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Artefact

Techniques, histoire et sciences humaines


4 | 2016
L’Europe technicienne, XVe-XVIIIe siècle

Tracer le monde : outils et instruments de


la Renaissance aux Lumières
Trace the World: Tools and Instruments from the Renaissance to the
Enlightenment

Audrey Millet

Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/artefact/443
DOI : 10.4000/artefact.443
ISSN : 2606-9245

Éditeur :
Association Artefact. Techniques histoire et sciences humaines, Presses universitaires du Midi

Édition imprimée
Date de publication : 1 octobre 2016
Pagination : 215-231
ISBN : 978-2-7535-5174-9
ISSN : 2273-0753

Référence électronique
Audrey Millet, « Tracer le monde : outils et instruments de la Renaissance aux Lumières », Artefact [En
ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 07 juillet 2017, consulté le 19 avril 2019. URL : http://
journals.openedition.org/artefact/443 ; DOI : 10.4000/artefact.443

Artefact. Techniques, histoire et sciences humaines


Tracer le monde : outils et instruments
de la Renaissance aux Lumières
Audrey MILLET*

Résumé
Du xvie au xviiie  siècle, les scientifiques, les techniciens et les pouvoirs veulent
mesurer et représenter le monde plus précisément. Cette mise en ordre passe par
l’amélioration des instruments de transcription. Les ingénieurs, astronomes, mathé-
maticiens ont en commun le dessin et les instruments. Plumes à dessiner, compas et
équerres sont constamment améliorés. Derrière le caractère pratique et technique des
instruments, se cache l’ambition des élites. Elles cherchent à rayonner au sein d’une
société convertie aux innovations. Elles montrent aussi leur foi en l’universalité des
connaissances.
215
Mots-clefs : fabricant, instruments, livre, sciences, techniques.

Abstract. Trace the world : tools and instruments from the


Renaissance to the Enlightenment

From 16th to 18th centurie, scientists, technicians and authorities want to measure and rep­
resent the world, more precisely. This happens by ordering the improvement transcription
instruments. Engineers, astronomers, mathematicians have in Common the drawing and
instruments. Pen drawing, compass and brackets are constantly improved. Behind the prac­
tical and technical character of instruments, hides the ambition of elites. They try to shine
within a society converted to the innovations. They also show their faith in the universality of
knowledge.

Keywords : book, instruments, maker, science, technology.

*. Audrey Millet est docteure en histoire (Paris 8) et docteure ès Lettres (Neuchâtel). Son doctorat
porte sur les dessinateurs de fabrique de 1750 à 1850. Elle est actuellement Max Weber Fellow à
l’European University Institute à Florence. Elle a publié des articles sur le savoir-faire, les dessinateurs
et l’apprentissage. Ses travaux portent désormais sur la propriété industrielle des dessins de fabrique et
sur la mode entendue comme histoire totale. Elle prépare l’édition commentée d’un journal de dessina-
teur (1794-1862). Contact : [audrey-patrizia@yahoo.fr.].
Audrey Millet

Deux  siècles séparent les dessins de Établir une typologie complète des
compas de Léonard de Vinci (1452- instruments est impossible dans le cadre
1519) de l’engouement de Samuel Pepys de cet article. Je m’intéresserai donc à des
(1633-1703) pour le pantographe. « Il me catégories d’outils largement partagées
le faut  », écrit Pepys dans son journal1. par les praticiens, notamment, les stylets,
À la veille de la Révolution française, compas, règles à échelles, instruments
cet appareil visant à réduire ou agrandir de copie, d’agrandissement et de réduc-
des dessins a été maintes fois amélioré. tion. Afin d’entretenir la tension entre
En trois  siècles, les artisans, les fabri- pratique, représentation et acquisition
cants, les savants et les élites des cours de l’instrument, je m’appuierai sur une
européennes ont montré un vif intérêt analyse des instruments conservés dans
pour l’amélioration et le progrès des les musées européens, sans pour autant
sciences et des techniques. Néanmoins, oublier que les outils qui nous sont par-
pour matérialiser une idée, une machine, venus sont souvent les plus beaux et les
un dessin ou un procédé, il faut avoir à plus onéreux. Il est difficile d’approcher
disposition les outils adéquats. Quelle le stylet de l’ingénieur du xviie siècle. Les
que soit la finalité envisagée par les sources littéraires sont plus nombreuses.
En effet, depuis le xvie  siècle, ont paru
acteurs, tous ont compris que la capacité
de nombreux ouvrages d’artisans ou
à reproduire est un moyen essentiel de
de lettrés visant à faire un état de l’art
la compréhension du monde. Au centre
des instruments disponibles. Des traités
de ce dialogue, entre la mesure et l’idée
216 d’architecture ou d’ingénierie sont égale-
matérialisée sous la forme d’un dessin,
ment disponibles. Enfin, les dessins des
se situent les instruments de dessin uti-
techniciens permettent de confronter les
lisés pour la navigation, la cartographie,
instruments utilisés aux recommanda-
l’architecture, l’ingénierie militaire ou
tions théoriques des ouvrages. À partir
encore la décoration des textiles. de trois siècles d’instruments, je propose
Les chercheurs se sont particuliè- d’interroger les transformations des
rement intéressés aux techniques de sciences et des techniques en lien avec
représentation du monde2. Les traités une nouvelle vision du monde7. La mise
d’architecture et les questions de pers- en place de la mesure du monde par les
pective ont fait l’objet d’études pous- techniciens de l’époque moderne tend
sées3. Maurice Daumas et Bertrand Gille à réconcilier le travail manuel et l’éco-
ont publié des essais précurseurs pre- nomie des savoirs.
nant en compte les objets médiateurs que Du xve siècle au xviiie siècle, de quelles
sont les instruments4. Les sociologues manières les instruments du dessin
proposent une réflexion novatrice en se participent-ils à modifier et/ou fixer
rapprochant des habitudes, des gestes de les savoirs ? Comment accompagnent-
l’artisan, en résumé de la «  manière de ils une lente et continue transforma-
faire5  ». Ces vingt dernières années, les tion de l’environnement scientifique et
historiens ont développé une approche technique ?
complexe au carrefour des techniques, Je traiterai tout d’abord l’intérêt renou-
de l’art, de l’économie et du social6. velé pour les instruments de dessin
Tracer le monde

durant les xve et xvie  siècles. Le Grand j’étudierai l’élargissement des gammes
Siècle se caractérise par une dynamique durant le xviiie  siècle et les tentatives
de rationalisation des savoirs marquée d’universalisme des instruments portent
par des améliorations constantes et une les marques de la globalisation des
attention croissante des pouvoirs qui savoirs.
fera l’objet d’un deuxième point. Enfin,

Des instruments pour décrire le monde


( X V e -X VI e siècles)

