Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
L’ergothérapie
L’ergothérapeute est alors un intervenant essentiel pour favoriser le
développement harmonieux du jeune enfant avec autisme. Les interventions
en ergothérapie se caractérisent par l’analyse des occupations, des
environnements physiques et sociaux (membres de la famille, entourage,
et l’enfant
personnel soignant, accompagnants scolaires, camarades) de l’enfant.
L’implication de tous ces individus dans le suivi de l’enfant permet
à l’ergothérapeute de construire avec eux des solutions réalistes et
respectueuses du potentiel de chacun afin de faciliter leur vie quotidienne.
avec autisme
La démarche ergothérapique auprès d’enfants avec autisme de la naissance
à 6 ans est décrite et illustrée par de nombreux exemples. Dans ce livre,
les pratiques proposées se fondent sur les preuves scientifiques récentes.
La phase d’observation, l’analyse des besoins, l’exploration des différents
de la naissance
espaces de vie ainsi que la mise en place de solutions individualisées sont
détaillées. L’ouvrage examine les différentes retombées des actions en
ergothérapie, tout en abordant des particularités :
à 6 ans
sensorielles,
ludiques,
motrices,
de la cognition sociale.
Le processus de raisonnement clinique en ergothérapie est illustré par
trois histoires de vie. Elles donnent des exemples concrets de formulation
d’objectifs centrés sur l’occupation et de méthodes d’intervention avec Guide de pratique
l’enfant et son entourage.
ISBN 978-2-3532-7393-5
www.deboecksuperieur.com
Guide de pratique
ISBN : 978-2-3532-7393-5
Préface................................................ XI
Joseph Schovanec
Préface.............................................. XIII
Marc-Éric Guisset
Chapitre 1 Préambule................................... 1
Emmanuelle Rossini et Sylvie Tétreault
Chapitre 2 Ergothérapie et autisme : généralités............. 7
Emmanuelle Rossini et Sylvie Tétreault
Chapitre 3 État des connaissances dans le domaine
de l’autisme........................................ 37
Evelyne Thommen, Delphine Dechambre et Emmanuelle Rossini
Chapitre 4 Particularités sensorielles..................... 81
Myriam Chrétien-Vincent
Chapitre 5 Particularités dans la compréhension d’autrui... 123
Evelyne Thommen et Emmanuelle Rossini
Chapitre 6 Particularités ludiques et motrices............. 167
Sylvie Ray-Kaeser et Emmanuelle Rossini
Chapitre 7 La formulation des objectifs en ergothérapie :
exemples pratiques................................ 203
Sylvie Meyer et Emmanuelle Rossini
IX
« La tête sans la main qui réalise reste impuissante », disait Claude
Bernard. Dans le monde de l’autisme, si porté aux théories abstraites
que l’on en oublie jusqu’à l’existence des personnes concernées, la leçon
du père de la physiologie, en d’autres termes de l’introduction de la
dynamique rationnelle dans la médecine à toute action devrait être les
prémices.
Historiquement, l’approche à l’autisme fut aux antipodes des
idéaux de l’ergothérapie. Handicap des lieux clos par excellence, tant par
la crainte que l’autisme inspirait qu’en raison des théories délusoires qui,
en attribuant la cause sinon la faute de l’anomalie supposée aux parents,
justifiaient la mise à l’écart de l’enfant ou de l’adulte, l’autisme a par
ailleurs été associé durant des décennies à l’immobilité, à la permanence
d’un état grave et sans espoir de rémission.
L’ergothérapie, en tant qu’approche par l’activité, a, elle aussi,
durant des années, cherché sa voie. Comme nous en retrace, en des pages
captivantes, le présent ouvrage, ce n’est que suite à plusieurs mutations
de paradigme tout au long de sa genèse que l’ergothérapie s’est pensée
comme action dans l’entourage, dans la communauté au sein de laquelle
se déroule la vie naturelle de la personne. Cette communauté demeure
le cadre, sinon l’horizon, de l’intervention.
Par un heureux hasard, l’ergothérapie devint donc aussi bien
l’antithèse des pratiques désuètes et pernicieuses de séparation ou de
confinement dans l’autisme que l’incarnation par excellence des bonnes
pratiques en la matière, visant à développer, par l’action concrète, les
aptitudes et liens de la personne avec son environnement humain.
XI
XII
XIII
XIV
1. Avant-propos
2. Origine du guide
Le présent ouvrage tire son origine de plusieurs éléments. D’abord, l’autisme
est une particularité développementale, dont la prévalence est similaire partout
dans le monde (French, Bertone, Hyde, & Fombonne, 2013). Ensuite, les parti-
cularités de l’autisme sont nombreuses. Elles ont des répercussions directes sur la
participation sociale des enfants qui présentent cette condition et sur les membres
de leur entourage (Drecq, 2015 ; Kanne, Gerber, & Quirmbach, 2011 ; Larzul,
2010 ; Mesibov & Shea, 2011). Considérant cela, l’ouvrage met l’emphase sur la
contribution de l’ergothérapie auprès de ces individus, comme le recommandent
1. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/autism-spectrum-disorders
2. Pour une meilleure compréhension du cadre de référence CCTE, la lecture suivante est recom-
mandée : Meyer, S. (2013). De l’activité à la participation. Bruxelles, Belgique : De Boeck.
4. Organisation du guide
Même si les pratiques en ergothérapie auprès de l’enfant avec autisme
peuvent varier d’un pays à l’autre, divers principes et recommandations
doivent être considérés. Premièrement, l’ergothérapeute centre son action sur
Références
Drecq, E. (2015). Étude exploratoire de la participation sociale et de la cognition sociale
chez le jeune enfant présentant un Trouble du Spectre de l’Autisme (Maîtrise en
arts, Université de Laval, Québec, Canada). Récupéré à https://corpus.ulaval.
ca/jspui/handle/20.500.11794/26449
Fougeyrollas, P. (2010). La Funambule, le fil et la toile. Québec, QC : Presses de
l’Université Laval.
French, L. R., Bertone, A., Hyde, K. L., & Fombonne, E. (2013). Epidemiology of autism
spectrum disorders. The Neuroscience of Autism Spectrum Disorder, 43, 3‑24.
Kanne, S. M., Gerber, A. J., Quirmbach, L. M., Sparrow, S. S., Cicchetti, D. V.,
& Saulnier, C. A. (2011). The role of adaptive behavior in autism spectrum
disorders: Implications for functional outcome. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 41(8), 1007‑1018.
Kinsella, E. A., & Whiteford, G. E. (2009). Knowledge generation and utilisation in
occupational therapy: Towards epistemic reflexivity. Australian Occupational
Therapy Journal, 56(4), 249‑258.
Larzul, S. (2010). Le rôle du développement des théories de l’esprit dans l’adapta-
tion sociale et la réussite à l’école des enfants de 4 à 6 ans (Thèse de doctorat,
Introduction
Cet ouvrage concerne l’ergothérapie appliquée aux enfants avec autisme.
L’ergothérapie est une profession qui reconnaît la complexité de l’humain et
qui s’intéresse aux occupations humaines. L’occupation est reconnue comme
un droit et un déterminant social de la santé (Pereira, 2017). Elle est modulée
par différents facteurs propres à la personne, mais le point central de l’occu-
pation reste l’environnement (Fougeyrollas, 2010 ; RIPPH, 2018). Law (1991,
citée dans Hammel, 2015) est l’une des premières chercheuses en ergothérapie
à introduire le terme du « droit occupationnel ». Elle invite les ergothérapeutes
à soutenir les individus vulnérables afin de les défendre et de combattre les
inégalités de participation liées aux conditions de vie précaires. Ainsi, le para-
digme contemporain d’une approche centrée sur l’occupation amène les ergo-
thérapeutes à considérer l’occupation humaine comme le principal moyen
et l’unique finalité de leurs actions auprès des personnes, des familles, des
groupes sociaux et des populations (Kielhofner, 2009, cité dans Pereira, 2017).
Le présent chapitre explore d’une part les interventions actuelles de
l’ergothérapie et propose d’autre part des exemples appliqués au domaine
de l’autisme. La première partie décrit le changement de paradigme ayant eu
lieu au cours des dernières années dans le monde de la santé et au sein de
l’ergothérapie. Cette transition a conduit à des modifications dans les services
offerts aux personnes et aux populations. Par ailleurs, le domaine de l’autisme
a connu également des changements paradigmatiques conséquents.
Dans la deuxième partie du chapitre, un accent particulier est mis
sur deux orientations marquantes de l’ergothérapie : l’approche centrée sur
10
11
12
famille. Pour Bagatell et Mason (2015), il s’agit de l’unique voie pour proposer
des interventions en ergothérapie orientées vers des occupations. Néanmoins,
les évidences scientifiques disponibles actuellement pour les professionnels
demeurent encore fortement ancrées dans les anciens paradigmes. En effet,
bien qu’il soit reconnu que les personnes avec autisme et leurs familles ren-
contrent des difficultés dans leurs occupations, celles-ci sont rarement direc-
tement intégrées dans les recherches. À ce propos, les résultats de la scoping
review de Bagatell et Mason (2015) indiquent que l’ergothérapie doit définir
ses interventions en se basant sur le paradigme contemporain auprès des
enfants avec autisme. Une approche centrée sur la famille et l’inclusion de
ces membres dans les recherches portant sur la mesure de l’efficacité sont à
privilégier. Si la famille est un élément fondamental de la prise en charge en
ergothérapie des enfants de façon générale, elle est particulièrement essen-
tielle pour les enfants avec autisme. En effet, de par la présence d’un enfant
avec autisme, elle présente des risques plus importants que des familles sans
autisme quant à l’engagement occupationnel ; cela vaut pour la famille en tant
que groupe, mais aussi pour chacun des membres singulièrement (De Grace
et al., 2016).
Considérant la situation actuelle, il semble fondamental d’entreprendre
des recherches qui évaluent et explorent les effets des interventions en ergo
thérapie sur l’engagement occupationnel. Les interventions intègrent de plus
en plus des actions directes sur les environnements en soutien des inter
ventions sur la personne elle-même. Modifier la société devient aussi perti-
nent et efficace, et parfois même plus, que modifier la personne. Ainsi l’apport
de l’ergothérapie se mesure de plus en plus par rapport à ses retombées sur
la reconnaissance des droits occupationnels et sur l’accès aux opportunités
occupationnelles dans les contextes de vie, autant pour l’enfant avec autisme
que pour son entourage.
2.1. Introduction
13
2.2. Définition
L’approche centrée sur la famille a été introduite par Dunst, Trivette et
Deal (1988), qui préconisent l’appropriation du pouvoir d’action (empower-
ment) par la famille. Pour leur part, Bailey et al. (1992) encouragent l’utili-
sation de cette approche, car la famille doit être un membre à part entière
de l’équipe. À ce propos, Rosenbaum et al. (1998) confirment que l’unité
familiale doit être la cible de l’intervention ; que la diversité des parents et
des structures familiales doit être reconnue ; que les services offerts doivent
être flexibles et répondre aux besoins, préoccupations et priorités familiales.
Même si plusieurs études ont examiné les liens entre le stress parental et l’ap-
proche centrée sur la famille, Dempsey et Keen (2008) notent une contro-
verse entre les résultats obtenus, faute de mesures objectives. Toutefois, ils
rapportent des recherches qui confirment une forte relation significative
entre l’appropriation parentale et les pratiques centrées sur la famille. Lors
d’une méta-analyse, Dunst, Trivette et Hamby (2007) observent que le com-
portement du parent est modulé par la croyance en son autoefficacité. Ils
précisent que les pratiques centrées sur la famille influencent l’évaluation
du contrôle que cette dernière a de la situation, qui à son tour influence la
confiance du parent envers lui-même, son sentiment de compétence et de
plaisir. Ces auteurs estiment que l’approche centrée sur la famille amène les
parents à se concentrer sur les qualités de l’enfant et son potentiel plutôt que
sur ses déficiences ou incapacités.
14
2.3. Principes
15
16
2.5. Conclusion
En somme, les actions des ergothérapeutes sont plus efficaces si elles
sont orientées vers la famille et vers les occupations individuelles et collec-
tives de l’ensemble des membres, enfant avec autisme compris, qu’unique-
ment sur ce dernier (Swinth et al., 2015). Toutefois, Hanna et Rodger (2002)
relèvent que la collaboration avec les parents peut s’avérer un défi pour les
intervenants, car il implique un changement significatif de l’intervention axée
sur l’enfant vers une approche centrée sur la famille. Ces auteurs concluent
que les professionnels, incluant les ergothérapeutes, devront descendre de leur
piédestal et apprendre à reconnaître l’expertise des parents. La construction
d’une relation égalitaire, positive et axée vers un but commun, soit le bien-être
et le développement de l’enfant, représente une composante importante de
l’approche centrée sur la famille.
3.1. Introduction
Tout au long de son développement, l’enfant évolue et réalise de nouveaux
apprentissages dans différents milieux de vie, que ce soit à la maison (milieu
naturel), à la crèche ou à l’école (milieu formel), dans les endroits privés hors de
son domicile (p. ex. : résidence des grands-parents ou voisins) ou publics (p. ex. :
centre commercial, hôpital, parc, restaurant, autobus, train). Ces différentes
communautés se composent d’un groupe de personnes qui partagent la même
culture, des normes et des valeurs similaires, souvent dans un même lieu. Elles
possèdent des caractéristiques environnementales qui leur sont propres (p. ex. :
espace disponible pour bouger, pièce étroite, escalier mécanique, porte auto-
matique, garage), sensorielles (p. ex. : luminosité, odeur, bruit, température) et
17
3.2. Définition
Selon McLeroy et ses collègues (2003), les approches communautaires
sont apparues en recherche vers les années 1980 et concernent une diver-
sité de communautés. Ces auteurs identifient quatre façons de concevoir la
communauté, en tant que : (1) milieu de vie ; (2) cible de l’intervention ; (3)
agent de changement (médiateur) ; (4) ressources pour soutenir le dévelop-
pement de l’enfant. Par exemple, Merzel et D’Afflitti (2003) affirment que
la communauté est souvent perçue comme un milieu d’intervention, qui est
définie géographiquement (p. ex. : une ville ou un canton) et qui représente
18
une localisation précise (p. ex. : l’école). Dans ce cas, plusieurs formes d’inter-
ventions peuvent être utilisées, incluant des approches éducatives auprès des
enfants. Les interventions peuvent impliquer l’individu, sa famille, les pairs, le
voisinage, le réseau social, les organisations ou établissements et même les ges-
tionnaires des politiques publiques (McLeroy et al., 2003). Ceci illustre bien
la diversité et la variabilité des approches communautaires auprès des enfants
avec autisme.
19
20
3.5. Conclusion
4.1. Introduction
4.2. Définition
L’Organisation Mondiale de la Santé (2010) reconnaît des pratiques
collaboratives au sein des équipes lorsque les membres proposent des inter-
ventions qui sont développées en collaboration avec la personne nécessitant
21
des soins, sa famille et son entourage. Cette collaboration, qui est un processus
complexe, doit être centrée sur les besoins, tout en ayant la possibilité d’être
diversifiée (Careau et al., 2015). La pratique collaborative se base sur des
échanges dynamiques et respectueux des valeurs de chacun. Elle doit évoluer
et s’adapter aux différents défis que rencontrent l’enfant avec l’autisme et sa
famille (Potvin et al., 2018).
22
dentaires et des parents, ils ont développé des stratégies utilisant des aides
visuelles pour faciliter l’examen et les soins dentaires. Les résultats sont encou-
rageants. En effet, trois enfants sur quatre ont pu participer à l’évaluation de
leur dentition, apprendre comment se brosser les dents et prévenir la carie.
Les membres de l’équipe ont reconnu la complémentarité des rôles de chacun.
Ils ont surtout appris comment soutenir le parent pour préparer l’enfant avec
autisme à recevoir des soins dentaires en cabinet. L’étude d’Anderson et ses
collègues (2017) ainsi que celle de Schaffer, Perry et Dollin (2015) confirment la
nécessité d’un travail interprofessionnel, incluant la participation des parents,
dans la recherche de solution pour des situations complexes, comme l’accès
aux soins dentaires pour les enfants avec autisme.
Pour leur part, Potvin et al. (2018) proposent une intervention orien-
tée vers la famille, culturellement adaptée et basée sur un processus inter
professionnel qui s’intitule Coaching in context (CinC). L’une des premières
actions consiste à identifier les objectifs ciblés par la famille. Pour cela,
l’équipe les aide à choisir des objectifs qui correspondent à leurs besoins. Le
CinC se base principalement sur deux types d’interventions soutenues par
les évidences scientifiques, soit le coaching et la thérapie dans le contexte. Le
coaching amène le parent à devenir un médiateur auprès de son enfant afin
de faciliter la réalisation des activités quotidiennes. Le thérapeute l’appuie
émotionnellement et le guide pour agir adéquatement auprès de son enfant.
Il l’aide à résoudre les problèmes qu’il rencontre. Pour être un bon coach, le
thérapeute doit être à l’écoute du parent, l’encourager, l’amener à s’engager
dans l’activité, être chaleureux et le recadrer si nécessaire. L’autre aspect du
CinC se rapporte à l’intervention en contexte, qui permet d’améliorer la vie de
tous les jours en modifiant un paramètre de l’activité ou de l’environnement
(Potvin et al., 2018). Les stratégies utilisées sont toujours sélectionnées avec
la famille, lors d’un échange sous forme de remue-méninges, ce qui permet
d’identifier les forces et les contraintes. Selon Potvin et al. (2018), la force de
l’approche repose sur la connaissance collective provenant de l’équipe et de la
famille. Elle permet d’implanter un plan d’action qui intègre le contexte de vie
des familles et ses valeurs et qui vise une réussite pour l’enfant avec autisme.
4.5. Conclusion
La collaboration interprofessionnelle permet de partager des connais-
sances et de viser des objectifs communs, dans le respect des spécificités de
chacun (Gittell, Godfrey, & Thistlethwaite, 2012). Ces pratiques collaboratives
considèrent l’enfant avec autisme et sa famille comme partenaires incontour-
nables. Une communication fréquente, efficace et accessible est un élément de
23
24
25
mais sans engagement particulier avec eux ; (3) interagir avec les autres, mais
sans réaliser d’activités ensemble ; (4) faire une activité avec les autres, en col-
laborant ; (5) aider ou soutenir les autres ; (6) contribuer à la société en fonc-
tion de ses capacités et compétences. Selon Levasseur et ses collègues (2010),
les six niveaux permettent de conceptualiser les activités au regard du degré
d’implication de l’individu dans celles-ci. Les niveaux sont différenciés en exa-
minant deux éléments. D’abord, il faut documenter la proximité de la per-
sonne avec les autres (niveau 1 : seul ; niveau 2 : en parallèle ; niveaux 3 à 6 : en
interaction). Puis, il importe de détailler les objectifs de l’activité (niveaux 1 et
2 : orientées vers les besoins fondamentaux ; niveau 3 : orientées socialement ;
niveau 4 : orientées vers la tâche ; niveau 5 : orientées vers le service à autrui ;
niveau 6 : orientées vers la société). Les activités peuvent dès lors être réali-
sées pour soi-même (niveaux 1 et 2), avec d’autres (niveaux 4 et 5) ou pour
les autres (niveaux 5 et 6). Cette taxonomie a été développée principalement
pour les personnes âgées. Sur la base de l’analyse du contenu des définitions,
la taxonomie de Levasseur et ses collègues (2010) offre six niveaux pour hié-
rarchiser les activités et aider à distinguer la participation sociale (niveaux 3
à 6) de concepts similaires, tels que la participation (niveaux 1 à 6) et l’enga-
gement social (niveaux 5 et 6) (tableau 2.1.). Dans ce sens, Levasseur et al.
(2010) proposent que les activités réalisées seul s’intègrent dans le concept de
participation et non de participation sociale. Ce sont des activités qui servent à
se préparer pour la rencontre avec autrui. Ces explications permettent ainsi de
cibler les opportunités offertes à la personne pour réaliser des activités signi-
ficatives et pour développer ou maintenir des relations et des rôles sociaux
chargés de sens.
Niveau 1
Niveau 2
Niveau 3
Niveau 4
Niveau 5
Niveau 6
26
Ligne de base
de la participation sociale
27
lien direct avec les rôles sociaux et augmente progressivement jusqu’au début de la
vie adulte. Elle peut diminuer avec le vieillissement ou l’avancée en âge, mais ce n’est
pas obligatoire. En somme, la ligne de base représente les occupations de la personne
dans les différents environnements de sa vie quotidienne alors que la ligne de voli-
tion sociale symbolise les aspirations de cette même personne. La volition se défi-
nit comme la motivation qu’un individu a pour réaliser ses occupations et elle est à
l’origine de l’engagement personnel et de l’autodétermination (Bowyer et al., 2008).
Si, par exemple, un enfant avec autisme doit participer au repas au moment
de la cantine à l’école et qu’il ne s’y engage pas ou demeure en retrait, considérant
ses particularités sensorielles, cette occupation obligatoire pourrait être qualifiée
de « participation » plutôt que de « participation sociale ». Dans cette idée, faisons
l’hypothèse qu’une intervention a eu lieu afin de modifier les aspects sensoriels
de l’espace cantine et d’améliorer les composantes de la communication. Dans
ce cas, ce même enfant pourra s’engager volontairement et avec plaisir dans cette
activité. Il pourra au travers de celle-ci affirmer des choix personnels et son auto
détermination. C’est ainsi que l’occupation « manger à la cantine » s’inscrira dans
sa participation sociale. En fait, une participation sociale satisfaisante pour la per-
sonne est en lien avec la santé et le bien-être alors qu’une personne qui assume des
rôles sociaux uniquement au travers d’occupations au sein d’une simple partici
pation manifestera plus facilement du mal-être (Rossini & Tétreault, 2014). La dis-
tance qui sépare la ligne de base et la ligne de volition sociale correspond à la zone
disponible pour l’ergothérapeute pour intervenir. Cette distance est naturelle. Elle
doit exister, à défaut de quoi la personne est dans une situation où elle ne connaît
plus d’aspirations occupationnelles, ce qui implique une perte de motivation vitale
et par conséquent un ralentissement, puis une extinction de l’engagement person-
nel. La distance entre les deux lignes, si elle est reconnue par la personne elle-même
et/ou par les personnes significatives, comme insatisfaisante en fonction des capa-
bilities, indique la pertinence d’une intervention en ergothérapie. La distance peut
se créer suite à de nombreuses causes, comme des traumatismes, des contextes
défavorables, ou encore des conditions de santé spécifiques. Ceci illustre pourquoi
l’ergothérapie agit auprès de nombreux individus, groupes d’individus ou popula-
tions. L’intervention en ergothérapie vise un état de fait représenté par le constat
qu’une personne ne réussit pas, par ses propres moyens, à vivre avec une distance
entre la ligne de base et la ligne de volition sociale respectueuse de ses potentiels.
À l’aide du modèle de pratique EEPPS, l’ergothérapeute peut interroger
la participation sociale des personnes au travers de cinq espaces de vie. Dans le
cadre de l’enfance, la famille et les personnes significatives participeront égale-
ment à l’entretien, à différents moments. En résumé, il sera possible d’explorer
et de questionner toutes les perceptions en lien avec l’engagement personnel
de l’enfant au sein d’activités spécifiques. L’illustration du modèle de pratique
28
EEPPS (figure 2.2.) guide le premier entretien avec les personnes qui consultent
en ergothérapie, tout en favorisant le raisonnement clinique de l’ergothérapeute.
À cet effet, l’entretien initial s’élabore grâce à cinq dimensions : (1) les différents
espaces de vie ; (2) les activités réalisées (typologie et fréquence) ; (3) le niveau
de plaisir ressenti, donc d’engagement ; (4) les préférences d’activités ; (5) le
niveau d’aide ou de soutien nécessaire pour les réaliser.
Pour chaque espace de vie, la personne (et/ou son référent) doit iden-
tifier les activités réalisées avec plaisir, celles qui sont préférées et celles
29
réalisées avec plus de difficultés. Elle doit décrire le type d’aide nécessaire
et déterminer le degré d’autonomie réelle pour faire l’activité, de même que
le caractère social de l’activité (individuel ou collectif). Le modèle de pra-
tique EEPPS permet d’élaborer et de formuler des objectifs avec la personne
intéressée (et/ou son référent) en fonction des priorités occupationnelles qui
émergent de l’entretien. La formulation des objectifs en ergothérapie fait
l’objet du chapitre 7.
Dans le cadre spécifique de l’intervention en ergothérapie auprès des
jeunes enfants avec autisme, le modèle EEPPS permet d’interroger l’ensemble
des membres de la famille, et l’enfant lui-même lorsqu’il en a les capacités,
sur les besoins et les désirs occupationnels, sur les occupations réalisées. Cette
démarche n’est pas orientée uniquement vers les spécificités de l’enfant, mais
concerne un recueil des données sur les contextes de réalisation de ses occupa-
tions. L’EEPPS permet de tenir compte, lors de l’évaluation initiale et tout au
long de l’intervention, de l’accès aux services, des occupations et activités quo-
tidiennes ainsi que du fonctionnement global de la famille lors de l’établisse-
ment du profil occupationnel de l’enfant, comme le suggèrent Swinth, Tomlin
et Luthman (2015). Il faut également préciser que la situation de handicap
vécue par le jeune enfant avec autisme amène souvent les parents à rechercher
des contextes et des environnements favorables à son développement harmo-
nieux (De Grace et al., 2016). Cet aspect justifie ultérieurement la pertinence
de l’utilisation du modèle pour cette population.
6. Outils d’apprentissage
6.1. Mots-clefs
• capabilities
• inclusion sociale
• modèle de pratique EEPPS
• paradigme contemporain
• participation sociale
30
1. Q
uelle est la définition de « capabilities » et pourquoi est-elle une notion
fondamentale pour le paradigme contemporain de l’ergothérapie ?
2. D
e quelle manière les approches centrées sur la famille et les
approches communautaires soutiennent-elles le paradigme contem-
porain de l’ergothérapie ?
31
Références
Adams, R. C., Tapia, C., & Council on Children with Disabilities. (2013). Early inter-
vention, IDEA part C services, and the medical home : Collaboration for best
practice. Pediatrics, 132(4), e1073-e1088.
Anderson, K. L., Self, T. L., & Carlson, B. N. (2017). Interprofessional collaboration
of dental hygiene and communication sciences and disorders students to meet
oral health needs of children with autism. Journal of Allied Health, 46(4),
97E-101E.
Bailey, D. B., McWilliam, P. J., & Winton, P. J. (1992). Building family-centered practices
in early intervention : A team-based model for change. Infant & Young Children,
5, 73‑82.
Bagatell, N., & Mason A. E. (2015). Looking backward, thinking forward: Occupational
therapy and autism spectrum disorders. OTJR: Occupation, Participation and
Health, 35(1), 35‑41. doi: 10.1177/1539449214557795
Bronfenbrenner, U. (1979). The ecology of human development. Cambridge, MA :
Havard University Press.
Bowyer, P. L, Kramer, J., Ploszaj, A., Ross, M., Schwartz, O., Kielhofner, G., & Kramer,
K. (2008). A user’s manual for the Short Child Occupational Profile (SCOPE)
(v.2.2). Chicago, IL : Model of Human Occupation Clearinghouse.
Careau, E., Brière, N., Houle, N., Dumont, S., Vincent, C., & Swaine, B. (2015).
Interprofessional collaboration : Development of a tool to enhance knowledge
translaton. Education and Training, 37(4), 372‑378.
Coogle, C. G., & Hanline, M. F. (2016). An exploratory study of family centred help-
giving practices in early intervention : Families of young children with autism
spectrum disorder. Child & Family Social Work, 21(2), 249‑260.
Coufal, K. L., & Woods, J. J. (2018). Interprofessional collaborative practice in early
intervention. Pediatrics Clinics, 65(1), 143‑165.
Dancza, K., Missuina, C., & Pollock, N. (2017). Occupation-centred practice :
When the classroom is your client. In S. Rodger & A. Kennedy-Behr (Eds.),
Occupation-centred pratice with children: A practical guide for occupational
therapists (pp. 257‑287). Oxford, United Kingdom: Wiley Blackwell.
32
33
McLeroy, K. R., Norton, B. L., Kegler, M. C., Burdine, J. N., & Sumaya, C. V. (2003).
Community-based interventions. American Journal of Public Health, 93(4),
529‑533.
Merzel, C., & D’Afflitti, J. (2003). Reconsidering community-based health pro-
motion : Promise, performance and potential. American Journal of Public
Health, 93(4), 557‑574.
Meyer, S. (2013). De l’activité à la participation. Bruxelles, Belgique : De Boeck Solal.
Milot, E., Dumont, S., Aubin, M., Bourdeau, G., Azizah, G. M., Picard, L., &
St-Germain, D. (2015). Building an interfaculty interprofessional educa-
tion curriculum : What can we learn from the Université Laval experience?
Education for Health, 28(1), 58‑63.
Nahmias, A. S., Kase, C., & Mandell, D. S. (2014). Comparing cognitive outcomes
among children with autism spectrum disorders receiving community-based
early intervention in one of three placements. Autism, 18(3), 311‑320.
Organisation Mondiale de la Santé. (2010). Framework for action on interprofessional
education and collaborative practice. Genève, Suisse : OMS.
Organisation Mondiale de la Santé. (2001). Classification Internationale du
Fonctionnement, du handicap et de la santé. Genève, Suisse : OMS.
