur de François Arago et André-Marie de l’ombre géométrique obtenue
l’ombre géométrique d’un corps opaque, un Ampère (1775-1836). par l’intersection avec l’écran
fil en l’occurence Fresnel02. Il observe des droites partant de la source
Fresnel remporte ce concours,

Vol. 10 • été – automne 2015


une alternance de bandes obscures et lumi- et passant par le bord du corps
mais les phénomènes optiques ne
neuses aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur opaque.
sont pas encore tous expliqués.
de l’ombre géométrique. C’est le cas de la polarisation de Corps
Tout comme Young, Fresnel a recours à la la lumière. Fresnel sait que pour opaque Écran
théorie ondulatoire pour expliquer les phé- que sa théorie soit véritablement Source
nomènes qu’il observe. Cependant, il utilise adoptée par la communauté
des outils mathématiques comme le calcul scientifique, il doit réussir à Limite
géométrique
différentiel et intégral pour décrire et expliquer expliquer ce phénomène. Depuis
cette alternance de franges claires et 1816, il s’intéresse à la polarisation
obscures. En 1815, il présente un mémoire et soumet ses expériences à la critique d’Arago.
à l’Académie décrivant son travail sur la Celui-ci lui a fait attribuer un poste à Paris
diffraction. C’est François Arago (1786- au service des phares. Ensemble, ils ont 5
1853) qui se voit confier la responsabilité refait les expériences de Malus,
d’étudier le mémoire. Celui-ci remarque une de Biot et de Brewster et sont Onde longitudinale
caractéristique qui lui semble importante pour parvenus aux mêmes résultats.
établir la validité de la théorie ondulatoire. Ils ne détectent rien de nouveau
Les franges ne sont pas droites mais courbes, jusqu’à ce qu’ils décident d’ob-
elles forment des segments d’hyperboles. Un server comment interfèrent deux
tel comportement n’est pas explicable par la rayons, l’un ordinaire et l’autre
théorie corpusculaire puisque le corpuscule extraordinaire. À leur grande stu- Direction de l’onde
se déplace en ligne droite. Arago recom- péfaction, il n’y a pas de franges
mande à Fresnel de poursuivre les recherches d’interférence. Pour parvenir à Onde transversale
dans cette voie et de réaliser d’autres expé- l’expliquer, Fresnel adopte une
riences avec de la lumière monochromatique, suggestion d’Ampère, la lumière
c’est-à-dire de la lumière composée d’une n’est pas une onde longitudinale,
seule couleur, et donc d’une seule fréquence. c’est une onde transversale et
En 1817, l’Académie lance un nouveau l’onde du rayon extraordinaire
concours et Fesnel met au point d’autres est perpendiculaire à celle du
protocoles expérimentaux à l’aide de miroirs rayon ordinaire. En utilisant Direction de l’onde
et de lentilles pour réaliser des expériences cette hypothèse, Fresnel réussit,
analogues à celle des fentes de Young en 1821, à donner une explication satisfai-
Fresnel03. sante de la polarisation dans le cadre de la
Les mesures effectuées par Fresnel lui théorie ondulatoire Fresnel04.
ont permis de développer une description
mathématique très précise accréditant la
théorie ondulatoire de la lumière. C’est
dans un mémoire soumis à l’Académie des
DossierLumière

La vitesse Dualité onde-particule


Un éclairage de la lumière La théorie ondulatoire a graduellement
moderne Une autre caractéristique impor- remplacé la théorie corpusculaire au cours
La lumière est décrite comme
tante de la lumière est sa vitesse. du XIXe siècle. L’explication de la polarisation
une onde électromagnétique,
Est-elle finie ou infinie ? Si elle est de la lumière à l’aide de la théorie ondula-
le champ électrique, seul
finie, est-elle plus grande ou plus toire par Fresnel, en 1821, et les expériences
perceptible par l’œil, oscille
petite dans un milieu plus dense ? de Foucault et Fizeau sur la vitesse de la
aléatoirement dans toutes les
lumière dans l’air et dans l’eau ont été
directions du plan perpendi- Selon Aristote, la lumière se propage
déterminantes dans cette reconnaissance par
culaire à la direction du rayon instantanément, ce qui signifie une
la communauté scientifique.
lumineux. Dans la lumière vitesse infinie. Galilée (1564-1642)
polarisée linéairement, le est le premier à tenter de mettre En 1861, James Clerk Maxwell (1831-1879),
champ électrique oscille dans au point une expérience pour s’appuyant sur les travaux de Michael Faraday
une seule de ces directions. démontrer que cette vitesse est publie, dans Philosophical Magazine, un article
finie, mais il ne disposait pas des intitulé On Physical Lines of Force. Il y décrit
moyens techniques pour y parvenir. la lumière comme étant un phénomène élec-
Vol. 10 • été – automne 2015

Lu
mi
En 1676, en observant les éclipses du tromagnétique. Il présente un ensemble
ère
na satellite Io de Jupiter, l’astronome d’équations, appelées équations de Maxwell,
tur
elle danois Ole Christiansen Rømer quatre équations différentielles qui unifient
(1644-1710), a réussi à montrer l’électricité, le magnétisme et l’induction. Il
que la vitesse de la lumière est finie démontre que les champs électriques et ma-
Lu
mi en déterminant le temps nécessaire gnétiques se propagent dans l’espace sous la
ère
po
lar pour que la lumière parcoure le dia- forme d’une onde et à la vitesse de la lumière.
isé
e mètre de l’orbite terrestre autour
z
du Soleil H Rømer02. Le diamètre
de cette orbite n’étant pas connu
à l’époque, il ne pouvait calcu- x
y
6 ler la vitesse de la lumière, mais ses travaux
démontraient clairement que cette vitesse Une onde électromagnétique est constituée
d’un champ électrique (en bleu) et d’un champ
est finie. magnétique perpendiculaire (en rouge). Dans
Arago conçoit des protocoles expérimentaux une onde lumineuse, seul le champ électrique
qui devraient permettre de déterminer la est perceptible par l’œil.
vitesse de la lumière. Ne pouvant les réaliser
La théorie corpusculaire semble alors
lui-même il les communique à Hippolyte
complètement dépassée, mais en 1839,
Fizeau (1819-1896) H  Fizeau02 et à Léon
Antoine-Henri Becquerel (1788-1878) et
Foucault (1819-1868) H  Foucault. Ces deux
son fils Edmond (1820-1891) réalisent une
savants français sont les premiers à réaliser
Lentille de Fresnel, expérience qui permet d’observer le compor-
phare de Pointe-au-Père,
des expériences permettant de calculer cette
tement électrique d’électrodes immergées
Pierre Ross vitesse dans l’air. Ils ont ensuite cherché à
dans un liquide modifié par un éclairage.
déterminer la vitesse
Il découvre ainsi un comportement appelé
de la lumière dans l’eau;
effet photoélectrique.
Foucault y parvient
le premier en 1850. Il En 1905, Albert Einstein (1879-1955) explique
montre que la vitesse l’effet photoélectrique, soit l’émission d’élec-
de la lumière est plus trons par un matériau soumis à un rayon
grande dans l’air lumineux, en postulant l’existence de photons,
que dans l’eau. Cette qui seraient des grains d’énergie lumineuse
démonstration est un ayant des propriétés de particules. L’effet
argument important photoélectrique est provoqué par l’absorption
en faveur de la théorie de photons, les quanta de lumière, lors de
ondulatoire de la lumière. l’interaction du matériau avec la lumière. La
fréquence n de la lumière est liée à l’énergie E
La lumière : un éclairage moderne | André Ross • Professeur retraité

par la relation, E = hn, où h = 6,626 × 10–34 J⋅s, Pour réussir à rendre acceptable cette dualité,
est la constante de Planck (Max, 1858-1947). on a recours à une analogie, celle de l’ombre
Cette explication valut à Einstein le prix projetée par un cylindre sur des murs perpen-
Nobel de physique en 1921. diculaires. Sur un des murs, la projection est
La nature corpusculaire de la lumière refait un rectangle et sur le mur perpendiculaire,
surface et, en 1924, Louis de Broglie généra- la projection est un cercle. Tout comme
lise la relation de Planck-Einstein en énonçant les ondes et les particules, ces deux figures
que toute matière a une nature ondulatoire. géométriques n’ont pas du tout les mêmes
Il décrit par l = h/p, la relation entre la quantité propriétés. Cette analogie suggère que la
de mouvement p d’une particule et la longueur vraie nature de la lumière nous échappe
d’onde l de ce mouvement. La relation de de toujours. Tout comme dans le métaphore de
Broglie a depuis été confirmée expérimenta- la Caverne de Platon, les phénomènes que
lement. nous observons ne sont-ils que l’ombre de la
Les recherches se sont poursuivies et réalité ?
l’expérience des fentes de Young a été réalisée

Vol. 10 • été – automne 2015


en diminuant l’intensité de la source de telle La Caverne de Platon
sorte que la lumière soit émise photon par Pour exposer sa théorie de l'acquisition des connaissances, Platon
photon. Sur une plaque photographique a recours à une allégorie. Des hommes enchaînés au fond d’une
qui sert d’écran, chaque photon a alors un caverne ne peuvent tourner la tête et ne perçoivent que les ombres
point d’impact, ce qui s’explique facilement d’objets projetés sur le mur qui leur fait face par un feu situé à
en considérant que le photon est une parti- l’entrée de la caverne.
cule. Cependant, à mesure que les photons Si on libère un de ces hommes et qu’on le force à sortir de la
frappent l’écran, les points d’impact forment caverne, il sera d'abord ébloui par la lumière à laquelle il n’est pas
des franges d’interférence caractéristiques habitué et résistera aux changements. Cependant, s’il persiste,
des ondes. il pourra voir le monde dans sa réalité. Si on le force à retourner
Comment interpréter cette expérience ? Si auprès de ses semblables, ceux-ci, incapables d'imaginer ce qu’il a
on considère que la lumière est une onde, compris, le recevront très mal et refuseront de le croire. 7
les points d’impact sur la plaque photogra- La Caverne désigne le monde sensible dont le philosophe doit se
phique sont inexplicables. Si on considère détourner pour accéder au monde des idées par la raison. Platon
que la lumière est composée de particules, montre par cette allégorie que l’acquisition de la connaissance
les franges d’interférence sont inexplicables. demande un effort constant. Les hommes ne peuvent accéder à la
vérité uniquement par leurs sens, qui ne transmettent que l’ombre
La métaphore du cylindre
de la réalité. Celui qui a acquis la connaissance et veut la partager
On est forcé d’admettre le concept onde- avec ses contemporains peut se heurter à l’incompréhension
particule, ce qui laisse perplexe. Comment et parfois à l'hostilité de ceux qui se sentent bousculés dans le
construire une représentation mentale de ce confort de leurs habitudes.
concept ? Les propriétés des particules sont
différentes de celles des ondes.
Qui de nous n’a pas déjà regardé le soleil pour une évaluation sommaire
du temps à notre disposition avant la tombée de la nuit ?
Avant l’avènement des horloges mécaniques et, plus récemment,
des montres et horloges digitales, l’homme a longtemps utilisé le soleil pour
savoir l’heure. En témoignent les nombreux cadrans solaires que l’on peut
observer lorsque on parcourt la planète. Comment sont-ils construits ?
Christiane Rousseau Il existe de nombreux types de cadrans so- Une première contrainte
Université de Montréal
laires : cadran vertical, horizontal, équatorial, On veut que, quelle que soit la hauteur du
etc. Il peut sembler simple de construire un Soleil au midi solaire, l’ombre du style soit
cadran solaire : il suffit de planter un bâton toujours le long de la même ligne dessinée
Vol. 10 • été – automne 2015

dans la Terre et de tracer sur le sol les lignes sur le cadran. Puisqu’au midi solaire le Soleil
de l’ombre du bâton aux différentes heures. est dans le plan méridien Pm du lieu, si le style
On pourrait faire la même chose avec un est aussi dans ce plan, alors l’ombre du style
élément porte-ombre, aussi appelé style ou sera dans ce plan. On a donc identifié notre
gnomon installé dans un mur. Effectivement, première contrainte : le style doit être dans le
le lendemain à midi, l’ombre du bâton ou du plan méridien du lieu.
gnomon sera sur la ligne que vous aurez tracée
la veille à midi. Mais en sera-t-il encore de Et les autres heures ?
même quelques mois plus tard lorsque le Que signifie qu’il est 11h solaire en un lieu
Soleil ne sera plus à la même hauteur dans donné ? La Terre fait un tour sur elle-même,
le ciel parce qu’on a changé de saison ? soit une rotation de 360 degrés, en 24 heures.
On comprend vite que pour qu’un cadran En une heure, la Terre tourne sur elle-même
8
solaire soit exact toute l’année, il faut être de 15 degrés.
précis dans sa construction.
Il est 11h solaire 
Un cadran en un lieu donné 
solaire indique
l’heure solaire. quand il est midi
Qu’est-ce que l’heure en un lieu situé
solaire ? Commençons par 15 degrés de longi-
le midi solaire en un lieu tude plus à l’est.
donné sur la Terre. C’est
le moment de la journée Il est 13h solaire, lorsqu’il
où le Soleil est le plus est midi dans un lieu situé
DossierLumière

haut dans le ciel. Concrè- 15 degrés de longitude plus


tement, cela correspond à l’ouest, etc.
au moment où le Soleil 

passe dans le plan mé-
ridien du lieu.
Construire un cadran solaire | Christiane Rousseau • Université de Montréal

