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MEMOIRE

Pour l’obtention du diplôme d’ingénieur


Systèmes Agricoles et Agroalimentaires Durables au Sud
(SAADS)
Option Développement Agricole Rural au Sud (DARS)
Parcours Ressources, système agricoles et développement (RESAD)

Le Programme de Transfert de Technologies Agricoles (PTTA)


peut-il améliorer durablement les revenus agricoles des
bénéficiaires ?

Etude d'impact sur les systèmes de production de Milot, Haïti

Directrice de mémoire : Mme. RASSE-MERCAT

Maître de stage : Bruno JACQUET

Présenté par Xuan Lai DAO


RESUME

Le projet Programme de Transfert de Technologie Agricole (PTTA) a identifié des zones


favorables dans le département du Nord pour appuyer l’agriculture paysanne et pour
augmenter durablement le revenu des paysans. Des agriculteurs de Milot, ont été sélectionnés
pour recevoir des paquets techniques via une subvention ponctuelle. Deux campagnes ciblées
sur l’appui aux systèmes agroforestiers ont eu lieu, l’une basée sur l’association
cacao/igname/banane et l’autre sur le paquet igname/banane. Dans le but d’évaluer la
pertinence technique et l’impact économique sur les systèmes de production et les systèmes
d’activité, une évaluation d’impact qualitative a été réalisée. L’étude s’est déroulée en
plusieurs étapes : compréhension du milieu biophysique et des dynamiques agraires,
caractérisation fine des systèmes de culture et d’élevage, modélisation et évaluation des
performances économique des systèmes de productions et d’activité. Il a été montré que le
paquet technique universel promu n’est pas adapté à la diversité agroécologique de Milot :
c’est dans les systèmes vivrier et agroforestier de morne qu’il est le plus susceptible
d’augmenter la productivité de la terre, zones d’exploitation qui concernent aussi les
populations les plus précaires qu’il convient de cibler. Le paquet peut augmenter la
performance des systèmes si toutes les conditions sont favorables par ailleurs. Dans un
contexte de grandes variations climatiques interannuelles, fournir un appui financier et
technique sur le moyen terme augmenterait leurs chances d’améliorer durablement leur
revenu. La subvention ponctuelle peut sécuriser la trésorerie des plus vulnérables. D’autre
part, une ouverture des paquets sur l’élevage pour améliorer l’intégration agriculture/élevage
leur offrirait un moyen de capitaliser et d’augmenter la résilience des systèmes de
productions vis-à-vis des aléas climatiques et d’un environnement économique changeant.

Mots clés : Haïti – agroforesterie – système de culture – paquet technique – diagnostic
agriaire

ABSTRACT

The PTTA project identified several suitable areas in the Northern Region to assist farmers
and durably increase their income. Some farmers in Milot were selected in order to receive
technical packages via a one-time subsidy scheme. Two campaigns focusing on the
assistance to agroforestry systems were organised, one focusing on the intercropping of
cocoa / yam / banana and the other on the association of yam / banana. In order to assess the
technical suitability and the economic impact on the cropping systems and livelihoods, a
qualitative impact assessment was conducted. The study was carried out in several steps:
first, understanding the biophysical environment and the agrarian dynamics at play; second,
characterizing the cropping and animal rearing systems; and third, modelling and assessing
the economic performances of the cropping systems and broader livelihoods associated with
these systems. It was shown that the technical packages were not adapted to the
agroecological diversity of Milot: it is indeed in the agroforestry systems and the food
systems in the mornes that it is the most likely to increase land productivity, which happens
to be the places where the people at the bottom of the socio-economical ladder dwell. These
people are also the people who would most benefit from increases in productivity. The
package can improve the systems performance but only under the required climatic
conditions. In a context of great year-to-year climatic variations, providing financial and
technical support on a longer-term period would durably improve their chances increase their
income. A one-time subsidy scheme can strengthen their economic situation and can avoid
decapitalization. On the other hand, providing packages focusing on breeding to improve
agriculture/breeding integration would give them the means to capitalise and increase the
resilience of these cropping systems in the face of changing climatic conditions.

Keywords : Haiti – agroforestery – crop system – technological package – agrarian
diagnosis

2

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier

Elisabeth Rasse-Mercat pour la visite de terrain, l’encadrement et le


soutien sans faille à la rédaction, ainsi que Christian Barranger

Bruno Jacquet pour l’offre de stage et la facilitation faite tout au long de


celui-ci

Bruno et Manon pour les moments de franche camaraderie, l’aide pour


les enquêtes de trésorerie, leurs conseils, leur soutien, ainsi que Rodrigo
Bulaman et Jery Rambao.

