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Approche phénoménologique
en psychiatrie
M. Cermolacce, B. Martin, J. Naudin
À Pierre Bovet, In Memoriam.

L’approche phénoménologique en psychiatrie permet une compréhension psychopathologique héritée de


la philosophie phénoménologique, dans le but explicite de rendre compte des fondements de l’expérience
clinique. Elle propose aussi une attitude épistémologique originale, et parfois critique, par rapport aux
modèles psychiatriques dominants, hier psychanalytiques, aujourd’hui neuroscientifiques. Dans la pre-
mière partie de cet article sont proposées quelques définitions possibles de cette approche et rappelés
brièvement quelques concepts philosophiques-clés issus des travaux de Husserl et Heidegger. Dans la
deuxième partie sont exposés les travaux les plus connus des grandes figures classiques de ce mouve-
ment, comme Jaspers, Binswanger, Minkowski, Blankenburg, Tellenbach et Kimura. Dans la dernière
partie, les aspects les plus contemporains du courant phénoménologique sont soulignés : centrés sur une
perspective psychopathologique et clinique, inscrits dans une position plus sociale à travers la notion de
rétablissement et enfin articulés dans un dialogue avec les neurosciences.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Phénoménologie ; Analyse existentielle ; Philosophie ; Psychopathologie ; Épistémologie ;


Subjectivité ; Conscience

Plan successeurs, tout particulièrement Heidegger, dans une direction


plus existentielle encore, la phénoménologie entend critiquer,
■ Introduction 1 voire désavouer, le positivisme régnant dans les sciences, qu’elles
soient naturelles ou prétendument humaines, depuis le XIXe siècle.
■ Généralités 2 La psychiatrie lui offre, comme la psychologie et la sociologie du
Pourquoi une approche phénoménologique en psychiatrie ? 2 reste, un formidable terrain d’application, sans doute vaudrait-
Quelques tentatives de définition 2 il mieux dire d’implication car le terreau fourni par l’expérience
Influence de la phénoménologie philosophique 2 issue de ces disciplines n’est pas sans avoir modifié la phénomé-
■ Quelques figures historiques de la psychiatrie nologie elle-même. Parmi les sciences appliquées, ces disciplines
phénoménologique 3 sont à proprement parler des disciplines de l’existence, aux-
■ Approches contemporaines de la psychiatrie quelles il peut sembler vain d’appliquer sans les questionner les
phénoménologique 4 méthodes issues des sciences naturelles. Le courant phénomé-
Approches neuroscientifiques et expérience subjective 4 nologique en psychiatrie est né de ce questionnement mutuel.
Phénoménologie psychiatrique contemporaine 4 Avec des auteurs aussi importants que l’ont été dans son histoire
Phénoménologie et compréhension du processus Jaspers, Schneider, ou Minkowski, la psychiatrie a trouvé dans
de rétablissement 5 l’approche phénoménologique sa méthode et son langage, les
Phénoménologie et neurosciences 5 mots qui convenaient à sa refondation, loin de Kraepelin, plus

près de Bleuler. Depuis Binswanger, cette approche est souvent
Conclusion 6
appelée « analyse existentielle », en référence à la philosophie de
Heidegger. Les articulations entre ces divers courants sont vues
sans toutefois insister sur leurs divergences. Le point important
est que la phénoménologie puisse permettre de mettre des mots
 Introduction justes sur l’expérience clinique quotidienne, de lui donner toute
l’attention qu’elle mérite et de nous tenir suspendus à elle jusqu’à
La phénoménologie est d’abord et avant tout un courant ce qu’émerge ce qu’elle a peut-être de plus propre : ouvrir un
philosophique, dont il faut reconnaître qu’il a trouvé son appro- accès possible et partagé à la question de l’être. L’approche phé-
fondissement le plus accompli dans une discipline médicale : la noménologique ne désavoue pas les sciences en tant que telles
psychiatrie. Fondée par Husserl, philosophe mais initialement mais en suspend la tyrannie lorsqu’elles se font excessivement
mathématicien, la phénoménologie aspire à être une « science réductrices. Elle donne aujourd’hui naissance à des approches
rigoureuse », une science de l’expérience. Développée par ses mesurées, jetant des ponts entre les sciences naturelles et les

EMC - Psychiatrie 1
Volume 13 > n◦ 1 > janvier 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-1072(15)60902-6
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sciences humaines, tant du côté des approches singulières de la conscience, comment elle se donne dans une expérience en pre-
personne et de son rétablissement que du côté des théories de la mière personne [1, 3, 4] qu’il convient de recueillir pour faire voir
complexité. comment le sujet donne un sens au monde qui l’entoure en se
l’appropriant, en le reprenant « à son propre compte », se saisis-
sant du même coup lui-même comme sujet. Husserl résume ainsi
 Généralités cette attitude par « un retour aux choses-mêmes », après mise à
distance de tout présupposé. C’est ce troisième usage que nous
Pourquoi une approche phénoménologique privilégierons ici.

en psychiatrie ?