Mais, le Soleil est très loin


Pm P11h La construction
de la Terre… Alors, lorsqu’il élémentaire d’un
est 11h solaire, on peut cadran solaire
presque dire que le Soleil On installe le plan du cadran
est dans un plan P ‘ fai- et on fixe sur le cadran le
sant un angle de 15 degrés style, de telle sorte qu’il soit
avec le plan méridien Pm parallèle à l’axe de la Terre. Le
du lieu. Appelons P ‘ le plan style doit pointer vers le nord
horaire de 11h. L’intersec- et faire un angle de 90° – f
tion de ce plan avec le plan avec l’horizontale, où f est
méridien est une droite la latitude. Ensuite, par une
parallèle à l’axe de la Terre. belle journée ensoleillée, on
Pour que l’ombre du Soleil trace sur le cadran les lignes
soit toujours le long de la de l’ombre portée du style à
même ligne à 11h solaire chaque heure du jour. Mais,

Vol. 10 • été – automne 2015



tout au long de l’année, le attention  ! Il faut utiliser
style doit être dans le plan P11h l’heure solaire et non l’heure
Pm
P ‘. Comme le style doit de votre montre. Vous au-
aussi être dans le plan P, rez deviné que, lorsque nous
le style doit être parallèle à sommes à l’heure avancée,
la droite d’intersection des l’heure officielle n’est plus
deux plans. l’heure solaire. Il existe une
Le style doit deuxième cause d’erreur  :
donc être l’heure solaire dépend exac-
parallèle à l’axe tement de la longitude du lieu
de la Terre ! P' et il faut ajuster dès qu’on se

déplace vers l’ouest ou vers 9
Mais, alors on a gagné ! Le l’est. Il existe une troisième
style se trouve simultané- cause d’erreur, beaucoup plus
ment dans tous les plans Sur la figure on voit aussi un
cadran vertical. En fait, comme subtile : l’équation du temps1.
horaires. La contrainte il est décollé de la Terre, le style Nous y reviendrons ci-dessous.
que le style soit parallèle à pointera vers le sud.
l’axe de la Terre est la seule
contrainte incontournable. Les autres sont
plus des questions pratiques. Par exemple, 1. Voir aussi « L’équation du temps », Accro-
math 8, été-automne 2013.
on a intérêt à installer un cadran solaire dans
un endroit où le style recevra le Soleil le plus
longtemps possible pendant la journée.

Construire un
Cadran solaire
DossierLumière

Peut-on tracer les lignes Les plans horaires sont perpendiculaires au


horaires avant d’installer plan équatorial et font des angles de 15°
le cadran ? entre eux. Le plan du cadran fait un angle f
Oui ! Mais à condition de avec le plan équatorial. Soit a l’angle entre
bien placer le cadran. La un plan horaire et le plan de midi qui est
façon de tracer les lignes du perpendiculaire à la droite D.
cadran dépend du type de
cadran. Rappelons-nous la
règle de base. Les lignes des
heures doivent être dans les
plans horaires qui sont pa-
rallèles aux plans méridiens D
correspondants. Donc, les
lignes des heures sont les
droites d’intersection des plans horaires
Vol. 10 • été – automne 2015

contenant le style avec le plan du cadran.


Le cadran équatorial a c
On voit que tana = et tan f = .
Comme son nom l’indique, le plan du cadran b b
équatorial est parallèle au plan de l’équateur. Soit b l’angle sur le cadran entre le plan
Comme les plans méridiens sont perpendicu- horaire et le plan de midi. Alors, on a
a a
laires au plan de l’équateur, c’est également tan b = =
le cas des plans horaires. Les angles entre deux
2
b +c 2  c2 
b 2 1+ 2 
lignes horaires consécutives  b 
sont tous de 15 degrés. a 1 tan a
On peut donc les dessiner = = .
à l’avance : ces lignes se b c2 1+ tan2 f
10 1+ 2
coupent en un point qui b
est la base du style. Le style
1

 est perpendiculaire au plan
Mais, 1+ tan2 f = . Donc, on obtient
du cadran. cos 2 f
finalement
Au moment d’installer le cadran, il faut faire
tan b = tan a cos f.
attention à le placer dans un plan parallèle
à l’équateur, c’est-à-dire perpendiculaire au On prend pour a des multiples de 15 degrés
style, et à bien orienter la ligne correspon- de part et d’autre de la ligne du midi solaire.
dant à midi.
Le cadran horizontal
Le cadran vertical C’est le même principe et nous vous laissons
C’est le cadran le plus commun. Si les lignes calculer dans la section problèmes que si a
horaires sont tracées à l’avance, alors il faut est l’angle entre un plan horaire et le plan de
installer le cadran orienté plein sud. midi, alors l’angle correspondant b dessiné
Si f est la latitude du lieu sur le cadran est tel que
où le cadran sera installé, tan b = tan a sin f.
alors le style doit faire un
angle de 90° – f avec le
plan du cadran. La ligne
correspondant à midi est
verticale. Calculons la
position des autres lignes
horaires.
Construire un cadran solaire | Christiane Rousseau • Université de Montréal

De l’heure solaire minutes


à l’heure officielle obliquité
ellipticité
15
Tel que mentionné plus haut, il faut ajuster équation du temps
l’heure. Les fuseaux horaires ont une largeur 10

de 15°. Le fuseau de Greenwich est centré 5

sur le méridien de longitude 0, et les autres date

10 ê1

12ê1
11ê1
7 ê1
1ê 1

1ê 1
6 ê1

8 ê1

9 ê1
3 ê1

5 ê1
2 ê1

4 ê1
fuseaux horaires sont en général centrés sur -5
les méridiens de longitude 15, 30, 45, etc. Il -10
y a des exceptions dues, entre autres, au fait
-15
qu’on évite le plus possible de changer de
fuseau à l’intérieur d’un pays ou d’une
province. L’heure officielle est déterminée On obtient donc finalement l’équation
par le centre du fuseau. Ainsi, la longitude de
Montréal est 73,5° ouest, donc à 1,5° à l’est
Heure officielle = heure solaire
du centre du fuseau. Ceci confère à Montréal

Vol. 10 • été – automne 2015


une avance de 6 minutes sur l’heure officielle + correction de longitude (en minutes)
du fuseau. Il est facile d’intégrer la correc- + nombre d’heures d’avance
tion de longitude dans la construction du sur le soleil
cadran : il suffit de décaler les lignes horaires
de 6 minutes. + équation du temps
Il faut aussi bien sûr tenir compte de l’heure
avancée pendant la saison estivale et ajouter
une heure à l’heure lue sur le cadran solaire.
La dernière correction est beaucoup plus
subtile. On s’entend que les jours durent
24 heures mais, en fait, ce n’est que la du-
rée moyenne des jours. La première cause 11
de ce décalage est le fait que la Terre tourne
autour du Soleil sur une ellipse. Lorsqu’elle
est proche du Soleil, autour du 4 janvier, elle On remarque l’analemme sur ce cadran,
va plus vite sur son orbite et les jours sont soit la courbe dessinée par les positions de
plus longs. On accumule un retard sur l’heure l’ombre du style au midi solaire en chaque
officielle pendant cette période. La deuxième jour de l’année. Il permet de faire visuellement
cause du décalage est l’obliquité de l’axe de la correction de l’équation du temps
la Terre. Les détails se trouvent dans l’article mais cela requiert un peu de gym-
« L’équation du temps2 » : on appelle équa- nastique : il faut déterminer sur
tion du temps la différence entre le midi
quel point de l'analemme on
officiel (ou midi moyen) et le midi solaire. Sa
est à midi et appliquer, pour
valeur en tout temps de l’année est donnée
toutes les lignes horaires,
par le graphique en haut à droite qui illustre
le même décalage latéral
bien les deux composantes.
que pour la ligne de midi.
2. Ibid.
DossierLumière

Chaque jour l’ombre de


l’extrémité du style décrit
une conique ou une droite.

Maintenant, poussons la gymnastique un peu


plus loin. Le Soleil est si loin de la Terre que
nous pouvons considérer que le Soleil tourne
autour de la pointe du style. La demi-droite
joignant le Soleil à la pointe du style balaie
donc un cône à peu près en 24 heures. Le
prolongement de chaque demi-droite corres-
Vol. 10 • été – automne 2015

pond précisément aux points qui sont dans


l’ombre portée du style en un instant donné.
Les prolongements de ces demi-droites
décrivent aussi un cône, que nous appelle-
rons le cône d’ombre.

12

Cône d’ombre du style en été.

Et maintenant, nous avons gagné : la courbe


Sur quel type de cadran ? Nous verrons que
décrite par l’ombre de l’extrémité du style
c’est sur tous les types de cadran !
est la courbe d’intersection du cône d’ombre
Pour cela, il nous faut faire un peu de gym- avec le plan du cadran.
nastique, du même type que celle utilisée
lors de l’étude de l’équation du temps3. La courbe d’intersection d’un cône
Imaginons un repère centré au centre de la avec un plan est une conique.4
Terre, dont les axes x et y sont dans le plan
de l’équateur, l’axe x pointant vers la longi- Quelles coniques pouvons-nous obtenir ?
tude 0, et dont l’axe des pôles est vertical.
Alors, pendant une journée, nous voyons le 3. Ibid.
4. Voir «  Les sphères de Dandelin », Accro-
Soleil faire un tour autour de la Terre. math 6, été-automne 2011.
Pendant cette rotation, le Soleil fait un angle
fixe avec le plan équatorial. Cet angle est
appelé la déclinaison. Il varie selon la
saison de –23,5° à 23,5°, prenant la valeur
0 aux équinoxes. La demi-droite joignant le
Soleil au centre de la sphère décrit un cône.
Construire un cadran solaire | Christiane Rousseau • Université de Montréal

Regardons maintenant la situation en hiver


dans l’hémisphère nord.

Cela dépend de la forme du cône, en particulier


de son angle au sommet, et de l’angle du plan
avec l’axe du cône.