L’équipe de stagiaires haïtiens pour l’aide fournie

Les habitants de Lakou Lakay pour leur accueil chaleureux et leur


hébergement

Et tous les paysans de Milot qui sont à la fois le moyen et la fin de ce


rapport

Ainsi que le centre de documentation Regards de Bordeaux pour m’avoir


facilité le travail bibliographique

3

LISTE DES ACRONYMES

BID : Banque Interaméricaine de Développement

PTTA : Projet de transfert de technologie agricole

MARNDR : Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du


Développement Rural

Paquet NP : Paquet nouvelle plantation

Paquet R : Paquet régénération

Paquet JC : Paquet jardin créole

EA : Exploitation agricole

SAF : système agroforestier

SC : Système de culture

SP : Système de production

SE : Système d’élevage

PB : Produit Brut

CI : consommation intermédiaire

VAB : Valeur ajoutée brute

VAN : Valeur ajoutée nette

RA : Revenu agricole

HJ : Homme-jour (ou quantité de travail fourni par un actif pendant une


journée)

TK : Technico-économique

Cx : carreau

4

GLOSSAIRE

Carreau : unité de mesure des surfaces agricoles en Haïti. 1 carreau =


1,29 ha

Combite : forme de travail en groupe

Déchoukaj : période de trouble à la chute de Jean-Claude duvalier, ayant


mené à une réforme agraire informelle. Aujourd’hui, les occupants
bénéficient de l’usus et du fructus mais pas de l’abusus. Bien que sans
propriété foncière, il y a un marché foncier.

Ecolaj : scolarisation

Homme-jour : durée de travail équivalent au travail d’un homme


pendant 5h

Rampono : équipe de travailleurs agricoles payés à la journée pour une


durée de 5h

5

LISTE DES ESPECES RENCONTREES

Nom commun Nom vernaculaire Genre Espèce Famille Importance


relative1
Anacardier Pie Nwa Anacardium occidentale Anacardiaceae
Arbre à pain Pie labapen Artocarpus Incisa Moracea +
Arbre véritable Pie labveritab Artocarpus Incisa Moracea +
Avocatier Zaboka Persea americana Lauraceae
Banane plantain Banane miske Musa paradisiaca Musaceae +++
Banane Banane poban Musa - Musaceae +++
Banane Banane Fig Musa acuminata Musaceae +++
Banane Banane Machine Musa - Musaceae +
Banane Banane loup garou Musa - Musaceae +/-
Cacao Cacawo Theobroma cacao Sterculiacea
Café Cafe Coffea - Rubiacea
Canne à sucre kann Saccharum oficinarum Poeaceae
Chène Bwa chene Catalpa longissima Bignoniaceae
Cocotier Cocoye Podocarpus angustifolius Poaceae
Frène Bwa blan Simarouba Glauca Simaroubaceae
Haricot noir pois noir Phaseolus vulgaris Fabaceae
Igname sigin Yam Dioscorea - - +++
Igname Guinée Yam Dioscorea - - +/-
Igname caracol Yam Dioscorea - - +/-
Igname tête à Neg Yam Dioscorea - - +
Maïs Mai Zea mais Poaceae
Manguier Mango Mangifera indica Anacardiaceae
Manioc Amer Manyok anme Manihot utilisima Euphorbiaceae
Manioc doux Manyok dou Manihot cassava Euphorbiaceae
Monbin Monbin Spondias mombin Anacardiaceae
Oranger Zorange Citrus Sinensis Rutaceae
Pamplemoussier Pié shadek Citrus grandis Rutaceae
Patate douce Patate Ipomoea batatas Convolvulaceae
Pois d'Angole Pois congo Cajanus indicus Leguminosae
Pois genois Pois neg Vigna unguiculata Leguminosae
Saman Saman Samanea Saman Mimosaceae
Sucrin Pois doux Inga Vera Fabaceae