Pereira, R. B. (2017). Towards inclusive occupational therapy: Introducing the
CORE approach for inclusive and occupation-focused practice. Australian
Occupational Therapy Journal, 64, 429‑435. doi: 10.1111/1440‑1630.12394
Potvin, M.-C., Prelock, P. A., & Savard, L. (2018). Supporting children with autism
and their families : A culturally responsive family-driven interprofessional
process. Pediatric Clinics of North America, 65, 47‑57.
Prizant, B. M., Wetherby, A. M., Rubin, E., Laurent, A. C., & Rydell, P. J. (2006). The
SCERTS™ model : A comprehensive educationnal approach for children with
autism spectrum disorders (volume II : program planning and intervention).
Baltimore, MA : Paul H. Brookes.
Raver, S. A. (2005). Using family-based practices for young children with special
needs in preschools programs. Childhood Education, 82(1), 9‑13.
RIPPH (Réseau International sur le Processus de Production du Handicap). (2018).
Classification internationale : Modèle de Développement Humain – Processus
de Production du Handicap (MDH-PPH). Québec, QC : RIPPH.
Rosenbaum, P., King, S., Law, M., King, G., & Evans, J. (1998). Family-centred service.
A conceptual framework and research review. Physical and Occupational
Therapy in Pediatrics, 18 (1), 1‑20.
Rossini, E., & Tetreault, S. (2019). Espaces d’Engagement et de Promotion de la
Participation Sociale (EEPPS) : Explorer la participation sociale en ergothé-
rapie. In M-H. Izard, Expériences en ergothérapie : 32e série (pp. 210‑217).
Montpellier, France : Sauramps Medical.
34
35
Introduction
Les connaissances dans le domaine de l’autisme sont de plus en plus
nombreuses. Les évidences scientifiques abordent les thématiques en lien avec
la compréhension des origines de l’autisme, mais aussi les meilleures inter
ventions pour soutenir enfants, adultes et familles dans leur parcours de vie.
Pour Jean Jaurès, « l’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes
tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible
espoir ». L’histoire de l’autisme est riche et chargée de douleurs, mais aussi
d’espoir. Comme l’écrit en préface du présent ouvrage Josef Schovanec, « his-
toriquement, l’approche à l’autisme fut aux antipodes des idéaux de l’ergo-
thérapie ». Le chapitre 3 se doit d’approcher l’état des connaissances actuelles
dans le domaine de l’autisme, sans oublier les développements passés. Ainsi
dans un premier temps, la partie 1 de ce chapitre propose un excursus dans
l’histoire de l’autisme. Par la suite, la partie 2 décrit les critères actuels de dia-
gnostic. Ils sont détaillés afin de mieux appréhender les informations sur les-
quelles la médecine moderne articule sa prise de position quant à la présence
ou non d’un autisme chez l’enfant. Dans la partie 3, ce sont les connaissances
actuelles quant à la genèse de l’autisme qui sont précisées. Bien que l’origine
congénitale et biologique de l’autisme soit admise par la communauté scien-
tifique (Yates & Le Couteur, 2016), les questions sont encore nombreuses,
en particulier au regard des fonctions cognitives impliquées. Ces fonctions
cognitives, différentes chez la personne avec autisme que dans le reste de la
population, poussent actuellement les professionnels à se questionner sur
leur lien avec l’autisme. Les hypothèses sont de deux sortes : (1) elles sont
37
à son origine ou (2) elles constituent des troubles associés à l’autisme. Des
éléments de réponse sont discutés dans la partie 4. Une fois appréhendés les
aspects plus étiologiques, la partie 5 explore la dimension évaluative à tra-
vers trois types d’outils : les outils de dépistage, les outils de diagnostic et les
outils pour mesurer le développement de l’enfant. La partie 6 présente par
la suite les trois principales typologies d’approches qui reçoivent actuellement
le plus haut consensus du point de vue des évidences scientifiques. C’est-à-
dire la pédagogie structurée, les approches comportementales intensives et
les interventions comportementales développementales en contexte natu-
rel (Naturalistic Developmental Behavior Interventions ; NDBI). Devant
l’étendue des approches existantes, l’ouvrage décrit dans la partie 7 quelques
approches qui, bien que moins fortes du point de vue des évidences scienti-
fiques, sont présentes dans les écrits et sont donc souvent connues des familles.
Les thérapies d’échanges et de développement (TED) (Barthélémy, Hameury,
& Lelord, 1995), le programme Floor Time (Greenspan & Wieder, 1998) et le
programme Son-Rise (Kauffman, 2016) ont été retenus comme particulière-
ment intéressants pour l’ergothérapie, car ils sont orientés vers le jeu, l’imita-
tion et la motivation sociale, et impliquent de façon importante les familles.
Toutes les informations de ce chapitre sont essentielles pour l’ergothérapeute
afin d’établir le plan d’intervention et d’articuler son diagnostic. En effet, le
diagnostic en ergothérapie se base sur des informations pertinentes, appuyées
par des preuves scientifiques, des observations et des évaluations centrées sur
l’occupation (Dubois, 2017).
1. Historique
Bien que les personnes avec autisme aient certainement toujours fait
partie de l’humanité dans sa neuro-diversité, la reconnaissance de leurs par-
ticularités se retrouve pour la première fois dans les années 1940 (Feinstein,
2010). Asperger, en Autriche, et Kanner, aux États-Unis, détaillent des
enfants aux comportements particuliers, parlant de « psychopathie autis-
tique » (Autistischen Psychopathen) pour le premier et d’« autisme infan-
tile » précoce (Early infantile autism) pour le second (Feinstein, 2010). Les
enfants décrits par ces deux pédiatres présentent les caractéristiques qui
les feraient reconnaître aujourd’hui comme appartenant aux troubles du
spectre de l’autisme. Ils ont relevé la particularité des interactions sociales,
les aspects de comportements restreints ou le besoin de régularité. À noter
que le tableau brossé par ces deux pionniers évoquait déjà le spectre. Il est
connu aujourd’hui que les deux psychiatres avaient bénéficié d’une formation
38
1. Pour visualiser le documentaire il est possible de se rendre sur le lien suivant : https://www.
unifrance.org/film/38459/le-mur-la-psychanalyse-a-l-epreuve-de-l-autisme
39
40
C. Les symptômes doivent être présents dès les étapes précoces du déve-
loppement (ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes
avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités limitées de
la personne ou ils peuvent être masqués plus tard dans la vie par des
stratégies apprises).
D. Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement signi-
ficatif en termes de fonctionnement actuel social, scolaire ou profes-
sionnel, ou dans d’autres domaines importants.
E. Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par une déficience intellec-
tuelle (trouble du développement intellectuel) ou un retard global de
développement. La déficience intellectuelle et le trouble du spectre de
l’autisme sont fréquemment associés. Pour permettre un diagnostic de
comorbidité entre un trouble du spectre de l’autisme et une déficience
intellectuelle, l’altération de la communication sociale doit être supé-
rieure à ce qui serait attendu pour le niveau de développement général.
41
1. La première caractéristique pouvant apparaître chez les enfants avec
autisme est la présence de comportements stéréotypés, soit : des mou-
vements moteurs répétitifs ; des utilisations particulières du langage,
notamment la présence d’écholalies et de répétitions de phrases ;
la manipulation répétitive d’objets. Des exemples classiques (non
exhaustifs) de cette caractéristique sont le fait de tourner des pailles
au-dessus des yeux ou de faire bouger des allumettes entre les doigts.
2. La deuxième caractéristique est la présence de rituels ou d’habitudes
qui semblent impossibles à modifier. L’enfant peut présenter une très
grande détresse lors de changements minimes de son environnement.
3. Les intérêts de l’enfant peuvent se restreindre à des thèmes précis
ou aspects de l’environnement. L’enfant peut développer un intérêt
pour un sujet qui occupera tout son temps. Par exemple, il centre son
attention sur l’astronomie, développant un savoir encyclopédique,
ou plus prosaïquement regarder tourner le tambour de la machine à
laver pendant des heures.
4. La dernière caractéristique est la présence de perturbations de la
modulation sensorielle. Elles se manifestent principalement par
l’évitement de certains stimuli qui peuvent provoquer une douleur
chez l’enfant ou au contraire par la recherche de stimulations senso-
rielles qui semblent lui procurer de l’agrément. Le chapitre 4 reprend
en détail cet aspect de l’autisme, qui est la cible de nombreuses inter-
ventions en ergothérapie.
42
pour mieux les contrôler. Il faut rappeler que la sévérité du trouble est décrite
en termes de besoin de soutien (nécessitant de l’aide, une aide importante ou
très importante).
Si les difficultés dans les interactions sociales entraînent souvent une
situation de handicap, il convient de souligner que les particularités com-
portementales peuvent représenter des avantages. À titre d’exemple, l’hyper
sensibilité sensorielle peut apporter des retombées positives très utiles dans la
vie des personnes avec autisme. En effet, grâce à cette habileté, des personnes
avec autisme ont pu développer de réels talents dans le dessin ou la musique
(Treffert, 2010). Il en est de même pour les intérêts restreints qui peuvent
devenir l’objet de recherches scientifiques et de découvertes réalisées par des
personnes avec autisme se passionnant sur un sujet, comme les découvertes
mathématiques d’Alan Turing (James, 2010).
3. Causes de l’autisme
L’origine congénitale et biologique de l’autisme est aujourd’hui admise
par la communauté scientifique (Yates & Le Couteur, 2016). Les études sur les
jumeaux monozygotes montrent un risque héréditaire de près de 90 % (Tick,
Bolton, Happé, Rutter, & Rijsdijk, 2016). Néanmoins, les connaissances sont
encore partielles sur les causes de l’autisme. Dans un premier temps, les par-
ticularités du développement cérébral seront présentées, puis les facteurs de
risques congénitaux et environnementaux seront examinés.
43
44
45
à l’âge de la mère est stable jusqu’à 30‑35 ans, puis il double presque entre 35
et 45 ans. L’une des raisons semble liée aux risques de complications obsté
tricales et périnatales de la grossesse. Une autre raison serait l’exposition de
la mère à la pollution et aux médicaments, ainsi qu’à des facteurs d’auto-
immunité, de métabolisme et de déficience nutritionnelle (Idring et al., 2014).
Le risque associé à l’âge du père est quant à lui plus linéaire, c’est-à-dire qu’il
augmente régulièrement avec l’âge. L’hypothèse de mutations génétiques, qui
s’accroissent à mesure que les hommes vieillissent, explique cette évolution,
qui provoque davantage de mutations de novo.
Concernant les risques familiaux, le pourcentage d’avoir à nouveau
un enfant avec autisme lors d’une future grossesse est de 11,5 % (Risch et al.,
2014). La grossesse suivant directement la naissance d’un enfant avec autisme
est plus à risque que les éventuelles grossesses ultérieures. De plus, l’intervalle
entre les deux naissances semble jouer un rôle dans la récurrence du trouble.
En effet, plus l’intervalle est court, plus le risque que le trouble soit présent
chez l’enfant est important (14 % pour 18 mois d’intervalle ; 7 % pour 4 ans
ou plus d’intervalle) (Risch et al., 2014).
En somme, si les causes de l’autisme ne sont pas strictement connues,
des éléments précis sont définitivement éliminés : les interactions parentales
ou les molécules comme les vaccins (Institute of Medicine [IOM], 2010).
4. Troubles associés
4.1. Généralités
46
47
proposeront aux parents des stratégies de soutien. Il peut s’agir, par exemple,
d’un scénario pour que l’enfant sache quoi faire lorsqu’il se réveille la nuit
ou d’une action sur l’environnement sensoriel. Les particularités sensorielles,
souvent associées à ces difficultés, sont explorées au chapitre 4.
4.2.1. Généralités
Pour son implication dans la vie quotidienne, une attention est donnée
aux particularités des fonctions exécutives chez la personne avec autisme dans
les deux paragraphes suivants. Les fonctions exécutives englobent un grand
nombre de fonctions neuropsychologiques et sont impliquées largement dans
certains comportements de la personne avec autisme (Demetriou et al., 2018).
Les répercussions de ces particularités en lien avec le développement des fonc-
tions exécutives chez l’enfant avec autisme sont singulièrement visibles dès
l’entrée dans le réseau scolaire. Toutefois, bien que l’ouvrage traite des âges
préscolaires, il apparaît essentiel de connaître ces particularités, puisque les
fonctions exécutives sont engagées dans tous les types d’apprentissage, sco-
laire ou non (Wallisch, Little, Dean, & Dunn, 2018). En effet, dans la pensée
collective, les apprentissages sont traditionnellement reliés à la notion d’intel-
ligence et associés à la capacité du cerveau à raisonner. Or, l’intelligence est un
ensemble de processus complexes, sous le contrôle des fonctions cognitives,
liés à des facteurs biologiques innés, mais également sujette aux variations des
contextes socioculturels dans lesquels évoluent les personnes (Brown, 2018).
Cattell et Hebb sont connus comme les théoriciens qui ont scindé l’in-
telligence en deux types distincts : (1) une intelligence dite « fluide » ; (2) une
intelligence dite « cristallisée » (Brown, 2018). La première correspond à la
capacité de percevoir et discriminer les informations nouvelles et anciennes,
ainsi que leurs corrélations. Elle augmente jusqu’à l’adolescence, puis dimi-
nue progressivement. Elle est fortement associée aux facteurs génétiques et au
développement de la personne. La deuxième évoque la capacité à discriminer
des notions établies précédemment, en particulier par l’intelligence fluide. Elle
est la représentation du niveau de développement cognitif que la personne
atteint grâce à l’influence de l’environnement dans lequel elle évolue. Elle n’est
pas dépendante des facteurs biologiques, mais bien des contextes environne-
mentaux dans lesquels la personne réalise ses apprentissages.
Ces deux types d’intelligence, surtout l’intelligence fluide, sont direc-
tement associés aux fonctions exécutives. Ces dernières sont des fonctions
48
supérieures qui siègent dans le cortex préfrontal (Bizet, Bretière, & Guillet,
2018). Cette zone cérébrale est appelée le « chef d’orchestre » par Mazeau
(2009). Elle joue ce rôle en harmonisant et gérant des fonctions spécifiques
dérivant du reste du cortex, comme les aires motrices, le système limbique,
les différents cortex associatifs sensoriels et de nombreuses zones spécialisées.
Les fonctions supérieures permettent à tout individu d’adapter son compor-
tement vis-à-vis des exigences de l’environnement en faisant le lien entre les
perceptions, l’intégration des informations reçues et le traitement de celles-ci
pour l’émission d’une réponse (Mazeau, 2009). Elles comprennent des fonc-
tions instrumentales, comme la logique, le raisonnement, l’attention ou la
mémoire, et des fonctions exécutives. Ce sont elles qui contrôlent et réalisent
les actions dirigées vers un but et contribuent au succès des tâches complexes
(Mazeau, 2009). Elles englobent différentes compétences, telles que l’inhi
bition, la mémoire de travail, la flexibilité mentale et la planification (Wallisch,
Little, Dean, & Dunn, 2018). C’est ainsi qu’un grand nombre de processus
accompagne les fonctions exécutives et permet à tous de faire face à des situa-
tions nouvelles. Ainsi, il existe un passage progressif d’une situation nouvelle
vers une automatisation. Les situations nouvelles s’opposent aux situations
automatiques ou « routinières » pour lesquelles la plupart des individus n’ont
plus besoin de réfléchir pour engager une action (p. ex. : marcher, ouvrir le
robinet, faire un lacet de chaussure, fermer la porte à clé). Elles ne nécessitent
pas de réflexion, car l’apprentissage permet au fil du temps d’y attacher peu
d’attention. Les nouveaux événements impliquent, quant à eux, de faire des
choix, de prendre le risque que la stratégie engagée laisse place au succès ou à
l’erreur. Il faut prendre des décisions, anticiper et tenir compte du contexte.
Tous ces mécanismes constituent une stratégie : un plan d’action. Ils sont sous
la gouvernance des fonctions exécutives.
49
50
L’évaluation est un enjeu de premier ordre pour les familles et les pra-
ticiens. Réalisée pour décrire le profil de l’enfant et ses spécificités, elle aide
à préciser ses besoins et à définir un projet de soutien personnalisé. Comme
51
elle repose sur les regards de professionnels, l’évaluation doit être constituée
d’outils spécifiques pour appréhender les forces et les faiblesses des enfants à
risques ou directement concernés par l’autisme (Baghdadli et al., 2005). Les
objectifs des évaluations, diagnostiques et fonctionnelles, sont multiples :
(1) donner un nom aux préoccupations des parents ; (2) favoriser leur com-
préhension du fonctionnement de leur enfant ; (3) faciliter l’accès aux soins.
Elles contribuent souvent aux avancées de la recherche dans la perspective de
mieux comprendre l’évolution des enfants avec autisme et de modifier favora-
blement leurs trajectoires développementales. Néanmoins, la seule utilisation
de bilans normatifs ne suffit pas à répondre précisément aux objectifs préala-
blement cités. Certes, les évaluations standardisées fournissent des mesures
afin de faire une photographie actuelle des potentialités d’un enfant, mais
leur validité dépend de l’outil lui-même, considérant ses conditions d’ad-
ministration, la spécificité du public ciblé, l’âge et bien d’autres paramètres
(HAS, 2010). Le dépistage initial qui conduit au diagnostic, loin d’enfermer
l’enfant, lui ouvre le droit aux prestations de services. Il convient de considé-
rer l’évaluation comme une démarche à long terme, comprenant l’annonce
du diagnostic d’autisme et l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire
(HAS, 2010). Ici, chaque professionnel procède à l’évaluation fonctionnelle
de l’enfant dans son domaine d’expertise (p. ex. : cognition, communication,
développement sensori-moteur, particularités sensorielles, profil occupation-
nel). La procédure diagnostique, pour être complète, comprend la réalisation
d’évaluations spécifiques pour les comorbidités éventuelles, compte tenu de la
fréquence de troubles associés à l’autisme. Ces examens complémentaires sont
divers et non systématiques. Ils peuvent être recommandés dans des situations
pour lesquelles le tableau clinique n’est pas suffisamment évocateur ou pour
préciser un diagnostic clinique encore peu clair.
Le terme d’« évaluation diagnostique » repose sur une démarche noso
logique, une évaluation fonctionnelle et développementale, ainsi que sur des
évaluations complémentaires, non réalisées par le médecin lui-même. Ainsi,
au travers de leur diagnostic en ergothérapie (Dubois, 2017), réalisé grâce à
des évaluations spécifiques à la profession (ces dernières sont abordées tout
au long de l’ouvrage), les ergothérapeutes assument un rôle important de sou-
tien au diagnostic médical dans le domaine de l’autisme (Rodger & Polatajko,
2014).
Les intervenants impliqués dans cette démarche globale s’organisent
en équipes pluridisciplinaires, le plus souvent dans le secteur hospitalier. Les
disparités entre les pays, mais aussi au sein même de ces derniers, rendent
les situations très diverses. En fait, la sensibilisation au dépistage précoce des
médecins généralistes, des pédiatres et des professionnels de la petite enfance
52
est fort importante pour identifier les signes d’un risque d’autisme et orienter
les familles et l’enfant vers les secteurs spécialisés (Yates & Le Couture, 2016).
Dans ce contexte, l’utilisation d’échelles standardisées, telles que la M-CHAT-
R/F (Modified Checklist for Autism in Toddlers, Revised with Follow-up)
(Robins, Fein, & Barton, 2018 ; Beaulne, Jaworski, Luu, & Simard, 2015 ; pour
la version canadienne française) est requise.
Il y a 10 ans, l’âge moyen du diagnostic était entre 5 et 6 ans dans les
pays industrialisés (Kleinman et al., 2008 ; Landa, 2008), ce qui est assez
tardif pour un trouble d’apparition précoce. Des efforts ont été déployés pour
réduire l’âge du diagnostic dans de nombreux pays (Ramelli, 2017 ; Yates & Le
Couteur, 2016). Bien que les parents signalent des préoccupations dès 15 mois
et que des études rapportent qu’un diagnostic à 2 ans est fiable et stable dans
le temps, l’âge moyen du diagnostic reste autour de 4 à 5 ans, avec une sous-
évaluation des filles, surtout celles qui ne présentent pas de retard intellectuel
(Yates & Le Couture, 2016).
Les sous-parties suivantes exposeront les outils les plus couramment
utilisés dans le domaine de l’autisme, en fonction de leurs objectifs princi-
paux : (1) pour le dépistage ; (2) pour le diagnostic ; (3) pour mesurer le déve-
loppement. Ces derniers seront ordonnés selon qu’ils soient spécifiques ou
non à l’autisme.
53
54
55
56
d’interactions avec l’enfant, ces deux outils font ressortir les compétences
actuelles et les capacités émergentes (pas totalement acquises). Ils utilisent
une cotation à trois niveaux (2 = réussite complète ; 1 = réussite partielle ou
avec étayage ; 0 = échec). Les capacités émergentes doivent être incluses dans
le projet éducatif et elles composent les premiers objectifs à atteindre.
La batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle (BECS) fut
élaborée à partir de trois modèles théoriques, soit ceux du développement de
l’intelligence sensori-motrice (Piaget, 1977, cité dans Adrien, 2007), du déve-
loppement social et communicatif du jeune enfant (Seibert et al., 1982, cité dans
Adrien 2007) et du développement affectif et émotionnel (Gouin-Décarie, 1968 ;
Izard, 1982, cités dans Adrien, 2007). Administrée par les psychologues, la BECS
concerne des enfants de 4 mois à 10 ans, présentant un retard tel que leur âge
de développement se situe en dessous de 24 mois. Seize fonctions cognitives et
sociales y sont évaluées, chacune étant hiérarchisée en quatre niveaux. Selon
Thiébaut, Adrien, Blanc et Barthélémy (2010), l’outil présente toutes les quali-
tés psychométriques pour bien documenter le développement de l’enfant avec
autisme. La représentation graphique des résultats en toile d’araignée permet
une lisibilité des progrès longitudinaux en fonction de son évolution.
Le profil psycho-éducatif (PEP-3) de Schopler, Lansing, Reichler et
Marcus (2008) s’adresse à des enfants de 2 ans à 7 ans et 5 mois (ou jusqu’à
12 ans pour ceux présentant un retard de développement). Il évalue sept
domaines de développement à partir d’observations directes. À l’aide d’entre-
tiens avec les parents, il documente les comportements inadaptés. L’observation
porte sur les particularités de comportement, l’autonomie personnelle et les
comportements adaptatifs. Elle permet de compléter les informations prove-
nant de la famille. Le PEP-3 permet de dégager des âges de développement
par domaine et met en évidence l’hétérogénéité des compétences. Il favorise le
discernement des forces de l’enfant pour pouvoir proposer un projet éducatif
à sa portée, tout en compensant ses faiblesses. La procédure d’administration
offre une flexibilité à l’évaluateur (démonstration, restructuration). Elle faci-
lite l’engagement de l’enfant par le jeu ainsi que par la variété des domaines
de développement évalués (p. ex. : propositions d’activités académiques, de
motricité globale, interaction avec l’adulte).
Toujours dans le domaine socio-cognitif, bien qu’elle ne soit pas spéci-
fique à l’autisme, l’échelle des comportements adaptatifs Vineland est souvent
utilisée (Sparrow, Cicchetti, & Saulnier, 2016). Elle permet de déterminer des
âges de développement pour trois domaines de compétences (communica-
tion, autonomie, socialisation) auxquels s’ajoute la motricité pour les enfants
de moins de 7 ans. L’échelle s’administre lors d’un entretien avec la famille ou
avec l’intervenant et ne comporte pas d’observation directe.
57
1. le stade de la sensation, qui se base sur les expériences sensorielles,
sans compréhension fonctionnelle (p. ex. : l’enfant identifie les toi-
lettes par le contact froid du plastique) ;
58
59
puis il a été adapté pour la clinique. Il est possible de trouver en ligne une adaptation
française pour les enfants en bas âge (CSBS DP2).
5.5. Conclusion
En conclusion, l’évaluation fonctionnelle nécessite de nombreuses
compétences, qui ne sauraient reposer sur la responsabilité d’une seule per-
sonne. Qu’il s’agisse de l’évaluation initiale, qui concourt au diagnostic, ou de
la mesure de l’évolution de l’enfant, cette démarche doit être multidiscipli-
naire, afin de contribuer favorablement aux stratégies éducatives et de soins,
proposées à l’enfant et à sa famille. Il est souhaité que tous puissent avoir
accès au même niveau d’évaluation, et ce quelles que soient les phases du par-
cours de soins. Bien entendu, la composition des équipes multidisciplinaires
dépend des dispositifs locaux. Le recours à des examens spécifiques, à travers
des équipes d’interventions et des experts externes, impose une coordination
optimale des différents professionnels. L’implication active et continue des
familles ainsi que la présence d’une équipe multidisciplinaire coordonnée et
compétente en autisme se révèlent être à la base d’une approche efficace et
personnalisée (HAS, 2010).
Compte tenu de l’hétérogénéité des profils rencontrés dans le domaine
de l’autisme, les différentes recommandations publiées à travers le monde
n’offrent pas de consensus quant aux éventuelles procédures standardisées de
la démarche diagnostique et de l’évaluation fonctionnelle. Par ailleurs, l’exper-
tise spécifique des ergothérapeutes et leur connaissance en neuropsychologie
sont favorables à une meilleure compréhension du fonctionnement global de
l’enfant. Ces compétences permettent aux professionnels de choisir le bon
outil en fonction des ressources de l’enfant.
L’utilisation d’outils non spécifiques n’est pas une contre-indication
pour autant que les modalités de passation soient en accord avec le potentiel et
le profil spécifique de l’enfant concerné. À cet effet, bien que non standardisé,
l’outil provenant du modèle de pratique EEPPS (Espaces d’Engagement et
de Promotion de la Participation Sociale) (Drecq, 2015 ; Rossini & Tétreault,
2019), présenté dans le chapitre 2, est intéressant pour les ergothérapeutes,
puisqu’il permet d’établir un profil occupationnel de l’enfant dans ses diffé-
rents espaces de vie. Il favorise une compréhension, au travers d’un entretien,
des priorités occupationnelles de l’enfant, de celles de l’ensemble de la famille
et des personnes-ressources des différents environnements de vie. D’autres
instruments, spécifiques à l’ergothérapie, sont proposés plus en avant dans
2. https://firstwords.fsu.edu/pdf/CSBSDP_ITC_French.pdf
60
6.1. Préambule
61
62
63
64
65
66
67
68
69
jeu. Les TED sont guidées selon les propositions de l’enfant à partir d’un
matériel restreint et préalablement choisi par l’adulte en fonction des inté-
rêts repérés du jeune. La sérénité, la disponibilité et la réciprocité sont le
leitmotiv des praticiens. D’autres programmes connus dans les écrits non
scientifiques, incluant la littérature grise, ont également pour objet de sou-
tenir le développement de l’enfant en favorisant la relation ludique avec ce
dernier. Il est possible de citer le Floor Time (Greenspan & Wieder, 1998)
et le programme Son-Rise (Kaufman, 2016). Ces deux approches, compte
tenu du nombre restreint d’études scientifiques et du caractère exclusif de
leur application, ne sont pas recommandées par la HAS (2012). Comme elles
sont connues et appréciées des familles qui les ont expérimentées, elles sont
brièvement expliquées dans cette partie. De plus, elles s’articulent autour du
jeu, élément essentiel de l’action de l’ergothérapeute auprès d’une popula-
tion d’enfants. Ainsi des éléments en liens avec les aspects ludiques peuvent
inspirer la pratique professionnelle, tout en restant vigilant étant donné l’ab-
sence d’évidences scientifiques.
Le programme Floor Time (Greenspan & Wieder, 1998) utilise des
séquences de jeu pluriquotidiennes qui se déroulent au sol et suivent les ini-
tiatives de l’enfant. Le parent devient un compagnon actif, qui favorise un
climat emphatique dans lequel l’enfant franchit des étapes émotionnelles
(p. ex. : autorégulation, entrer en relation, entrer en communication, résoudre
un problème, conceptualiser, faire des liens logiques) afin de lui permettre
de s’engager dans les apprentissages. Le parent est invité par le thérapeute à
passer progressivement de l’observateur au partenaire de jeu, afin de dévelop-
per et d’enrichir les idées de son enfant.
Le programme Son-Rise original a été développé par le couple Kaufman
pour leur fils Ran dans les années 1970, alors diagnostiqué « autiste sévère ». Il
est repris aujourd’hui par Ran Kaufman lui-même, devenu directeur de l’édu-
cation globale pour le centre américain du traitement de l’autisme (Autism
Treatment Center of America, ATCA). Au sein de ce programme, les familles
créent un contact avec leur enfant dans une relation qui s’élabore autour du
jeu. Le point central est la formation des parents pour les aider à établir des
relations motivantes et à maintenir une haute estime des potentiels de l’enfant
(Kaufman, 2016). Le point d’ancrage de la relation parent-enfant concerne le
jeu spontané, même s’il apparaît non compréhensible et/ou stéréotypé. C’est
sur cette base relationnelle que le programme appuie son action. Il favorise
le développement des compétences sociales au travers de quatre principaux
piliers : (1) le contact visuel et la communication non verbale ; (2) la com-
munication verbale ; (3) la durée d’attention interactive ; (4) la flexibilité
(Kaufman, 2016).
70
Conclusion
Les connaissances dans le domaine de l’autisme sont en constante évo-
lution. Le nombre important de personnes qui vivent avec cette condition
ainsi que ses retombées sur les occupations humaines font de l’autisme un
3. https://www.firah.org/upload/activites-et-publications/editions-h/2019/autisme-nouvelles-
technologies/maquette-autisme-nouvelles-technologies-vf-bat.pdf
71
Références
Adrien, J. L. (2007). Manuel de la batterie d’évaluation cognitive et sociale (BECS).
Paris, France : Édition du Centre de psychologie appliquée.
