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Il y a 123 ans, s'est produit le massacre de 300 Lakota Miniconjou et Hunkpapa à Wounded Knee
dans le Dakota du Sud. La très grande partie des victimes était composée de vieillards, de femmes
et d'enfants. Cet événement tragique clôt le douloureux chapitre des guerres indiennes aux Etats-
Unis (1778-1890) et marque la fin du mode de vie d'homme libre indien.
Pourtant, Wounded Knee n'est pas une bataille militaire, mais plutôt une vengeance menée par
l'armée américaine contre un campement d'indiens affamés, qui s'apprêtait à se rendre pour être
déporté en convoi militaire par le train dans une réserve au Nebraska.
Wounded Knee met fin à la résistance farouche, et souvent victorieuse, menée par de grands chefs
de guerre Lakota qui ont pour noms : Crazy Horse, Sitting Bull ou Red Cloud contre l'invasion de
leur pays par les populations européennes et l'armée américaine. C'est aussi, à l'échelle du continent
amérindien, le dernier massacre de la conquête armée des Européens débutée quatre siècles plus tôt
par l'arrivée de Christophe Colomb en octobre 1492.
Ce massacre forme une plaie ouverte dans la mémoire du peuple sioux, comme le dit Black Elk1,
témoin oculaire à 27 ans de ces événements, il s'est précipité le lendemain à cheval sur le lieu de la
fusillade. «Ainsi tout était fini. Je ne savais pas alors combien de choses étaient finies. Quand je
regarde en arrière du haut de la colline élevée de la vieillesse, je vois encore les femmes et les
enfants massacrés, en tas et éparpillés tout au long du ravin tortueux, aussi clairement que je les
avais vus avec les yeux de ma jeunesse. Et je vois que quelque chose d'autre est mort là dans la
boue ensanglantée, et a été enterré par la tourmente. Le rêve d'un peuple est mort ici, c'était un
très beau rêve ».
1-Dans l'ouvrage de J.G. Neihardt , Black Elk parle , éditions Le Mail, Paris 1993 (première édition
1932)
Fosse commune
à Wounded Knee, janvier 1991
Photographie de Georges E. Trager
Pour saisir cet événement qui marque la fin d'un monde, il est nécessaire de le situer dans son contexte
historique. Celui de la seconde moitié du XIX ème siècle de la conquête de la Frontière aux Etats-Unis,
marquée par le choc de l'affrontement entre deux modes de vie et deux conceptions du monde qui eut
pour théâtre les Grandes Plaines du Nord Ouest américain.
Les Sioux constituaient la plus puissante et la plus indépendante des tribus indiennes des Plaines du
Nord situées dans le Minnesota, le Dakota et à l'Ouest du Missouri. En 1850, à la veille des premières
guerres avec les Américains, ils sont environ 25 000 dont 5 000 Dakota (Santee), 5 000 Nakota
(Yankton) et 15 000 Lakota ou Teton qui sont eux mêmes subdivisés en 7 clans : les Oglala,
Hunkpapa, Mineconjou, les Sans Arcs, les Brûlés, les Two Kettle et les Blackfeet-sioux.2
Le mot Sioux provient d'un terme péjoratif de la langue Chippewa qui signifie « petits serpents »
abrégé par les trappeurs Français qui furent les premiers à les rencontrer vers 1600 3 sur les rives du
Missippi.