1 Importance en terme de représentativité de la variété au sein de toutes les variétés présentes

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TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................... 7
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 9
1. Le projet de transfert de technologie agricole (PPTA) ....................................................... 9
2. Le stage de terrain .............................................................................................................................. 9
PARTIE 1 : ELEMENTS DE CONTEXTE ................................................................................... 10
I. PAUVRETE ET RELANCE DU SECTEUR AGRICOLE EN HAÏTI ............................................................. 10
II. LE PROGRAMME DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE AGRICOLE (PTTA) ................................... 11
3. Modalités d’intervention et mécanisme d’action ................................................................ 11
4. Le PTTA à Milot ................................................................................................................................. 12
5. Genèse et composition des paquets ........................................................................................... 13
PARTIE 2 : PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE .......................................................... 16
I. PROBLEMATIQUE ET OBJECTIF DE L’ETUDE ....................................................................................... 16
II. HYPOTHESES : ........................................................................................................................................ 16
III. DEMARCHE ET OUTILS MIS EN PLACE ............................................................................................... 17
PARTIE 3 : RESULTATS .............................................................................................................. 21
I. MILOT, UNE ZONE ENTRE PLAINE ET MORNE .................................................................................... 21
1. La topographie, un élément clef pour comprendre la zone. .......................................... 21
2. Une importante variabilité pluviométrique inter et intra-annuelle et une baisse
tendancielle des précipitations ............................................................................................................ 21
3. Un réseau hydrographique dense mais pas d’irrigation ................................................. 23
4. Les différentes occupations du sol ............................................................................................. 24
5. Une grande diversité de zones agroécologiques ................................................................. 25
I. ENTRE PLAINE ET MORNES : DEUX DYNAMIQUES AGRAIRES MARQUEES PAR UN ACCES INEGAL
AU FONCIER, FACTEUR DE CAPITALISATION ............................................................................................... 30
1. Après l’occupation américaine (1934-1957) : une exploitation capitaliste dans la
plaine et une différenciation sociale déjà marquée dans les mornes .................................. 30
2. Sous les Duvalier (1957-1986) : Continuation des systèmes latifundiaires dans la
plaine, baisse du prix du café touchant les petits propriétaires des mornes ................... 33
3. A la chute des Duvalier (1986 à nos jours) : Réforme agraire informelle dans la
plaine, crise dans la paysannerie des mornes ................................................................................ 38
4. L’accès au foncier et au capital biologique que représentent les agroforêts,
principal facteur de différenciation des exploitations agricoles ........................................... 42
II. UNE DIVERSITE DE SYSTEMES DU CULTURES DONC DES RESULTATS DU PTTA INEGAUX ....... 45
1. Des systèmes agroforestiers de bas-fond très productifs ................................................ 45
2. Une diversité de systèmes agroforestiers de versant ........................................................ 53
3. Des systèmes vivriers de morne pour assurer l’alimentation de la famille et
dégager un revenu supplémentaire ................................................................................................... 58
4. Plusieurs systèmes de plaine pour plusieurs stratégies ................................................... 64
5. Comparaison des différents systèmes de culture ................................................................ 72
III. UNE DIVERSITE DE SYSTEMES D’ELEVAGE POUR DIVERS FONCTIONS DANS LES
EXPLOITATIONS AGRICOLES ET DANS L’ECONOMIE DES MENAGES ........................................................ 74
1. L’élevage de volaille pour des dépenses ponctuelles et pour l’alimentation
familiale ......................................................................................................................................................... 74
2. L’élevage caprin naisseur, une capitalisation intermédiaire plus flexible .............. 75
3. L’élevage porcin, une activité génératrice de revenu mais exigeante en temps ... 76
4. L’élevage équin, un revenu complémentaire lié au tourisme ........................................ 77
5. L’élevage bovin naisseur, épargne pour les besoins financiers exceptionnel ......... 78
IV. LA PLURIACTIVITE, CONDITION VITALE POUR CERTAINS, CHOIX POUR D’AUTRES ................... 79
1. Les petits métayer/propriétaires des mornes ...................................................................... 80

7

2. Les moyens propriétaires des mornes ...................................................................................... 89
3. Les nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux ....................................................... 91
V. LE PTTA, DE NECESSAIRES REORIENTATIONS POUR ATTEINDRE L’OBJECTIF D’UNE
AUGMENTATION DURABLE DES REVENUS ................................................................................................... 94
1. Les systèmes agroforestiers, une cible d’intervention pertinente ................................ 94
2. Mais une nécessaire révision du contenu des paquets selon les zones
agroécologiques … ..................................................................................................................................... 94
3. … Et une autonomisation des paysans sur la production de plantules/fumier/ .. 95
4. Un recentrage du projet sur les populations qui en ont le plus besoins .................... 96
5. ….Et un appui financier et technique 2 ou 3 ans successifs pour augmenter les
chances d’amélioration durable du revenu .................................................................................... 96
6. Une ouverture vers l’appui des systèmes vivriers sylvopastoraux ? ........................... 97
7. … Accompagnement, valorisation et marché composante importante pour
l’amélioration durable des revenus ................................................................................................... 97
CONCLUSION .................................................................................................................................. 99
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 100

8

INTRODUCTION
1. Le projet de transfert de technologie agricole (PPTA)
Le programme initié en 2013 s’inscrit à la suite d’une série de projet (PMDN, Avance)
ayant la volonté de décentraliser l’aide au développement auparavant concentrée sur Port-Au-
Prince. Ainsi, les départements du Nord et du Nord-Est ont été identifiés comme
potentiellement intéressants pour accroitre la productivité agricole en raison de facteurs bio-
pédo-climatiques favorables et de leur proximité avec des marchés de biens alimentaires en
croissance (Ouanaminthe, Cap-Haïtien).

L’objectif du programme PTTA est d’augmenter durablement le revenu des agriculteurs. Il


fait l’hypothèse que les agriculteurs sont enfermés dans cercle vicieux de la pauvreté et
qu’une impulsion ponctuelle permettra de les mettre sur cycle vertueux du développement.
Pour cela, le programme subventionne des paquets techniques à l’intention des agriculteurs.
En appliquant ces paquets techniques, les agriculteurs pourront améliorer leur rendement et
réinvestir ce gain de revenu dans l’appareil productif et ce de manière durable.

La première campagne d’intervention a commencé en 2014 à Milot, zone entre plaine et


montagne du département du Nord, pour une durée de 3 ans avec l’objectif d’appuyer le
développement des systèmes agroforestiers à base cacao.

2. Le stage de terrain
Cette étude de mi-parcours a eu pour but:

• d’avoir une compréhension plus approfondie du fonctionnement agricole de la


zone ;
• d’avoir des éléments scientifiques concrets pour discuter de la pertinence du projet,
de ses résultats intermédiaires et des possibles (ré-)orientations à donner pour
améliorer son efficacité ;
• de se doter d’un outil de suivi technico-économique des exploitations agricoles de
la zone.

