Date de parution de l'oeuvre étudiée: 2010 aux éditions Folio essais
La société de consommation est un ouvrage sociologique analysant la société dans un contexte post Trente Glorieuses, synonyme d'abondance, de consommation de masse et de matérialisme déconcertant. Jean Baudrillard y dénonce la consommation comme étant contre productive, nuisant ainsi au capitalisme des sociétés occidentales. La consommation alimente notre quotidien mais notre quotidien alimente à la long terme la destruction de notre rationalité économique et celle de notre différenciation sociale.
I- La dimension économique par la production
Que ce soit en 1970 ou de nos jours, l'analyse de Baudrillard est toujours valable. Les individus sont victimes d'une dépendance à la consommation qu'il cherchent à justifier à travers l'abondance comme droit naturel, invoquant des normes et de valeurs sociales culturelles. En effet, l'achat compulsif devient inévitable car la méconnaissance pousse nos désirs à se manifester pour atteindre un certain bonheur. Le consommateur est sans cesse manipulé par des signes, soit une communication de masse pour l'inciter à consommer en masse sous prétexte de sublimer sa vie. Mais ce dont n'a pas conscience l'individu, c'est que la société incite au gaspillage et condamne des biens éphémères à une destruction volontaire. C'est ce que Baudrillard appelle la "sociologie(ou civilisation) poubelle". La consommation est forcée à perpétuité.
On pourrait croire que l'abondance favorise la discrimination sociale en raison des pouvoirs d'achats inégaux selon les classes sociales, mais la consommation des biens de premières nécessité à gagné toutes les classes. En revanche, le discrimination liée à la qualité est belle est bien réelle. " La société s'articule à la fois sur un excédent structurel et sur une pénurie structurelle." La recherche d'ascension sociale des classes moyennes les confronte à une consommation illimitée pour faire valoir leur prestige social. Les économistes idéalistes s'imaginent que la consommation est proportionnelle au revenu et qu'un équilibre se fait entre les basses et les hautes classes sociales mais on observe une surconsommation des plus pauvres pour compenser l'épargne des riches. C'est pourquoi Baudrillard dénonce la supercherie de l'Homo economicus. Ainsi les individus consomment par soucis de concurrence et la publicité entretient cette aspiration de mobilité sociale. En manipulant l'humanité toute entière, le système productif peut choisir une production collective. Galbraith parle de "filière inversée" dans laquelle "les besoins sont le fruit de la production".
La publicité n'est finalement qu'une enveloppe du contrat marchand sous les auspices de la gratuité, ce que l'individu a tendance à nier. L'échange de signes qui s'opère tisse une production de relation à laquelle on restera indéniablement fidèle. Nous sommes impuissants face au cycle de l'échange infini. Ainsi, la rareté n'existe pas.
Enfin, la société de consommation est à l'image d'une gigantesque vitrine, lien de communication entre l'acheteur et l'acte même de consommer. Des biens accessibles visuellement mais pas concrètement accentuent la tentation.
II- La dimension psychologique par l'intégration
Certaines dérives comme le kitsch permettent de faire impression de prestige social mais en tant que miroir de l'authenticité, la fascination n'est pas la même. En revanche, la publicité fait passer le gadget comme indispensable, tout comme elle fait passer les désirs pour des besoins sans limite. Le vrai besoin n'existe pas, on consomme pour le prestige, le confort. La publicité a le don de promouvoir le "quelque chose en plus". La consommation fonctionne alors plus sur les signes que sur l'utilité primaire des biens. Ainsi la publicité est anesthésiante, assimilée et intériorisée inconsciemment donc devient invisible. Le consommateur décode sans le savoir un message anodin, coupable de l'acte même de consommation. Le message subliminal n'aurait donc pas disparu. La publicité a toujours une longueur d'avance pour analyser et comprendre les attentes des consommateurs avant même qu'ils n'en aient eu conscience.
En voulant s'intégrer dans le système social, les individus cherchent à consommer ce qui leur donnera une image prestigieuse. Mais ce que nous consommons n'est que le reflet de nous même, donc cette pratique est vaine. Les individus se posent une contrainte de bonheur("Fun-morality")qui les poussent à consommer pour le satisfaire à tous moments et en particulier depuis la création du crédit qui ne marque pas de barrière visible. Le budget n'est donc plus un obstacle à la volonté de prestige social.