Vol. 10 • été – automne 2015


Supposons que l’angle au sommet du cône
soit 2q et que le plan fasse un angle de b
avec l’axe du cône et ne passe pas par le
sommet du cône.
• Si b < q, alors l’intersection est une branche Cône d’ombre du style en hiver.
d’hyperbole.
• Si b = q, l’intersection est une parabole. Il faut rajouter des valeurs absolues pour
• Si b > q, alors l’intersection est une ellipse. couvrir toutes les saisons et les deux hémis-
Il y a aussi le cas limite où la déclinaison est phères. On a donc :
nulle, ce qui correspond à un cône plat (soit • une branche d’hyperbole, si |f |> |d |;
2q = 180°). Dans ce cas-ci, l’intersection est • une parabole, si |f |= |d |;
simplement une droite. • une ellipse, si |f |< |d |. 13
Aux équinoxes, pendant une Puisque la déclinaison ne dépasse pas
journée l’ombre de l’extrémité 23,5° en valeur absolue, alors on est limité
à une branche d’hyperbole (et le cas limite
du style parcourt d’une droite) en dehors de la zone entre les
un segment de droite. tropiques du Cancer et du Capricorne, soit
Regardons maintenant un cadran vertical lorsque | f | > 23,5°. Par contre, entre les tro-
comme sur la figure précédente. Si f piques, on peut observer toute la panoplie
est la latitude du cadran, nous avons vu des coniques selon la saison de l’année.
que le cadran fait un angle de f avec À vous maintenant de déterminer dans la
le plan équatorial, donc un angle de section problèmes la forme des courbes
b = 90° – f avec l’axe du cône d’ombre. décrites par l’ombre de l’extrémité du style
De plus, si d est la déclinaison alors, pour les cadrans équatoriaux et horizontaux,
q = 90° – d. On a donc : ainsi que les conditions particulières (période
• une branche d’hyperbole, si f > d ; de l’année et latitude) pour lesquelles on
peut observer des paraboles et des ellipses.
• une parabole, si f = d ;
• une ellipse, si f < d .
Nous avons triché un peu ici, car nos angles,
tant la latitude que la déclinaison, ont un
signe. Le dessin précédent et les condi-
tions ci-dessus sont valables pour l’été dans
l’hémisphère nord.
Géométrie intégrale
Vous échappez un spaghetti au dessus de la table. Quelle est la probabilité
qu’il intersecte le napperon central ? Un tel problème appartient à la
géométrie intégrale. Pourquoi ? Cela tient au type de réponse obtenue.
Cette probabilité est le quotient du périmètre du napperon par le périmètre
de la table pourvu que le napperon et la table soient convexes !
Et vous verrez que la technique de preuve n’est pas sans intérêt !
Vol. 10 • été – automne 2015

Christiane Rousseau Vendredi soir, vous recevez de la visite imprévue Que signifie « prendre une droite au hasard » ?
Guillaume Roy-Fortin
Université de Montréal
et devez préparer un souper à la dernière minute. La droite est complètement déterminée
Faute de temps, vous convenez de faire par son point podal1, qui est le point de la
des spaghetti, que la hâte vous fait ma- droite le plus près de l’origine. Ce point a pour
lencontreusement échapper sur les jolis coordonnées polaires (r, q). Remarquons que
napperons aux formes géométriques simples q est la direction perpendiculaire à la droite.
que vous aviez déjà sortis. Vous Si on prend la droite au hasard, il est naturel
voici donc à contempler le résultat de demander que q soit uniformément
de votre empressement : des distribué dans l’intervalle [0°, 360°[. Et si on
spaghetti bien droits disper- suppose que la droite coupe le grand disque,
sés de manière aléatoire sur un alors r doit être uniformément distribué
14 napperon elliptique dans lequel dans [0, R2]. La droite coupe le petit disque si
est contenu un petit motif carré. r ≤ R1. La probabilité qu’une droite qui coupe
Au lieu de vous dépêcher de ramasser, vous le grand disque coupe le petit disque est alors
commencez à réfléchir : certains spaghet- P = R1/R2. Remarquons que le petit disque
ti croisent le plus petit carré, d’autres non. est obtenu du grand disque par une homo-
Est-il possible de deviner cette proportion, thétie de rapport
R
du moins en moyenne ? Puisque vos invités P = 1.
arrivent bientôt, cet article vous sauvera R2
du temps et vous fournira la réponse, au Faisons le même exercice avec deux carrés
travers d’un petit voyage dans le monde de la pleins de côtés R1 et R2, de même centre,
DossierGéométrie

géométrie intégrale. Mettez vos pâtes au dont le second est image y


feu et partons à la découverte du problème homothétique du premier.
de Sylvester ! L
On peut se convaincre (r, θ)
Deux exemples simples que la probabilité qu’une r
droite qui coupe la θ
Regardons d’abord un x
y grande forme coupe
petit disque de rayon R1
aussi la petite est encore
R1 à l’intérieur d’un (r, θ) le rapport d’homothétie
grand disque de même r
R2
centre et de rayon R2. θ R
x P = 1.
Prenons au hasard un R2
spaghetti, c’est-à-dire
une droite D, qui coupe R1 1. Voir aussi « Construire une image médicale »,
le grand disque. Quelle R2 Accromath, volume 10.1
est la probabilité qu’elle
coupe le petit disque ?
Géométrie intégrale | Christiane Rousseau, Guillaume Roy-Fortin • Université de Montréal

y Prenons maintenant
L deux ellipses concen- Ensemble convexe
(r, θ) triques dont la petite Un ensemble E est convexe si, pour toute paire de points x, y de
r est une image homo- E, le segment joignant les deux points, que l’on note [x, y], est
θ
x thétique de la grande. inclus dans E.
Cela n’a pas vraiment
de sens de parler Ensemble convexe Ensemble non-convexe
de quotient des longueurs. En revanche, on
E F
peut remarquer que le rapport d’homothétie
y x
est égal au quotient des périmètres des deux
ellipses. De plus, étant donné une direction x y
donnée par un q quelconque, la probabilité
qu’une droite perpendiculaire à cette direction E est un ensemble convexe : F n’est pas convexe, car
coupe la petite ellipse, sachant qu’elle coupe tous les segments [x, y] il existe au moins un
la grande ellipse est encore égale au rapport sont inclus dans E. segment [x, y] qui n’est
pas inclus dans F.

Vol. 10 • été – automne 2015


d’homothétie. Donc, comme c’est vrai pour
tout q,
de E1 (ou E2 ) est la longueur de sa frontière.
la probabilité P qu’une droite qui Nous noterons la frontière de E1 (ou E2) par
coupe la grande ellipse coupe la fr(E1) (ou fr(E2)).
petite ellipse est égale au quotient Considérons des ensembles E1 et E2 tous deux
des périmètres des deux ellipses. convexes. Il semble plausible que la probabilité
E1
P dépende de la géométrie de ces ensembles.
C’est également le cas pour Illustrons cette intuition en considérant les
nos deux premiers exemples, deux exemples ci-contre. E2
avec les deux disques et les Il est légitime de penser que la probabilité Un petit ensemble
deux carrés ! d’obtenir une intersection avec le petit convexe contenu 15
Est-ce encore vrai si le petit ensemble sera plus petite dans le premier dans un gros.
carré n’est pas centré dans exemple que dans le second. Pourquoi  ?
le grand ? Ou pour d’autres S’agit-il du rapport entre les aires respectives
types de formes ? Cela nous des ensembles E1 et E2 ? Du diamètre de ces E2
amène à la question posée par ensembles, ou alors de la distance entre leurs E1
le mathématicien britannique frontières respectives ? Ci-dessous, on mon-
J. J. Sylvester en 1889. trera que c’est le rapport des longueurs des
frontières des ensembles E1 et E2 qui est la Un gros ensemble
Le problème de Sylvester propriété géométrique cruciale dans l’expres- convexe contenu
On considère deux ensembles E1 ⊂ E2 du plan sion de la probabilité ! En effet, on aura : dans un ensemble
de taille comparable.
et la probabilité, P, qu’une droite quelconque
L, prise au hasard et qui coupe E2, coupe aussi P = Prob(L croise E1 | L croise E 2 )
E1. Sous quelle condition cette probabilité Longueur(fr(E1))
= .
est-elle égale au quotient du périmètre de E1 Longueur(fr(E 2 ))
sur le périmètre de E2 ?
Nous verrons que c’est le cas dès que E1 et E2 Paramétrer les droites
sont convexes. Remarquons que le périmètre dans le plan
L1 L2 Le problème de Sylvester porte sur le calcul
de la probabilité qu’une droite L prise au
E2 hasard qui coupe E2 coupe aussi E1. C’est la
probabilité conditionnelle
P = Prob(L croise E1 | L croise E 2 ).
E1
On va transformer cela en un problème
géométrique.
DossierGéométrie

S = [0; 2π] × [0; R]. Regardons maintenant


James Joseph sur la figure l’ensemble H des points
Sylvester (x, y) = (r cos q, r sin q) du plan tels que
1814-1897 r ≤ cos2 q + 0,3
James Joseph Sylvester est admis au Ensemble H
St. John’s College, à Cambridge, en y
1833. Malgré de brillantes études, H
il n’obtient pas de diplôme car, à
x
l’époque, il faut prêter allégeance à
l’Église d’Angleterre pour recevoir un
diplôme et Sylvester, qui est juif, refuse.
À partir de 1838, il enseigne la physique trois ans au University
Ensemble F = f(H)
College de Londres, un des seuls établissements qui n’exerce pas r
de discrimination religieuse. En 1841, il accepte un poste à l’Uni-
Vol. 10 • été – automne 2015

versité de Virginie, mais l’abandonne au bout de trois mois à cause


de conflits avec des élèves. De retour en Angleterre, il ne parvient
pas à trouver un emploi à la mesure de son talent et il pratique le
droit et l’actuariat tout en donnant des cours privés de mathéma- F
tiques. Durant cette période, il fait la connaissance d’Arthur Cayley
qui exerce lui aussi le droit. Quoique de tempéraments différents, 0 π/2 π 3π/2 2π θ
ils deviennent amis et échangent sur des problèmes mathéma-
tiques. Alors, l’image de H par la fonction f est
Toujours attiré par la carrière de professeur de mathématiques, {(q,r ): 0 ≤ r ≤ cos 2 q + 0,3; q ∈ [0;2π ]}.
Sylvester réussit à obtenir un poste au Royal Military Academy
de Woolwich en 1854. Il y demeure jusqu’en 1869, l’âge de la C’est donc l’ensemble situé entre l’axe et le
retraite étant de 55 ans dans cet établissement. En 1877, il graphe de la fonction
16
accepte la chaire de mathématiques du John Hopkins University q  cos 2 q + 0,3 dans le plan (q, r).
et, en 1878, il fonde l’American Journal of Mathematics, soit le
premier périodique mathématique aux États-Unis. En 1884, alors Et on sait calculer son aire par une intégrale.
âgé de 70 ans, il retourne en Angleterre et occupe la chaire de On va appliquer cette idée à notre problème.
géométrie d’Oxford. Il se retire en 1892, souffrant de pertes de Ici, les choses se corsent, car on aura beau-
mémoire et presque aveugle. Sylvester a réalisé d’importants travaux coup d’ensembles... Alors, tenez-vous bien !
sur la théorie des matrices après avoir été sensibilisé à ce sujet lors Regardons l’ensemble E2. Dans le problème
de ses échanges avec Cayley. En particulier, il a utilisé la théorie de Sylvester, on doit regarder l’ensemble des
des matrices pour étudier les géométries de dimension supérieure. droites qui croisent E2. Pour chacune de ces
droites, on considère son point podal. Ceci
nous donne un ensemble de points podaux
On a d’une part le plan ∏ de coordonnées de coordonnées (x; y), que l’on appelle H2.
(x, y), où (x, y) = (r cos q, r sin q), d’autre part, H2 est donc l’ensemble des points podaux
le plan ∏’ de coordonnées (q, r), et la fonction des droites qui croisent E2 : c’est un sous-
f : ∏→∏’ définie par ensemble de ∏. On prend maintenant l’image
de H2 par f, que l’on appelle F2. C’est un
( x , y )  f ( x , y ) = (q, r ).
sous-ensemble du plan ∏’. L’aire de F2 nous
Cette fonction est assez subtile et nous donne alors une forme de « mesure » de la
allons l’explorer un peu. Commençons par taille de l’ensemble des droites qui croisent E2.
remarquer que l’image du disque D de
rayon R par f est simplement le rectangle
Géométrie intégrale | Christiane Rousseau, Guillaume Roy-Fortin • Université de Montréal

On fait la même chose avec E1. On défi- Donc, n(C1∩L) = 2, chaque fois que L croise
nit H1 comme l’ensemble des points po- E1 et n(C1∩L) = 0 sinon. On peut donc se E1
daux des droites qui croisent E1, et convaincre que la moyenne m1 de n(C1∩L)
F1 = f(H1). De nouveau, l’aire de F1 nous donne vaut E2
alors une « mesure » de la taille de l’ensemble aire(F1)
m1 = 2 .
des droites qui croisent E1. aire(D ) Les deux points
d’intersection
Eh bien, la probabilité P cherchée est simple- d’une droite et
D’autre part, par la formule de Crofton, cette
ment le quotient de l’aire de F1 par l’aire de d’un convexe
moyenne vaut peuvent être
F2 : confondus.
Aire(F1) 2
P= . m1 = 1 .
Aire(F2 ) 2π R
Donc,
Mais pourquoi cette probabilité aire(D )
est-elle égale au quotient des aire(F1) = 1 .
2π R
périmètres de E1 et E2 ?