American Psychiatric Association (APA). (2015). Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux (DSM-5). Paris, France : Elsevier-Masson. (Ouvrage
72
original publié en 2013 sous le titre Diagnostic and statistical manual of mental
disorders (5th ed.). Arlington, VA : American Psychiatric Publishing)
Anagnostou, E., Zwaigenbaum, L., Szatmari, P., Fombonne, E., Fernandez, B. A.,
Woodbury-Smith, M., …, Buchanan, J. A. (2014). Autism spectrum disorder:
Advances in evidence-based practice. Canadian Medical Association Journal,
186(7), 509‑519.
Ayanouglou, F. (2012). Évolution de personnes adultes avec autisme et déficience
: étude rétrospective (Thèse de doctorat, Université Paul
intellectuelle
Valéry, Montpellier III, France). Récupéré à https://tel.archives-ouvertes.fr/
tel-00817991/document
Baghdadli, A., Beuzon, S., Bursztein, C., Constant, J., Desguerre, I., Rogé, B., …,
Aussilloux, C. (2005). Recommandations pour la pratique clinique du dépis-
tage et du diagnostic de l’autisme et des troubles envahissants du développe-
ment. Archives de Pédiatrie, 13, 373‑378.
Baio, J. (2014). Prevalence of autism spectrum disorder among children aged 8 years-
autism and developmental disabilities monitoring network, 11 sites, United
States, 2010. Centers for Disease Control and Prevention, 63(2), 1‑21. Récupéré
à https://stacks.cdc.gov/view/cdc/22182
Barnard, L., Muldoon, K., Hasan, R., O’Brien, G., & Stewart, M. (2008). Profiling
executive dysfunction in adults with autism and comorbid learning disability.
Autism, 12(2), 125‑141.
Barthélémy, C., Hameury, L., & Lelord, G. (1995). L’autisme de l’enfant : La thérapie
d’échange et de développement. Paris, France : Elsevier-Masson.
Barton, M. L., Dumont-Mathieu, T., & Fein, D. (2012). Screening young children
for autism spectrum disorders in primary practice. Journal of Autism and
Neurodevelopmental Diseases, 42, 1165‑1174.
Baron-Cohen, S., Allen, J., & Gillberg, C. (1992). Can autism be detected at 18 months?
The needle, the haystack, and the CHAT. British Journal of Psychiatry, 161,
839‑843.
Beaulne, C., Jaworski, M., Luu, T. M., & Simard, M. (2015). Modified Checklist
for Autism in Toddlers, Revised with Follow-up (M-CHAT-R/F), version
canadienne française. Récupéré à https://mchatscreen.com/wp-content/
uploads/2015/05/M-CHAT-R_F_French_Canadian.pdf
Bizet, E., Bretière, M., & Gillet, P. (2018) Neuropsychologie et remédiations des troubles
du spectre de l’autisme, enfants d’âge scolaire, adolescents et adultes. Bruxelles,
Belgique : De Boeck supérieur.
Bondy, A., & Frost, L. (2011). A picture’s worth: PECS and other visual communica-
tion strategies in autism. Bethesda, MD : Woodbine House.
Bromley, R. L., Mawer, G. E., Briggs, M., Cheyne, C., Clayton-Smith, J., García-Fiñana, M.,
…, Baker, G. A. (2013). The prevalence of neurodevelopmental disorders in children
73
74
Feinstein, A. (2010). A history of autism: Conversations with the pioneers. West Sussex,
United Kingdom : Wiley-Blackwell.
Filipek, P. A., Accardo, P. J., Ashwal, S., Baranek, G. T., Cook, E. H., Dawson, G.,
…, Levy, S. E. (2000). Practice parameter: screening and diagnosis of autism:
report of the quality standards subcommittee of the American academy of
neurology and the child neurology society. Neurology, 55(4), 468‑479.
Fombonne, E. (2003). Epidemiological surveys of autism and other pervasive
developmental disorders: An update. Journal of Autism and Developmental
Disorders, 33(4), 365‑382.
Frost, L. A., & Bondy, A. S. (1994). PECS training manual. Newark, NJ : Pyramid
Educational Consultants.
Gillberg, C. (2010). The ESSENCE in child psychiatry: Early symptomatic syn-
dromes eliciting neurodevelopmental clinical examinations. Research in
Developmental Disabilities, 31(6), 1543‑1551.
Gillet, P., Fiameury, L., Lenoir, P., & Sauvage, D. (2003). Aptitudes visuo-spatiales
et fonctions exécutives dans l’autisme : Implications pour l’évaluation neuro
psychologique des enfants d’âge préscolaire. ANAE, 72, 75‑82.
Gotham, K., Risi, S., Pickles,
A., & Lord, C. (2007). The Autism Diagnostic
Observation Schedule: Revised algorithms for improved diagnostic validity.
Journal of Autism and Developmental Disorders, 37(4), 613.
Green, D., Charman, T., Pickles, A., Chandler, S., Loucas, T., Simonoff, E., & Baird,
G. (2009). Impairment in movement skills of children with autistic spectrum
disorders. Developmental Medicine & Child Neurology, 51(4), 311‑316.
Greenspan, S. I., & Wieder, S. (1998). The child with special needs: Encouraging intel-
lectual and emotional growth. Boston, MA : Addison-Wesley.
Guidetti, M., & Tourrette, C. (2017). ECSP: Échelle de la Communication Sociale
Précoce (4th ed.). Paris, France : Giunti psychometrics.
Haute Autorité Santé (2010). Autisme et autres troubles envahissants du développe-
ment : État des connaissances hors mécanismes physiopathologiques, psycho
pathologiques et recherche fondamentale. Récupéré à https://www.has-sante.
fr/upload/docs/application/pdf/2010‑03/autisme__etat_des_connaissances_
argumentaire.pdf
Haute Autorité de Santé (HAS). (2012). Autisme et troubles envahissants du dévelop-
pement : Interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant
et l’adolescent. Récupéré à https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/
pdf/2012‑03/recommandations_autisme_ted_enfant_adolescent_interventions.pdf
Haute Autorité de Santé (HAS). (2018). Trouble du spectre de l’autisme: Signes
d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. Récupéré
à https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018‑02/trouble_du_
spectre_de_lautisme_de_lenfant_et_ladolescent__recommandations.pdf
75
Heaton, R. K., Chelune, G. J., Talley, J. L., Kay, G. G., & Curtiss, G. (1993). Wisconsin
Card Sorting Test manual: Revised and expanded (2nd ed.). Lutz, FL :
Psychological Assessment Resources.
Henderson, S. E., & Sugden, D. A. (1992). The Movement Assessment Battery for
Children. Londres, Angleterre: The psychological corporation.
Howlin, P., Gordon, R. K., Pasco, G., Wade, A., & Charman, T. (2007). The effecti-
veness of Picture Exchange Communication System (PECS) training for tea-
chers of children with autism: A pragmatic, group randomised controlled trial.
Journal of Child Psychology and Psychiatry, 48(5), 473‑481.
Huguet, G., Ey, E., & Bourgeron, T. (2013). The genetic landscapes of autism spec-
trum disorders. Annual review of genomics and human genetics, 14, 191‑213.
Idring, S., Magnusson, C., Lundberg, M., Ek, M., Rai, D., Svensson, A. C., …, Lee, B. K.
(2014). Parental age and the risk of autism spectrum disorders: Findings from a
swedish population-based cohort. International Journal of Epidemiology, 43(1),
107‑115.
Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). (2014).
L’efficacité des interventions de réadaptation et des traitements pharmaco
logiques pour les enfants de 2 à 12 ans ayant un trouble du spectre de l’au-
tisme (TSA) : Édition révisée. ETMIS, 10(3),1‑67. Récupéré à https://www.
inesss.qc.ca/fileadmin/doc/INESSS/Rapports/ServicesSociaux/INESSS_
InterventionsReadap_TraitementPharmaco_EnfantsAut.pdf
Institute of Medicine (IOM). (2012). Adverse effects of vaccines : Evidence and causa-
lity. Washington, DC : The National Academies Press.
James, I. (2010). Autism and mathematical talent. The Mathematical Intelligencer,
32(1), 56‑58.
Jerome, J., Frantino, E. P., & Sturmey, P. (2007). The effects of errorless learning and
backward chaining on the acquisition of internet skills in adults with develop-
mental disabilities. Journal of Applied Behavior Analysis, 40(1), 185‑189.
Jones, W., & Klin, A. (2013). Attention to eyes is present but in decline in 2‑6-month-
old infants later diagnosed with autism. Nature, 504(7480), 427‑431.
Joseph, R. M., Tager Flusberg, H., & Lord, C. (2002). Cognitive profiles and social‐
communicative functioning in children with autism spectrum disorder.
Journal of Child Psychology and Psychiatry, 43(6), 807‑821.
Kaland, N., Smith, L., & Mortensen, E. L. (2008). Brief report: Cognitive flexibility and
focused attention in children and adolescents with Asperger syndrome or high-
functioning autism as measured on the computerized version of the Wisconsin Card
Sorting Test. Journal of Autism and Developmental Disorders, 38(6), 1161‑1165.
Kaufman, R. K. (2016). Dépasser l’autisme avec le Son-Rise program (F. Corre
Montagu, trad.). Paris, France : Hachette livre. (Ouvrage original publié en
2014 sous le titre Autism Breakthrought. New York, NY : St. Martin’s Press)
76
Kaufman, A. S., & Kaufman, N. L. (2004). Manual for the Kaufman assessment bat-
tery for children-second edition (KABC-II), Comprehensive form. Circle Pines,
MN : American Guidance Services.
Kleinman, J. M., Robins, D. L., Ventola, P. E., Pandey, J., Boorstein, H. C., Esser,
E. L., …, Barton, M. (2008). The modified checklist for autism in toddlers: a
follow-up study investigating the early detection of autism spectrum disorders.
Journal of Autism and Developmental Disorders, 38(5), 827‑839.
Korkman, M., Kirk, U., & Kemp, S. (2007). NEPSY-II (2nd ed.). San Antonio, TX :
Harcourt Assessment.
Landa, R. J. (2008). Diagnosis of autism spectrum disorders in the first 3 years of life.
Nature Reviews Neurology, 4(3), 138.
Leaf, R., & McEachin, J. (2006). Autisme et A.B.A. : Une pédagogie du progrès
(A. Fonbonne & C. Milcent, trad.). Londres, Angleterre : Pearson.
Lord, C., Rutter, M., DiLavore, P. C., Risi, S., Gotham, K., & Bishop, S. (2012). Autism
Diagnostic Observation Schedule, Second Edition (ADOS-2). Torrance, CA :
Western Psychological Services.
Lord, C., Rutter, M., & Le Couteur, A. (1994). Autism Diagnostic Interview-Revised:
A revised version of a diagnostic interview for caregivers of individuals
with possible pervasive developmental disorders. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 24(5), 659‑685.
Magerotte, G., & Willaye, É. (2010). Apprendre un nouveau comportement. In
J. Forget & M. Rivard (Eds.), Intervention comportementale clinique : Se former
à l’A.B.A. (chap. 10., pp. 141‑154). Bruxelles, Belgique : De Boeck Supérieur.
Martin, G., & Pear, J. (2003). Behavior Modification: What it is and how to do it.
Upper Saddle River, NJ : Prentice Hall.
Maurice, C. (Ed.) (2006). L’intervention béhaviorale auprès des jeunes enfants autistes.
Bruxelles, Belgique : DeBoeck.
Mesibov, G. B., Adams, L. W., & Schopler, E. (2000). Autism: A brief history.
Psychoanalytic Inquiry, 20(5), 637‑647.
Mesibov, G. B., Schopler, E., Schaffer, B., & Michal, N. (1989). Use of the child-
hood autism rating scale with autistic adolescents and adults. Journal of the
American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 28(4), 538‑541.
Meyer, S. (2013). De l’activité à la participation. Louvain-la-neuve, Belgique : De Boeck.
Miltenberger, R. G. (2011). Behavior modification: Principles and procedures (5th ed).
Belmont, CA: Wadsworth Cengage Learning.
Misès, R. (Ed.) (2012). Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de
l’adolescent – R-2012 (5th ed.). Rennes, France : Presses de l’EHSESP.
Mottron, L. (2004). L’autisme : Une autre intelligence. Bruxelles, Belgique : Mardaga.
Mottron, L. (2016). L’intervention précoce pour enfants autistes : Nouveaux principes
pour soutenir une autre intelligence. Bruxelles, Belgique : Mardaga.
77
78
Robison, J. E. (2017). Kanner, Asperger, and Frankl: A third man at the genesis of the
autism diagnosis. Autism, 21, 862‑871.
Rodger, S., & Polatajko, H. J. (2014). Occupational therapy for children with autism.
In B. P. Vinood, R. P. Victor & R. M. Colin (Eds.), Comprehensive guide to
autism (pp. 2297‑2314). New York, NY : Springer.
Rogé, B. (2015). Autisme, comprendre et agir (3rd ed.). Nanterre, France : Dunod.
Rogers, S. J., Hall, T., Osaki, D., Reaven, J., & Herbison, J. (2000). A comprehensive,
integrated, educational approach to young children with autism and their
families. In S. L. Harris & J. S. Handleman (Eds.), Preschool education pro-
grams for children with autism (2nd ed.). Austin, TX : Pro-Ed.
Rogers, S. J., & Dawson, G. (2010). Early start Denver model for young children with
autism. New York, NY : The Guilford Press.
Rogers, S. J., Estes, A., Lord, C., Vismara, L., Winter, J., Fitzpatrick, A., …, Dawson,
G. (2012). Effects of a brief Early Start Denver Model (ESDM) – based parent
intervention on toddlers at risk for autism spectrum disorders: A randomized
controlled trial. Journal of the American Academy of Child & Adolescent
Psychiatry, 51(10), 1052‑1065.
Ronemus, M., Iossifov, I., Levy, D., & Wigler, M. (2014). The role of de novo muta-
tions in the genetics of autism spectrum disorders. Nature Reviews Genetics,
15(2), 133‑141.
Rossini, E., & Tétreault, S. (2019). Espaces d’Engagement et de Promotion de la
Participation Sociale (EEPPS) : explorer la participation sociale en ergothé-
rapie. In M-H. Izard, Expériences en ergothérapie : 32e série (pp. 210‑217).
Montpellier, France : Sauramps Médical.
Santacreu, P., Lasselin, C., Auxiette, C., Chambres, P., Guérin, P., & Tardif, C. (2012).
Analyse des premières inquiétudes manifestées par les parents d’enfants présentant
un trouble du spectre de l’autisme. Bulletin scientifique de l’ARAPI, 29. Récupéré à
https://centrepsycle-amu.fr/wp-content/uploads/2014/01/Santacreu-et-al2012.pdf
Schopler, E., Reichler, R. J., DeVellis, R. F., & Daly, K. (1980). Toward objective classi-
fication of childhood autism: Childhood Autism Rating Scale (CARS). Journal
of Autism and Developmental Disorders, 10(1), 91‑103.
Schopler, E., Mesibov, G. B., & Hearsey, K. (1995). Structured teaching in the
TEACCH system. In E. Schopler & G. B. Mesibov (Eds.), Learning and
Cognition in Autism (pp. 243‑268). New York, NY : Plenum Press.
Schopler E, Lansing, M., Reichler, R. J, & Marcus, L. M. (2008). PEP-3 : Profil Psycho-
éducatif, évaluation psycho-éducative individualisée de la Division TEACCH
pour enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme (3rd ed.). Bruxelles,
Belgique : De Boeck.
Schramm, R. (2015). Motivation et renforcement : Un nouveau regard sur l’autisme.
Grasse, France : Autisme France Diffusion.
79
80
Introduction
81
1. Un sens est un organe récepteur permettant de percevoir les sensations du corps et de l’envi-
ronnement dans lequel il se trouve.
82
instructions verbales données à l’enfant avec autisme, qui ne tolère pas bien les
stimulations auditives fortes. Différencier et analyser la fonction des huit sens
permet à l’ergothérapeute de : (1) bien identifier le sens impliqué dans les dif-
ficultés de la personne ; (2) déterminer des stratégies ou modalités qui misent
sur les sens significatifs pour cette personne. Les huit sens sont présentés selon
leur importance dans le développement de l’enfant.
83
84
3. Ayres (1972) a introduit le terme « intégration sensorielle » pour décrire la façon dont la
personne organise les informations sensorielles pour ensuite y réagir. Étant donné les
divergences dans l’utilisation de l’expression « intégration sensorielle », il a été décidé pour
le présent ouvrage de l’utiliser uniquement par rapport à l’approche spécifique de Dre Jane
Ayres. L’Intégration Sensorielle® sera discutée au point 4.1.1.
85
86
types de profils que ceux suggérés par Miller et al. (2007) et le DSM-V.
Toutefois, une uniformité dans l’utilisation des termes s’impose, afin
d’harmoniser les pratiques et de consolider la crédibilité de l’ergo-
thérapeute comme expert de l’aspect sensoriel. Schaaf et Lane (2015)
recommandent que la terminologie du DSM-V soit privilégiée étant
donné qu’il s’agit de la référence pour le diagnostic d’autisme en
Amérique du Nord. Ce livre privilégie les termes « hyperréactivité »,
« hyporéactivité » et « intérêt inhabituel envers des aspects sensoriels de
l’environnement ».
Pour la plupart des auteurs consultés, il est clair que la manière dont
l’enfant réagit aux stimuli se modifie au cours d’une journée ou d’une
semaine. Par exemple, sa fatigue, sa sensation de faim ou son état de
santé peuvent faire varier ses réactions (Reebye & Stalker, 2008). Le
moment de la journée, l’environnement et la stimulation impliquée
modulent aussi sa réponse (Miller, 2014). Ceci explique pourquoi
les termes « hyperréactivité » et « hyporéactivité » doivent être reliés à
un sens pour être complets (p. ex. : hyperréactivité auditive ou hypo
réactivité olfactive) ou encore à un comportement spécifique obser-
vable. Une même personne peut présenter à la fois une hyperréactivité
orale et une hyporéactivité auditive qui perturbent ses comportements
lors des repas. Néanmoins, il faut souligner qu’une personne n’est pas
hyperréactive sur tous les plans et en toutes circonstances. Considérant
cela, il est essentiel de faire attention à généraliser et à bien documenter
la situation de l’enfant. Il est préférable de faire référence à un compor-
tement associé à de l’hyperréactivité tactile à l’habillage, plutôt qu’à un
enfant hyperréactif.
• Régulation sensorielle : Il s’agit d’un terme moins utilisé, autant en
français qu’en anglais. Il concerne à la fois des comportements et des
éléments émotionnels (Reebye & Stalker, 2008). Il se retrouve plus sou-
vent dans le vocabulaire d’autres professions, par exemple les psycho-
logues ou psychiatres. Les ergothérapeutes s’y réfèrent surtout lorsqu’il
est question d’autorégulation, c’est-à-dire la capacité qu’a la personne
de contrôler ses réactions et de générer une réponse adaptée, en fonc-
tion du contexte (Dinsmore, Alexander, & Loughlin, 2008). Le trouble
de la régulation sensorielle se caractérise par la présence de difficul-
tés sensorielles et de problèmes moteurs et comportementaux (Zero
to Three: National Center for Infants, 2005). Reebye et Stalker (2008)
estiment que ce diagnostic, identifié lors de la petite enfance, évolue
fréquemment vers un diagnostic d’autisme ou de trouble déficitaire de
l’attention lorsque l’enfant atteint l’âge scolaire.
87
DISCRIMINATION : INTÉGRATION
Stimulus : PERCEPTION : Reconnaître que multi-sensorielle :
alarme Entendre c’est le système Comprendre
d’incendie un son fort d’alarme et non l’urgence grâce
et strident le réveil matin à la stimulation
auditive
et aux stimulations
visuelles
des gens
qui se dirigent
vers la sortie.
Ignorer
MODULATION : les stimulations
RÉGULATION :
Figer en raison Mettre ses mains tactiles
de son malaise sur ses oreilles (coutures
causé pour diminuer du chandail)
par la stimulation l’impact de son qui le dérangeaient
auditive trop forte hyperréactivité avant
88
sensorielles sont deux diagnostics qui se situent sur des continuums. Cela
signifie que le niveau de difficulté varie de léger à sévère et qu’il est parfois
difficile de différencier ce qui appartient à l’autisme ou au système sensoriel
(Miller, 2014). Parfois, des caractéristiques de l’autisme sont associées au trai-
tement de l’information sensorielle et, à l’inverse, des manifestations senso-
rielles peuvent être reliées au diagnostic d’autisme. Cette observation confirme
la nécessité de réaliser une évaluation approfondie et multidisciplinaire, afin
de considérer tous les critères diagnostiques. Néanmoins, Miller (2014) rap-
porte que presque tous les enfants avec autisme présentent des difficultés sur
le plan sensoriel, particulièrement des particularités de modulation sensorielle.
D’ailleurs, le Manuel statistique et diagnostic des troubles mentaux (American
Psychiatric Association, 2013) a inclus l’hyperréactivité, l’hyporéactivité et les
intérêts inhabituels envers un stimulus de l’environnement comme des critères
pouvant mener au diagnostic. Dans cette section, les difficultés sensorielles les
plus fréquentes chez les personnes avec autisme sont décrites. Toutefois, il faut
préciser qu’elles ne sont que des exemples et que l’enfant avec autisme ne pré-
sente pas des difficultés sur tous les plans.
89
90
91
3.1. Entretien
3.2. Observations
Même si l’entretien est riche en informations directes, une observation
dans le milieu naturel de l’enfant est indispensable à la compréhension des
différents paramètres sensoriels de l’environnement et de l’activité (McColl,
1994). Par exemple, voici quelques questions à se poser : est-ce que l’enfant a
des problèmes de comportement à la crèche, car le local est situé à côté de la
92
cuisine et que l’odeur des aliments le gêne ? Est-ce que le matériel utilisé pour
une activité d’apprentissage est trop stimulant et semble nuire au fonctionne-
ment de l’enfant ? En somme, l’observation permet de compléter les informa-
tions obtenues lors de l’entretien avec les parents et permet souvent d’établir
des hypothèses quant aux origines des difficultés.
Parfois, les réactions de l’enfant peuvent différer selon le moment de la
journée, l’environnement, les personnes présentes, etc. L’observation permet
alors d’identifier des limites et facilitateurs sensoriels à l’aide de différentes
questions : est-ce que l’enfant fonctionne mieux lorsqu’il est seul dans une
pièce ? Est-ce qu’il collabore plus avec l’un des parents, car celui-ci le prévient
avant de le toucher lors du bain, alors que l’autre est plus hâtif et n’anticipe
pas ses actions ?
Il est recommandé d’observer l’enfant dans son environnement familier
pour chacune des situations de vie qui nécessitent des interventions. Il peut
être pertinent de répéter les observations si les comportements sont chan-
geants. Il faut effectuer ces multiples observations et considérer chacun des
environnements dans lesquels l’enfant évolue. Si l’enfant fait les courses dans
deux marchés d’alimentation distincts et avec des adultes différents, il vaut
donc mieux l’observer une première fois avec sa mère dans un endroit et une
deuxième fois avec son père dans un autre. Cette façon de faire permet d’éta-
blir un portrait plus précis des caractéristiques des différents contextes et de
leurs conséquences sur l’enfant.
La prise de notes est essentielle lors de la période d’observation, puisque
certains détails peuvent échapper à l’ergothérapeute et avoir des retombées
significatives sur le fonctionnement de l’enfant. Le tableau 4.1. présente un
exemple de grille d’observation complétée à partir d’une difficulté apparais-
sant lors des repas.
3.3. Expérimentations
Suite à la collecte de plusieurs informations, l’ergothérapeute peut
émettre des hypothèses concernant la cause des difficultés fonctionnelles, puis
il doit les tester. Par exemple, dans la situation décrite dans le tableau 4.1., il
est possible d’envisager que la réaction de l’enfant est en lien avec les stimula-
tions tactiles (nourriture) sur sa peau. Considérant cela, l’ergothérapeute peut
proposer de faire un essai et de laver les mains de Jean avant de se lever de
table. Les réactions de Jean permettront de valider l’hypothèse, cependant il
est nécessaire de considérer qu’un changement de routine peut le bouleverser.
Il arrive que plusieurs stimulations sensorielles influencent le fonctionnement
de l’enfant. Il faut demeurer vigilant même si la première hypothèse émise est
93
94
Période problématique : Repas à la maison
Situation : Jean, 3 ans, refuse de s’asseoir à table pour manger alors qu’il accepte de le faire à la garderie. Il aime pourtant manger et accepte une grande variété d’aliments.
Les quatre membres de la famille mangent ensemble à table (papa, maman et sa sœur de 8 ans).
Livre_340155NDB_AUTISME.indb 94
Activités Jeu libre La mère appelle La mère apporte les Tout le monde Chacun se lève pour Les parents Les parents
de la routine dans le salon. Jean pour qu’il assiettes. mange. aller porter débarrassent nettoient Jean
en ordre Lors de vienne manger son assiette la table. et le mettent
chronologique l’observation, et l’assoit de force à la cuisine, alors au sol.
Jean fait sur sa chaise haute. que Jean reste
un casse-tête. attaché sur sa chaise
haute.
Comportements Jean est calme Jean ignore sa mère Jean hurle Jean mange comme Jean demande Jean est très Jean réagit
de l’enfant et concentré. au premier appel. et cherche à sortir les autres, à sortir de table en colère et tente d’esquiver
Il va se cacher dans de son siège. mais fait beaucoup et hurle lorsque et pleure. la serviette qui sert
sa chambre jusqu’à Il se calme lorsqu’il de dégâts. les parents lui à le nettoyer.
ce que sa mère reçoit son assiette. demandent Il se calme dès qu’il
l’amène de force d’attendre. est posé au sol
dans la salle à et retourne
L’ergothérapie et l’enfant avec autisme de la naissance à 6 ans
Stimulations dans Peu de bruits. Bruit lointain de sa Jean est exposé Discussion calme Dès qu’une Mouvements. Serviette humide
l’environnement Espace organisé mère à l’odeur autour de la table. personne a fini, il y Bruits. tiède pour
visuellement. qui l’appelle. et au contenu de Bruits des ustensiles a davantage Odeur. le nettoyer.
Jean debout face À sa vue, réagit son assiette. dans les assiettes. de mouvements Stimulations tactiles Pressions fermes
à une petite table. en se cachant. Odeur des aliments. et de bruits autour des aliments sur mais imprévisibles.
Se fait maintenir Aliments sur de la table. sa peau.
de force, afin d’être ses mains et autour
assis. de sa bouche.
23/04/2020 17:17:19
Chapitre 4 Particularités sensorielles
4. Intervention qui consiste à exposer l’enfant progressivement à des stimuli moins tolérés
pour le rendre moins réactif à ceux-ci.
95
96
97
Favoriser la participation des enfants avec autisme et des difficultés de modulation sensorielle
sont
dérangeants associésà la modulation
Quand les difficultés ont un impact
problématiques
recherche sensorielle interfère
pour
Quand une aversion ou une
plusieurs
sensorielle persistent
avec la participation
enfants
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
Les parents rapportent souvent des difficultés dans les espaces de soins,
tels que le coiffeur (Drecq, 2015) ou le dentiste (Cermak et al., 2015) pouvant
être associées aux particularités sensorielles. Dans le contexte spécifique du
dentiste, les enfants qui présentent des comportements associés à de l’hyper-
réactivité sont confrontés aux lumières fluorescentes, aux odeurs fortes des
produits et aux manipulations effectuées dans la bouche. Ces stimulations
augmentent les comportements d’opposition et les difficultés lors de simples
soins de nettoyage (Stein, Polido, & Cermak, 2013).
111
6. Outils d’apprentissage
6.1. Mots-clefs
• Hyperréactivité
• Hyporéactivité
• Intérêt inhabituel envers des stimuli de l’environnement
• Modulation sensorielle
• Traitement de l’information sensorielle
5. Les histoires sociales et leur pertinence pour les enfants avec autisme sont détaillées au
chapitre 5.
112
1. Q
uelles sont les principales difficultés de l’enfant avec autisme qui
sont associées au traitement de l’information sensorielle ?
2. Quelles sont les différences entre le traitement de l’information sen-
sorielle et la modulation sensorielle ?
3. Quelles sont les trois démarches nécessaires pour faire une évalua-
tion complète des retombées fonctionnelles des difficultés senso-
rielles de l’enfant avec autisme ?
4. Comment l’ergothérapeute sélectionne-t‑il la meilleure intervention
pour répondre aux besoins de l’enfant avec autisme qui présente des
difficultés sensorielles ?
5. Quels sont les avantages et les désavantages des différentes approches
d’intervention pour répondre aux difficultés de modulation senso-
rielle de l’enfant avec autisme ?
Références
Adamson, A., O’Hare, A. et Graham, C. (2006). Impairments in sensory modulation
in children with autistic spectrum disorders. British Journal of Occupational
Therapy, 69(8), 357‑364.
Alli, K. et Yeshuana, C. C. (2017). Comparative study of two different weighted vests and its
effect on joint attention in children with Autism spectrum disorder. International
Journal of Pharma and Bio Science, 8(1). doi:10.22376/ijpbs.2017.8.1.b349‑352
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental
disorders (5e ed.). Arlington, VA: American Psychiatric Publishing.
113
114
Cermak, S. A., Curtin, C. & Bandini, L. G. (2010). Food selectivity and sensory sen-
sitivity in children with autism spectrum disorders. Journal of the American
Dietetic Association, 110(2), 238‑246.