L’approche phénoménologique en psychiatrie s’est construite Influence de la phénoménologie
en constatant les profondes limites du modèle médical dans
cette discipline [1] . L’approche « empirique » ou « objectivante » philosophique
qui prévaut en médecine somatique démembre le tableau cli-
Comme le lecteur l’aura déjà compris, la phénoménologie
nique en « symptômes » et postule implicitement la neutralité de
implique une terminologie spécifique, parfois hermétique. Nous
l’observateur. Le symptôme :
essaierons ici de nous limiter à esquisser à grands traits les travaux
• se donne comme un intermédiaire pour accéder au vécu propre
de Husserl et d’Heidegger, pour l’approfondissement desquels le
du patient, il manque cruellement de spécificité dans une disci-
lecteur est renvoyé vers d’autres travaux plus complets [1, 5–8] .
pline où tout le « paradoxe » de l’expérience tient dans un accès
Pour Husserl, « revenir aux choses-mêmes » implique de s’en
non immédiat à son objet véritable [2] ;
tenir à l’expérience, ni plus, ni moins. C’est ne pas enlever à
• renvoie en médecine somatique à autre chose qu’à lui-même,
l’expérience ce qui se présente avec elle, même dans les aspects
à savoir un organe ou une maladie cachés dans le corps, tan-
les plus évidents et tacites de notre vie quotidienne. C’est, aussi,
dis que le symptôme psychiatrique s’apparente volontiers à
exclure ce qui est en trop, notamment toute théorie présupposée
un « trait » caractéristique d’un tableau clinique et renvoie « à
qui nous empêche de saisir l’essence de ce qui est rencontré. Hus-
une totalité dont le trait est partie intégrante » [1] . Cette descrip-
serl désigne par le terme générique de réductions les différentes
tion nécessite une méthode susceptible de prendre en compte
étapes de sa méthode. La première étape, ou réduction phéno-
le « tout » dont fait partie le symptôme, et qui ne se résume pas
ménologique, consiste à mettre entre parenthèses toute théorie
à la somme des parties.
prédonnée, pour s’éloigner de l’attitude naturelle, et dévoiler la
Enfin, le symptôme somatique appartient au corps du patient,
conscience comme intentionnalité. La notion d’intentionnalité,
propriété inaliénable de l’individu. Les choses sont sans doute
empruntée à Brentano, renvoie à la relation entre le sujet qui
moins tranchées en psychiatrie, où le rôle de l’observateur n’est
vit l’expérience et l’objet de cette expérience. Comme le dit
pas neutre. Ainsi, « on hésitera à localiser le symptôme psychia-
Sartre : « toute conscience est conscience de quelque chose ». Une
trique comme attribut inhérent à l’observé », pour le considérer
deuxième forme de réduction, ou réduction eidétique, tend à éloi-
plutôt comme « caractéristique d’un certain état d’interaction
gner tout jugement de réalité sur l’objet visé en en faisant varier
communicative » entre observateur et observé [1] .
les traits par imagination. Ces variations permettent de repérer les
Ces trois limites soulignent la nécessité d’intégrer des approches
régularités qui constituent l’essence (eidos) de l’objet visé. Enfin,
descriptives complémentaires pour prendre en considération la
la dernière forme de réduction, ou réduction transcendantale, est
globalité et le sens du vécu du patient. De telles approches peuvent
la plus radicale. À son sujet, Husserl emprunte aux sceptiques le
alors enrichir la démarche médicale classique, dont il ne s’agit pas
terme d’« épochè » [5] . En dévoilant le monde tel qu’il se manifeste
de remettre en question la pertinence, mais de la compléter. C’est
au sujet, cette forme de réduction estompe les frontières entre soi
ici que commence la phénoménologie psychiatrique.
et le monde. Elle permet ainsi de souligner le double statut du
sujet de l’expérience : comme sujet constituant (puisque le sens
Quelques tentatives de définition du monde est constitué par le sujet), dit aussi transcendantal, et
comme sujet constitué (comme tout ce qui est dans le monde), dit
La phénoménologie résiste aux tentatives de définition. Nous aussi empirique (c’est le moi, le sujet de la psychologie). Husserl
ne dérogerons pas à la règle, en montrant tout d’abord ce que la décrit ces processus de constitution, automatiques car survenant
phénoménologie n’est pas : en deçà de toute réflexion, sous le nom de synthèses passives.
• elle ne propose pas de modèle explicatif ou nosographique des Ces processus de synthèses permettent une immersion incarnée et
pathologies mentales ; fluide dans le monde quotidien, dans le monde-du-vivre (Lebens-
• elle ne se réduit pas à une psychothérapie humaniste ; welt) [9] , lequel semble presque toujours se dérouler pour nous tout
• elle ne se limite pas à une simple description subjective ou naturellement.
introspective ; encore moins à une description sémiologique, Heidegger voit dans la distinction husserlienne entre le sujet et
une simple liste de symptômes. l’objet une limite à saisir, ce qui constitue le caractère indéfinis-
Une première définition de l’approche phénoménologique en sable de l’être. Pour dépasser cette limite, il déplace la question de
psychiatrie fut donnée par Jaspers : il s’agit de décrire et de se la conscience vers celle de l’existence, et développe les notions
représenter les vécus que présentent les patients psychiatriques, ce d’ontique (qui relève des étants, que visent les sciences posi-
qui permet également de comprendre comment ils s’enchaînent, tives) et d’ontologique (qui relève de la question de l’être, et qui
traçant ainsi une ligne claire entre ce qui est compréhensible et ce concerne la philosophie). Dans « Être et temps », Heidegger élargit
qui ne l’est pas (le « processus »). Cette approche, déjà fort riche, la notion de conscience ou d’intentionnalité de Husserl à celle de
s’en tient aux premiers travaux méthodologiques de Husserl : on présence, ou Dasein (littéralement, être-là) [10] . La notion de Dasein
suspend les théories ayant cours (psychanalyse, « mythologies implique une ouverture au monde (être-au-monde) et à autrui
cérébrales ») et l’on regarde ce qui reste (le vécu re-présenté), tout (être-avec) qui se déploie à travers le temps et l’espace vécus, ou
en le faisant varier mentalement (variations imaginaires) pour dans le rapport au corps (ce que Heidegger nomme des existen-
faire apparaître son essence (réduction eidétique). tiaux). Ainsi, le sens de soi et le sens de notre immersion dans le
Mais on entre sans doute en phénoménologie en allant au- monde demeurent radicalement inséparables [7] .