Selon la tradition orale les Lakota occupaient il y a plus de 3000 ans les Black Hills, qui forment une
chaîne de montagnes située dans la partie ouest de l'État du Dakota du Sud, (point culminant : Harney
Peak 2 207 m). Au XVII ème siècle, au moment des premiers contacts avec les trappeurs français de la
région de Saint Louis, ils vivaient aux sources du Mississipi, puis sont remontés vers le Missouri à
l'Ouest. Grâce à la domestication des chevaux à la fin du XVII ème siècle qu'ils acquièrent par le vol ou
le troc, à partir des contacts avec les indiens du Sud Ouest, ils abandonnent leur mode de vie
2 Robert M. Utley, « La guerre des sioux dans l'Ouest américain », Edition Autrement , Terre indienne : un peuple
écrasé, une culture retrouvée, série Monde Hors Série dirigé par Philippe Jacquin, 1991
3- « Ce nom de « Sioux », que certains d’entre eux d’ailleurs exècrent, les Lakota en furent en effet affublés par des
trappeurs français qui contractaient ainsi le terme « Nadoweissiwug », expression peu amène dans la langue des
Chippewa qui signifie « petits serpents ». En 1600, ce furent deux Français, Pierre Esprit Radisson et Jean-Baptiste des
Grosseliers, qui entrèrent les premiers en contact avec une population encore partiellement composée de planteurs de
maïs. » Source Le site de Maurice Rebeix http://www.reveurs-de-tonnerre.com/
sédentaire et l'agriculture. Ils tirent alors leur principale subsistance d'une économie nomade fondée
sur la cueillette et la chasse aux bisons. La nation Sioux réalise au contact de l'expansion européenne
une importante révolution culturelle par l'adoption rapide du cheval (Shunka wakan).
Vers 1760, ils arrivent dans les Black Hills et font alliance avec les Cheyenne et les Arapaho et
chassent les Crow et les Kiowa de cet endroit, tout en contenant les Shoshone et les Ute. Pour les
Lakota et les Cheyenne, grâce aux bisons abondants et à l'acquisition de fusils contre des ventes de
peaux d'animaux auprès des Blancs, c'est une période faste de leur histoire qui s'étale de la moitié du
XVIIIème siècle au milieu du XIXème siècle.
-Le Traité de septembre 1851 de Fort Laramie fixe les limites territoriales des diverses tribus
indiennes des plaines, en contre-partie elles acceptent de ne plus se faire la guerre entre-elles, ni
contre les colons blancs qui traverseraient légalement leurs territoires. Le gouvernement a le droit de
construire des forts et des routes et s'engage à garantir une protection contre les déprédations
éventuelles des colons ainsi qu'à dédommager les tribus d'une somme de 50 000 dollars annuels
pendant cinq ans. Ces sommes d'argent ne furent jamais payées.
De fait, ce traité est peu respecté, des incidents continuent de se produire à proximité de Fort Laramie.
En 1854, l'incident de Grattan marque le début des guerres sioux, du nom d'un jeune militaire
américain qui lança une expédition punitive avec 30 soldats pour la mort d'une vache dans le camp de
4 Sources principales : Robert M. Utley et W. E. Wishburn , Guerres indiennes du Mayflower à Wounded Knee, éditions
Albin Michel, Paris 1992 et James Welch, C'est un beau jour pour mourir, L'Amérique de Custer contre les indiens des
plaines (1865-1890), éditions Albin Michel, 1999, 300 p.
Brave Bear. Elle se termina par la mise en déroute de sa troupe, un seul soldat survivant revint à Fort
Laramie.
Aux massacres de fermiers et de convois d'immigrants européens succèdent des massacres de
campements sioux. Les indiens attaquent des convois d'immigrants et des forts, détruisent les voies
ferrées et des lignes télégraphiques, brûlent des fermes et des ranchs.
La chasse intensive du bison fit passer sa population de plusieurs dizaines de millions au début du XVIe
siècle à moins de 1 000 à la fin du XIXe siècle.
5 Robert M. Utley et W. E. Wishburn , Guerres indiennes du Mayflower à Wounded Knee, éditions Albin Michel, Paris
1992, p.215.
-L'immense succès militaire éphémère de Little Big Horn 1e 25 juin 1876
En 1874, la découverte d'or dans les montagnes sacrées des Black Hills provoque une nouvelle
ruée vers l'or et des accrochages importants entre Sioux, Cheyenne et l'armée, le gouvernement décide
de lancer l'ultimatum aux tribus sioux de rejoindre la grande réserve d'ici le 31 janvier 1876. Ceux qui
ne le font pas seront pourchassés comme « hostiles ». Au printemps, l'armée lance une campagne
d'encerclement des bandes de Sitting Bull et de Crazy Horse soutenus par des Cheyenne sur la Powder
River. Ils sont quelques milliers d'indiens à échapper à la prise en tenaille des tuniques bleues en
repoussant l'armée à Rosebud, puis à organiser un vaste rassemblement à proximité de la Little Big
Horn River.
