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KOUADIO Kevy

— Aïssata (Isis/Aset)

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Aset)

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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

Cette sculpture est un bronze de 61 cm, datant de la Basse-Époque (680-640 BCE)


et représentant la déesse Isis (en copte, ⲏⲥⲉ, ⲏⲥⲓ, Ise, Isi ; translitération de la
graphie hiéroglyphique : 3s.t, As-t, devenue couramment Aset) en train de donner
du lait maternel à l'Enfant divin Horus.1

Le nom Isis est écrit avec l’hiéroglyphe représentant un siège comme le groupe ws
du nom d’Osiris, par ex. Is.t (Isis), Ws-ir.t (Osiris) (Edel, Grammatik § 144)
[…] (*ⲏⲥⲉ f. "siège").2

La langue copte est considérée comme étant le dernier stade de la langue parlée
par les Égyptiens Anciens, transcrite en caractères grecs.

Cette langue fut une base certaine pour les égyptologues, et ce depuis le célèbre
égyptologue français J. F. Champollion, a n de déchi rer la langue pharaonique.

Toutefois, le copte a ensuite été restituée par la linguiste Lilias Homburger, dans la
famille des dialectes mandé du Soudan Occidental et constituerait de fait une
langue négro-africaine.3

Cet élément conforta de nouveau l’approche linguistique africaine, qu’avaient déjà


soutenues les Pr. Cheick Anta Diop et Théophile Obenga, concernant l’étude de
l’égyptien ancien.

La déesse Isis allaitant est le prototype de la même image de la Vierge Marie et


l'Enfant Jésus, image de la Mère et l'Enfant, en cette action rituélique
d'allaitement, abondante dans le reste de l'Afrique noire, quasi introuvable
dans les civilisations mésopotamiennes et méditerranéennes (grecque,
phénicienne, judaïque, romaine, ibérique, etc.). Le berceau culturel et
anthropologique de l'iconographie Mère et enfant est l'Afrique noire, depuis
l'Égypte des Pharaons.4

1Obenga, Théophile. Isis et son odyssée en Europe Occidentale, In la revue Ankh n° 17,
2008. pp. 86-131.
2Werner, Vycichl (1909-1999). Dictionnaire Étymologique de la Langue Copte, Belgique,
Leuven : Peeters, 1983. p. 55.
3 Homburger, Lilias. Étude des langues négro-africaines et de l'égyptien. In: Comptes
rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 73e année, N. 3, 1929.
pp. 252-253. DOI : https://doi.org/10.3406/ crai.1929.75778 / [www.persee.fr/doc/
crai_0065-0536_1929_num_73_3_75778]
4 Obenga, Théophile. op. cit.

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— Aïssata (Isis/Aset)

Champollion, dans son Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique (1841,


BNF5), explique que le terme “ankh” signi e “miroir” :

 Dans un article de l’Encyclopédie World History intitulé The Ankh, le professeur en


philosophie Joshua J. Mark, nous apprend que les fouilles ont révélés nombre de
miroirs à main avec la forme de la Croix de Vie. Ils étaient utilisés par les
individus lambda comme les “Grands” (prêtres, pharaons) de cette civilisation. 

L’auteur explique que “les égyptiens pensaient que l’après-vie est le miroir de la
vie sur terre et que les miroirs avaient des propriétés magiques” (ils étaient
aussi utilisés à des ns de spiritisme et de communication avec les morts).

Joshua J. Mark, poursuivit sa note en précisant le lien existant entre Isis et le


symbole ankh, de la sorte :

"De nombreux dieux égyptiens sont représentés tenant l'ankh, mais Isis plus
souvent que les autres. Avec le temps, Isis est devenue la déesse la plus
populaire d'Égypte et tous les autres dieux étaient considérés comme de simples
aspects de cette divinité la plus puissante et la plus universelle. Le culte d'Isis
promettait la vie éternelle par la résurrection personnelle. De la même manière
qu'Isis avait sauvé son mari Osiris de la mort, elle pouvait sauver ceux qui
plaçaient leur foi en elle. L'association de l'ankh avec une déesse aussi
puissante lui conférait une signi cation plus grande, car il était désormais lié
spéci quement à la grande déesse qui pouvait sauver l'âme d'un individu et
subvenir à ses besoins dans l'au-delà.".6