delà de la perspective jaspersienne, poursuivant avec les œuvres La pensée phénoménologique ne se limite pas aux perspectives
plus tardives de Husserl un travail allant bien au-delà des simples ouvertes par Husserl et par Heidegger, et se développe à partir de
variations imaginaires. Binswanger et ses successeurs reculent nombreux autres auteurs tels que Fink, Scheler, Schütz, Merleau-
les limites de la compréhension en adoptant peu ou prou la Ponty, Levinas ou Ricœur. Nous ne citons ici que les deux auteurs,
posture de la réduction transcendantale. Avec celle-ci, Husserl incontournables, sous l’inspiration desquels Binswanger a fondé
crée une méthode qui donne à voir les structures essentielles de sa méthode. Mais comme Binswanger en son temps, ceux qui l’ont
l’expérience humaine et de l’existence, qu’elles soient « normales » suivi se sont nourris de l’influence des philosophes qui étaient
ou pathologiques. Binswanger nous montre avec elle ce qu’est la leurs contemporains.

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 Quelques figures historiques temps vécus, ces troubles témoignent d’une altération des formes
de la présence humaine [24] . Ainsi, dans la présomption, on voit
de la psychiatrie la personne tenter d’atteindre un idéal trop élevé par rapport à sa
base d’expérience. Dans le maniérisme, on observe une perte de
phénoménologique la spontanéité, une difficulté à être « soi-même ». Le maniéré se
conforme à un modèle extérieur, vit sur le mode du On, de façon
Cette section est consacrée à six auteurs incontournables de la inauthentique. Enfin, la distorsion renvoie à des actions hors de
psychiatrie phénoménologique. Ils nous semblent emblématiques leur contexte, le sujet réduisant l’être-homme à l’être-outil. Ces
d’une attitude qui trouve avant tout sa source dans l’expérience trois types de présence manquée sont à comprendre comme des
clinique, porteurs d’implications théoriques, cliniques et psycho- disproportions anthropologiques : pathologiques lorsque les pos-
thérapeutiques profondes. Si la phénoménologie psychiatrique sibilités d’existence sont réduites, elles peuvent aussi se rencontrer
ne peut se résumer à ces seuls auteurs, l’exposé de leurs par- dans l’expérience normale [24] .
cours donne une idée assez précise de la façon dont un psychiatre Minkowski (1885–1972) est considéré comme l’autre fonda-
peut orienter son attitude clinique, pour rendre compte du même teur de la psychiatrie phénoménologique. Deux de ses ouvrages
coup des fondements de l’expérience psychiatrique, ce que syn- – « Le temps vécu » et « La schizophrénie » – ont largement contribué
thétisait admirablement Tatossian dans son indépassable ouvrage à la diffusion de la méthode phénoménologique [25, 26] . Cofon-
« Phénoménologie des psychoses » [1] . dateur de l’« Évolution Psychiatrique », Minkowski cherche à être
Jaspers (1883–1969), psychiatre puis philosophe, propose dans le plus proche possible de l’expérience vécue par les patients ;
sa « Psychopathologie générale » [11] une méthode descriptive pour les références philosophiques explicites restent rares en dehors
prendre en compte de façon rigoureuse le vécu subjectif des de Bergson, à qui il reprend la notion d’élan vital. Il souligne
patients psychiatriques. Il distingue les caractéristiques propres les limites d’une analyse critériologique stricte, nécessairement
aux signes objectifs et aux signes subjectifs. Les premiers concer- réductrice. Une approche plus intuitive (il parle de diagnostic par
nent les évènements concrets, les performances mesurables, les pénétration) permettrait au contraire d’en saisir tous les aspects
symptômes perçus de l’extérieur par le clinicien. Les seconds res- dans leur « unité originelle » [14] . Avec Bergson, Minkowski défend
tent au contraire inaccessibles de façon directe, et ne peuvent la notion d’expression, plus apte à comprendre les relations sub-
être saisis qu’en se représentant l’expérience d’autrui. Jaspers tiles entre ce qui est exprimé et les modes d’apparition de cette
s’intéresse tout autant au strict contenu des manifestations expression, qu’à travers une approche causaliste. Une descrip-
cliniques (ou fond) qu’à leur structure (ou forme). Jaspers tou- tion des symptômes pris isolément ne permet pas à elle seule
tefois ne quitte guère la psychologie en proposant l’idée que de rendre compte de la totalité de l’expérience pathologique.