Caractérisé par un regain d’intérêt du tout au tout, mais les praticiens pro-
pour l’Antiquité gréco-romaine, l’ho- fitent des améliorations en cours dans
rizon scientifique et technique des pra- l’horlogerie ou l’armurerie et de l’intro-
ticiens de la Renaissance s’agrandit8. duction progressive de l’imprimerie13.
Toutefois, les hommes des xve et La situation géographique des villes alle-
xvie siècles sont résolument tournés vers mandes, au carrefour du nord et du sud
l’avenir. Le développement des mathé- de l’Europe, et l’accès facilité à l’étain et
matiques induit alors l’amélioration des au cuivre, minerais locaux, autorisent le
systèmes de mesure par les astronomes, développement de centres de fabrica- 217
les navigateurs, les ingénieurs militaires tion. Un nouvel artisanat naît. Le métier
et les topographes9. La mise en place des de fabricant de compas, non corporé,
règles de la perspective géométrique figure dans le Livre des métiers de Jost
fait figure d’apport majeur10. Durant Amman dès 1568 (figure  1). Un  siècle
le xve  siècle, les instruments de dessin plus tard, Paris, Milan et Londres ont
ont déjà fait l’objet de modifications attiré une main-d’œuvre compétente14.
importantes, en particulier en Italie11. À Paris, les fabricants de compas sont
Nouveaux ou améliorés, ils servent le rattachés à la corporation des coute-
travail du dessinateur qui se fournit, liers et fondeurs de métaux, tandis qu’à
comme le mathématicien, au sein de Milan, ils s’intègrent aux armuriers15.
l’échoppe. Il s’agit bien d’instruments Dans le cadre de l’atelier-échoppe se met
transverses. en place un savoir spécifique visant à
améliorer la précision des instruments et
Fabricant d’instruments : à faciliter le tracé. L’instrument devient
de Nuremberg aux centres le meilleur médiateur entre le monde et
européens sa représentation repoussant les limites
des possibles et des pratiques. Le pre-
Les principes de Vitruve corres- mier fabricant d’instruments londonien
pondent aux ambitions des architectes connu est Augustine Ryther (mort en
du xve siècle qui adoptent le dessin ortho- 1593). Graveur de métier, il améliore et
gonal12. Les instruments ne changent pas fabrique ses propres instruments pour
Audrey Millet

réaliser des cartes plus précises16. En


France, vers 1597, Philippe Danfrie (v.
1534-1606), fils d’un graveur sur métal,
modifie son trigonomètre en outil de
triangulation, appelé graphomètre17.
Monté sur rotule, l’instrument autorise
à prendre des angles entre objets situés
dans un même plan. Danfrie, proche
du pouvoir central, succède à son père
comme graveur général des Monnaies
en 158218. Les gens de métier, liés ou non
à l’État, sont les premiers à perfectionner
leurs instruments afin de faciliter leur
travail et d’améliorer leurs ouvrages19.
Les mécènes européens se passionnent
alors pour les innovations.

218

Fig. 1. – Fabricant de compas dans sa boutique.


Jost Amman, Le livre des métiers ou Eygentliche
Beschreibung aller Stände auff Erden, hoher und
nidriger, geistlicher und weltlicher, aller Künsten,
Handwercken und Händeln Durch d. weitberümpten
Hans Sachsen gantz fleissig beschrieben u. in teutsche
Reimen gefasset, Frankfurt am Mayn : Feyerabend,
1568, p. 67.

Le mécénat des cours européennes


L’intérêt des Grands pour la recherche quarantaine d’entre eux est signée. Les
scientifique résonne largement avec noms gravés de Francisco de Padoanis,
leur volonté de rayonnement. À Prague, médecin italien, Hermann Bulder,
l’empereur Rodolphe II soutient le fabri- allemand, et Tycho Brahé, astronome
cant Érasme Habermel (1538-1606), dont danois, traduisent la diversité des ori-
les instruments luxueux sont offerts gines des commanditaires et montrent
comme cadeaux à des collectionneurs20. l’engouement européen pour les instru-
Cent cinquante instruments de l’ate- ments de mesure et de tracé. Les outils
lier d’Habermel sont inventoriés. Une sont variés : cercles, sphères armillaires,
Tracer le monde

cadrans solaires, astrolabes, quadrants, Hans Lencker (1523-1585), publié à


nécessaires de dessin, théodolites21. Les Nuremberg en 1579, montre l’utilisa-
États italiens soutiennent également la tion en géométrie du compas à pointes
production d’instruments de géométrie sèches25. Réédité à de nombreuses
complexes. Les faiseurs d’instruments, reprises, l’ouvrage insiste sur l’impor-
métallurgistes ou orfèvres, travaillent tance des instruments pour appuyer les
autour des Sforza à Milan, puis des savoirs mathématiques et géométriques
Médicis. Vers les années 1570, Cosme à partir des instruments.
de Médicis est le mécène de Baldassarre Les praticiens et les savants cherchent
Lanci. À la fois fabricant et ingénieur à mesurer le monde plus précisément.
militaire du gonfalonier, Lanci invente La compréhension de l’univers et la des-
un compas de triangulation pour les cription rationnelle se situent au centre
relevés topographiques22. En Angleterre, de leurs intérêts. La publicisation de l’in-
Thomas More (1478-1535), chancelier formation, grâce au développement de
d’Henri VIII, invite à Hampton Court le l’imprimerie, tend à mettre en commun
mathématicien, astronome, horloger et le savoir scientifique. Astronomes,
fabricant allemand Nicolas Katzer (1497- orfèvres et ingénieurs pratiquent le savoir
1543). More veut faire progresser les transverse du dessin. Connaître les ins-
connaissances anglaises en astronomie et truments de dessin permet ensuite de pra-
en mathématiques. Quant aux premiers tiquer, de comprendre et de décrire. Ces
traités techniques avec illustrations, ils outils deviennent alors des médiateurs
apparaissent dans la seconde moitié du du monde. La pédagogie des ouvrages, 219
xvie siècle. construits sous la forme de traités où
les instruments sont accompagnés de
Theatrum instrumentorum : légendes, en fait des manuels avant
entre imaginaire et pratique 23 l’heure. Toutefois, cet effort de publica-
tion de l’innovation et de présentation des
Jacques Besson (1530-1572), mathéma- possibles dit peu sur les réalités et l’utili-
ticien et ingénieur, rédige vers 1570 un sation des instruments par les praticiens.
livre de machines, dédié à Charles  IX. Il s’agit donc d’observer les artefacts qui
Jacques Androuet du Cerceau et Besson nous sont parvenus.
publient le livre premier de Theatrum ins­ Les stylets, instruments servant à
trumentorum en 1571-157224. Il présente tracer, ne sont pas une invention de la
pour la première fois des machines de Renaissance, mais la période est mar-
divers usages en séries. La réédition de quée par une transformation majeure  :
1579 contient soixante planches d’instru- les tire-lignes ne nécessitent plus de
ments. Certaines règles, des compas et second passage car l’encre, à base de
des rapporteurs n’ont jamais été réalisés, seiche ou de noix de galle et de peroxyde
relevant plus de l’imaginaire que de la de fer, est utilisée directement26.
pratique. L’effort de publication d’ins- L’épaisseur du trait est ajustable grâce
truments, de diffusion des connaissances à un anneau coulissant. Enfin, la pointe
scientifiques et techniques, concerne pour plume à pointiller avec système de
aussi l’Allemagne. Le Perspectiva de roulette intégré est une des premières
Audrey Millet

