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Jusqu'ici toute l'analyse de la consommation se fonde sur l'anthropologie naïve de l'homo

economicus...Aucune théorie de la consommation n'est possible à ce niveau. Cette mythologie rationaliste


sur les besoins et les satisfactions est aussi naïve et désarmée que la médecine traditionnelle devant les
symptômes hystériques ou psychosomatiques...Si on traque le besoin à un endroit, c'est-à-dire si on le
satisfait en le prenant à la lettre, en le prenant pour ce qu'il se donne (le besoin de tel objet), on fait la
même erreur qu'en appliquant une thérapeutique traditionnelle à l'organe où se localise le symptôme.
Aussitôt guéri ici, il se localise ailleurs...
Le besoin n'est jamais tant le besoin de tel objet que le besoin de différence ( le désir du sens social). On
comprendra qu'il ne puisse jamais y avoir de satisfaction accomplie, ni de définition du besoin...Dans la
logique des signes comme dans celle des symboles, les objets ne sont plus du tout liés à une fonction ou à
un besoin défini...ils répondent à tout autre chose, qui est soit la logique sociale, soit la logique du
désir...Ainsi l'automobile sert comme ustensile et joue comme élément de confort , de prestige etc... C'est
proprement ce dernier champ qui est celui de la consommation...
Selon, cette hypothèse-et aussi paradoxal que cela paraisse- la consommation se définit comme exclusive
de la jouissance...On jouit pour soi, mais quand on consomme, on ne le fait jamais seul.
L'imprévoyance et la prodigalité collectives, caractéristiques des sociétés primitives, sont le signe de
l'abondance réelle. Nous n'avons que les signes de l'abondance. La pauvreté ne consiste ni en une faible
quantité de biens, ni en un rapport entre des fins et des moyens: elle est avant tout un rapport entre les
hommes. Il n'est donc pas paradoxal de soutenir que dans nos sociétés "d'abondance", l'abondance est
perdue, et qu'elle ne sera pas restituée par un surcroît de productivité à perte de vue, par la libération de
nouvelles forces productives. C'est la logique sociale qui a fait connaître aux primitifs la première (et la
seule) société d'abondance. C'est notre logique sociale qui nous condamne à une pénurie luxueuse et
spectaculaire. J. Baudrillard, La Société de Consommation (1970)

Jusqu'ici toute l'analyse de la consommation se fonde sur l'anthropologie naïve de l'homo


economicus...Aucune théorie de la consommation n'est possible à ce niveau. Cette mythologie rationaliste
sur les besoins et les satisfactions est aussi naïve et désarmée que la médecine traditionnelle devant les
symptômes hystériques ou psychosomatiques...Si on traque le besoin à un endroit, c'est-à-dire si on le
satisfait en le prenant à la lettre, en le prenant pour ce qu'il se donne (le besoin de tel objet), on fait la
même erreur qu'en appliquant une thérapeutique traditionnelle à l'organe où se localise le symptôme.
Aussitôt guéri ici, il se localise ailleurs...
Le besoin n'est jamais tant le besoin de tel objet que le besoin de différence ( le désir du sens social). On
comprendra qu'il ne puisse jamais y avoir de satisfaction accomplie, ni de définition du besoin...Dans la
logique des signes comme dans celle des symboles, les objets ne sont plus du tout liés à une fonction ou à
un besoin défini...ils répondent à tout autre chose, qui est soit la logique sociale, soit la logique du
désir...Ainsi l'automobile sert comme ustensile et joue comme élément de confort , de prestige etc... C'est
proprement ce dernier champ qui est celui de la consommation...
Selon, cette hypothèse-et aussi paradoxal que cela paraisse- la consommation se définit comme exclusive
de la jouissance...On jouit pour soi, mais quand on consomme, on ne le fait jamais seul.
L'imprévoyance et la prodigalité collectives, caractéristiques des sociétés primitives, sont le signe de
l'abondance réelle. Nous n'avons que les signes de l'abondance. La pauvreté ne consiste ni en une faible
quantité de biens, ni en un rapport entre des fins et des moyens: elle est avant tout un rapport entre les
hommes. Il n'est donc pas paradoxal de soutenir que dans nos sociétés "d'abondance", l'abondance est
perdue, et qu'elle ne sera pas restituée par un surcroît de productivité à perte de vue, par la libération de
nouvelles forces productives. C'est la logique sociale qui a fait connaître aux primitifs la première (et la
seule) société d'abondance. C'est notre logique sociale qui nous condamne à une pénurie luxueuse et
spectaculaire. J. Baudrillard, La Société de Consommation (1970)
Mythification et mystification

Le mythe a pour charge de fonder une intention historique en nature, une contingence en éternité. Ce que
le monde fournit au mythe, c’est un réel historique, défini, si loin qu’il faille remonter, par la façon dont
les hommes l’ont produit ou utilisé ; et ce que le mythe restitue, c’est une image naturelle de ce réel. Le
mythe est constitué par la déperdition de 1a qualité historique des choses : les choses perdent en lui le
souvenir de leur fabrication. Une prestidigitation s’est opérée, qui a retourné réel, l’a vidé d’histoire et l’a
rempli de nature, qui a retiré aux choses leur sens humain. Le mythe ne nie pas les choses. Sa fonction est
au contraire d’en parler ; simplement, il les purifie, les innocente , les fonde en nature et en éternité. En
passant de l’histoire à la nature, le mythe fait une économie : il abolit la complexité des actes humains,
leur donne la simplicité des essences. La fin même des mythes, c’est d’immobiliser le monde : il faut que
les mythes suggèrent et miment une économie universelle qui a fixé une fois pour toutes la hiérarchie des
possessions. Ainsi, chaque jour et partout, l’homme est arrêté par les mythes, renvoyé par eux à ce
prototype immobile qui vit à sa place, l’étouffe à la façon d’un immense parasite interne et trace à son
activité les limites étroites où il lui est permis de souffrir sans bouger le monde : la pseudo-physis est
pleinement un interdiction à l’homme de s’inventer. Les mythes ne sont rien d’autre que cette sollicitation
incessante, infatigable, cette exigence insidieuse et inflexible, qui veut que tous les hommes se
reconnaissent dans cette image éternelle et pourtant datée qu’on a construit d’eux un jour comme si ce dût
être pour tous les temps. Car la Nature dans laquelle on les enferme sous prétexte de les éterniser, n’est
qu’un usage. R. Barthes : Mythologies

D’un certain usage de la nature dans la rhétorique politique

Présenter les choses comme naturelles est un moyen éprouvé pour dissimuler leur caractère politique. Le
recours à la nature, comme Roland Barthes l'a montré dans son essai Mythologies, est un artifice
idéologique qui vise à innocenter des réalités qui n'ont rien de naturel. Cette naturalisation du politique
s'effectue souvent par le biais des métaphores. Que l'on déplore les tempêtes monétaires, la maladie du
chômage ou les fractures sociales, on présente le monde humain et ses victimes comme un ordre des
choses dont toute responsabilité politique serait absente, ce qui en interdit à la fois l'analyse et la
contestation. Les images biologiques sont devenues de plus en plus fréquentes : des expressions comme
muscler l’économie, dégraisser les entreprises ont admirablement décrit en termes de salubrité les
licenciements économiques. Il n'y a pas longtemps, le gouvernement préparait dans le même esprit, une
loi de respiration du secteur public. Et quotidiennement. à la télévision, on entend présenter les minutes
rituelles de conditionnement commercial en ces termes : “ Maintenant nous allons respirer avec une page
de publicité ”. F. Brune, Le Monde Diplomatique

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