comprendre une expérience pathologique, c’est se mettre par Au-delà du diagnostic, il faut pénétrer plus avant l’expérience
empathie à la place de l’autre (compréhension statique) ou subjective des patients vers ce qu’il appelle le « trouble géné-
saisir l’enchaînement logique des vécus (compréhension géné- rateur », à savoir l’expression d’une modification profonde et
tique). Cela lui permet de rapporter l’expérience schizophrénique caractéristique de la personnalité dans son entièreté. Dans « La
à une incompréhensibilité irréductible, une rupture radicale, schizophrénie » [26] , Minkowski décrit une attitude rigide et dévi-
sans continuité possible avec l’expérience normale [11] . Tatossian talisée marquée par deux aspects complémentaires : la perte
résume la position Jaspersienne à une méthode descriptive vouée du contact vital avec la réalité concerne les aspects les plus
à « rendre les armes », plutôt que de tenter de saisir ce qui carac- basiques de la vie quotidienne, elle ne se limite pas au soi
térise l’expérience schizophrénique [1] . Il n’en reste pas moins et affecte conjointement le monde vécu. Elle s’accompagne
un penseur incontournable de la psychiatrie [12] , ayant permis d’un surinvestissement logique ou intellectuel, d’une attitude
d’affiner avec subtilité les catégories descriptives de Kraepelin [13] , interrogative, voire d’un rationalisme ou géométrisme mor-
et préfigurant, presque « par défaut », l’émergence du courant phé- bide [27] .
noménologique psychiatrique à venir [1, 3, 4, 14, 15] . Blankenburg (1928–2002) approfondit la question des fon-
Binswanger (1881–1966) incarne, à lui seul, les trois positions dements de l’expérience. Comme Minkowski, il s’intéresse aux
qui définissent l’attitude phénoménologique : philosophe, théra- formes paucisymptomatiques de la schizophrénie, qu’il consi-
peute et clinicien. dère comme les plus typiques car témoignant le plus purement
Philosophe : son œuvre épouse très tôt les avancées de la phi- de la perte du sens commun qui caractérise le trouble. Dans un
losophie phénoménologique. Il s’inspire d’abord des premiers essai de 1969, il définit le sens commun comme notre capa-
textes d’Husserl pour décrire les formes qui façonnent l’expérience cité à comprendre le monde, les autres et nous-mêmes de façon
vécue par la personne en situation pathologique. Puis, dès la paru- immédiate, tacite et montre comment cette capacité est pertur-
tion d’ « Être et temps », il adopte la perspective d’Heidegger pour bée chez les patients qui, présentant une schizophrénie simple,
développer la notion de présence (Dasein) et ses perturbations n’arrivent plus à s’ancrer de façon stable et spontanée dans le
possibles. Il souligne ainsi les liens intimes, co-constitutifs, entre monde [28] . Il reprend cette approche en se basant sur le récit de
notre rapport à soi (ipséité) et notre rapport à autrui (altérité) [16–18] . l’une de ses patientes, Anne, qui parle de perte de l’évidence natu-
Les derniers textes de Binswanger [19, 20] témoignent d’un retour relle [29] . Cette perte entraîne une grande perplexité, une difficulté
aux écrits d’Husserl. Il propose alors d’explorer les régularités à s’orienter dans la réalité la plus concrète et dans ses interac-
qui structurent l’expérience pathologique, à travers l’expérience tions les plus basiques. Dans l’expérience normale, la naturalité
vécue du temps, de l’espace et du corps. du monde quotidien n’est pas remise en question ; nous consi-
Thérapeute : fondateur de l’analyse existentielle (ou Daseinsa- dérons comme évidentes les caractéristiques les plus tacites du
nalyse), Binswanger est le témoin proche et parfois critique de la monde qui nous entoure. Anne, elle, ne peut pas faire autrement
psychanalyse [21] . Il ne réfute ni la notion d’inconscient, ni la place que se questionner à son propos et souffre de cet effort conscient,
incontournable du langage et du récit biographique. Néanmoins, réalisant une forme d’aliénation schizophrénique par excès de
il considère comme réducteur l’attachement non critique de Freud réflexivité. Alors qu’elle devrait plutôt agir sans se questionner
aux sciences naturelles [22] . Par contraste, l’analyse existentielle autant, Anne éprouve un épuisement à être, ce que Blankenburg
implique l’expérience incarnée de l’analyste, dans sa rencontre appelle asthénie transcendantale. Considérées de façon isolée, ces
avec la personne. Le corps de l’autre est compris comme un plaintes semblent banales, peu spécifiques. Mais comprises dans
signe, dans « une unité entre l’exprimant et l’exprimé » [18] . Cette leur globalité, elles reflètent un trait essentiel de l’expérience schi-
corporéité repose sur l’équilibre dynamique entre deux aspects zophrénique. Ce questionnement schizophrénique des aspects
complémentaires de notre corps : le corps que l’on est (Leib ou les plus fondamentaux de l’expérience quotidienne rappelle la
chair, c’est-à-dire le corps vécu, donné en première personne) et le mise entre parenthèses de tout présupposé, visée par la réduction
corps que l’on a (Körper, ou corps objet, saisi dans une perspective phénoménologique. Blankenburg note que si le philosophe doit
en troisième personne) [3] . théoriquement résister contre cette attitude naturelle irréductible,
Clinicien : l’œuvre de Binswanger offre une approche clinique la personne schizophrène doit au contraire lutter pour préserver
particulièrement fine des troubles de l’humeur [19] , schizophré- ce qu’il subsiste de familier et d’habituel dans un monde qui ne
niques et délirants [23] . À travers les notions d’espace, de corps et de l’est plus.