plumes pour spécialistes27. Le crayon règles, instruments de mesure par excel-


subit deux transformations majeures. lence, sont également modifiées.
L’exploitation du graphite, forme cristal- Les hommes de la Renaissance tentent
lisée du carbone, débute dans le comté de trouver des équivalents à des échelles
de Cumberland dans le nord-ouest de locales dont les valeurs sont très diffé-
l’Angleterre à partir de 154028. Tracer est rentes d’un lieu à l’autre. Les dimensions
désormais plus simple  : l’épaisseur du anthropomorphes compliquent les cor-
trait est modifiable, un seul geste suffit respondances entre les systèmes. Dès
et le graphite permet de nouveaux effets. 1500, on fabrique des règles à échelle en
Le compas retient particulièrement l’at- bronze aux mesures linéaires. Le but est
tention des fabricants. de parvenir à une échelle aux propor-
Le compas ordinaire, utilisé par les tions constantes utilisable en tout lieu.
charpentiers, architectes, menuisiers ou L’introduction des chiffres arabes facilite
mathématiciens, est modifié à Augsbourg la mise en place des échelles déterminées.
et à Nuremberg29. Le développement de Les échelles en pied persistent, mais les
l’artisanat lié aux métaux, horlogerie ou règles indiquent à la fin du xvie siècle les
bijouterie, joue un rôle dans la recherche divisions de villes et régions différentes.
de précision. Il est désormais possible Des passerelles se mettent en place afin
de régler l’ouverture des branches du de faciliter le passage de mesures d’un
compas disponible en différentes tailles, lieu à l’autre34. Les règles commencent à
s’adaptant ainsi à la taille des supports être faites de laiton, plutôt que de bois, et
220 travaillés. Aussi, le compas à dessin fait elles sont souvent pliables, ce qui facilite
son apparition : il est muni d’un empla- leur transport. La copie préoccupe les
cement pour le crayon ou pour une techniciens car, avec les nouvelles pos-
pointe à encre30. Dans leurs ouvrages sibilités de mise à l’échelle, elle autorise
respectifs, Pomodoro et Bion destinent à modifier la taille des dessins initiaux,
ces compas à un usage militaire ou notamment à passer d’une maquette à la
maritime31. Vers 1500, l’écart entre les grandeur nature.
deux branches se règle grâce à une vis L’architecte Palladio (1508-1580) uti-
horizontale. Le compas à pointe sèche, lise des piquoirs, instruments à pointe
déjà utilisé pour mesurer les distances, d’aiguilles. Les traces laissées par les
mettre à l’échelle ou copier des des- pointes permettent de repérer un angle
sins, se modifie avec l’apparition d’une ou de tracer les contours du dessin sur
articulation à tenon32. La copie devient un morceau de papier semblable placé
encore plus aisée lorsque le compas est en dessous. Les peintres les utilisent
muni de trois branches qui permettent pour reporter les dessins sur un sup-
de transférer trois points en même temps port puis ils repassent sur les trous35. Le
d’un dessin à un autre. Ce compas, dit report d’un dessin nécessite de faciliter
triangulaire, sert également à prendre son agrandissement ou sa réduction36.
des mesures sur des globes. Enfin, le Léonard de Vinci dessine vers 1495
compas sphérique, ou de calibre, mesure un compas de réduction fixe à pointes
des formes cylindriques ou sphériques, sèches et un autre à branches fendues37.
notamment les boulets de canon33. Les De même, Daniel Speckle (1536-1589),
Tracer le monde

ingénieur militaire allemand, représente phique centrale en Europe. Les élites


six compas fixes dans son Architectura38. européennes voient d’un bon œil ces
Jost Bürgi (1522-1632), horloger et fabri- avancées techniques qui accompagnent
cant d’instruments suisses, intègre les les précisions des savoirs géographiques,
échelles géométriques et trigonomé- mathématiques ou artistiques. Les pre-
triques aux compas. Bion insère dans miers états de l’art publiés peuvent être
son livre une version fixe et une version en partie imaginaires et on ne sait pas si
mobile39. les instruments présentés sont utilisés
L’élargissement de l’horizon intellec- dans la majorité des ateliers. Toutefois,
tuel amène un besoin de précision chez les milieux des fabricants, des élites et
les praticiens. Les fabricants allemands des savants sont déjà contaminés par un
profitent d’un artisanat en plein déve- souci d’exactitude.
loppement et d’une position géogra-

Le Grand Siècle des instruments :


fascination et rationalisation

Durant le xviie  siècle, le nombre rauté41. Néanmoins, on rencontre aussi


d’échoppes augmente dans toute l’Eu- des fabricants, brodeurs, tailleurs ou épi- 221
rope. Les élites européennes continuent ciers qui ont tous en commun la maîtrise
de se passionner pour les instruments des poids et des mesures42. Dès 1660, la
et de nouvelles demandes émanent des Royal Society discute et échange des pro-
topographes, ingénieurs et navigateurs. cédés nouveaux. Si l’institution est un
instrument du pouvoir, elle admet en son
L’affirmation de Londres et sein les principaux fabricants. Savants
Paris et inventeurs s’y rencontrent. À Paris,
les échoppes se situent autour du quai
Les fabricants d’instruments alors ins- de l’Horloge. Daniel Chorez invente un
tallés dans le centre de Londres débutent télescope (1612), un binocle, des lunettes
un déplacement vers l’ouest de la ville. de précision (1680) et fabrique des
Après un apprentissage dans un atelier compas de proportion. Jusque dans les
près de St Clement Danes Church, Elias années 1650, les fabricants peuvent être
Allen (1588-1653) devient maître de la membres de la corporation des couteliers
corporation des horlogers. En 1616, il mais celle des fondeurs tend à devenir la
fabrique et vend des cadrans solaires référence. Le métier est peu à peu régle-
et des instruments scientifiques sur le menté pour mettre en place des critères
Strand40. Son apprenti, Ralph Greatorex et normes de qualité. Pierre Sevin (actif
(1625-1712), est mentionné dans le entre 1662 et 1685), membre de la corpo-
journal de Samuel Pepys lorsqu’il évoque ration des fondeurs, produit des grapho-
ses recherches d’instruments pour l’Ami- mètres précis. Il fréquente l’académicien
Audrey Millet

