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Institut Catholique de Toulouse

Institut de Formation des Enseignants Catholique de Midi-Pyrénées

L’efficacité du travail de groupe chez les enfants


intellectuellement précoces

Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master des Métiers de l’enseignement,


de l’éducation et de la formation

Sous la direction de Madame Ouali

Présenté par Gaëtan DANIEL

Soutenu le vendredi 24 aout 2018


Remerciements

En premier lieu, je tiens à remercier Madame Sonia OUALI, directrice de ce mémoire, pour
sa patience, son écoute et pour ses judicieux conseils qui m’ont permis d’avancer tout au long
de cette recherche.

Un grand merci aussi à Madame Catherine VIES, Madame Ludivine Gras, ainsi qu’à
l’ensemble du corps enseignant de l’école Arborescence de La Salvetat-Saint-Gilles pour nous
avoir ouvert les portes de leur établissement. Merci de l’intérêt que vous avez porté à mon
étude et pour les multiples encouragements que vous m’avez prodigués.

Je souhaiterais également exprimer ma gratitude envers l’intégralité des enfants ayant


participé à mon étude. Je vous remercie de votre implication et de votre enthousiasme qui ont
permis à cette étude de voir le jour.

Enfin, je souhaitais remercier ma famille et mes proches pour leur soutien, leur intérêt, leurs
encouragements et notamment Monsieur Guillaume BACON SOUEIX pour son travail de
relecture orthographique et son regard critique.
Table des matières

I. Introduction ........................................................................................................................ 1
II. L’état de l’art ...................................................................................................................... 4
1. La précocité Intellectuelle .............................................................................................. 4
1.1. Eléments de définition ............................................................................................. 4
1.2. Les caractéristiques développementales de l’Enfant Intellectuellement Précoce .... 5
1.2.1. La question du Quotient Intellectuel (QI)......................................................... 5
1.2.2. La particularité de leur pensée .......................................................................... 6
1.2.3. Le développement psychoémotionnel de l’Enfant Intellectuellement Précoce.7
1.3. L’impact de leur particularité développementale sur le plan scolaire ..................... 9
2. Le travail de groupe : intérêts et bases théoriques ....................................................... 11
2.1. Eléments de définition et intérêts ........................................................................... 11
2.2. Les piliers théoriques du travail de groupe ............................................................ 12
2.2.1. Le socioconstructivisme ................................................................................. 12
2.2.2. L’apprentissage vicariant ................................................................................ 13
2.2.3. L’interdépendance sociale .............................................................................. 14
3. Le travail de groupe, conceptions et méthodes d’enseignement .................................. 16
3.1. L’apprentissage coopératif ..................................................................................... 16
3.1.1. Eléments de définition .................................................................................... 16
3.1.2. Les intérêts et limites de l’apprentissage coopératif ....................................... 17
3.2. La catégorie des méthodes d’apprentissage informels de groupe .......................... 18
3.3. Le Jigsaw teaching 2 ou coopération en groupe d’experts .................................... 19
3.3.1. Présentation et intérêts de la méthode ............................................................ 19
3.3.2. L’exemple d’une étude expérimentale en classe de CE2 ............................... 19
4. La problématique.......................................................................................................... 21
III. La partie Empirique .......................................................................................................... 22
1. Les participants ............................................................................................................ 22
2. Le matériel.................................................................................................................... 23
2.1. Un objet d’apprentissage : Le Rubik’s cube .......................................................... 23
2.2. Une méthode de résolution : la méthode couche par couche ................................. 23
2.3. Une grille d’observation ........................................................................................ 24
3. Procédure ...................................................................................................................... 24
4. Hypothèses ................................................................................................................... 26
IV. L’analyse des résultats, des pratiques .............................................................................. 27
1. Présentation des tableaux et figures ............................................................................. 27
2. Interprétation des résultats et discussion. ..................................................................... 29
V. La partie réflexive ............................................................................................................ 35
1. Limites et perspectives ................................................................................................. 35
2. Les pistes de remédiation ............................................................................................. 38
VI. Conclusion ........................................................................................................................ 43
VII. Bibliographie .................................................................................................................... 45
VIII.Annexes ............................................................................................................................... I
Annexe A : Tableau des différents stades de développement cognitif selon la théorie
opératoire de l’intelligence de Piaget (1923) .......................................................................... I
Annexe B : Fiches de présentation du Rubik’s cube, du vocabulaire et des signes ...............II
Annexe C : Fiches explicatives des différentes phases de résolutions ................................. III
Annexe D : Fiches de notes récapitulatives des participants ............................................... IX
Annexe E : Grilles d’observation du test final ..................................................................... XI
I. Introduction

Le travail de recherche que nous avons mené trouve ses origines dans plusieurs sources
différentes. Tout d’abord, la problématique de la précocité est une question récurrente dans
notre famille. Sans que personne n’ait jamais été diagnostiqué, plusieurs membres ont, tout
comme nous, montré des prédispositions et des facilités au cours de leur parcours scolaire. En
outre, il y a quatre ans, lors de notre licence en psychologie, nous avons été interpellés par le
commentaire d’un professeur qui nous avait confié reconnaitre dans notre façon de réfléchir,
des points communs avec la précocité intellectuelle. Il s’agissait d’une question que nous nous
étions déjà posé sans pour autant la trouver justifiée pour notre situation. A la suite de cela,
nous avons décidé de réaliser notre stage de dernière année de licence dans le collège privée
Montalembert à Toulouse, auprès de classes de sixième constituées intégralement d’enfants
diagnostiqués intellectuellement précoce. Au cours de ce stage, nous avons été frappé par la
ressemblance qui existait entre leur façon de penser et la nôtre. Cette vivacité d’esprit, cette
pensée en arborescence nous ont véritablement touchés et nous trouvions qu’enseigner auprès
de cette population si vive, si complexe et en même temps attachante, pourrait être très
épanouissant. C’est à la suite de ce stage que nous avons pris la décision d’évoluer de la
psychologie vers l’enseignement. Ensuite, toujours au cours de notre cursus en psychologie,
une matière en particulier a retenu notre attention. La psychologie sociale et notamment la
question de l’influence du groupe sur l’individu. Il existe tant d’expériences dans ce domaine
de la psychologie qui fournissent des résultats et des conclusions surprenantes sur l’influence
que peut avoir le groupe sur les comportements d’un individu. L’un des premiers dossiers que
nous avons présenté au cours de notre licence portait sur la théorie historico-culturelle et
l’avènement du socioconstructivisme de Vygotsky. Il s’agit d’un sujet qui nous a
particulièrement tenu à cœur et pour lequel nous avons effectué des recherches qui
dépassaient le simple cadre du dossier demandé. Penser que l’apprentissage va du social vers
l’individuel, qu’il est le résultat de l’intériorisation d’une interaction sociale apportait un
nouvel éclairage à notre conception de l’enseignement, tout en semblant cohérent avec
l’expérience que nous pouvions en avoir.

Ainsi, au commencement de ce mémoire, nous voulions étudier le lien entre le


socioconstructivisme et la précocité intellectuelle. Conscients des problèmes de socialisation
de ces enfants, nous nous demandions comment certains pouvaient obtenir de très bons

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résultats scolaires si l’apprentissage résulte d’une interaction sociale. Notre première question
a donc été : Quelle peut être l’influence du socioconstructivisme sur la précocité
intellectuelle ? Cependant, après plusieurs recherches documentaires et une première tentative
de conception de protocole expérimental, nous avons réalisé que cette question n’était pas
suffisamment précise pour permettre une recherche valide. En effet, le socioconstructivisme
n’est pas une condition expérimentale en soi. Il s’agit d’une théorie qui conçoit
l’apprentissage comme la résultante d’une interaction sociale et qui a incité les professionnels
à revoir la façon dont ils transmettaient les connaissances aux apprenants. Mais, il existe de
très nombreux types d’interactions qui ne font pas forcément appel aux mêmes mécanismes et
qui fonctionnent selon des modalités différentes. Le socioconstructivisme est donc une théorie
et non une façon d’enseigner. A la suite de cette prise de conscience, nous avons recherché les
applications directes du socioconstructivisme dans le cadre d’un travail scolaire. Au cours de
cette recherche, nous nous sommes rappelé une phrase du référentiel du socle commun de
compétences, de connaissances et de culture (2015) appartenant au domaine 2, les méthodes et
outils pour apprendre qui explique que « L'élève travaille en équipe, partage des tâches,
s'engage dans un dialogue constructif, accepte la contradiction tout en défendant son point de
vue, fait preuve de diplomatie, négocie et recherche un consensus ». L’Education Nationale,
préconise donc une modalité de travail qui prend en compte l’aspect social de l’apprentissage,
le travail en groupe.

En outre, au cours de nos recherches documentaires, nous avons réalisés que la question de la
scolarisation des élèves à besoin éducatifs particuliers, et notamment celle des enfants
intellectuellement précoces était un sujet au cœur des préoccupations du gouvernement. En
effet, le 30 juin 2015, lors d’un débat parlementaire à l’Assemblée Nationale, une question est
soulevée par Marc Le Fur, à l’attention de Madame Vallaud-Belkacem, Ministre de
l’Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche à cette époque, sur la
prise en charge des élèves précoces et surdoués au sein des établissements scolaires. Le
constat est le suivant, le système scolaire est souvent peu adapté aux élèves présentant une
précocité intellectuelle. Il en résulte fréquemment une souffrance psychique voire un
décrochage scolaire pour ces élèves. Fort de ce constat, nous en sommes venus à nous
demander si la préconisation d’un mode de travail en groupe était adaptée aux difficultés
rencontrées par cette population. C’est ainsi que nous en sommes arrivés à la question de
départ de notre recherche : Le travail de groupe est-il efficace auprès des enfants
intellectuellement précoces ? Répondre à cette question permettrait non seulement, de mieux

2
comprendre les mécanismes d’apprentissages et la socialisation des enfants intellectuellement
précoces mais aussi de travailler des points particuliers du référentiel de compétences
professionnelles des métiers du professorat de l’éducation. Il s’agit notamment des
compétences 3 et 4 communes à tous les professeurs et personnels d’éducation, « Connaître
les élèves et les processus d’apprentissage » et « Prendre en compte la diversité des élèves »
mais aussi de la compétence P3, commune uniquement aux professeurs, qui s’intitule
« Construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage
prenant en compte la diversité des élèves. »

Afin de pouvoir répondre à ce questionnement, nous procèderons en plusieurs points :


Dans un premier temps, nous examinerons l’état de l’art relatif à notre sujet, en
commencement par la question de la précocité intellectuelle. Nous nous pencherons ensuite
sur les différents piliers théoriques du travail de groupe. Enfin, nous verrons plus en détail une
conception particulière du travail de groupe, l’apprentissage coopératif. Dans un deuxième
temps, nous présenterons la partie empirique de notre étude en proposant un échantillon, un
matériel, un protocole et des hypothèses qui permettent de répondre à notre question. Dans un
troisième temps, nous analyserons les résultats de notre étude. Pour se faire, nous
présenterons les résultats obtenus avant de les interpréter au regard de la littérature et de
certaines limites de notre expérience. Pour finir, nous reviendrons, dans une partie réflexive,
sur les différentes limites et points de progression inhérents à notre étude que nous avons pu
constater au cours de la rédaction de ce mémoire. Ensuite, nous proposerons des pistes de
réflexions afin d’y remédier.

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II. L’état de l’art

1. La précocité Intellectuelle

La précocité intellectuelle représente aujourd’hui un défi majeur pour l’Ecole de la


République qui se veut inclusive. Il existe, en effet, une véritable mécompréhension autour de
ce public. Leur reconnaissance est encore assez récente et les avis divergent encore sur la
façon de désigner cette population.

1.1. Eléments de définition

Enfants Intellectuellement Précoces (EIP), Enfants à Haut Potentiel (EHP) enfants surdoués,
toutes ces dénominations tentent de décrire la même population. Siaud-Facchin (2002) remet
en cause ces appellations en rappelant que le terme précoce sous-tend l'idée selon laquelle
l'enfant est simplement en avance sur son âge, les autres n'atteignant ses acquis ou son niveau
que quelques années plus tard. Le terme surdoué est encore aujourd'hui trop connoté par
l'image du petit génie. Quant à la désignation « Haut Potentiel », au même titre
qu'intellectuellement précoce, elle ne renvoi qu’à un aspect de sa personnalité. Or, ce n'est pas
le fait d'être en avance sur les autres qui caractérise ces enfants mais bien leurs particularités
intellectuelles, leur mode de pensée différent. Ainsi ces dénominations peuvent nuire à la
bonne compréhension de cette population. Un enfant surdoué est souvent précoce dans
certains apprentissages mais ce n’est pas toujours le cas. Et, c'est la spécificité de son
fonctionnement et non de sa précocité qui est pertinente pour l'aider et l'accompagner dans
son développement. L'auteur va donc les désigner sous le terme de zèbre : « un zèbre n'est-il
pas une désignation à la fois chaleureuse et imagée de ces enfants différents tout comme le
zèbre de la steppe se distingue des autres animaux mais vit néanmoins en harmonie avec la
plupart d'entre eux ? » (ibid, 2002, p.25). Gauvrit (2001), pour sa part, évoque le complexe de
l'albatros pour parler de cette population, en se référant au célèbre poème « L'albatros » de
Baudelaire. Selon lui, cet animal est une métaphore convaincante de l'enfant
intellectuellement précoce dans le sens où ces grandes ailes le gênent lorsqu'il est au sol mais
lui permettent de voler plus haut et plus longtemps dans les airs à l'instar de l'enfant surdoué
possédant une sensibilité incroyable lui permettant d'accéder à un mode de pensée différent et
riche mais le ralentissant dans ces contacts sociaux. Weismann-Arcache (2009), quant à elle,

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utilise l'analogie avec le conte moderne de 1998, Kirikou, réalisé par Michel Ocelot. Selon
elle le personnage de Kirikou incarne aussi une métaphore réaliste de l'enfant à haut potentiel.
Ce personnage possède plusieurs caractéristiques comme l’empathie, la maîtrise et
l’indépendance que l’on retrouve de manière récurrente chez ses enfants.

Les désignations sont donc diverses et variées. Les auteurs tentent, chacun à leur manière de
mettre en lumière un aspect particulier de cette population sans jamais trouver une désignation
consensuelle qui la représenterait dans sa globalité. Dans ce mémoire, nous utiliserons le
terme classique « Enfant Intellectuellement Précoce » (EIP), car, malgré son manque
d’exactitude, il s’agit d’un terme reconnu qui permet de faire une distinction simple entre
Enfant Intellectuellement Précoce (EIP) et Non Intellectuellement précoce (NIP). Cependant,
nous n’oublions pas que derrière chaque EIP se cache un zèbre, un albatros et un Kirikou.