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Tellenbach (1914–1994), dans « La mélancolie », poursuit le tra- personne (paradigme neuroscientifique dominant de la psy-
vail de Minkowski et Von Gebsattel en rapportant la dépression chiatrie contemporaine) et première personne (phénoménologie
à un arrêt du temps vécu [30] . Il range la mélancolie parmi les psychiatrique) sont soulignés. Puis quelques pistes cliniques
« psychoses endogènes » et fait de « l’endon » (au-dedans en grec) actuelles inscrites dans une attitude phénoménologique sont
un « troisième champ étiologique à côté ou plutôt en deçà du détaillées. Enfin, cette section est conclue en examinant deux pers-
champ somatique ou du champ psychique » [1] . Dans la mélan- pectives originales : une approche sociale, centrée sur la notion de
colie, tout ce que l’homme n’a pas choisi en venant au monde rétablissement, et une approche multidisciplinaire, entre perspec-
apparaît assez clairement sous la forme de l’endon, ce qui fait son tives en première et troisième personnes.
être-jeté dans le monde, sa déréliction, et qui pourtant va orien-
ter tous ses projets. L’endon dépasse l’hérédité pour y inclure des
données biographiques, et se manifeste sous forme de types spé- Approches neuroscientifiques et expérience
cifiques. Tellenbach décrit ainsi le « typus melancholicus », type subjective
prédépressif caractérisé par son attachement à l’ordre, à la famille
et au travail, et son extrême sens du devoir. Le mélancolique La psychiatrie contemporaine tend à rechercher une meilleure
s’enferme dans des limites qui sont celles de l’accomplissement fiabilité scientifique, de façon objective et athéorique [35] , quoique
régulier de ses tâches, dont il doit s’acquitter à la perfection (situa- enracinée dans le positivisme [36] . L’opérationalisme, parmi ces
tion d’includence), et celles des échéances qui barrent son avenir racines, inscrit toute activité scientifique dans une suite de règles
et finissent par l’accabler. Ceci l’oblige à rester en arrière de lui- reproductibles et modélisables, sans dépendre du point de vue
même (situation de rémanence) et lui donne le sentiment d’être de l’observateur (objectivisme), et caractérisant tout état men-
en faute par rapport à ses propres exigences ou celles d’autrui. tal selon les lois de la physique (physicalisme) [4] . L’accent est
Le typus melancolichus ne parvient à assurer sa propre sécurité ainsi mis sur des manifestations observables « de l’extérieur », en
« qu’en limitant l’espace de son action et en liant constamment le troisième personne. Dans ce contexte, prétendre pouvoir rendre
présent avec le passé » [31] . Ces situations enferment le sujet dans compte de façon rigoureuse et scientifique de l’expérience sub-
sa trop grande normalité (personnalités dites hypernomiques). jective des patients est suspect. Cette méfiance repose sur quatre
Un autre texte majeur de Tellenbach est consacré au « sens oral » types de critiques :
(unité de sens qui réunit goût et odorat) qui forme le premier lien • le « caractère non scientifique » supposé de l’expérience sub-
avec le monde, et qui à la fois rapproche le lointain et maintient la jective, qui ne serait pas un authentique objet scientifique,
distance avec le monde. Ce sens renvoie à la notion d’atmosphère, mais plutôt quelque chose d’accessoire ou de secondaire [37] .
et oriente nos rapports avec autrui [32] . L’œuvre de Tellenbach a été Un récit introspectif ne constituerait pas une approche scien-
poursuivie à Heidelberg par son élève Alfred Kraus, nettement plus tifique fiable et rigoureuse, et ne proposerait au mieux qu’un
influencé par Sartre que par Heidegger. « supplément d’âme » [1] ;
Kimura Bin (1931), chef de file de l’école japonaise, connaît • l’« absence de fiabilité » supposée des récits subjectifs des
parfaitement les auteurs de langue allemande. On retrouve cette patients. La nécessité de privilégier la notion de fiabilité (robus-
influence intriquée à la pensée orientale, qui fait une large place à tesse méthodologique, reproductibilité), au détriment de la
l’idée d’une conscience pure, en deçà de la distinction sujet–objet. validité (ou pertinence clinique), apparaît peu compatible avec
Pour Kimura, l’hyperréflexivité schizophrénique s’accompagne l’approche phénoménologique, qualitative et typologique plu-
d’une distorsion du sens de soi [33] . La phénoménologie distingue tôt que quantifiable et catégorielle [37–39] ;
deux dimensions du sens de soi : soi comme sujet, donné en • l’« accessibilité limitée » des phénomènes éprouvés en pre-
première personne, et soi comme objet, accessible par réflexion mière personne, qui se fait sur un mode privé : l’observateur
dans une perspective en troisième personne [27] . L’hyperréflexivité n’y accède qu’indirectement, à partir de reports verbaux,
peut être réversible lorsque se crée, comme dans la mélancolie au risque d’interprétations invérifiables [40, 41] . Dans la schizo-
ou l’introspection non pathologique de l’adolescent, une distance phrénie, les plaintes subjectives, parfois ineffables, peuvent
entre le sujet qui agit et celui qui s’observe. Cette distance avec soi- apparaître comme non spécifiques si elles sont explorées à partir
même est dite réflexivité subséquente. L’hyperréflexivité est plus de critères cliniques indépendants les uns des autres ou comor-
spécifique de la schizophrénie lorsque cette distance engage un bides [2] ;
soi divisé en deux moments simultanés, altérant ainsi le sens du • enfin, la « dépendance théorique » – voire idéologique – de la
soi et fragilisant sa relation au monde [33] . Cette réflexivité simul- phénoménologie, qui est en opposition avec le statut supposé
tanée entraîne un sentiment d’altérité, une forme d’aliénation « athéorique » de la démarche opérationaliste [36] . Cette volonté
propre à l’expérience schizophrénique, et peut aboutir à des phé- « athéorique » a des répercussions nosologiques non négli-
nomènes d’influence, de passivité. L’approche de Kimura rend geables, les classifications internationales écartant par exemple
ainsi compte des schizophrénies paucisymptomatiques aussi bien toute référence aux notions de conscience ou de soi [4, 42, 43] .
que des expériences délirantes. Dans les délires non schizophré-
niques, la menace réside dans l’espace extérieur, préservant le sens
de soi dans ses aspects les plus fondamentaux. Dans les délires Phénoménologie psychiatrique
schizophréniques, la menace est plus intérieure, rendue possible contemporaine
par une altération plus profonde du sens de soi [33] .