Pour remplir à bien ces objectifs, l’outil du diagnostic agraire a été identifié avec l’intégration
d’une composante d’évaluation de projet. Une première approche du milieu biophysique et
des dynamiques agraires a été initiée pour comprendre le contexte et émettre les premières
hypothèses de compréhension de la zone. Ensuite, une phase d’enquêtes qualitatives a eu lieu
pour caractériser les différentes exploitations en présence et comprendre les mécanismes
d’action et les premiers effets du PTTA sur celle-ci. Une évaluation des performances
technico-économique des systèmes avec ou sans PTTA a été réalisée pour comprendre la
pertinence et l’impact de celui-ci. Le stage s’est divisé en deux phases : une phase de terrain,
de collecte de données d’avril 2015 à fin aout 2015, entrecoupée d’une visite de nos
professeurs Mme Elisabeth Rasse-Mercat et M. Christian Barranger, et une phase de
traitement et de rédaction du mémoire de mi-septembre à fin-octobre. L’étude qui suit est
divisée en 3 parties : une partie de contexte permettra de comprendre le cadre d’intervention
du projet, suivi de la problématique du stage, enfin les résultats du stage seront discutés dans
la dernière partie.

PARTIE 1 : ELEMENTS DE CONTEXTE


I. Pauvreté et relance du secteur agricole en Haïti


Haïti partage avec la République Dominicaine l’île d’Hispaniola, la deuxième plus
grande île des Antilles ; elle est bordée au sud par la mer des caraïbes, à l’ouest par le canal
du vent qui la sépare de Cuba et au nord par l’océan atlantique. Située dans la partie
occidentale de l’île, elle y occupe un tiers soit 27 750 km2. D’après le recensement de 2012,
il y aurait près de 10 millions d’haïtiens pour une densité moyenne de 375 hab/km2.
Longtemps dénommée « la perle des Antilles », Haïti a connu une histoire mouvementée et
des bouleversements politiques qui ont profondément marqué son agriculture. Ancienne
colonie française tournée vers les cultures d’exportation selon un modèle colonial, Haïti est
passé par plusieurs phases successives : coexistence de grands domaines agro-exportateurs et
d’exploitations familiales, plusieurs vagues d’émigration et d’exode rurale sous fond de
crises paysannes, période de protectionnisme et enfin une libéralisation « débridée » depuis
1986. Haïti connaît depuis lors une dépendance croissante aux importations alimentaires en
même temps qu’une chute de la production intérieure. Malgré plusieurs décennies
d’intervention d’agence de développement, d’ONG, et malgré une timide amélioration de la
situation (diminution de la pauvreté extrême, augmentation du taux de scolarisation), Haïti
figure parmi les pays ayant le plus faible indice de développement humain (PNUD 2014) et
est le pays plus pauvre d’Amérique. L’agriculture représente aujourd’hui 25 % du PIB et
emploie 60% de la main d’œuvre nationale. Aujourd’hui, 1 million de familles subsiste avec
moins de un hectare. La situation est difficile d’autant que depuis quelques années, le pays
est touché de plein fouet par des catastrophes naturelles et soumis à une variabilité climatique
importante, ce qui a accentué la faiblesse des services étatiques et la vulnérabilité des
ménages les plus pauvres. Depuis quelques années, le gouvernement a initié des plans
d’investissement dans le milieu agricole soutenu par de nombreux bailleurs internationaux.
C’est dans ce contexte de renforcement du secteur agricole que s’inscrivent les efforts de la
BID pour appuyer la relance agricole avec notamment le programme de transfert de
technologie agricole.

10

II. Le Programme de Transfert de Technologie Agricole


(PTTA)
Le programme PTTA a pour objectif général de contribuer à une amélioration durable des
revenus agricoles et de la sécurité alimentaire de petits agriculteurs dans les départements du
Nord et du Nord-Est. Les fondements théoriques du programme font appel à deux concepts :
« la trappe à pauvreté » et le « big push » (Rostow, 1959).

« La trappe à pauvreté » : les pauvres sont pris dans le cercle vicieux de la pauvreté
(trappe à pauvreté) dont ils ne peuvent pas s’extraire sans aide. En cause, une série de
facteurs : faible capital humain, faible ou absence d'accès au crédit, manque de moyens de
productions, maladies, aléas climatiques. Etant donné que tous les revenus sont injectés dans
les biens de consommations répondant à des besoins primaires, les paysans n'ont pas la
capacité d'épargner ni d'investir dans des moyens productifs et sont donc incapable de se
libérer de cet engrenage.

« Le big push » : le seul moyen de sortir ces paysans de la trappe à pauvreté est de
les soumettre à des impulsions ou "big push" qui consistent à fournir des inputs nécessaires à
lever les contraintes responsables de leur pauvreté. Ce cadre conceptuel prédit qu'une fois
l'impulsion donnée, les bénéficiaires retrouveront le chemin de la croissance durable sans
qu’il y ait besoin d’autres interventions ultérieures.