Cermak, S. A., Duker, L. I. S., Williams, M. E., Lane, C. J., Dawson, M. E., Borreson,
A. E. & Polido, J. C. (2015). Feasibility of a sensory-adapted dental environ-
ment for children with autism. American Journal of Occupational Therapy,
69(3), p1-p10. doi:10.5014/ajot.2015.013714
Chen, Y. H., Rodgers, J. & McConachie, H. (2009). Restricted and repetitive beha-
viours, sensory processing and cognitive style in children with autism spectrum
disorders. Journal of Autism and Developmental Disorders, 39(4), 635‑642.
doi:10.1007/s10803‑008‑0663‑6
Cosbey, J., Johnston, S. S. & Dunn, M. L. (2010). Sensory processing disorders and
social participation. American Journal of Occupational Therapy, 64(3),
462‑473.
Crais, E. R., Watson, L. R., Baranek, G. T. & Reznick, J. S. (2006). Early identification
of autism: How early can we go? Seminars in Speech and Language, 27(3),
143‑160.
Devlin, S., Leader, G. & Healy, O. (2009). Comparison of behavioral intervention
and sensory-integration therapy in the treatment of self-injurious beha-
vior. Research in Autism Spectrum Disorders, 3(1), 223‑231. doi:10.1016/j.
rasd.2008.06.004
Dickinson, A. & Milne, E. (2014). Enhanced and impaired sensory discrimination in
autism. Journal of Neurophysiology, 112(6), 1599. doi:10.1152/jn.00288.2014
Dinsmore, D. L., Alexander, P. A. & Loughlin, S. M. (2008). Focusing the conceptual
lens on metacognition, self-regulation, and self-regulated learning. Educational
Psychology Review, 20, 391‑409. doi:10.1007/s10648‑008‑9083‑6
Donohue, S. E., Darling, E. F. & Mitroff, S. R. (2012). Links between multisen-
sory processing and autism. Experimental Brain Research, 222(4), 377‑387.
doi:10.1007/s00221‑012‑3223‑4
Drecq, E. (2015). Étude exploratoire de la participation sociale et de la cognition sociale
chez le jeune enfant présentant un Trouble du Spectre de l’Autisme. (Maîtrise),
Université Laval, Québec, Canada.
Dunn, W. (1999). The sensory profile. San Antonio, TX: The Psychological Corporation.
Dunn, W. (2014). Sensory Profile 2. San Antonio, TX: The Psychological Corporation.
Dunn, W., Cox, J., Foster, L., Mische-Lawson, L. & Tanquary, J. (2012). Impact of a contex-
tual intervention on child participation and parent competence among children with
autism spectrum disorders: A pretest-posttest repeated-measures design. American
Journal of Occupational Therapy, 66, 520‑238. doi:10.5014/ajot.2012.004119
Fazlioglu, Y. & Baran, G. (2008). A sensory integration therapy program on sensory
problems for children with autism. Perceptual and Motor Skills, 106, 415‑422.
115
116
Kong, M. Y. F. (2017). A call to the senses: The community approach. Frontiers in
Pediatric, 5, 164. doi:10.3389/fped.2017.00164
Leekam, S. R., Nieto, C., Libby, S. J., Wing, L. & Gould, J. (2007). Describing the sen-
sory abnormalities of children and adults with autism. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 37(5), 894‑910. doi:10.1007/s10803‑006‑0218‑7
Little, L. M., Ausderau, K., Sideris, J. & Baranek, G. T. (2015). Activity participation
and sensory features among children with autism spectrum disorders. Journal
of Autism and Developmental Disorders, 45(9), 2981‑2990. doi:10.1007/
s10803‑015‑2460‑3
Lussenhop, A., Mesiti, L. A., Cohn, E. S., Orsmond, G. I., Goss, J., Reich, C., …,
Lindgren-Streicher, A. (2016). Social participation of families with children
with autism spectrum disorder in a science museum. Museums et Social Issues,
11(2), 122‑137. doi:10.1080/15596893.2016.1214806
Mahler, K. (2015). Interoception the eight sensory system. Lenexa, KS: AACP
Publishing.
Malow, B., Adkins, K., Reynolds, A., Weiss, S., Loh, A., Fawkes, D., …, Clemons,
T. (2014). Parent-based sleep education for children with autism spectrum
disorders. Journal of Autism and Developmental Disorders, 44(1), 216‑228.
doi:10.1007/s10803‑013‑1866-z
Marr, D., Mika, H., Miraglia, J., Roerig, M. & Sinnott, R. (2009). The effect of sensory
stories on targeted behaviors in preschool children with autism. Physical et
Occupational Therapy in Pediatrics, 27(1), 63‑79. doi:10.1080/J006v27n01_05
McColl, M. A. (1994). Holistic occupational therapy: Historical meaning and comtem-
porary implications. Canadian Journal of Occupational Therapy, 61(2), 72‑77.
Miller, L. J. (2014). Sensational kids – Hope and help for children with sensory proces-
sing disorder (SPD). New York, NY: Penguin books.
Miller, L. J., Anzalone, M. E., Lane, S. J., Cermak, S. A. & Osten, E. T. (2007). Concept
evolution in sensory integration: A proposed nosology for diagnosis. American
Journal of Occupational Therapy, 61(2), 135‑140.
Nagib, W. & Williams, A. (2016). Toward an autism-friendly home environment.
Housing Studies, 32(2), 140‑167. doi:10.1080/02673037.2016.1181719
Noel, J. P., Lytle, M., Cascio, C. & Wallace, M. T. (2018). Disrupted integration of
exteroceptive and interoceptive signaling in autism spectrum disorder. Autism
Research, 11(1), 194‑205. doi:10.1002/aur.1880
Ozdemir, S. (2008). The effectiveness of social stories on decreasing disruptive
behaviors of children with autism: three case studies. Journal of Autism and
Developmental Disorders, 38(9), 1689‑1696. doi:10.1007/s10803‑008‑0551‑0
Panagiotidi, M., Overton, P. G. & Stafford, T. (2017). Multisensory integration and
ADHD-like traits: Evidence for an abnormal temporal integration window in
ADHD. Acta Psychol (Amst), 181, 10‑17. doi:10.1016/j.actpsy.2017.10.001
117
118
119
120
121
Introduction
Jean-Paul Sartre disait « Autrui, c’est l’autre, c’est-à-dire le moi qui
n’est pas moi ». Et si l’autre n’est pas moi, il est donc différent. L’enfant,
dès le plus jeune âge, apprend de façon innée à décoder ces différences afin
d’établir des relations sociales en sachant s’adapter aux besoins et exigences
des autres et de lui-même. Toutefois, certains enfants naissent avec des fra-
gilités dans cette compréhension d’autrui. Ce sont les enfants avec autisme.
Là où l’autre apprend sans s’en rendre compte, au travers des expériences
de vie, l’enfant avec autisme nécessite d’être guidé dans cette découverte
(Thommen, 2010). C’est un parcours qu’il est fondamental de lui faire
entreprendre. S’il est débuté dès le plus jeune âge, cela lui permettra de se
créer des relations enrichissantes, satisfaisantes et significatives. Les diffi-
cultés dans la compréhension d’autrui sont souvent définies comme le cœur
du fonctionnement de la personne avec autisme (Vermeulen, 2009). Elles
ont une implication directe sur de nombreuses occupations humaines et
représentent un domaine dans lequel l’ergothérapeute se doit d’intervenir
(Favaretto, 2019). La partie 1 de ce chapitre aborde ce thème en présen-
tant d’abord le développement de ces habiletés chez l’enfant sans autisme,
puis il rapporte les connaissances actuelles quant aux particularités de
développement de cet aspect chez celui avec autisme. La partie 2 propose
différentes évaluations en lien avec la compréhension d’autrui. Bien qu’il
existe peu d’instruments disponibles en langue française et que ces derniers
soient non spécifiques à l’ergothérapie auprès de très jeunes enfants avec
autisme, leur connaissance est essentielle, car ils font partie de la pratique
123
Dès son plus jeune âge, le bébé interagit avec des humains et des objets
physiques. Il est continuellement confronté à la spécificité des êtres humains
qui expriment leurs états internes par l’expression de leur visage et par le lan-
gage. Pour comprendre autrui, il ne suffit pas d’interagir avec ses congénères
de manière adéquate, il faut aussi construire les opérations permettant d’infé-
rer les états mentaux à partir du comportement des personnes et des circons-
tances qui les entourent (Thommen, 2010).
Le monde construit par le nourrisson résulte des interactions senso-
rimotrices avec son environnement. Ces interactions sont faites de régula-
rités, de corrélations et de contraintes, qui sont constitutives de ce réel. Les
parents du bébé s’adaptent à ses actions, ils les interprètent et leur donnent
124
des réponses non régulières. Ils initient des actions spontanées vers le bébé, ils
s’adaptent à ses besoins et parlent à l’enfant, liant la parole aux gestes.
Il est possible de s’attendre à voir des comportements très différenciés
du jeune enfant envers les humains. Ainsi, Warneken et Tomasello (2006)
rapportent la capacité des enfants de 18 mois à lire les intentions d’autrui.
Dans une expérience sans langage, un adulte, les bras chargés de livres, tente
de les ranger dans une armoire sans y parvenir (elle est fermée et il a les mains
pleines). L’enfant de 18 mois qui le regarde, s’avance vers lui, ouvre la porte de
l’armoire et regarde son visage, ce qui permet à l’adulte de ranger les ouvrages
dans l’armoire. Ce comportement d’altruisme, spontané, révèle les compé-
tences de l’enfant de cet âge. Il devient capable de se représenter lui-même
et de se représenter autrui. Il est capable de lire les intentions d’autrui, même
si cette lecture n’est pas conceptualisée, en action, il comprend les intentions
d’autrui.
Des recherches documentent cette compréhension précoce des inten-
tions d’autrui chez le jeune enfant. Par exemple, Surian et Geraci (2012) s’inté-
ressent à la capacité du jeune enfant à tenir compte du savoir d’autrui, savoir
obtenu par le fait d’avoir été présent lors de l’événement connu. Ils présentent
aux enfants un petit scénario par le mouvement de figures géométriques.
Par exemple, un cercle bleu chemine dans un parcours avec une bifurcation
menant à une boîte jaune ou une boîte verte. Dans un premier temps, il se
dirige dans la boîte jaune, puis il se déplace dans la boîte verte. Un triangle
rouge prend alors le parcours. Dans un cas, il a assisté à l’ensemble des dépla-
cements du cercle bleu, dans l’autre cas, il était absent pendant le transfert
du cercle bleu de la boîte jaune à la boîte verte. Surian et Geraci (2012) ana-
lysent le suivi du regard de l’enfant. Lorsque le triangle rouge était présent
pendant le changement de boîte, les enfants de 18 mois regardent vers la boîte
verte en anticipant le mouvement du triangle, alors que, lorsque ce dernier
n’était pas présent lors du changement de boîte du cercle rouge, ils anticipent
le mouvement en regardant vers la boîte jaune. L’anticipation du regard qui
tient compte du savoir de la figure géométrique est interprétée par ces auteurs
comme la capacité à attribuer une fausse croyance à une forme géométrique.
L’attribution de croyances et fausses croyances fait partie des compétences en
lien avec la théorie de l’esprit, qui sera décrite dans le point suivant.
Cependant, regarder en tenant compte du regard de l’autre pourrait très
bien être réalisé sans qu’il y ait attribution de croyances ! Prêter des compé-
tences si sophistiquées sur la base d’une simple attention visuelle peut porter
à des biais d’interprétation. Ainsi, Low et Perner (2012) proposent une diffé-
renciation de ces comportements. Lorsque l’enfant doit explicitement inter-
préter le comportement d’autrui en fonction des croyances de ce dernier, il
125
émet un jugement qui n’est pas au même niveau qu’une simple représentation
des faits. Par ailleurs, l’attention visuelle pourrait également être guidée par
une simple association et mémorisation : activer la mémoire de la location
de l’objet lorsque la figure géométrique était présente sans attribution d’états
mentaux ! C’est l’interprétation que suggère Heyes (2017) pour discuter des
compétences en lien avec l’attention visuelle.
Lorsque le tout jeune enfant interagira avec autrui, il sera confronté aux
expressions émotionnelles de ses proches. Il comprendra ainsi une commu-
nication non verbale avant le langage. Les expressions émotionnelles de ses
parents lui indiqueront s’ils sont intéressés par lui, s’ils sont contents d’inter
agir avec lui ou au contraire s’ils sont fâchés, par exemple. Bien que les enfants
distinguent les expressions sur le visage avant un an, c’est vraiment à cet âge-là
qu’apparaissent des comportements du bébé significatifs de sa prise en compte
des émotions de l’autre. Deux expériences sont à cet égard exemplaires.
Le premier exemple concerne le moment auquel les enfants com-
mencent à se déplacer à quatre pattes. Souvent, il leur suffit de quelques jours
pour développer une peur du vide. L’enfant s’immobilisant devant une falaise
visuelle (une vitre transparente est disposée sur un « trou »), il est possible
de tester si celui-ci peut franchir l’obstacle en surmontant sa peur lorsque sa
mère l’encourage par une expression émotionnelle positive ou au contraire
rester bloqué lorsqu’elle exprime une émotion négative. Sorce, Emde, Campos
et Klinnert (1985) ont fait cette expérience avec des enfants de 12 mois. La
situation est très contrôlée, puisque la maman fige son visage sur une émo-
tion. Elle ne manifeste pas d’autres gestes envers son enfant. Une expérience
oppose deux groupes : le premier est face à une mère qui exprime la joie, le
second une mère qui communique la peur. Aucun enfant ne traverse la falaise
visuelle lorsque la maman présente la peur alors que la plupart des enfants la
dépassent lorsqu’elle exprime la joie (75 %). Ces derniers présentent davan-
tage de référenciations sociales (regarder la falaise, puis la maman) dans la
situation de joie. Les enfants d’une année sont donc capables de tenir compte
de l’expression émotionnelle de leur proche pour décider de leurs actions. Ils
sont aussi capables de communiquer des émotions positives avec autrui en
produisant leurs premières blagues. Reddy (1991) présente les données sur les
jeux communicatifs provenant des enfants en direction des parents. Il s’agit
par exemple de l’action du bébé qui tend un objet vers l’adulte, puis le retire
en riant, juste au moment où l’adulte allait s’en saisir. Ces jeux, contrairement
aux routines interactives présentes à 6 mois, sont initiés par l’enfant qui fait
ses premières blagues. Ils supposent de la part du bébé une représentation de
l’action normale (donner un objet) pour produire l’action humoristique et en
rire, il s’agit d’une mise en relation de deux actions (donner/ne pas donner).
126
127
128
plus simples. Les états mentaux peuvent se différencier entre les savoirs et les
croyances. Attribuer un savoir à quelqu’un suppose une prise en considéra-
tion des connaissances réelles de la personne ; alors que l’octroi de croyances
ne suppose en rien de leurs véracités. La théorie de l’esprit est précisément la
capacité de différencier des états mentaux, l’enfant qui assiste au scénario est
en position de savoir : il sait où se trouve la bille. En revanche, la protagoniste
de qui il prédit l’action est en situation de croyance. Sally croit faussement
que sa bille est restée là où elle l’avait rangée. Plus simplement, il y a des situa-
tions où tout le monde est en situation de croyance. Par exemple, un objet est
recherché et personne ne sait où il se trouve. Chacun agira en fonction de ce
qu’il croit. Prédire l’action d’autrui lorsque personne ne sait l’état du monde
est plus facile pour les enfants qui réussissent cette épreuve vers 3‑4 ans.
Le développement de la compréhension des états mentaux se poursuit
après 5 ans par la compréhension de la théorie de l’esprit de deuxième ordre.
Dans la recherche de Perner et Wimmer (1985), l’enfant doit anticiper le com-
portement de John en fonction de l’information que John a au sujet de ce qu’il
croit être l’information en possession de Mary. La question posée à l’enfant :
« Où est-ce que John va chercher Mary ? » suppose de sa part une attribution
de croyance de deuxième ordre. Mary sait que le marchand de glace est vers
l’église, John le sait aussi ; mais il ne sait pas qu’elle le sait. Pour lui, Mary
croit que le marchand de glace est dans le parc. Pour décider du lieu correct
vers lequel John va se diriger pour trouver Mary, l’enfant doit lui attribuer la
croyance : « John croit que Mary croit que le marchand de glace est dans le
parc, donc il va chercher Mary dans le parc ». L’enfant doit attribuer à John
une pensée de deuxième ordre sur ce qu’il croit être la croyance de Mary. Les
enfants réussissent cette tâche vers l’âge de 7 ans.
Les enfants de 7 ans, bien qu’ils réussissent une telle attribution, ne sont
pas encore parfaitement à l’aise avec la compréhension des états épistémiques et
notamment lorsqu’il faut interpréter correctement le sens des verbes mentaux.
Johnson et Wellman (1980) ont interrogé les enfants sur leur compréhension de
leurs propres états épistémiques au moyen des verbes mentaux comme « devi-
ner » et « savoir ». L’enfant est confronté à une expérience de changement de
son état de connaissance. Deux boîtes sont présentées à l’enfant et il doit devi-
ner où se trouve un objet (une voiture, par exemple). L’expérimentateur peut
manipuler le contenu de la boîte à l’insu du sujet. Dans le cas de « devine juste »
la boîte magique est déplacée pour que l’enfant trouve l’objet, dans l’autre cas
elle est manipulée pour qu’il ne le trouve pas. Dans les deux cas, l’enfant doit
deviner dans quelle boîte se trouve l’objet. Il ne sait pas dans quelle boîte il se
trouve. Lorsque l’enfant découvre le contenu de la boîte sur laquelle il a « parié »,
l’expérimentateur lui demande quel était son état épistémique au moment du
129
pari : « Lorsque tu as montré la boîte est-ce que tu savais ce qu’il y avait dans la
boîte ? Est-ce que tu devinais ce qu’il y avait dans la boîte ? » Les enfants n’ont
qu’à répondre par oui ou non. Les enfants de 4 ans s’attribuent l’état mental
qui correspond au résultat : lorsqu’ils trouvent l’objet dans la boîte sur laquelle
ils avaient parié, ils affirment qu’ils savaient que l’objet s’y trouvait et qu’ils
l’avaient deviné. À 9 ans, l’état mental ne dépend plus du tout du résultat, tous
les enfants affirment qu’au moment du pari ils ne savaient pas le contenu de
la boîte et qu’ils devinaient. Enfin, les enfants de 7 ans affirment encore qu’ils
savaient lorsqu’ils « devinent juste » alors qu’ils disent deviner dans les deux cas.
Ces quelques données sur le développement du jugement sur les pen-
sées d’autrui témoignent que la théorie de l’esprit n’est pas une compréhension
qui s’acquiert une fois pour toutes. Elle se poursuit tout au long du dévelop-
pement, raison pour laquelle il est préférable de parler de « théorisation de
l’esprit » (Thommen, 2007).
130
à lui donner un bonbon. Pour le quatrième essai, il doit sélectionner les deux
personnages qui semblent avoir une mauvaise intention envers lui. Lorsqu’on
ne demande pas aux enfants d’identifier les visages en fonction de l’émotion,
la plupart d’entre eux préfère un autre critère. Néanmoins, les enfants typiques
favorisent plus souvent le critère d’émotion que les enfants avec autisme. En
revanche, dès que l’on demande de prendre en considération l’indice social,
dans les essais trois et quatre, la plupart des enfants choisit les deux visages
qui correspondent à l’émotion attendue. Dans les travaux de Thommen
et al. (2010) sur le développement de la compréhension des émotions chez
les enfants avec autisme, il ressort que la reconnaissance des émotions sur le
visage était souvent maîtrisée alors que les situations plus complexes posaient
des problèmes aux enfants. Quelques exemples se retrouvent dans le point 1.3.
Les difficultés des enfants avec autisme du point de vue de la théorie
de l’esprit ont été mises en évidence par Baron-Cohen, Leslie et Frith (1985).
Leur recherche compare les réponses d’enfants avec autisme (entre 5 et
15 ans) à celles d’enfants avec une trisomie 21 (entre 5 et 9 ans) et d’enfants
typiques (entre 3 et 5 ans). Les auteurs indiquent une absence d’attribution
de fausses croyances pour seize des vingt enfants avec autisme alors que la
plupart des autres enfants ont réussi la tâche. Dans cette recherche, quelques
enfants avec autisme réussissent les tâches d’attribution de fausses croyances
de premier ordre. Ainsi, Baron-Cohen (1989) présente, à un groupe de dix
enfants avec autisme (entre 10 et 18 ans) ayant réussi cette tâche, celle de deu-
xième ordre de Perner et Wimmer de 1985 (voir ci-dessus). Aucun des enfants
ne la réussit. Cela amène Baron-Cohen à la conclusion que les personnes avec
autisme seraient aveugles aux états mentaux d’autrui (Baron-Cohen, 1998).
Pourtant des recherches plus récentes soulignent qu’une partie non négli-
geable des personnes avec autisme réussissent les tâches portant sur la théorie
de l’esprit, même celles de deuxième ordre. De plus, lorsqu’il s’agit de per-
sonnes Asperger, les performances observées sont meilleures (Bowler, 1992).
Actuellement, les chercheurs abordent la question des théories de l’es-
prit dans l’autisme par des approches plus implicites visant à tester l’atten-
tion des personnes avec autisme envers des situations sociales. Les possibilités
de développement de ces compétences sont de plus en plus étudiées par des
approches longitudinales.
131
Les chercheurs ont repris les procédures déjà présentées sur l’atten-
tion visuelle des jeunes enfants. C’est ainsi que Senju, Southgate, White et
Frith (2009) analysent l’attention d’adultes avec autisme à partir d’un scéna-
rio visuel dans lequel ces derniers voient une marionnette ranger une balle
dans une boîte. Une personne assiste à la scène par le dessus, derrière un
paravent, une casquette sur la tête de telle sorte que l’on ne voit pas son
regard. Cette personne peut passer la main par une trappe derrière la boîte
pour se saisir de la balle. Dans la situation de fausse croyance, la marionnette
change la balle de boîte lorsque la personne a la tête tournée. Il importe ici
d’observer vers quelle trappe les spectateurs vont regarder, dans l’attente du
geste de la personne qui cherche sa balle et qui sait ou non où elle se trouve.
Les individus avec autisme ne tiennent pas compte du savoir de la personne
pour orienter leur regard. Celle-ci peut aussi bien se diriger vers l’endroit
attendu en fonction de la fausse croyance que vers l’autre. Ces résultats
sont reproduits de manière similaire (absence d’orientation du regard en
fonction de la fausse croyance) chez les enfants (Schuwerk, Jarvers, Vuori,
& Sodian, 2016) avec une procédure légèrement différente. À noter que
ces chercheurs ont également interrogé les enfants avec un TSA sur leurs
théories de l’esprit par des épreuves semblables à celles de Baron-Cohen
et al. (1985) avec pour résultat une réussite aux tâches de fausse croyance.
Ainsi d’après Schuwerk, Jarvers, Vuori et Sodian (2016), les personnes avec
autisme pourraient présenter une théorie explicite de l’esprit, mais auraient
des difficultés avec la théorie implicite de l’esprit. Comme discuté au début
de cet article, ce résultat met en évidence la difficulté conceptuelle de l’ana-
lyse des tâches présentées aux sujets. En effet, il semble que l’analyse de la
tâche reste à élaborer pour rendre compte des résultats, aussi bien par une
analyse plus fine des processus d’attention visuelle que par la qualification
de théorie de l’esprit implicite. De plus, il manque encore la reproduction de
ces résultats de recherches.
Ceci dit, la question du développement des théories de l’esprit chez les
enfants avec autisme reste ouverte. Différentes recherches apportent quelques
éléments de réponses à la question de ce développement en suivant les enfants
de manière longitudinale (Thommen, 2010).
132
autisme, est susceptible d’évoluer dans le temps. Sur l’ensemble des enfants
suivis lors de ces recherches, une étude des données longitudinales auprès
de 21 enfants avec autisme de 5 à 15 ans (la plupart des enfants ont entre 8
et 12 ans) est effectuée (données non publiées). Ces enfants ont été évalués à
trois reprises, lors des différentes recherches, au cours d’une année et demie
avec le TEC (présenté plus loin) et par le ToM Storybooks de Blijd-Hoogewys
qui permet d’évaluer plusieurs dimensions de la théorie de l’esprit (Blijd-
Hoogewys, van Geert, Serra, & Minderaa, 2008). Les items sont présentés
aux enfants dans de cahiers contenant de petits scénarios à interpréter. Cette
épreuve présente l’avantage d’interroger les enfants sur leur compréhension
de la pensée des autres selon plusieurs dimensions et avec plusieurs items
pour chaque dimension. Six cahiers comprennent 34 items. Chaque cahier
développe une histoire de Simon (p. ex. : Simon va à la ferme, Simon va à
la piscine). Pour chaque item, il y a trois ou quatre questions constituant
93 questions en tout. Le score maximal est de 111 points. Pour 75 questions,
le score est de 1 ou 0 (correct ou incorrect) et pour 18 questions, le score
est de 1 à 3 selon la qualité de l’explication donnée. Le détail de l’analyse
est présenté dans Bulgarelli, Testa et Molina (2015) et Blijd-Hoogewys et al.
(2008). En prenant l’ensemble des items, y compris ceux de justification des
réponses, le score augmente régulièrement avec l’âge. Dans la recherche
originale, une amélioration du score global apparaît jusqu’à 9 ans, même si
les composantes évaluées sont normalement acquises vers 6 ou 7 ans (Blijd-
Hoogewys et al., 2008).
Cinq domaines de connaissance sont testés dans le ToM Storybooks :
133
Figure 5.1. Moyennes du score global du ToM Storybooks pour les différents groupes d’enfants
(21 enfants TSA, 10 enfants de 4 ans, 15 enfants de 6 ans, 16 enfants de 7 ans, 14 enfants de
8 ans et 14 enfants de 9 ans)
Score global
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Enfants TSA Enfants TSA Enfants TSA 4 ans 6 ans
Session 1 Session 2 Session 3
Figure 5.2. Évolution des moyennes du score du ToM Storybooks au cours d’une année et
demie en comparaison avec le score des enfants de 4 et 6 ans (21 enfants TSA, 10 enfants de
4 ans, 15 enfants de 6 ans)
134
100 %
90 %
80 %
70 %
Autisme session 1
60 %
Autisme session 2
50 %
Autisme session 3
40 % 4 ans
30 % 6 ans
20 %
10 %
0%
Reconnaître Expliquer Désir-émotion
Un regard plus approfondi sur les items de ces tests révèle des nuances
dans les difficultés des enfants avec autisme en ce qui concerne la théorie de
l’esprit. Une moyenne des pourcentages de réussite aux items a été calcu-
lée pour les deux tests qui concernent la compréhension des émotions d’un
côté et la théorie de l’esprit de l’autre. La figure 5.4. montre que les tâches de
théorie de l’esprit sont particulièrement déficitaires par rapport aux tâches de
compréhension des émotions (analyse multivariée avec variable répétée sur
deux groupes effet d’interaction entre les groupes et les tâches : F(4;69) = 7.82,
p < .0001).
135
100 %
90 %
80 %
70 %
autisme
60 %
6 ans
50 %
7 ans
40 % 8 ans
30 % 9 ans
20 %
10 %
0%
Compréhension des émotions Théorie de l’esprit
Figure 5.4. Moyenne des pourcentages de réussite aux items de compréhension des émotions
et de théorie de l’esprit (toutes épreuves confondues) (21 enfants TSA, 10 enfants de 4 ans,
15 enfants de 6 ans, 16 enfants de 7 ans, 14 enfants de 8 ans et 14 enfants de 9 ans)
136
personne à qui il s’adresse. Il n’existe pas beaucoup d’outils avec une stan-
dardisation pour des enfants francophones. Des évaluations se trouvent dans
des batteries de tests à l’usage de psychologue. Le plus utile d’entre eux étant
le NEPSY II (Korkman, Kirk, & Kemp, 2007). Cet outil comporte une partie
d’évaluation de la perception sociale dans des subtests de reconnaissance
d’émotion et de théorie de l’esprit. Il pourra être utile à l’ergothérapeute de
demander au psychologue le détail de la passation pour ces subtests.
Dans les lignes qui suivent, quelques tests seront présentés, surtout ceux
qui peuvent s’adapter à la pratique. Ils sont regroupés en fonction du niveau de
développement de l’enfant, du domaine étudié et selon le protocole proposé
(p. ex. : observation directe ou recueil d’informations auprès des référents qui
accompagnent l’enfant, que ce soit les parents ou les professionnels). En ce qui
concerne les niveaux de développement, lorsque l’enfant n’a pas encore acquis
le langage, les outils suggérés documentent la communication. Par la suite,
les instruments disponibles évaluent la compréhension des émotions et/ou la
théorie de l’esprit.
137
1. Il n’y a pas d’échelle de maintien de la régulation du comportement. Seules les initiatives et
les réponses de l’enfant peuvent être évaluées.
138
139
fréquemment utilisée dans les recherches. Une version française a été mise au
point dans la thèse de Larzul (2010). Elle comprend cinq tâches :
1. La tâche des « désirs divers » (Diverse Desire) : l’enfant est questionné
sur la sucrerie qu’il préfère, puis il lui est annoncé que la poupée, elle,
préfère l’autre sorte de sucrerie présentée. La question suivante est
posée : quelle sucrerie la poupée va-t‑elle prendre ? (Réponse atten-
due : celle que la poupée préfère !)
2. La tâche des « croyances diverses » (Diverse Belief) : il s’agit de prédire
l’action en fonction de ce que l’autre croit (qui est différent de ce que
l’enfant croit). Une situation avec deux endroits est utilisée, par exemple
un garage et un buisson, où peut être caché un chien. Il est impossible
de voir l’animal. L’adulte demande à l’enfant où il croit que se cache le
chien. Puis, il lui dit que la poupée croit que le chien est à l’autre endroit,
ensuite il lui demande de prédire où la poupée va chercher son chien.