L’approche de Kimura repose sur la notion d’aida, terme japo- En dépit de cette méfiance, l’approche phénoménologique
nais qui exprime un entre-deux, un espace ou un intervalle connaît un net regain d’intérêt depuis deux décennies. Au plan
temporel qui associe – et distingue – deux objets, deux êtres. Lit- clinique, et malgré le développement technique majeur des neu-
téralement aida veut dire « entre » mais aussi « pendant ». L’aida rosciences, de nombreux auteurs ont souligné les limites d’une
correspond à la fois à un espace interpersonnel et à un espace approche strictement objectivante et opérationaliste : déséquilibre
intrapersonnel, à l’interface entre soi et le monde. Pour Kimura, la entre fiabilité et validité ; perte d’information qualitative ; absence
condition schizophrénique correspond à une distorsion de l’aida, de prise en compte de la subjectivité des patients ; appauvrisse-
perturbant autant le sens de soi que le rapport au monde qui nous ment psychopathologique [4, 44–47] .
entoure [34] . Soulignons pour commencer l’influence toujours actuelle de
l’analyse existentielle, qui décrit les différents modes du rap-
port au monde (être-au-monde), à autrui (être-avec) et à soi
 Approches contemporaines (être-soi) des personnes souffrantes, ainsi que leurs projets du
monde [3, 8] . Coexistent en elle deux perspectives théoriques, à la
de la psychiatrie phénoménologique suite des travaux de Binswanger d’une part [7, 16, 17] , et de ceux
de Boss [48] et May [49] d’autre part. Cette distinction est nette
L’approche phénoménologique permet une articulation cri- lorsque Binswanger revient aux concepts husserliens plus tardifs
tique, mais féconde, avec les approches psychiatriques domi- pour enrichir le champ de la compréhension des expériences cli-
nantes. D’abord, certains aspects opposant approches en troisième niques [19, 20] . À l’inverse, le courant développé par Boss revendique

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une approche plus spécifiquement heideggerienne, moins encline l’investigation et la compréhension du rôle de la personne dans
au dialogue avec la philosophie husserlienne, la psychanalyse son propre rétablissement constituent la cible de démarches com-
freudienne ou les sciences expérimentales. Nous en rapprocherons préhensives phénoménologiques contemporaines.
le courant des psychothérapies humanistes, auxquelles l’analyse L’un des exemples les plus remarquables est représenté par les
existentielle est parfois rattachée. Ce courant éclectique fait un travaux de Davidson, proches des démarches anthropologiques
pont entre les psychothérapies inspirées par Rogers et l’attitude et qualitatives tournées vers l’analyse du récit [71–75] . Les approches
phénoménologique. Rappelons que l’attitude rogerienne de qualitatives considèrent le récit comme fondation fiable pour étu-
non-directivité correspond à une forme de réduction phénomé- dier le rétablissement [76] . De façon très schématique, deux repères
nologique, le thérapeute s’efforçant de suspendre ses propres méthodologiques caractérisent ce type d’approche : le premier
jugements pour laisser apparaître dans la relation le monde tel est le recueil et le repérage d’expériences quotidiennes concrètes
qu’il se donne à la personne. L’un des chefs de file de ce cou- et récurrentes (« la vie est dans les détails » [71] ). Le deuxième
rant est Irvin Yallom, auteur célèbre de romans philosophiques et est l’analyse et la compréhension du sens de ces expériences.
soignants. Cette phase herméneutique nécessite pour Davidson la mise entre
Dans une perspective plus proche des travaux de Husserl, Wig- parenthèses de toute notion de causalité, l’abandon de toute théo-
gins et Schwartz approchent la vulnérabilité psychotique comme rie préétablie et de toute logique motivationnelle. La primauté
une défaillance des processus tacites, implicites, de constitution accordée à l’expérience intersubjective entre interviewer et inter-
de soi et du monde [50–52] . Mishara poursuit les travaux de Blan- viewé, proche de la réduction transcendantale husserlienne, situe
kenburg sur la perte du sens commun [53] tout en poursuivant le clairement ce type d’approche dans le champ de la phénoméno-
dialogue entre phénoménologie et neurosciences [54] , notamment logie.