1.2. Les caractéristiques développementales de l’Enfant Intellectuellement


Précoce

Il est tout d’abord important de préciser que les EIP ne constituent en aucun cas une
population homogène. C’est d’ailleurs là que réside l’une des principales difficultés dans le
repérage de ces enfants. Ainsi, « il est relativement difficile de définir un profil standard de
base permettant de les caractériser » (Deboucher, 2011, p.10). Cependant, il est possible de
définir un certain nombre de domaine dans lesquels ces enfants présentent des particularités
récurrentes. Le premier de ces domaines étant le Quotient Intellectuel

1.2.1. La question du Quotient Intellectuel (QI)

Bien que plusieurs auteurs comme Siaud-Facchin (2002), Terrassier (2005), ou Weismann-
Arcache (2009) insistent sur la qualité du fonctionnement intellectuel de ces enfants plus que
sur leur quantité, le quotient intellectuel, qui même s'il ne doit pas se suffire à lui-même, reste
une étape obligatoire dans l’établissement du diagnostic de précocité intellectuelle. Ce QI se
présente sous la forme d’un score chiffré compris entre 0 et 160, obtenu grâce à des tests
psychométriques passés par le sujet. Il en existe de plusieurs sortes mais ce sont les tests de
Wechsler que l’on rencontre le plus souvent dans le cas de la précocité intellectuelle et
notamment le Wechsler Intelectual Scale for Children (WISC) pour les enfants de six à seize
ans et onze mois. Ce WISC, dont c’est la cinquième édition, est composé de quinze subtests
dont douze sont issus de la précédente version du WISC et pour lesquels les consignes, les

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items et les cotations ont été revus. Les résultats de ces subtests sont répartis selon cinq
indices principaux qui expriment le niveau de performance de l’enfant pour chacune des
grandes fonctions cognitives : la compréhension verbale, le raisonnement fluide, les aptitudes
visuo-spatiales, la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Ces cinq indices, une fois
combinés, donnent l’Echelle Totale qui permet de calculer le Quotient Intellectuel Total
(QIT). Toutefois, il subsiste encore aujourd’hui des débats sur le seuil d'admissibilité reconnu
pour permettre le diagnostic. En effet selon les auteurs, ce seuil va varier entre 125 et 130
points ce qui illustre encore une fois la méconnaissance que nous pouvons avoir de ces
enfants. Ainsi, en fonction de ces seuils d’admissibilité, adjoints à la courbe de Gauss, va se
dégager une proportion EIP dans la population française aux alentours de 2,3 % mais
« certains élèvent la proportion à 5 % en tenant compte des seuls indices supérieurs à 130
dans un profil non homogène » (Momiron, 2014, p.1).Néanmoins, il est impossible de réduire
l’EIP à la simple mesure de son quotient intellectuel. En effet, « l'identification d'enfants
intellectuellement précoces sur la seule base d'un QI est excessivement réductrice. Le QI peut
servir de premier indicateur, en aucun cas il doit être le seul » (Planche, 2010, p.523). Non
seulement, le QI ne permet pas réellement de rendre compte de l'intelligence de ces enfants,
celle-ci différant de celle des autres par un aspect qualitatif et pas uniquement quantitatif,
mais, en outre, il existe d'autres caractéristiques fondamentales d’ordre affectif et social
propres à cette population qui ne sont pas prises en compte par ce test.

1.2.2. La particularité de leur pensée

Le fonctionnement intellectuel, la manière de penser des EIP, diffère de celle des autres par
plusieurs aspects, aussi bien qualitatifs que quantitatifs. Les EIP disposent d’une façon de
penser en arborescence ou par fulgurance .C’est-à-dire que chaque nouvelle idée ou
information produite ou retenue va se lier à et se subdiviser en plusieurs autres idées sans
aucune limite. Cette façon de penser permet à l’enfant de faire des liens particuliers entre les
concepts et ainsi faire preuve d’une réflexion qui va pouvoir surprendre les adultes par sa
qualité et sa pertinence. Cependant, elle est aussi source de difficulté pour ces enfants qui ont
du mal à trouver un cadre et à canaliser cette arborescence de pensée. Il s’agit d’une manière
de penser holistique, globale qui résulte d’un besoin de tout comprendre. Avec cette pensée en
arborescence, va se développer une mémoire impressionnante et très performante. En effet,
Planche (2010) va confirmer le point de vue de plusieurs auteurs sur l’existence d’une
métamémoire chez les enfants à haut potentiel. Elle est définie comme « la capacité du sujet à

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connaître ses faiblesses et ses compétences dans la mise en œuvre de sa mémoire et de faire
appel à certaines opérations qui éventuellement lui permettent d'en optimiser le rendement »
(Weil-Barais, 1993, cité dans Planche, 2010, p.522). Cette mémoire est essentiellement
épisodique et très peu sémantique. C’est-à-dire que l’EIP n’emmagasine pas les informations
en tant que telles mais à partir de situations vécues. Les stratégies mises en œuvre par les EIP
sont à mettre en rapport avec la prévalence du raisonnement logico-mathématique dans leur
fonctionnement cognitif. Cependant, malgré leur capacité de métamémoire, ils ont beaucoup
de difficultés à expliquer leur raisonnement, notamment à cause de la rapidité de leurs
pensées. En outre, ces enfants ont une attirance très marquée pour la stimulation intellectuelle
et les activités complexes. Ils sont, par exemple, très attirés par les sujets tels que
l’astronomie, l’archéologie, l’égyptologie et encore d’autres domaines scientifiquement
riches, ce qui répond à un besoin de comprendre et de contrôler l’environnement qui
l’entoure. Weismann-Arcache (2009) explique ce besoin, au travers de son analogie à
Kirikou. Sa naissance est un fait exceptionnel, il s'accouche lui-même, il sait déjà parler et de
fait se choisit son propre prénom. Sa mère le considère comme un être d'exception, lui
enjoignant de venir au monde et de prendre son bain seul. La maîtrise et l'indépendance
caractérise donc sa naissance. Le besoin de maîtrise et d'indépendance est caractéristique des
EIP qui préfèrent utiliser leurs propres représentations plutôt que de se soumettre à un modèle.
Cette idée amène l'auteur à déterminer le concept de la toute-puissance de la pensée. En effet,
ce besoin de maîtrise entraîne une prédominance très marquée de la représentation mentale
comme support de pensée privilégié au détriment de l'étayage sur la réalité concrète. Cette
toute puissance de la pensée va pouvoir entrainer un décalage chez l’EIP, tant sur le plan
social, qu’émotionnel.

1.2.3. Le développement psychoémotionnel de l’Enfant Intellectuellement


Précoce.

Sur le plan sensitif, Siaud-Facchin (2002) met en évidence une hyperesthésie des sens. Pour
n'importe quel sens, que ce soit la vue ou l'ouïe mais aussi l'odorat, le toucher et le goût,
l'enfant surdoué va être capable de repérer, d'incorporer à son analyse de la situation, et de se
souvenir de détails extrêmement précis. Il est de fait aussi capable de percevoir les micro-
changements dans son environnement et notamment chez les personnes qui l'entourent.
Weismann-Arcache (2009) explique que cette exacerbation des sens, permet d'élargir
considérablement la perception de l'enfant. Un plus grand nombre d’informations sensorielles

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est traité dans un temps significativement plus court, ce qui a pour effet de décupler les
émotions de l'enfant le menant à une hypersensibilité sur le plan affectif .En effet, la quantité
plus importante d'informations qu'il peut recevoir va enrichir son émotion et la rapidité de
traitement dont il fait preuve ne va pas lui laisser le temps nécessaire pour comprendre et
contrôler ce déferlement émotif. Selon Weismann-Arcache (ibid), la caractéristique principale
du développement psychoaffectif de l'enfant intellectuellement précoce est la force et la
puissance du soubassement émotionnel sur lequel s’édifie la personnalité. Cet enfant est sujet
à un véritable envahissement émotionnel, c'est ce que Terrassier (2005) nomme « l'effet
Loupe ». Selon lui, cette capacité à discerner les plus petits détails, aiguise une sensibilité qui
ne lui permet pas toujours d'intégrer les nouveaux éléments sans dommage. Cette hyper-
réceptivité se manifeste par le développement de l'empathie qui définit la capacité à ressentir
l'état émotionnel de l'autre. Siaud-Facchin (2002) nous dit que l’EIP possède cette capacité
d'empathie au même titre que les chiens sont capables de ressentir la peur chez l'humain. C'est
une sorte de sixième sens qui s'explique entre autre par leur capacité à percevoir les plus petits
détails dans leur environnement social. En effet, il est possible que ces enfants arrivent à
capter une émotion chez une personne avant même que celle-ci n’en ait conscience,
notamment lors de conflits. Ses réactions paraîtront alors disproportionnées à son entourage
qui n'a pas encore pris conscience du conflit en préparation. Il s’agit là d’un point pouvant
amener des difficultés d'ordre social pour l'enfant. Les émotions nous permettent de
communiquer avec les autres, de les comprendre, c'est en partageant une même émotion que
le lien social peut se créer. Comment comprendre que la joie ou la peur ressentie face à un
événement ne soit pas partagée et partageable avec les autres ? Comment penser alors quand
tous les autres semblent n'avoir rien ressenti qu'on n'est pas bizarre ou fou ? Le doute sur soi
accompagne l'enfant surdoué dans ces expériences de vie. L'entourage trouve souvent exagéré
et peu justifié cet emballement émotionnel, qui est parfois rejeté, critiqué voire réprimandé.
Weismann-Arcache (2009) continue son analogie à Kirikou, pour expliquer ce concept
d’empathie. Kirikou ne veut pas combattre la sorcière, son leitmotiv est « pourquoi Karaba
est-elle méchante ? » Ce pourquoi montre un besoin de comprendre, d'élucider, de découvrir
les causes, afin d'y remédier. Il fait preuve de capacités d'identification très développées en
découvrant chez la sorcière un être humain qui souffre, ce que nous pourrions appeler de
l'empathie. Cette empathie est très développée chez l'enfant à haut potentiel, au risque de
l’entraîner dans une hyper-adaptation à autrui au détriment de ses propres besoins.
Aujourd’hui, on peut considérer que ces particularités développementales dans les domaines
intellectuels et émotionnels sont caractéristiques de la population des EIP. Il s’agit tout autant

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de différences quantitatives, comme leur Quotient intellectuel ou leur capacité mémorielle,
que de différences qualitatives, comme leur système de pensée en arborescence ou la
puissance de leurs émotions. Au vu de ce constat, on peut maintenant se demander quelles
peuvent être les répercussions sur le plan scolaire de ce développement atypique ?

1.3. L’impact de leur particularité développementale sur le plan scolaire

Le développement si particulier et hétérogène de l’EIP peut entrainer deux types de


dyssynchronies La dyssynchronie interne définie comme « le développement hétérogène
spécifique et normal des enfants intellectuellement précoces » (Terrassier, 2005, p.1), et la
dyssynchronie sociale décrite en tant que « particularités de leur relation et intégration du
contexte de vie » (ibid, 2005 p.1). Cette dyssynchronie sociale peut représenter un frein dans
sa vie quotidienne mais aussi lors de sa scolarité. L’hyper émotivité de l’EIP peut entraîner
des réprimandes, qui amèneront des émotions exacerbées. Afin de se protéger de ses
émotions, l'enfant va se replier sur lui, délaisser la réalité au profit de ses représentations
mentales, ce qui l'amènera à se différencier encore plus des autres et à accentuer les rejets
sociaux. Malgré sa capacité de compréhension du monde, cet enfant est dans l'incapacité de
percevoir certaines normes sociales implicites du fait de son recours fréquent aux
représentations mentales. Il s'en suivra des difficultés sociales provoquées par un mode de
fonctionnement affectif et psychologique mais aussi intellectuel différent. Siaud-Facchin
(2002) explique que la blessure psychique de l’EIP restera ouverte longtemps et ce d'autant
qu'il tente de comprendre la raison de l'agressivité de l'autre. La pensée de l'enfant surdoué, en
arborescence, en perpétuelle recherche de sens et de vérité, ainsi que ses intérêts pour des
disciplines particulières et scientifiquement poussées peuvent aussi jouer un rôle dans son
exclusion sociale. Tout d'abord, nous pouvons remarquer que le simple fait de posséder des
capacités différentes de celles des autres, place l'enfant dans une position sociale en partie
excluante. Mais le véritable problème est que cet enfant a beaucoup de mal à concevoir le fait
que les autres ne réfléchissent pas comme lui et surtout pas aussi vite que lui. Son discours est
très vite interprété comme moralisateur ce qui implique souvent un fort rejet social. En outre,
le système de compréhension de ces enfants les amène souvent à interpréter les énoncés qu’ils
perçoivent dans toute leur polysémie et souvent « au pied de la lettre », et c'est en cela qu'ils
peuvent éprouver des difficultés à décoder les implicites sociaux.

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Weismann-Arcache (2009), poursuivant sa métaphore va parler de la solitude de Kirikou.
C’est un héros, mais il y a une rançon à toute gloire. Il n'a pas d'égal donc pas d'ami, pas de
réconfort. Il est souvent en désaccord et donc mis en porte-à-faux par la foule, que ce soit la
foule des enfants ou des femmes du village. La solitude apparaît comme le prix à payer de
l'exception. Une autre explication de cette solitude proviendrait de difficultés d'ordre
identificatoire entre l'enfant à haut potentiel et le groupe de pairs « dans la norme ».
Rejoignant l’idée de Weismann-Arcache, Siaud-Facchin (2002) explique que lors de l'entrée à
l'école, l'enfant va vivre des déséquilibres constants et incompréhensibles entre ce qu'il est et
l'image que les autres ont de lui. Il va subir des attaques sur sa façon de penser qui vont
pouvoir aller jusqu'à un sentiment de honte ou de culpabilité sur sa propre intelligence. Il en
émerge un conflit interne : faut-il garder mon système de pensée ou adopter celui des autres
qui semble mieux convenir aux situations sociales mais qui me semble moins intéressant ?
Nous comprenons donc que les caractéristiques qui définissent l’EIP peuvent engendrer des
difficultés d’ordre scolaire et ce malgré des facultés cognitives de mémorisation accrues. En
réponse à cette problématique, une brochure est émise en 2013 par le Ministère de l’Education
Nationale à l’adresse des enseignants sur la personnalisation des parcours et qui spécifie
notamment la scolarisation des enfants intellectuellement précoces. L’action à mener est
décomposée en trois points : la mobilisation des acteurs internes et externes à l’Education
Nationale, l’utilisation de leviers institutionnels, comme la proposition de divers types
d’accompagnements et le recours aux adaptations pédagogiques, tel que l’enrichissement des
contenus ou la modification des modalités de travail avec la mise en place de tutorat.

Ainsi, bien que tardives, une reconnaissance et une prise en charge de la précocité
intellectuelle à l’école sont proposées dans ce nouveau modèle d’école inclusive. Cependant,
cette prise en charge est extrêmement ciblée et axée sur la différenciation. La pédagogie
enseignée de manière générale dans une classe ne s’en retrouve donc pas modifiée. Une
pédagogie qui de plus en plus s’axe sur le concept de travail de groupe. Nous allons
maintenant essayer de comprendre un peu mieux ce que signifie travailler en groupe et
pourquoi cette pédagogie est encouragée.

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2. Le travail de groupe : intérêts et bases théoriques

La question de l’influence du groupe sur l’individu est un des sujets les plus étudiés en
psychologie depuis près d’un siècle. Parfois facilitateur de l’action, parfois inhibiteur, le
groupe occupe une place centrale dans la vie psychique d’une personne. Ainsi, dans le cadre
de l’apprentissage scolaire, il est important de connaitre les effets du groupe sur l’individu
afin de comprendre comment en tirer des bénéfices.