Joseph Sauveur mais ne fait pas officiel- Les boîtes à instruments :


lement partie de l’institution43. Enfin, éloge à la technique
d’origine anglaise, Michael Butterfield
(1635-1724) s’installe au Faubourg Saint- Les fabricants fournissent des boîtes
Germain en 1663 et devient rapidement de grande qualité aux collectionneurs
ingénieur du roi. Proche de l’Académie, dès le début du xviie  siècle. La fascina-
il travaille aux niveaux du château tion pour le tracé exact est à son apogée :
de Versailles. Butterfield réalise des compas triangulaire, elliptique, d’ellipse,
équerres pliables, des règles à échelles de réduction ou de navigation s’invitent
et des rapporteurs signés «  Butterfield dans ces boîtes (figure  2)45. L’Anglais
Paris44  ». Au xviie  siècle, la fabrication Roger North (1651-1734), architecte
est marquée par la conception de boîtes amateur, acquiert un nécessaire com-
d’instruments très complètes et d’instru- plet d’instruments mathématiques46. La
ments luxueux destinés aux élites. boîte de North, fabriquée sur mesure
vers 1680, se divise en quatre comparti-
ments47. Le premier contient des compas
et leur encre. Le deuxième tiroir accueille
un porte-crayon, un tire-ligne, une
ardoise, une règle coulissante en buis

222

Fig. 2. – Instruments de dessin dans leur boîte, 1683. Ensemble de huit instruments à dessiner en laiton doré
et acier. Signé Iacobus Lusuerg et daté 1683. Ancienne collection Jacques Doucet, aujourd’hui dans une
collection particulière.
Tracer le monde

et une règle de calcul. Des accessoires phite entouré d’une gaine de sapin ou de
pour le grand compas et un segment de cèdre49. La maniabilité est considérable-
courbe de dessin se situent dans le troi- ment améliorée, mais peu de praticiens
sième compartiment. Enfin, le quatrième l’utilisent avant le xixe  siècle. Des nou-
tiroir contient un cadran gravé à chiffres velles améliorations concernent égale-
romains, une équerre de dessin triangu- ment les compas. Jacob Leupold propose
laire 60°, de la ficelle, un fil à plomb, une un large éventail de compas comprenant
boîte à poncif et un cadran universel. notamment des compas à balustre, à rou-
Ces instruments sont-ils véritablement lette ou à pointillés50. Le compas « à che-
destinés au travail quotidien du dessin ? veux » est caractéristique des ambitions
Non. La majorité des outils véritable- du xviie  siècle. La pointe est maintenue
ment utilisés a disparu. Ces boîtes sont par un ressort et le réglage de l’ouver-
des mises en perspective du savoir. ture à partir d’une petite vis permet « de
Précieuses, elles se regardent, s’admirent mesurer à un cheveu près ». Représenté
et fascinent. Néanmoins, le propriétaire dès 1728 par Chambers (1680-1740), le
peut aussi les toucher et utiliser les ins- compas à cheveux est sans doute uti-
truments pour son loisir. Cet amour de lisé dès le début du  siècle51. Quant au
l’art de la précision se matérialise dans compas à balustre, il autorise le dessin de
les collections. La boîte est un spectacle petits cercles en 1700. Des versions « de
de l’ingéniosité des artisans, du travail et poche » existent pour être insérées dans
de l’art de la technique. Elle est un éloge des boîtes d’instruments portatives. Les
au savoir-dessiner dont les outils conti- dessinateurs sont toujours préoccupés 223
nuent de se modifier. par la reproduction. Le compas trian-
gulaire s’invite dans les encyclopédies
« Afin de mesurer à un cheveu d’instruments. La lecture des cartes est
près » facilitée52. Le piquoir est modifié pour
faciliter sa prise en main et améliorer sa
L’encre de carbone est désormais uti- précision. Joseph Moxon représente un
lisée couramment. L’anneau coulissant « protracting pin53 ». Réalisé en laiton, il
du tire-ligne devient inutile car la com- s’agit d’un support «  deux en un  » qui
position du métal permet une ouver- accueille un tire-ligne ou une aiguille,
ture fixe et une ligne constante. Une et dont les mines sont protégées par un
des innovations du siècle réside dans la capuchon. En 1605, le mathématicien et
plume technique. En 1636, le mathéma- astronome jésuite, Christophe Scheiner
ticien allemand Daniel Schwenter décrit (1575-1650), est reçu à la cour du duc
un modèle primitif de plume à réser- Guillaume V à Munich. Il lui explique le
voir et portemine muni d’un ressort48. fonctionnement du pantographe qu’il a
Vers 1659, Hans Baumann, charpentier inventé deux ans auparavant. En 1631,
de Nuremberg, fabrique et vend des Scheiner décrit sa fabrication et son
crayons graphite. Son emploi se géné- usage dans un ouvrage. L’invention
ralise grâce à l’exploitation d’une mine fascine. Samuel Pepys (1633-1703), haut
au Borrowdale en 1664. John Pettus fonctionnaire de l’Amirauté anglaise,
décrit en 1683 un dry pencil  : un gra- membre du Parlement et diariste anglais,
Audrey Millet

se réjouit de cette nouveauté. Le 13 jan- xixe siècle, à Sèvres, Donzé utilise encore


vier 1668, après avoir visité le fabricant la technique du piquage pour reporter
d’instruments londonien Henry Wynne, des décorations d’assiettes55. Le temps
il écrit : de l’invention ne correspond pas obliga-
toirement au temps de l’utilisation dans
«  J’ai eu très grand plaisir, non le cadre de l’atelier.
pas à cause de son ingéniosité en Londres et Paris sont devenus au
général, mais en particulier, lorsqu’il xviie  siècle les centres européens de la
me fit une démonstration de l’usage fabrication des instruments. Ce dyna-
du parallélogramme, grâce auquel misme stimule les artisans et les prati-
il dessina en un quart d’heure sous ciens. L’intérêt des publics est de plus en
mes yeux, en petit, une carte nette plus grand. Posséder une boîte à instru-
d’Angleterre à partir d’une grande ments montre son appartenance à une
[…]. Il me le faut, et par conséquent, classe privilégiée mais aussi son goût
je désire commander un exemplaire pour les innovations et les techniques.
de ce dont je viens de parler54. » Les hommes du xviie siècle sont fascinés
par les beaux objets et la boîte devient un
Toutefois, les instruments ne sont cabinet de curiosité. Parallèlement, de
pas adoptés par tous les dessinateurs. nombreuses améliorations sont réalisées.
Les habitudes comptent. Des dessins en On retiendra la justesse, la maniabilité
soierie de César Galais (1811-1891) sont des instruments et la mise en place de
224 intégralement piqués afin de les repro- mécanismes plus complexes.
duire sur un second papier. À  la fin du

Des gammes d’instruments


pour un langage universel ( X VIII e siècle)

Durant le xviiie  siècle, différentes Fabricant-entrepreneur ?