C'est là qu'eut lieu le 25 juin 1876, l'événement le plus décrit de l'histoire des Etats-Unis, un véritable
mythe fondateur de la Nation : la défaite du 7ème de cavalerie du Général Custer contre Sitting
Bull, Crazy Horse et Gall. Custer périt au combat avec 210 de ses hommes. Si cette victoire fut un
réel succès militaire pour les Lakota et les Cheyenne, elle se poursuivit l'année suivante par
l'arrestation ou la reddition de tous les combattants indiens de Litte Big Horn, excepté Sitting Bull qui
partit se réfugier au Canada de 1877 à 1881. Au bout de 4 ans d'exil, affaibli par la faim, le froid et les
maladies, il vint lui aussi se rendre avec 200 fidèles à Pine Ridge. Quant au plus célèbre chef de
guerre Lakota : Crazy Horse, il fut assassiné juste après son arrestation en 1877.
A la fin 1876, sous peine d'être privés de nourriture, les chefs Red Cloud et Spotted Tail, durent
accepter de céder les Paha Sapa, la terre sacrée des Black Hills, à des fins d'exploitation aurifère aux
colons blancs.
En 1887, la loi sur le partage des terres en lotissements (Général Allotment Act) dans l'ensemble du
pays réduit la superficie des terres appartenant aux indiens. Il accorde aux chefs de familles 75 ha et
37 ha aux célibataires, le reste des terres des réserves est ouvert à l'accès des blancs.
En 1889, le gouvernement des États-Unis rompt le traité passé avec les Lakota en divisant la Grande
réserve Sioux qui est réduite et morcelée en six petites réserves séparées, qui existent toujours
aujourd'hui : Pine Ridge, Rosebud, Cheyenne River, Standing Rock, Crow Creek et Lower Brûlé.
Ce découpage en puzzle est réalisé pour satisfaire les intérêts des propriétaires de l'Est. Il était
conforme à la politique clairement affichée du gouvernement "de rompre les relations tribales" et
d'obliger "les Indiens à se conformer au mode de vie de l'homme blanc, pacifiquement si possible ou
sinon par la force". Diviser le territoire sioux en plusieurs micro-réserves était aussi un moyen de
diviser la nation Sioux et de se prémunir d'une attaque d'envergure contre les Blancs.
Une fois les réserves "ajustées", les tribus ont été séparées en unités familiales sur des parcelles de
terrain de 75 ha. Les Indiens étant jugés "paresseux", le gouvernement réduit aussi les rations
alimentaires de moitié.
« Il nous ont fait des promesses disait Red Cloud, plus que je ne peux m'en rappeler, mais ils n'en
ont tenu qu'une seule : ils ont promis qu'ils nous prendrait nos terres et là ils ont tenus parole ».6
6 Robert M. Utley et W. E. Wishburn , Guerres indiennes du Mayflower à Wounded Knee, éditions Albin Michel, Paris
1992, p. 267.
En 1890, cela fait 20 ans que le peuple Lakota est soumis au système de la réserve qui les détruit peu à
peu. La situation est devenue dramatique. Affaiblis par diverses maladies, notamment la tuberculose,
et la variole contre lesquelles les Medecine men sont démunis. Confronté à l'anéantissement de leur
univers, le peuple Lakota vit et dépend des vivres et de l'aide de leurs ennemis d'hier. Humilié par des
agents du Bureau des affaires indiennes incompétents, inexpérimentés et corrompus, le peuple Lakota
survit sur des terres peu propices à l'agriculture ou à l'élevage et totalement dépourvues de gibiers, la
rage et la rancœur sont grandes, d'autant que s'y ajoutent l'impuissance et le désespoir au moment où
les sécheresses de l'été 1890 ont anéanti leurs maigres récoltes 7.
C'est dans ce contexte de misère et de perte de repères, qu'en novembre 1890, à la veille de l'hiver, les
Lakota des réserves sont de plus en plus nombreux à répondre à l'appel de la danse des Esprits (Ghost
Dance), une prophétie enseignée par Wowoka (Jack Wilson), un chaman Paiute du Nevada voisin.