(Réponse attendue : à l’endroit où l’enfant ne croit pas qu’il est.)
3. La tâche de l’accès au savoir (Knowledge Access) : l’enfant est en
face de la poupée. Des boîtes sont disposées entre eux, dont l’ouver-
ture peut se présenter du côté de la poupée ou du côté de l’enfant.
Alternativement, l’enfant voit ce qu’il y a dans la boîte et la poupée
ne le voit pas, puis c’est l’inverse. L’enfant doit affirmer qu’il sait ce
qu’il y a dans la boîte lorsqu’elle est ouverte de son côté et qu’il ne le
sait pas lorsqu’elle est ouverte du côté de la poupée.
4. La tâche de la fausse croyance sur le contenu d’un récipient (Contents
False Belief) : il s’agit d’une recherche du type de celle des Smarties®
(voir ci-après Épreuve ToM-croyances).
5. La tâche de la différence entre l’apparence et la réalité d’une émotion
(Real-Apparent Emotion) : une histoire est racontée à l’enfant, dans
laquelle Matt est la victime d’une blague faite par ses copains. Matt
ne trouve pas cela drôle du tout, cependant il fait bonne figure, il ne
veut pas que cela se voie sur son visage. L’enfant est alors questionné
sur deux aspects : de quoi a l’air Matt (réponse attendue : il a l’air gai)
et comment se sent Matt (il est fâché).
1. Le jeu de tromperie « dans quelle main est le lapin » : Dans son dos,
l’adulte cache un petit lapin dans l’une de ses mains (à l’insu de l’enfant),
140
2. Il existe un site web pour la version en anglais qui donne de nombreuses informations :
www.theoryofmindinventory.com
141
questions concernent la manière dont se sent l’enfant, puis sur le ressenti du père
lorsqu’il offre le train à son enfant, puis ce que le père pense que le fils ressent
(question sur la théorie de l’esprit de deuxième ordre). La huitième situation est
celle de Paul, qui prépare deux plats, déposés à deux endroits différents (la table
et un meuble). En son absence, une deuxième personne, Jacques, se sert dans les
plats et les change de place. L’histoire se conclut par la demande de la personne
qui a préparé les plats, Paul, à celle qui les a déplacés, Jacques, de lui apporter le
plat qui est posé sur le meuble. On demande alors à l’enfant : « Quel plat va lui
apporter Jacques ? ». La neuvième histoire est celle d’un cadeau d’anniversaire.
L’enfant demande à sa maman un vélo pour son anniversaire, mais cette der-
nière veut lui faire une surprise et répond qu’elle lui a acheté des patins à glace.
En l’absence de sa maman, le fils découvre par hasard le vélo caché dans un pla-
card. Dans la suite de l’histoire, le grand-père demande à la maman ce que son fils
croit qu’il va recevoir comme cadeau d’anniversaire. L’évaluateur demande alors
à l’enfant ce que va répondre la maman. La réponse attendue est : « des patins à
glace », car la maman ne sait pas que son fils sait qu’il s’agit d’un vélo ! Cette bat-
terie de tests peut être obtenue en contactant Nader-Grosbois (Nader-Grosbois &
Houssa, 2016).
142
143
par les pairs ; (6) les interventions basées sur les nouvelles technologies ; (7) les
histoires sociales. Favaretto conclut que deux interventions sont destinées aux
ergothérapeutes, soit la méthode SAS et l’approche DIR-Floortime. Elles cor-
respondent le plus aux lignes directrices de l’autisme dans le cadre de la petite
enfance. En effet, elles proposent une intervention structurée, ludique, précoce,
personnalisée et écologique (en lien avec les contextes de vie de l’enfant). Elles
intègrent activement la famille et ne sont pas influencées par un certain niveau
cognitif de l’enfant. De leur côté, Tanner, Hand, O’Toole et Lane (2015) ont fait
une revue systématique des écrits sur l’efficacité des interventions en ergothéra-
pie en lien avec la participation sociale, le jeu, les loisirs et les intérêts restreints
des personnes avec autisme. Ils ont sélectionné 66 articles publiés entre 2006
et 2013. Ils émettent des conclusions concernant l’efficacité des interventions
en ergothérapie pour les aspects des habiletés sociales et de la communication
sociale. D’abord, ils notent des preuves solides qui soutiennent l’utilisation
des groupes d’habiletés sociales en clinique ou dans le contexte de vie. Puis,
ils confirment qu’il y a aussi des preuves solides pour l’utilisation de supports
visuels, afin d’améliorer la communication sociale et d’augmenter les com-
pétences d’attention conjointe. Par ailleurs, ils estiment qu’il y a des preuves
moindres, mais prometteuses en ce qui a trait aux médiateurs technologiques,
tels que la réalité virtuelle, le Video Modelling, ou encore le travail collaboratif
sur ordinateur. Tanner et ses collègues (2015) confirment l’existence de preuves
prometteuses en lien avec les interventions comportementales dans le contexte
écologique et la médiation par les parents. Ils rapportent des preuves mitigées
concernant les interventions médiées par les pairs et l’utilisation des histoires
sociales. Enfin, ils jugent les preuves insuffisantes pour les interventions dans
la classe et pour utiliser des stratégies sensorimotrices afin d’améliorer la com-
munication sociale. Au regard de ces constats, il appartient dès lors à l’ergo
thérapeute d’adopter un raisonnement clinique personnalisé qui s’appuie sur
les évidences scientifiques, mais également sur une compréhension plus fine
des contextes de vie de l’enfant. Il sera alors possible de mettre en place des
actions pertinentes et uniques pour l’enfant avec autisme et les personnes qui
l’accompagnent sur son parcours de vie.
Avoir un jeune enfant avec autisme à la maison implique des défis impor-
tants lors des interactions ordinaires parent-enfant de la vie quotidienne, telles
144
que se laver, s’habiller, manger, jouer. Cette situation affecte non seulement le
développement de l’enfant, mais également le bien-être de sa famille (Althoff,
Dammann, Hope, & Ausderau, 2019). Pour leur part, Scorgie, Wilgosh et Sobsey
(2004) proposent un modèle théorique sur les processus de transformations
parentales. Ils estiment que les parents, face à un diagnostic pour leur enfant,
quel qu’il soit, activent trois processus, soit : (1) identitaire (image-making) ; (2)
de signification (meaning-making) ; (3) d’action (choice-making). Dans le pro-
cessus identitaire, la famille se retrouve devant la nécessité de reconstruire une
image de soi individuelle et collective. En effet, la famille en tant que groupe,
ainsi que chacun de ses membres qui la compose, doivent faire face à un change-
ment de représentations et de trajectoires de vie par rapport à ce qu’ils s’étaient
construit avant l’annonce du diagnostic (Scorgie, Wilgosh, & Sobsey, 2004).
Dès lors, l’ergothérapeute doit prendre le temps de comprendre et de connaître
les représentations que la famille a d’elle-même, mais aussi sa représentation
du handicap en général et de l’autisme en particulier. L’utilisation de l’EEPPS,
comme guide pour l’entretien initial avec chacun des membres de la famille,
permet de percevoir et de comprendre leurs conceptions intimes à l’aide de récits
de vie basés sur l’occupation humaine (Rossini & Tétreault, 2019). Cette phase
narrative du récit est primordiale pour soutenir la famille dans son processus de
transformation. À partir des récits de vie, les différentes façons d’attribuer du
sens aux événements passés, présents et futurs peuvent être explorées (Wilgosh
& Scorgie, 2006). L’autre processus, appelé le « processus de signification »,
permet à la famille de trouver des réponses à la question « pourquoi ? ». Dans
la situation spécifique de l’autisme, l’incompréhension de son origine guide
l’ergothérapeute lors de l’accompagnement des membres de la famille durant
cette période d’incertitudes. Souvent des interrogations sur le rôle des vaccins
ou de facteurs environnementaux de divers ordres émergent. L’état des connais-
sances présenté au chapitre 3 aide les ergothérapeutes à fournir des réponses
justes. Toutefois, il est essentiel d’actualiser continuellement ces connaissances
en fonction des progrès de la science. L’objectif visé par l’ergothérapeute est de
permettre à la famille d’aller de l’avant en acceptant progressivement le diagnos-
tic, ou au moins de vivre avec. L’accès aux services de réadaptation et l’évolution
positive de l’enfant dans son quotidien permettent à la famille de mesurer les
progrès acquis, grâce à l’observation objective des comportements de l’enfant.
Ces améliorations suscitent chez les membres de la famille une plus grande séré-
nité, qui contrebalance l’angoisse suscitée par l’absence de causes définies de
l’autisme. Selon les expériences faites auprès de différentes familles, l’utilisation
de l’EEPPS (Rossini & Tétreault, 2019) permet de déterminer immédiatement
des objectifs centraux pour la famille, liés à l’occupation humaine et mesurables,
car ils sont visibles dans les environnements de vie de l’enfant.
145
146
Approches
motivationnelles
Approches sensorielles
Rés
il
fam ience
ilial
e
Interventions sur la sphère cognitive (p. ex. Feuerstein)
Approches comportementales
Figure 5.5. Modèle d’intervention en ergothérapie auprès des enfants avec autisme et de leur
famille selon Rossini et Tétreault (2019) (d’après Rossini, 2014)
147
148
des objets de son intérêt, tout en les positionnant devant son propre visage
afin de stimuler l’échange oculaire (Eschenfelder & Gavalas, 2017). Dans leur
expérience auprès de 11 enfants et leur mère, Liao et al. (2016) introduisent les
principes de l’approche DIR-Floortime dans les interventions en ergothérapie
à domicile (Greenspan & Wieder, 1997 ; cités par Liao et al., 2014). Ces
auteurs travaillent avec des mères dans le but de développer des compétences
spécifiques pour stimuler les interactions sociales lors des moments de jeu
partagés avec l’enfant. Le DIR-Floortime fait partie des méthodes dites « DSP »
(Developmental Social Pragmatic Interventions ; interventions développe-
mentales, pragmatiques et sociales). À la suite d’une revue systématique, Binns
et Orman Cardy (2019) concluent que les DSP stimulent des compétences
fondamentales de la communication sociale, telles que l’attention conjointe
des enfants et l’intérêt pour le visage du partenaire social. Ceci se réalise grâce
à trois aspects centraux des DSP. En effet, il est pertinent selon ces approches
de : (1) partir des intérêts et du jeu spontané de l’enfant pour créer une inte-
raction affective ; (2) consolider tous les comportements spontanés de l’enfant
en les considérant comme intentionnels ; (3) éviter de demander à l’enfant,
de façon explicite, de produire une communication guidée qui ne serait pas
initiée intentionnellement par lui-même (Binns & Orman Cardy, 2019). Suite
à l’intervention proposée par Liao et al. (2014), des résultats prometteurs ainsi
que des améliorations dans ses comportements adaptatifs sont observés en
lien avec la qualité et la quantité des interactions sociales de l’enfant dans
l’environnement familial. Des résultats similaires se retrouvent dans l’étude
de Ginn, Clionsky, Eyberg, Warner-Metzger, et Abner (2017). Ils sont perti-
nents avec le concept d’engagement ludique (playful engagement) bien connu
en ergothérapie (voir chapitre 6). L’engagement ludique chez les enfants avec
autisme d’âge préscolaire est mesurable en fonction de la présence ou non des
comportements suivants : manifestation d’affect positif, engagement dans la
relation, imitation et attention conjointe spontanées, initiation à l’interaction
sociale, réactivité sociale telle que rire dans des situations amusantes et lec-
ture des indices non verbaux (Godin, Freeman, & Rigby, 2017). Dans leur sco-
ping review, Godin, Freeman et Rigby (2019) analysent les interventions qui
favorisent l’engagement ludique dans les interactions sociales entre l’adulte
de référence et le jeune enfant avec autisme. Ces auteurs conseillent la mise
en place de neuf stratégies, afin d’augmenter les compétences sociales en sti-
mulant l’engagement ludique enfant-adulte. La première stratégie encourage
l’adulte à suivre l’enfant dans ses propositions de jeu et ses intérêts ludiques.
Il doit s’adapter au niveau de développement de l’enfant et lui donner des
opportunités pour partager ses intérêts ludiques avec lui. La deuxième stra-
tégie invite l’adulte à créer des situations de partage, comme se positionner
149
devant le jouet de l’enfant afin qu’il doive interagir pour pouvoir y accéder.
Il peut aussi instaurer des routines ludiques qui impliquent un tour de rôle,
comme le célèbre jeu du « coucou ». La troisième stratégie préconise d’utiliser
l’environnement afin de faciliter les interactions en plaçant par exemple les
objets hors de portée de l’enfant ou encore en donnant une petite quantité à la
fois de l’objet désiré (p. ex. : un peu de pâte à modeler ou de peinture). Il peut
également interrompre une séquence d’activités, afin que l’enfant en demande
la poursuite (p. ex. : s’arrêter juste avant de souffler pour produire des bulles
de savon et attendre la requête de l’enfant pour le faire). La quatrième stra
tégie est en lien avec la manifestation comportementale de l’adulte. Ce dernier
devrait produire des réponses contingentes, immédiates et positives, manifes-
tant un réel plaisir à tous les actes de communication et de jeu de l’enfant. La
cinquième stratégie invite l’adulte à présenter une brève pause à la suite d’une
interaction initiée avec l’enfant, accompagnée d’un encouragement au travers
d’un regard et d’une mimique positive, afin de faire comprendre à l’enfant
qu’une réponse (réaction) est attendue. La sixième stratégie encourage l’adulte
à imiter les actions de l’enfant, sans le caricaturer, mais pour attirer l’attention
sur lui. La septième stratégie demande à l’adulte de récompenser les actes de
communication et d’engagement social de l’enfant (mimique, vocalisation) en
lui permettant d’accéder à l’objet convoité qui devient dès lors un renforçateur
naturel. La huitième stratégie se base sur le modelling, une technique à utiliser
afin de montrer à l’enfant ce qui est attendu de lui. Finalement, la neuvième
stratégie amène l’adulte à diminuer progressivement le niveau de soutien afin
de permettre à l’enfant de devenir de plus en plus indépendant.
En somme, l’engagement ludique, dans le contexte familial, avec la fra-
trie et/ou avec le parent, représente un objectif prioritaire en ergothérapie dès
le plus jeune âge de l’enfant avec autisme. En effet, l’attention conjointe, l’imi-
tation immédiate et différée ainsi que le jeu fonctionnel et symbolique sont
des prédicteurs de l’acquisition du langage chez l’enfant avec autisme (Toth,
Munson, Meltzoff, & Dawson, 2006). Le chapitre 6 de cet ouvrage offre de plus
amples informations sur les particularités du jeu chez l’enfant avec autisme et
les actions de l’ergothérapeute.
Les politiques préconisent toujours plus l’inclusion des enfants qui pré-
sentent des particularités de développement dans les établissements préscolaires
150
ordinaires (Barton & Smith, 2015 ; HAS, 2012). Les particularités dans la com-
préhension d’autrui que présentent les enfants avec autisme sont cependant sus-
ceptibles de compromettre une inclusion sociale réussie dans ces contextes de
vie (Gunning, Breathnach, Holloway, McTiernan, & Malone, 2019). Toutefois,
interagir avec ses pairs est une activité fondamentale de la vie quotidienne tout
au long de l’enfance et influence les apprentissages scolaires, le développement
socioaffectif, ainsi que la qualité de vie (Watkins et al., 2015). Une interven-
tion auprès des pairs a le potentiel d’aider l’enfant dans son inclusion grâce à
l’augmentation de ses compétences sociales (Whalon, Conroy, Martinez, &
Werch, 2015). L’analyse des écrits scientifiques, réalisée par Sterett, Shire et
Kasari (2017), indique que les interventions médiées par les pairs (IMP) sont
actuellement les plus répandues et les plus prometteuses. Les IMP ont pour
objectif de soutenir les pairs et l’enfant avec autisme dans le développement
d’une communication sociale efficace et valorisante (Sterett, Shire, & Kasari,
2017). Les pairs apprennent à interagir avec l’enfant qui présente un autisme
de manière spécifique afin d’initier les interactions sociales et de consolider les
comportements souhaités, mais ils jouent également le rôle de modèles com-
portementaux et relationnels (Gunning, Breathnach, Holloway, McTiernan,
& Malone, 2019). De plus, les IMP semblent prometteuses pour ce qui est
de la généralisation des acquisitions sociales ainsi que de leur maintien dans
le temps (Watkins et al., 2015). Lors d’une revue systématique en lien avec
l’efficacité des IMP, Gunning, Breathnach, Holloway, McTiernan et Malone
(2019) ont analysé 31 articles, publiés entre 1980 et 2018, qui s’intéressent à
la population d’enfants avec autisme en âge préscolaire. Les résultats confir-
ment la pertinence de l’utilisation des IPM pour l’enseignement de différentes
habiletés dans les domaines de la communication et des compétences sociales,
pour les jeunes enfants avec autisme âgés de 3 à 5 ans.
Considérant les différents résultats des recherches, l’ergothérapeute doit
intervenir directement dans le contexte social inclusif (p. ex. : crèche, école, club
d’activité parascolaire). En effet, l’enfant avec autisme, étant donné ses spécifi-
cités de fonctionnement, ne peut pas apprendre accidentellement au travers de
l’exposition directe à ses pairs, mais nécessite la mise en place d’un soutien spéci-
fique (Gunning, Breathnach, Holloway, McTiernan, & Malone, 2019). Si ceci est
réalisé, il est alors bon d’adhérer aux politiques d’inclusion sociale qui soulignent
l’importance de cette inclusion. Cette dernière représente la solution la plus effi-
cace pour promouvoir le développement social et global, aussi bien des enfants
avec besoins spécifiques que de leurs pairs (Barton & Smith, 2015). En effet, les
études qui portent sur l’efficacité des IMP présentent une forte validité sociale en
rapportant un taux élevé de satisfaction à leurs égards de la part des praticiens,
des participants adultes et des pairs (Watkins et al., 2015).
151
152
comportement social souhaité semblent plus pertinentes. Ainsi, les pairs sont
encouragés à jouer le rôle d’initiateurs des interactions, en utilisant les intérêts
spécifiques de l’enfant avec autisme (Walkins et al., 2015). Afin d’avoir plus de
réussite lors de l’introduction d’une approche médiée par les pairs, il est néces-
saire d’inclure la formation de ces derniers. Habituellement, les protocoles de
formation utilisent des méthodes d’apprentissage qui incluent : (1) des instruc-
tions compréhensibles pour l’enfant ; (2) un entraînement par imitation pour
devenir un modèle pour l’enfant avec autisme ; (3) des jeux de rôles ; (4) des
corrections in vivo immédiates ; (5) l’introduction et l’utilisation des supports
visuels pour le soutien à la communication ; (6) des explications des techniques
de renforcement des comportements adéquats (Gunning, Breathnach,
Holloway, McTiernan, & Malone, 2019). Il est dès lors difficilement concevable
d’entreprendre une intervention dans le système communautaire sans prendre
le temps de comprendre les caractéristiques du contexte (Harpster, Burkett,
Walton, & Case-Smith, 2015). Pour cette raison, l’intervention dans le système
scolaire implique de soutenir les enseignants et les pairs, afin que chacun puisse
trouver sa place et assumer de façon satisfaisante ses rôles sociaux. Une collabo-
ration active avec le personnel scolaire (direction, administration et enseignant)
devient indispensable pour la mise en place efficace de stratégies et d’adapta-
tions des espaces scolaires et des modalités pédagogiques. Cette collaboration
est à la base du défi provenant de l’inclusion de l’enfant avec autisme (Irvin,
Boyd, & Odom, 2015). À cet égard, l’étude de Chang, Shih et Kasari (2016)
indique que souvent les enseignants utilisent peu de stratégies facilitant les ami-
tiés. Ils préfèrent plutôt des stratégies de gestion du comportement. Pourtant, les
amitiés chez les enfants avec autisme d’âge préscolaire facilitent leur engage-
ment social (Chang, Shih, & Kasari, 2016). À ce propos, Rossini a développé
dans sa pratique professionnelle en ergothérapie, le programme LULI (L’essere
Unico, L’essere Insieme, « Être unique, être ensemble ») (Knobloch, 2017) afin
de promouvoir l’inclusion sociale auprès des enfants âgés de 4 à 7 ans. Dans ce
programme, l’ergothérapeute propose cinq séances d’une heure avec l’ensemble
du groupe classe. Ces rencontres visent à promouvoir avec tous les enfants la
prise de conscience de sa propre personnalité et l’acceptation des différences
interindividuelles. Le matériel de base est composé de : (1) cinq animaux en
peluche qui restent dans l’environnement classe tout le temps du programme ;
(2) un globe terrestre gonflable qui symbolise la classe ou le groupe. L’objectif du
programme LULI est d’aider les enfants à comprendre les principes pro-sociaux
grâce à d’un voyage ludique en cinq étapes. Lors de la première étape, l’enfant
découvre que chaque individu est perçu par l’autre à travers l’image qu’il donne
de lui-même. Pour la deuxième étape, l’enfant réalise que cette image provient
avant tout du comportement et de l’apparence physique. Dans la troisième
153
154
155
Quels que soient les résultats de cette analyse, une intervention exhaus-
tive en ergothérapie s’articule autour de trois contextes : (1) l’intervention
sur le micro-contexte comprend une prise en charge spécifique de l’enfant et
de sa famille avec la mise en place d’outils pertinents pour l’individu et pour
son entourage ; (2) l’intervention sur le méso-contexte recommande la diffu-
sion de ces outils et leurs applications dans des environnements plus vastes et
moins familiers en collaboration avec des instances comme la police du quar-
tier ; (3) l’intervention sur le macro-contexte suggère d’élargir les bonnes pra-
tiques individuelles à des bonnes pratiques collectives afin que les outils, qui
soutiennent une mobilité adéquate des personnes avec autisme, deviennent
inclusifs et partie intégrante des politiques territoriales (Rossini, 2014). Dans
cet espace de mobilité, il existe dès lors un énorme potentiel de partenariat
entre les professionnels du tourisme, les organisations gouvernementales et les
professionnels de la santé, afin de créer des solutions innovantes pour réduire
les situations de handicap et favoriser la participation sociale des enfants avec
autisme et de leur famille (Sedgley, Pritchard, Morgan, & Hanna, 2017).
156
157
4. Outils d’apprentissage
4.1. Mots-clefs
• Cognition sociale
• Intervention médiée par les pairs
• Méthode SAS
• Processus de transformation parentale
• Théorie de l’esprit
4.2. Résumé
• Bébé, l’enfant interagit déjà avec des humains dans des interactions perpé-
tuelles avec autrui. La conscience de soi et de l’autre est sous-tendue par le
développement de la cognition sociale.
• La compréhension des états internes de l’autre passe, entre autres, par
une interprétation du langage verbal et non verbal, par la compréhen-
sion du langage et par l’observation des visages.
• Pour comprendre autrui, il ne suffit pas d’interagir avec ses congénères
de manière adéquate, il faut aussi construire les opérations permettant
d’inférer les états mentaux à partir du comportement des personnes et
des circonstances qui les entourent.
• L’enfant avec autisme présente des particularités dans la compré-
hension de l’autre qui lui demandent de devoir apprendre différem-
ment comment interpréter ces facteurs humains mis en jeu dans la
relation.
• Les nombreuses implications de ces particularités sur la participation
sociale de l’enfant et de sa famille en font une priorité d’action pour
l’ergothérapie.
158
1. Q
uelles sont les étapes développementales effectuées par un enfant
dans sa compréhension de l’autre de sa naissance à 9 ans ?
2. De quelle façon l’attention agit-elle sur la compréhension d’autrui ?
3. P
ourquoi la cognition sociale est-elle directement liée à la partici
pation sociale de l’individu ?
4. Q
uels sont les avantages des approches médiées par les pairs et par
les parents pour l’enfant avec autisme ? Comment correspondent-
elles au paradigme contemporain de l’ergothérapie ?
5. Q
uels outils spécifiques à l’ergothérapie soutiennent le développe-
ment de la cognition sociale et/ou des habiletés sociales de l’enfant ?
Références
Althoff, C. E., Dammann, C. P., Hope, S. J., & Ausderau, K. K. (2019). Parent-mediated
interventions for children with autism spectrum disorder: A systematic review.
American Journal of Occupational Therapy, 73(3), 7303205010p1‑7303205010p13.
American Occupational Therapy Association. (2014). Occupational therapy practice
framework: Domain and process (3rd ed.). American Journal of Occupational
Therapy, 68(Suppl 1), S1 – S48. http://dx doi org/10 5014/ajot 2014 682006
Baron-Cohen, S. (1989). The autistic child’s theory of mind: A case of specific deve-
lopmental delay. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 30, 285‑298.
Baron-Cohen, S. (1998). La cécité mentale. Grenoble, France : Presses Universitaires
de Grenoble.
Baron-Cohen, S., Leslie, A. M., & Frith, U. (1985). Does the autistic child have a
“theory of mind”?. Cognition, 21(1), 37‑46.
Barton, E. E., & Smith, B. J. (2015). Advancing high-quality preschool inclusion:
A discussion and recommendations for the field. Topics in Early Childhood
Special Education, 35(2), 69‑78.
Bayley, N. (2006). Bayley Scales of Infant and Toddler Development (3rd ed).
Antonio, TX : Harcourt Assessment Inc.
Begeer, S., Rieffe, C., Terwogt, M. M., & Stockmann, L. (2006). Attention to facial
emotion expressions in children with autism. Autism, 10(1), 37‑51.
Binns, A. V., & Oram Cardy, J. (2019). Developmental social pragmatic interventions
for preschoolers with autism spectrum disorder: A systematic review. Autism
& Developmental Language Impairments, 4, 2396941518824497.
159
160
161
162
163
164
165
Whalon, K. J., Conroy, M. A., Martinez, J. R., & Werch, B. L. (2015). School-based
peer-related social competence interventions for children with autism spec-
trum disorder: A meta-analysis and descriptive review of single case research
design studies. Journal of Autism and Developmental Disorders, 45(6),
1513‑1531.
Widen, S. C., & Russell, J. A. (2008). Children acquire emotion categories gradually.
Cognitive Development, 23(2), 291‑312.
Wilgosh, L., & Scorgie, K. (2006). Theoretical model for conceptualizing cross‐
cultural applications and intervention strategies for parents of children with
disabilities. Journal of Policy and Practice in Intellectual Disabilities, 3(4),
211‑218.
Wright, T., & Wolery, M. (2011). The effects of instructional interventions related to
street crossing and individuals with disabilities. Research in Developmental
Disabilities, 32(5), 1455‑1463.
Yonkman, J., Lawler, B., Talty, J., O’Neil, J., & Bull, M. (2013). Safely transporting
children with autism spectrum disorder: Evaluation and intervention.
American Journal of Occupational Therapy, 67(6), 711‑716.
166
Introduction
Jouer est la principale occupation libre et spontanée du jeune enfant.
Tout au long de son développement, il faut souligner combien il est néces-
saire pour l’enfant de « jouer pour le plaisir de jouer » (Ray-Kaeser & Lynch,
2017a,b). Le jeu libre participe en effet à l’épanouissement et au bien-être de
l’être humain (Ginsburg, 2007). Jouer est non seulement un besoin, mais aussi
un droit universel, inscrit depuis 1989 dans la convention des Nations Unies
relative aux droits de l’enfant (article 31) (Nations Unies, 2017). Le droit au
jeu et aux loisirs est tout aussi important que celui à la santé et à l’éducation,
en particulier pour les enfants ayant un handicap. Depuis longtemps, les ergo-
thérapeutes reconnaissent la valeur du jeu comme outil thérapeutique et son
rôle essentiel pour favoriser la participation sociale (Parham & Fazio, 2008 ;
Reilly, 1974).
Dans un premier temps, ce chapitre aborde le développement du jeu. Il
décrit les multiples facettes du jeu chez l’enfant avec autisme, ses préférences
ainsi que les possibilités de l’évaluer. Considérant l’importance du jeu dans
la vie, les particularités sensorielles et motrices de l’enfant avec autisme sont
explorées, bien qu’elles influencent également d’autres sphères occupation-
nelles. Les retombées sur la vie quotidienne de l’enfant et sa famille ainsi que
les actions de l’ergothérapeute pour soutenir le jeu comme occupation sont
présentées en fonction des espaces de vie à la fin du chapitre.
167
168
des scénarios élaborés entre enfants pouvant prendre différents rôles. Les règles
prennent aussi progressivement de l’importance à travers les jeux de société et
de compétition (Boyd & Bee, 2017).
Le jeu est avant tout une expérience personnelle, différente d’un enfant
à l’autre et dépendante de l’attitude et des prédispositions de la personne. Il n’y
a pas de définition unique du jeu, car elle dépend du sens attribué par l’enfant
au moment où il joue. Plusieurs auteurs en ergothérapie et spécialistes du sujet
ont tenté de décrire les caractéristiques du jeu de manière à le différencier
du non-jeu (Bundy, 2011 ; Parham & Fazio, 2008 ; Tanta & Knox, 2015). Il
faut citer l’amusement (fun) et le plaisir, le divertissement, la découverte, la
spontanéité, la créativité, l’expression, le libre choix et l’auto-organisation. Ces
caractéristiques sont spécifiques au jeu libre de l’enfant par opposition à celui
dirigé par l’adulte (Skard & Bundy, 2008). Le jeu libre est avant tout dicté
par la motivation intrinsèque de l’enfant et non par des récompenses ou des
bénéfices externes. C’est seulement la satisfaction que l’enfant en retire qui le
motive à continuer de jouer. De plus, le jeu libre implique que le joueur soit
activement engagé dans le processus de jeu ; il n’est pas un observateur passif,
même lorsque cet engagement est de faible intensité (Skard & Bundy, 2008).