catégories professionnelles ont besoin
d’outils fiables, les ingénieurs civils En France, des dynasties de fabricants,
et militaires, les géomètres, les coutu- comme les Chapotot, les Sevin, tiennent
rières, les modistes, les dessinateurs de des échoppes. Parmi eux, Claude
fabrique, les orfèvres… et les collection- Langlois fonde un atelier de fabrication
neurs riches et cultivés sont toujours vers 1730. Installé dans une galerie du
aussi intéressés. L’instrument perfec- Louvre, il conçoit un pantographe, des
tionné forme l’alphabet d’un langage instruments de mathématiques et des
universel. Il est pensé comme un outil de règles56. Langlois fournit l’Observatoire
communication. de Paris. Son neveu, Canivet, perfec-
tionne des règles, des équerres et un pan-
tographe salué par l’Académie royale
Tracer le monde

des sciences en 174357. Aucun fabri- cation concrète des sciences et des tech-
cant n’est membre de l’Académie des niques au quotidien et de la recherche de
sciences. Parallèlement, les fabricants confort typique des Lumières (figure 3)58.
londoniens cumulent la publication de Publicité précoce, datée de 1714-1727, elle
traités, la fabrication et l’exportation insiste sur l’innovation principale de l’op-
d’articles. Edward Scarlett (1688-1743), ticien  : des lunettes munies de branches
opticien de George II, édite une carte reposant sur les oreilles grâce à une forme
commerciale caractéristique de l’appli- en spirale. Elles fournissent une stabi-

225

Fig. 3. – Carte commerciale de l’opticien Edward Scarlett. Bodleian Library, University of Oxford,
Douce Adds 139 (766).
Audrey Millet

lité considérable au porteur. Le même fabricants ont laissé une trace dans le
texte, en anglais, français et néerlandais, minutier62. Quatre fabricants différents
est inséré dans trois formes sphériques. sont recensés entre 1701 et 175063. Les
La carte témoigne du développement fabricants d’instruments de mathéma-
de la profession d’opticien tournée vers tiques sont à peine plus nombreux, cinq,
les innovations techniques. Ces lunettes jusqu’à la Révolution64. En dehors d’une
sont à vendre en boutique lors des jours croissance après 1600, les fabricants ne
ouvrables et donc relativement acces- semblent pas nombreux à Paris. Bien
sibles59. Thomas Heath (actif entre 1720 entendu, la source utilisée ne permet
et 1772) entre dans la corporation des de voir qu’une partie de l’iceberg.
épiciers et installe sa boutique d’ins- Toutefois, le métier est très spécialisé et
truments sous le nom «  The Hercules les praticiens ne désirent pas changer
& Globe in the Strand60  ». Sans suivre des manières de faire qui donnent de
d’apprentissage commercial, Benjamin bons résultats. De plus, les prix sont sans
Martin s’installe en autodidacte au doute assez élevé pour que la demande
171 Fleet Street en 1755. Il réalise des se modifie du tout au tout. La pratique
conférences scientifiques, publie une quotidienne du métier permet aussi aux
trentaine d’ouvrages sur les instruments exécutants de repousser les limites des
et perfectionne un pantographe. Il est un possibles avec leurs propres outils. Un
véritable entrepreneur. Si les fabricants des fils directeurs du xviiie siècle réside
se comportent à la fois comme des pra- dans la volonté de stabiliser des normes
226 ticiens et des entrepreneurs dont le but afin d’universaliser les savoirs. Les outils
est de proposer de nouveaux produits et instruments sont un des moyens,
aux clients, ils ne sont pas pour autant en parmi d’autres, d’y parvenir.
nombre croissant dans la capitale.
Pour des normes universelles
Une offre plus importante
mais un nombre Vers la fin du  siècle, le tire-ligne est
de fabricants stable (Paris, désormais appelé «  plume à dessiner  ».
1600-1789) L’ajout de laque dans l’encre de car-
bone fournit aux techniciens une encre
Une analyse du Minutier central des indélébile. À cette nouveauté s’ajoutent
notaires parisiens permet de se faire un système d’alimentation au compte-
une idée du petit nombre de fabricants gouttes et une lame pivotante pour faci-
présents dans la capitale. Néanmoins, liter le nettoyage65. La plume à dessiner
avant 1610, aucune mention de fabri- est l’ancêtre du porte-plume. Un piquoir
cants dans un contrat de mariage, d’ap- et un crayon sont souvent intégrés à la
prentissage ou autre minute notariale partie supérieure. En 1761, à Stein, près
n’a été retrouvée. Entre 1611 et 1650, de Nuremberg, l’ébéniste Kapsar Faber
trois fabricants d’instruments de mathé- fonde la manufacture Faber Castel dont
matiques sont recensés. L’un d’entre le succès est encore d’actualité. Des tiges
eux est dit maître horloger61. Durant graphites insérées dans des gaines de bois
les cinquante années qui suivent, cinq sont réalisées en série66. Parallèlement,
Tracer le monde

Edward Naine (1726-1806), fabricant facilité d’un passage d’une mesure locale
d’instruments, utilise le caoutchouc, à l’autre et la mise en place d’une mesure
alors réservé aux semelles, pour effacer universelle caractérisent les Lumières.
autour de 1788. Chambers en 1728 et Enfin, en 1794, le système métrique est
Bion en 1758 représentent un compas introduit pour remplacer le «  pied du
aux extrémités réversibles ; l’instru- roi  ». Néanmoins, l’ancien système,
ment permet d’utiliser soit deux pointes « pied de France » est encore utilisé69.
sèches, deux mines ou une pointe sèche Le fabricant d’instruments du  siècle
et une mine67. Néanmoins, il manque des Lumières a plusieurs cordes à son
de fiabilité  : le compas fait des écarts arc. Il publie ses résultats, pratique et
incontrôlables pendant le tracé. La règle interroge les limites des techniques. Le
à échelle connaît peu de changements fabricant est devenu un entrepreneur et
mais, à la fin du siècle, celle de Brander il produit désormais en série. Toutefois,
& Hoeschel comporte les échelles en le mot d’ordre du siècle est l’universalité
pouces de six villes différentes68. De plus, des instruments. Ils doivent être utili-
l’inscription sur les règles d’une division sables et compris par tous pour mettre
décimale en pouce est plus courante. La en place un langage stable.

Conclusion
227
Les modifications des instruments de Durant le xvii   siècle, la reconnaissance
e

dessin sont caractéristiques des chan- des scientifiques via des institutions
gements intellectuels, économiques et comme les académies joue un rôle de
sociaux de la Renaissance aux Lumières. diffuseur auprès des publics. Si les fabri-
Durant les xve et xvie  siècles, les explo- cants français ne sont pas intégrés aux
rations maritimes et les développements nouvelles institutions, cela n’empêche
artistiques entraînent une réflexion sur la pas certains d’avoir des liens étroits avec
manière de représenter le monde. Grâce leurs membres. En Angleterre, la tech-
au développement de l’imprimerie, les nique bénéficie d’une plus haute estime.
publications offrant un état de l’art des De même, Colbert met en ordre les cor-
instruments se multiplient. Des centres porations et les métiers correspondant
tels que Nuremberg se retrouvent sur à chacune. Outre-Manche, le système
le devant de la scène, notamment grâce semble plus souple. Toutefois, des deux
aux nouveaux secteurs de l’artisanat côtés, des amateurs toujours plus nom-
(horlogerie) et à la présence de minerai breux stimulent la production d’ins-
nécessaire à la fabrication d’instruments. truments de luxe. Le  siècle suivant est
Néanmoins, si les Grands perçoivent bien marqué par la volonté de communiquer
l’intérêt pour leur rayonnement dans la dans toutes les situations. En résumé,
maîtrise des sciences et des techniques, les instruments sont transportables,
ce sont les artisans-fabricants qui, au jour pliables et régulièrement interrogés
le jour, interrogent leur propre pratique. pour être améliorés par les praticiens et
Audrey Millet