Cette prophétie prédit que les cérémonies de la danse des Esprits accoucheront d'un nouveau monde
où les générations passées renaîtraient à la vie, le bison et le gibier seraient à nouveau foisonnant. La
danse et le port de la chemise blanche des esprits « permettrait aux indiens d'être invincibles aux
balles des Blancs. Pour faire venir cet âge d'or, ils ne doivent pas se battre mais danser. C'est un
mouvement non violent qui prône la réunion de la race indienne avec les morts et les vivants,
ensemble sur une terre régénérée qui connaîtra à nouveau le bonheur des origines, libérée à jamais
de la mort, de la maladie et de la misère » 8. Une forte effervescence s'empare des réserves Lakota, les
danses se multiplient partout, un vent d'anarchie souffle sur Rosebud et Pineridge. Redoutant
fortement les prémisses d'une révolte indienne d'envergure, l'armée américaine s'apprête à intervenir.
Le 15 novembre, le chef de l'agence du BIA à Pine Ridge, envoie un télégramme à l'armée : « Les
indiens dansent dans la neige, ils sont déchaînés, ils sont complètement fous. Nous avons besoin de
protection, d'une protection immédiate ».
Photographie de Wovoka
7 Elise Marientras, L'histoire ou la mémoire, édition Autrement , Terre indienne : un peuple écrasé, une culture
retrouvée, série Monde Hors Série dirigé par Philippe Jacquin, 1991.
8 Citation de l'ethnologue américain James Mooney auteur d'une remarquable enquête sur la Ghost Dance en 1892,
reprise par Elise Marientras, L'histoire ou la mémoire, édition Autrement , Terre indienne : un peuple écrasé, une
culture retrouvée, série Monde, Hors Série dirigé par Philippe Jacquin, 1991, p. 81-100
9 Robert M. Utley et W. E. Wishburn , Guerres indiennes du Mayflower à Wounded Knee, éditions Albin Michel, Paris
1992, p. 271.
Camp des « indiens hostiles » en 1890 dans le Stronghold à proximité de la réserve de Pineridge Dakota du Sud,
photographie de John Grabill
Pour prévenir le chaos qui menace la réserve, l'armée décide d'arrêter les chefs rebelles. Dans cette
liste figure Big Foot, le chef des Lakota Minéconjou, qui vit près de Cherry Creek au Nord de la
réserve. Celui-ci est rejoint par une cinquantaine de fidèles de Sitting Bull, en fuite après sa mort.
Cette bande de 350 personnes affaiblies est en route pour Pine Ridge, afin de trouver protection
auprès du vieux chef Red Cloud. Les femmes et les enfants y sont en majorité et moins de 50
hommes sont en état de combattre, ils se déplacent avec des chariots pour transporter leurs tipis et
leurs maigres bagages. Le 28 décembre, à l'approche de la butte de Porcupine, ils aperçoivent en
contre-bas un camp de l'armée américaine, celui du 7ème régiment de Cavalerie reconstitué après la
mort de Custer. Après tractation, les soldats conduisent les indiens au bord d'un ruisseau appelé
Wounded Knee Creek que les Lakota appellent « Chankpe Opi Wakpala ». La troupe militaire formée
de 500 hommes encercle le camp de tentes et dispose de 4 canons Hotchkiss à tir rapide qu'ils mettent
en position de tir sur une butte vers le camp indien. Très affaibli par une pneumonie, le chef Big Foot
convainc le colonel Forsyth, commandant de la troupe, qu'il n'a aucune intention hostile. De toute
façon, vu le rapport de force en présence, toute résistance aurait été un pur suicide.
