Vous êtes sur la page 1sur 5

Revue française d'histoire d'outre-

mer

Fouchard (Jean) : Les Marrons de la liberté


Françoise Thésée

Citer ce document / Cite this document :

Thésée Françoise. Fouchard (Jean) : Les Marrons de la liberté. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 61, n°222, 1er
trimestre 1974. pp. 178-181;

https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1974_num_61_222_1751_t1_0178_0000_2

Fichier pdf généré le 06/01/2019


COMPTES RENDUS
chent à le montrer. La diffusion de la culture, les modifications qui interviennent
alors dans la structure familiale lui paraissent capitales et relèvent précisément
du champ de la recherche quantitative.
Propos théoriques et démonstrations concrètes ont donc fait surgir de
controverses, mais auxquelles il était le plus souvent vain de vouloir apporter
une réponse définitive. Par exemple, s'agissant du délicat problème de la
: M. Chaunu suggéra de briser l'isolement du seul phénomène économique,
pour effectuer « la pesée globale de l'histoire » qui y inclut nombre d'autres variables.
La définition même de l'historien de l'économie comme un « économiste du passé »,
qui fut brillamment développée par M. Mauro, spécialiste de l'histoire brésilienne,
et à ce titre véritable animateur de ce colloque, est sans doute loin d'être acceptée
par tous. M. Romano, autre spécialiste de l'économie américaine et également
a, à ce sujet, des vues sans doute différentes. Mais peut-on, à l'inverse, ne
parler que d'établissement de statistiques touchant au passé, en donnant au terme
d'histoire sérielle un caractère très limitatif ? La sémantique quantitative, autre
domaine de l'histoire sérielle, n'avait pas été tout à fait écartée : l'exposé de M. Teys-
seire sur l'inventaire lexicométrique d'un groupe de « pasquins sediciosos » de 1798
(p. 77-94) suscita un débat nourri, encore que, seul de son espèce au sein d'un
ensemble de communications consacrées à l'histoire économique, il ait pu paraître
excessivement spécialisé et parfois obscur. En réalité, s'y trouvaient posés certains
problèmes capitaux quant à l'avenir des études de textes quantitatives, tel celui
de savoir s'il faut faire porter l'analyse, dans un premier temps, sur une seule grille
de mots. M. Teysseire refuse ce procédé et s'est attaché d'emblée à l'analyse du
corpus intégral. Je ne suis pas sûre que sa démonstration ait convaincu de la
de se dispenser d'une approche d'abord lexicologique ; ne faut-il pas asseoir
la recherche, si l'on veut aller plus avant, sur un premier ensemble de résultats
quoique forcément partiels ? Nonobstant la présentation de cette tentative, le
point de vue partagé par la majorité des participants fut que la jeune école
brésilienne doit avant tout se doter d'un instrument de compréhension de
la réalité économique. Une preuve en a été donnée : la recherche est bien engagée
sur cette voie.
Anne Pérotin.

Fouchard (Jean) : Les Marrons de la liberté. — Paris, Éd. de l'École, 1972. —


21 cm, 582 p. (Histoire et littérature haïtienne.)
M. Jean Fouchard nous livre les résultats d'une longue et minutieuse enquête
sur l'un des problèmes les plus difficiles de toute l'histoire de l'esclavage aux Antilles :
le marronage. Peu d'historiens, avant lui, s'y étaient intéressés. M. Yvan Debbash,
dans « Le marronage : essai de désertion de l'esclave antillais » x, avait abordé le
sujet sous sa forme collective, pratiquée par des bandes de fugitifs campés dans
les mornes les moins accessibles. Leurs effectifs étaient relativement restreints.
Parurent ensuite de courts articles : « Le marronage aux Antilles françaises au
xvme siècle » a, ébauche de la question par M. Gabriel Debien, a Les esclaves
à Saint-Domingue en 1764 » 8, du même auteur, et « Le petit marronage à