Vol. 10 • été – automne 2015


De même, si C2 est la frontière de E2, et  2
Pour le voir, nous allons faire un détour est sa longueur,
inattendu vers la formule de Crofton. On aire(D )
aire(F2 ) =  2 .
considère une courbe C de longueur , et L, 2π R
une droite de point podal dans le disque D.
En divisant ces deux équations, on obtient le
Quel est le nombre moyen de résultat de Sylvester
points d’intersection entre la P=
aire(F1) 1
= .
courbe C et la droite L ? aire(F2 )  2

Appelons n(C ∩ L), le nombre de points


d’intersection entre la courbe C et la droite L. Morgan William 17
On doit donc calculer la moyenne m de Crofton
n(C ∩ L). La surprise est que ce nombre est
indépendant de la forme de la courbe C et
1826-1915
dépend seulement de  ! La formule de Crofton C’est au Trinity College de Dublin que
dit que ce nombre est égal à Morgan Crofton a étudié les mathé-
matiques. En 1847, il est major de sa
2 promotion, mais n’est pas accepté
m= .
2π R comme « compagnon » car, à l’époque,
l’institution réservait cet honneur aux
(voir la démonstration dans l’encadré).
anglicans et Crofton envisageait de devenir catholique.
Un tel résultat est typique des résultats de
Nommé professeur de philosophie naturelle au Queens College
la « géométrie intégrale », un domaine que
de Galway en 1849, Crofton occupe le poste durant trois ans. Il
le mathématicien irlandais Morgan Crofton a
enseigne ensuite en France dans des collèges dirigés par des Jésuites.
contribué à développer.
De retour en Angleterre, il fait la connaissance de Sylvester, qui
Voyons maintenant comment la formule de occupe la chaire de mathématiques du Royal Military College de
Crofton nous aide à résoudre le problème de Woolwich.
Sylvester. Rappelons-nous que nous devons
En 1869, Sylvester a 55 ans et doit prendre sa retraite, confor-
calculer les aires de F1 et F2. Considérons d’abord
mément à la politique de l’armée. Il recommande Crofton comme
F1. Prenons comme courbe C1 la frontière
successeur. Celui-ci se voit attribuer le poste en 1870 et l’occupe
de E1, et soit 1, sa longueur. Comme E1
jusqu’en 1884, Il se joint alors à l’équipe de professeurs de mathé-
est convexe, une droite L qui croise E1 a
matiques de University College de Dublin. En 1868, il publie On the
deux points d’intersection avec sa frontière
theory of local probability, dans lequel il discute du problème de
(lesquels peuvent éventuellement coïncider).
l’aiguille de Buffon.
DossierGéométrie

Idée de la démonstration
de la formule de Crofton
Notre objectif est de calculer la longueur Il suffit donc de calculer les deux aires. On
d’une courbe C en considérant le nombre a aire(S) = 2pR. Quant à l’aire de G, elle se
d’intersections qu’elle possède avec cha- calcule comme une intégrale
cune des droites L du plan. π2
aire(G ) = 4 ∫ cos θd θ = 2.
0 2
L2(n = 2) r
C

L1(n = 1) G
L3(n = 0)

π/2 π 3π/2 2π θ
Vol. 10 • été – automne 2015

0
Premier cas
C est un segment de droite de longueur . Deuxième cas
Sans perte de généralité, on peut supposer
C est une réunion de segments de droite :
que le segment est sur l’axe des x centré à
l’origine.
C1 Cs
C = C1 ∪ C2 ∪ ... ∪Cs
C2
θ
−l / 2 l/2 C = C1 ∪ ...  ∪Cs, alors,  = 1 + ... +  s .
Soit ni = n(L(q, r), Ci ) le nombre de points
L(r, θ) d’intersection d’une droite L = L(q, r) avec
18
Si le point podal d’une droite L a pour Ci , et n = n(L(q, r)), C ), le nombre de points
coordonnées polaires (q, r), alors on notera d’intersection de L avec C. Alors, la moyenne
cette droite L(q, r). Si L intersecte le segment mi de ni = n(L(q, r),Ci ) vaut
C, alors 2
mi = i .
r   2πR
∈ 0,  ,
cos θ  2  Donc, m = m1 + ... + ms
 2 + ... + 2 s 2
ou encore r ≤ cos θ . = 1 = .
2 2πR 2πR

θ
Cas général
l/2 Pour une courbe générale, on considère
une approximation de la courbe par une
On appelle G l’ensemble des points du réunion de petits segments et on prend la
rectangle S = [0, 2p] × [0, R], dont les limite quand la longeur des segments tend
coordonnées polaires (q, r) satisfont à vers zéro.
l’équation précédente.
Aussi, pour chaque droite L qui coupe C,
C1 Cs
on a n(L, C) = 1. Donc, la moyenne m de
C = C1 ∪ C2 ∪ ... ∪Cs
n(L, C) vaut aire(G)/aire(S). C2
Géométrie intégrale | Christiane Rousseau, Guillaume Roy-Fortin • Université de Montréal
100%

La géométrie intégrale
Regardons l’exemple suivant. prenez une aiguille de longueur < d et vous la laissez
Si f(x) est une fonction positive continue, l’aire sous tomber aléatoirement sur le sol. Quelle est la probabilité
la courbe entre les deux droites x = a et x = b est P que l’aiguille croise l’une des lignes parallèles ?
donnée par
f (x)

A = ∫A f ( x ) dx .
b 
d
a

a b x

Une quantité géométrique, en occurrence l’aire, est


déterminée par un moyen analytique, l’intégrale.
C’est l’expérience qu´a menée le Comte de Buffon

Vol. 10 • été – automne 2015


Cet exemple est typique de la géométrie intégrale :
(1707-1788), qui a obtenu le résultat surprenant suivant :
celle-ci est le domaine des mathématiques qui se sert
la probabilité P de croisement est donnée par
d’outils analytiques, comme par exemple le calcul
différentiel et intégral, pour obtenir des informations
de nature géométrique. Ces informations géométriques
peuvent être déterministes comme une longueur, une Si on répète l’expérience, le rapport entre le nombre
aire, un volume, ou encore probabilistes comme, par d’occurrences c où l’aiguille croise une ligne et le nombre
exemple, la probabilité qu’un spaghetti échappé sur un total de lancers n donne une approximation de P, soit
napperon traverse l’un ou l’autre des motifs géomé- P ≈ c/n. Cela permet d’estimer expérimentalement la
triques contenus dans le napperon. valeur de π :
C’est cependant l’aiguille de Buffon qui est considérée 2n
π≈ .
comme l’acte de naissance de la géométrie intégrale, cd
un domaine qui n’a cessé de prendre de l’expansion 19
depuis ! En fait, avec les outils que nous avons développés,
vérifier la valeur de P devient très simple. Nous vous y
Imaginez un plancher couvert de lignes parallèles qui convions à la section « Problèmes ».
sont toutes à une distance d l’une de l’autre. Vous

Georges Louis Leclerc,


comte de Buffon
1707-1788
Georges-Louis Leclerc est surtout connu pour son œuvre de natu-
raliste. Il s’est consacré très tôt à l’étude des sciences. En 1739, il
est admis à l’Académie des sciences et nommé intendant du Jardin
du Roi. Profitant des ressources offertes par l’établissement qu’il
dirige, il se consacre à l’histoire naturelle.
Dans son Essai d’arithmétique morale publié en 1777, il présente le fameux problème de
l’aiguille.Il montre que la probabilité qu’une aiguille de longueur , lancée sur un parquet
dont les lattes ont une largeur d = , coupe le bord d’une latte est

Dans le cas plus général où les lattes ont une largeur d > , la probabilité est
La rhétorique
mathématique d’Archimède :
où priment les canons de rigueur
La notion de rigueur en mathématiques a connu au fil des âges divers aléas,
se retrouvant tantôt au cœur même de la démarche du mathématicien,
y jouant tantôt un rôle de second plan, voire étant quasi laissée de côté.
D’aucuns soutiendraient volontiers que la fécondité en mathématiques
repose sur un heureux équilibre entre intuition et rigueur.
Vol. 10 • été – automne 2015

À juste titre, Archimède peut être vu comme


illustrant brillamment cette fructueuse symbiose.
Marie Beaulieu Pour le citoyen lambda, à la lumière Rigueur de la démarche
Bernard R. Hodgson
Université Laval
notamment de ses propres expériences déductive
scolaires, les mathématiques sont souvent Le savoir mathématique, aux dires d’Aristote,
perçues comme la quintessence même de repose sur un nombre restreint de concepts
la rigueur intellectuelle, le paradigme de la primitifs à propos desquels certains « faits »
démarche argumentative. Un tel sentiment sont admis gratuitement : il s’agit des axiomes
prend source dans les travaux des Grecs de ou postulats du système. De là, certaines
20
l’Antiquité, où se retrouvent les archétypes affirmations à propos de ces concepts, ou
parmi les plus raffinés de la notion de à propos d’objets plus complexes définis à
démonstration mathématique. Les mathé- partir de ceux-ci, sont établies à l’aide d’une
maticiens de l’« École grecque » faisaient en démonstration s’appuyant sur des « règles
effet déjà preuve d’une extrême minutie et de logique » acceptées comme conformes
se soumettaient volontiers à un formalisme à un raisonnement valide : on aboutit ainsi
strict, influencés en cela par l’un de leurs plus aux théorèmes du système. L’exemple-type
célèbres compatriotes, le philosophe Aristote d’une telle méthode démonstrative est
(~384 - ~322), à qui l’on doit la codification assurément le traité d’Euclide (env. ~325 - ~265)
d’un savoir développé dans le cadre d’un connu sous le titre Les Éléments, dans lequel
système dit hypothético-déductif.