De plus, l'image est devenue une référence sociale à préserver. A partir du moment où on se plait, on peut plaire aux autres, et la publicité l'a très bien compris. C'est pourquoi elle s'adapte aux valeurs culturelles, et distingue les aspirations homme/femme pour former une complémentarité parfaite à travers la volonté de plaire. Cependant elle peut même aller jusqu'à inverser les ambitions pour doubler la consommation. Le corps fait vendre, et il est même selon Baudrillard "le plus bel objet de consommation". Dans une société basée sur l'apparence(reflet du statut social) la beauté est fonctionnelle. L'esthétique et la santé sont devenu matériel d'échange rentable dans une société où les valeurs sont devenues des normes. Ainsi, la publicité joue sur la sexualité consommée contre laquelle la censure ne peut rien. En manipulant l'inconscient, elle fait allusion à nos phantasmes que l'on assouvit en consommant.
Par ailleurs, l'individu a peur de l'ennui donc il doit toujours occuper son temps. Là est la fonction première des loisirs: l'impossibilité de perdre son temps. Le temps deviens argent, il devient également liberté et il est l'idéologie même du travail aliéné. Selon Baudrillard, le loisir est "une valeur noble" qui rythme l'échange, qu'il soit économique ou social.
III- La dimension politique par le contrôle social
Le désir individuel n'a pas sa place dans la société de consommation, donc la société n'est pas une démocratie. L'individu se conditionne inconsciemment. En voulant se dédifférencier, on se conforme. De façon globale, la société diffuse des signes que les individus assimilent individuellement, mais comme c'est le même message, les désirs deviennent collectifs. En idéalisant la conformité, la publicité n'a aucun mal à répondre aux besoin d'un "standard package" créé par les entreprises. Elle vend du bonheur pour que les individus fassent leur part de travail social, c'est à dire, consommer. Elle a réponse à tout, et va même jusqu'à faire du recyclage culturel, ce qui est totalement irrationnel. Un cycle de renouvellement et alors considéré comme un appel à la consommation car la mode oblige la conformité.
L'individu est constamment manipulé contre son grès par les médias. Par le biais de la diffusion de la plus petite culture commune, ils imposent une standardisation pour cibler un maximum de personnes. La culture suit le même chemin en créant deux marchés parallèles: le premier, celui des connaisseurs et le second, plus abordable afin d'établir une dimension socioculturelle accessible au citoyen moyen. C'est ainsi que ce crée la culture de masse dans laquelle la culture est devenue objet de consommation soumis à la demande.
De plus, journalistes et publicitaires reconstruisent délibérément l'objet pour en présenter les aspects positifs. Il devient donc nécessaire de distinguer le vrai du faux (Analyse de Boorstin). Mais sans référence, comment distinguer le mensonge de la vérité? La publicité utilise alors la "selffulfilling" (la parole qui se réalise de part sa profération même). Elle ne promet pas, elle fait espérer en invitant le consommateur à vérifier le mythe véhiculé par la tautologie du slogan. Nous avons aujourd'hui besoin de sincérité mais cette sincérité est vainement consommée.
Enfin, la société de consommation est menacée par le spectre de la fragilité, c'est à dire que l'abondance et indissociable de la violence. Cette violence est liée à une accoutumance à la profusion pouvant mener à l'anomie perturbant la cohésion sociale selon Durkheim. L'abondance force à consommer, générant ainsi un sentiment de culpabilité mais la culpabilité et l'angoisse font consommer. Le consommateur est donc à la merci de la société caractérisée par la passivité et la violence qui entraînent l'euphorie et la dépression. Baudrillard démontre alors l'inversion de la philosophie hippie qui accroît finalement le sentiment de culpabilité, donc la consommation.
Conclusion
La société de consommation réveille et stimule nos vices, soit nos sept pêchés capitaux. C'est pourquoi, faire partie de cette société nous pousse à signer un pacte avec le diable.
La société de consommation et l'abondance serait un mythe. A force de faire croire qu'elles existent, elles paraissent réelles. La consommation est donc une utopie réalisée.