Même si plaisir et amusement sont l’apanage du jeu libre, celui-ci n’est
pas pour autant futile. Le jeu est bien plus qu’un passe-temps pour l’enfant ;
il est le moyen naturel pour développer ses habiletés motrices, cognitives,
émotionnelles, relationnelles et de communication. Celles-ci lui sont néces-
saires pour agir et interagir au quotidien, ainsi que pour surmonter des situa-
tions de crise et gérer son stress (Tanta & Knox, 2015 ; Wolfberg, 2009). Jouer
développe, entre autres, les capacités de résilience et de flexibilité mentale
indispensables pour s’adapter aux situations imprévisibles auxquels il peut
être confronté (Dell Clark, 2015). En particulier, les jeux symboliques et ima-
ginatifs mobilisent de nombreuses aires cérébrales impliquées dans les émo-
tions, la cognition, le langage et le développement sensori-moteur, densifiant
ainsi les connexions neuronales pour un développement sain du cerveau
(Bergen, 2002).
169
170
plus souvent à jouer seul (Little, Sideris, Ausderau, & Baranek, 2014). Il tend à
se soustraire des jeux en groupe et à rester en retrait. Il est aussi mis à l’écart, ses
comportements de jeu pouvant être perçus comme socialement peu conformes,
voire indésirables (Wolfberg, 2009). La manière dont les comportements de jeu
d’un enfant avec autisme sont interprétés a une influence non négligeable sur
l’acceptation de l’enfant dans le groupe. Par exemple, le fait de frapper une
poupée de manière répétée sur le sol peut être difficile à interpréter : s’agit-il de
comportements stéréotypés ou d’une manifestation de l’intérêt de l’enfant pour
les éléments non fonctionnels de l’objet (comme sa consistance) pouvant ainsi
s’apparenter à une forme de jeu intentionnelle ?
En ce qui a trait à l’attitude ludique, ou playfulness, l’enfant avec autisme
peut montrer, comme tout autre enfant, le désir de jouer et du plaisir à le
faire selon l’environnement dans lequel il se trouve (Pinchover, Shulman, &
Bundy, 2015). Ces caractéristiques se manifestent surtout dans des situations
où le jeu est organisé par l’adulte (Skaines, Rodger, & Bundy, 2006). Le sens
de l’humour et le désir de relever des défis, deux autres attributs de l’attitude
ludique, seraient cependant moins présents chez les enfants en présence d’une
déficience intellectuelle (Messier, Ferland, & Majnemer, 2008). Néanmoins,
l’attitude ludique d’un enfant avec un retard du développement, incluant
l’autisme, peut évoluer favorablement si l’environnement est soutenant et
bienveillant (Bundy, Waught, & Brentnall, 2009).
En ce qui concerne le genre, une étude s’est intéressée à la différence
entre les compétences de jeu des filles et des garçons avec autisme (Harrop,
Green, & Hudry, 2017). Ces chercheurs notent un développement supérieur
des jeux symboliques et sociaux des filles alors que d’autres recherches n’ont
pas pu documenter cette différence.
Même si l’enfant avec autisme présente des différences dans la façon de
jouer et d’interagir avec les camarades de jeu du même âge, les profils sont très
différents d’un individu à l’autre et la généralisation d’un profil et d’une évo-
lution spécifique s’avère difficile (Wolfberg, 2009). Le profil de jeu de l’enfant
avec autisme ne devrait cependant pas être considéré comme une version altérée
de celui de la plupart des enfants. Comparés aux enfants avec d’autres troubles
neuro-développementaux, il existerait davantage de similarités que de diffé-
rences dans leur développement du jeu, ce qui parle plutôt en faveur d’un retard
que d’une déviance (Rutherford, Young, Hepburn, & Rogers, 2007).
171
intérêts de jeux de l’enfant avec autisme sont généralement décrits comme res-
treints, répétitifs, rigides et stéréotypés (Wolfberg, Bottema-Beutel, & DeWitt,
2012). Ces comportements sont le reflet de ses capacités sensori-motrices,
cognitives, émotionnelles et relationnelles (Spitzer, 2003).
Les comportements de jeu de l’enfant avec autisme sont souvent liés
aux particularités qui découlent du traitement central des informations senso-
rielles (Gal, Dyck, & Passmore, 2009). 45 à 95 % des enfants avec autisme pré-
senteraient des réactions particulières à certaines informations sensorielles,
réactions qui ont des répercussions sur la qualité de leur jeu (Tomchek &
Dunn, 2007). Ces particularités semblent rester stables au cours des premières
années et persister au moment de commencer l’école (Perez Repetto, Jasmin,
Fombonne, Gisel, & Couture, 2017). On peut donc penser qu’elles ont des
conséquences à long terme sur le jeu, l’attitude et les préférences ludiques de
l’enfant avec autisme.
Des hyper ou hyporéactivités à certains stimuli sensoriels (p. ex. : les
sons, le toucher, les odeurs, la lumière) sont souvent observées chez ces enfants
(Ben-Sasson et al., 2009 ; Lane, Young, Baker, & Angley, 2010 ; Watling, Deitz
& White, 2001). Ces réponses atypiques ont des conséquences sur la qualité
du jeu et la participation sociale. La bonne modulation des sensations, soit la
capacité du système nerveux à filtrer les informations inutiles ou pernicieuses,
est nécessaire au développement de la capacité de régulation des émotions et
d’adaptation des comportements (Reynolds, Bendixen, Lawrence, & Lane,
2011). Par exemple, des comportements d’évitement face à certains jouets ou
lors de contacts physiques durant des jeux en groupe peuvent être la manifesta-
tion d’une hyperréactivité tactile, aussi appelée « défense tactile », alors que des
comportements répétés, comme le fait de tournoyer sur soi, peuvent être un
signe d’une hyporéactivité vestibulaire (Schaaf, Toth-Cohen, Johnson, Outten,
& Benevides, 2011).
Selon Perrin (2011), des comportements de recherche mono-sensorielle,
en particulier visuelle, expliquent la focalisation fréquente de l’enfant avec
autisme sur les détails d’un objet, comme les roues d’une voiture, ainsi que la
propension à aligner le matériel de jeu selon sa couleur ou sa forme, au détri-
ment d’une utilisation plus fonctionnelle et ludique des jouets. Des capacités
supérieures de discrimination sensorielle, en particulier auditives et visuelles,
peuvent aussi expliquer l’intérêt de l’enfant avec autisme pour ces détails
(Brown & Bebko, 2012).
La simplicité des jeux sensori-moteurs et d’exploration de l’enfant avec
autisme peut être mise en lien avec des difficultés motrices liées au déve-
loppement du contrôle postural et de la coordination (Jasmin et al., 2009 ;
Murnan Stackhouse, 2010). Ces difficultés peuvent s’expliquer par une faible
172
173
le regard ou les mimiques sociales, ce qui fait appel à de bonnes habiletés langa-
gières et de communication, un niveau d’attention conjointe et de réciprocité
sociale (Schuler, 2003). L’enfant doit aussi saisir le sens des actions simulées
(p. ex., utiliser une banane en guise de téléphone), ce qui nécessite de pou-
voir remplacer la première image d’un objet (monde réel) par une nouvelle
(monde imaginé), puis former des représentations de représentations (méta-
représentations) (Leslie, 1987). Pour Wolfberg (2009), transformer l’usage des
objets est particulièrement difficile pour l’enfant avec autisme.
Les jeux de rôle et collaboratifs impliquent une composante émotion-
nelle et l’accès à une théorie de l’esprit pour que l’enfant puisse ajuster son
comportement à ceux de ses partenaires de jeu (Baron-Cohen, 1997). Il faut
en effet tout à la fois pouvoir prendre un rôle et tenir compte de la perspec-
tive des autres, interpréter leurs intentions et leurs émotions, l’ensemble des
savoirs sur autrui formant les cognitions sociales (Thommen, Cartier-Nelles,
Guidoux, & Wiesendanger, 2014). Il faut faire preuve d’un certain investisse-
ment émotionnel vis-à-vis des autres et pouvoir partager ses états émotionnels
pour un engagement ludique réciproque (Hobson, Lee, & Hobson, 2009). Le
développement de cet engagement réciproque dépend beaucoup de la capacité
d’attention conjointe et de la conscience de l’autre ou de la réceptivité sociale
(Rutherford, Young, Hepburn, & Rogers, 2007). Comprendre spontanément
les signaux sociaux nécessaires à l’engagement ludique réciproque est cepen-
dant particulièrement difficile pour l’enfant avec autisme (Wolfberg, 2009).
Toutefois, diverses caractéristiques de l’autisme, comme la préoccupa-
tion pour des détails, des intérêts particuliers et un attachement spécifique
à des objets ou jouets précis, peuvent aussi devenir des atouts dans diverses
situations de jeu (Ray-Kaeser, Thommen, Baggioni, & Stankovic, 2017). Par
exemple, la fascination des trains peut être l’occasion de jouer avec d’autres
et d’échanger sur un intérêt commun. Même si les caractéristiques du jeu des
enfants avec autisme sont particulières, leurs jeux ne sont pas pour autant
dysfonctionnels si l’environnement est adapté à leurs intérêts et respecte leur
droit de se livrer aux activités de jeu de leur choix (Pinchover, Shulman, &
Bundy, 2015).
174
particulière rencontrent des obstacles au jeu qui peuvent être multiples. Ces
obstacles sont surtout liés à des environnements peu inclusifs ainsi que des
attitudes culturelles négatives voire hostiles vis-à-vis du jeu des enfants. Les
attitudes culturelles jouent en effet un rôle très particulier vis-à-vis de ce qui
peut être considéré comme un jeu « acceptable » (ONU, 2013, p. 13). Dès lors,
les familles d’enfants avec autisme peuvent se sentir exclues ou indésirables
dans les parcs de jeux publics.
De plus, le jeu reste peu utilisé dans sa dimension d’occupation dans
les interventions auprès de l’enfant avec autisme (Wolfberg, 2009). Miller
Kuhaneck, Tanta, Coombs et Pannone (2013) font le constat qu’aux États-
Unis les ergothérapeutes utilisent le plus souvent le jeu comme moyen pour
exercer d’autres habiletés que les habilités ludiques, et plus rarement pour le
plaisir de jouer, et ce même avec les jeunes enfants. Ceci est aussi observé en
Europe, possiblement par manque de formation sur le jeu comme occupation
et sur la manière de le soutenir dans l’intervention (Lynch, Prellwitz, Schulze,
& Moore, 2018).
Des changements sont peut-être en cours, notamment depuis que
l’ONU (2013) ainsi que l’International Play Association (IPA) ont décrété
que des mesures spécifiques devaient être adoptées pour éliminer les obstacles
au jeu et appliquer le droit des enfants à jouer. Le groupe européen de coopé-
ration pour la recherche (COST) LUDI – Play for Children with Disabilities
(www.ludi-network.eu/) a récemment formulé des recommandations en
faveur du droit à jouer des enfants ayant des incapacités (Encarnação, Ray-
Kaeser, & Bianchin, 2018). Ces auteurs mettent en avant le fait que l’accès au
jeu pour tous les enfants ne peut se réaliser sans un soutien politique et un
investissement des gouvernements, notamment dans la conception univer-
selle des parcs publics et des jouets. Cet accès passe aussi par des interventions
de spécialistes avec comme objectif principal le développement des habile-
tés de jeu de l’enfant quel que soit son handicap (Encarnação, Ray-Kaeser,
Bianchin, & Besio, 2018).
Aujourd’hui, les données confirment que l’enfant avec autisme est tout
à fait capable de développer ses habiletés de jeu et notamment accéder à cer-
taines formes de jeux symboliques en suivant des programmes d’entraînement
en groupe (Stagnitti, O’Connor, & Sheppard, 2012). Des programmes propo-
sant des expériences de jeu libre, avec la guidance minime d’un adulte pour ce
qui concerne la mise en relation des enfants, ont montré leur utilité pour per-
mettre à l’enfant d’être compétent dans les jeux sociaux (Wolfberg, 2009). On
observe aussi que les périodes de récréation scolaire, lorsqu’elles sont super-
visées par l’adulte, sont des occasions particulièrement propices au jeu libre
avec d’autres enfants, ce qui a des répercussions positives sur les compétences
175
sociales de l’enfant avec autisme une fois devenu adolescent (McGovern &
Sigman, 2005). Enfin lorsqu’il se retrouve avec un camarade sensibilisé à
l’autisme et attentif à devenir un partenaire de jeu, et lorsque ce partenaire
de jeu utilise des techniques de modelage et d’instruction pas à pas des étapes
de jeu, l’enfant avec autisme s’engage plus activement dans les jeux sociaux et
les discussions de groupe (Kasari, Rotheram-Fuller, Locke, & Gulsrud, 2012).
176
177
Le temps d’utilisation de ces jeux doit cependant être supervisé pour éviter
les effets négatifs de renforcement de comportements d’évitement social
(Ramdoss et al., 2012).
Robins, Dautenhahn, Boekhorst et Billard (2005) rapportent que des
enfants avec autisme seraient davantage en interaction avec un partenaire de
jeu lorsque celui-ci est un robot humanoïde ou un jouet robotisé réagissant
à leurs comportements. Ces robots serviraient aussi de médiateurs sociaux
en présence d’un partenaire de jeu et seraient particulièrement aidants pour
stimuler l’attention conjointe, la communication et l’imitation (Wainer,
Dautenhahn, Robins, & Amirabdollahian, 2014).
Enfin, l’enfant avec autisme préfère jouer dans des environnements fami-
liers qui peuvent être l’école ou les espaces de jeu connus, dans lesquels un adulte
peut faciliter les interactions sociales dans le jeu (Wolfberg, Bottema-Beutel, &
DeWitt, 2012), ainsi que les aider à faire des choix et prendre des initiatives
(Seward, Schuster, Ault, Collins, & Hall, 2014).
3.1. Généralités
178
179
180
181
• Est-ce que les activités de jeu et les jouets sont adaptés à ses habiletés de
jeu et son niveau de développement ?
• Quelles sont les exigences motrices, cognitives et sociales du jeu ?
• Est-il simple ou complexe en termes de nombre de séquences ?
• Quelles sont les exigences sur le plan spatio-temporel ?
• Est-ce que le jeu peut être simplifié ? Complexifié ?
• L’utilisation des jouets en tant qu’objets découle-t‑elle de leurs proprié-
tés physiques ?
• Est-ce que les jouets et jeux sont faciles d’utilisation ?
• Leur fonctionnement est-il intuitif ?
• Stimulent-ils l’imagination et la créativité de l’enfant ?
182
183
(ToES) (Skard & Bundy, 2008) pour le jeu de l’enfant de 15 mois à 12 ans.
Cet outil d’observation, utilisé en combinaison avec le Test of Playfulness
(ToP), permet d’évaluer les effets d’un changement dans l’environnement de
l’enfant, humain (p. ex. : parents, camarades, enseignants) et physique (maté-
riel de jeu, éléments architecturaux et de la nature) sur l’attitude ludique de
l’enfant (Bundy, Waught, & Brentnall, 2009). Il permet d’observer la bonne
adéquation des défis et opportunités de jeu offertes par l’environnement avec
la motivation et l’habileté à jouer de l’enfant.
Les espaces abordés dans cette section sont les espaces privés et les
espaces publics, en particulier les espaces préscolaires et scolaires. Ces der-
niers concernent les environnements les plus stimulants sur le plan ludique
et moteur. Dans le cadre des espaces de mobilité et de soins, des actions
sont possibles pour améliorer la qualité du jeu, réduire les temps d’attente
et diminuer le stress ou l’anxiété. Le jeu peut alors devenir un outil pour
distraire l’enfant avec autisme lorsqu’il est dans une situation peu confor-
table. Les jeux électroniques représentent des moyens importants de sou-
tien et ils sont souvent utilisés dans ces moments (Drecq, 2015). L’une des
actions essentielles de l’ergothérapie consiste à utiliser les espaces privés et
communautaires pour stimuler l’engagement ludique afin que l’enfant déve-
loppe des compétences dans le domaine du jeu diversifiées et de qualité.
L’ergothérapeute peut également agir dans le domaine des jeux informa-
tiques et électroniques, en travaillant avec des professionnels de ce secteur,
afin de développer des applications ludiques, qui stimulent des habiletés
spécifiques chez l’enfant avec autisme (communicatif, cognitif, créatif) tout
en répondant à ses besoins. Avant d’être un co-concepteur de ces outils,
l’ergothérapeute peut être consultant auprès des parents pour le choix et
l’apprentissage de ces applications. Par exemple, la tablette ou le smartphone
peut aider la famille à faire face à des situations de la vie de tous les jours
qui sont inconfortables pour l’enfant. À ce propos, des parents témoignent
des retombées positives du matériel électronique sur le maintien des activi-
tés indispensables pour eux (repas au restaurant, longs trajets en voiture ou
attente à l’aéroport pour les vacances) (Drecq, 2015).
184
5. Espaces privés
185
186
jeu adultes. Ils indiquent que les stratégies les plus efficaces pour soutenir le
développement de l’engagement ludique enfant-adulte sont de sept ordres et
les proposent en fonction de leur importance :
187
188
189
Le jeu est une occupation souvent proposée spontanément par les pairs,
à l’école ou dans les parcs de jeu, ou de façon structurée par les enseignants
dans les contextes de l’école, du jardin d’enfants ou des activités extrascolaires.
Les particularités de l’enfant avec autisme dans ce domaine l’amèneront à ren-
contrer des défis importants dans les contextes publics. Néanmoins, par leur
caractère social et participatif, ces mêmes espaces sont des ressources inesti-
mables pour stimuler les jeux sociaux et collaboratifs. De par sa préférence
pour les jeux solitaires et sensori-moteurs, l’enfant avec autisme utilise spon-
tanément peu les espaces publics dans une intention d’interactions sociales.
Les aspects du jeu en milieu scolaire et préscolaire suscitent des interrogations
similaires au jeu en espace privé, en augmentant de façon exponentielle la
dimension sociale. Pour les parcs de jeux, les parents décrivent comment leur
fréquentation amène plus souvent un malaise pour eux que pour l’enfant.
Dans ce contexte, l’enfant s’isole pour s’adonner à ses jeux favoris et manifeste
clairement son désaccord si une personne le perturbe dans son plaisir ludique.
Ce comportement atypique provoque des regards interrogatifs, parfois répro-
bateurs, des autres personnes présentes au parc sur l’enfant et la famille.
Ceux-ci préfèrent parfois ne plus fréquenter ses espaces pour éviter ces situa-
tions pénibles (Drecq, 2015). Toutefois, les écrits scientifiques abordent clai-
rement les liens positifs entre le jeu libre en plein air, riche en expériences
ludiques et sensori-motrices des enfants (Blake, Sexton, Lynch, Moore, &
Coughlan, 2018). Ces auteurs documentent les expériences de jeu des enfants
avec autisme d’âge préscolaire (entre 3 et 6 ans) dans des espaces extérieurs.
Leur recherche qualitative porte sur six enfants, leurs parents, ainsi que six
professionnels pédagogiques de ces enfants. L’analyse des résultats met en
lumière trois thèmes principaux : (1) le jeu en tant qu’objet de choix et d’auto-
nomie ; (2) la liberté et les opportunités de jeu ; (3) le pouvoir de jouer. Le
premier thème, en lien avec la liberté de choix, se centre sur deux dimensions
pour l’enfant : « la liberté de faire ce que je désire » et « le plaisir d’être avec les
190
autres ». Ces auteurs soutiennent que l’enfant avec autisme regarde et s’inté-
resse spontanément à l’autre de façon plus importante lors des jeux extérieurs.
Le deuxième thème regarde les opportunités du jeu et analyse les possibilités
que les enfants ont de jouer. Quatre facteurs de promotion ressortent, soit :
(1) la disponibilité physique en termes d’espace de jeu ; (2) la disponibilité
structurelle au regard de l’organisation familiale et scolaire ; (3) les valeurs des
adultes de référence quant à l’importance du jeu en extérieur pour le bien-
être et le développement de l’enfant ; (4) les attentes de la société vis-à-vis des
comportements ludiques des enfants dans les espaces de jeux collectifs. Ainsi
pour le quatrième point, la notion de jugement des autres limite l’accès aux
espaces de jeux communautaires. Enfin, le troisième thème, nommé par les
auteurs, soit le pouvoir du jeu, s’articule autour de deux axes : (1) ce que l’en-
fant pense du jeu en plein air et (2) ce qu’un tel jeu provoque chez lui. Souvent,
le jeu en extérieur est particulièrement apprécié par l’enfant avec autisme. En
retour, ce type de jeu le rend plus tolérant par rapport à l’autre, moins impulsif
et plus calme.
191
et des adultes (Blake et al., 2018 ; Kossyvaki & Papoudi, 2016). L’ergothérapeute
peut alors orienter son action sur deux axes : (1) l’accompagnement de l’ensei-
gnant et des pairs ; (2) l’aménagement des espaces publics de jeu (classe, parc de
jeux). Blake et al. suggèrent l’enseignement d’une approche souple à la stimulation
ludique. Cette approche implique que l’adulte guide l’enfant dans sa participa-
tion sociale, en lui facilitant les possibilités de jeu, en lui proposant des compor-
tements ludiques à imiter et en lui permettant de choisir avec qui jouer et avec
quoi jouer. Une approche souple semble plus efficace qu’une approche compor-
tementale. Elle augmente les jeux fonctionnels, constructifs et symboliques ainsi
que la persistance et l’attention conjointe (Blake et al., 2018). En conséquence,
l’ergothérapeute peut, intervenir auprès des enseignants et du personnel pédago-
gique afin de les former à l’utilisation d’une approche souple pour la stimulation
ludique. Pour ce qui est du jeu avec les pairs, l’ergothérapeute peut, à l’intérieur
de différents milieux (écoles, maison, cabinet de thérapie), promouvoir des inte-
ractions ludiques entre l’enfant avec autisme et le pair, lors d’une intervention de
groupe. Cette action est particulièrement pertinente dans le cadre d’une interven-
tion qui englobe les frères et sœurs. Il s’agit de faciliter le jeu entre l’enfant avec
autisme et les pairs, en leur donnant des suggestions pour mieux jouer et partager
des plaisirs ludiques ensemble. De ce fait, l’ergothérapeute propose des stratégies
à l’enfant avec autisme, mais également aux pairs pour qu’ils adaptent leurs pro-
positions ludiques aux ressources et plaisirs du compagnon ou de la compagne
avec autisme. À ce propos, il est souvent pertinent de suggérer des jeux sensoriels
(jeux de lumières, de sons, de vibrations) qui plaisent à l’enfant avec autisme. Un
autre aspect souvent vécu comme complexe est la notion du tour de rôle. Son
enseignement dans un espace public comme le parc de jeu se révèle pertinent.
Par exemple, si le tour de rôle pour l’accès au toboggan est un défi pour l’enfant,
l’espace public ouvert devient un espace facilitateur, puisqu’il est source de défi
mais aussi de motivation et de bien-être. Le bien-être et la motivation implicite
liés à ces espaces facilitent le contrôle des frustrations et l’affrontement des défis.
En ce qui concerne l’aménagement des espaces, lors de la conception de
jeux en plein air pour les enfants avec autisme, il importe de prendre en compte les
espaces de transition, les aides visuelles et les éléments sensoriels de l’environne-
ment. Sachs et Vincenta (2011) proposent des lignes directrices afin de rendre les
espaces extérieurs plus inclusifs. Cela favorise un accès ludique à tous les enfants,
en partant des besoins complexes et spécifiques de ceux avec autisme. Ces autrices
expliquent que les espaces doivent être confortables afin de mieux encourager
les enfants à y réaliser des expériences nouvelles et créatives. Plusieurs de leurs
recommandations sont précieuses et donnent des indications sur comment déve-
lopper/élaborer un aménagement correspondant aux besoins ludiques des enfants
avec autisme. Il s’agit de : (1) planifier un espace de retrait, une zone calme afin
192
7. Outils d’apprentissage
7.1. Mots-clefs
• Jeu
• occupation
• droit
• comportement
• préférence
• évaluation
• intervention
193
Références
American Psychiatric Association. (2015). Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux (DSM-5). Paris, France : Elsevier-Masson.
Baron-Cohen, S. (1997). Mindblindness: An essay on autism and theory of mind.
Londres, Angleterre : MIT Press.
Ben-Sasson, A., Hen, L., Fluss, R., Cermak, S., Engel-Yeger, B., & Gal, E. (2009).
A meta-analysis of sensory modulation symptoms in individuals with autism
spectrum disorders. Journal of Autism & Developmental Disorders, 39(1),
1‑11. http://doi.org/10.1007/s10803‑008‑0593‑3
Bergen, D. (2002). The role of pretend play in children’s cognitive development.
Early Childhood Research & Practice, 4(1), n1. Récupéré à https://eric.
ed.gov/?id=ED464763
Blake, A., Sexton, J., Lynch, H., Moore, A., & Coughlan, M. (2018). An exploration
of the outdoor play experiences of preschool children with autism spectrum
disorder in an Irish preschool setting. Today’s Children are Tomorrow’s
Parents, 47‑48, 100‑116.
Boyd, D., & Bee, H. (2017). Les âges de la vie (5e éd.). Montréal, QC : ERPI.
Brodin, J., & Lindstrand, P. (2004). Are computers the solution to support development
in children in need of special support?. Technology and Disability, 16(3), 137‑145.
Brougère, G. (2013). Les jouets et la rhétorique de l’éducation. Le Sociographe, (1), 81‑90.
Brown, S. M., & Bebko, J. M. (2012). Generalization, overselectivity, and discri-
mination in the autism phenotype: A review. Research in Autism Spectrum
Disorders, 6(2), 733‑740. https://doi.org/10.1016/j.rasd.2011.10.012
Brussoni, M., Gibbons, R., Gray, C., Ishikawa, T., Sandseter, E., Bienenstock, A., …,
Pickett, W. (2015). What is the relationship between risky outdoor play and
health in children? A systematic review. International journal of environmen-
tal research and public health, 12(6), 6423‑6454.
194
195
196
197
198
199
Reynolds, S., Bendixen, R. M., Lawrence, T., & Lane, S. J. (2011). A pilot study exa-
mining activity participation, sensory responsiveness, and competence in
children with high functioning autism spectrum disorder. Journal of Autism
and Developmental Disorders, 41(11), 1496‑1506. https://doi.org/10.1007/
s10803‑010‑1173-x
Rigby, P., & Rodger, S. (2006). Developing as a player. In S. Rodger. & J. Ziviani,
Occupational therapy with children: Understanding children’s occupations and
enabling participation, (pp. 177‑199). Oxford, United Kingdom : Blackwell
Publishing.
Roberts, T., Stagnitti, K., Brown, T., & Bhopti, A. (2018). Relationship between sensory
processing and pretend play in typically developing children. The American
Journal of Occupational Therapy, 72(1), 7201195050p1‑7201195050p8. https://
doi.org/10.5014/ajot.2018.027623
Robins, B., Dautenhahn, K., te Boekhorst, R., & Billard, A. (2005). Robotic assistants
in therapy and education of children with autism: Can a small humanoid robot
help encourage social interaction skills? Universal Access In the Information
Society 4(2),105‑120.
Roley, S. S., Mailloux, Z., Parham, L. D., Schaaf, R. C., Lane, C. J., & Cermak, S. (2015).
Sensory integration and praxis patterns in children with autism. American
Journal of Occupational Therapy, 69(1), 6901220010p1‑6901220010p8. https://
doi.org/10.5014/ajot.2015.012476
Rosenblum, S., Sachs, D., & Schreuer, N. (2010). Reliability and validity of the
Children’s Leisure Assessment Scale. The American Journal of Occupational
Therapy, 64(4), 633‑641.
Rutherford, M. D., Young, G. S., Hepburn, S., & Rogers, S. J. (2007). A Longitudinal
study of pretend play in autism. Journal of Autism and Developmental
Disorders, 37(6), 1024‑1039. https://doi.org/10.1007/s10803‑006‑0240‑9
Sachs, N., & Vincenta, T. (2011). Outdoor environments for children with autism and
special needs. Implications, 9(1), 1‑8.
Schaaf, R. C., Toth-Cohen, S., Johnson, S. L., Outten, G., & Benevides, T. W. (2011).
The everyday routines of families of children with autism: Examining the
impact of sensory processing difficulties on the family. Autism, 15(3), 373‑389.
Schneider, E., & Rosenblum, S. (2014). Development, reliability and validity of My Child’s
Play questionnaire. American Journal of Occupational Therapy, 68 (3), 277‑285.
Schuler, A. L. (2003). Beyond echolalia: Promoting language in children with autism.
Autism: International Journal of Research and Practice, 7, 455‑69.
Seward, J., Schuster, J. W., Ault, M. J., Collins, B. C., & Hall, M. (2014). Comparing
simultaneous prompting and constant time delay to teach leisure skills to
students with moderate intellectual disability. Education and Training in
Autism and Developmental Disabilities, 381‑395.
200
Shane, H. C., & Albert, P. D. (2008). Electronic screen media for persons with autism
spectrum disorders: Results of a survey. Journal of Autism and Developmental
Disorders, 38(8), 1499‑1508.