savants. Le siècle de l’Encyclopédie tente 6. Gianenrico Bernasconi, Objets portatifs


au Siècle des Lumières, Paris, CTHS, 2015 ; Liliane
de mettre en place des savoirs univer-
Hilaire-Pérez, La pièce et le geste  : artisans, mar­
sels, en stabilisant les mesures, et de les chands et savoir technique à Londres au XVIIIe  siècle,
rendre accessibles par la mise en série. Paris, Albin Michel, 2013 ; Pascal Dubourg-
Tout au long de la période, de nombreux Glatigny, «  Mécaniser la perspective  : les instru-
ments entre pratique et spéculation  », e­phaïstos,
acteurs sont concernés : les pouvoirs au 2013, vol.  II, n°  1, p.  23-33 ; id., Il disegno naturale
plus haut niveau de l’État, les praticiens del mondo : saggio sulla biograia di Egnatio Danti, con
et les savants. Néanmoins, ce n’est pas edizione del carteggio, Pérouse, Aguaplano, 2011 ;
Pascal Dubourg-Glatigny, Hélène Vérin (dir.),
encore au xviiie siècle que les praticiens Réduire en art, la technologie de la Renaissance aux
adoptent des nouveautés qui peuvent Lumières, Paris, Presses de la Maison des sciences
largement modifier leurs habitudes. de l’homme, 2008 ; Hélène Vérin, La gloire des ingé­
nieurs. L’intelligence technique du XVIe au XVIIIe  siècle,
À l’aube du xixe  siècle, les instruments
Paris, Albin Michel, 1993.
de dessin deviennent les outils d’un lan- 7. Alexandre Koyré, «  Du monde de l’“à-peu-
gage commun soutenant ainsi la diffu- près” à l’univers de la précision », Études d’histoire
de la pensée philosophique, Gallimard, 1977, p. 341-
sion des savoirs, gommant les frontières
362.
et outils de la globalisation. 8. Peter Burke, La Renaissance européenne, Paris,
Le Seuil, 2000.
9. Pour un bref aperçu  : Stillman Drake et
Notes Israel E. Drabkin, Mechanics in Sixteenth­Century
Italy. Selections from Tartaglia, Benedetti, Guido Ubaldo
1. Léonard de Vinci, Le compas de proportion & Galileo, Madison, Wisconsin, 1969 ; Paul Ive, The
pour les rapports de ½, ¼, et 1/8 comme expérience pour Practise of Fortiication (1589). English Experience,
les transformations des igures, Victoria and Albert Londres, Da Capo Press, 1968 ; Rodney W. Shirley,
228 Museum, Londres, « Codex Forste », 3 vol., F. 141, The Mapping of the World. Early Printed World Maps
et Institut de France, manuscrits B, F, H et L. Robert 1472­1700, London, New Holland Press, 1993 ; Léon
Latham et William Mattews, The Diary of Samuel Voet, The Golden Compasses. A History and Evaluation
Pepys : A New and Complete Transcription, Berkeley, of the Printing and Publishing Activities of the Oficina
University of California Press, vol. 10, p. 392. Plantiniana at Antwerp, London, Routledge, 1969-
2. Monique Pelletier, Les cartes des Cassini, 1972.
la science au service de l’État et des provinces, Paris, 10. P. Dubourg-Glatigny, H. Vérin (dir.),
CTHS, 2013 ; Christian Grataloup, Représenter Réduire en art…, op.  cit. ; E. Panofsky, La  perspec­
le monde, Paris, La documentation française, tive…, op. cit.
n° 8084, 2011 ; Jean-Jacques Levallois, Mesurer la 11. Filippo Brunelleschi (1377-144) explore à
Terre, Paris, AFT, 1988. Florence les formes architecturales romaines. Leur
3. Erwin Panofsky, La perspective comme forme compréhension et leur application nécessitent la
symbolique (1932), trad. fra. Paris, éd. de Minuit, réalisation de dessins à grande échelle. Les ins-
1975 ; Yves Pauwels, «  Discours graphique et dis- truments de dessin, règle large et plate équerre,
cours du texte dans les traités d’architecture français compas à pointe sèche et compas ordinaire, revêtent
du xvie siècle », Humanistica, An International Journal une importance capitale pour le métier. Eugenio
of Early Renaissance Studies, 2013, vol. VII, p. 235-238. Battisti, Brunelleschi  : the complete work, London,
Consulter notamment la base Architectura du Centre Thames and Hudson, 1981.
d’études supérieures de la Renaissance de l’univer- 12. En mathématiques, la projection orthogonale
sité François Rabelais (Tours). est une transformation de l’espace via une applica-
4. Maurice Daumas, Les instruments scienti­ tion linéaire. En géométrie plane, c’est une projec-
iques aux XVIIe siècle et XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1953 ; tion où les deux droites sont perpendiculaires. En
Bertrand Gille (dir.), Histoire des techniques, Paris, géométrie dans l’espace, c’est une projection où la
Gallimard, 1978. droite et le plan sont perpendiculaires. Le traité de
5. Richard Sennett, Ce que sait la main. La culture Vitruve, De Architectura, est une référence pour les
de l’artisanat, trad. fra. Paris, Albin Michel, 2010 ; techniques de construction de l’Antiquité classique.
Matthew B. Crawford, Éloge du carburateur. Essai 13. Michael Twyman, L’imprimerie  : histoire et
sur le sens et la valeur du travail, rééd. Paris, La techniques, Lyon, ENS/Institut d’histoire du livre,
Découverte, 2016. 2007.
Tracer le monde