5 N.D.L.R. (Note De La Rédaction) : BNF pour Bibliothèque Nationale de France.


6Joshua J. Mark. The Ankh, In World History Encyclopedia. DOI : https://
www.worldhistory.org/Ankh/

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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

Maintenant, lorsque l’on interroge l’origine du prénom Aïssata / Aïssatou, sa nature


africaine est vaguement évoquée pour n’en ressortir le plus souvent qu’une
étymologie sémitique (hébreu, arabe).

Comme c’est souvent le cas, les sources exogènes plutôt qu’endogènes sont
privilégiées en ce qui concerne les étymologies, dans l’anthroponymie (l’étude des
noms de personnes) en Afrique noire.

Cette approche sous-tendrait une forme d’incapacité, de la part des négro-


africains, de se nommer par eux-mêmes !

Dans cette logique, Aïssatou est un prénom d’Afrique noire, apparenté au prénom
de l’arabe Aïcha.

ِ ‫ع‬, ʿāʾ iša ("vivant").

َ ‫َائ‬
Aïcha est de l’origine arabe ‫شة‬
Il s'agit de l'un des prénoms les plus populaires dans les pays du Maghreb et
plus largement des pays musulmans. En e et, Aïcha était la 3e épouse du
prophète Mahomet, mais aussi, et surtout, sa favorite. Dans le monde arabe, Aïcha
est également quali ée de "mère des croyants" et revêt, dans la religion
musulmane, une importance considérable.7

D’ailleurs dans le Coran, ʿĪsā8, le Messie, ls de Maryam, est un prophète,


annonciateur de Mahomet, qui prêche le monothéisme pur, accomplit des miracles,
opère des guérisons, ressuscite les morts et connaît les secrets du cœur.
ʿĪsā con rme la Torah, dont il atténue les prescriptions légales, tandis qu'il reçoit de
la part de Dieu l'Injil (l'Évangile), présentée comme une "guidance et une lumière"
que les chrétiens auraient négligées.

L'auteur sou Ibn Arabi, lui confère le titre de "sceau de la sainteté", "le plus grand
témoin par le cœur", tandis que Mahomet est le "sceau des prophètes", "le plus
grand témoin par la langue".9

Ce prénom serait donc aussi apparenté à l’hébreu Yeshoua (‫ישוע‬, avec les voyelles
ַ ‫י ֵשׁוּﬠ‬, yēšūă‘), une contraction de la forme ַ ‫"( י ְהוֹשֻׁ ﬠ‬Yehoshuah" – Josué )10, qui signi e
"Il sauve" ou simplement "Sauveur" pour se conformer avec Matthieu 1, 21  : "Elle
enfantera un ls, et tu lui donneras le nom de Jésus  ; c'est lui qui sauvera son
peuple de ses péchés" (LSG).11


7 "'A'isha bint Abi Bakr", Encyclopedia of islam, vol. 1, p. 307.


8 Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, Édition Albin Michel, p. 23.
9Marie-Thérèse Urvoy, "Jésus", dans Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du
Coran, Robert La ont, 2007 (ISBN 978-2-221-09956-8), pp. 438-441.
10Tal Ilan, Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity Part I : Palestine 330 BCE-200
CE (Texte und Studien zum Antiken Judentum 91), Tübingen, Germany, J.C.B. Mohr,
2002, 129 p.
11Quesnel, Michel. Jésus-Christ selon saint Matthieu : synthèse théologique, Paris,
Desclée, 1991. 240 p. p. 1.

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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

Le nom correspond ainsi à la forme grecque, Ἰησοῦς, Iêsous, de laquelle vient le


français Jésus.12

Revenons maintenant au prénom d’Aïssata. Aïssata est un prénom, qui comme


celui d’Aïssatou, est rapproché du prénom arabe Aïcha.

Toutefois, le prénom Aïssata fut localisé sans précision, d’une origine sénégalaise
et signi erait grâce.

