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Tramond J. Général de Chambrun. — Brazza. In: Revue de l'histoire des colonies françaises, tome 19, n°81, Mai-juin 1931.
pp. 314-317;
https://www.persee.fr/doc/outre_0399-1377_1931_num_19_81_1060_t1_0314_0000_2
Mais enfin c'est sur l'œuvre surtout que nous désirons être
informés et il est beaucoup de points de celle-ci qui, longtemps
encore, demeureront sujets à controverse, parfois même plus
qu'ils ne furent dans l'émerveillement du premier moment. On
ne saurait attendre que sur ces points le général de Chambrun
fasse entendre la voix de la critique, et il est assez naturel qu'il
attribue à de mauvais anges, à des influences occultes et
les passes douloureuses qui succédèrent si souvent dans la
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carrière de son héros aux succès éclatants et aux enthousiasmes
populaires; il le faut d'autant mieux que ce dut être
la pensée de Brazza lui-même. Nous sentons donc ces
forces, d'argent sinon de ténèbres, rôder autour du Chevalier,
dès les premiers triomphes, tenter de le séduire par les oiïres
les plus magnifiques, puis se venger ; jamais on ne les voit
paraître expressément, et Brazza lui-même a toujours eu l'élégance
de reconnaître ce qu'il y avait de grand et de généreux dans les
protagonistes qu'il trouvait vraiment en face de lui, Léopold II
ou Stanley. Ses véritables ennemis restent dans l'ombre, et ne
s'expriment quelquefois avec une franchise naïve que par la
plume des bureaucrates ou les discours des politiciens ; ils ne
l'emportent pas moins et par trois fois, quatre fois, le héros
romain vérifie, comme il en a eu l'impression dès ses débuts
dans la vie, que la Roche Tarpéienrie est près du Capilole.
Les premiers de ces conflits, les luîtes pour le Pool, autour des
clairières des forêts ou du tapis vert des diplomates, ont
assez de recul, les documents et les faits sont suffisamment
connus, pour qu'il soit possible de s'en faire une image calme,
et de rendre aux paladins Brazza et Ballay, aux bons nègres
Malamine et Makoko, voire à l'ogre Boulamatari (Stanley) ou à
l'enchanteur de Laeken la justice que leur devra l'histoire ;
mais il est des faits plus proches, sur lesquels l'accord n'est pas
encore établi.
Le général de Chambrun a beau jeu à s'appuyer sur l'unanimité
des témoignages pour établir le caractère exceptionnel de l'œuvre
accomplie par Brazza, grâce au rayonnement humanitaire
de sa personne ; tous ne pouvaient évidemment se
ainsi en bienfaiteurs de légende, et ainsi s'expliquent
déconvenues, certaines oppositions même, comme celle
qui se manifesta entre le commissaire général et le collaborateur
qu'il estimait cependandant, Crampel, et qui fit échouer le
plan de réunion des trois empires africains de la France
autour du Tchad, vers 1890.
Mais Brazza n'était pas qu'un diplomate pour nègres ; son
mérite, que son biographe s'attache à mettre en valeur, fut
au contraire, alors que tant d'autres s'absorbent dans leur tâche
immédiate, de ne jamais perdre de vue l'échiquier européen, alors
qu'il s'occupait de refaire l'avenir de l'Afrique. Ainsi s'explique
sa hâte, incomprise des contemporains, à prendre pied sur la
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