1. L'Année sociologique, 1961 et 1962, 192 p.


2. Caribbean Studies (Rio Piedras, Porto-Rico) vol. 6 n° 3, oct. 1966.
3. Notes d'histoire coloniale — n° 124. Jamaïcan historial Review, vol. VI, n08 1
et 2, s. d., 13 p.
— 178 —
Rm>. franc. d'Hitt. d'Outrt-Mer, t. LXI (1974), n« 222.
COMPTES RENDUS
Saint-Domingue autour du Cap (1790-1791) » * de J. Fouchard et G. Debien.
M. Fouchard s'est attaché au marronage sous sa forme la plus courante, la plus
constante depuis le début de l'esclavage et peut-être aussi la plus préoccupante
pour les maîtres toujours à court de main d'œuvre : la fuite individuelle ou en très
petit groupe. Il ne s'agit pas ici de vagabondage, de l'échappée sans lendemain,
mais du marronage qui donne lieu à des recherches organisées de concert par les
propriétaires de marrons et par la maréchaussée. La documentation de l'auteur
est extraite des journaux de Saint-Domingue, source incomparable pour la
de la vie quotidienne pendant les vingt-cinq dernières années de la colonie s.
Depuis l'apparition au Cap, en 1764, du premier journal, la Gazette de Saint-
Domingue, l'usage se répandit chez les maîtres de faire passer dans la presse locale
les signalements de leurs esclaves « partis marrons ». L'administration, de son côté,
y publiait la liste de ceux qui avaient été repris et mis à la geôle de la sénéchaussée
en attendant d'être réclamés par leurs maîtres. Y paraissaient également les annonces
des ventes d' « épaves », les marrons repris dont les maîtres ne s'étaient pas fait
connaître après un certain délai.
Quarante-huit mille marrons recherchés, repris ou mis en vente à la barre du
siège, ont été relevés pour la période qui va de 1764 à 1792. Ce nombre est
et cependant il ne représente qu'une partie des marrons. Tous les maîtres
n'avaient pas les moyens de payer cette publicité coûteuse. D'autre part, tout le
Sud de la colonie est laissé dans les ténèbres jusqu'au début de l'année 1792, époque
où paraît aux Cayes la première gazette, l'Observateur colonial. Il reste que ces
quarante-huit mille marrons constituaient pour M. Fouchard une base solide
Il a très soigneusement étudié cette foule avec le souci de ne jamais perdre
de vue la relation du passé colonial avec le présent haïtien.
Au seuil de son analyse, l'auteur a estimé nécessaire de rappeler brièvement
les structures de ce monde colonial afin de mieux faire comprendre « qui était
l'esclave, comment il vivait et pourquoi il devenait marron » (chap. n). Il s'arrête
longuement sur la question controversée des causes du marronage (chap. ni).
Sans rejeter celles qui sont généralement admises : le dépaysement, la
la cruauté des maîtres ou de leurs gérants, il entend fonder, mieux qu'elle
ne l'a été jusqu'ici, la thèse chère aux Haïtiens, selon laquelle ces causes « classiques »
ne suffisent pas à expliquer, dans de nombreux cas, la fuite décidée sans intention
de retour et menée bien souvent au prix de souffrances physiques pires que celles
qui avaient été subies dans l'esclavage. Le mobile majeur du marron est son besoin
de liberté engendré par la prise de conscience de sa condition cruelle et humiliante.
Le marronage est « la première forme de rébellion ouverte contre l'esclavage avant
les insurrections de 1791 ». M. Fouchard apporte à l'appui de sa démonstration des
arguments de poids dont ses contradicteurs devront tenir compte.
Le classement et l'analyse des caractéristiques des marrons font l'objet du
iv : nations d'origine, étampes, marques du pays, signes particuliers, état
physique, taille, âge, sexe et noms. Les avis d'arrivée des navires négriers dans la
colonie, extraits de ces mêmes journaux, ont permis de dresser un « bilan de la traite
négrière à Saint-Domingue à la fin de la période coloniale » (p. 197-227), d'où il
ressort que, dans le marronage comme dans les importations, toutes les races sont

