Vous êtes sur la page 1sur 5

Revue de l'histoire des colonies

françaises

Général de Chambrun. — Brazza


J. Tramond

Citer ce document / Cite this document :

Tramond J. Général de Chambrun. — Brazza. In: Revue de l'histoire des colonies françaises, tome 19, n°81, Mai-juin 1931.
pp. 314-317;

https://www.persee.fr/doc/outre_0399-1377_1931_num_19_81_1060_t1_0314_0000_2

Fichier pdf généré le 25/04/2018


affaire de Larache, dont l'inutilité politique ne doit pas faire
oublier la science et le courage qu'il y fallut déployer ; ce fui
elle qui mit définitivement hors de pair Du Chafïault et le
pour ses grands commandements de la Guerre d'Amérique.
Toute cette carrière est assez mélancolique ; le commandant
Chack, avec une habileté qui rend tout clair, nous en fait saisir
le mérite technique ; mais à quoi tout cela a-t-il servi }
On n'a pas su s'en servir.

Général de Chambrun. — Brazza. — Paris, Pion, 8, rue Garan-


cière, 1980. — Un volume in-8" (12/18) de 258 p. delà
Les Grandes Figures Coloniales.
Le général de Chambrun a eu cette fortune, que, lui-même
homme d'action, ayant participé à l'œuvre coloniale, il a vécu
dans l'intimité quotidienne et affectueuse d'un homme unique
dans l'histoire ; son livre a la valeur d'un témoignage direct, peut-
être de ces Mémoires que Brazza ne semble pas avoir eu le soud
d'écrire.
Son « Prince Florentin », cependant, n'entendait pas se livrer,
et c'est du dehors que même le général de Chambrun a dû faire
l'histoire de cette âme : du moins a-t-il connu tous les détails de
ce dehors, de l'entourage, qui détermine tant du caractère et de la
vocation ot trouvons-nous là sur la famille et les amitiés, sur
et la vie intime, sur certaines influences comme celles du
domaine familial, de l'Ecole Navale et de la Petite Vache, des
qui n'avaient pas encore été données. L'homme n'en reste
pas moins, malgré tout, le « Ténébreux » qu'il se plaisait à être,
et ce caractère de mystère, de recul, confère une poésie singulière
à ce livre qui n'a pas besoin d'être romancé pour être

Mais enfin c'est sur l'œuvre surtout que nous désirons être
informés et il est beaucoup de points de celle-ci qui, longtemps
encore, demeureront sujets à controverse, parfois même plus
qu'ils ne furent dans l'émerveillement du premier moment. On
ne saurait attendre que sur ces points le général de Chambrun
fasse entendre la voix de la critique, et il est assez naturel qu'il
attribue à de mauvais anges, à des influences occultes et
les passes douloureuses qui succédèrent si souvent dans la
310
carrière de son héros aux succès éclatants et aux enthousiasmes
populaires; il le faut d'autant mieux que ce dut être
la pensée de Brazza lui-même. Nous sentons donc ces
forces, d'argent sinon de ténèbres, rôder autour du Chevalier,
dès les premiers triomphes, tenter de le séduire par les oiïres
les plus magnifiques, puis se venger ; jamais on ne les voit
paraître expressément, et Brazza lui-même a toujours eu l'élégance
de reconnaître ce qu'il y avait de grand et de généreux dans les
protagonistes qu'il trouvait vraiment en face de lui, Léopold II
ou Stanley. Ses véritables ennemis restent dans l'ombre, et ne
s'expriment quelquefois avec une franchise naïve que par la
plume des bureaucrates ou les discours des politiciens ; ils ne
l'emportent pas moins et par trois fois, quatre fois, le héros
romain vérifie, comme il en a eu l'impression dès ses débuts
dans la vie, que la Roche Tarpéienrie est près du Capilole.
Les premiers de ces conflits, les luîtes pour le Pool, autour des
clairières des forêts ou du tapis vert des diplomates, ont
assez de recul, les documents et les faits sont suffisamment
connus, pour qu'il soit possible de s'en faire une image calme,
et de rendre aux paladins Brazza et Ballay, aux bons nègres
Malamine et Makoko, voire à l'ogre Boulamatari (Stanley) ou à
l'enchanteur de Laeken la justice que leur devra l'histoire ;
mais il est des faits plus proches, sur lesquels l'accord n'est pas
encore établi.
Le général de Chambrun a beau jeu à s'appuyer sur l'unanimité
des témoignages pour établir le caractère exceptionnel de l'œuvre
accomplie par Brazza, grâce au rayonnement humanitaire
de sa personne ; tous ne pouvaient évidemment se
ainsi en bienfaiteurs de légende, et ainsi s'expliquent
déconvenues, certaines oppositions même, comme celle
qui se manifesta entre le commissaire général et le collaborateur
qu'il estimait cependandant, Crampel, et qui fit échouer le
plan de réunion des trois empires africains de la France
autour du Tchad, vers 1890.
Mais Brazza n'était pas qu'un diplomate pour nègres ; son
mérite, que son biographe s'attache à mettre en valeur, fut
au contraire, alors que tant d'autres s'absorbent dans leur tâche
immédiate, de ne jamais perdre de vue l'échiquier européen, alors
qu'il s'occupait de refaire l'avenir de l'Afrique. Ainsi s'explique
sa hâte, incomprise des contemporains, à prendre pied sur la
— o16 —