2.1. Eléments de définition et intérêts

L’apprentissage entre pairs est le terme générique sous lequel se rassemblent les différentes
façons de concevoir cette construction du savoir en présence d’autrui. Damon et Phelps
(1989) distinguent trois types de structures entre pairs : la collaboration, la coopération et le
tutorat. Une première distinction s’opère entre le tutorat et les deux autres structures. En effet,
le tutorat repose sur une relation dyadique entre pair et n’entre donc pas dans le cadre du
travail en groupe à l’inverse de la collaboration et de la coopération. La coopération a pour
particularité de structurer le groupe et les tâches des participants alors que dans la
collaboration, la constitution du groupe et l’organisation du travail sont laissées libres. Dans le
cadre de notre mémoire, nous nous intéresserons uniquement au cas du travail de groupe. Ses
vertus sont déjà largement démontrées par plusieurs auteurs. Pour Reid, Forrestal et Cook
(1993), le travail de groupe développe les habiletés d’écoute et améliore les relations entre
élèves et enseignants, ce-dernier pouvant consacrer plus de temps à chaque élève (cité dans
Dargent et Dargent, 2004). Pour Roux (2004) « à certaines conditions, la résolution de
situations-problème en contexte interactif peut déclencher des processus inter et intra-
individuels pouvant favoriser le développement des connaissances et des compétences
cognitives individuelles. » (ibid, p.2). Enfin, dans le cadre des apprentissages scolaires,
Fayolles (2005), exprime les avantages du travail de groupe en terme quantitatif, par la
multiplication du temps de parole de l’enfant, et qualitatif, par la richesse des différentes
interactions.
On comprend donc l’intérêt du travail de groupe dans le cadre scolaire. Afin de mieux
envisager les mécanismes et processus qui le sous-tendent, nous allons maintenant présenter
les diverses théories sur lesquels s’édifient cette modalité de travail.

11
2.2. Les piliers théoriques du travail de groupe

Johnson et Johnson (2005) répertorie trois théories sur lesquelles s’édifient le travail de
groupe : la théorie socioconstructiviste, l’apprentissage vicariant et le phénomène
d’interdépendance sociale.

2.2.1. Le socioconstructivisme

Ce concept, développé Vygotsky en 1934 s’appuie sur la théorie constructiviste de Piaget


(1923) qui considère que l’apprentissage est une construction active de l'apprenant qui
intériorise différentes structures cognitives en suivant l'ordre de la théorie opératoire de
l'intelligence. Cette théorie définit 4 structures cognitives différentes représentant autant de
stades de développement. (cf. Annexe A). Afin de passer d'un stade à un autre, l'enfant doit
adapter ses structures cognitives lors de situations-problème engendrant un conflit cognitif.
Une situation problème est telle que ce que l'élève connaît et sait faire actuellement n'est pas
immédiatement suffisant pour qu'il puisse répondre correctement. Quant au conflit cognitif, il
survient lorsque ce que l'enfant perçoit entre en contradiction avec ses structures cognitives
précédemment intégrées. Pour surmonter cette situation, l'enfant dispose de deux processus :
l'assimilation, qui consiste à interpréter et à intégrer de nouveaux éléments à la lumière de
structures cognitives pré-existantes, et l’accommodation, permettant de modifier ces
structures afin d'y intégrer un élément nouveau.

Dans le cadre du socioconstructivisme le développement va du social vers l'individuel. Les


nouveaux outils cognitifs se construisent d'abord au cours d'interactions sociales avant d'être
intériorisés. On retrouve bien ici, l'idée d'une construction active de l'apprenant qui assimile
de nouvelles structures mentales mais en y ajoutant une dimension sociale. Doise, Mugny et
Perret-Clermont (1975) vont émettre les premières publications relatives au conflit
sociocognitif. Sur la base du concept de conflit cognitif de Piaget évoqué précédemment, le
conflit sociocognitif intègre l'aspect interactif de la résolution du conflit entre plusieurs sujets.
Gilly (1988) définit ce concept comme « une dynamique interactive, caractérisée par une
coopération active, avec prise en compte de la réponse ou du point de vue d'autrui, et
recherche dans la confrontation cognitive d'un dépassement des différences et contradictions
pour parvenir à une réponse commune » (cité dans Rieunier et Raynal, 2005, p.85).Il va suite
à cela, établir une situation prototypique de conflit sociocognitif : deux enfants ont à résoudre
ensemble une tâche qu'aucun des deux ne sait résoudre seul avec consigne de se mettre

12
d'accord sur une solution commune. Gilly (2001) va, en outre, insister sur deux conditions à
satisfaire pour mettre en place cette situation : les pré-requis et la dynamique interactive.
Même si la question des pré-requis se pose dans chaque situation d’apprentissage ou
d’entraînement visant à provoquer des progrès cognitifs, il n'en reste pas moins un facteur à
ne pas négliger. Il s'agira donc de déterminer le stade de développement cognitif de l'enfant
grâce à des pré-tests, en se basant sur la théorie opératoire de l'intelligence. En classant les
enfants suivant ce critère, les chercheurs peuvent d'une part déterminer le stade de
développement de l'enfant mais aussi mesurer sa progression suite à la situation de conflit
sociocognitif grâce à des post-tests. La question de la dynamique interactive, est quant à elle,
spécifique à cette théorie de l'apprentissage. Il est nécessaire qu'il y ait opposition des points
de vue mais, il faut aussi que le conflit se résolve de manière sociocognitive et non
relationnelle. Autrement dit, pour que la résolution du conflit sociocognitif ait de l’intérêt, il
faut que les échanges des enfants aient « une structure horizontale, avec la réciprocité des
statuts sociaux dans l'interaction. » (Gilly, 2001, p.25) mais il faut également qu'ils acceptent
de coopérer à la recherche d'une solution cognitive commune, au risque de modifier leurs
structures cognitives préexistantes.

Le socioconstructivisme, en mettant en relief le mécanisme de résolution de conflit


sociocognitif, a donc permis de nourrir l’approche du travail par groupe. Il ne s’agit cependant
pas du seul processus d’apprentissage en jeu dans une situation de travail en groupe. Bandura
en 1977, va en décrire un autre sous le nom d’apprentissage vicariant.

2.2.2. L’apprentissage vicariant

Les théories de Bandura réfutent la notion behavioriste d’apprentissage basée sur la notion
d’essais et erreurs en expliquant que le modelage ou apprentissage vicariant « court-
circuitait » souvent ce processus de tâtonnement. Cet auteur décrit ce concept comme
« l'observation d'une autre personne dans le but de pouvoir ensuite reproduire, par modelage,
la même action » (ibid, 1977, cité dans Puozzo Capron, 2012, p.4). Il ne s’agit pas cependant
d’un simple mimétisme mais véritablement de « tout un travail d’observation active par
lequel, en extrayant les règles sous-jacentes aux styles de comportement observé, les gens
construisent par eux-mêmes des modalités comportementales proches de celles qu’a
manifestées le modèle et les dépassent en générant de nouvelles compétences et de nouveaux
comportements, bien au-delà de ceux qui ont été observés. » (Carré, 2004, p.25). De manière
générale, on remarque très souvent, dans le cadre scolaire, que certains comportements

13
peuvent devenir « contagieux » si le renforcement qui y est associé n’est pas approprié. C’est
le cas des comportements violents qui peuvent devenir une généralité s’il n’y a pas eu, en
réponse, de réponse adéquate. Bandura va définir quatre éléments constituants de ce
modelage. L’attention est le premier de ces éléments. Tout ce qui a trait à la capacité
d’attention de l’observateur ainsi qu’à la capacité du modèle à mobiliser l’attention de
l’observateur, doit être pris en compte afin de permettre à l’observateur d’être dans l’écoute et
l’observation active. La mémorisation et ses divers mécanismes constituent le second élément
et ils sont envisagés « à travers les fonctions de stockage (imagé ou verbal), par l’encodage
symbolique, l’organisation cognitive du matériau à mémoriser et les processus de rappel »
(Carré, 2004, p.26). On s’intéresse ensuite au processus de reproduction qui va s’exprimer par
la traduction et la transposition des représentations symboliques en actions. Cela concerne
notamment les capacités cognitives et physiques du sujet, mais aussi la qualité du feed-back,
enregistrés lors des tentatives. Le fait que le modèle soit attentif à la production de
l’observateur et lui donne des conseils bienveillants et des encouragements au cours de la
reproduction permet de mieux structurer l’apprentissage pour l’observateur. Enfin, en dernière
partie, Bandura insiste sur l’importance de la motivation sous la forme d’un renforcement à
dissocier du renforcement béhavioriste. Selon Winnykammen, (1982) il se constitue de 3
phénomènes : Le renforcement direct, l’auto-renforcement et le renforcement vicariant.

Ainsi, le modelage traduit la capacité d’un sujet à extraire des règles sous-jacentes à une
action par l’observation d’un modèle afin de pouvoir reproduire cette action et même la
dépasser. Il s’agit bien d’une forme d’apprentissage qui fait intervenir l’interaction entre
plusieurs sujets. Cependant, ce concept ne permet pas de rendre compte de la relation et de la
cohésion qui s’installe entre les différents membres du groupe. Pour mieux comprendre cette
notion de cohésion, il faut faire appel au concept d’interdépendance sociale.

2.2.3. L’interdépendance sociale

Il s’agit là d’une théorie qui tire ses origines de la psychologie gestaltiste du début du 20ième
siècle. Ce mouvement en psychologie repose sur l’idée que l’individu perçoit les évènements
qui lui arrivent comme un tout plutôt que comme la somme de plusieurs parties. En se basant
sur cette idée, Kurt Koffka, en 1900, évoque l’idée que les groupes sont des ensembles
dynamiques dans lesquels l’interdépendance entre les membres peut varier. En 1940, Lewin
affina le concept développé par Koffka en expliquant que l’essence d’un groupe est
l’interdépendance entre ses membres crée par un but commun. C’est enfin en 1949, que

14
Deutsch va étendre la conception de Lewin en distinguant interdépendance positive et
négative et ainsi poser les bases du concept de l’interdépendance sociale. L’interdépendance
positive se définit comme « une corrélation positive entre les objectifs des individus »
(Johnson et Jonshon, 2009, p.3) c’est-à-dire lorsqu’un individu pense que la seule façon
d’atteindre son propre objectif est que les autres individus atteignent eux aussi leur but. A
l’inverse, l’interdépendance négative existe lorsque les individus pensent que la seule façon
d’atteindre leur objectif est d’empêcher les autres d’atteindre les leurs. L’interdépendance
sociale s’inscrit dans le cadre d’un concept encore plus vaste : la coopération. Deutsch (1949)
définit trois éléments essentiels de la coopération mais Johnson et Johnson (2005) monteront
ce chiffre à cinq, tout en se basant sur les travaux de leur prédécesseur. On distingue,
l’interdépendance positive, la responsabilisation individuelle, l’utilisation appropriée de
compétences sociales, les « promotives interactions » et le « groupe processing » La
responsabilisation individuelle découle de l’interdépendance positive. Elle est censée créer
des responsabilités qui ajoutent le concept de devoir à la motivation des membres du groupe.
Cette responsabilité se base sur une évaluation de la performance de chaque élève dont on
donnera les résultats à l’individu et au groupe. Les « promotives interactions » sont elles aussi
une conséquence de l’interdépendance positive. Elles vont désigner les comportements qui
encouragent et facilitent les efforts de chacun dans le but d’accomplir l’objectif du groupe. On
y retrouvera des comportements tels que l’échange des ressources nécessaires comme
l'information et le matériel, l’émission de commentaire constructif, ou les encouragements.
Toute situation d’interaction se voulant coopérative nécessite aussi l’utilisation appropriée de
compétences sociales telles que communiquer de manière précise et sans ambiguïté, ou encore
résoudre un conflit de manière sociocognitive. Il s’agit là davantage d’un préalable à la
coopération plus que d’une conséquence d’une interdépendance positive des buts à atteindre.
Enfin, le « groupe processing » est assimilable à une activité métacognitive du groupe à
l’intérieur duquel chaque membre réfléchit aux actions utiles et inutiles et prennent des
décisions sur les actions à poursuivre ou à modifier.
Ainsi, c’est sur la base et au travers de ces différentes théories que la notion d’apprentissage
entre pairs s’est progressivement développée et enrichie. La multiplicité des travaux de
recherche les concernant ne fait encore que renforcer l’idée selon laquelle le travail en groupe
est une méthode efficace dont il faut se servir afin de permettre à l’enfant d’apprendre dans
les meilleures conditions. Il nous importe maintenant d’explorer les différentes conceptions
du travail de groupe, afin d’en extraire une méthode intéressante dans le cadre de notre étude.

15
3. Le travail de groupe, conceptions et méthodes d’enseignement

Il existe deux façons d’envisager le travail de groupe, de manière coopérative ou


collaborative. L’apprentissage collaboratif présente une structure du groupe très libre, fondée
sur la spontanéité des interactions, dans laquelle la place de l’enseignant est mineure. Le but
recherché dans cette méthode dépasse le simple cadre de l’apprentissage en jeu. Pour Farza
(2015), « L’apprentissage collaboratif permet à la fois, d’apprendre à travailler en commun et
de travailler en commun pour apprendre. » (ibid, p.64). Cependant en misant sur une
structuration libre du groupe et en donnant à l’enseignant un droit de regard limité sur le
travail du groupe, cet apprentissage prend le risque de créer des niveaux d’implications et de
responsabilisations différents chez les membres du groupe « le défaut majeur de
l’apprentissage collaboratif est qu’en misant sur les gains éducatifs permis par l’autonomie
des relations entre élèves, il sacrifie une responsabilisation garantie » (Bruffee, 1995, cité dans
Baudrit, 2007, p.21). Afin d’éviter ce biais, nous avons choisi de nous concentrer sur la
conception coopérative du travail de groupe.

3.1. L’apprentissage coopératif

3.1.1. Eléments de définition

Panitz (1999) définit cette conception comme « un ensemble de processus qui aide les
individus à interagir ensemble dans le but d’accomplir un objectif spécifique ou de parvenir à
un produit final. » (ibid, p.1). De cette définition, il faut, en premier lieu, retenir le côté
structuré et presque instrumentalisé de cette méthode désignée par un ensemble de processus.
Il faut aussi prendre en compte le côté interactif qui met l’accent sur l’échange réciproque
entre les membres du groupe. Enfin, il est important de mettre en lumière le partage et la
recherche d’un but commun qui sous-tendent l’idée d’une interdépendance positive. Lehraus
et Buchs (2008) identifie cinq éléments communs sur lesquels s’appuient les méthodes
d’apprentissages coopératifs : une tâche commune, des équipes de tailles restreintes,
l’encouragement d’attitudes et de comportements coopératifs, l’interdépendance positive et la
responsabilité individuelle. On retrouve ici des idées communes avec les éléments essentiels à
la coopération de Johnson et Johnson (2005). Lehraus et Buchs (ibid) vont aussi mettre en
évidence dans leur étude que la coopération dépend également de la complémentarité des

16
apprentissages. Que ce soit en primaire ou dans l’enseignement supérieur, et en dépit des
consignes de coopération, les apprenants manifestent des comportements compétitifs s’ils
travaillent sur des textes identiques mais pas lorsqu’ils travaillent sur des textes
complémentaires. En outre, Johnson et Johnson, en 1980, ont montré l’importance de
l’hétérogénéité lors de la création du groupe qui, selon eux « est censée dynamiser les
échanges, favoriser l’interactivité entre les élèves» (cité dans Baudrit, 2007, p.19).