Le matin du 29 décembre, le Colonel Forsyth ordonne aux guerriers de se rassembler au centre afin
d'être désarmés. Pendant ce temps, les soldats fouillent les tipis sans ménagement pour les femmes et
les enfants à la recherche d'armes cachées, l'émotion gagne les deux camps. Yellow Bird, homme
médecine, entonne un chant de la danse des Esprits et exhorte les guerriers à se battre, les soldats
deviennent très nerveux. Un militaire empoigne un guerrier sourd pour lui enlever sa carabine. Un
coup part, c'est la panique, des coups de fusils partent de part et d'autres déclenchant une tuerie
épouvantable. Le combat en face à face se déchaîne de part et d'autre, à coup de fusil, de matraque, de
couteau. Big Foot essaie de se relever pour calmer ses hommes, il est fauché par une rafale. Les
soldats se replient pour laisser les canons à tir rapide Hotchkiss entrer en action. A raison de 50 coups
par minute, ils font de terribles ravages auprès des indiens surpris qui essaient en vain de s'enfuir.
Après les salves meurtrières d'obus, les cavaliers prennent le relais et pourchassent les indiens en
fuite, n'épargnant ni les femmes, ni les enfants, les achevant à coup de fusil, de pistolet ou de sabre.
En moins d'une heure tout était terminé, le champ de bataille offrait le spectacle d'un vrai carnage.
Près de deux tiers des indiens étaient décimés. On releva officiellement 154 morts et 50 blessés du
côté Lakota et 25 soldats décédés et 39 blessés. Dans la soirée, le blizzard se leva, gelant sur place les
morts et les mourants. Les victimes furent enterrées dans une fosse commune par l'armée le 2 janvier
1891.
Le 4 janvier, soit une semaine après le massacre, Frank L. Baum, éditorialiste de l' Aberdeen Saturday
Pionner écrivait : « Notre journal avait déjà déclaré que notre sécurité dépendait de la totale
extermination des indiens. Les ayant maltraités depuis des siècles, nous aurions mieux fait, afin de
protéger notre civilisation, de continuer dans cette voie et de rayer de la surface de la terre les
créatures indomptées et indomptables ».
Avant la mi-janvier, affamés et démunis d'armement, encerclés par des milliers de soldats, les indiens
regroupés au Stronghold décident de se rendre au général Miles. « Le 15 janvier 1891, 4000 indiens, 7
000 chevaux, plus de 500 chariots et 250 travois défilent dans les Badlands sur deux colonnes pour se
rendre à l'agence de Pineridge. 10».
Malgré le désaveu du général Miles qui critiqua vivement le colonel Forsyth pour le non respect des
ordres et de sa responsabilité dans ces événements qu'il qualifia lui même de massacre, le Congrès
délivra 21 médailles d'honneur militaires aux soldats du 7ème de Cavalerie. Cette plus haute
distinction militaire récompensait ces soldats pour leur « bravoure exceptionnelle » à Wounded Knee.
Jusqu'à aujourd'hui, les amérindiens continuent sans succès à réclamer que ces distinctions soient
requalifiées en médailles de déshonneur et Wounded Knee demeure une blessure profonde
constitutive de l'identité Lakota
10 Forrest W Seymour, Sitanka, The full story of Wounded Knee, West Hanover, Mass, 1981, p. 183
Pour l'historien américain Howard Zin, auteur d'une magistrale histoire populaire des Etats-Unis de
1492 à nos jours, Wounded Knee fut « le point culminant de 4 siècles de violences initiés par
Christophe Colomb et destinées à confirmer que ce continent appartenait bel et bien à l'homme
blanc » 11.
A partir de 1885, de nombreux Lakota s'engagent dans le « Wild West Show », organisé et dirigé par
Buffalo Bill. Ce spectacle populaire de l'Ouest sauvage est présenté dans les villes de l'Est des Etats-
Unis et en Europe. Sitting Bull participe au Wild West Show en 1885 aux États-Unis et au Canada
mais n’est pas autorisé à se rendre en Europe. En 1896, il passe en France par Paris et Dijon et en
1905, il se produit à Reims et à Chalons en Champagne. Le spectacle connaît un succès phénoménal
au grand cortège du Carnaval de Paris. Au pied de la tour Eiffel, il attira trois millions de spectateurs,
une rumeur prétendait que toucher un indien du Wild West show était bon pour la fertilité...ce qui
attira de nombreux jeunes couples de la capitale. C’était un spectacle de foire étonnant pour l'époque,
destiné à recréer l’atmosphère de l’Ouest américain dans toute « son authenticité ». Les scènes de la
vie des pionniers illustraient des thèmes tels que la chasse au bison, le Pony Express, l’attaque d’une
diligence et de la cabane d’un pionnier par de « vrais indiens » et des animaux des Grandes plaines,
dont la la présence constituaient le clou du spectacle.