4. Notes d'histoire coloniale — n° 125. Cahiers des Amériques latines, 1969.


p. 31-37.
5. M. Fouchard y avait déjà trouvé la matière de quatre livres : Les marrons
du syllabaire, Port-au-Prince, H. Deschamps, 1953 ; Plaisirs de Saint-Domingue,
ibid., Impr. de l'État, 1955 ; Le théâtre à Saint-Domingue, ibid., id., 1955, 353 p.
et Artistes et répertoires des scènes de Saint-Domingue, ibid., id., 1955, 271 p.
— 179 —
Rev. franc. d'Hist. d'Outre-Mer, t. LXI (1974), n° 222.
COMPTES RENDUS
représentées. Mais les Congos représentent à eux seuls la moitié des marrons. Les
créoles ne forment qu'une minorité. Toutes les catégories de travailleurs pratiquent
le marronage, même ceux dont le sort est le moins rude, commandeurs, domestiques
et autres nègres à talents. Mais les nègres « de jardin », ouvriers de houe, qui forment
la grande masse des esclaves, y sont en majorité. Les nègres « nouveaux », c'est-à-
dire ceux qui sont arrivés depuis moins d'un an, sont nombreux sur les listes de
fugitifs recherchées et nombreux également sur celles des marrons repris. Il est
des marrons de tous les âges mais la classe de 17 à 34 ans est la plus nombreuse.
On note 15 à 20 % de femmes. La proportion de marrons repris n'a pu être établie
statistiquement. Elle pourrait être de 25 %. Celle des fugitifs disparus ou restés
introuvables serait donc très importante.
Passant des marrons aux victimes du marronage, les propriétaires blancs ou
de couleur (chap. v), M. Fouchard note qu'aucune couleur, aucune profession n'est
épargnée. Il a identifié des colons, relevé des listes de noms et observé que c'est
par l'esclave, plus que par le bâtard de couleur, que se perpétuera en Haïti les noms
des colons français. Il consacre d'excellentes pages à la classe des hommes de
libres, à son irrésistible croissance en dépit des efforts du pouvoir central pour
la limiter, à son rôle de classe tampon entre les Blancs et les esclaves, à sa
complexe. Il nous révèle l'existence, à côté des affranchis légaux, noirs et
mulâtres, des libres de fait : fugitifs heureux se faisant passer pour libres, surâgés
encore valides mais inexistants aux yeux du fisc, esclaves libérés dont le maître
s'est dispensé de payer la taxe d'affranchissement, etc. Bien supérieurs en nombre,
ces libres, vivant en marge des lois, formaient une masse besogneuse qui louait
ses services aux abords des villes ou sur des habitations qui les toléraient dans la
mesure où elles manquaient de bras. C'était souvent le cas des petits propriétaires
établis dans les mornes. Le rôle de cette sous-classe de couleur dans les événements
de 1791 sera difficile à préciser.
On en vient à la pratique du marronage (chap. vi). L'auteur en évoque les
différentes formes avec un grand talent. Le marron créole qui bénéficie souvent
de complicités, familiales ou autres, ne s'éloigne guère de son point de départ ;
il se noie dans les faubourgs de la ville la plus proche. L'évasion peut être organisée
vers de lointains horizons ; le marron a prévu des moyens de subsistance et de
défense, parfois même le retour clandestin pour emmener sa famille lorsqu'il aura
trouvé un gîte sûr ; il se déplace seul, évite les agglomérations ; il peut aussi rejoindre
une bande organisée. On se demande comment tant de nègres « nouveaux »,
tout du pays, trouvaient le chemin de la frontière espagnole, avec quelle
si ce n'est celle d'autres marrons. Le nombre considérable de récidivistes,
en dépit de la cruauté des châtiments encourus, prouve que le goût de la liberté
ne se perdait pas aisément.
Dans son « historique du marronage » (ch. vu) , M. Fouchard, assimilant le marron
à l'insurgé de 1791, s'est efforcé de montrer que les luttes pour la liberté, avant et
pendant le soulèvement général, n'avaient été que « l'aboutissement naturel » du
marronage (p. 458). Il en voit les preuves dans les relations écrites de
colons, administrateurs ou historiographes de Saint-Domingue ; dans le
fait que « les nègres nouveaux... aient bénéficié de la seule complicité possible
d'esclaves en marronage » (p. 457) ; ou encore dans l'importance de l'armement
que les insurgés opposèrent aux forces coloniales dès les premières batailles dans
la plaine du Cap, ce matériel ne pouvant provenir que du concours des bandes
marrones. Il reste encore beaucoup à faire pour fonder dans les faits ce qui n'est
ici qu'une approche des dessous du soulèvement de 1791.
Ce compte rendu ne saurait donner qu'un faible aperçu de ce livre passionnant,
remarquable par la richesse et la nouveauté de sa documentation, par la qualité
— 180 —
Rev. franc. d'Hitt. d'Outre-Mer, t. LXI (1974), n"> 222.
COMPTES REMOUS
du style et le ton général tout empreint d'une patiente ardeur à établir l'histoire
véritable du peuple haïtien. Historien, écrivain, M. Fouchard est aussi un poète,
comme en témoigne cet ode au dernier des marrons, « le dit Couleur d'aurore »
qui termine heureusement son ouvrage.
Françoise Thésée.