Dans le cadre du PTTA, ces concepts reposent sur l’idée qu’une subvention ponctuelle visant
la promotion et l’adoption de nouvelles technologies agricoles peut servir d’impulsion (« big
push ») à une augmentation durable des rendements. De cause à effet, l’augmentation de
rendement via un transfert technologique se répercute sur le revenu agricole permettant un
réinvestissement productif, enclenchant ainsi un cercle vertueux de développement (« welfare
trap ») avec en bout de chaîne une sortie de la « trappe à pauvreté ». Le fonctionnement du
PTTA selon ces concepts repose sur 2 hypothèses :

- que les subventions augmentent durablement le revenu dans les saisons suivant l’appui des
subventions

- que l'augmentation de la production, en plus des connaissances apportées et des nouvelles


techniques de production sera suffisante pour assurer un usage continu des nouvelles
pratiques dans les saisons qui suivront la subvention

3. Modalités d’intervention et mécanisme d’action

Des appuis financiers directs aux agriculteurs (incitations) sont octroyés par le biais de
coupons (vouchers) qui permettent d’acquérir auprès de fournisseurs agréés les biens et
services agricoles nécessaires pour l’adoption de paquets techniques. Ces derniers sont
susceptibles d’augmenter la production agricole de certaines filières et le revenu des
producteurs bénéficiaires. Selon les critères d’éligibilité établis par le PTTA (Annexe 1) et
sur la base du volontariat, les bénéficiaires sont sélectionnés puis enregistrés. Ils reçoivent
des coupons qui leur donnent accès à des intrants et à des services agricoles sur les opérations

11

culturales les plus coûteuses (labour, désherbage) qu’ils échangent auprès de fournisseurs de
biens et services référencés. Les subventions sont fixées sur la valeur monétaire des intrants
et travaux nécessaires pour inciter le producteur à adopter un nouveau paquet technique.
Elles sont guidées par les principes de base suivants :

- Aucune subvention n’est accordée à 100% (cf composition du paquet technique)


- Le niveau de subvention est le même pour tous les agriculteurs ;
- Elle n’est accordée qu’une seule fois au même agriculteur pendant toute la durée du projet.

La BID finance le programme qui est coordonné par le Ministère de l’Agriculture et des
Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR). Sur le terrain, des opérateurs
de services (OPS) sont chargés de sa mise en œuvre ; 4 ONG se répartissent entre les
différentes zones :
- CA 17 à Fort-Liberté (Nord-Est)
- AAI et CECI (Nord)
- AFSI (Nord)
Ce sont des bureaux de consultants et de techniciens chargés de référencer les producteurs et
les fournisseurs éligibles au PTTA ainsi que de distribuer les coupons. Au sein du
département du Nord, il y a deux zones principales : Milot (où se déroulera ce diagnostic)
constitué essentiellement d’agroforêts diversifiées et Saint-Raphaël, plaine maraichère et
rizicole, objet d’une autre étude conduite en parallèle par Manon Ruffy en 2015.

4. Le PTTA à Milot

Figure 1 : Carte d’Haïti avec localisation de la zone d’étude / source : atlas

Milot (figure 1) est une zone à dominance de systèmes agroforestiers composé de cacaoyers,
arbres à pain, ignames, taros, agrumes, manguiers, bananier, et bois d’œuvre (Alex Bellande).
L’appui du PTTA se concentre sur le cacao avec des aides concernant les cultures associées.

12

On distingue deux niveaux dans les aides :

- les subventions à proprement parler qui permettent à l’agriculteur d’obtenir des biens et
services ;

- le paquet technique qui correspond aux recommandations techniques devant s’appliquer.

Depuis le lancement opérationnel en janvier 2014, le PTTA totalise trois campagnes. La


première et la deuxième campagne ont été achevées respectivement fin 2014 et début 2015,
quant à la troisième, elle était encore en cours en août 2015. Le contenu des subventions n’a
pas cessé d’évoluer depuis le lancement du projet tant au niveau des paquets proposés, qu’au
niveau de leur contenu et des montants correspondants aux intrants/services. Ces évolutions
soulignent à la fois la marge d’amélioration dans le temps, mais aussi la dimension itérative
de la conception des paquets face aux contraintes rencontrées sur le terrain.

5. Genèse et composition des paquets


En amont de la première campagne, une réunion participative entre les cadres du projet et
certains agriculteurs a été réalisée pour concevoir les paquets et les références technico-
économiques associées. Les paquets se divisent en plusieurs composantes : les intrants qui
comprennent le matériel végétal et le fumier, les opérations techniques allant de la
préparation du sol à la plantation en passant par l’assistance technique portée par un
technicien aux paysans (elle se résume à un piquetage pour respecter les distances de
plantations). Cependant tous les coûts correspondants aux paquets techniques ne sont pas
tous subventionnés par le PTTA puisqu’une partie est à la charge du paysan. Les paquets sont
calculés pour une surface d’un carreau (tableau 1), les subventions sont ensuite
dimensionnées au prorata de la surface éligible.

Deux paquets ont été proposés lors de la première campagne en 2014 : le paquet nouvelle
plantation et le paquet régénération. Ils sont tous les deux inspirés des systèmes de cultures
existants dans la zone qui sont des systèmes agroforestiers multi-étagés diversifiés associant
plusieurs peuplements : arbres de couverture, arbres fruitiers et bois d’œuvre, cacaoyers,
bananiers et ignames. Le paquet nouvelle plantation (tableau 1) est prévu pour être implanté
sur des terrains pas ou peu boisés pour effectuer une transition vers des systèmes
agroforestiers diversifiés à base de cacaoyers-bananiers-ignames (figure 2).