14. H. W. Dickinson, «  A brief history of 26. Monique Zerdoun Bat-Yehouda, Les


draughtsman’s instruments  », Transaction of the encres noires au Moyen Âge  : jusqu’à 1600, Paris,
Newcommen Society, 1949-1950, vol. 27, p. 73-84. CNRS, 1983.
15. René de Lespinasse et François 27. Nicolas Bion, Traité de la construction et prin­
Bonnardot, Les métiers et corporations de la Ville cipaux usages des instruments de mathématique, Paris,
de Paris, Le Livre des Métiers d’Étienne Boileau, Chez Jean Boudot, 1709, pl. 9, p. 94.
Paris, Imprimerie nationale, 1879, p. 40 ; Maurice 28. Alfred Wainwright, A Pictorial Guide to
Daumas, «  Quelques fabricants d’instruments the Lakeland Fells, Western Fells, London, Frances
scientiiques anciens », Revue d’histoire des sciences et Lincoln, 2005, livre 7 ; Conrad Gesner, De omni
de leurs applications, 1950, vol. 3, n° 4, p. 364-370. rerum fossilium genere, gemmis, lapidibus, metallis, et
16. Augustine Ryther, 52 cartes à jouer, 9,5 x 5,7 cm, huiusmodi, libri aliquot, plerique nunc primum editi,
1590, British Museum, 1938,0709.57.1-60 ; Elizabeth Zurich, Naturforschende Gesellschaft, 1565.
Baigent, « Ryther, Augustine », Oxford Dictionary 29. Il est déjà utilisé chez les Égyptiens et les
of National Biography (online ed.), Oxford University Romains.
Press, 2014 [http://dx.doi.org/10.1093/ref : odnb/ 30. Compas à brisures interchangeables ou
24428]. pointes porte-crayon, Salon de Dresde, v. 1550. Ce
17. Philippe Danfrie, Déclaration de l’usage du salon n’est jamais abandonné. En 1746, la collection
graphomètre, par la pratique…, Paris, Chez ledict prend le nom de Mathematisch­Physikalischer Salon.
Danfrie, 1597 ; M.  Daumas, Les instruments…, Devenu musée, c’est à partir de ces instruments
op. cit., p. 24-25. qu’est établi le temps oficiel, le «  Greenwich  »
18. Philippe Renouard, Imprimeurs parisiens, de la Saxe. Chisholm Hugh, « Albert III (duke of
libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d’impri­ Saxony)  », Encyclopædia Britannica, Cambridge,
merie, depuis l’introduction de l’imprimerie à Paris Cambridge University Press, 1911.
(1470) jusqu’à la in du XVIe  siècle  : leurs adresses, 31. Giovanni Pomodoro, Geometrica prattica,
marques, enseignes, dates d’exercice, notes sur leurs Rome, S. Paolini, 1599 ; N. Bion, Traité de la construc­
familles, leurs alliances et leur descendance, d’après les tion, op. cit., pl. 8.
renseignements biographiques et les documents inédits, 32. Boîte à dessin dite « Bartholomew Newsum »,
Paris, A. Claudin, 1898, p. 91. British Museum, Londres, 1570.
229
19. Richard Sennett a proposé un examen du 33. N. Bion, Traité de la construction, op. cit., p. 86.
travail artisanal au quotidien. R.  Sennett, Ce que 34. Boîte à dessin milanaise contenant une règle
sait…, op. cit., 2010. pliante graduée, Museum of the history of science,
20. Henri Michel, Catalogue des instruments Oxford, début xvie siècle. De conception allemande,
connus d’Érasme Habermel, Nationaal Centrum boîte contenant des instruments de géomètre-
voor de Geschiedenis van Wetenschappen, Centre ingénieur militaire, avec des règles en laiton dorées
national d’histoire des Sciences, manuscrit, 1937. et argentées, Museo di Storia della Scienza, Florence,
21. L’Observatoire de Paris conserve quinze v. 1599.
«  instruments universels  ». W. Eckhardt, 35. Ensemble milanais, British Museum, Londres,
«  Erasmus Habermel  : Zur Biographie des 1570.
Instrumentenmachers Kaiser Rudolfs II  », Jahrbuch 36. Héron d’Alexandrie, mathématicien, du
der Hamburger Kunstsammlungen, 1976, n°  21, Ier  siècle, a travaillé sur le calcul des dimensions
p. 55-92. pour la transposition des dessins. Philippe Fleury,
22. Lucia Nuti, Ritratti di città. Visione e memoria «  Vitruve et Héron d’Alexandrie. À propos des
tra Medievo e Settecento, Venice, Marsilio, 1996. techniques dites “Pneumatiques”  », dans Gilbert
23. B. Gille (dir.), Histoire des techniques, op. cit. ; Argoud, Sciences et vie intellectuelle à Alexandrie
Alex Keller, « The missing years of Jacques Besson, (Ier­IIIe  siècle après J.­C.), Saint-Étienne, Presses de
inventor of machines, teacher of mathematics, dis- l’Université de Saint-Étienne, 1994, p.  67-81. Un
tiller of oils, and Huguenot pastor », Technology and compas de réduction a été retrouvé à Pompéi,
Culture, 1973, n° 14, p. 28-39 ; François Russo, « Deux 79 ap.  J.-C. (reproduction au Science Museum de
ingénieurs de la Renaissance – Besson et Ramelli », Londres).
Thalés, 1948, n° 5, p. 108-112. 37. Léonard de Vinci, dessin de ses carnets,
24. Benjamin Ravier, Voir et concevoir : les théâtres v. 1493, Paris, Institut de France, manuscrit  H,
de machines (XVIe­XVIIIe  siècle), thèse de doctorat, 1493-4.
Université Paris 1, 2013. 38. Daniel Speckle, Architectura von Vestungen.
25. Siegmund Günther, «  Lencker, Hans  », Wie die zu vnsern zeiten mögen erbawen werden, an
Allgemeine Deutsche Biographie (ADB), Leipzig, Stätten, Schlössern unn Clussen, zu Wasser, Land, Berg
Duncker & Humblot, 1883, notice 249. unn Thal…, Strasbourg, Bernhart Jobin, 1589.
Audrey Millet