Sachant que le Sénégal comprend environ 40 langues locales13, dont le Wolof


(39,7 %), le Peul (26,3 %), le Sérère (10,5 %), le Malinké (9,8 %), le Diola (2,4 %),
le Soninké (2,1 %), le Bambara (0,5 %), etc., cette traduction de ce prénom
semble vraiment imprécise.

La proposition étymologique qui suivra dans ce document, du prénom Aïssata, se


fera donc à partir de ces langues endogènes.

Le lien de ce prénom avec celui de la divinité égyptienne majeure Isis, grécisée en


Aset, se révélera aussi par ce moyen.

Concernant la notion de "grâce", le Bambara possède également le prénom


Áyisàta, dont la variante Ásitàn, provient du nom sítan qui veut dire "enfant
béni" (sítan littéralement se compose en Bambara de sí pour "la semence", et tan
pour "dix", soit semence dix. Le chi re dix chez les Bambara est l’expression de
l’Unité, donc la traduction de ce nom renvoie à la semence divine)14.

12The New Strong's Exhaustive Concordance of the Bible, Nashville, Thomas Nelson
Publishers, 1990.
13 DAFF, Moussa (1998), L’aménagement linguistique et didactique de la coexistence
du français et des langues nationales au Sénégal, 1998, DiversCité Langues, vol. III, 

[http://www.uquebec.ca/diverscite].
14 Père Charles Bailleul, Dictionnaire bambara-français, éd. 1996.

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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

La langue Wolof15 viendra notamment éclairer la signi cation profonde du prénom


Aïssata, en révélant le rapport que celui-ci entretient avec la gure d’Isis. Comme
on a pu le voir plus haut, l’un des attributs de la déesse égyptienne est le symbole
de la Vie Éternelle, ankh, décrit sous la forme d’un miroir.

En Wolof le miroir se dit "seetu", ce qui s’apparente à la structure consonantique


s+t contenue dans les prénoms Aïssatou et Aïssata.

L’autre épithète d’Isis nous est fournie par l’auteur Plutarque qui, dans son ouvrage
le Traité d’Isis et Osiris, nous indique que : "Isis […] signi e science […]"16. Le
Wolof aura donc "seet", traduisant le fait de rechercher, ce qui correspond
essentiellement à la science et qui a préservé encore la même morphologie s+t.
Ensuite le signe hiéroglyphique du siège, servant à écrire le nom d’Isis en égyptien
ancien, a comme correspondant en Wolof la chaise qui se dit "siis".

Toutes ces données nous révèlent donc la parenté non seulement linguistique,
mais aussi morphologique et sémantique entre le Wolof, le Bambara, le copte et
l’égyptien ancien, conformément aux travaux entrepris par le pr. Cheikh Anta Diop
dans ce domaine17.

Le Bambara viendra con rmer ce fait en traduisant le nom d’Osiris, issu du grec
ancien et signi ant "celui qui a beaucoup d’yeux". Os, dans leur langue, veut dire
beaucoup, et iris, l’œil, toujours selon l’auteur Plutarque dans son même livre.18

En Bambara nous aurons "wasa" qui veut dire la "satisfaction", le "rassasiement",


c’est-à-dire la notion de plénitude. Et en Wolof notamment l’œil, étant l’attribut
utilisé en hiéroglyphes pour désigner Osiris, se dira "gis". Or ce terme "gis" , l’œil
en Wolof, n’est pas sans rappeler la structure utilisé plus tard par les langues
sémitiques pour désigner le "Vivant" (āʾ iša, en arabe, et yēšūă‘, le "Sauveur", en
hébreu).

Par ailleurs, la langue Soninké a le mot "sire", pour exprimer ce qui est bon, bien.19

15V.-J. Guy-Grand, revu par Olivier Abiven , Dictionnaire français-volof & abrégé de la
grammaire volofe, Dakar, Mission catholique, 1923.
16 Plutarque (1er siècle AEC), Traité d’Isis et D’Osiris.
17Diop, Cheikh Anta. Théophile Obenga. Le peuplement de l'Égypte ancienne et le
déchi rement de l'écriture méroïtique (cf. Histoire Générale de l'Afrique - Actes du
colloque tenu au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, UNESCO, Paris 1978, Histoire
Générale de l'Afrique, Tome II, Paris, Jeune Afrique/Stock/UNESCO, 1980), et C. A. Diop,
Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négro-africaines , Dakar-
Abidjan, IFAN/NEA, 1977, p.34.
18 Plutarque, op. cit.
19 ASAWAN : Dictionnaire Soninké - Français - Anglais. DOI : https://www.asawan.org/fr/
lexique_soninké

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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

Conclusion :
L’étude étymologique du prénom sénégalais d’Aïssata, à partir des langues
parlées dans ce même pays, nous a finalement révélée sa signification propre.