Les Principia de Newton


DossierHistoire

Publiés (en latin) en 1687, les Principes mathématiques de la


philosophie naturelle sont reconnus comme l’un des ouvrages
scientifiques les plus importants de tous les temps.
L’expression « philosophie naturelle », qui renvoie aux philos-
ophes de l’Antiquité, servait encore à l’époque pour désigner
les sciences physiques.
Le traité de Newton, dans un pur style aristotélicien, s’ouvre
sur une série de définitions (quantité de matière, quantité
de mouvement, force, force centripète, etc.), ainsi que sur
des axiomes ou lois du mouvement (les changements dans le
mouvement sont proportionnels à la force motrice; l’action est
égale et opposée à la réaction; etc.). S’ensuivent une série de
théorèmes à propos des lois du mouvement formant les bases de la mécanique classique,
les arguments étant conclus d’un emblématique « Q. E. D. » (quod erat demonstrandum –
« ce qu’il fallait démontrer »).
La rhétorique mathématique d’Archimède | Marie Beaulieu, Bernard R. Hodgson • Université Laval

les connaissances mathématiques de son Le cas d’Archimède, l’un des auteurs les plus
époque, en géométrie et en théorie des prolifiques de l’Antiquité, est particulière-
nombres, font l’objet d’une présentation ment fascinant quand on cherche à démêler,
systématique et quasi exhaustive. sur le plan mathématique, la place de la
Il est intéressant de noter que l’influence rigueur et celle de l’intuition. Ainsi, on ne peut
d’Aristote se fait sentir même plusieurs qu’admirer la démonstration irréfutable qu’il
siècles plus tard. Ainsi, la « méthode aristo- donne de l’expression de l’aire d’un cercle
télicienne » d’exposition du savoir est celle comme le produit de son rayon et de son
privilégiée par Isaac Newton (1643-1727) demi-périmètre.3 Mais son argumentation ne
dans ses fameux Philosophiae Naturalis nous dit pas pour autant où il avait déniché
Principia Mathematica (voir encadré). Plus cette relation particulière. L’illustre Syracu-
près de nous, le mathématicien (polycéphale) sain semble d’ailleurs être demeuré muet à
Nicolas Bourbaki1 a voulu, un peu à l’instar ce sujet.
d’Euclide en son temps, proposer un exposé Néanmoins, pour certains autres de ses
exhaustif et rigoureux de l’ensemble des résultats, Archimède s’est plu à dévoiler les

Vol. 10 • été – automne 2015


connaissances mathématiques au 20e siècle. stratagèmes dont il usait afin de soutenir son
intuition mathématique. C’est précisément
Entre rigueur et intuition ce qu’il fait dans son traité La méthode, où
L’approche privilégiée par Aristote n’est il décrit une approche relevant de la méca-
certes pas la seule, ni forcément la meilleure, nique qui lui a permis notamment d’identifier
pour «  faire des maths  ». Plusieurs civilisations, la relation caractérisant l’aire d’un segment
notamment en lien avec ce qu’il est convenu de parabole.4 L’essence de cette approche
d’appeler les « mathématiques orientales » — consiste à considérer une telle figure plane
on peut penser ici à l’Égypte, à la Mésopo- comme composée de segments de droite
tamie ou encore à la Chine de l’Antiquité —, ayant chacun une masse proportionnelle à
n’avaient pas senti le besoin de justifier leurs leur longueur. On compare ensuite les masses
résultats mathématiques en vertu de tels des figures en jeu en accrochant à un levier
canons de rigueur. Certains de leurs ouvrages 21
leur centre de gravité. Toutefois, les « théo-
abondent en méthodes et procédures
rèmes mécaniques » ainsi obtenus ne sont
permettant de résoudre des problèmes
pas considérés par Archimède comme valides
mathématiques divers, mais sans que leur
du point de vue mathématique :
validité soit pour autant justifiée.
On peut aussi penser au rôle des figures Certaines [propositions],
comme support au raisonnement, une d’abord évidentes pour moi par la
approche présente un peu partout au fil des
âges et pouvant éventuellement mener à la mécanique, ont été démontrées
notion de preuve visuelle.2 Ainsi la fameuse après coup par la géométrie,
identité parce que l’investigation par cette
(a + b)2 = a2 + 2ab + b2
méthode est exclusive d’une
est entièrement contenue dans la figure
ci-dessous, qu’il suffit presque de contempler démonstration.5
pour en saisir le « message ». Euclide, cependant,
ne voyait pas les choses de cet œil et sentait 3. Voir Marie-France Dallaire et Bernard R.
le besoin d’en fournir une démonstration Hodgson, « Regard archimédien sur le
en bonne et due forme. Ce a b cercle : quand la circonférence prend une
bouffée d’aire. » Accromath, vol. 8, hiver-
résultat fait l’objet de la b printemps 2013, pp. 32-37.
proposition 4 du Livre II de 4. Voir notre texte « Confidences d’Archi-
ses Éléments (voir la Section mède : où le maître-géomètre divulgue un
a joli truc du métier de son cru. » Accromath,
problèmes). vol. 10, hiver-printemps 2015, pp. 18-23.
5. Paul Ver Eecke, Les œuvres complètes
1. Voir Accromath, vol. 3, hiver-printemps d’Archimède, tome 2, p. 478.
2008, p. 17.
2. À ce sujet, voir entre autres Jean-Paul Dela-
haye, « Preuves sans mots, » Accromath,
vol. 3, hiver-printemps 2008, pp. 14-17.
DossierHistoire

Il lui faut donc fournir une véritable démons- d’identifier facilement le point correspon-
tration mathématique — au sens rigoureux dant à la hauteur de n’importe quel segment
que la communauté grecque de son époque parabolique, et ce, sans avoir à résoudre un
donnait à cette notion — de son résultat problème d’optimisation : le sommet B du
sur l’aire d’un segment parabolique. C’est le triangle d’aire maximale est le point d’inter-
propos de son traité La quadrature de la section de la parabole avec la parallèle à son
parabole, dont la publication est antérieure à axe issue du point D, milieu du segment AC.6
celle de La méthode. Le triangle ABC approxime très grossièrement
Nous voulons maintenant examiner les l’aire du segment parabolique de départ.
grandes étapes de cette démonstration Partant du point B, on obtient deux segments
mathématique qui, sur la base de principes de droite AB et BC délimitant chacun un
géométriques bien établis, vient confirmer nouveau segment
hors de tout doute la validité du résultat dont parabolique (en B
Archimède a eu l’intuition par le biais d’un vert sur la figure A
truc mécanique. ci-contre). On se
Vol. 10 • été – automne 2015

Comment quarrer retrouve alors en


« mathématiquement » position de répé- C
un segment parabolique ter, pour chacune
de ces régions, la
Nous nous intéressons au résultat énoncé
construction d’un
à la proposition 24 de La quadrature de la
triangle inscrit d’aire maximale et dont le
parabole et qui vient clore ce traité d’Archi-
sommet se trouve toujours sur la parabole de
mède :
départ. C’est à partir de ce genre d’observa-
Tout segment délimité par une tions qu’Archimède élabore la démonstration
droite et par une parabole formelle de la proposition 24.
équivaut aux quatre tiers du Procédant comme plus haut, il est donc
22 possible d’inscrire dans les segments parabo-
triangle ayant même base et liques (en vert) de la figure précédente deux
même hauteur que le segment. petits triangles (blancs). D’autres propriétés
particulières des paraboles entrent ici en jeu
Pour bien saisir le triangle dont il est ici afin de montrer qu’en aire, chaque triangle
Axe question, apportons quelques précisions sur blanc vaut le huitième du triangle bleu ABC.7
B
A la terminologie employée par Archimède. Conséquemment, l’aire du nouveau polygone
La base d’un segment parabolique est, sans AaBcC est égale à celle du triangle ABC
D
surprise, le segment de droite délimitant augmentée de Axe
C
cette région — le segment AC dans la figure son quart. Mais a B
ci-contre. Et, de manière analogue à un il se trouve A
triangle, la hauteur du segment parabolique encore quelques c
correspond au point de la parabole qui est petits segments
le plus éloigné de la base — dans la figure, paraboliques (en C
il s’agit du point B d’où l’on peut abaisser vert, et mainte- La parallèle à l’axe de la
la plus grande perpendiculaire sur AC. (Le nant au nombre parabole passant par le
point milieu de BC permet
résultat d’Archimède affirme donc que l’aire de quatre) hors de déterminer le troisième
du segment parabolique vaut les 4/3 de celle du polygone. sommet c du triangle BCc.
du triangle ABC.) On observera qu’avec ces
définitions, le triangle dont il est ici question 6. De fait, c’est de cette manière qu’Archi-
s’avère être le triangle d’aire maximale mède introduit le triangle en cause dans
inscrit dans le segment parabolique — sa son traité La méthode.
hauteur étant elle-même maximale. Mais 7. Archimède fait intervenir ici des propriétés
qu’il rappelle au tout début de son traité
comment situer précisément son troisième (propositions 1 à 5). Il démontre ensuite,
sommet, le point B? à la proposition 21, que le triangle bleu est
précisément l’octuple d’un blanc. Nous
Certaines propriétés des paraboles (voir tenons ici pour acquis ce résultat technique
un peu lourd à justifier.
l’encadré Les Éléments perdus) permettent
La rhétorique mathématique d’Archimède | Marie Beaulieu, Bernard R. Hodgson • Université Laval

Les Éléments perdus


Quoique la propriété des paraboles concernant la à savoir Les coniques d’Apollonius (env. ~262 - ~190).
détermination du triangle d’aire maximale puisse nous Ce dernier a révolutionné en son temps l’étude des
paraître plutôt énigmatique, elle semblait bien connue paraboles, ellipses et hyperboles, les définissant de
à l’époque d’Archimède. Ce dernier énonce d’ailleurs manière nouvelle et regroupant l’ensemble des connais-
quelques propriétés de cette nature au tout début de La sances à leur sujet. Plusieurs pensent même que, par leur
quadrature de la parabole, en simple guise de rappel et grande qualité, les travaux d’Apollonius auraient éclipsé
sans justification autre que de renvoyer le lecteur aux ceux de ses prédécesseurs et que c’est pour cette raison
« Éléments relatifs aux sections coniques » — un traité que malheureusement seules ses recherches aient
attribué à Euclide ou Aristée l’Ancien (env. ~370 - ~300) survécu. Quoi qu’il en soit, la vision des coniques
et maintenant perdu. d’Archimède diffère de celle d’Apollonius à un point
Un autre ouvrage magistral datant de l’Antiquité et tel que plusieurs experts s’entendent pour dire que le
portant sur ces questions nous est cependant parvenu, Syracusain ne devait probablement pas s’y référer.

Vol. 10 • été – automne 2015


Imaginant le processus se poursuivre pour et couramment exécutée par les étudiants du
quelques étapes supplémentaires, on voit cégep —, on pourrait ainsi en conclure que
surgir une famille de polygones Pi , avec l’aire S du segment parabolique est donnée par
P1 = ABC, P2 = AaBcC, etc. Concentrons-
nous sur l’ajout fait lors du passage d’un  1 1 
S = aire(ABC )1+ + 2 + ...
polygone au suivant, c’est-à-dire sur la  4 4 
nouvelle « croûte » qui s’insère à chaque  1  4
étape du processus. On obtient alors = aire( ABC )  = aire( ABC ).
 1− 1 4  3
1
aire(P2 ) − aire(P1)= aire( ABC ),
4 Mais les mathématiques grecques ne sont
1 pas rendues à ce stade… Le raisonnement 23
aire(P3 ) − aire(P2 )= 2 aire( ABC ), par l’infini, et en particulier la sommation
4
d’une telle série géométrique, demeurent des
et plus généralement, chaque ajout étant le
entourloupettes interlopes qui auraient rebuté
quart de l’ajout précédent,
tout honnête géomètre de l’Antiquité. Obtenir
1
aire(Pk +1) − aire(Pk )= k aire( ABC ) l’aire du segment parabolique par une espèce
4 de « passage à la limite », comme on a appris
(voir à ce propos la Section problèmes). L’aire à le faire au fil des siècles, est une approche
du polygone Pk+1 pouvant être vue comme qui ne fait tout simplement pas partie des
la somme de l’aire du triangle initial et de mœurs mathématiques de l’époque.
toutes les couches successives, on a ainsi
L’approche
⎛ 1 1 1⎞
aire(Pk +1) = aire( ABC )⎜1+ + 2 + ... + k ⎟ . archimédienne -212
⎝ 4 4 4 ⎠ Sans avoir à sa disposition la notation
moderne qui est la nôtre, Archimède
Le chemin que n’emprunte comprenait très bien le phénomène
pas Archimède… mathématique sous-jacent à l’aire du
Les observations qui précèdent pourraient polygone Pk+1 inscrit dans le segment
laisser croire qu’Archimède va se lancer — parabolique. Il avait par ailleurs fait une
comme nous le ferions naturellement de nos observation fondamentale, au cœur
jours — dans un processus itératif (infini!) même de la rhétorique de sa démons-
au cours duquel il remplira complètement tration mathématique : le « rythme »
la parabole à l’aide de nouvelles couches auquel les couches successives de disponible bientôt

successives de triangles de plus en plus nouveaux petits triangles viennent


petits, créant ainsi un «  polygone  » dont le bord recouvrir le segment parabolique
se confond avec la parabole. Faisant inter- confirme que le processus suit un
venir une opération aujourd’hui familière — « bon » comportement.
DossierHistoire