3.1.2. Les intérêts et limites de l’apprentissage coopératif

Slavin (2010) explique que de nombreuses études sur les méthodes d’apprentissage coopératif
ont montré les bénéfices de cette méthode sur le plan de la sphère affective. L’auteur met en
exergue que : « les élèves adorent travailler en groupes, ils ont le sentiment de mieux réussir
et aiment bien les matières enseignées suivant cette démarche » (ibid, 2010, p.181).
Cependant, l’auteur précise qu’en ce qui concerne les acquis, les résultats dépendent des
modalités de mise en œuvre de la méthode d’enseignement, les points déterminants d’un
apprentissage efficace étant le but collectif et la responsabilité individuelle. Sur le plan de la
sphère sociale, cette méthode permet l’établissement et la construction d’un sentiment
d’appartenance chez les membres du groupe. En outre, sur le plan cognitif, la richesse et la
diversité des interactions permet « un traitement cognitif approfondi des informations. »
(Lehraus et Buchs, 2008, p.4) Cette méthode permet aussi d’éviter la principale critique faite à
l’apprentissage collaboratif, car ses modalités sont mises en œuvre dans le but de
responsabiliser les élèves afin de créer une interdépendance positive.

Malgré ces nombreux avantages, Baudrit (2007) explique, qu’il y a un risque de créer des
relations d’autorité entre les membres du groupe. Effectivement, « le défaut majeur de
l’apprentissage coopératif est qu’en garantissant la responsabilisation, il risque d’entretenir
des relations d’autorité dans les groupes de travail (…) qui soient une réplique des relations
d’autorité propres à l’éducation traditionnelle » (Baudrit, 2007, p.22). Ce risque provient,
entre autre, de l’hétérogénéité imposée lors de la création des groupes dans la méthode
coopérative. En effet, dans un contexte de groupe avec des élèves ayant des origines
socioculturelles, des âges et des niveaux scolaires différents, il n’est pas improbable de voir
des relations d’autorité se créer.

17
3.2. La catégorie des méthodes d’apprentissage informels de groupe

Il existe aujourd’hui de nombreuses et différentes méthodes d’apprentissage coopératif


comme les Student Team Learning (STL) et les Peer-Assisted Learning Strategies (PALS),
qui se classent toutes dans différentes catégories, mais la méthode qui a retenu notre attention
s’inclut dans la catégorie des méthodes d’apprentissages informels de groupe. Elles ont pour
caractéristique essentielle de découper une tâche globale en plusieurs sous-tâches que chacun
des élèves accomplit pour un résultat final du groupe. On va retrouver dans cette catégorie des
méthodes comme le Learning together de Johnson et Johnson (1999) qui fait « une large place
aux activités de renforcement de la cohésion d’équipe » ( Slavin, 2010, p.180) ou le Group
Investigation de Sharan et Sharan (1992) dans lequel chaque groupe, créé librement, doit
choisir un thème qui représente une partie du sujet étudié par la classe. Chaque membre du
groupe se subdivise une nouvelle fois le thème en plusieurs sous-tâches. Mais la méthode qui
nous a semblé la plus riche tant par la structuration du travail en groupe que par la diversité
des interactions est la méthode du puzzle ou Jigsaw teaching.

Elle est conçue et développée par un ensemble de chercheurs dont le plus représentatif est
Aronson (1978). Cette méthode d’enseignement coopératif regroupe les élèves en groupe de
quatre à six participants. Dans le Jigsaw teaching, un même travail est assigné à chaque
groupe et est décomposé en sous-taches spécifiques à réaliser individuellement pour chacun
des membres. De son côté, « l’enseignant organise le travail pour que chaque élève ait accès
seulement aux informations de son segment de matière » (Peeters, 2010). Chaque membre va
d’abord travailler individuellement sur une sous-tâche précise avant de revenir dans son
groupe pour restituer aux autres membres les fruits de son travail : « Ainsi, l’élève enseigne
aux membres de son groupe ce qu’il a appris en phase individuelle » (Toczek-Capelle, 2003,
p.55). En quelque sorte, chacun des membres du groupe apprend individuellement un
morceau du puzzle puis le groupe le construit collectivement. A la suite de cela, une
évaluation finale portant sur l’ensemble des informations à traiter permet de mettre en
évidence les effets et l’efficacité de cette technique. Toczek-Capelle explique que les
recherches sur la réussite des élèves à travers ce dispositif ont mis en évidence que le Jigsaw
teaching favorise la réussite des élèves possédant un bon niveau scolaire. A contrario, il a mis
en lumière le besoin de coopération et d’échange des élèves en difficulté pour réaliser leur
travail et assumer leur responsabilité individuelle au sein de leur groupe d’apprentissage.

18
Pour répondre aux besoins des élèves en difficulté, Slavin (1980 et 1990) adapte ce dispositif
afin de créer le Jigsaw teaching 2.

3.3. Le Jigsaw teaching 2 ou coopération en groupe d’experts

3.3.1. Présentation et intérêts de la méthode

Cette deuxième version se base sur le même modèle que le Jigsaw teaching à la différence
que les membres du groupe, au lieu de travailler sur leur sous-tâche individuellement, se
réunissent avec les membres des autres groupes qui partagent la même sous-tâche qu’eux dans
des groupes appelés « groupe d’expert ». Au travers de ce groupe, les élèves peuvent
expérimenter, débattre et se confronter vis-à-vis de la sous-tâche qui leur est assignée, afin
d’en avoir une idée la plus claire possible pour pouvoir la présenter et la transmettre aux
autres membres de leur groupe d’appartenance. Cette méthode présente l’avantage de lier et
mettre en évidence les théories fondamentales du travail de groupe. En effet, les concepts
d’interdépendance positive, de responsabilité individuelle et de notion de but commun sont au
cœur de cette méthode d’enseignement puisque le but final n’est atteignable que si chacun des
participants a compris et transmis correctement son savoir sur la tâche qui lui a été attribuée.
Ainsi cette méthode est censée renforcer les interactions stimulantes entre les participants
d’un même groupe à travers des encouragements et des comportements d’aide afin que
l’ensemble du groupe arrive au but final. En outre, à travers les deux temps de travail en
groupe, on va pouvoir constater les effets de l’apprentissage vicariant sur les élèves qui vont
voir leurs camarades effectuer la tâche. Mais ce n’est pas tout, la formation des groupes
d’expert et le travail d’expérimentation et de confrontation des points de vue qui en découle
fait aussi appel aux notions socioconstructivistes. A l’intérieur de ce groupe d’expert va
pouvoir apparaitre et se résoudre des conflits sociocognitifs, qui permettront aux élèves une
restructuration de leur schéma de pensée actuel ainsi que l’assimilation de nouvelles
structures cognitives.

3.3.2. L’exemple d’une étude expérimentale en classe de CE2

Un protocole décrit comme « quasi expérimental » par ses auteurs fut mis au point en 1997
par Toczek-Capelle et Chavagnac afin de rendre compte des effets de la méthode de
coopération en groupe d’experts dans le cadre de l’apprentissage d’une leçon sur la préhistoire
en classe de CE2. Ce protocole se déroule en trois phases.
19
La phase 1 consiste à répartir les élèves de façon hétérogène dans leur groupe d’appartenance.
En phase 2, chaque membre du groupe est invité à choisir un des « domaines thématiques »
du sujet sur la préhistoire qui sont au nombre de trois : les animaux préhistoriques, les outils
et objets d’arts préhistoriques, et finalement les grottes et gravures préhistoriques. Les élèves
se forment dans leur groupe d’expert à travers la lecture d’un ensemble documentaire sur le
domaine concerné, puis en confrontant leur compréhension des documents aux autres
membres du groupe et finalement en répondant à un questionnaire portant sur les points
importants de ce domaine. Enfin, en phase 3, chaque élève revient dans son groupe
d’appartenance afin de partager ces connaissances et de répondre consensuellement à un
nouveau questionnaire regroupant les trois domaines. Les auteurs attendent de chaque expert
qu’il identifie les questions le concernant et aide son groupe d’appartenance à y répondre. Ce
protocole avait pour but de tester l’effet de l’intégration d’une compétition intergroupe par
rapport à l’intégration d’une compétition intersujet dans un dispositif de Jigsaw teaching. Afin
d’évaluer les progrès des élèves, les auteurs proposent deux phases de rappel, un rappel post-
apprentissage (juste après la phase de travail en groupe) et un rappel une semaine après, toutes
deux constituées de trois types de rappels : un rappel libre constitué d’une question ouverte
demandant au sujet des qualités d’organisation de la mémoire, un rappel indicé sous la forme
d’un questionnaire composé de plusieurs questions et un QCM. De manière générale, les
résultats montrent que la situation de compétition intergroupe permet aux élèves de produire
de meilleurs résultats dans le rappel libre post-apprentissage que les élèves dans la situation
compétition inter sujets. Les auteurs expliquent que la compétition à l’intérieur d’un même
groupe a pu modifier la nature des interactions à l’intérieur du groupe d’apprentissage avec un
impact négatif sur les performances des élèves. En outre, le rappel une semaine après a permis
de mettre en exergue l’importance du travail en groupe d’experts. Lors du rappel indicé, les
élèves restituent mieux les informations dont ils étaient les spécialistes. De plus, les élèves de
niveau plus faible semblent tirer un avantage particulier de la phase d’expertise.

Le Jigsaw teaching 2 est donc une méthode de travail en groupe qui permet la structuration
des connaissances chez l’élève aux travers des différentes interactions avec les membres du
groupe.

20
4. La problématique

Aujourd’hui, la question de la prise en compte des particularités d’apprentissage de chacun est


au cœur de la volonté de l’Education Nationale de rendre l’Ecole de la République plus
inclusive afin de permettre la réussite et l’épanouissement de tous. Dans cette optique, le cas
de la précocité intellectuelle chez l’enfant demeure paradoxal. En effet, ces enfants possèdent
un système de pensée très particulier, en arborescence, souvent logicomathématique. Cet outil
psychique s’avère être pour eux aussi bien une aide qu’un frein dans les apprentissages
scolaire. Il est d’ailleurs, entre autre, responsable de l’isolement social de ces enfants mais
aussi de leur difficulté à interpréter le second degré. Or, la pédagogie prodiguée à l’école
élémentaire actuellement s’appuie de plus en plus sur la notion de travail de groupe. En effet,
non seulement, des auteurs comme Roux (2004) Reid, Forrestal et Cook (1993) ou encore
D’argent et D’argent (2004) mettent en avant les bénéfices du travail de groupe, mais de plus
le socle commun de connaissances, de compétences et de culture y fait lui-même référence.
Cette notion de travail en groupe s’appuie sur trois concepts centraux : le
socioconstructivisme de Vygotsky (1934), l’apprentissage vicariant de Bandura (1977) et le
concept d’interdépendance sociale développé par Deutsch (1949) De ces trois concepts
centraux ont été créées deux façons de pratiquer le travail de groupe : d’un côté, le travail
collaboratif qui prône une façon libre de travailler en groupe, et se base sur la spontanéité des
interactions et de l’autre le travail coopératif, beaucoup plus organisé et désigné par Panitz
(1999) comme « un ensemble de processus » qui permettent de travailler ensemble. Dans le
travail coopératif, la méthode de Jigsaw teaching 2 possède l’avantage de faire intervenir les
trois concepts fondamentaux du travail de groupe.

Dans le cadre de cette question de prise en charge des particularités d’apprentissages des EIP,
on peut se demander si la préconisation d’une méthode de travail en groupe comme le Jigsaw
teaching 2 s’avère adaptée à cette population. En d’autres termes, le travail de groupe est-il
efficace chez les enfants précoces ? Une fois le concept de dyssynchronisme sociale définit
comme caractéristique des EIP, nous pensons que non seulement, cette méthode de travail est
moins adaptée qu’un travail en autonomie mais aussi que cette méthode est plus efficace chez
les NIP que chez les EIP.

21
III. La partie Empirique

1. Les participants

L’échantillon ayant participé à cette étude se compose de dix-neuf enfants, dix EIP et neuf
NIP, âgés de huit ans à onze ans. Elle a été proposée à quatre classes de NIP et une classe
d’EIP et l’effectif s’est constitué sur la base du volontariat.

Afin de trouver une population d’EIP correspondant au profil recherché pour notre étude
(enfants diagnostiqués de cycle trois), nous avons contacté une école privée, nommée
« Arborescence », spécialisée dans la précocité intellectuelle. Cette école, située à La
Salvetat-Saint-Gilles, regroupe un effectif de vingt-quatre enfants diagnostiqués
intellectuellement précoces et âgés de six à onze ans. Ils sont répartis en deux classes de
niveaux. Parmi les dix élèves retenus pour l’étude, on compte une fille de huit ans et neuf
garçons de neuf à onze ans. D’un commun accord avec la directrice, nous avons décidé
d’inclure cette élève dans l’étude afin d’avoir le nombre minimum de participant requis, mais
aussi afin d’éviter une omniprésence masculine dans le groupe de participant. Etant donné les
excellents résultats scolaires du sujet qui réalise les mêmes apprentissages qu’un enfant de dix
ans, nous avons convenu qu’elle pouvait correspondre au profil recherché même si elle n’était
pas officiellement en cycle trois. Il est difficile d’établir avec certitude le milieu socioculturel
de cette population. Le prix de la scolarité à l’année, peut faire penser qu’elle n’est pas issue
d’un milieu défavorisé, cependant, il faut savoir qu’un tiers des élèves bénéficie de bourses.
Pour l’effectif de NIP, nous avons demandé à l’ALAE (Accueil de Loisirs Associé à l’Ecole)
de Jean Moulin à Blagnac, dans lequel nous travaillons, si nous pouvions proposer notre étude
aux quatre classes du cycle trois. Sur les cent-dix élèves concernés, neuf ont accepté de
participer, trois filles et six garçons âgés de neuf à onze ans. La population d’élèves présents
dans cet ALAE est plutôt hétérogène du point de vue du milieu socioculturel. En effet, on y
retrouve aussi bien des élèves de milieux assez aisés, comme les enfants des cadres
d’entreprises importantes de la région ou des enfants issus de milieux plus défavorisés.

22
III. Le matériel

III.1. Un objet d’apprentissage : Le Rubik’s cube

Le but de notre recherche étant d’observer l’efficacité d’une méthode d’apprentissage


particulière, le Jigsaw teaching 2, chez les enfants précoces, il nous a semblé important de
trouver un objet d’apprentissage qui ne représente pas de biais en lui-même, les élèves
observés étant présents sur la base du volontariat. Il était donc important de trouver un support
qui suscite leur motivation. De surcroit, afin de pouvoir appliquer la méthode du Jigsaw
teaching 2, il nous faut un apprentissage qui soit distribuable sous la forme de sous-tâches
indépendantes afin que chaque groupe d’expert puisse apprendre à réaliser une sous-tâche
particulière. Pour répondre à ces différents besoins, nous avons choisi de porter notre attention
sur la résolution d’un Rubik’s cube. Nous avons donc acheté un total de trente Rubik’s cubes
afin que chaque élève possède une réserve de trois cubes. Le Rubik’s cube ou cube de Rubik
est un casse-tête géométrique à trois dimensions inventé par Ernő Rubik en 1974. Il se
présente sous la forme d’un cube dont chaque face est divisée en neuf cubes miniatures (neuf
cubies) qui peuvent tourner indépendamment les uns des autres. La résolution de ce casse-tête
passe par le positionnement et l’orientation des différents cubies afin d’obtenir un Rubik’s
cube avec des faces uniformes.

2.2. Une méthode de résolution : la méthode couche par couche

Il existe de très nombreuses techniques de résolution du Rubik’s cube, certaines permettant,


avec un entrainement rigoureux, de résoudre le cube en quelques secondes. La technique que
nous donnons aux élèves est la plus commune et utilisée : la méthode couche par couche. Elle
consiste en la résolution des trois différentes couronnes du cube au moyen de sept étapes
indépendantes. Ainsi, nous pouvons créer des sous-tâches qui regroupent deux à trois étapes.
Chaque groupe d’expert s’occupe d’une sous-tâche que nous nommerons « phase » et dispose
d’une fiche explicative sur la résolution des différentes étapes (cf. Annexe C). En plus de cette
fiche, chaque élève possède deux fiches de présentation sur le cube en général, et sur le
vocabulaire et les signes (cf. Annexe B), mais aussi une fiche récapitulative dans laquelle ils
peuvent inscrire toutes les informations pouvant les aider dans la résolution. (cf. Annexe D).