Spix (Joh.-Bapt. von) und Martius (Cari Friedr. Phil. von) : Reise in Brasilien
in den Jahren 1817-1820. Nouv. éd. par Karl Maegdefrau, t. 4, Atlas. —
Brockhaus, 1967. — D.M. 150.
Nous n'avons reçu que l'Atlas de cette importante réédition parue dès 1967.
Les légendes en allemand sont accompagnées de leur traduction en portugais.
Malgré ce nom d'atlas (le mot accompagne dans le titre celui de Tafelband) il s'agit
essentiellement de dessins et de gravures représentant des hommes (en particulier
des Indiens) et des paysages. Il y a cependant, à la fin, les très belles cartes de
originale, ainsi que les partitions des chansons brésiliennes ou indiennes que les
auteurs avaient pu recueillir.
Cette réédition est une heureuse idée.
Frédéric Maubo.

Humboldt (Alexander von) : Relation historique du voyage aux régions équinoxales


du Nouveau Continent. — Stuttgart, Brockhaus, 1970. — 3 vol. 27 cm, xx-645,
722 et 687 p. — D.M. 195. (Quellen und Forschungen zur Geschichte der Geo-
graphie und der Reisen. 8.)
Il s'agit d'une reédition photomécanique de la grande œuvre de Humboldt,
écrite en français par lui, et publiée à Paris en 1814, 1819 et 1825. Hans Beck,
à l'Université de Bonn, rappelle en 20 pages de préface l'importance de
l'homme et de l'œuvre. Un index a été placé à la fin du troisième volume. Le livre
s'intitulait exactement, rappelons-le, « Voyage de Humboldt et Bonpiand, première
partie, relation historique ». Il porte sur le trajet effectué depuis l'embarquement
en Espagne jusqu'à l'arrivée en Colombie. Humboldt, au Venezuela, remonta l'Oré-
noque et alla jusqu'au Rio Negro, revint à l'Orénoque par le Cassiquiare, se rendit
ensuite à Cuba et, en passant par la Trinité, à Carthagène, dans la Colombie actuelle.
Comme le fait remarquer Hans Beck, le géographe d'aujourd'hui peut encore
trouver des renseignements et des suggestions dans l'œuvre de Humboldt. Peut-
être aussi le naturaliste. En tous cas pour l'historien c'est une mine.
* Frédéric Mauro.

Lôwenbbrg (Julius) : Alexander von Humboldt, bibliographische Uebersicht seiner


Werke, Schriften und zerstreuten Abhandlungen. — Stuttgart, F. A. Brockhaus,
1960. — 22 cm, 68 p. (Unverânderter Neudruck dièses Teil aus dem 1872 erschie-
nenen Werk : Alexander von Humboldt, eine Wissensehaftliche Biographie...
bearbeitet... von Karl Bruhns.)
Voici un instrument de documentation fort utile et dont nous rendons compte
bien tardivement au moment où paraît la réédition photographique du Voyage
aux régions iquinoxiales. Tout ce qu'a publié Humboldt est indiqué ici, y compris
— 181 —
Rev. franc. d'Hit. d'Outre-Mer, t. LXI (1974), n° 222.

Vous aimerez peut-être aussi