11 Howard Zin, Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, éditions Agone, 2003, p. 340.
12 Wikipedia : article guerres indiennes
Pour des millions d’Américains et d’Européens commença alors le grand mythe du Far West qui ne
s’éteindra plus, prolongé et développé par le cinéma hollywoodien, avec ses figures mythiques des
géants de l’Ouest.
C'est par le succès de ce spectacle, imité par tant d'autres à l'époque que les Lakotas appelés Sioux
ont gagné leur popularité et ont fini par imposer au monde une figure stéréotypée et unique de
l'Indien. Au point que de très nombreuses personnes ne peuvent imaginer que tous les indiens ne
vivaient pas en tipis et ne chassaient pas le bison à cheval !
La misère des réserves, parfois la contrainte, a poussé de nombreux Lakota, à la suite de Sitting Bull
à se lancer dans l'aventure de ce spectacle de foire, mais beaucoup en sont revenus malades, brisés
physiquement et moralement13. Dans ce prolongement, au XX ème siècle, de nombreux Lakota
jouèrent des rôles de figurants dans les populaires western hollywoodiens.
Bufallo Bill et Sitting en 1885
13 James Welch, « A la grâce de Marseille », roman, Albin Michel, 2001, 470 p. Sam Maddra, « Les Amérindiens dans le
Buffalo Bill Wild West Show », in Zoo humains et exhibitions coloniales, édition la Découverte, 2011. Voir aussi la
collection de photos de Gertrude Kasebier supra.
Wounded Knee 1973
Le 27 février 1973, l'American Indian Movement (AIM) occupe Wounded Knee à la demande des
anciens de la réserve de Pineridge. Il dénonce la politique du gouvernement fédéral américain qui viole
les traités qui ont mis fin aux guerres indiennes. Assiégés par le FBI et ses véhicules blindés, la
résistance dure 71 jours. Ce mouvement exceptionnel, initié par des Lakota, contribua à redonner fierté
et identité à l'ensemble des indiens d’Amérique et à faire connaître au monde entier leur oppression.
Le mouvement de Wounded Knee en 1973 contribua fortement au renouveau spirituel du peuple Lakota
et au-delà de l'ensemble des peuples amérindiens.
A la fin de l'occupation, et contrairement aux engagements qu'il avait pris lors des négociations avec les
occupants, le gouvernement américain procède immédiatement à de multiples arrestations et accable le
leadership de l'AIM à l'aide de procès truqués et d'emprisonnements arbitraires, comme celui de
Leonard Peltier toujours en prison aujourd'hui (37 ans en 2013).
« L'occupation était une question de survie. Nous nous sommes saisis de nos armes, car c'était notre
devoir d'assurer la survie de notre peuple. Nous devions survivre. Il fallait que nous fassions savoir au
monde la façon dont notre peuple était peu à peu anéanti. Le gouvernement des États-Unis ne peut
dissimuler ce qu'il nous a fait subir. Le monde doit savoir. Aujourd'hui, le monde sait. Il est de notre
devoir de redevenir un peuple libre, de former une nation parmi les autres nations du monde. Nous
sommes une nation au sens où l'Organisation des Nations Unies l'entend. Nous disposons d'une langue,
d'une religion, d'un territoire, d'une histoire ; notre culture remonte à la nuit des temps. C'est plus que le
gouvernement américain ne peut prétendre. Votre langue est celle d'une autre nation et votre religion a été
empruntée à une autre civilisation; vous n'avez rien créé en ce domaine. Et vos terres ont été prises à
d'autres, également à nous !
Les Indiens forment un peuple magnifique épris de paix. Chacun d'entre nous est un leader né. Nous
avons beaucoup à apprendre au monde, nous avons tant de choses à offrir aux autres nations. Nous
voulons occuper notre place parmi elles. Vous ne pouvez nous masquer aux yeux du monde.