23
2.3. Une grille d’observation

Afin de pouvoir constater la progression des élèves dans leur apprentissage de la résolution du
casse-tête, la constitution d’une grille d’observation adaptée est capitale. Nous devons évaluer
de manière précise la somme de connaissances et de savoir-faire que les élèves sont capable
de rappeler le jour du test final. La méthode couche par couche, comporte sept étapes de
résolution. En considérant le fait que connaitre la technique de résolution d’une étape et savoir
l’appliquer sont deux savoirs distincts, nous avons constitué une échelle de notation allant de
zéro à quatorze. Chaque étape est noté zéro, un ou deux sur la grille d’observation en fonction
de la réussite ou non de l’étape, avec ou sans aide. A la fin du test final, chaque élève possède
un score total sur quatorze qui indique la quantité de connaissances qu’il a pu rappeler le jour
du test. (cf. Annexe E).

IV. Procédure

Pour s’assurer que les enfants commencent chacun avec les même pré-requis, nous
sélectionnons, de prime abord, des enfants qui ne savent pas du tout résoudre le Rubik’s cube.
Il s’agit là d’un pré-test qui nous permet de contrôler les acquis des participants et de faire en
sorte que chacun démarre avec la même base de connaissance. Dans le but de susciter la
motivation des participants, nous avons pris le parti d’offrir une récompense aux participants
qui ont respecté la consigne : « se donner à fond, essayer vraiment, ne pas abandonner ».
Cette récompense se présente sous la forme d’un Rubik’s cube faisant partie du lot avec
lequel ils ont pu s’exercer.

Dans le cadre de la première séance, chaque participant assiste à un cours de trente minutes au
cours duquel il va se familiariser avec le vocabulaire, les sigles et le Rubik’s cube en lui-
même. Après une lecture collective des deux fiches de présentation, les élèves sont invités à
s’exercer au travers de petits jeux et de questions portant sur les fiches de présentation. A la
fin de cette première rencontre, les enfants garderont les fiches de présentation en leur
possession. A partir de la deuxième séance, les élèves sont répartis en groupes de trois
intitulés groupe originel (GO). Afin de pouvoir comparer deux méthodes de travail distinctes,
nous avons demandé à un élève EIP de travailler en autonomie en parallèle des autres élèves
travaillant en groupe. La tâche est présentée à chaque GO, et une phase est attribuée à chaque
élève du groupe. A la suite de quoi, les GO se séparent et chaque élève travaillant sur la même

24
phase forment un nouveau groupe intitulé « groupe expert » (GE). Ils ont alors à leur
disposition la fiche explicative, en trois exemplaires, et dix rubik’s cubes correspondant à la
phase sur laquelle ils travaillent. Ils peuvent ainsi, tester, échanger et coopérer avec les autres
membres du GE afin de parvenir à leur but : l’apprentissage d’une méthode de résolution. Ce
moment de recherche en groupe expert dure pendant vingt-cinq minutes. Une fois achevé,
chaque participant retourne dans son GO avec une fiche explicative, sa fiche récapitulative et
trois rubik’s cubes, afin de partager les connaissances qu’il a réussi à acquérir pendant ses
recherches. Ce temps de partage et de transmission dure également vingt-cinq minutes. En
prenant en compte le temps d’installation des enfants et de transition entre les différents
moments, la séance entière doit durer environ cinquante-cinq minutes. L’élève qui travaille en
autonomie a directement accès à l’ensemble des fiches explicatives sur les différentes phases
de résolution du cube afin qu’il puisse gérer son apprentissage comme il l’entend.
L’apprentissage de la méthode de résolution d’un Rubik’s cube est un travail long qui
demande du temps et de l’entrainement afin d’être acquis. C’est pourquoi, nous incluons deux
séances supplémentaires de même format afin que les élèves puissent approfondir leurs
connaissances et correctement s’exercer en vue du test final.

La dernière séance, est proposée sous la forme d’un test final qui permettra d’évaluer les
progrès des élèves dans la résolution du Rubik’s cube. Durant cette séance, les élèves seront
seuls face un Rubik’s cube mélangé et le but sera de le résoudre en moins de 40 minutes.
Comme nous l’avons déjà évoqué, nous considérons que l’acquisition de cette méthode de
résolution passe par l’apprentissage de deux types de savoirs distincts, le savoir et le savoir-
faire. En effet, il est possible de connaitre par cœur une technique de résolution sans savoir
l’appliquer et inversement. Ainsi, nous accordons deux points pour chaque étape de résolution
réussie, un point pour se souvenir de la méthode et un point pour réussir à l’appliquer. Pour
les élèves qui présentent des difficultés dans l’acquisition d’un des deux types de savoirs, il
est proposé deux formes d’aides. Dans un premier cas la formule de l’étape, écrite en signe,
leur est donnée. Dans un second cas, ils ont le choix d’écrire cette formule sur la feuille
d’évaluation qui leur est distribuée au début du test, et l’expérimentateur viendra appliquer la
formule afin que l’élève puisse passer à l’étape suivante. Une troisième forme d’aide est
proposée aux élèves les plus en difficulté. L’élève a le choix de sauter des étapes de résolution
pour commencer la résolution à partir de la phase travaillée en groupe expert.

25
V. Hypothèses

D’après ce que nous savons sur leurs difficultés de socialisation, nous postulons que la
méthode de travail en groupe du Jigsaw teaching 2 n’est pas adaptée aux EIP.

Afin de pouvoir vérifier l’efficacité de cette méthode de travail nous utilisons le score total
obtenu lors de la résolution finale du Rubik’s cube qui constitue notre variable dépendante
notée sur quatorze points. Chaque fois qu’un élève réussit une étape sans aide, il inscrit deux
points, s’il a recours à une aide, il n’en obtient qu’un puisque l’aide soulage l’élève d’un des
deux savoirs d’une même étape. Ce score final permettra de quantifier la somme des
apprentissages réalisés par chaque élève ce qui nous aidera à montrer l’efficacité de la
méthode de travail Jigsaw teaching 2 chez les EIP

Son efficacité ayant été montrée chez un public NIP, nous émettons l’hypothèse que cette
méthode permettra de meilleurs résultats chez les NIP que chez les EIP étant donné les
difficultés de socialisation de ces derniers. Pour tester cette hypothèse, nous ferons varier le
profil intellectuel des participants. Il s’agira de deux groupes indépendants, un constitué
uniquement d’élèves EIP et l’autre uniquement d’élèves NIP.

Au vu de leur difficulté de socialisation, nous pensons, en outre, que l’EIP travaillant en


autonomie obtiendra de meilleurs résultats au score total de résolution que ceux qui travaillent
selon la méthode du Jigsaw teaching 2. Ainsi nous feront varier la méthode de travail selon
deux modalités. La première modalité sera celle de la méthode de travail Jigsaw teaching 2,
réalisée par une partie du groupe des EIP. La seconde modalité est représentée par l’élève qui
travaille en autonomie.

26
IV. L’analyse des résultats, des pratiques

1. Présentation des tableaux et figures

Une fois le test final achevé, nous pouvons classer les différents scores de chaque participant
dans deux tableaux (cf. tableau 1 et tableau 2). Les élèves EIP travaillant en groupe sont en
rouge, les élèves NIP travaillant en groupe sont en bleu, et en vert est désigné l’élève EIP
travaillant en autonomie. Ces deux tableaux ne rendent pas compte de l’ensemble de l’effectif.
En effet, le jour du test final, il y avait un absent chez les EIP et chez les NIP.

Elèves
EIP Y E Al K T C J Ar N
Score
total 0 0 2 4 4 5 12 14 6
Tableau 1 : tableau récapitulatif des scores chez les EIP

Elèves
NIP R Th M C L B J Ty
Score
total 0 2 2 2 4 5 9 11

Tableau 2 : tableau récapitulatif des scores chez les NIP

Nous pouvons remarquer avec le tableau 1 comme avec le tableau 2 que les scores sont assez
hétérogènes. On constate notamment que certains sujets n’ont pu rien rappeler lors du test
final, et ont obtenus des scores de 0, et que d’autres ont bien voire très bien compris, avec des
scores supérieurs à 7.

score = 0 score = 0
1
2 2 2
score entre 1 score entre 1
et 6 et 6
4 score entre 7 5 score entre 7
et 14 et 14

Figure 1 : répartition de l’effectif des EIP Figure 2 : répartition de l’effectif des NIP
en fonction des scores en fonction des scores

27
La comparaison des figures 1 et 2 montre que les répartitions des deux effectifs en fonction
des scores sont assez similaires, avec une majorité de participant qui possède un score positif
mais inférieur au score moyen (7 sur 14) que ce soit chez les EIP comme chez les NIP. La
différence notable réside dans le nombre d’enfant avec un score nul. En effet, chez les EIP,
deux sujets ont un score égal à 0 alors qu’il y en seulement un chez les NIP.

16 6
14 5,125
14
5 4,375
12 11
4
10
score moyenne
8 3
final NIP des scores NIP
6
EIP 2 EIP
4
1
2
0 0

élève ayant obtenu le meilleur score groupe de travail

Figure 3 : comparaison des meilleurs scores Figure 4 : comparaison des


obtenus chez les EIP et chez les NIP moyennes des scores chez les EIP
et les NIP

Bien qu’il y ait plus de participants EIP qui ont obtenu un score égal à 0, la figure 3 nous
montre que le score maximal est atteint uniquement chez eux. Ainsi l’étendue de la série des
scores chez les EIP est plus grande que chez les NIP. Les scores des EIP sont plus dispersés
donc plus hétérogènes. La figure 4, quant à elle, compare les moyennes des scores obtenus
entre les EIP et les NIP. Nous pouvons remarquer que la moyenne des EIP (5,125) est
légèrement supérieure à celle des NIP (4,375). Il s’agit d’une différence de 0,75 points sur une
échelle de 14 points ce qui représente une variation d’environ 5,4% sur l’échelle totale.
En outre, nous pouvons remarquer, sur la figure 5, que la médiane de la série de score des EIP
(4) est plus élevée que celle des NIP (3). Ainsi la moitié de l’effectif des EIP a obtenu un
score au moins égal à 4 alors que la moitié de l’effectif des NIP a obtenu un score au moins
égal à 3.

28
4,5 4 N
4
Y
3,5 3 J
3
mediane 2,5 A
des élèves EIP T
2 NIP travail en groupe
scores A
1,5
EIP E travail autonome
1
K
0,5
C
0
0 5 10 15
groupe de travail score total

Figura 5 : comparaison des médianes des Figure 6 : comparaison des résultats obtenus
scores chez les EIP et NIP chez les EIP en fonction de la méthode de
travail utilisée

La figure 6, pour sa part, nous donne des indications sur le score de l’élève EIP qui a travaillé
en autonomie par rapport au score de ses camarades. Nous pouvons remarquer qu’il a obtenu
un score égal à 6, ce qui est le troisième meilleur score de sa classe.

2. Interprétation des résultats et discussion.

La première chose à noter concernant ces résultats est la similitude qui existe entre les scores
des EIP et des NIP. En effet, comme nous le montre les figures 1 et 2, la majorité des
participants de chaque groupe a obtenu un score inférieur au score moyen de 7 sur 14 avec, à
chaque fois, deux élèves qui ont un score supérieur à la moyenne. Malgré cela, on remarque,
grâce aux figures 3, 4 et 5, que le score le plus haut, la moyenne et la médiane sont plus élevés
chez les EIP que chez les NIP. Nous avions postulé que la méthode de travail en groupe du
Jigsaw teaching 2 serait moins adaptée aux EIP qu’aux NIP. Ainsi nous pensions que les
scores des EIP seraient moins élevés que ceux des NIP. Or, et même si l’écart n’est pas très
important, nous constatons bien que ce sont les EIP qui ont obtenu les meilleurs scores. Ils ont
donc retenu et su rappeler plus d’information en moyenne que leur camarade NIP. Ainsi, ces
résultats invalident notre première hypothèse. Ils existent de nombreux facteurs qui pourraient
expliquer ces résultats.

Tout d’abord, nous pouvons nous poser la question de l’adéquation de cette méthode de
travail avec les caractéristiques intellectuelles particulières de cette population. En effet, du
fait de leur rapidité et de leur façon de penser, en arborescence, les EIP éprouvent des
29
difficultés dans l’organisation et la hiérarchisation de leurs idées. Or la réalisation d’un travail
de groupe demande non seulement la capacité de coopérer avec les autres membres du
groupe, mais aussi la faculté d’organiser et de répartir efficacement l’ensemble des tâches à
faire afin d’accorder à chacun un travail équivalent et complémentaire. Le Jigsaw teaching 2
n’est pas une simple méthode de travail qui regroupe les élèves pour les faire travailler
ensemble. C’est une méthode très cadrée et organisée qui décompose le travail en sous-tâche
afin que chaque élève n’ait à se concentrer que sur un aspect du problème. Ainsi, cette
méthode soulage les élèves de l’organisation générale et de la répartition du travail en groupe
qui leur demande de pouvoir s’extraire de la situation afin d’organisé leurs différentes idées.
Elle ne confronte donc pas les EIP à une de leur difficulté intellectuelle majeure. Nous
pouvons donc penser que d’une certaine manière, elle place les EIP dans une situation de
réussite plus favorable qu’un travail de groupe plus libre où les élèves ont aussi à se
concentrer sur la répartition des tâches et l’organisation générale. De surcroit, nous pouvons
penser, notamment du fait de leur métamémoire (Planche, 2010), que ces élèves peuvent
posséder des facilités scolaires par rapport à leurs pairs NIP. Ils utilisent leur mémoire de
façon à privilégier les opérations mentales qui leur permettent d’optimiser la rétention de
l’information. Il est donc possible que les difficultés occasionnées par cette méthode de travail
ne soient pas assez importantes pour compenser leur facilité à retenir l’information.