Skaines, N., Rodger, S., & Bundy, A. (2006). Playfulness in children with autistic
disorder and their typically developing peers. British Journal of Occupational
Therapy, 69(11), 505‑512. https://doi.org/10.1177/030802260606901104
Skard G., & Bundy, A. (2008). A Test of playfulness. In L. D. Parham & L. S. Fazio
(Eds), Play in Occupational Therapy for Children, (pp. 71‑94). St-Louis, MO :
Mosby Elsevier.
Spitzer, S. L. (2003). With and without words: Exploring occupation in relation to
young children with autism. Journal of Occupational Science, 10(2), 67‑79.
Stagnitti, K. (2007). Child-initiated pretend play assessment (ChIPPA). West
Brunswick, Victoria, Australie : Co-ordinates Publications.
Stagnitti, K., O’Connor, C., & Sheppard, L. (2012). Impact of the Learn to Play pro-
gram on play, social competence and language for children aged 5‑8 years who
attend a specialist school. Australian Occupational Therapy Journal, 59(4),
302‑311. https://doi.org/10.1111/j.1440‑1630.2012.01018.x
Sutton-Smith, B. (2001). The Ambiguity of Play. Cambridge, MA : Harvard University
Press.
Tanner, K., Hand, B. N., O’Toole, G., & Lane, A. E. (2015). Effectiveness of inter
ventions to improve social participation, play, leisure, and restricted and repe-
titive behaviors in people with autism spectrum disorder: A systematic review.
American Journal of Occupational Therapy, 69, 5‑36.
Tanta, K. J., & Knox, S. H. (2015). Play. In J. Case-Smith & J. Clifford O’Brien (Eds),
Occupational Therapy for Children and Adolescents (7th ed.) (pp. 483‑495). St.
Louis, MI : Mosby.
Thommen, E., Cartier-Nelles, A., Guidoux, A., & Wiesendanger, S. (2014). Les par-
ticularités cognitives dans le trouble du spectre de l’autisme : La théorie de
l’esprit et les fonctions exécutives. Swiss Archives of Neurology and Psychiatry
165, (8), 290‑297.
Tomchek, S. D., & Dunn, W. (2007). Sensory processing in children with and without
autism: A comparative study using the Short Sensory Profile. American Journal
of Occupational Therapy, 61(2), 190‑200. https://doi.org/10.5014/ajot.61.2.190
Wainer, A. L., & Ingersoll, B. R. (2011). The use of innovative computer technology
for teaching social communication to individuals with autism spectrum disor-
ders. Research in Autism Spectrum Disorders, 5(1), 96‑107.
Wainer, J., Dautenhahn, K., Robins, B., & Amirabdollahian, F. (2014). A pilot study
with a novel setup for collaborative play of the humanoid robot KASPAR with
children with autism. International Journal of Social Robotics, 6(1), 45‑65.
https://doi.org/10.1007/s12369‑013‑0195-x
201
Watling, R. L., Deitz, J., & White, O. (2001). Comparison of sensory profile scores
of young children with and without autism spectrum disorders. American
Journal of Occupational Therapy, 55, 416‑423.
Williams, E. (2003). A comparative review of early forms of object-directed play and
parent-infant play in typical infants and young children with autism. Autism,
7(4), 361‑377.
Williams, E., Reddy, V., & Costall, A. (2001). Taking a closer look at functional play in
children with autism. Journal of Autism and Developmental Disorders, 31(1),
67‑77. https://doi.org/10.1023/A:1005665714197
Wolfberg, P. J. (2009). Play and imagination in children with autism. New York, NY :
Teachers College Press.
Wolfberg, P., Bottema-Beutel, K., & DeWitt, M. (2012). Including children with
autism in social and imaginary play with typical peers. American Journal of
Play, 5(1), 55‑80.
202
Introduction
Établir des objectifs, c’est déclarer ce que l’intervenant désire rejoindre.
Ceci clarifie les raisons des efforts qui sont mis en place. Les retombées sur la
motivation des personnes concernées sont alors conséquentes. Par exemple, si
je sais pourquoi je me mets en jeu, il est probable que l’effort requis soit moins
pénible à fournir. Dans le champ de l’autisme, les enfants doivent apprendre
à fonctionner différemment de la manière dont ils le font naturellement et de
façon innée. Considérant cela, l’effort demandé est immense. Pour réduire cet
effort, ils doivent se concentrer sur des objectifs définis dans le temps et les
formuler afin que la personne impliquée et son entourage puissent les mesurer
par eux-mêmes. Cette façon de procéder favorise l’engagement et le main-
tien de la motivation. Ce dernier chapitre concerne un aspect central de la
pratique en ergothérapie : la formulation des objectifs. Dans la partie 1 de ce
chapitre, la méthode SMART ainsi que la technique qui invite à utiliser pour
l’écriture de l’objectif les critères « qui, quand, quoi, où et comment » sont
exposées. La partie 2 parle de la mesure del’atteinte des objectifs en exposant
l’instrument GAS, bien connu des écrits scientifiques. En effet, savoir écrire
et savoir mesurer l’atteinte représentent deux aspects centraux en lien avec la
formulation des objectifs en ergothérapie. La partie 4 comporte trois histoires
de vie, qui permettent de saisir le raisonnement clinique que l’ergothérapeute
met en place dès la prise de données jusqu’à la planification en passant par la
formulation des objectifs centrés sur les occupations humaines. Les histoires
203
204
205
l’individu pour parvenir à énoncer d’une manière univoque ce qui est attendu
(p. ex. : choisir d’aller tous les lundis au club junior d’échecs de son quartier et s’y
rendre effectivement au moins trois fois sur quatre, ou encore, chaque jour durant
une semaine, enfourcher son vélo 10 minutes et pédaler tout en étant accompagné
par sa grande sœur qui maintient le cadre du vélo pour contrôler l’équilibre). Une
formulation efficace requiert à la fois une évaluation minutieuse de la situation et
un ancrage dans les aspirations du ou de la client-e de manière à ce que les objec-
tifs intègrent son point de vue et ces priorités. Il faut ajouter que la formulation des
objectifs est limitée à l’énoncé d’un résultat attendu et qu’elle ne comprend pas la
stratégie permettant de l’atteindre. Celle-ci fait partie des moyens de l’ergothéra-
peute qui peut les d iscuter avec son ou sa client-e.
Chaque démarche d’intervention comprend un ensemble d’objectifs
(Chisholm & Boyt Schell, 2014 ; Meyer, 2007 ; Park, 2009, 2011). Ceux-ci sont
éventuellement disjoints et juxtaposés (p. ex. : il enlève ses baskets seul ; il a
moins peur d’aller à la garderie). Néanmoins, ils sont organisés le plus sou-
vent dans le temps (p. ex. : rester plus fréquemment calme à table durant les
repas puis, dans un second temps, rester plus fréquemment et plus longtemps
calme à l’école). De plus, il est possible de définir des aspirations à long terme
qui dépassent le cadre de l’intervention, mais qui lui donnent une direction,
des objectifs à long terme qui s’attachent à la fin de l’intervention envisagée
ou prescrite et des objectifs à court terme qui seront rejoints en quelques ren-
contres (McCullough, 2014 ; Park, 2009, 2011). Une autre manière de faire
est de prioriser les objectifs en fonction de leur niveau d ’importance (p. ex. :
traverser la route systématiquement après avoir vérifié que les voitures sont
bien arrêtées pourrait être plus important que mettre toutes les affaires néces-
saires dans son sac d’école). L’intervention se concentre d’abord sur le plus
important. Les objectifs peuvent également se hiérarchiser du global au spé-
cifique (p. ex. : se rendre à son cours de piscine comprend traverser la route
sans prendre des risques et partir à temps). Dans ce cas, l’ergothérapeute vise
les objectifs particuliers qui, lorsqu’ils sont atteints, vont logiquement à la ren-
contre des objectifs plus larges (Meyer, 2007). En somme, du particulier au
général ou du court terme au long terme, l’intervention peut être graduée.
Il faut souligner, et avec vigueur, que si chaque intervention comprend
bien un ensemble d’objectifs soigneusement élaborés et que ceux-ci concourent
à la résolution des problèmes occupationnels du client, cet ensemble n’est en
général pas complètement déterminé. La définition des objectifs comprend
beaucoup d’incertitudes dues à la complexité de l’ergothérapie, particuliè-
rement lorsqu’elle est centrée sur le client et sur les occupations dans une
construction top-down. Une entité complexe implique notamment des pro-
priétés émergentes (Meyer, 2013). Parfois, des objectifs imprévus se révèlent
206
Temps
207
208
1.3. SMART
209
210
211
À cette fin, le Goal Attaignment Scaling (GAS) est un atout précieux (Kiresuk,
Smith, & Cardillo, 1994).
Le GAS est un instrument développé vers 1970 dans le domaine de
la déficience intellectuelle et qui s’est petit à petit implanté en réadaptation
(Kiresuk, Smith, & Cardillo, 1994). Il s’agit d’un système de notation des
objectifs d’intervention fréquemment utilisé en ergothérapie. Adapté à toutes
les clientèles et indépendant des modèles de pratiques ou des cadres de réfé-
rence, il permet de visualiser rapidement les dysfonctions occupationnelles
qui posent un problème et les objectifs à atteindre pour résoudre ce problème
comme l’illustre la figure 7.2. Le GAS est aussi une méthode quantitative
d’évaluation de l ’efficacité de l’intervention dans la mesure où les dysfonctions
occupationnelles évaluées et les objectifs étant notés sur une échelle, le score
de la valeur finale atteint indique l’échec ou le succès pour chaque dysfonction
(Radomsky, 2014).
Résultat
+2 = bien plus ou objectif 2.2
que prévu (délai attendu)
(date effective
d’atteinte)
Résultat Résultat ou
+1 = plus que ou objectif 2.1 objectif 3.1
prévu (délai attendu) (délai attendu)
(date effective (date effective
d’atteinte) d’atteinte)
–2 = moins Dysfonction 2
que prévu aggravée
212
213
214
Pour soutenir l’enfant dans son élaboration des objectifs, il existe des
instruments qui, selon leurs auteurs, ont des qualités scientifiques. Toutefois,
ils ne sont pas disponibles en français. Par exemple, Pollock et Missiuna (2015)
recommandent un outil spécifiquement conçu pour des enfants, le Perceived
Efficacy and Goal Setting System (PEGS). Le PEGS permet à des enfants entre
5 et 9 ans d’auto-évaluer leurs compétences dans les activités de la vie quoti-
dienne et de poser des objectifs d’intervention. Il utilise des paires de cartes
qui illustrent des activités de soins personnels, à l’école et lors des loisirs. Pour
la même activité, chaque paire comprend une carte montrant une compétence
et l’autre des difficultés. L’enfant identifie les activités qui lui posent problème
et choisit celles pour lesquelles il a envie de travailler. Des questions portant
sur les mêmes activités sont posées aux parents ou aux autres partenaires de
manière à tenir compte des divers points de vue pour décider des objectifs.
Pollock et sa collègue présentent également le Family Goals Setting Tools
(FGST), incluant une version FGST-ASD qui s’adresse aux familles dont l’en-
fant présente un autisme. L’instrument couvre la période depuis le diagnostic
médical jusqu’aux premières années d’école (https://autismqld.com.au). Il faut
noter que FGST n’inclut pas directement l’enfant, qui peut être très jeune ou
dans l’incapacité de participer. La version ASD comprend 68 cartes réparties
en 8 domaines : communication, participation sociale, régulation émotionnelle,
jeu et apprentissage, soins personnels, accès à l’espace public et participation,
information et soutien. Les cartes contiennent des dessins et du texte. La famille,
en collaboration avec l’ergothérapeute, répartit les cartes selon les types d’objec-
tifs en trois tas : vert = oui – maintenant ; orange = peut-être ; rouge = non – pas
maintenant. Au cours de la discussion, le tas vert est réduit, puis chaque objectif
est exploré et clarifié de manière à devenir SMART.
Le support visuel de l’EEPPS (chapitre 2), bien que pas encore soutenu
par des évidences scientifiques, s’avère être une alternative française qui intègre
les espaces de vie et les occupations dans chacun d’eux. Il permet d’établir une
ligne de base de la participation sociale, ainsi qu’une ligne de volition sociale
de l’enfant, et de fixer avec lui le système parental et les acteurs ayant un rôle
significatif dans sa vie ainsi que les objectifs occupationnels à atteindre.
4. Vignettes cliniques
Cette partie présente trois vignettes cliniques, qui s’inspirent de situa-
tions de vie réelles. L’anonymat est garanti puisque tous les noms propres, de
personnes et de lieux, sont fictifs. Les situations sont également adaptées afin
de mieux répondre aux objectifs pédagogiques de l’ouvrage. Chaque vignette
215
Arthur est un enfant de 2 ans. Il est le premier enfant d’une famille ori-
ginaire du Portugal et émigrée en Suisse depuis plus de 10 ans. Le papa est un
ouvrier apprécié de son entreprise et fait des horaires irréguliers, alternant des
périodes nocturnes et diurnes. La maman, bien qu’ayant une formation de
coiffeuse, n’a pas trouvé de travail dans son champ de compétence à son arri-
vée en Suisse. Elle a réalisé des ménages auprès des familles de son quartier,
puis a pris le poste de gardienne d’immeuble dans le bâtiment où la famille
demeure actuellement. Son rôle est d’effectuer l’entretien des espaces com-
muns et de faire le lien entre les locataires et la régie. Pour ce qui est des travaux
de manutention des espaces communs, c’est le papa d’Arthur qui en assume la
responsabilité lors de ses temps libres. La famille est bien intégrée dans la vie
de l’immeuble et elle semble appréciée. Les autres membres (grands-parents,
oncles et tantes) sont tous restés au Portugal. Les parents d’Arthur se rendent
généralement deux fois par an chez leurs proches : à Noël et en été.
La naissance d’Arthur est désirée. La grossesse et l’accouchement se
sont déroulés sans souci particulier. Les premiers jours de vie de famille à trois
sont décrits comme faciles et joyeux. Le papa a reçu la permission de rester
gratuitement une semaine entière avec son épouse et son fils, en reconnais-
sance de sa ferveur au travail. Ainsi, dès les premiers jours, la vie semble se
poursuivre sereinement. Or, rapidement, la situation se dégrade. Si Arthur est
216
un nouveau-né qui ne dérange pas le jour, car il est décrit comme silencieux
et occupé à regarder le plafond, les nuits de l’enfant sont en revanche chargées
de cris et de pleurs interminables durant toute sa première année. Les familles
voisines sont tolérantes et proposent à la famille d’Arthur de s’occuper de lui
le jour afin que la maman puisse se reposer. Celle-ci refuse l’aide, car sa famille
et celle de son mari expriment clairement aux jeunes parents leurs jugements
quant à la non-adéquation de leurs comportements parentaux. Selon eux, si
l’enfant ne dort pas la nuit, la cause réside dans les conduites des parents, qui
sont jugés comme non expérimentés. La première visite au Portugal a lieu
pour les fêtes de Noël. Arthur a alors 6 mois et la situation nocturne ne s’amé-
liore pas. Les conseils des familles sont difficiles pour la maman, car elle se
sent de plus en plus incompétente. Le papa est convaincu qu’ils doivent adop-
ter d’autres attitudes avec Arthur. Par exemple, il estime qu’il ne faut pas le
prendre avec eux lorsqu’il pleure et qu’ils doivent le laisser pleurer dans sa
chambre jusqu’à ce qu’il se calme par lui-même. Dès leur retour en Suisse, les
parents tentent de mettre en œuvre cette stratégie, bien que la maman la vive
très difficilement. Parallèlement, Arthur est intégré dans une crèche-famille
(crèche gérée par l’association des nourrices et qui accueille au maximum
6 enfants à la maison d’une nourrice, en présence d’une éducatrice formée à
la petite enfance), puisque la maman a besoin de se reposer et a retrouvé un
travail à temps partiel. Elle travaille tous les après-midis chez une coiffeuse.
Durant la journée, Arthur reste peu actif et peu attiré par l’environnement
humain ou ludique. Il regarde de longues heures le plafond et ne réagit pas
aux bruits forts environnants. Ces aspects du développement passent inaper-
çus pour les parents qui sont concentrés sur les nuits toujours aussi courtes
de l’enfant. À la consultation de 1 an, le pédiatre constate un retard de déve-
loppement, puisque Arthur ne réagit pas de façon ordinaire aux sollicitations
sociales. Il ne regarde pas la personne qui l’appelle. Il ne prononce pas encore
de mots compréhensibles, bien que la prosodie semble indiquer un début
de langage, mais sans intention communicative. L’enfant déambule, mais
n’explore pas spontanément les espaces. L’humeur dépressive de la maman
d’Arthur inquiète le pédiatre qui conseille une consultation psychologique.
Il attribue le retard de l’enfant à une faible stimulation parentale, due à l’état
psychologique de la mère. La psychologue commence son travail auprès de la
maman à 15 mois de vie d’Arthur. Puisque la maman d’Arthur est seule à la
maison dans la journée quand elle ne travaille pas, il lui arrive de prendre l’en-
fant avec elle pendant les consultations. Cela lui permet d’observer la relation
mère-enfant et également Arthur lui-même. C’est à partir de ses observations
que le doute de la présence d’un trouble du spectre de l’autisme chez Arthur
s’insinue chez la psychologue. Après quatre mois d’observation, elle signale
217
Espaces privés
• Arthur est un enfant qui dort quelques heures la nuit. En général, son
endormissement débute vers 23 heures. Puis, après une nuit sans agita-
tions apparentes, le réveil s’effectue autour de 5 heures du matin. Par la
suite, il ne se rendort plus jusqu’à 9 h 30, heure à laquelle il finit sa nuit
jusqu’à midi. Les parents ne sont pas dérangés par cet aspect, car ils ont
pris l’habitude des nuits courtes. Arthur manifeste son besoin de som-
meil en pleurant fortement jusqu’à s’effondrer de fatigue.
• Arthur est nourri de façon ordinaire comme un enfant de 2 ans sans
autisme. Il mange tout ce qui lui est proposé, connaît et manifeste
des préférences avec la mimique. Il fait la moue quand il n’aime pas
beaucoup l’aliment et vocalise un son qui est interprété par les parents
comme « beurk ». S’il y a un aliment qu’il aime particulièrement, il bat
des mains et sourit. Il boit de façon autonome au verre et mastique cor-
rectement les aliments.
• Arthur est totalement dépendant pour les actes en lien avec l’habillage et
le déshabillage. Dans le contexte familial, le désir d’une plus grande auto-
nomie pour les activités de la vie quotidienne est peu prioritaire, bien que
ce point soit reconnu comme important pour la vie extérieure de l’enfant
et pour son développement futur. La mère, qui s’occupe de l’habillage,
dit aimer ces moments avec Arthur, qu’elle qualifie comme des moments
spéciaux dans leur relation. Le papa, qui interagit avec Arthur dans ce
contexte uniquement pour la mise et le retrait des chaussures lors des
sorties en extérieur, mentionne ne pas avoir la patience de le lui faire faire
et que cette habileté arrivera selon lui automatiquement en grandissant.
• Arthur adore le moment du bain à la condition que ses cheveux et sa tête
ne soient pas mouillés. Le contact de l’eau sur sa tête provoque des pleurs
et des cris difficiles à tolérer émotivement par les parents. C’est également
218
un élément de conflit entre les parents. Le papa pense qu’il faut insister
même si Arthur pleure, alors que la maman estime qu’il est préférable de
lui couper les cheveux très courts afin de ne pas devoir les lui laver. Pour
le moment, c’est cette dernière solution qui est mise en œuvre. Ainsi,
pour laver les cheveux rasés et le visage de l’enfant, la maman utilise des
lingettes humides. De plus, elle le fait durant les moments où Arthur
est absorbé par autre chose, comme regarder la télévision, ou durant les
heures du sommeil du matin. Le papa est contrarié par cette solution,
car il aimerait que son fils puisse avoir des cheveux mi-longs comme ceci
est de coutume dans sa famille. C’est en effet un sujet de fort désaccord
entre les parents et leurs familles respectives. Arthur accepte de se faire
laver les dents et participe passivement à cette activité.
• Arthur a encore la couche, même s’il semble qu’il perçoive parfaitement
le stimulus. Il manifeste le besoin d’aller au W-C en s’isolant dans un
coin ou sous une table. Pour ce qui est des selles, après l’isolement, la
couche souvent est vide. Ainsi, Arthur retient ses excréments et pré-
sente souvent des épisodes de constipation qui nécessitent un traite-
ment. Lors des tentatives de le mettre sur le pot, Arthur se laisse faire,
mais ne produit aucune poussée.
• Arthur joue souvent de façon solitaire dans l’espace privé. Il aime mettre
les jouets en désordre pour les remettre en ordre de façon systématique,
souvent par couleur, mais également par thématique (tous les moyens
de transport ensemble). Le jeu avec les parents est absent, la famille
dédiant les temps partagés avec Arthur, mis à part aux activités de vie
quotidienne d’hygiène et de nutrition, à de longues promenades dans le
village et dans les alentours. À la maison, la télévision est constamment
allumée et l’enfant passe ses temps morts devant l’écran s’il ne s’occupe
pas à mettre en ordre ses jouets.
• Durant l’entretien initial, de nombreuses questions quant à l’origine et
aux conséquences qu’implique un diagnostic d’autisme chez l’enfant
sont mises en avant. Les parents disent ne pas être encore bien au clair
sur ces aspects qui, de leur point de vue, ont été discutés rapidement
avec les médecins lors de l’annonce du diagnostic.
Espaces communautaires
219
220
• Aux parcs de jeux, Arthur s’isole des autres enfants. Il aime être poussé
sur la balançoire, mais n’apprécie pas les autres structures de jeu, telles
que le toboggan. Il pleure si l’adulte l’invite à jouer avec le sable.
• Dans les centres commerciaux, Arthur accepte d’être installé dans le
chariot et présente une attitude calme et relaxée. Il est résistant et reste
calme qu’importe la durée des courses.
Espaces ouverts
Espaces de soins
• Considérant son très jeune âge, Arthur fréquente peu d’espaces de soins
personnels. La maman ayant une formation de coiffeuse, elle s’occupe
elle-même de la coupe des cheveux, qu’elle effectue avec une tondeuse.
Dans ces moments, Arthur manifeste un léger dérangement en fronçant
les sourcils et haussant les épaules, mais se laisse faire sans opposition.
• Les visites chez le pédiatre ou autre professionnel de la santé se passent
sans différences notoires avec les autres enfants de 2 ans. Arthur pleure
pour les vaccins de façon ordinaire, sans excès particulier. Il se laisse aus-
culter facilement. Néanmoins, le pédiatre reste sans réponses directes
de l’enfant à ses interrogations. Arthur reste immobile et inactif lors de
221
Espaces de déplacements
1. D’ici une à deux semaines, les parents participent à une consultation
spécifique auprès de l’ergothérapeute, en présence du pédiatre, afin de
recevoir toutes les informations nécessaires quant à leurs questions
sur l’autisme et sur ses conséquences sur le développement d’Arthur.
222
accord pour réaliser cette action en leur absence. Ils indiquent leurs
disponibilités aux parents pour les revoir dans trois mois, qui est la
durée imposée par leurs agendas.
d. La psychologue de la mère est avertie, mais tenue à l’écart de la ren-
contre en raison de son rôle important auprès de la figure maternelle.
Elle décide elle-même de ne pas être présente afin de réserver son
espace et son action exclusivement à la maman d’Arthur, qui accepte
cette proposition.
2. D’ici un à deux mois, Arthur se laisse laver les cheveux sans manifes-
ter une réticence excessive.
a. L’aspect en lien avec le lavage des cheveux est retenu comme prio-
ritaire dans l’environnement familial, car il est source de souffrance
aussi bien pour l’enfant que pour les parents.
b. Les informations recueillies soutiennent l’hypothèse d’une hyper
sensibilité du cuir chevelu. Cette hypothèse est confirmée par une
observation structurée dans le contexte de vie de l’enfant (chapitre 4).
c. Si l’hypothèse sensorielle est confirmée, il s’agit de mettre en place
deux types d’approches, soit : (1) une désensibilisation du cuir che-
velu en utilisant des techniques en lien avec les approches senso-
rielles ; (2) une analyse approfondie du contexte environnemental,
comme le type du shampooing (p. ex. : texture, odeur), la tempéra-
ture de l’eau, la force du jet de la douche.
d. Comme Arthur se remémore des souffrances vécues précédemment,
il doit investir à nouveau l’environnement « lavage de cheveux » et
l’associer à un contexte agréable et valorisant. Aimant le bain, cette
étape ne devrait pas se révéler trop complexe. L’adaptation de l’envi-
ronnement « salle de bain », uniquement durant le moment du lavage
de cheveux, rend cet instant unique et potentiellement agréable. Par
exemple, l’utilisation de jet de douche coloré ou encore l’émission d’une
musique plaisante peuvent être à cet effet des atouts pour relever ce défi.
e. Après cette première phase de traitement, il pourrait être nécessaire
d’intervenir avec une approche comportementale. Lorsqu’Arthur
démontrera qu’il est plus apte à tolérer sensoriellement l’acte du lavage
de cheveux, un support visuel pourra être intégré afin d’indiquer clai-
rement à Arthur l’arrivée d’une activité renforçatrice à la fin de la
séquence de lavage (chapitre 3). Par exemple, le support visuel pourra
indiquer à Arthur qu’une fois le lavage terminé, il pourra regarder son
dessin animé préféré.
223
3. D’ici une semaine à un mois, Arthur se lave les mains et se laisse
laver les dents sans opposer de résistance à la crèche-famille.
224
225
Victoire est une enfant avec autisme qui présente des fragilités cogni-
tives importantes. Elle vit dans une maison avec ses deux parents et sa sœur
aînée, Hélène. Ses grands-parents maternels et paternels sont très présents et
soutiennent la famille pour la garde des deux petites filles. En effet, les deux
parents travaillent. Le papa est musicien et se déplace souvent en tournée. La
maman est homéopathe et travaille à mi-temps. Le diagnostic a été posé dès
l’âge de deux ans et demi, alors que la famille avait déjà émis des préoccupa-
tions auprès du pédiatre dès l’âge de 9 mois. En effet, Victoire se comportait
différemment de sa sœur aînée, et ceci dès son plus jeune âge. Elle regardait
le plafond et non le visage de sa mère durant les moments d’allaitement et
pleurait très souvent. L’unique environnement où l’enfant se calmait était les
trajets en voiture. Les rythmes sommeil-éveil sont irréguliers depuis toujours.
Comme le développement moteur ne présentait pas de retard particulier, le
pédiatre a pris son temps avant de se prononcer sur une particularité de déve-
loppement. L’enfant a été signalée aux services spécialisés suite à l’insistance
des parents. Ces services ont confirmé le diagnostic d’autisme. Sur le plan
moteur, Victoire présente actuellement des fragilités visibles à l’œil nu dans la
coordination motrice, tombant fréquemment sur les terrains accidentés. Ces
chutes ne l’empêchent pas de poursuivre ses explorations. Victoire se relève
sans manifester de douleurs particulières, qu’importe la violence de la chute.
Elle communique en réagissant aux environnements avec des pleurs ou des
rires en fonction de son bien-être. Certains mots sont prononcés avec une
articulation peu compréhensible dans les environnements ouverts ou durant
des auto-stimulations (p. ex. : quand l’enfant joue à tourner sur elle-même ou
marche dans la forêt), rendant leur interprétation complexe. Elle perçoit de
façon très forte certains stimuli (p. ex. : lumières, sons) qui parfois la gênent
226
et parfois l’enchantent. Dès l’âge de 4 mois, Victoria est gardée par sa grand-
mère maternelle et par une jeune femme, Odile, connue par la famille, qui
se propose pour des heures de garde (p. ex. : récupérer les filles à la sortie de
l’école, les faire manger le soir quand les parents sortent).
Victoire a intégré une crèche Montessori dès l’âge de 1 an. Lors de cette
expérience, elle a passé du temps en compagnie d’autres enfants. Elle a déve-
loppé une certaine curiosité à leur égard. Toutefois, elle n’était pas obligée de
réaliser des activités et participait à ce qu’elle voulait, quand elle le voulait. Elle
a aimé en particulier les sessions de musicothérapie. Depuis une année, elle
est intégrée dans la classe d’école maternelle avec le support constant d’Odile
pour douze heures par semaine. Le reste du temps, Victoire évolue entre la
maison et les thérapies. Elle est suivie en ergothérapie depuis l’âge de 2 ans.
Elle est actuellement suivie en physiothérapie pour la coordination motrice et
les chutes.
Espaces privés
• Victoire dort de façon très irrégulière. Elle n’a pas d’horaire précis
d’endormissement et se réveille parfois après 10 heures de sommeil,
d’autres fois après 3 heures. Dès qu’elle se réveille, indépendamment de
l’heure, elle vagabonde dans la maison. Les parents s’en rendent compte,
car elle émet des petits bruits continus. Quand les nuits sont courtes,
les journées sont en général difficiles à gérer, car Victoire manifeste sa
fatigue par une forte opposition à toutes les propositions d’activité qui
lui sont faites. Des tentatives de régularisation du sommeil par des sub
stances homéopathiques, puis un traitement pharmacologique prescrit
par le pédiatre, n’ont pour le moment donné aucun résultat satisfaisant.
Les nuits continuellement entrecoupées deviennent de plus en plus diffi
ciles à vivre dans le contexte familial. Après avoir séparé les deux filles,
afin qu’Hélène puisse dormir sans être perturbée durant son sommeil,
les parents ont trouvé un accord : l’un des parents veille sur Victoire la
nuit pendant que l’autre reprend ses forces, et ils alternent les rôles au
227
rythme d’un jour sur deux. Lorsque leurs ressources physiques sont trop
épuisées, les parents font appel à la grand-mère maternelle, qui vient
pour une ou deux nuits surveiller les filles à la maison, pendant que les
conjoints vont dormir chez elle.