Figure 2 : schéma d’un système agroforestier promu par le paquet nouvelle plantation

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Tableau 1 : Le paquet théorique « nouvelle plantation », 1ère campagne (janvier 2014)

Prise en
Type Prise en
Qua charge
d’opérations/Intrant Opération/Intrant Unité charge
ntité agriculteur
(par carreau) PTTA (htg)
(htg)
défrichage 1 - 12 000
dessouchage 1 - 15 000
Préparation sol
labour 1 - 12 000
rampe - - 10 000
plantule cacao 806 plants 20 150
drageons bananiers 806 drageons 16 120
Matériel végétal
plant d’igname miniset 387 plants 7 740
arbres couv./fruitiers 129 plants 3 225
voyage en
transport plantules 62 15 500
âne
cacaoyers 806 trous 4 030
Plantation bananiers 806 trous 4 030
ignames 129 buttes 1 935
arbre couv/fruitiers 129 trous 645
mise en terre 36 h-j 7 200
fumier organique 64,5 sac 22 575
Fertilisation
application fumure 5 h-j 1 000
TOTAL 58 405 94 745

Le paquet régénération ou paquet de regarnissage (tableau 2) a été pensé dans le but de


regarnir un espace déboisé au sein d’un système agroforestier déjà existant. L’hypothèse qui
a été faite durant l’élaboration du paquet veut que sur une surface d’un carreau, la surface à
regarnir soit d’un quart de carreau. On considère que ce quart de surface à regarnir est dû à
une trouée (mortalité, tempête, coupe).

Tableau 2 : Composition du paquet théorique « régénération », 1ère campagne (janvier


2014)

Type
Coût Coût PTTA
d’opérations/Intrant Opération/Intrant Quantité Unité
Agri (htg) (htg)
(par carreau)
taille arbre couverture 4 h-j 2000
Taille taille cacaoyers 5 h-j 2500
nettoyage 10 h-j 2500
plantule cacao 202 plants 5050
drageons bananiers 202 drageons 4040
Matériel végétal
plant d’igname mini-set 97 plants 1940
arbres couv.e/fruitiers 33 plants 825
tr. cacaoyers 202 trous 1010
tr. bananiers 806 trous 1010
Trouaison/
tr. ignames 32 buttes 480
Plantation
tr. arbre couv.e/fruitiers 33 trous 165
mise en terre 9 h-j 1 800
fumier organique 16,125 sac 5 643,75
Fertilisation
application fumure 5 h-j 1 000
TOTAL 3 985,00 31 448,75

14

La différence entre les deux paquets réside dans la quantité de matériel végétal distribuée,
ainsi que sur la subvention sur la préparation du sol. Pour le paquet NP qui est censé
s’implanter sur une parcelle pas ou peu boisé, une préparation du sol lourde est prévue :
défrichage, dessouchage, labour, tandis que le paquet R ne comporte qu’une préparation de
sol légère ainsi qu’une taille sanitaire pour les arbres déjà présents. De plus la quantité de
plantules est quatre fois plus élevée pour le paquet NP que pour le paquet R, toute
proportion entre espèce égale par ailleurs. La composition variétale des paquets, que ce soit
pour le paquet NP ou le paquet R est une variable qui dépend plus de l’offre particulière des
fournisseurs que d’une stratégie réfléchie. C’est pour la banane que la question de la variété
aura le plus d’impact sur le système puisqu’on distingue les variétés de plein soleil et celles
d’ombrage qui n’ont pas les mêmes développements, ni les mêmes productivités selon
l’environnement dans lequel elles sont situées. En revanche, pour les cacaoyers, la diversité
variétale des plantules distribuées n’impacte pas la conduite technique du système.

Dans les faits, les deux paquets n’ont pas touché le public cible de la même manière (tableau
3). Le paquet nouvelle plantation, du fait de son nombre plus important de plantules et des
frais de préparation du sol hautement subventionnés, a été beaucoup plus plébiscité que le
paquet régénération, et ce indifféremment des systèmes de cultures dans lesquelles il
s’insérait.

Tableau 3 : Nombre de bénéficiaires touchés par paquet, 1ère campagne, janvier 2014

Paquet Nouvelle plantation Régénération

Nombre de bénéficiaire 735 49

15

PARTIE 2 : PROBLEMATIQUE ET
METHODOLOGIE
I. Problématique et objectif de l’étude
Ce stage consiste en l’analyse systémique des impacts agronomiques et économiques du
projet PTTA sur les systèmes de cultures et de production de la zone de Milot. La
problématique retenue est la suivante :

Pour qui, et à quelles conditions les paquets TK promus via une subvention annuelle du
PTTA peuvent-ils améliorer durablement les revenus agricoles des bénéficiaires ?

II. Hypothèses :
• H1 : Le programme PTTA répond à une demande de matériel végétal de la part des
agriculteurs :
- en cacao pour agriculteurs ayant des parcelles agroforestières peu denses dans les
mornes
- en bananiers pour tous les agriculteurs (culture phare) en plaine et en morne
- en ignames pour tous les agriculteurs ayant des parcelles agroforestières

• H2 : Les EA sont diverses en fonction des milieux qu’elles exploitent et de leurs moyens et
stratégies de production. Le paquet technique n’est pas adapté à la diversité des situations.
L’efficacité des subventions du PTTA varie en fonction de ces situations.