En effet, Archimède avait remarqué que les Pour enfin établir l’aire du segment para-
polygones inscrits successivement dans le bolique, l’éminent géomètre a recours à un
segment parabolique sont tels que chaque argument du type double reductio ad absur-
nouvelle couche de petits triangles vient gruger dum, soit une preuve par double contradiction.
plus de la moitié de la région restante : c’est Il suppose que le segment parabolique est
là le contenu de la proposition 20 de La qua- d’abord strictement plus grand que les quatre
drature de la parabole (que nous admettons tiers du triangle inscrit initial, puis, dans un
ici sans justification). En vertu d’un résultat deuxième temps, qu’il est strictement plus
établi par Euclide à la proposition 1 du petit. Dans les deux cas, il aboutit à une
Livre X de ses Éléments, il s’ensuit que les contradiction, ce qui lui permet de conclure
polygones introduits par Archimède dans que les deux aires ne peuvent qu’être égales.
sa construction géométrique en viennent (Voir à ce propos la Section problèmes.)
à « épuiser » la région parabolique. Autre-
ment dit, en langage moderne, les polygones Intuition et rigueur
inscrits «  convergent  » vers le segment chez Archimède
Vol. 10 • été – automne 2015

parabolique, dans le sens où la zone Nous venons donc de conclure la «  démonstra-


comprise entre le segment parabolique et tion géométrique » que présente Archimède
les polygones successifs devient aussi petite pour quarrer un segment parabolique.
que l’on veut. C’est là la base de la méthode Chacune des étapes du discours argumentatif
d’exhaustion qu’Archimède a su si brillamment d’Archimède, développé dans les propositions
mettre à profit.8 18 à 24 de son traité, respecte les normes de
Même si Archimède comprend bien le com- rigueur mathématique de son époque. Or
portement des polygones inscrits, comment certains résultats intermédiaires peuvent
en tirer, de manière rigoureuse, l’aire du segment sembler un peu artificiels, comme parachutés
parabolique en entier? Il s’y attaque de d’on ne sait où. C’est le cas notamment de la
façon fort ingénieuse à la proposition 23 proposition 23, une étape-clé vers la quadra-
qui, en notation moderne, affirme le fait ture de la parabole. Cependant même cet énoncé,
24 malgré la preuve un brin étonnante qu’en
suivant : étant donné des aires A1, A2,…,
An, desquelles A1 est la plus grande et dont donne Archimède, n’est certes pas dépourvu
chacune vaut le quadruple de la suivante de toute trace d’intuition mathématique.
(A1 = 4A2, A2 = 4A3, etc.), on a Archimède «  savait » qu’il devait aboutir
aux quatre tiers du triangle inscrit initial —
c’est justement ce que lui avait appris son
approche mécanique divulguée dans La méthode.
(voir la Section problèmes). Remarquons que Mais comment aller chercher rigoureusement,
cette égalité est en fait une somme finie dans un contexte purement mathématique,
à laquelle est ajoutée une petite quantité ce fameux coefficient 4/3 ? Ici encore on ne
qui garantit que, peu importe le nombre de sait pas quel cheminement  au juste a amené
termes dans la somme, celle-ci prend toujours Archimède à son étonnante proposition 23
la même valeur, soit les quatre tiers de la plus — tant pour ce qui est de l’énoncé que de la
grande aire A1. Cet énoncé peut sans doute démonstration elle-même. Il est cependant
nous paraître un peu étrange, mais il exprime permis de penser que son intuition pour-
le stratagème mis en place par Archimède rait avoir été alimentée par des réflexions du
pour « combler le vide », pour ainsi dire, entre genre suivant.
un polygone inscrit donné et le segment
Quelle serait une façon commode de représenter
parabolique.
les quatre tiers d’une quantité donnée x ?
8. Voir la discussion sur la méthode d’exhaus- Une idée — «  naturelle », soutiendraient
tion dans Marie-France Dallaire et Bernard d’aucuns — peut être de voir un carré partagé
R. Hodgson, « Regard archimédien sur le en quatre parties, chacune valant le tiers de x.
cercle : quand la circonférence prend une
bouffée d’aire. » Accromath, vol. 8, hiver- Dans un tel cadre, la quantité x correspond à
printemps 2013, pp. 34-35. trois de ces petits carrés (en forme de « L », en
rose dans la série de figures), et le carré blanc
de la première figure représente le quatrième
La rhétorique mathématique d’Archimède | Marie Beaulieu, Bernard R. Hodgson • Université Laval

tiers. Si on imagine maintenant ce « L » rose la validité de ses


être réduit par un facteur quatre, il peut être résultats, et qui s’as-
inséré dans le carré blanc sure que ses propos
(voir le « L » bleu), laissant respectent les canons
x/3
ainsi un nouveau petit de rigueur auxquels
carré blanc valant le tiers ses pairs adhèrent.
x/3 x/3 de la région bleue. Bref, il est question
De là il est assez naturel ici du statut d’une
de prolonger le processus démonstration com-
un nombre (fini) quel- me étant lié à l’acte
x/3 social de son accep-
conque de fois, la quantité
à ajouter pour couvrir tation en tant que
x/3 x/3 complètement le grand telle par une com-
carré initial étant le munauté donnée.9
tiers du dernier «  L », Mais il y a aussi Archimède, le prodigieux Dessin de Henri Girardet,

Vol. 10 • été – automne 2015


An An/3
c’est-à-dire le tiers de la ingénieur syracusain (voir illustration au bas de paru dans la revue Le Magasin
A2/3 pittoresque 45 (1877) p. 301.
dernière quantité ajoutée. la page), qui partage ses pensées l’ayant mené D’après une peinture de
A1/3 A2/3 A2/3 Bref, une figure comme la à mettre le doigt sur son résultat. On retrouve Gustave Courtois (1852-1923)
représentant Archimède (détail).
dernière ci-contre, où on dans La méthode des intuitions tantôt phy-
A1/3 A1/3 a ingénieusement disposé siques, tantôt mathématiques, qui le guident
les aires, peut servir de sur le chemin de la découverte, qui viennent
support pour l’intuition de soutenir son inventivité — intuitions dont
manière à imaginer plus facilement comment Archimède se sentira cependant obligé
leur tout forme les quatre tiers de la première de balayer toute trace dans sa preuve dite
aire donnée. « formelle ».
Derrière la quadrature Il est permis de croire qu’Archimède était
de la parabole indubitablement fasciné par le problème de 25
la quadrature de la parabole, puisqu’il en a
Le calcul de l’aire d’un segment de parabole même proposé une troisième démonstration,
par Archimède est l’un des exemples les plus où se mélangent tant des techniques mathé-
riches parmi les découvertes de ce prodigieux matiques différentes de celles discutées ici
géomètre. Le résultat lui-même est d’une que des intuitions nouvelles. Il en sera question
élégance et d’une simplicité remarquables : dans un prochain numéro d’Accromath, où
l’aire d’une parabole est proportionnelle à l’on visera à examiner la portée de chacune
l’aire de son plus grand triangle inscrit. Une des démarches argumentatives proposées Illustration (détail) de Léonard
intégrale ne saurait évoquer cette aire de par Archimède. de Vinci (1452-1519) tirée du
manière aussi limpide! Codex Atlanticus, folio 26v
(v. 1480-1482). On y voit diver-
Mais c’est surtout le double traitement 9. Nous reprenons ici la célèbre formule due ses machines hydrauliques,
que nous en fournit le Syracusain qui est au mathématicien et logicien Yuri Manin dont la « vis d’Archimède »
(1937-   ). Voir à ce propos la section Pour permettant l’élévation d’eau.
instructif, nous offrant l’occasion de nous en savoir plus.
glisser dans l’esprit de l’un des plus éminents
savants de l’humanité. D’un côté se trouve le
grand mathématicien Archimède (voir illus-
tration au haut de la page) qui, dans son traité
La quadrature de la parabole, présente une
démonstration dite « géométrique » du calcul
de l’aire d’un segment parabolique. Elle est
ingénieuse, concise; elle est superbement
exécutée et semble avoir tout pour satisfaire
même les plus exigeants des géomètres
de l’Antiquité. On y voit ici à l’œuvre un
mathématicien dont la rhétorique argu-
mentative vise à convaincre ses lecteurs de
En 1854, un article paraît dans le Journal de Crelle sous le titre
Zur Theorie der Abel’schen Functionen. Cet article révèle à la commu-
nauté scientifique les travaux d’un professeur de mathématiques du
secondaire appelé à révolutionner l’analyse. Karl Weierstrass

Karl We
1815-1897

André Ross
Professseur retraité
de Mathématiciens
Vol. 10 • été – automne 2015

Il y a deux cent ans, le 31 octobre 1815, Conseillé par un ami de la famille, son père
Portraits
naissait le mathématicien allemand Karl consent à financer encore deux années
Weierstrass à Ostenfelde, au nord de d’étude à l’Académie théologique et philo-
l’Allemagne. Son père, Wilhelm, est le sophique de Munster, afin que Weierstrass
secrétaire du maire d’Ostenfelde et il devient puisse obtenir les titres nécessaires à
inspecteur des impôts alors que Karl est âgé l’enseignement secondaire. Dans cette insti-
de huit ans. tution, Weierstrass développe ses aptitudes
Ce travail l’oblige à déménager souvent et, et ses connaissances en mathématiques, en
chaque fois, Karl doit changer d’école. En particulier sur les fonctions elliptiques, avec
26 1829, Wilhelm devient assistant au bureau l’aide du professeur Christoph Guddermann
des impôts de Paderborn et Karl est inscrit au (1798-1852) qui est l’un des premiers à
Theodorianum, le Gymnasium catholique de donner des cours sur ces fonctions.
Paderborn, le plus ancien Gymnasium de la En 1842, Karl Weierstrass entreprend une
ville, fondé en 1612. carrière comme professeur au niveau secon-
Élève très brillant, Karl occupe en même daire. Il poursuit ses recherches sur les
temps un travail de bibliothécaire pour aider fonctions elliptiques et publie quelques
à subvenir aux besoins de la famille. Durant articles dans le journal de son école. Ces
son séjour au Gymnasium, il s’intéresse aux articles sont incompris par ses collègues du
mathématiques. Cependant, son père sou- secondaire et ne sont pas connus des mathé-
haite qu’il fasse carrière dans la fonction maticiens universitaires avec qui Weierstrass
publique et l’oblige à suivre des études de n’a aucun contact.
droit et d’économie. En 1854, Weierstrass publie enfin un article
Déchiré entre ses goûts et la volonté de son dans une revue qui rejoint la communauté
père, Weierstrass ne fréquente guère les salles scientifique, le prestigieux Journal de Crelle1.
de classe. Il fait la fête, pratique l’escrime et Son article Zur Theorie der Abel’schen Func-
étudie les mathématiques. Il complète quatre tionen (La théorie des fonctions abéliennes)
années d’étude à l’Université de Bonn, mais 1. August Leopold Crelle (1780-1855) est un mathématicien
ressort sans diplôme, ne se présentant même et ingénieur en architecture allemand. Il fonda en 1826 le
Journal de Crelle, dont l’objectif était de mettre en relation
pas aux examens de fin d’étude. les différents mathématiciens entre eux, aussi bien en
Figure 1

Dossier
Allemagne qu’à l’étranger.

Figure 2
Karl Weierstrass | André Ross • Professeur retraité

est un résumé de l’essentiel de ses décou- Parmi ses étudiants se trouve une femme,
Intégrale
vertes des quinze années précédentes. Sofia Kovaleskaya, à qui Weierstrass donne
des cours privés car, en tant que femme, elle
elliptique
Cette publication lui vaut la reconnaissance

eierstrass
immédiate de la communauté scientifique n’a pas le droit de s’inscrire à l’Université. Les intégrales ellip-
et l’Université de Königsberg lui décerne un Grâce à son appui, elle obtient le titre de tiques sont ainsi
docteur de l’Université de Göttingen et un appelées car elles
doctorat honoris causa.
poste de professeur à Stockholm. sont apparues dans
les démarches pour
déterminer la longueur
d’un arc d’ellipse.