Sanga, le Cliari ou l'Oubanghi, qui lui perinit, comme il le dit,


de mettre sa griffe sur la 'carte d'Afrique, souvent même à l'en-
contre des accords de méridiens et de parallèles ; admirable à
percer les âmes et les intentions, des blancs comme des noirs,
tel fut le jeu qu'il joua pendant quinze ans et que tant de fois il
■gagna pour la France.
11 finit cependant par perdre, parce qu'il n'était pas
prétend-on ; mais sur ce point, M. de Chambrun demande
à s'expliquer. Détestable administrateur de ses propres intérêts,
•certes il le fut, cet homme qui persuada aux siens d'engloutir
700.000 francs de leur fortune dans « le Congo de Pierre » ; mais
toutes ses découvertes et ses pacifiques conquêtes ne coûtèrent
qu'un morceau de pain au budget ilo la France, et si le budget de
ta colon e passa en effet par une période de cruelles épreuves,
lors des événements de 18/). quelle responsabilité doit-il en
revenir à Brazza, obligé de faire face, dans des conditions qu'il
n'avait pas déterminées, à une en! reprise dont il ne pouvait
approuver les molilités d'exécution, et dont il avait d'avance
signalé les répercussions financières ? La réalité est qu'à ce
moment, il ne menait plus le jeu et que les puissances, les
qu'il avait toujours sentis contre lui en profitèrent : au
de sa mise en disponibilité, le quadrillage de la colonie
en concessions était un fait accompli.
Il devait revenir encore une fois dans son Congo. M. le général
de Chainbruu est assez bref sur ce dernier séjour, relatif à des
questions sur lesquelles les polémiques ne sont pas encore closes;
tout au plus, s'il doit affirmer, en principe, l'accord de Brazza et
de Gentil, ne peut-il s'empêcher de rappeler qu'il y eut aussi,
pour le fondateur de l'Ouest africain, des heures de constatations
douloureuses ; mais le héros mourut sur la voie du retour, avant
d'avoir eu le temps de conclure, et cette image ambiguë et
douloureuse est peut-être bien celle qui pouvait le mieux clore
cette épopée d'idéal romantique.
Joannès Tramond.

Dompieurk d'hornoy. — Après (( La conquête d'Alger ». —


Préface de Paul Chack. — Paris, Société Parisienne d'Editions,
s. d. [1930]. — Un vol. in-8 (14X20) de 196 p. : i5 francs.
Cette polémique, sur les mérites réciproques de l'armée et de
_ 3i7 -

la marine dans la grande opération do i83o, a commencé au


lendemain même de la conquête, avant même, puisque la lettre
de l'amiral Duperré à un ministre, protestant contre la manière
dont Bourmont, dans ses rapports, présentait les faits, est du
9 juillet i83o. La célébration du Centenaire et surtout la
un peu étourdie, du livre de M. Gautherot vont lui
rendre une actualité que l'on ne peut que regretter.
Regretter, car il s'agit d'une contestation où les sentiments,
politiques ou personnels, tiennent la première place. En réalité,
les faits ne peuvent guère être contestés : la conception de
n'est certainement pas de Duperré, qui l'envisagea toujours
avec une grande défiance ; la direction générale elle-même ne
pouvait être son fait ; mais il eut toute la responsabilité de la
partie maritime, il la conserva, et à son honneur puisqu'elle a
réussi. Le reste est légende et raconlars, ou discussions futiles,
puisque à cent ans de distance, il est impossible d'apprécier
exactement les conditions nautiques de la traversée et du
et que, sur le moment même, c'était affaire de marin ;
au reste, si Duperré fut « prudent », Bourmont ne le fut-il pas
aussi, dès qu'il fut à terre ? C'était leur rôle, — et peut-être aussi
leur âge.
Tout cela est si clair que l'on ne voit pas très bien pourquoi un
volume sur cette question ? M. de Dompierre d'Hornoy, q,ui, par
une coquetterie qui nous déçoit, n'a pas voulu faire appel aux
ressources de ses archives, mais seulement aux arguments que lui
fournirent ses adversaires, a dû nourrir le sien de beaucoup de
hors-d'œuvre, et notamment d'une charge à fond contre « le
professeur Nyaca », qui amuseront, mais qui n'étaient pas
nécessaires. L'essentiel sur l'affaire, — et sur le livre de
M. Gautherot, — avait en somme été dit dès l'année dernière par
M. Esquer.
** *

Doughty (Arthur G.). — Rapports sur les Archives


du Canada pour Tannée 1928. — Ottawa, Ack-
land, 1929. — Un vol. in-8 (16/24) de 80 p. ; 25 cents. — Id.
pour l'année 1929, — Ottawa, Àckland, 1930. — Un vol. in-8
(16/24) de 170 p. ; 5o cents.
Ces publications ne se présentent pas tout à fait sous l'aspect
somptueux de celles de Québec, mais la méthode est la même et

Vous aimerez peut-être aussi