Par ce fait, nous avons pu apprendre que :

• Ce prénom Aïssatou a une origine négro-africaine bien antérieure à celle du


monde sémitique auquel lui fut attribuée son sens, jusqu’à présent.

• Cette provenance négro-africaine est en rapport direct, en termes de


parenté linguistique, avec l’ancien égyptien par le biais du copte et des
langues soudanaises modernes.

• La signification profonde qui découle du prénom d’Aïssata, à savoir la


véritable désignation de la déesse égyptienne Isis, nous démontre l’unité
culturelle entre l’égyptien pharaonique et les communautés négro-africaines
actuelles, ainsi que la continuité historique de sa pensée symbolique.

N’étant pas égyptologue, je ne me suis borné qu’à esquisser des pistes


documentées ici.

La lecture que j’ai proposé de ces travaux et mon analyse qui s’en est suivie,
pourront donc être approfondies, avec le secours des spécialistes qui le
souhaitent.


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KOUADIO Kevy
— Aïssata (Isis/Aset)

Sources bibliographiques (non-exhaustive) :

Obenga, Théophile. Isis et son odyssée en Europe Occidentale, In la revue Ankh


n° 17, 2008. pp. 86-131.

Werner, Vycichl (1909-1999). Dictionnaire Étymologique de la Langue Copte,


Belgique, Leuven : Peeters, 1983.

Homburger, Lilias. Étude des langues négro-africaines et de l'égyptien. In:


Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 73e
année, N. 3, 1929. pp. 252-253. DOI : https://doi.org/10.3406/ crai.1929.75778 /
[www.persee.fr/doc/ crai_0065-0536_1929_num_73_3_75778]

Joshua J. Mark. The Ankh, In World History Encyclopedia. DOI : https://


www.worldhistory.org/Ankh/

"'A'isha bint Abi Bakr", Encyclopedia of islam, vol. 1, p. 307.

Malek Chebel, Dictionnaire des symboles musulmans, Édition Albin Michel,


p. 23.

Marie-Thérèse Urvoy, "Jésus", dans Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire


du Coran, Robert La ont, 2007 (ISBN 978-2-221-09956-8), pp. 438-441.

Quesnel, Michel. Jésus-Christ selon saint Matthieu  : synthèse théologique,


Paris, Desclée, 1991. 240 p. p. 1.

Tal Ilan, Lexicon of Jewish Names in Late Antiquity Part I  : Palestine 330
BCE-200 CE (Texte und Studien zum Antiken Judentum 91), Tübingen,
Germany, J.C.B. Mohr, 2002, 129 p.

William Smith, Smith's Bible Dictionary  : Rev Sub edition, Hendrickson


Publishers, 1990, 912 p. (ISBN 0-917006-24-0), "Jesus".

Père Charles Bailleul, Dictionnaire bambara-français, éd. 1996.

V.-J. Guy-Grand, revu par Olivier Abiven , Dictionnaire français-volof & abrégé de
la grammaire volofe, Dakar, Mission catholique, 1923.

Diop, Cheikh Anta. Théophile Obenga. Le peuplement de l'Égypte ancienne et le


déchi rement de l'écriture méroïtique (cf. Histoire Générale de l'Afrique - Actes
du colloque tenu au Caire du 28 janvier au 3 février 1974, UNESCO, Paris 1978,
Histoire Générale de l'Afrique, Tome II, Paris, Jeune Afrique/Stock/UNESCO,
1980), et C. A. Diop, Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des
langues négro-africaines , Dakar-Abidjan, IFAN/NEA, 1977, p.34.

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