39. Ludwig Oechslin, Der Bürgi­Globus  : 56. M. Daumas, «  Quelques fabricants


Technik und Kultur, Zurich, Schweizerisches d’instruments scientiiques anciens », op. cit., p. 364-
Landesmuseum, 2000. 370.
40. Gerard L’Estrange Turner, Elizabethan 57. S. Van Damme, Paris, capitale…, op. cit., p. 131 ;
Instrument Makers : The Origins of the London Trade François-Joseph-Michel Noël et M.  Carpentier,
in Precision Instrument Making, Oxford, Oxford Nouveau dictionnaire des origines, inventions et décou­
University Press, 2000, p. 31-32. vertes dans les arts…, Paris, Janet et Cotelle, 1840,
41. Arthur Bryant, Samuel Pepys : The Saviour p.  373 ; Claude Langlois, Description et usage du
of the Navy, Londres, The Reprint Society, 1943, pantographe, autrement appelé singe  : changé &
p. 140. perfectionné par C. Langlois, ingénieur du Roi & de
42. Joyce Brown, Mathematical Instrument- l’Académie royale des sciences pour les instrumens de
Makers in the Grocers’ Company (1688­1800), mathématiques, s. l., 1744.
London, Science Museum, 1979, p. 77. 58. Christoph Heyl, A Passion for Privacy.
43. Stéphane Van Damme, Paris, capitale philo­ Untersuchungen zur Genese der bürgerlichen
sophique  : De la Fronde à la Révolution, Paris, Odile Privatsphäre in London, 1660­1800, Munich,
Jacob, 2005, p. 131. Oldenbourg, 2004.
44. Ibid., p. 131-134. 59. G. L’Estrange Turner, Nineteenth­Century…,
45. Au même moment le pantographe se répand. op. cit., 1983.
Il offre une solution mécanique aux problèmes liés 60. Lewis Pyenson, Jean-François Gauvin,
à la reproduction, la copie, l’agrandissement et la L’art d’enseigner la physique : les appareils de démons­
réduction des dessins. La facilité de reproduction tration de Jean­Antoine Nollet (1700­1770), Sillery,
devient une recherche centrale durant le xviiie siècle. Septentrion, 2002.
46. Hugh Chisholm, «  North, Roger  », 61. AN, MC/ET/CV/783, Charbonnier Philippe,
Encyclopædia Britannica, Cambridge, Cambridge fabricant d’instruments de mathématiques, demeu-
University Press, 1911, vol. 19, p. 759. rant à la Porte Saint-Jacques : accord entre Nicolas
47. La boîte de North est conservée au Jesus Milochin l’aîné, mégissier à Paris, rue de Lourcines,
College à Cambridge. et Philippe Charbonnier comme acquéreur d’une
48. Daniel Schwenter, Deliciae physico­mathemat­ maison sise Grande rue Mouffetard, enseigne
230
icae, Nuremberg, Verlegung Jeremiae Dümlers, 1636. des Trois rois, 31 mai 1641. MC/ET/III/556,
La planche 9 de Bion représente aussi une plume Blondeau Baptiste, fabricant d’instruments de
technique (op. cit.). mathématiques demeurant Ile du Palais : mariage
49. Eric Voice, «  History of the Manufacture of de Louis  de Bourlon, marchand à Pontoise, en
Pencils », Transactions of the Newcomen Society, 1950, présence de Baptiste Blondeau, neveu à cause de
n°  27 ; John Pettus, Fleta Minor, or the Laws of Art Marie Cossart, sa femme [et de Madeleine Parison
and Nature…, London, Thomas Dawks, 1683. Cet dite de Laulnay, en présence de Marie Savaria,
ouvrage est une traduction de Aula Subterranea, de femme de Charles  Chamoys, architecte du Roi,
Lazarus Ercker, paru à Prague en 1574. amie de la future épouse], 23 février 1635. MC/
50. Jacob Leupold, Theatrum arthmetico­geome­ ET/CXXII/1571, fol.  XLVIII, Avelot Mathieu, hor-
tricum, Leipzig, gedruckt bey Christoph Zunkel, loger au Greffe, fabricant les instruments mathé-
1727. matiques de la Marine, demeurant au coin de la
51. Ephraim Chambers, Cyclopædia  : or An rue Dauphine, du côté de l’hôtel de Nevers : bail à
Universal Dictionary of Arts and Sciences, London, Gabriel Goussette, marchand quincaillier joaillier,
J. Knapton, 1728, vol. 1. d’une portion de boutique dépendant de la maison,
52. Bion en représente un compas triangulaire 19 août 1610.
dans son ouvrage de 1709. Un bel exemple daté 62. AN, MC/ET/XVII/463, mariage de Pierre
de la in du  siècle est conservé au Germanisches Lemaire, fondeur et fabricant d’instruments de
Nationalmuseum de Nuremberg. mathématiques, et de Marguerite Viay, ille de
53. Jospeh Moxon, Mathematicks Made Easie, Louis  Viay, aussi «  fabricateur  » d’instruments
Or A Compleat Mathematical Dictionary, London, de mathématiques, 19 octobre 1698. MC/ET/
W. Hawes, 1701. CXVII/177, mariage en présence de Jean Mouton,
54. R. Latham et W. Mattews, The Diary…, fabricant d’instruments de mathématiques, 3 sep-
op. cit., p. 392. tembre 1699. MC/ET/LXII/269, mariage en pré-
55. Musée des Arts décoratifs (Paris), fonds sence de Pierre Sautout, fabricant d’instruments
Galais, et Archives de la Manufacture de Sèvres, de mathématiques, 27 novembre 1699. MC/ET/
coll. graphique, travaux d’assiettes, Donzé, 1880. XXIV/525, alloué d’Olivier de Rouvroy, ils de
Gilles de Rouvroy, maître de danse, pour deux ans,
Tracer le monde

chez Henri Maccard, maître fabricant d’instruments entre Bion Jean Baptiste Nicolas, ingénieur du roi
de mathématiques, 12 décembre 1700. pour les instruments de mathématiques, Paris,
63. AN, MC/ET/LXX/213, mariage de Le paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, et Ferret,
Roy Gilles, fondeur et fabricant d’instruments marchand fabricant, 16 juillet 1761. MC/ET/
de mathématiques, quai de l’Horloge, paroisse VII/336, dépôt d’acte de baptême entre Menant,
Saint-Barthélemy, avec Marie Anne Pacot, 3 jan- Pierre Louis, maître fondeur, fabricant d’instru-
vier 1701. MC/ET/VII/183, procuration… en pré- ments de mathématiques, Paris, 10 décembre 1761.
sence de Jean-Baptiste Delure, ingénieur du roi et MC/ET/XXVII/367, inventaire après décès de Jean-
fabricant d’instruments de mathématique…, 23 Baptiste Oudry, fondeur et faiseur d’instruments
septembre 1708. MC/ET/II/364, mariage entre de mathématiques, époux de Jeanne Françoise
Joseph Saugrain, libraire, quai de Gesvres, et Jeanne Malson, marchande d’éventails, demeurant rue de
Thoury, ille de Jacques Thoury (décédé), fabricant la Tannerie, quartier de la place de Grève, 8 octobre
d’instruments de mathématiques, quai de Gesvres, 1773.
22 décembre 1709. MC/ET/CXV/439, notoriété 65. Monique de Pas et Françoise Flieder,
par Gaudron Pierre, horloger ordinaire du duc « Historique et étude de la composition des encres
d’Orléans, place Dauphine, et Jacques Delamarre noires manuscrites », Studies in Conservation, 1972,
lapidaire joaillier, même adresse, relative au décès vol. 17, p. 943-952.
de Michel Butterield, fabricant d’instruments de 66. M.  Bailly de Merlieux et A. Jullien,
mathématique et de sa femme Pierrette Varnier ; Memorial revue encyclopédique des connaissances
héritière leur ille unique ; épouse de Pierre Faveau humaines, Paris, direction du mémorial encyclopé-
Desgranges joailliers, 11 juillet 1724. dique, 1835, « arts intellectuels », p. 669.
64. AN, MC/ET/CXII/704/B, contrat d’appren- 67. E. Chambers, Cyclopædia, op.  cit. ; N. Bion,
tissage entre Tronson, Charles et Langlois, Claude, Traité de la construction, op. cit.
ingénieur de l’Académie des sciences, fabricant 68. Alto Brachner, Georg Friedrich Brander,
d’instruments de mathématiques, Paris, 22 juin 1713­1783. Wissenschaftliche Instrumente aus seiner
1751. MC/ET/LXXXII/312, contrat d’alloué entre Werkstatt, Munich, Deutsches Museum, 1983.
Baradelle, Nicolas Alexandre et Manche Nicolas, 69. Bureau international des poids et mesures,
fabricant d’instruments de mathématiques, Le système international d’unités, Sèvres, Bureau
231
18 juillet 1751. MC/ET/XXXVIII/463, mainlevée international des poids et mesures, 2006, p. 19.

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