• H3 : Le PTTA est un soutien financier ponctuel aux bénéficiaires. Il permet une rentrée de
trésorerie qui limite le surendettement et la décapitalisation pour les ménages en situation de
vulnérabilité (peu de capitaux, SAU faible, aléas climatiques etc.) ; une augmentation du
revenu agricole ponctuelle qui peut être réinvestie dans l’agriculture ou pas pour les autres
ménages.

16

III. Démarche et outils mis en place

Ayant fait l’hypothèse que les paquets techniques universels portés par le projet n’ont pas les
mêmes impacts selon les différents milieux et qu’ils ne touchent pas de la même manière
toutes les personnes cibles, il convient de se doter d’un outil méthodologique qui puisse nous
éclairer sur la nature des différents types d’agriculteurs et sur la diversité des milieux de la
zone. Non seulement il importe de comprendre ces diversités, mais aussi de comprendre les
dynamiques qui les ont amenées à la situation actuelle, de comprendre quels facteurs ont été
déterminants dans la différenciation des systèmes présents. C’est seulement en ayant une
compréhension plus fine du fonctionnement agricole de la zone que l’on pourra comprendre
plus avant l’insertion du paquet PTTA et son impact sur l’agriculture Milotienne, et ce à
plusieurs échelles d’analyse: parcelle, exploitation agricole, petite région agricole. A cette
fin, l’approche systémique apparaît comme la réponse la plus appropriée. Elle vise l’analyse
des relations, la mise en évidence des niveaux d’organisation des systèmes de productions.
Afin de clarifier ces notions, il convient de s’arrêter sur les différents concepts qui seront
mobilisés :

- l’analyse des systèmes de productions (SP) consiste à comprendre les pratiques des
agriculteurs compte tenu des moyens dont ils disposent, les logiques qui les président et à
évaluer leur résultats (performances techniques et résultats économiques). Un système de
production « est mis en œuvre par des exploitations qui possèdent la même gamme de
ressources (même gamme de superficie, même niveau d’équipement, même taille de l’équipe
de travail), placées dans des conditions socio-économiques comparables (entre autres même
mode d’accès à la terre, au travail, à l ‘équipement) et qui pratiquent une combinaison
comparable de productions » (Cochet & Devienne, 2004).

-l’analyse des systèmes de culture et d’élevage se fait à une échelle inférieure c’est à dire au
niveau de la parcelle. En effet, le système de production peut être considéré comme une
combinaison organisée de différents systèmes de culture et de différents systèmes d’élevage.
L’objectif ici, est de rentrer finement dans les pratiques des agriculteurs en regards des
conditions biopédoclimatiques, socio-économiques ou des contraintes physiques. Un système
de culture (SC) est défini comme « l'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur
des parcelles cultivées de manière identique. Chaque système se définit par : la nature des
cultures et leur ordre de succession, et par les itinéraires techniques appliqués à ces
différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés » (Sébillotte, 1990). L'itinéraire
technique ayant été lui-même défini comme « combinaison logique et ordonnée de
techniques qui permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée. »
(Sebillotte, 1974). A la même échelle d’analyse, le système d’élevage (SE) est défini comme
« un ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de
valoriser des ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour en obtenir des
productions variées (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure...) ou pour répondre à
d’autres objectifs. » (Landais, 1992). Les « explications des choix et pratiques des
agriculteurs ne sont pas à rechercher au niveau du seul fonctionnement du système d’élevage
ou de culture » (Cochet & Devienne, 2004), mais nécessite de faire un zoom arrière au
niveau système de production pour comprendre les logiques à l’œuvre.

-l’analyse des systèmes d’activité (SA), « qui permet de resituer l’exploitation agricole
comme un maillon d’une combinaison d’activités, de ressources et d’acteurs, représentée par
le système d’activité, échelle à laquelle s’établit et s’interprète le domaine de cohérence de la
rationalité de l’agriculteur » (Paul et al., 1994). Cela permet d’avoir une vision plus globale
sur les différentes stratégies économiques des ménages à partir de la combinaison de
plusieurs activités.

17

Une fois les outils méthodologiques définis pour la compréhension globale du système, il
convient d’analyser l’impact du PTTA sur les agriculteurs cibles de la zone d’action. Nous
avons vu que la stratification des niveaux d’analyse est à la base de l’approche. Ces
nombreux changements d’échelles nous incitent donc à évaluer le projet à plusieurs niveaux.
L’échelle d’action du PTTA correspond à la parcelle puisque la subvention est valable pour
une parcelle donnée et dimensionnée selon la taille de celle-ci. Il est donc naturel de
commencer l’évaluation de ses impacts à l’échelle du système de culture. La pertinence du
paquet, son utilisation réelle, ses impacts sur les performances technico-économiques sont
des axes qui guident l’analyse. Certaines subventions dépasse le cadre du système de culture
strict ce qui nécessite d’élargir au niveau des systèmes de productions pour comprendre
l’utilisation de celle-ci. Enfin pour avoir une vision globale, il faut considérer l’impact du
PTTA sur la région agricole de Milot notamment sur le plan du marché et des débouchés. Ces
grandes lignes d’analyse se construiront au fil des différentes étapes de la méthodologie.