Nous devions mettre un terme au massacre de notre peuple. Ainsi, en 1973, nous avons repris une petite
partie du territoire qui nous appartenait, ici dans la réserve de Pine Ridge, la colline sacrée de Wounded
Knee. Il s'agit du lieu même où Big Foot et sa bande furent abattus en 1890. C'est la raison pour laquelle
nous choisîmes d'occuper Wounded Knee. Nous n'avions pas l'intention de nous servir de nos armes. Les
hommes du FBI nous avaient encerclés. J'étais présent avec les Anciens ; nous assumions un rôle de
conciliateurs. Nos guerriers vinrent me trouver pour me demander ce qu'ils devaient faire. « La Pipe,
la Pipe Sacrée, leur répondis-je. Elle est plus puissante que n'importe quel fusil, plus puissante même
qu'une bombe atomique ! ». Nous avons résisté soixante et onze jours. Et les fusils n'y étaient pour rien.
Le pouvoir de la Pipe nous y aida, le pouvoir surnaturel de Dieu, De cette façon, nous avons pu éviter un
nouveau massacre. Il y eut des blessés, quelques morts, mais nous observâmes le précepte de Dieu.
Survivre. Après l'occupation, un grand nombre de nos guerriers furent arrêtés et jetés en prison. Leonard
Peltier et les autres. Accusations inventées de toutes pièces. Peu leur importait qui ils avaient capturé. Il
leur fallait un Indien, attraper n'importe lequel. Telle est la justice de l'homme blanc. Mais nous avons
survécu et nous continuerons de survivre. C'est ça Wounded Knee, Survivre. »
American Indian Movement (A.I.M.)
Le plus actif des mouvements d’opposition indiens aux Etats-
Unis s’est fait connaître dans les années 1970 par de
nombreuses actions spectaculaires, en particulier l'occupation
de la prison d'Alcatraz en 1969-1971, la manifestation contre
le Bureau des Affaires Indiennes à Washington en 1972 et
surtout l’occupation de Wounded Knee sur la réserve de Pine
Ridge en 1973. Défendre les revendications indiennes
L’A.I.M. est fondé en 1968 à Minneapolis au Minnesota, par
Dennis Banks, John Mitchell et les frères Bellecourt. Dans
les années 1950-1960, la politique de « relogement » a
poussé nombre d’indiens des réserves à s’installer dans les
villes où la plupart d’entre-eux connaissent bientôt
l’alcoolisme, le chômage, la misère. L’AIM. se propose de
défendre ces indiens des villes contre le racisme et les
violences policières en créant des réseaux de solidarité. Au
début des années 1970, l’AIM. prend une stature nationale.
Le respect des traités conclus au siècle dernier entre les
nations indiennes et les Etats-Unis est l’une de ses
principales revendications.
L’AIM soutient le traditionalisme indien contre l’assimilation a la culture blanche. Il aide au renouveau et
à la diffusion des cultures indiennes, des langues, des cérémonies traditionnelles, en particulier de la
Danse du Soleil. Les plupart des militants de l’AIM sont danseurs du soleil et s’efforcent de combattre
l’usage d’alcool et de drogue qui détruit la société indienne.
La résistance indienne
Le mouvement anime les principaux événements qui marquent la résistance indienne dans les années
1970-1980. De 1969 a 1971, c’est l’occupation de l’ilôt d’Alcatraz dans la baie de San Francisco. En
janvier 1972, c’est la manifestation contre le meurtre, non puni, de Raymond Yellow Thunder, un Oglala
tué par quatre jeunes blancs. A l’automne 1972, c’est l’occupation du Bureau des Affaires Indiennes à
Washington et en février 1973, les violentes émeutes de Custer au Dakota du Sud, après le meurtre, non
puni, d’un jeune Oglala poignardé par un blanc. De février a mai 1973, l’AIM. et ses partisans occupent
le village de Wounded Knee sur la réserve de Pine Ridge, où s’est déroulé en 1890 le massacre de trois
cents Lakota. Ce sera « Wounded Knee II ». C’est dans un camp de l’AIM. établi près d’Oglala sur la
réserve de Pine Ridge, que le 26 juin 1975, deux agents du F.B.I. sont abattus. C’est ainsi que commence
l’affaire Leonard Peltier. En 1974, sur la réserve de Standing Rock, l’AIM. fonde l’ « international Indian
Treaty Council » (IITC) qui acquiert quelques années plus tard un statut d’organisation non
gouvernementale auprès de l’ONU. En 1978, c’est la « Plus Longue Marche » des indiens de toutes les
nations entre San Francisco et Washington. Ce sera la dernière grande manifestation indienne aux Etats-
Unis. Depuis le début des années 1980, l’opinion américaine semble moins favorable aux revendications
indiennes. L’AIM abandonne les manifestations spectaculaires au profit des actions de terrain menées par
de petits groupes autonomes.