Ensuite, nous pouvons nous poser la question de l’environnement dans lequel ces enfants sont
plongés et des habitudes qu’ils ont déjà acquises. En effet, tous les participants EIP font partis
de la même école spécialisée dans la précocité intellectuelle. Une des conditions d’entrée est
d’être un EIP diagnostiqué. Les élèves ne sont donc confrontés qu’à des individus possédant
le même profil intellectuel qu’eux. Or, une des sources du dyssynchronisme social qui affecte
cette population réside dans la différence de la façon de penser que les EIP constatent entre
eux et leurs interlocuteurs. Ils ne comprennent pas les différences de rapidité ni le décalage
entre leurs centres d’intérêt et ceux des autres, desquelles peuvent résulter des problèmes
d’identification (Weismann-Arcache, 2009). Cependant, dans cette situation, les participants
EIP de cette étude sont confrontés à des individus qui possèdent le même système de pensée,
avec la même rapidité et souvent des centres d’intérêt similaires. On peut dès lors se poser la
question de l’importance de leur dyssynchronie sociale vis-à-vis des autres élèves EIP. En
outre, la directrice de l’établissement nous a expliqué que, conscients de leur difficulté de
socialisation, les professeurs habituent les élèves tout au long de l’année à se familiariser avec
le travail de groupe. Ainsi, l’influence de leur dyssynchronisme sociale sur leur capacité à

30
travailler en groupe est donc à remettre en question. Malgré cela, nous avons pu tout de même
constater que le mode de travail en groupe, n’était pas la méthode de travail privilégiée par les
EIP. En effet, a contrario du groupe de NIP qui s’est montré rapidement enthousiaste à l’idée
de travailler par groupe de trois, plus de la moitié de l’effectif d’EIP a montré le désir de
travailler seul lorsque, lors de la première séance, nous avons demandé un volontaire pour
travailler en autonomie. Ainsi, il existe donc bien une préférence du travail en autonomie par
rapport au travail en groupe chez les EIP, même si nous pensons que celle-ci n’est pas
déterminante de leur réussite lorsqu’ils travaillent en groupe puisqu’ils y ont été habitués tout
au long de l’année. A ce propos, nous avons remarqué une prévalence du sentiment
d’interdépendance sociale positive (Johnson et Johnson, 2009) chez les EIP par rapport à celui
présent chez les NIP. Durant toute la durée de l’étude, les élèves NIP ont, peu ou pas, pris en
compte le travail des autres participant de leur groupe. Ils ont pris très peu de notes sur leur
fiche explicative et ont peu anticipé le retour dans leur groupe originel ou chacun doit
expliquer aux autres ce qu’il a appris en groupe expert. A l’inverse, au cours de la troisième
séance, nous avons entendu plusieurs élèves du groupe des EIP s’exclamer qu’ils avaient
compris pourquoi ils devaient prendre des notes : afin que chacun puisse partager aux autres
pour qu’à la fin, ils puissent, ensemble, résoudre le cube en entier. Ainsi, ces élèves ont
compris le lien qui existait entre le but poursuivi par leur camarade et leur propre but.
Paradoxalement, ce sont les élèves qui sont censés avoir le plus de difficultés à comprendre
les implicites sociaux qui ont le mieux saisi cette idée sous-jacente à la méthode de travail en
groupe du Jigsaw teaching 2. Il est envisageable que des EIP, insérés dans un groupe
d’inconnus NIP développe davantage de difficultés dans la socialisation et la communication
avec ses pairs, mais notre étude ne permet pas de l’affirmer. Nous n’avons, dès lors, pas pu
constater de difficultés de socialisation ou de communication plus importantes chez les EIP
que chez les NIP. En outre, ce n’est pas parce que l’on n’est pas diagnostiqué EIP que l’on ne
peut pas éprouver des difficultés de socialisation. Nous pouvons donc penser que la
dyssynchronie sociale de ces enfants n’a pas été suffisamment mise en valeur dans cet
environnement pour observer des difficultés plus significatives que celles des NIP dans le
cadre d’un travail de groupe.

La question de l’adéquation du matériel utilisé avec le public peut également se poser. Les
participants de l’étude étant présents sur la base du volontariat, nous avions à cœur de choisir
un objet d’apprentissage ludique, qui susciterait en lui-même la motivation des participants
qui donnent de leur temps. Ainsi, nous avons choisi la résolution d’un Rubik’s cube car il

31
s’agit d’un casse-tête, donc d’un objet à connotation ludique qui représente un défi intellectuel
en soi. De plus cet objet d’apprentissage invite à la manipulation en permanence. Il s’agit d’un
objet concret que l’on doit manipuler pour résoudre, ce qui est une des bases de la
remédiation, notamment en mathématique. Conscient de la petite taille de la population
recherchée, nous nous sommes concentrés sur les objets d’apprentissage susceptibles
d’intéresser les EIP, sans nous rendre compte que cela risquait de les favoriser. Et en effet, les
NIP ont fini par se lasser, au cours de l’étude, de cet objet, insolvable et difficile d’accès pour
la plupart de l’effectif alors que parallèlement, l’intérêt des EIP pour ce casse-tête n’a cessé de
croître tout au long de notre recherche. Ainsi chez les EIP, nous avons constaté que certains
avaient décidé d’acheter leur propre Rubik’s cube et de s’entrainer seul, à la maison, avec la
technique officielle couche par couche qui est parfois donnée avec le cube ou alors facilement
trouvable sur le net. D’après les dire de la directrice, la résolution de ce cube est devenue, le
temps de l’étude, un sujet de conversation très présent dans leur discussion. Ils attendaient
chaque jour avec impatience de pouvoir continuer leur apprentissage et étaient fiers de
pouvoir montrer ce qu’ils avaient appris. A contrario, aucun NIP ne s’est entrainé seul entre
les séances d’apprentissage. Ainsi, nous pouvons supposer que les résultats que nous avons
obtenus sont davantage représentatifs de l’engouement des différents groupes autour de
l’objet d’apprentissage et de la motivation qui en a découlé plutôt que des difficultés
rencontrées lors du travail en groupe.

Enfin, il demeure une dernière piste qui pourrait apporter un éclairage différent à ces résultats.
Au cours de la rédaction de ce mémoire, est paru un court article rédigé par Gauvrit et Ramus
en 2017 et s’intitulant la légende noire des surdoués. Dans ce texte, les auteurs expliquent que
la majeure partie des difficultés et des problèmes que la littérature définit comme
caractéristiques des EIP est enfaite largement exagérée voir même correspond à des rumeurs
relayées par les médias. Selon ces auteurs, la pensée en arborescence, l’instabilité
émotionnelle, et la corrélation entre d’une part, le haut QI et d’autre part, l’échec scolaire et
les troubles psychiques sont des mythes qui ont été renforcés par un biais d’échantillonnage
général autour des enfants présentant un fort QI. Ces mythes prendraient leur source dans un
ouvrage publié par le médecin italien Cesare Lombroso, en 1877 et qui met en relief une
corrélation positive entre le génie et la folie. Bien que ce lien n’ait été étayé par aucun
fait tangible, l’idée fut reprise par de nombreux auteurs, et renforcée par un biais
d’échantillonnage concernant les EIP. En effet, les auteurs expliquent que la plupart des
enfants qui ont accès à un test de QI sont, en grande partie, venus consulter un

32
psychologue pour un problème différent au départ : « De fait, qui va consulter un
psychologue ou un psychiatre ? Les gens qui ont des problèmes, qu'il s'agisse d'un
véritable trouble psychologique ou d'une simple difficulté justifiant une consultation »
(Gauvrit et Ramus, 2017). On sait aujourd’hui qu’il existe un certain nombre d’enfant
qui pourraient être EIP mais qui, n’éprouvant pas de difficultés particulières, n’iront
jamais consulter un psychologue et donc ne seront jamais diagnostiqués. Ainsi, la
plupart des études qui ont été réalisées sur la précocité intellectuelle, s’appuie sur une
population d’EIP qui présente déjà des difficultés ou de véritables troubles
psychologiques. Ce biais est aussi renforcé par les associations de parents d’EIP et
d’adulte intellectuellement précoce. En effet selon les auteurs, une grande partie des EIP
ne ressentira jamais le besoin de rejoindre ces associations notamment du fait qu’ils
ignorent leur appartenance à cette population. Ainsi les membres de ces associations
rencontrent souvent des EIP ou des adultes intellectuellement précoces qui présentent
des problèmes. Ils peuvent donc en conclure que la précocité intellectuelle est liée aux
difficultés. Nous pouvons objecter qu’il existe surement des parents d’EIP qui ont fait
passer un test de QI à leur enfant pour son simple bien-être. Cependant, nous devons
concéder que les EIP qui ont été diagnostiqués suite à un problème nécessitant la
consultation d’un psychologue représentent une part non négligeable de la population
d’EIP diagnostiqués. Une fois ce document considéré, nous pouvons penser que
l’importance des diverses difficultés des EIP et notamment de la dyssynchronie sociale,
ont peut-être été déformées dans la littérature. Ainsi, le décalage entre ces enfants et les
NIP n’entrainerait pas de manière systématique des difficultés sociales qui exclue nt
l’enfant de son groupe de pair. La méthode de travail en groupe semble, dès lors, moins
paradoxal vis-à-vis des EIP.

Cependant, nous avions émis une seconde hypothèse, celle que des EIP travaillant en
autonomie obtiendraient de meilleurs résultats au test final que des EIP travaillant en
groupe. Malheureusement, nous n’avons pu tester la condition travail en autonomie que
sur un seul participant, étant donné le faible nombre d’EIP ayant participé à l’étude, ce
qui rend le travail de validation de l’hypothèse particulièrement difficile. Nous pouvons
remarquer, sur la figure 6 que le sujet travaillant en autonomie a obtenu un score de 6. Il
s’agit du troisième meilleur score du groupe des EIP. De plus, son score est supérieur à
la moyenne générale du groupe d’EIP qui est 5,125. Néanmoins, nous constatons que
son score reste proche de la moyenne du groupe. Il ne fait pas partie des participants qui

33
ont très bien compris avec des scores supérieurs à 10, ni des participants qui n’ont rien
pu rappeler. Etant pris en compte le faible écart entre son score et la moyenne du
groupe, et le fait qu’il soit seul à travailler en autonomie, nous ne pouvons pas valider
notre hypothèse. Nous pouvons simplement constater que pour cet élève, le travail en
autonomie n’a pas semblé poser plus de difficultés que le travail en groupe. Il existe
cependant une piste d’explication d’ordre méthodologique qui peut justifier cette légère
meilleure réussite de l’élève travaillant en autonomie. Les contraintes du lieu et de
l’étude ne nous ont pas permis de pouvoir installer cet élève dans une salle séparée.
Ainsi, même s’il travaillait seul, il a pu voir et entendre les autres EIP qui travaillaient
en groupe. De fait, en plus de son apprentissage en autonomie, cet élève a pu bénéficier
de manière consciente ou inconsciente d’un apprentissage vicariant vis-à-vis des autres
élèves. Il a pu les observer et construire ses propres règles de résolution à partir de cela.
Cela peut expliquer le fait qu’il ait obtenu des résultats légèrement supérieurs, il a pu
bénéficier d’une partie des apprentissages qui sont caractéristiques du travail en groupe.

Suite à ces interprétations, nous pouvons invalider notre hypothèse générale, le travail
en groupe et plus particulièrement le Jigsaw teaching 2 ne semble pas moins efficaces,
chez les EIP que chez les NIP. Les différences de scores peuvent s’expliquer par
l’adéquation de l’objet et de la méthode d’apprentissage avec la population et par
l’environnement qui tend à inhiber leur dyssynchronisme social. Cette conclusion nous
invite à abonder dans le sens de Gauvrit et Ramus, (2017) dans la mesure ou la
dyssynchronie sociale chez les EIP ne représente pas un problème en soi dans le cadre
d’un travail de groupe. Néanmoins, nous devons concéder qu’il existe plu sieurs biais
d’ordre méthodologique qui ont pu venir altérer la pertinence de ces résultats. Afin de
pouvoir proposer une méthodologie plus solide, nous allons maintenant nous efforcer de
décrire et de proposer une remédiation à chacun de ces biais.

34
V. La partie réflexive

1. Limites et perspectives

Il existe donc plusieurs limites à notre étude qui ont pu venir biaiser les résultats que nous
avons obtenus. L’échantillon en lui-même constitue le premier de ces biais.

Il est bon de rappeler que cette étude pose des contraintes matérielles et humaines qu’il nous
semble difficile de contourner. Tout d’abord le faible nombre de participant EIP se révèle être
une limite en soi, d’autant que nous ne pouvons pas reporter ou prolonger les séances pour les
absents ou ceux qui sont en retard. Malheureusement, trouver des participants qui
correspondent au profil recherché, c’est-à-dire un EIP diagnostiqué qui soit au niveau du
cycle 3, est une tâche assez difficile. En effet, sur l’année 2017, l’académie de Toulouse
recense 243 097 élèves du primaire et du secondaire sur toute la Haute-Garonne. Il y aurait
donc environ 5 600 EIP du primaire et du secondaire dans ce département. Etant donné qu’ils
ne sont pas tous en cycle 3, qu’une partie n’est pas diagnostiquée et que notre étude s’effectue
sur la base du volontariat, la population que nous ciblons dans cette étude s’en trouve très
réduite. Pour compléter l’effectif qui a accepté de participer à l’école Arborescence, nous
aurions pu aller proposer notre étude dans des associations spécialisées comme l’AFEP, ou
bien faire passer l’information dans plusieurs écoles publiques. Cependant afin d’utiliser la
méthode du Jigsaw teaching 2, nous avons besoin que tous les participants soient présents
dans un même lieu à la même heure, sur cinq séances différentes. Il faut donc trouver aussi un
lieu pour les réunir en dehors du temps scolaire, qui ne représente pas trop de frais de
déplacement pour les participants. En outre, les séances ne doivent pas être trop espacées afin
que l’apprentissage ait du sens et ne semble pas décousu. De fait, nous sommes conscients
qu’un groupe d’EIP plus grand et avec plus de mixité, puisque ce groupe ne comptait qu’une
seule fille, aurait apporté plus de poids à notre étude. Ainsi, notre échantillon d’EIP est
composé de dix enfants appartenant tous au même établissement. Cela constitue aussi un biais
particulier par rapport à notre expérience. Les élèves se connaissent depuis au minimum le
début de l’année scolaire. Ils ont déjà eu le temps de tisser des liens et de développer une
socialisation entre eux. D’autant qu’il s’agit d’une population constituée uniquement d’EIP.
Ils ont donc moins de décalage avec leurs camarades EIP qu’avec les NIP. On peut se

35
demander si des problèmes de socialisation dus au dyssynchronisme social peuvent être
observés dans de telles conditions.

Le deuxième biais relevable concerne la méthodologie utilisée pendant le test. Il est important
de signaler qu’en fonction des contraintes horaires imposées par les établissements qui ont
accepté de participer à l’étude, la méthodologie a légèrement différé d’une population à
l’autre. A l’école élémentaire publique, nous avons pu proposer des séances complètes de
cinquante-cinq minutes. A contrario, pour l’établissement Arborescence, la durée des séances
était trop importante. Nous avons donc scindé les séances de cinquante-cinq minutes en deux
séances de trente minutes environ. Les EIP ont donc pu bénéficier de davantage de séances,
mais plus courtes pour chacune d’entre elle. Non seulement, cette différence de méthodologie
constitue un biais en soi pour notre étude, mais de plus, elle nous invite à nous interroger sur
la pertinence de la méthodologie prévue. Faire des séances plus nombreuses mais plus courtes
serait-il susceptible de soulager une éventuelle surcharge cognitive et donc de faciliter les
apprentissages ? Si oui, est-il opportun de faire alterner en permanence les élèves entre leur
GE et leur GO ? Qu’en est-il du sentiment d’interdépendance sociale positive vis-à-vis des
membres du GO dans le cas où les élèves resteraient avec leur GE pendant les trois premières
séances ? Toutes ces questions mériteraient d’être approfondies afin de proposer un protocole
expérimental plus abouti. Nous remarquons de surcroît que dans le protocole expérimental, la
place de l’expérimentateur et l’aide qu’il peut apporter aux différents groupes sont assez mal
définis. Lorsque nous avons encadré les différentes séances d’apprentissage, nous avons
éprouvé des difficultés à adopter une posture adaptée entre, d’un côté, la posture de
l’enseignant qui cherche à étayer les apprentissages, à proposer son aide pour faciliter la
compréhension et à dédramatiser l’erreur et, d’un autre côté, la posture de l’expérimentateur
qui essaie d’avoir le moins d’influence possible dans le déroulement de l’étude afin de ne pas
modifier les résultats de son expérience. Nous avons essayé de répartir notre temps d’attention
de manière égale, en incitant chaque participant à trouver par lui-même les réponses à ces
questions, mais cette option manque de rigueur scientifique. En outre, que ce soit chez les EIP
ou chez les NIP, les résultats nous indiquent globalement que les élèves ont éprouvé des
difficultés durant cet apprentissage (la plupart des élèves ayant obtenu un score inférieur à
sept sur quatorze). Nous ne pensons pas que cet apprentissage soit trop difficile pour des
enfants de leur âge. Selon nous, c’est le nombre de séance proposée qui n’était pas suffisant
pour une réussite complète de la tâche. Il serait possible de réduire la taille de l’apprentissage,
en demandant aux élèves de n’apprendre que le début de la méthode, mais nous craignons que

36
cela joue sur la motivation des participants. Apprendre à résoudre un Rubiks’cube n’est pas la
même chose qu’apprendre à en résoudre la première partie. Le protocole proposait 3 séances
d’apprentissage d’une heure chacune environ. Nous pensons qu’il en faudrait le double pour
constater un apprentissage globalement réussit. Nous réalisons que ce manque de temps
résulte d’une organisation à améliorer pour notre part, cependant, les écoles, publiques ou
privées, ont souvent un emploi du temps assez chargé avec un programme qu’il faut suivre et
doivent terminer des projets déjà en cours. Leur demander tant de temps requiert une
préparation très en amont.