• Victoire mange aux heures qui lui conviennent et privilégie les aliments
croustillants, tels que les chips ou la pizza. Elle mange peu et elle ne
semble pas avoir de carence alimentaire. Néanmoins, elle ne boit que
trop rarement, ce qui provoque fréquemment des troubles digestifs
tels que la constipation, ou des signes évidents de début de déshydrata-
tion. Plus petite, elle a été hospitalisée plusieurs fois pour cette raison.
Actuellement, elle boit plus facilement si ses parents lui donnent le
verre rempli d’eau, qui doit être manipulé par eux. Victoire mange de
façon autonome avec ses doigts.
• Victoire est extrêmement dépendante pour l’habillage. Elle possède des
compétences motrices qui lui permettraient de réaliser certaines tâches,
mais l’activité lui déplaît fortement. Elle préfère être nue été comme
d’hiver. Victoire accepte de se faire vêtir pour sortir, car c’est une condi-
tion imposée par les parents. Dans la maison, elle est principalement
nue ou en culotte. Elle est autonome pour se déshabiller, sauf pour les
fermetures de type bouton, qui ont été exclues de la garde-robe. Victoire
endosse principalement des survêtements ou des vêtements amples,
faciles à enfiler.
• Victoire déteste la douche, car elle ne tolère pas la sensation provoquée
par le jet sur son corps. En revanche, elle adore le bain. Elle reste, durant
des heures, immergée dans l’eau même si elle refroidit. La sortie du bain
est complexe, car elle provoque une forte opposition de Victoire, qui hurle
et se débat. Il est également difficile de la coiffer ou de lui laver les dents.
Les parents ont pris le parti de proposer ces activités à Victoire de façon
régulière, mais de ne pas insister si elle refuse de les réaliser. Ils ont essayé
précédemment d’entreprendre une approche comportementale afin de
faciliter ces apprentissages, mais sans succès. La maman était réfractaire
à l’approche dès le départ, car elle ne pense pas qu’elle puisse convenir à
une enfant comme Victoire. Le papa, en revanche, était plus optimiste,
mais il a abandonné étant donné les difficultés rencontrées. Pour la coupe
de cheveux, Victoire ne tolère pas le coiffeur, elle accepte que sa grand-
mère lui coupe les cheveux à la maison. Cette coupe se fait pendant que
Victoire déambule dans la demeure, sa grand-mère la suivant et profitant
d’un moment d’arrêt pour enlever quelques mèches sur la tête de l’enfant.
Pour la coupe des ongles, les parents effectuent cette tâche de nuit, ce qui
limite encore plus les heures de sommeil à leur disposition.
228
• Victoire porte encore la couche. La propreté n’est pas une priorité pour
les parents qui pensent que lorsque Victoire décidera qu’il en est temps,
elle utilisera les toilettes. Toutefois, la grand-mère et Odile commencent
à dire qu’il serait important d’essayer d’éduquer Victoire au contrôle
sphinctérien, car elle n’accepte pas toujours de se faire changer.
• Victoire joue toujours de façon solitaire dans l’espace privé. Elle aime
stimuler ses sens en battant les objets sur son propre corps ou encore
sur d’autres objets. Elle aime faire résonner ou vibrer des objets afin
de pouvoir y apposer son oreille et percevoir les vibrations. Lorsque sa
sœur aînée cherche à jouer avec elle, Victoire s’en va, ce qui blesse pro-
fondément Hélène qui exprime l’envie d’avoir de temps en temps des
moments agréables avec sa sœur, qui est si compliquée à comprendre
et à prévoir.
• Durant ce nouveau recueil de données avec l’EEPPS, les parents
indiquent qu’ils ont l’impression de perdre le contrôle sur Victoire.
Selon eux, ils deviennent de plus en plus tributaires des exigences de
l’enfant. Le papa pense qu’il faut être plus dur et exigeant avec Victoire.
Il aimerait reprendre une intervention plus directrice, comme l’inter-
vention comportementale. La maman s’émeut lors de ce discours. Elle
parle des souffrances qu’elle vit chaque fois que Victoire s’oppose fran-
chement voire agit violemment contre elle et son entourage. En effet,
depuis peu, elle se griffe et tape parfois les personnes proches quand elle
est frustrée par une requête qui ne lui convient pas.
Espaces communautaires
• Victoire est intégrée dans une école maternelle depuis une année.
− Dans ce contexte, la maîtresse et Odile parlent d’une enfant solitaire,
qui aime regarder les autres faire. Elle accepte peu de partager des
moments de jeu ou de suivre des activités proposées. Victoire joue
avec les objets en les battant afin de provoquer des sensations qui lui
plaisent. Elle s’approche des autres enfants et rit parfois en les obser-
vant, sans qu’il soit encore possible de comprendre ce qui cause ce
rire. Une enfant de la maternelle, Carole, cherche souvent à aider
Victoire en lui tendant la main si elle tombe dans la cour ou en lui
proposant des jouets, que Victoire ne prend pas spontanément. Si elle
est guidée par Odile, elle se saisit de l’objet et part avec en le laissant
tomber par terre peu de temps après.
229
230
Espaces ouverts
• Victoire aime se trouver dans les bois, mais ne tolère pas les longues
marches. Elle aime rester près des arbres et courir dans un espace res-
treint. Elle s’arrête, prend des feuilles, les lance en l’air. Puis, elle recom-
mence à courir un instant en rond, s’arrête de nouveau. Elle accepte
maintenant de conserver à ses pieds ses chaussures durant toute la
durée de l’activité. L’apprentissage a été effectué avec une approche
comportementale qui a été mise en place par Odile, lors des sorties en
forêt réalisées avec l’école.
• Victoire aime les plages solitaires. Elle y joue volontiers avec le sable et
s’approche peu de la mer, mais la regarde, immobile, pendant de lon-
gues périodes.
• Elle a le même type de comportement avec les lacs en montagne.
Espaces de soins
Espaces de déplacements
231
1. D’ici à deux mois, les parents fréquentent de façon régulière des espaces
de discussion afin d’être soutenus dans la gestion émotive du quotidien :
232
2. D’ici deux mois, Victoire participe, à la maison, à une activité musi-
cale créative d’une durée minimale de 5 minutes, en répondant à trois
consignes simples (une tâche unique) représentées visuellement, au
moment où la consigne est donnée par un parent.
233
3. D’ici quatre mois, Victoire mange avec ses camarades d’école, durant
la pause de la matinée, des fruits séchés cuisinés par elle-même
durant les heures scolaires :
a.
L’approche communautaire encourage des interventions qui ont
la capacité de promouvoir l’agir de l’enfant avec autisme dans son
contexte communautaire, tout en y intégrant des objectifs pour les
autres membres de l’espace communautaire en question (chapitre 2).
Ici, les objectifs sont multiples.
b. La préparation des fruits séchés se fait, initialement, en collabora-
tion avec Carole, au travers d’une approche d’éducation par les pairs
(voir chapitre 5). Carole trouve des stratégies efficaces pour se mettre
en interaction avec Victoire. Odile, soutenue par l’ergothérapeute,
structure l’activité de façon visuelle (chapitre 2) afin de susciter une
participation active de Victoire.
c. Le partage des fruits séchés durant le moment du goûter du matin
rejoint l’objectif de la maîtresse, qui désire valoriser Victoire et per-
mettre aux enfants de voir ses compétences. Il semble trop compliqué
actuellement d’intervenir sur le contrôle sphinctérien afin d’enlever
234
la couche qui donne une image très enfantine de Victoire. Il est alors
jugé pertinent, au lieu d’enlever la couche, de promouvoir une autre
vision plus valorisante au travers d’une activité où Victoire produit
quelque chose qui sera offert à ses camarades.
d. Victoire, étant donné ses particularités sensorielles (chapitre 4), ne
mange que des aliments croustillants. Les fruits présentés ainsi sous
une forme plus proche de ses besoins sensoriels pourraient éventuel-
lement être appréciés par l’enfant. Si cela ne fonctionne pas, il est
alors plus discret de donner à Victoire un élément croustillant qui
lui plaît. Ce dernier aura une forme proche de celle des fruits séchés
préparés pour les autres enfants.
e. Parallèlement à ces mises en place dans le contexte même de l’école, une
intervention spécifique en ergothérapie pour désensibiliser la sphère oro-
faciale est mise en place. Il est possible qu’une telle intervention soit com-
plexe pour Victoire, car elle s’y opposera probablement. Il sera important
d’essayer une telle intervention en utilisant des stratagèmes de diversion,
par exemple réaliser la session lorsque Victoire se laisse distraire par des
stimulations sensorielles comme les colonnes à bulles. Si l’enfant refuse,
il vaut mieux éviter d’insister afin de ne pas la faire souffrir (chapitre 4).
235
Pierre est un enfant de 5 ans qui vit seul avec sa mère. Le père n’a pas
reconnu l’enfant et n’est plus en contact avec eux depuis l’annonce de la gros-
sesse. La mère est enseignante à temps partiel. Les grands-parents maternels
sont très présents et à la retraite. Ils vivent dans l’appartement adjacent à celui
de la famille et ils sont très cultivés. Les appartements respectifs sont remplis de
livres et de tableaux. La famille voyage souvent. Elle visite les grandes villes afin
d’aller voir les musées et d’enrichir leur bagage culturel. Le développement du
langage de Pierre est plus lent que la moyenne des enfants, puisqu’à 5 ans son
langage n’est pas encore fluide. Pierre fréquente l’école de son village depuis
l’âge de 3 ans. Avant, il était pris en charge en journée par les grands-parents,
pendant les heures de travail de la maman. La première année à l’école s’est
faite selon un rythme de trois matinées par semaine. L’enfant présentait des
signes de mal-être (p. ex. : pleurs, isolement dans la classe), ce qui a conduit
la réduction du temps de fréquentation. Il a pu ainsi s’habituer graduellement
à ce nouvel espace de vie. Dès 4 ans, il a fréquenté l’espace classe à temps
plein. Pierre est toujours en mouvement, ce qui pose des difficultés qui ont été
signalées à la maman par la maîtresse dès le début. Initialement, le pédiatre a
rassuré la famille en justifiant les comportements de Pierre par sa constella-
tion familiale particulière (enfant unique, stimulation cognitive et culturelle
importante) et par son retard de langage. Pour lui, l’enfant ne trouvait pas
236
dans l’école les stimuli cognitifs qu’il recevait à la maison, ce qui provoquait
un ennui. Cet ennui, associé aux difficultés langagières, pourrait être la raison
du comportement de l’enfant. Cette interprétation amène Pierre à fréquenter
des séances d’orthophonie (logopédie) afin d’améliorer son langage. Malgré
les progrès observés, cette intervention est arrêtée après une année, en accord
avec l’école, le pédiatre et la famille. Toutefois, Pierre est référé au service
d’ergothérapie pour l’apparente agitation motrice qu’il présente encore et qui
remet en question son inclusion scolaire.
Espaces privés
• Pierre dort bien uniquement dans le lit de la mère. Bien que cette der-
nière ait réussi à le faire s’endormir dans sa propre chambre, l’enfant
se lève régulièrement aux alentours de minuit pour se rendre dans le
lit maternel. Il se couche relativement de bonne heure car il s’endort
vers 20 heures. Le réveil est en revanche matinal puisqu’il s’effectue vers
5 heures. L’enfant se lève spontanément et va jouer aux Lego© dans sa
chambre en attendant que la mère se lève à son tour à 6 heures.
• Pierre mange de façon très sélective. Il respecte les heures des repas,
mais mange peu et nécessite donc d’avoir également des pauses nutri-
tionnelles à 10 heures et à 15 heures. Il mange uniquement des pâtes au
beurre, du jambon blanc, des œufs durs, des frites, des pommes rouges
et tous les laitages. Les légumes le font vomir immédiatement ainsi que
les autres fruits. Malgré cette alimentation sélective, l’enfant ne présente
pas de carences particulières ni de surcharge pondérale. Le transit intes-
tinal est régulier et sans difficultés spécifiques.
• Pierre s’habille et se déshabille seul. Il met uniquement des chaussures
à fermeture velcro. L’utilisation des lacets est trop compliquée pour lui.
La famille aimerait qu’il sache les faire, car l’enfant et ses proches aiment
les longues promenades à l’extérieur. Ainsi, il doit souvent mettre des
chaussures de sport adaptées aux terrains accidentés. Actuellement,
ses lacets sont faits par un adulte, ce qui frustre énormément Pierre.
237
238
Espaces communautaires
239
Espaces ouverts
• La famille est une adepte des promenades en plein air (forêt et mon-
tagne). Elle désire pouvoir faire plus de sorties, en particulier en
vélo. Or, c’est actuellement trop complexe, car Pierre refuse de tenter
l’apprentissage du vélo. Il dit qu’il n’aime pas cela. La maman pense
qu’il a peur, mais elle n’insiste pas , car elle ne pense pas que ce soit une
approche éducative pertinente. Elle estime qu’avec le temps, le désir
d’apprendre à faire du vélo arrivera.
Espaces de soins
• Pierre va volontiers chez le docteur, car il aime lui poser toutes les ques-
tions sur l’anatomie humaine. Il tolère et participe à tous les actes clas-
siques du pédiatre (p. ex. : vaccins, mensurations).
• L’enfant aime aller chez son coiffeur, car ce dernier est un passionné
de Lego© comme lui. Il y a de nombreuses constructions exposées au
salon de coiffure et Pierre les admire et les commente durant la séance
de coiffage.
240
• L’espace dentaire est très frustrant pour Pierre. Il n’aime pas s’y rendre
bien qu’il se laisse examiner sans trop de résistance. Pierre dit à propos
du dentiste : « ça sent la mauvaise odeur, mais comme c’est important
pour mon fonctionnement et mon bien-être biologique, je dois le faire.
Mais ça sent vraiment la mauvaise odeur, celle du dentifrice. »
Espaces de déplacements
1. D
’ici à deux semaines, un approfondissement diagnostic est mis en
place :
a. Le recueil des données donne des indications précises quant à la pré-
sence d’un autisme, car les critères du DSM V sont présents (cha-
pitre 3). L’ergothérapeute, étant donné son profil de compétence, agit
si nécessaire à l’orientation vers les services adaptés (chapitre 2). Pour
la situation de Pierre, une priorité d’intervention est de clarifier la
dimension du diagnostic.
b. Les apparentes difficultés relationnelles qui sont en train de s’instau-
rer entre les personnes significatives pour Pierre (école et famille)
sont une priorité d’action. Un diagnostic clair soutient la collabora-
tion entre les diverses parties impliquées donnant des explications,
basées sur des critères précis, aux comportements de l’enfant.
c. L’interprétation des comportements par la maîtresse et par la famille
sont discordantes. Cette situation limite la mise en place d’un projet
coordonné entre les différents acteurs impliqués (début du chapitre 7).
241
242
3. D’ici à trois mois, Pierre joue avec deux compagnons de façon satis-
faisante pour tous durant la récréation à un jeu de ballons :
a. Le jeu de ballon est probablement complexe pour Pierre autant pour
des raisons de respect des règles sociales que pour des raisons de
coordination motrice.
b. Le travail en séance individuelle en ergothérapie se concentre sur la
prise du ballon en partant du jeu de balle que Pierre aime le plus,
et qu’il aimerait mettre en place avec ses camarades (chapitre 6).
Comme il s’agit d’un jeu collectif, il est pertinent de proposer à Pierre
des séances d’ergothérapie en groupe.
c. Afin de travailler sur les contextes de vie, favorisant ainsi la réus-
site des objectifs centrés sur l’occupation ludique (chapitre 6), des
séances aux parcs de jeux sont planifiées dès que Pierre a développé
des compétences motrices suffisantes pour les mettre en place dans
un contexte social. Il est possible d’intégrer les partenaires de jeux et
de développer une approche médiée par les pairs (chapitre 5).
d. Les règles sociales liées au jeu de balles sont rendues visuelles (cha-
pitre 2) et sont reprises lors d’un moment narratif à la maison avec
la mère (chapitre 5). De même, la présence de la maman durant les
sessions faites au parc de jeu est essentielle afin qu’elle puisse pro-
gressivement répondre à son besoin occupationnel de fréquenter ce
milieu avec d’autres parents en toute sérénité (chapitre 2).
e. Pour une meilleure intégration du jeu de balle dans les contextes
de vie de Pierre, l’implication active de l’enseignante est suggérée
et répond aux principes de la collaboration interprofessionnelle
(chapitre 2). La maîtresse peut par exemple utiliser les adaptations
élaborées en thérapie durant les heures de gymnastique. Des acti-
vités réalisées classiquement durant ces heures scolaires peuvent
être entraînées durant les sessions d’ergothérapie afin d’améliorer
la performance de Pierre.
f. Si le contexte le permet, il est fortement recommandé d’intervenir directe-
ment dans l’école durant les moments de la récréation afin d’aider Pierre
à atteindre son objectif occupationnel avec succès (début du chapitre 7).
243
244
5. Outils d’apprentissage
5.1. Mots-clefs
245
Références
Bowmann, J., Mogensen, L., & Lannin, N. (2017). Writing occupation-focused goals.
In M. Curtin, M. Egan, & J. Adams (Eds.). Occupational therapy for people
experiencing illness, injury or impairment : Promoting occupation and partici-
pation (7th ed., pp. 308‑319). Edinburgh, Scotland: Elsevier.
Chisholm, D., & Boyt Schell, B. (2014). Overview of occupational therapy process and
outcomes. In B. Schell, G. Gillen, M. Scaffa, & E. Cohn (Eds.), Willard and
Spacksman’s occupational therapy (12th ed., pp. 266‑280). Philadelphia, PA :
Lippincott, Wiliams & Wilkins.
Fisher, A. & Griswold, L. (2009). Occupational therapy intervention process model :
A model for planning and implementing top down client centered and occupa-
tion based intervention. Fort Collins, CO : The Star Press.
Kiresuk, T., Smith, A., & Cardillo, J. (1994). Goal Attainment Scaling : Applications,
theory and measurement. Hillsdale, MI : Lawrence Erlbaum Associates.
Levack, W., Dean, S., McPherson, K., & Siegert. (2015). Evidence-based goal setting :
cultivating the science of rehabilitation. In R. J. Siegert & W. M. M. Levack
246
(Eds.), Rehabilitation goal setting : Theory, practice and evidence (pp. 21‑44).
Boca Raton, FL : CRC Press, Taylor & Francis.
McCullough, S. (2014). Planning and implementing interventions. In W. Bryant,
J. Fieldhouse & K. Bannigan (Eds.), Creek’s occupational therapy in mental
health (5th ed., pp. 86‑102). Edinburgh, Scotland : Churchill Livingstone.
McPherson, K., Kayes, N., & Kersten, P. (2015). MEANING as a Smarter Approach to
Goals in Rehabilitation. In R. J. Siegert & W. M. M. Levack (Eds.), Rehabilitation
goal setting : theory, practice and evidence (pp. 105‑119). Boca Raton, FL : CRC
Press, Taylor & Francis.
Meyer, S. (2007). Démarches et raisonnements en ergothérapie. Lausanne, Suisse :
Haute école de travail social et de la santé.
Meyer, S. (2013). De l’activité à la participation. Bruxelles, Belgique : De Boeck.
Park, S. (2009). Goal setting in occupational therapy : A client centered perspective.
In E. Duncan (Ed.), Skills for practice in occupational therapy (pp. 105‑122).
Edinburgh, Scotland : Churchill Livingstone.
Park, S. (2011). Setting and evaluating person-centered goals : An outcome of occu-
pational analysis. In L. Mackenzie & G. O’Toole (Eds.), Occupation analysis in
practice (pp. 312‑328). Chichester, United Kingdom : Wiley-Blackwell.
Pollock, N. & Missiuna, C. (2015). PEGS, the Perceived Efficacy and Goal Setting
System (2nd ed.). Hamilton, ON : CanChild.
Pollock, N., Missiuna, C., & Jones, J. (2017). Occupational goals setting with child-
ren and families. In S. Rodger & A. Kennedy-Behr. Occupation-centered prac-
tice with children (2nd ed., pp. 91‑109). Chichester, United Kingdom : Willey
Blackwell.
Prizant, B. M., Wetherby, A. M., Rubin, E., Laurent, A. C., & Rydell, P. J. (2006). The
SCERTS™ model : A comprehensive educationnal approach for children with
autism spectrum disorders (volume II : program planning and intervention).
Baltimore, MA : Paul H. Brookes.
Radomski, M. V. (2014). Planning, guiding, and documenting. In C. Trombly
& M. V. Radomski. Occupational therapy for physical dysfunction (6th ed.,
pp. 40‑63). Philadelphia, PA : Lippincott Williams & Wilkins.
Rossini, E., Meyer, S., & Margot, I. (2014). Recommandations pour la formulation des
objectifs en ergothérapie. Berne, Suisse : Association suisse des ergothérapeutes
(ASE). Récupéré à http://www.ergotherapie.ch
Rossini, E., & Tétreault, S. (2019). Espaces d’Engagement et de Promotion de la
Participation Sociale (EEPPS) : Explorer la participation sociale en ergothé-
rapie. In M.-H. Izard, Expériences en ergothérapie : 32e série (pp. 210‑217).
Montpellier, France : Sauramps Médical.
Sames, K. (2015). Documenting occupational therapy practice (2nd ed.). Boston, MA :
Pearson.
247
Sugavanam, T., Mead, G., Bulley, C., Donaghy, D., & van Wijck F. (2013). The effects
and experiences of goal setting in stroke rehabilitation : A systematic review.
Disability and Rehabilitation, 35,177‑90.
Vroland-Nordstrand, K., Eliasson, A.-C., Krumlinde-Sundholm, L., & Johansson,
U. (2017). Parents’ experiences of conducting a goal-directed intervention
based on children’s self-identified goals, a qualitative study. Scandinavian
Journal of Occupational Therapy, 25(4), 243‑251.
Wade, D. T. (2009). Goal setting in rehabilitation : An overview of what, why and
how. [Editorial Introductory]. Clinical Rehabilitation, 23(4), 291‑295.
Wiart, L. (2015) Goal setting in pediatric rehabilitation. In R. J. Siegert & W. M.
M. Levack (Eds.), Rehabilitation goal setting : Theory, practice and evidence
(pp. 291‑304). Boca Raton, FL : CRC Press, Taylor & Francis.
248
Chrétien-Vincent Myriam
Ergothérapeute diplômée de l’Université Laval et travaillant au Centre intégré de santé
et de services sociaux de Chaudière-Appalaches, Québec, Canada. Programme en
déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme et doctorante au Centre
interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale, Université
Laval, Québec (Canada).
Ergothérapeute auprès d’enfants avec autisme depuis 2010, elle a œuvré dans des pro-
grammes de dépistage et d’intervention pour les 0‑12 ans. Elle est actuellement doc-
torante en sciences cliniques et biomédicales à l’Université Laval et étudiante affiliée
au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale au
Québec. Dans ses travaux, elle s’intéresse à l’efficacité des interventions sensorielles
afin de favoriser la participation de l’enfant au quotidien.
Dechambre Delphine
Ergothérapeute diplômée à Paris, France. Diplôme universitaire « Autisme et
troubles apparentés » à l’Université de Tours. Praticienne certifiée par le programme
TEACCH® de l’Université de Caroline du Nord, USA. Exercice en libéral, Cabinet La
Main Tendue, à Montrais (France).
Delphine Dechambre exerce en qualité d’ergothérapeute dans différents établisse-
ments français dédiés à l’accueil de personnes avec autisme. D’influence cognitivo-
comportementale, elle est praticienne certifiée par le programme TEACCH® de
l’Université de Caroline du Nord, USA. Elle intervient pour la supervision des équipes
spécialisées auprès d’enfants et adultes avec autisme. Son expérience l’invite à repré-
senter l’ergothérapie au niveau national, notamment auprès de la Haute Autorité de
Santé lors de l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques.
Meyer Sylvie
Professeure associée, filière Ergothérapie, Haute École de travail social et de la
santé (HETSL), Lausanne (Suisse). Haute école spécialisée de Suisse occidentale
(HES-SO).
251
Ray-Kaeser Sylvie
Professeure associée, co-doyenne responsable de la filière Ergothérapie de la Haute
École de travail social et de la santé (HETSL), Lausanne (Suisse). Haute école spéciali-
sée de Suisse occidentale (HES-SO).
Sylvie Ray-Kaeser est ergothérapeute. Elle enseigne les modèles et méthodes d’inter
vention s’adressant aux enfants et adolescents. Ses recherches et publications sur le
jeu ont été développées dans le cadre du réseau COST LUDI (www.ludi-network.eu).
Elle s’intéresse en particulier à la participation au jeu des enfants ayant un trouble
neurodéveloppemental comme l’autisme et à l’évaluation de la facilité d’usage et de
l’accessibilité des jouets (www.tuet.eu).
Rossini Emmanuelle
Professeure ordinaire, filière ergothérapie SUPSI (Scuola Universitaria Professionale
della Svizzera Italiana ; École Universitaire Professionnelle de la Suisse italienne),
directrice du centre Ergoterapia3A (Suisse). Maîtrise en art en autisme et intervention
précoce, Université Laval (Canada).
Emmanuelle Rossini est ergothérapeute en Suisse italienne. Au-delà de son activité
d’enseignante et de sa participation à plusieurs recherches, elle dirige un cabinet
spécialisé dans l’autisme et les troubles neurodéveloppementaux. Elle a développé la
méthode SAS et travaille selon une approche centrée sur la famille et la communauté,
développant des projets sur les compétences sociales, les émotions, l’inclusion sociale
et l’autodétermination.
Thommen Evelyne
Professeure honoraire Haute École de travail social et de la santé (HETSL), Lausanne
(Suisse). Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO).
Evelyne Thommen a été professeure dans le domaine du développement de l’enfant
et des troubles du développement. Elle est spécialisée dans la manière dont se déve-
loppent les théories de l’esprit chez l’enfant, sa compréhension et sa régulation des
émotions. Les troubles neurodéveloppementaux comme l’autisme et les troubles du
développement intellectuel sont au centre de ses enseignements. Au bénéfice d’un
doctorat (1990) et d’une habilitation (1997) dans le domaine de la psychologie du
développement, elle est également ergothérapeute. Elle coordonne le certificat de for-
mation continue en autisme et l’Observatoire du trouble du spectre de l’autisme.
252
Tétreault Sylvie
Professeure à la retraite, filière ergothérapie Haute École de travail social et de la santé
(HETSL), Lausanne (Suisse). Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO).
Professeure associée à l’école de criminologie et de Service social, Université Laval,
Québec (Canada).
Sylvie Tétreault a travaillé comme professeure en ergothérapie de 1985 à 2019
(Université Laval et Haute École de santé de Suisse occidentale). Elle a une forma-
tion en ergothérapie (1981), une maîtrise en sciences cliniques (1985) et un docto-
rat en service social (1992). Elle a publié plus d’une centaine d’articles et réalisé de
nombreuses conférences scientifiques à travers le monde. Ses intérêts de recherche
concernent la personne en situation de handicap, sa famille et les différentes stratégies
pour les soutenir dans leur développement respectif.
253
Préface................................................ XI
Préface.............................................. XIII
Chapitre 1 Introduction.................................. 1
1. Avant-propos........................................... 1
2. Origine du guide......................................... 1
3. Principes directeurs du guide................................ 2
4. Organisation du guide..................................... 3
Chapitre 2 Ergothérapie et autisme : généralités............. 7
Introduction.............................................. 7
1. État de la situation actuelle.................................. 8
1.1.. Changement du paradigme vers une approche centrée sur l’occupation.. 8
1.2.. Retombées de l’intervention en ergothérapie sur le jeune enfant
présentant un autisme................................. 11
2. Approche centrée sur la famille en ergothérapie................... 13
2.1..Introduction....................................... 13
2.2..Définition......................................... 14
2.3..Principes.......................................... 15
2.4.. Illustrations de l’application de l’approche.................... 15
2.5..Conclusion........................................ 17
3. Approches communautaires en ergothérapie..................... 17
3.1..Introduction....................................... 17
3.2..Définition......................................... 18
255
256
257
258
259
L’ergothérapie
L’ergothérapeute est alors un intervenant essentiel pour favoriser le
développement harmonieux du jeune enfant avec autisme. Les interventions
en ergothérapie se caractérisent par l’analyse des occupations, des
environnements physiques et sociaux (membres de la famille, entourage,
et l’enfant
personnel soignant, accompagnants scolaires, camarades) de l’enfant.
L’implication de tous ces individus dans le suivi de l’enfant permet
à l’ergothérapeute de construire avec eux des solutions réalistes et
respectueuses du potentiel de chacun afin de faciliter leur vie quotidienne.
avec autisme
La démarche ergothérapique auprès d’enfants avec autisme de la naissance
à 6 ans est décrite et illustrée par de nombreux exemples. Dans ce livre,
les pratiques proposées se fondent sur les preuves scientifiques récentes.
La phase d’observation, l’analyse des besoins, l’exploration des différents
de la naissance
espaces de vie ainsi que la mise en place de solutions individualisées sont
détaillées. L’ouvrage examine les différentes retombées des actions en
ergothérapie, tout en abordant des particularités :
à 6 ans
sensorielles,
ludiques,
motrices,
de la cognition sociale.
Le processus de raisonnement clinique en ergothérapie est illustré par
trois histoires de vie. Elles donnent des exemples concrets de formulation
d’objectifs centrés sur l’occupation et de méthodes d’intervention avec Guide de pratique
l’enfant et son entourage.
ISBN 978-2-3532-7393-5
www.deboecksuperieur.com