Fiers d’être indiens
L’AIM. a souvent été considéré comme un mouvement violent. Il n’a pourtant jamais cautionné
d’assassinats politiques. Les Indiens reconnaissent que l’AIM. leur a rendu leur fierté d’être indien, qu’il
leur a fait prendre conscience de leur identité, à une époque ou l’assimilation à la société blanche
paraissait être la seule voie possible pour le peuple indien.
Source Encyclopédie Larousse en ligne 2010
Pour aller plus loin
Filmographie
-« Enterre mon cœur à Wounded Knee » (2007), film réalisé par Yves Simoneau. Une fresque
historique sur le massacre du peuple amérindien Lakota, à Wounded Knee en 1890. Destins croisés de
trois personnages historiques du XIXe siècle : Charles Eastman, né Ohiyesa, un jeune Sioux qui a
suivi des études universitaires pour devenir médecin, désigné comme le symbole d'une politique
d'assimilation prétendument réussie ; Sitting Bull, le fier chef Lakota qui refuse de se soumettre aux
mesures imposées par les autorités du gouvernement fédéral qui visent à déposséder son peuple de son
identité, de sa dignité et de ses terres sacrées - les Black Hills réputés pour leurs nombreux gisements
d'or ; le Sénateur Henry Dawes, l'un des architectes de la politique gouvernementale en matière
d'affaires indiennes.
-Into the West (2007), série TV, réalisée par plusieurs réalisateurs, produit par Steven Spielberg,
acteurs Matthew Settle, Skeet Ulrich, Keri Russell, Matthew Modine, Josh Brolin .
Très grande série sur la conquête de l'Ouest et son incidence sur la vie des peuples des "américains
d'origine" sur près de 80 ans (des années 1820 jusqu'aux événements de Wounded Knee). Cette série
extraordinaire relate très fidèlement, la plupart des plus grands événements de cette période, autour de
plusieurs générations d'une même famille américaine et d'une autre "Sioux Lakota". De nombreuses
recherches en archives et la collaboration d'experts spécialisés de chaque période traversée par
l'intrigue, experts des nations indiennes (spécialistes "natives", spécialistes du Smithsonian Institute
etc) viennent renforcer le réalisme du scénario, des décors, des costumes. Les acteurs "amérindiens"
parlent leur propre langue (Lakota, Cheyenne), ce qui renforce la beauté de leurs messages tout en
nous rappelant comme ces langues sont aussi magnifiques qu'essentiel à ces peuples.
Disponible en version originale sur Youtube :
http://www.youtube.com/watch?v=sAAPvEfYZFY
Ou française :
http://www.youtube.com/watch?v=BLFSlOLnJLs
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-Web
-Le site de Maurice Rebeix Rêveurs de Tonnerre
http://www.reveurs-de-tonnerre.com/
-Un blog sur la culture sioux lakota qui donne un aperçu de la culture, l'histoire et de la spiritualité
http://itancansioux.wordpress.com/page/2/
http://amerindiens-libres.over-blog.com/
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Collections de photos
-John Grabill et George E. Trager photographièrent Wounded Knee après le massacre, et les acteurs et
victimes du drame survivant.
http://www.andrewsmithgallery.com/exhibitions/johngrabill/johngrabill
-Les photos de à Wounded Knee en 1890 sur un site militaire américain
http://lbha.proboards.com/thread/3555
-Les photos de Gertrude Kasebier sur les indiens du Wild West Show
http://codystudies.org/kasebier/1898season.php