sur les phénomènes perceptifs et leurs perturbations schizophré- Les études phénoménologiques sur le rétablissement sont peu
niques [55] . Dans cette même direction, et en continuité avec nombreuses. Les travaux de Davidson indiquent qu’une dyna-
les travaux de Von Gebsattel [56] et Straus [57] , Fuchs a développé mique de rétablissement positive implique la persistance de
une psychopathologie du temps vécu et de ses perturbations relations amicales, l’accès à des relations d’aide et la rencontre de
en prenant en compte ses fondations implicites et tacites, mais personnes en dehors du contexte psychiatrique. Ces expériences
aussi intersubjectives et incarnées [58] . Stanghellini propose une sont des conditions primordiales pour une redéfinition de soi de
approche compréhensive particulièrement fine des situations de la personne au-delà de la condition de malade psychiatrique. En
vulnérabilité psychotique [59] . À travers la notion d’identité, il réalisant ces expériences au quotidien, la personne peut en effet
reprend la distinction phénoménologique classique entre deux intégrer les bouleversements identitaires liés à la maladie sans s’y
niveaux du sens de soi : un niveau basique et minimal (identité confondre intégralement [71] .
ipse, ou ipséité), altéré dans la schizophrénie, et un second niveau
narratif et social (identité idem, ou identité de rôle), plus volontiers
perturbé dans l’expérience mélancolique [59, 60] . Stanghellini déve- Phénoménologie et neurosciences
loppe ainsi une psychopathologie dynamique, féconde en pistes
psychothérapeutiques. La phénoménologie offre une perspective épistémologique par-
Parnas, Bovet, Sass et Zahavi explorent dans le même sens la ticulièrement pertinente dans le contexte actuel de la recherche
question de la vulnérabilité schizophrénique. L’une de leurs pro- psychiatrique. En philosophie analytique, Chalmers décrit la
positions porte sur le trouble générateur de la schizophrénie [61] , en notion de hard problem comme la difficulté à saisir les caracté-
faisant l’hypothèse d’une perturbation précoce du sens de soi dans ristiques expérientielles de la conscience (données en première
ses aspects les plus basiques, corporels et tacites. Ils reprennent les personne) dans une approche physicaliste (données en troi-
notions voisines d’ipséité, de mienneté de l’expérience (comme sième personne, comportementales ou paracliniques) [77] . Ces
sentiment tacite d’appartenance à soi) [4, 62, 63] ou encore de soi aspects expérientiels impliquent un aspect qualitatif, en posant
minimal [64] . L’atteinte de ce niveau préréflexif de la conscience la question du « qu’est-ce que ça fait » d’avoir telle ou telle
de soi peut s’accompagner d’une hyperréflexivité pathologique, expérience consciente. Parce qu’irréductible à toute approche
comme incapacité à éprouver le monde quotidien de façon strictement physicaliste, l’expérience subjective nécessite pour
spontanée, dans une tendance excessive à se saisir soi-même Chalmers une méthode d’exploration spécifique [78] . Le projet
comme objet de réflexion [4, 65] . Un instrument d’évaluation cli- neurophénoménologique avancé par Varela est l’une des réponses
nique d’inspiration phénoménologique a ainsi été développé pour possibles pour articuler les méthodologies en troisième et pre-
décrire de façon systématique les altérations schizophréniques mière personnes [79] . La neurophénoménologie a notamment
précoces de l’expérience subjective [62, 63] , avant le développement permis d’interpréter certains corrélats neurophysiologiques de
possible de phénomènes délirants [27, 66, 67] . Pour une description la vision à partir de l’expérience subjective des participants,
plus détaillée des perturbations schizophréniques de l’ipséité en établissant des catégories expérientielles (phénoménales) sur
ou du soi minimal, se reporter à un article qui leur est la base de régularités perceptives [79–81] . Le projet neurophéno-
consacré [68] . ménologique, dans une tentative assumée de naturalisation de
l’expérience subjective [82] , a soulevé deux types de critiques :
méfiance neuroscientifique envers la notion d’expérience sub-
Phénoménologie et compréhension jective [83] , mais aussi, « de l’intérieur », par les défenseurs d’une
du processus de rétablissement phénoménologie plus orthodoxe. Néanmoins, des équipes de plus
en plus nombreuses revendiquent la pertinence du modèle neu-
Dans une autre perspective contemporaine, l’approche phéno- rophénoménologique [84–86] . D’autres propositions ont souligné
ménologique permet d’investiguer un processus très subjectif : le la richesse d’un dialogue entre neurosciences et phénoménolo-
processus de rétablissement. Cette notion désigne la démarche gie [54, 87, 88] . Gallagher désigne une méthode phénoménologique
personnelle par laquelle un sujet touché par une pathologie dite directe (front-loaded phenomenology), qui doit permettre la
psychiatrique sévère se « dégage de l’identité de malade psy- proposition de travaux expérimentaux [89] , comme par exemple
chiatrique » [69] , retrouve une inscription sociale et un sentiment dans le domaine de l’agentivité et de ses perturbations schizo-
durable de « bien-être » [70] . phréniques [90] .