Vol. 10 • été – automne 2015


En 1856, il publie une version complète de sa Weierstrass a une fin de vie assez pénible.
théorie de l’inversion d’une intégrale hyper- Depuis 1850, il souffre de graves problè-
elliptique, c’est-à-dire d’une intégrale dont mes de santé, des étourdissements et des
la différentielle contient, sous un radical du vertiges. En 1861, il est victime d’une attaque
second degré, un polynôme de degré qui l’éloigne de ses cours pendant un an. De
supérieur à quatre. Plusieurs universités retour en classe, il doit se contenter de dicter
songent alors à la possibilité de lui offrir une ses cours assis, en laissant le soin à un étudiant
chaire de mathématiques. Weierstrass qui n’a d’écrire au tableau.
nullement l’intention de retourner enseigner Deux autres événements vont gravement
au secondaire et rêve d’un poste à l’Université 27
perturber ses dernières années. En 1877, il se
de Berlin, accepte, en juin 1856, la première brouille avec son collègue et ami Kronecker
offre formelle, celle de l’Institut technique de au sujet des découvertes de Georg Cantor
cette ville. Lors d’une conférence à Vienne (1845-1918) à propos des ensembles et de
en septembre, il se voit offrir un poste dans leur cardinalité. Puis son ancienne étudiante
l’université autrichienne de son choix, mais et correspondante, Sofia Kovaleskaya,
pendant qu’il réfléchit à cette offre, son rêve décède en 1891. Très affecté par ce décès,
se réalise. En octobre, l’université de Berlin Weierstrass brûle même toutes les lettres de
lui offre un poste de professeur qu’il accepte Sofia. Il passe ses trois dernières années dans
aussitôt. un fauteuil roulant, et décède le 19 février
À l’université de Berlin, Weierstrass rejoint les 1897 à Berlin.
professeurs Ernst Kummer (1810-1893) et Weierstrass se signale par sa
Leopold Kronecker (1823-1891) et contribue
Définition
volonté d’utiliser l’algèbre pour
à en faire l’université la plus prestigieuse du de la continuité
définir les concepts de l’analyse.
monde dans le domaine des mathématiques. Les principes de la théorie des Bernhard Bolzano (1781-1848)
Les meilleurs étudiants européens y conver- fonctions doivent reposer selon avait développé une définition
gent pour assister aux cours de Weierstrass. assez rigoureuse des limites
lui sur des principes algébriques
Ses cours comportent les applications de vers 1817, mais ses travaux
clairs. Il donne les premières
l’intégrale et des séries de Fourier en phy- restèrent quasi inconnus de
définitions rigoureuses des
sique mathématique, une introduction à la la communauté mathématique
nombres réels, de la limite, de
théorie analytique des fonctions, la théorie pendant plusieurs années. D’au-
la continuité et de la dérivabilité tres mathématiciens éminents,
des intégrales elliptiques et des applications (voir encadré page suivante). comme Augustin-Louis Cauchy
en géométrie et en physique.
(1789-1857), n’avaient que de
vagues définitions de la limite
et de la continuité.
Arithmétisation de l’analyse
Les travaux de Weierstrass sont à l’origine d’une C’est dans cette optique que s’inscrivent les travaux de
démarche qui est appelée arithmétisation de l’analyse. Weierstrass qui réussit à définir la notion de limite d’une
Avant Weierstrass, Cauchy était la référence pour suite sans avoir recours à des notions vagues comme
les définitions de limite, continuité et dérivée. Ainsi, « indéfiniment » ou « quantités infiniment petites ».
la définition de limite par Cauchy est : Il donne de la limite la définition :
Lorsque les valeurs successivement attribuées On dit qu’une suite (un ) de nombres réels admet pour
à une même variable s’approchent indéfiniment limite le réel L si, pour tout réel strictement positif ,
d’une valeur finie, de manière à en différer aussi peu aussi petit que l’on veut, il est possible de déterminer
qu’on voudra, cette dernière est appelée limite un entier naturel n0, tel qu’au-delà du rang n0,
Vol. 10 • été – automne 2015

de toutes les autres. tous les termes de la suite u sont éloignés de L


Considérons, par exemple, la suite : d’une distance inférieure ou égale à ε.

{1, 31 , 91 , 271 , 811 ,..., 31 ...} , où n ∈ .


Sous forme symbolique, la définition de limite d’une
n suite de Weierstrass s’écrit :
L est la limite d’ une suite {x n } si
Chacun des termes est l’image d’un nombre naturel par
la fonction ∀ ε > 0,∃ n0 > 0
1 tel que ∀n ≥ n0 ,| x n − L | < ε.
f (n) = n .
3 Pour pouvoir affirmer que la limite de la suite de notre
dont la représentation graphique est exemple est 0, il faut montrer que pour tout ε > 0, il
28
existe un entier n0 tel que
1,0  1 n0
  − 0 < ε.
0,8 3
0,6 En résolvant pour n0, on obtient :
0,4 1 ln(1 ε) − ln ε
3n0 > et n0 > = .
0,2 ε ln3 ln3

0 1 2 3 4 5 6 Quelque soit ε, il suffit de prendre un entier n0


plus grand que –ln ε/ln 3 pour que tous les termes de
Cette représentation graphique illustre bien la définition la suite u soient éloignés de 0 d’une distance inférieure
que Cauchy donne de la limite d’une suite. Elle permet ou égale à ε.
aussi de comprendre que sa définition est fondée sur une Cela permet de conclure que 0 est la limite de la suite
intuition géométrique. Or, l’avènement des géométries
non euclidiennes a forcé la remise en question des
convictions géométriques. Ce qui semblait géométrique- {1, 31 , 91 , 271 , 811 ,..., 31 ...} , où n ∈ .
n

ment évident était devenu suspect. Pour établir de façon


On remarque que la démonstration consiste à exhiber
rigoureuse les fondements du calcul infinitésimal, il ne
une valeur pour n0 satisfaisant à la condition, ce qui
fallait plus avoir recours à la géométrie. Les mathé-
nécessite quelques manipulations algébriques.
maticiens se sont alors tournés vers l’arithmétique et
l’algèbre. Peut-on par l’arithmétique et l’algèbre doter le
calcul infinitésimal de fondements solides ?
Karl Weierstrass | André Ross • Professeur retraité

Continuité d’une fonction Dérivabilité d’une fonction


La définition donnée par Cauchy de la continuité est : Weierstrass définit la dérivabilité d’une fonction f en un
Une fonction f(x), partout définie entre deux valeurs point d’abscisse c de la façon suivante :
limites de x, reste continue entre ces limites si, entre Soit f une fonction définie sur un intervalle ]a; b[ et
ces limites, un accroissement infiniment petit c ∈]a; b[. On dit que la fonction est dérivable en c si la
de la variable produit toujours un accroissement limite
infiniment petit de la valeur de la fonction.
Weierstrass définit de façon algébrique la continuité
d’une fonction en un point : existe et est finie. La limite, notée f ‘(c), est appelée
dérivée de la fonction f en c.
Certaines fonctions peuvent être continues partout
et ne pas être dérivable en un point. C’est le cas de la
fonction f (x) = | x |.

Vol. 10 • été – automne 2015


On a alors lim f ( x ) = f (c ).
x →c
f(x) = |x|
Cette définition signifie que la fonction est continue si
pour un ε quelconque, il existe un voisinage de c, soit
]c – d; c + d[, tel que pour toutes les valeurs de x dans
ce voisinage, on a
f(x0) – ε < f(x) < f(x0) + ε.
En effet, celle-ci n’est pas dérivable à x = 0 puisque
2δ f (0 + h) − f (0) h
f (c) + ε lim = lim
2ε h→0 h h→0 h
f (c) – ε
donne –1 si h < 0 et 1 si h > 0. La limite n’est donc pas 29
définie et la fonction n’est pas dérivable.
c Weierstrass a présenté une fonction continue partout
δ

et dérivable nulle part, ce qui a choqué l’intuition des


c–

c+

On constate facilement que cela disqualifie les fonctions analystes de l’époque2.


dont le graphique est donné ci-dessous. Elles ne sont Fonction de Weierstrass
manifestement pas continues en x = c. f(x)
2

c c
–1

∞ –2 3
f (x) = ∑ a n cos(b n π x ), où 0 < a < 1 et ab > 1+ π
c c 2
n=0

Cependant, pour démontrer formellement qu’une Cette fonction présente une complexité uniforme
fonction est continue à x = c, il faut exhiber un d indépendante du facteur d’échelle avec lequel on la
satisfaisant à la condition, ce qui nécessite des mani- considère. Ce qui est une caractéristique des fractals.
pulations algébriques dont la complexité dépend de la 2. Charles Hermite (1822-1901) déclare : « Je me détourne avec effroi
et horreur, de cette plaie lamentable des fonctions continues qui n’ont
règle de correspondance définissant la fonction. pas de dérivée. »
Mais qu’est-ce
que j’ai fait ?
Rubrique des

Considérons l’équation : x + 5 − 5 = 4 x − 40 .
Jean-Paul Delahaye
Vol. 10 • été – automne 2015

Université des Sciences


et Technologies de Lille x −7 13 − x
L’équation peut s’écrire :
x + 5 − 5( x − 7) 4 x − 40 4 x − 40 4 x − 40
= , d’où = .
x −7 13 − x 7− x 13 − x
Les numérateurs étant égaux, les dénominateurs
le sont aussi, donc : 7 - x = 13 - x.
En additionnant x à chaque membre de l’équation,
on a 7 = 13.
Qu’est-ce qui ne va pas ?

30

Solution du paradoxe précédent

Le grand méchant logicien


La solution total de croix rouges est pair ou impair,
Capturés par le l’abstention n’est pas permise. Le grand
grand méchant méchant logicien comptabilise les réponses
logicien qui veut et considère la réponse majoritaire. Si celle-
les enrôler dans sa ci est correcte, les logiciens sont libérés.
secte, les logiciens, Chaque logicien se dit : « Puisque la parité
en nombre impair, sont du nombre total de croix rouges dépend de
placés en cercle tournés vers celle que j’ai sur le front, qui a été tirée au
le centre. En procédant à pile hasard, je ne peux rien faire de mieux que
ou face, le méchant logicien voter au hasard. Il en est de même de tous
dessine une croix, noire ou les autres logiciens et donc globalement
rouge, sur le front de chaque nous ne pouvons rien espérer de mieux
logicien qui voit les croix des- qu’être libéré une fois sur deux ».
sinées sur le front des autres, mais En fait, il existe une méthode de vote que
ignore celle qu’il porte. Aucune communi- les logiciens peuvent deviner et appliquer et
cation n’est permise entre les logiciens une qui leur permettra d’être libérés dans bien
fois les croix dessinées. Un vote est organisé plus de la moitié des cas. Imaginons que
et chacun indique s’il pense que le nombre tous les logiciens adoptent la règle suivante.
Solution du paradoxe précédent

Si je vois devant moi autant de croix noires (2n +1)! Probalilité


que de croix rouges, je vote en m n 2m
d’erreur
faisant l’hypothèse que j’ai sur le front une n!( n +1)!
croix rouge. Sinon, je suppose que j’ai sur 3 1 3 8 37,5 %
le front une croix de la couleur majori- 5 2 10 32 31,25 %
tairement présente devant moi et je vote 7 3 35 128 27,34 %
conformément à ce qu’il résulte 9 4 126 512 24,61 %
de cette hypothèse. 15 7 6 345 32 768 19,64 %
Pour analyser l’effet d’une telle méthode, distinguons 25 12 5 200 300 33 554 432 15,49 %
trois cas.
Plus le nombre de logiciens est grand, meilleure est la
Cas 1 : Si l’écart entre le nombre de croix rouges et de
méthode et on peut montrer que lorsque m tend vers
croix noires est plus grand que 1, alors les logiciens, en
l’infini, le rapport du nombre de cas défavorables sur le
appliquant cette règle, font en majorité une hypothèse