Le matériel employé au cours de l’étude est aussi à remettre en question. Non seulement
l’objet d’apprentissage semble trop adapté au public EIP par rapport au public NIP, mais de
plus l’utilisation abondante de fiche à lire et à remplir a pu jouer un frein dans la
compréhension globale que les élèves ont eu de la tâche à accomplir. En effet, entre les fiches
de présentation générale, les fiches explicatives de chaque phase de résolution et les fiches
récapitulatives, les élèves se sont parfois retrouvés avec plus de quatre fiches différentes en
main, ce qui a pu les gêner et refreiner leur motivation. Il a été fréquent que les élèves notent
des commentaires sur les fiches explicatives en délaissant complètement la feuille prévue à
cet effet (la fiche récapitulative).

Enfin, il demeure un dernier biais qui semble avoir eu une certaine influence sur la motivation
des deux groupes: l’environnement dans lequel se sont déroulées les séances d’apprentissage.
Pour les EIP, les séances d’apprentissages ont eu lieu pendant le temps scolaire, à la place
d’un autre cours, l’après-midi avant la récréation. Pour les NIP, ces séances se sont déroulées
sur le temps de l’ALAE, pendant l’heure de récréation avant le repas. Nous avons très
rapidement constaté que la motivation des EIP, qui allaient apprendre à résoudre un Rubik’s
cube au lieu d’avoir cours, était très supérieure à celle des NIP qui, pour leur part, allaient
participer à l’étude au lieu de jouer avec leurs amis en récréation. Nous n’avons pas
intentionnellement choisi de différencier ainsi les deux environnements, mais les contraintes
des deux établissements et du protocole nous ont résolu à procéder de cette manière. Quatre
enfants NIP sur les huit qui ont passé le test final ont manifesté verbalement leur envie de
faire autre chose au cours de l’étude, alors que chez les EIP, seul un enfant a manifesté le
même désir et nous pensons qu’il résultait d’une difficulté pour le participant à gérer l’échec.
Il existe donc un certain nombre de limite que l’on peut objecter à cette recherche. Afin de
proposer un protocole expérimental qui en tienne mieux compte, nous allons proposer des
pistes de remédiations basées sur le constat de ces divers biais.

37
2. Les pistes de remédiation

Une des limites majeures de notre étude, réside dans le petit nombre de participant. Nous
avons déjà expliqué les difficultés de réunir un public d’EIP, mais malgré cela, avec des
moyens et une organisation appropriés, il serait possible d’étendre la taille de l’échantillon. Le
réseau d’école Arborescence est implanté dans trois villes différentes en France, La Salvetat-
Saint-Gilles, Nantes et Noisy-le-Grand. Nous pourrions envisager de contacter chacune de ces
écoles afin de gonfler notre effectif. Nous ne pouvons pas envisager de faire travailler les
élèves de ces différentes écoles ensemble. Cependant, si nous arrivons, dans chaque école, à
former un groupe de participant de 10 EIP et qu’un professeur accepte de leur faire passer le
protocole, nous pourrions tripler notre effectif. Pour cela, l’enseignant devra être formé à la
méthode de résolution du Rubik’s cube couche par couche, car il doit pouvoir à tout moment,
reconstruire un Rubik’s cube à l’étape demandée ou donner des explications sur la méthode à
suivre. Cela signifie aussi prendre le risque de divergences méthodologiques en cas d’erreur
de compréhension entre nous et l’enseignant qui accepte de nous aider. Une
mécompréhension est toujours possible. Nous pourrions aussi étendre notre effectif aux
associations et aux parents d’élèves de cycle 3 dans les écoles non-spécialisées. Mais cela
implique le fait de ne plus faire passer le protocole durant le temps scolaire afin de ne pas
retomber dans le même biais d’environnement que notre étude. Cela signifie aussi trouver un
lieu pour que les participants puissent se réunir et peut-être, envisager un défraiement du
transport. Cette option n’est donc pas compatible avec l’idée de contacter les autres écoles du
réseau Arborescence. Ainsi, il serait possible de réitérer cette étude avec un effectif plus
étoffé et en disposant de moyens appropriés, car en effet, qui dit davantage de participant dit
aussi plus de matériel à acheter. Il conviendrait également d’effectuer cette étude au début de
l’année scolaire, c’est-à-dire au moment où les élèves ont eu le moins d’opportunités de créer
des liens avec leurs pairs. Cela permettrait de créer des conditions plus favorables à
l’observation d’un dyssynchronisme social.

D’un point de vue méthodologique, nous avons relevé plusieurs points qui mériteraient d’être
modifiés afin d’améliorer les conditions de passation du protocole. Tout d’abord, pour éviter
les différences méthodologiques entre les deux populations, il conviendra à l’avenir de
s’assurer que chaque établissement approuve le protocole employé avant de commencer
l’étude. Cet écart de procédure nous a fait réaliser que l’organisation générale des séances
d’apprentissage que nous avions choisie dans notre protocole n’était peut-être pas la plus

38
appropriée afin de permettre un apprentissage dans les meilleures conditions. Le fait de
proposer trois séances de cinquante-cinq minutes constitue peut-être un enseignement trop
intensif pour les élèves. D’un autre côté, faire des séances plus nombreuses, mais plus courtes,
diminue peut être le sens qui peut être accordé à cet apprentissage en le faisant paraître plus
décousu. En effet, le fait d’alterner du GO au GE d’une séance à l’autre peut être assez
chronophage et désorienter les élèves vis-à-vis de l’objectif poursuivi par chacun des groupes.
Fort de ce constat, nous pensons qu’il serait possible de pallier cet écueil en remaniant
l’organisation générale des séances d’apprentissages. Nous ferions des petites séances de
trente minutes et au lieu de faire alterner les groupes une séance sur deux, les trois premières
séances seraient consacrées à la recherche en groupe expert, et les trois séances suivantes
porteraient sur la transmission des connaissances et savoir-faire acquis précédemment.
Cependant, avec cette nouvelle méthodologie, nous craignons que les participants éprouvent
des difficultés à construire une interdépendance sociale positive au sein de leur groupe
originel. Nous rappelons que la conscience de cette interdépendance sociale est capitale dans
la phase de recherche en groupe expert afin de procurer la motivation nécessaire à chaque
participant de s’investir dans son travail pour pouvoir le retransmettre ensuite dans son groupe
originel. De manière générale, nous avons remarqué que la prise de conscience de
l’interdépendance sociale par l’ensemble des groupes de l’étude n’avait pas été optimale.
Certains EIP en ont manifesté verbalement la compréhension, mais jamais avant la troisième
courte séance d’apprentissage. Il s’agit donc d’un point à renforcer qu’elle que soit la
méthodologie employée. Afin d’y remédier, nous avons pensé à adapter les conditions
d’obtention de la récompense. La consigne actuelle, qui était : « seuls ceux qui se sont donnés
à fond et qui n’ont pas abandonné obtiendront la récompense », nous a permis de susciter la
motivation des élèves en offrant à chacun l’opportunité de pouvoir obtenir la récompense
même s’il ne parvenait pas à apprendre la méthode parfaitement. Nous pourrions modifier la
consigne pour ne donner la récompense qu’aux groupes qui se sont donnés à fond et qui n’ont
pas abandonné, mais ce serait prendre le risque de ne pas récompenser certains élèves, qui
pourtant ont joué le jeu, en raison du comportement non adapté d’un des membres du groupe.

Nous pensons également qu’il pourrait être utile de passer plus de temps à expliquer la
nécessité de travailler de concert avec chaque membre du groupe dans le cadre de la méthode
de travail Jigsaw teaching 2. De manière générale, le temps nous a fait défaut au cours de
cette étude. Nous aurions eu besoin de davantage de séances d’apprentissage mais aussi
d’organiser à l’intérieur de ces séances plus de temps consacrés à la lecture des fiches et à la

39
prise de note. En effet, nous avons surement mal pris en compte au cours de cette étude le
rapport des élèves avec l’écrit. Etant en cycle 3, nous étions partis du fait que la lecture et
l’écriture étaient pour eux des outils maitrisés, utilisés dans n’importe quel moment
d’apprentissage. Ainsi, nous n’avons pas accordé un temps spécifique de lecture des fiches
explicatives et de prise de note. Nous l’avons fait pour la séance de présentation et nous avons
ensuite considéré que les enfants étaient responsables de leur phase de recherche en groupe.
Or nous avons dû intervenir plusieurs fois pour expliquer aux participants que les réponses à
leurs questions se trouvaient dans la fiche explicative qu’ils avaient en leur possession. En
outre, plusieurs élèves n’ont rien écrit dans leur fiche récapitulative à l’évidence car il n’y
avait pas de temps spécifique prévu à cet effet. Au lieu d’inscrire des conseils qui auraient pu
les aider à transmettre leurs connaissances, ils ont préféré manipuler le Rubik’s cube. La
solution serait donc d’organiser des séances de 40 minutes qui se composeraient de trente
minutes de travail en groupe, 5 minutes de lecture au début et 5 minutes de prise de note à la
fin. Ces fiches explicatives que nous avons distribuées aux participants mériteraient aussi
quelques ajustements. Elles sont inspirées de la méthode de résolution couche par couche
disponible sur le site (http://www.rubiks-cube.fr). Ce site propose des moyens
mnémotechniques sous la forme de petites histoires pour retenir les techniques de résolution
de chaque étape. Cependant ces histoires sont souvent l’élément le plus dense à retenir de la
fiche explicative et ne servent qu’à la rétention de la technique sans apporter d’aide sur sa
compréhension ou sa mise en application. Il serait bon de séparer les apprentissages en
proposant d’abord aux participants d’apprendre à mettre en œuvre la technique de résolution
avant d’apprendre à la retenir.

Ensuite, nous sommes convaincus que la place de l’expérimentateur est à revoir et à mieux
définir. Comme nous l’avons expliqué, nous avons eu des difficultés à trouver une posture
juste qui aurait permis d’apporter notre aide aux élèves sans pour autant modifier les résultats
de l’étude. De plus, nous nous sommes rendu compte que les missions de l’expérimentateur
étaient multiples et lui demandaient d’être concentré sur plusieurs tâches en même temps. Il
doit non seulement s’assurer que le protocole est bien respecté, ce qui inclut aussi gérer la
discipline du groupe d’enfant, mais aussi apporter son aide aux participants et refaire en
permanence les Rubik’s cube qui ont été désorganisés. Durant notre étude, nous avons assumé
seul ces différentes missions en choisissant de circuler entre les groupes pour pouvoir avoir
une observation globale de la situation et apporter une aide individuelle à ceux qui en
montraient le besoin. Nous pensons aujourd’hui, non seulement que la participation d’un

40
second expérimentateur permettrait de répartir les tâches et de soulager la charge cognitive
inhérente à la fonction, mais aussi qu’il serait important de définir davantage le cadre de son
intervention. Nous imaginons une procédure dans laquelle le ou les expérimentateurs sont
assis à une table. D’un côté de la table, il y aurait un endroit prévu pour que les élèves
apportent d’eux même leur rubik’s cube désorganisé et puissent en prendre un nouveau,
adapté à leur étape de résolution. En outre, chaque groupe se verrait attribuer un temps d’aide
de cinq minutes. Les élèves pourraient venir, un par un, à la table de l’expérimentateur et
utiliser tout ou une partie des cinq minutes pour échanger avec l’expérimentateur, afin
d’obtenir des explications ou une démonstration. Cela permettrait au chercheur d’avoir un
meilleur contrôle sur son expérience en lui évitant de courir partout pour répondre aux
diverses sollicitations des participants. De plus, il pourra s’assurer qu’il a offert le même
temps d’aide à chacun des groupes ou aux élèves travaillant en autonomie. En outre, il serait
plus à même de prendre en compte les diverses émotions qui accompagnent les échecs et les
erreurs inhérentes à une nouvelle situation d’apprentissage. En effet, la résolution d’un rubik’s
cube passe forcément par des erreurs qui demeurent assez frustrantes. Un seul mouvement
mal exécuté, et c’est toute la phase de résolution qu’il faut recommencer depuis le début, ce
qui peut être particulièrement décourageant, notamment pour des EIP qui présentent des
difficultés à accepter l’erreur. Nous avons d’ailleurs pu constater auprès des participants EIP
ayant montré des signes de démotivation que la source de ce découragement était la difficulté
de l’apprentissage. Ces participants avaient du mal à accepter le fait de ne pas réussir
l’apprentissage du premier coup. On peut comprendre qu’il s’agisse d’un problème récurrent
chez les enfants de cette population qui sont habitués à comprendre très rapidement ce qui
leur est présenté dans le cadre scolaire. Il pourra être nécessaire de prendre du temps en face à
face avec ces élèves mais aussi en groupe pour dédramatiser l’erreur, expliquer qu’elle est
nécessaire et constituante du processus d’apprentissage même si l’élève n’y est pas habitué.
Nous pouvons envisager de montrer à l’élève en difficulté qu’il n’est pas le seul dans ce cas
ou évoquer le temps et le nombre d’erreur qu’il a fallu à l’inventeur de l’objet et à
l’expérimentateur pour intégrer parfaitement la technique. Enfin, en ce qui concerne les sujets
qui travaillent en autonomie, nous pensons qu’ils devraient être déplacés dans une salle
séparée. Cette mesure pourrait être interpréter comme délétère pour la motivation des
participants, car, travailler seul et isolé semble moins ludique que travailler en groupe avec le
reste de l’effectif. Cependant, une fois pris en compte le désir ardent des EIP de travailler en
autonomie, nous pensons que cette mesure n’aura pas tant d’influence sur leur motivation. De

41
plus, cela permettrait de limiter le biais de l’apprentissage vicariant qui peut se constater si
l’élève est en présence de pairs effectuant la même tâche.