Le modèle du rétablissement implique ainsi deux repères fonda- Le recueil de données en première personne a bénéficié de
mentaux. Avec le premier repère, éthique, être « rétabli » suppose plusieurs outils méthodologiques issus de la recherche qua-
un rapport évaluatif à soi et une conception propre au sujet, litative, et qui ne s’inscrivent pas tous dans une approche
loin de toute approche normative. Le second repère réside dans phénoménologique [91, 92] . Mais nous pouvons citer parmi ces
l’invitation à disjoindre devenir de la personne et devenir de la approches certaines techniques d’entretiens d’explicitation qui
maladie, en prenant en considération le rôle central de la personne revendiquent une perspective phénoménologique [93] . Ces tech-
dans son propre rétablissement : « face à un trouble psychiatrique, niques proposent une description fine des vécus, à partir des
le rôle de la personne n’est pas périphérique, tel celui d’une vic- dimensions diachroniques et synchroniques d’une expérience [94] ,
time passive d’une maladie définie par la médecine » [71] . Ainsi, dans une perspective husserlienne [95] . Le type d’expérience

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37-080-A-30  Approche phénoménologique en psychiatrie

subjective visée ici est constitué des vécus les plus tacites ou subjective, ouvrent des chemins qui pour le phénoménologue
implicites : il s’agit donc d’explorer les niveaux préréflexifs de interrogent les liens du corps et du langage, la place de la méta-
la conscience, sans se limiter aux seuls aspects immédiatement phore et de l’altruisme dans la construction du soi. C’est justement
réflexifs [86, 94, 96, 97] . Si cette méthode d’explicitation a déjà connu parce qu’elle est une approche ontologique que la phénoméno-
des applications médicales en neurologie, il n’existe pas à notre logie a aujourd’hui son mot à dire dans le développement des
connaissance d’applications en clinique psychiatrique. neurosciences. Non pour les humaniser, ce qui serait une fois de
plus un leurre, mais pour les fertiliser en maintenant ouvert le
sillon qu’elles cherchent à creuser dans une terre qui n’en finit
 Conclusion pas de se refermer. Nous ne cessons de recouvrir de théories ce
que nous découvrons par l’expérience. Il s’agit aujourd’hui de
s’interroger moins sur la subjectivité que sur ce qui la fonde :
L’approche phénoménologique en psychiatrie est par essence soi minimal, objectivité de la matière, valeurs et intersubjectivité.
une approche clinique. C’est le retour à la clinique elle-même Transdisciplinaire par vocation et heuristique de fait, la phénomé-
qui la caractérise le mieux, à ce qui constitue les fondements de nologie psychiatrique trouve une nouvelle fois sa richesse dans le
l’expérience psychiatrique dans la vie quotidienne. Pour le phé- mélange des genres et le métissage des pratiques et des théories.
noménologue, la clinique est la chose elle-même. Qu’il s’agisse Ainsi, de Parnas à Davidson, la question de l’être s’est trouvée
du noyau psychopathologique autour duquel elle s’édifie, de reformulée en explicitant ce que peut signifier, pour le clinicien,
l’expérience subjective dans laquelle elle voit s’enraciner l’action
l’ipséité. À Parnas nous emprunterons l’idée qu’elle peut être
thérapeutique ou bien encore de la définition appropriée d’un
objet scientifique spécifique et du dispositif qui convient pour explorée, évaluée. À Davidson celle que sa reconnaissance comme
l’étudier, l’approche phénoménologique se veut une clinique épis- valeur de rétablissement est porteuse d’espoir.
témologique de la rencontre.
Loin de faire le tour d’un champ de recherche aussi vaste
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
que la clinique elle-même, tout au plus en avons-nous souligné
relation avec cet article.
quelques moments fondateurs. Nous l’avons fait en rappelant
quelques figures historiques, presque tous auteurs nés en Europe
et conscients d’une crise des sciences appelant dans leur domaine Remerciements : Jean Michel Azorin et Josef Parnas pour leurs commentaires.
à renouveler la discipline psychiatrique. Nous espérons avoir
montré qu’en trois générations, aujourd’hui quatre, l’approche
phénoménologique s’est toujours située à la naissance de la cli-
nique, en l’inspirant souvent mais sans jamais accepter d’être
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aussi dans un projet de naturalisation dont on pourrait penser 2004.
qu’il est contraire à l’esprit de la Daseinsanalyse. Les plus heideg- [3] Naudin J, Pringuey D, Azorin JM. Phénoménologie et analyse
geriens peuvent s’y opposer par principe ou dénoncer non sans existentielle. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Psychiatrie, 37-
pertinence qu’un tel projet manque de rigueur philosophique. 815-A-10, 1998.
Pourtant, la question de l’être peut être renouvelée en la confron- [4] Parnas J, Sass L. Varieties of “phenomenology”: on description,
tant une nouvelle fois à celle de la conscience. L’explicitation, understanding, and explanation in psychiatry. In: Kendler K, Parnas
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grâce à son dialogue, parfois critique, souvent complé- Calmann-Lévy; 1995.
mentaire, avec les neurosciences contemporaines. [22] Naudin J, Cermolacce M, Vion-Dury J, Pringuey D, Azorin JM.
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M. Cermolacce (michel.cermolacce@ap-hm.fr).
Service de psychiatrie adulte, Pôle universitaire de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, Marseille, France.
Unité de neurophysiologie, psychophysiologie et neurophénoménologie, Pôle universitaire de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, Marseille, France.
Laboratoire de neurosciences cognitives (LNC), UMR CNRS 7291, Aix-Marseille Université (site Saint-Charles), Marseille, France.
B. Martin.
Centre de réhabilitation, Service universitaire de réhabilitation, Centre hospitalier Le Vinatier, Lyon, France.
J. Naudin.
Service de psychiatrie adulte, Pôle universitaire de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, Marseille, France.
Unité de neurophysiologie, psychophysiologie et neurophénoménologie, Pôle universitaire de psychiatrie, CHU Sainte-Marguerite, Marseille, France.
Laboratoire de neurosciences cognitives (LNC), UMR CNRS 7291, Aix-Marseille Université (site Saint-Charles), Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cermolacce M, Martin B, Naudin J. Approche phénoménologique en psychiatrie. EMC - Psychiatrie
2016;13(1):1-8 [Article 37-080-A-30].

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