Vol. 10 • été – automne 2015


nombre total de cas tend vers zéro.
correcte et le vote majoritaire est correct, ils sont libérés.
Les logiciens peuvent donc espérer être libérés plus
Cas 2 : Si l’écart entre le nombre de croix rouges et le
d’une fois sur deux, s’ils tiennent tous ce raisonnement.
nombre de croix noires est égal à 1 en faveur des rouges
alors, d’une part, tous les porteurs de croix noires (qui On peut critiquer cette solution, s’ils n’ont pas pu s’en-
voient plus de rouges que de noires) votent fausse- tendre avant l’épreuve, les logiciens n’ont pas de raison
ment puisqu’ils font l’hypothèse fausse qu’ils portent d’adopter tous cette stratégie. Il est plus raisonnable de
une croix rouge, et, d’autre part, tous les porteurs de penser que près de la moitié des logiciens va adopter la
croix rouges, qui voient autant de rouges que de noires, stratégie A :
votent correctement (puisque, dans un tel cas, ils font Si je vois devant moi autant de croix noires
l’hypothèse qu’ils portent une croix rouge). Les rouges que de croix rouges, je vote en faisant
étant majoritaires, le vote est donc majoritairement l’hypothèse que j’ai sur le front une croix
correct et les logiciens sont libérés. 31
rouge. Sinon je suppose que j’ai sur le front
Cas 3  : Si l’écart entre le nombre de croix rouges et une croix de la couleur majoritairement
le nombre de croix noires est de 1 en faveur des noires présente devant moi et je vote
alors tous les porteurs de croix rouges, qui voient plus
de noires que de rouges, votent faussement, ainsi que
conformément à cette hypothèse.
tous les porteurs de croix noires qui voient autant de et que l’autre moitié va adopter la stratégie symétrique B :
rouges que de noires. Le vote est donc erroné à 100 %. Si je vois devant moi autant de croix noires
C’est le seul cas où le vote est erroné. Les cas 2 et 3 que de croix rouges, je vote en faisant
se compensent et donc, dans la majorité des situations
l’hypothèse que j’ai sur le front une croix
(grâce au cas 1), les votes des logiciens sont corrects.
noire. Sinon je suppose que j’ai sur le front
Pour évaluer plus précisément le nombre de cas où le une croix de la couleur majoritairement
vote sera malheureux, considérons le nombre de logi-
présente devant moi et je vote
ciens m qui peut s’écrire m = 2n+1, puisque m est
impair. Le nombre de cas où le vote est incorrect est
conformément à cette hypothèse.
le nombre de cas où il y a n croix rouges et n + 1 croix Dans cette éventualité, il n’y a rien de changé si le cas 1
noires. Ce nombre est se présente. Cependant, dans le cas 2, il suffit qu’un seul
(2n + 1)! porteur de croix rouge joue B plutôt que A pour que
, le vote majoritaire soit erroné. Sauf exception, le cas
n !(n + 1)!
2 sera défavorable. Le cas 3 est de même défavorable
soit le nombre de façons de choisir n éléments parmi sauf hasard exceptionnel (1 fois sur 2n). Par rapport à
2n + 1. Il y a deux couleurs possibles pour chacun des m notre calcul précédent, il faut maintenant doubler le
logiciens, donc 2m cas possibles au total. En analysant nombre de cas défavorables. Il n’est plus aussi clair que
pour quelques valeurs de m, on dresse le tableau suivant. la méthode soit intéressante. Un petit calcul montre
cependant que si le nombre de logiciens est supérieur à
7, alors la stratégie décrite est favorable aux logiciens.
a B
A
c

Section problèmes C

Cadran solaire
1. 
On considère un cadran 2. Étant donné un segment parabolique, on
solaire horizontal. s’intéresse aux polygones inscrits Pi suc-
a) Quel angle fait le style cessivement introduits via la construction
avec le cadran ? géométrique d’Archimède (voir p. 22).
Montrer que si a est
b)  a) Montrer que
l’angle entre un plan 1
aire(Pk +1) − aire(Pk )= aire( ABC ).
horaire et le plan de 4k
midi, et si f est la lati-
Tuyau : Le cas k = 2 est particulière-

tude du lieu, alors l’angle
ment instructif.
correspondant b des-
Vol. 10 • été – automne 2015

siné sur le cadran est tel b) En tirer une expression de l’aire de Pk+1
que comme somme d’une progression géo-
métrique (finie), et évaluer cette dernière.
tan b = tan a sin f.
3. On s’intéresse à la démonstration de la
2. Montrer que pour un cadran solaire équa-
proposition 23, telle que donnée par
torial, l’ombre de l’extrémité du style
Archimède. En utilisant des notations
décrit un arc de cercle.
modernes (introduites à la p. 24), montrer que
3. Pour un cadran horizontal, déterminer la 1 4
forme des coniques décrites par l’ombre de A1 + A2 + ... + An + An = A1.
3 3
l’extrémité du style selon la latitude et la
 Tuyau : Pour i = 2,…, n, posons ai = A i 3.
période de l’année, c’est-à-dire la déclinaison.
32
On voit alors que
Géométrie intégrale Ai + ai = A i −1 3.

1. On considère un plancher couvert de lignes
Examiner la somme
parallèles qui sont toutes à une dis-
tance d l’une de l’autre. On fait tomber A2 + a2 + ... + An + an.
aléatoirement sur le sol une aiguille 4. 
Étant donné un segment parabolique

d de longueur  < d. Montrer que la d’aire S, dénotons par ABC le triangle de
probabilité P que l’aiguille croise l’une même base et même hauteur, et posons
des lignes parallèles est donnée par K = 4 aire(ABC)/3. En vous appuyant sur
la construction géométrique d’Archimède,
établir que S = K en montrant que chacune
des deux inégalités S > K et S < K mène à
a b La rhétorique d’Archimède  une contradiction. (Il s’agit là de la preuve
b 1. La proposition II.4 des Éléments d’Euclide
donnée par Archimède à la proposition 24.)
peut se lire, en notation algébrique Tuyau : Pour le cas S > K, inscrire succes-

moderne, comme établissant le fait que sivement des polygones jusqu’à ce que la
partie omise du segment parabolique soit
(a + b)2 = a2 + 2ab + b2.
a inférieure à S – K. Et pour l’autre, posant
La preuve d’Euclide repose sur la figure A1 = aire(ABC), introduire des aires A2,…,
ci-contre. En vous appuyant sur des résul- An , chacune valant le quart de la précé-
tats de géométrie élémentaire, montrer dente, jusqu’à ce que An < K –S. Dans les
comment en tirer cette identité célèbre. deux cas, on fera appel à la proposition 23
(voir l’exercice précédent).
Pour en s voir plus!
Mathématiques et lumière
La lumière : un éclairage moderne
• Comment la lumière est devenue une onde, Les cahiers de Science & Vie, octobre 2001.
• Les mathématiques expliquent les lois de la nature: le cas du champ électromagnétique,
Les cahiers de Science & Vie, no 67, février 2002.

Maxwell – Champ, particules, couleurs, Les génies de la science, Pour la science, no 24, août-novembre 2005.
• Maxwell ou les champs de la lumière, Les cahiers de Science & Vie, octobre 1993.
• Pour plus de renseignements sur les scientifiques cités dans cet article voir les documents Huygens02,
Young01, Young02, Young03, Malus,Fresnel01, Fresnel02, Fresnel03, Fresnel04, dans « Notes historiques »,
site de Loze-Dion,
http://www.lozedion.com/complements-dinfo/calcul-differentiel-applications-sciences-humaines/notes-historiques/
ainsi que les vidéos historiques sous la rubrique «Vitesse de la lumière » à l’adresse
http://www.lozedion.com/complements-dinfo/calcul-differentiel-applications-sciences-humaines/videos-historiques/
• Planck, la révolution quantique, Les génies de la science, Pour la science, no 27, mai-juillet 2006.

Histoire des mathématiques


La rhétorique mathématique d’Archimède : où priment les canons de rigueur
• Les deux traités d’Archimède dont il est question ici figurent dans
VER EECKE, Paul, Les œuvres complètes d’Archimède, tome 2. Liège, Vaillant-Carmanne, 1960.
(La quadrature de la parabole, pp. 377-404; La méthode relative aux théorèmes mécaniques, pp. 477-519.)
• La version originale (1687) des Philosophiae Naturalis Principia Mathematica d’Isaac Newton est disponible à
l’adresse https://archive.org/details/philosophiaenat00newt.
Deux autres éditions en latin des Principia, révisées par Newton, furent publiées de son vivant (1713 et 1726).
Une version anglaise parut en 1729. Le traité fut traduit en français par Émilie du Châtelet (1706-1749) —
alias Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet. Publiée sept ans après la mort de celle-ci,
la version française est accompagnée d’une préface historique de Voltaire. Les Principes mathématiques
de la philosophie naturelle (éditions de 1756 et 1759) sont accessibles à partir du site Gallica de la Bibliothèque
nationale de France (http://gallica.bnf.fr/).
• La vision d’une preuve mathématique comme comportant une composante relevant d’un « processus social » a été
mise de l’avant par le mathématicien et logicien d’origine russe Yuri Manin (1937-   ) dans son manuel de logique
MANIN, Yu. I., A Course in Mathematical Logic. (Graduate Texts in Mathematics) Springer, 1977.
(2e édition : A Course in Mathematical Logic for Mathematicians. Springer, 2010.)
Manin s’y exprime dans ces termes :
« A proof becomes a proof only after the social act of accepting it as a proof. » (2010, p. 45)
Aux dires de Manin, la preuve proposée doit donc devenir un élément pleinement accepté et intégré au « tissu
social » de la communauté d’experts à laquelle elle est destinée. Ce point de vue a été abondamment repris et
commenté dans la littérature, entre autres dans
HANNA, Gila, « Mathematical Proof. » In : D. Tall, dir., Advanced Mathematical Thinking, Kluwer, 1991, pp. 54-61.
L’auteur y souligne notamment que « the acceptance of a proof depends much more on a social process than
on some ideal objective criterion » (p. 59).
On doit aussi à Manin un célèbre aphorisme à propos de la caractéristique d’une preuve mathématique de
« bonne qualité » : « A good proof is a proof that makes us wiser. »
(voir Yu. I. Manin, Mathematics as Metaphor : Selected Essays of Yuri. I Manin, American Mathematical Society,
2007, p. 209).
Accromath est une publication de l’Institut des sciences mathéma-
tiques (ISM) et du Centre de recherches mathématiques (CRM). La
revue s’adresse surtout aux étudiantes et étudiants d’école secon-
daire et de cégep ainsi qu’à leurs enseignantes et enseignants.

L’Institut des sciences mathématiques est une institution unique


dédiée à la promotion et à la coordination de l’enseignement et de
la recherche en sciences mathématiques au Québec. En réunissant
neuf départements de mathématiques des universités québécoises
(Concordia, HEC Montréal, Université Laval, McGill, Université de
Montréal, UQAM, UQTR, Université de Sherbrooke, Bishop’s),
l’Institut rassemble un grand bassin d’expertises en recherche et en
enseignement des mathématiques. L’Institut anime de nombreuses
activités scientifiques, dont des séminaires de recherche et des
colloques à l’intention des professeurs et des étudiants avancés,
ainsi que des conférences de vulgarisation données dans les
cégeps. Il offre également plusieurs programmes de bourses
d’excellence.

L’ISM est financé par le Ministère de l’Enseignement supérieur,


de la Recherche, de la Science et de la Technologie et par ses neuf
universités membres.

Le Centre de recherches mathématiques est un centre national


pour la recherche fondamentale en mathématiques et ses applica-
tions. Les scientifiques du CRM comptent plus d’une centaine de
membres réguliers et de stagiaires postdoctoraux. Lieu privilégié
de rencontre, le Centre est l’hôte chaque année de nombreux visi-
teurs et d’ateliers de recherche internationaux.

Les activités scientifiques du CRM comportent deux volets principaux :


les projets de recherche qu’entreprennent ses laboratoires, et les
activités thématiques organisées à l’échelle internationale. Ces
dernières, ouvertes à tous les domaines, impliquent des chercheurs
du CRM et d’autres universités. Afin d’assurer une meilleure
diffusion des résultats de recherches de ses collaborateurs, le CRM
a lancé en 1989 un programme de publications en collaboration
avec l’American Mathematical Society et avec Springer.

Le CRM est principalement financé par le CRSNG (Conseil de


recherches en sciences naturelles et en génie du Canada), le FQRNT
(Fonds québécois de recherche sur la nature et les technologies),
l’Université de Montréal, et par six autres universités au Québec
et en Ontario.

Accromath bénéficie de l’appui de la Dotation Serge-Bissonnette


du CRM.

Prix spécial Prix


de la ministre 2009 Anatole
2008
Decerf
2012
OR BRONZE OR BRONZE
2010 2011 2012 2014

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