Ainsi, il réside dans notre étude, un certain nombre de biais qui ont pu venir altérer la
précision des résultats que nous avons recueillis. Cependant, après avoir pris un peu de recul
sur notre protocole, nous nous sommes rendons compte qu’il existe deux points particuliers
dans notre façon de procéder qui seraient à améliorer pour remédier à une grande partie des
biais constatés. Ce sont des points de progression centraux qui nous seront utiles dans notre
pratique professionnelle autant que dans notre vie quotidienne. Le premier point est le fait de
non seulement envisager mais aussi commencer à effectuer les tâches en avance. La
confrontation rapide de la réalité avec la représentation que nous en avons permet une prise en
compte des limites plus tôt et donne ainsi la possibilité de proposer des remédiations en
avance. Si nous avions réalisé des pré-tests en amont, nous nous serions aperçus que le faible
nombre de participants constituait une limite si importante et nous aurions pu envisager de
contacter les autres écoles du réseau Arborescence par exemple. Le deuxième point de
progression concerne la représentation que nous avons de la capacité d’apprentissage des
enfants du cycle 3. Au fil de notre parcours durant ce Master, et encore plus au cours de cette
étude, nous avons réalisé qu’il était important pour un public de cet âge de bien fractionner et
décomposer l’apprentissage en unités simples et concises. Il aurait surement été plus efficace
de proposer un protocole qui sépare les apprentissages sur des séances plus courtes mais plus
nombreuses. A l’avenir, nous respecterons davantage les particularités d’apprentissages des
élèves, qu’il s’agisse de la nécessité de décomposer les enseignements, d’instaurer des temps
spécifiques de lecture et de trace écrite ou de mieux prendre en compte la gestion de l’échec.
Nous nous organiserons également plus en amont afin de mieux gérer notre temps, de pouvoir
nous confronter à nos propres limites plus vite, et ainsi de proposer une remédiation plus
prompte.

42
VI. Conclusion

Cette étude avait pour objectif d’éclaircir la question de l’efficacité du travail de groupe chez
les enfants intellectuellement précoces. Il s’agit là d’un sujet qui non seulement, s’ancre dans
la volonté du gouvernement de rendre l’école publique plus inclusive, mais aussi qui nous
tiens particulièrement à cœur puisqu’il permet de faire le lien entre deux notions qui
retiennent notre attention. D’une part, la précocité intellectuelle, qui est un concept encore
assez mal défini, et qui s’accompagne généralement de particularités développementales
récurrentes, observables chez les individus diagnostiqués. Il s’agit notamment de la
dyssynchronie sociale qui peut occasionner des troubles dans leur socialisation. D’autre part,
l’influence du groupe sur l’individu, et plus particulièrement l’influence du travail de groupe
qui est un mode de travail recommandé par l’Education Nationale au travers du socle
commun de compétences, de connaissances et de culture.

Ainsi, répondre à cette question devrait permettre de mieux comprendre les particularités
d’apprentissage des enfants intellectuellement précoces afin de leur proposer un modèle
d’enseignement adapté à leurs besoins. Pour cela, nous avons choisi d’utiliser la méthode de
travail en groupe du Jigsaw teaching 2 adjointe à un objet d’apprentissage particulier, le
Rubik’s cube afin de proposer un apprentissage original et motivant aux participants. Nous
pensions, dès lors, que les EIP éprouveraient plus de difficultés à assimiler les informations en
groupe que des NIP ou des EIP travaillant seul. Cependant, au terme du test final, nous avons
remarqué qu’en moyenne les EIP avait su rappeler plus d’informations que leurs pairs NIP.
Pour la condition de travail en autonomie, nous n’avons pas pu réunir un échantillon assez
conséquent pour valider ou invalider notre hypothèse. Le sujet travaillant dans cette condition
ayant obtenu un score proche de la moyenne des scores de ses pairs EIP, nous pouvons
simplement en conclure que cet élève n’a pas rencontré plus de difficultés que ces camarades
travaillant en groupe lors de cet apprentissage. Notre hypothèse générale est donc invalidée, le
travail en groupe n’est pas moins adaptée aux EIP. Nous tenons néanmoins à rappeler qu’il
existe divers biais qui ont pu venir altérer les résultats de notre étude. Une étude comprenant
un échantillon plus grand et se basant sur les pistes de remédiations que nous avons pu
proposer, comme revoir l’organisation des séances, commencer l’étude plus en amont de
l’année scolaire ou mieux définir le rôle de l’expérimentateur pourrait s’avérer nécessaire afin
de venir confirmer nos conclusions. Cependant, si celles-ci s’avèrent confirmées, il en découle

43
de multiples implications. Tout d’abord, il conviendra de continuer à encourager le recours au
travail de groupe et notamment chez un public d’EIP, leur dyssynchronie sociale n’étant pas
suffisante pour provoquer des difficultés de coopération particulières. Ensuite, nous
remarquons que la question de la motivation chez les apprenants occupe une place aussi
importante que la méthode de travail utilisée. Il est donc important de réunir les conditions qui
entretiennent leur motivation, par des processus de renforcement et par un choix de méthode
et de matériel adapté. Enfin, ces conclusions nous amènent à rejoindre le point de vue défendu
par Gauvrit et Ramus (2017). Les EIP ne possèdent peut être pas autant de troubles que la
littérature et les médias peuvent le laisser penser. Il existe, certes, un décalage entre eux et les
NIP, mais il n’est pas synonyme de difficultés de socialisation systématiques et irrémédiables.
Le véritable problème demeure l’établissement du diagnostic de précocité intellectuelle.
L’usage du WISC comme unique outil de diagnostic est non seulement réducteur du concept
de précocité intellectuelle mais est de plus réservé aux psychologues diplômés. Il est donc
uniquement administré aux personnes qui sont allées consulter un psychologue, ce qui
constitue un biais d’échantillonnage pouvant mener à la constitution d’un profil altéré pour la
population concernée. Cela pourrait mener à ne pas établir de diagnostic de précocité
intellectuelle pour un enfant dont le QI dépasserait 130 sous prétexte qu’il ne présenterait pas
de difficultés. Il est donc nécessaire de revoir notre manière de diagnostiquer la précocité
intellectuelle afin ne pas tomber dans un profil général de l’enfant intellectuellement précoce,
qui le définit uniquement par ses difficultés. L’apport actuel des neurosciences pourrait être
envisagé comme un complément au QI dans le diagnostic de la précocité intellectuelle. Il
serait intéressant d’étudier le lien entre le QI et la plasticité cérébrale, la rapidité de traitement
de l’information et l’utilisation des différentes aires du cerveau. Cela permettrait peut-être
d’établir des outils de diagnostic qui prennent mieux en compte l’aspect qualitatif de leur
fonctionnement psychique.

44
VII. Bibliographie

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48
VIII. Annexes
Annexe A : Tableau des différents stades de développement cognitif selon la
théorie opératoire de l’intelligence de Piaget (1923)

Période Nom du stade Description du stade


De 0 à 2 Stade sensorimoteur L'enfant explore le monde grâce au mouvement
ans et aux sensations. Tous les objets sont palpés et
mis à la bouche.
ce stade se termine par l'acquisition de la
permanence de l'objet.
De 2 à 7 Stade de la pensée pré- L'avènement du langage et la capacité à se
ans opératoire représenter les choses à partir de mots
L’enfant va saisir la notion d'espace et distinguer
le passé du futur, mais il reste encore très centré
sur le présent.
Ce stade se termine par l’acquisition de la
théorie de l’Esprit.
De 7 à 11 Stade des opérations L'enfant acquiert la capacité de créer des
ans concrètes raisonnements logiques nécessitant un rapport
au concret ainsi que la conservation de
substances, de poids, de volumes.
Le concept de réversibilité voit le jour, le
sentiment de justice morale et l'autonomie se
développent.
Après 11 Stade des opérations L’enfant peut raisonner sur des concepts
ans formelles abstraits et produire des raisonnements
hypothético-déductifs.

I
Annexe B : Fiches de présentation du Rubik’s cube, du vocabulaire et des
signes

Les différentes parties du rubik’s cube

La différence entre la position et l’orientation

Les arêtes et les coins auront besoin d’être positionnés ET orientés.


1) La position d’une pièce, c’est l’endroit où elle est située. Pour bien positionner une pièce,
par exemple l’arête blanche-verte, il faut qu’elle soit entre les faces blanches et vertes.
2) Une fois qu’une pièce est dans la bonne position il faudra l’orienter. C’est-à-dire qu’il
faut que les couleurs de la pièce soit sur les faces correspondantes (La couleur verte doit être
sur la face verte et la couleur blanche sur la face blanche)

Arête blanche-verte Arête blanche-verte


mal positionnée bien positionnée
mais mal orientée

Arête blanche-verte bien positionnée et bien orientée

II
Annexe C : Fiches explicatives des différentes phases de résolutions

Phase 1 : La première couronne

ETAPE DE LA CROIX :

L’objectif de cette étape est de faire une croix blanche comme ceci

On positionne la face blanche vers le haut et le but de l’exercice sera de


bien positionner et orienter les différentes arêtes.

1) Positionner les arêtes


Il n’existe pas de technique officielle pour positionner les arêtes. Essaie de tourner les lignes
et colonnes du Rubik’s cube pour mettre les arêtes blanches dans la bonne position. Si les
deux couleurs de l’arête sont inversées, ce n’est pas grave. On les orientera après.

2) Orienter les arêtes

Si les deux couleurs de tes arêtes sont inversées, voici la technique afin de les orienter
correctement (toujours avec la face blanche vers le haut et l’arête concernée face à soi)

Voici la petite histoire qui permet de s’en rappeler (tu n’es pas obligé de l’apprendre pour la
réaliser, c’est juste un moyen mnémotechnique pour s’en souvenir) :

1) Je tourne la poignée vers la gauche

2) J’ouvre la porte coulissante

3) Je rentre

4) Je ferme la porte coulissante (oui j’ai une vie passionnante)

III
ETAPE DES COINS :

L’objectif de cette étape et de former la première couronne avec la face blanche comme ceci :

Pour cette étape, on va orienter la face blanche vers le bas. Il faut donc
retourner le rubik’s cube

La technique pour positionner et orienter les coins :

Cette technique s’intitule beautiful move.

Pour pouvoir l’appliquer il faut que le coin que tu cherches soit positionné en haut à droite
sur la face devant toi.

Si cela ne fonctionne pas du premier coup, recommence en laissant le cube dans la même
position. Cela finira par fonctionner

Cette technique porte ce nom car quand on arrive à la faire vite et correctement, elle est très
agréable à faire. C’est même déstressant pour certains.

IV
Phase 2 : La seconde couronne (et la deuxième croix)

ETAPE DE LA SECONDE COURONNE

Cette étape n’est pas la plus compliquée mais est assez longue car on doit reproduire plusieurs
fois d’affilé la même technique pour chaque arête.
Actuellement ton cube ressemble à cela :

Le but de cette étape est d’arrivé à cela

Pour cela il existe une technique qui permet d’échanger ces deux arêtes
Pour utiliser cette technique, place :

- la face blanche vers le ciel,


- le T face à toi
- l’arête que tu veux placer sur la deuxième couronne, à la base du T (ici l’arête verte-
rouge).

Voici la technique : dans cette histoire on appelle l’arête à placer « Le Belge »

1) Il se trompe de sens et part à gauche.


2) Ses ami de droite descendent pour qu’il revienne.
3) Le Belge revient à droite.
4) Ses amis rentrent chez eux.
5) Emporté dans son élan, le Belge continue.
6) Le Belge, énervé, emporte avec lui toute la face.
7) Épuisé, il se calme et revient.
8) La face revient.

Recommence la technique sans tourner le cube jusqu’à ce que l’arête soit bien positionnée Et
orientée.

V
ETAPE DE LA SECONDE CROIX :

Une fois la seconde couronne construite, on retourne le cube afin d’avoir la face blanche en
dessous et la face jaune au dessus.

Maintenant, il faut chercher des figures particulière sur la face jaune.

Si tu as une barre ou un point

utilise cette technique :

Cette étape te permettra de faire apparaitre soit la croix soit une virgule

Si tu as la virgule, positionne la comme sur le dessin

Il faudra ensuite utiliser une autre technique : La voici

Moyen mnémotechnique

1. Je vais dans le futur en quête d’aventure

2. Une porte automatique coulissante laser s’ouvre

3. Je passe la main pour vérifier si c’est sans danger

4. Mais la porte se referme sur ma main et la coupe

5. Ma main tombe par terre

6. Je retourne vers le passé, manchot

VI
Phase 3 : La dernière couronne

ETAPE DE L’ORIENTATION DE LA CROIX

La dernière croix est créée, mais maintenant il faut l’orienter

Il faut donc passer de cela à cela

Pour cela, il faut utiliser les une technique qui nous permet de décaler toutes les arêtes d’un
quart de tour vers la gauche sauf celle qui est face à nous.

Oriente le cube avec la face jaune vers le haut et utilise cette technique.

L’histoire de la chaise :
1) Le Belge se lève de sa chaise brusquement
2) x2 Comme il est en forme, il part très loin
3) Mais sa chaise tombe
4) Le Belge revient un peu (x1) sur ses pas
5) Redresse sa chaise
6) Revient se placer devant (x1) sa chaise
7) Se rassied

ETAPE DE LA POSITION DES COINS

Cherche un coin bien positionné (c’est-à-dire dont les couleurs correspondent


aux faces qu’il touche, même si les couleurs ne sont pas aux bons endroits),

Place le en haut à droite de la face, face à toi

Utilise cette technique

VII
L’Histoire de Madame Curieuse :

1. Ses copines de gauche montent


2. Madame Curieuse va les voir
3. Ses copines de droite montent à leur tour
4. Madame Curieuse va les voir
5. Les copines de gauche en ont marre et descendent
6. Madame Curieuse revient leur dire au revoir
7. Les filles de droite redescendent
8. Madame Curieuse revient ENFIN à sa place

Recommence jusqu’à ce que tous les coins soient bien positionnés

ETAPE DE L’ORIENTATION DES COINS

Le cube est presque fini !

Tourne le cube pour avoir les coins mal orientés à droite. Et utilise cette technique jusqu’à ce
que les coins soient bien orientés.

L’Histoire de la chaise rebondissante

1) Le Belge se lève 08) Il se lève du pied gauche


2) x2 Part très loin 09) x2 Part très loin
3) Sa chaise tombe 10) La chaise tombe
4) Il revient un peu sur ses pas 11) Mais le Belge part plus loin
5) Redresse sa chaise 12) La chaise rebondit
6) Revient devant sa chaise 13) Le Belge continue son chemin
7) Se rassied 14) La chaise retombe

VIII
Annexe D : Fiches de notes récapitulatives des participants

FICHE RECAPITULATIVE

Etape 1 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

Etape 2 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

Etape 3 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

Etape 4 :

Les techniques :

Conseils et commentaires utiles

IX
Etape 5 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

Etape 6 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

Etape 7 :

La technique :

Conseils et commentaires utiles

X
Annexe E : Grilles d’observation du test final

1ère 2ième 4ième 5ième 6ième 7ième


Elèves NIP 3ième étape Total
étape étape étape étape étape étape
V abs abs abs abs abs abs abs abs
Ty 2 2 2 2 1 1 1 11
Th 2 0 0 0 0 0 0 2
M 2 0 0 0 0 0 0 2
C 2 0 0 0 0 0 0 2
L 0 0 0 0 2 1 1 4
J 2 1 2 1 1 1 1 9
R 0 0 0 0 0 0 0 0
B 2 2 0 0 1 0 0 5

Elèves 1ère 2ième 3ième 4ième 5ième 6ième 7ième


Total
EIP étape étape étape étape étape étape étape
M Abs Abs Abs Abs Abs Abs Abs Abs
C 2 2 1 0 0 0 0 5
K 0 0 0 0 2 1 1 4
E 0 0 0 0 0 0 0 0
A 0 0 2 0 0 0 0 2
T 2 2 0 0 0 0 0 4
A 2 2 2 2 2 2 2 14
J 2 1 2 2 1 2 2 12
Y 0 0 0 0 0 0 0 0

XI

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