Avant de décrire les différentes étapes, il faut souligner le caractère itératif d’une telle
démarche. En effet, la conception d’un dispositif de recherche a priori risque de masquer une
partie des spécificités du terrain, non décelables avant la collecte des données. Pour cela,
même si les étapes paraissent bien définies et ordonnées les unes par rapport aux autres, elles
sont beaucoup moins fixes qu’elles n’y paraissent autorisant un aller-retour incessant entre
elles, les unes éclairant les autres au fur et à mesure de l’étude, brisant l’idée d’un ordre
chronologique établi.

L’étape préliminaire a consisté à faire une révision bibliographique des données existantes
sur le terrain pour commencer à construire des hypothèses sur les diversités (agroécologique,
des trajectoires historiques, typologique) de la zone et les facteurs de différenciation.

Zonage agroécologique, bibliographie et contexte agricole.



L’hétérogénéité agroécologique de la zone de Milot (entre plaine, piedmont et morne) a
justifié la nécessité de faire un zonage afin d’identifier et de caractériser les différentes unités
du milieu, de décrire les différents modes d’exploitation de ces unités et de comprendre
l’organisation spatiale de l’espace exploité. Une observation du paysage à partir des points
hauts dans les mornes, des parcours le long de transects mornes-plaines pour croiser une
diversité maximum de milieu et un repérage à partir de carte satellite ont été réalisés. Cette
phase a été cruciale pour se familiariser avec le milieu paysan haïtien et avec les cultures
rencontrées. A partir de cette phase, un modèle explicatif de la diversité des conditions du
milieu a pu être réalisé ainsi que des transects pour illustrer la diversité des unités
agroécologiques. En parallèle, des réunions auprès des opérateurs du projet ont été organisées
pour comprendre les paquets techniques et le cadre du projet.

Compréhension de la dynamique historique des exploitations agricoles de la zone d’étude



Le croisement entre la diversité agroécologique et les évolutions du système agraire
permettent de comprendre les grands facteurs de différenciation qui peuvent expliquer la
diversité actuelle des systèmes de production. Pour comprendre l’évolution du paysage
agricole, des modes d’exploitations, ainsi que les grandes transformations économiques,
sociales et politiques, les premières enquêtes historiques ont été menées auprès d’une
quinzaine d’agriculteurs agés. Elles ont été complétées d’entretien auprès de personnes
ressources ayant une autre approche de l’histoire : entretien auprès d’une maison
d’exportation historique de denrées commerciales, auprès d’acteurs de coopérative de vente
de cacao et d’un anthropologue. Ces données disparates croisées avec une littérature plus ou
moins abondante ont permis de reconstituer le puzzle de l’évolution agraire de la zone. Une

18

typologie élaborée après l’identification des facteurs de différenciation et confirmée par les
étapes suivantes, a pu être esquissée.

Caractérisation qualitative des systèmes de cultures et des systèmes d’élevage



Pour comprendre la répartition des différents moyens de productions au sein des SP et donc
les stratégies en place, 20 enquêtes qualitatives précises ont été réalisées réparties
équitablement entre les mornes, la zone de piedmont et la plaine. Cette phase a été l’occasion
d’avoir une compréhension qualitative du fonctionnement des systèmes de culture et
d’élevage. Les premiers éléments de compréhension du PTTA nous ont été livrés pendant
cette phase par les paysans.

Caractérisation quantitatives des systèmes de cultures et des systèmes d’élevage puis des
systèmes de production et d’activité en lien avec le PTTA

Face à la complexité des systèmes agroforestiers présents, éléments clefs de la zone, une
phase de caractérisation quantitative pointue de ces systèmes de cultures a été entreprise :
comptage systématique des espèces présentes sur la parcelle, mesure de la circonférence à
hauteur de poitrine, schéma de la surface de couverture des couronnes. Suite à des problèmes
de travail et de coordination avec le binôme haïtien, une partie de ces données n’a pas pu être
traitée. En tout 20 enquêtes sur le fonctionnement technique et économique des systèmes de
culture et d’élevage ont été réalisées. Chaque enquête a concerné un agriculteur pour un
système de culture ou d’élevage. La dimension système de production et d’activité a été prise
en compte lors de 10 enquêtes finales. Une composante PTTA était intégrée à la fin du
questionnaire pour comprendre ses impacts. Face à la grande diversité de systèmes de
production liée au nombre important de combinaisons possibles entre les systèmes d’élevage
et de cultures, un choix a été fait selon l’importance du SP en fonction du PTTA, de l’intérêt
qu’il avait pour la compréhension des dynamique actuelles, des contraintes de temps et
d’accessibilité. Cette phase s’est poursuivie avec 6 enquêtes sur le seuil de survie et le coup
d’opportunité du travail (Annexe 6). La phase de collecte des données s’est terminée sur 7
enquêtes exhaustives sur l’impact du projet PTTA. Compte tenu du temps restant, de la
difficulté de trouver des agriculteurs ayant bénéficié du paquet jardin créole (deux fois moins
nombreux), cette phase s’est focalisée sur le paquet nouvelle plantation. D’autre part, si on
comprend bien l’impact du premier paquet, on comprendra bien l’impact du troisième paquet
(en cours de distribution au moment du stage) qui est calqué sur le premier.

Modélisation des systèmes de productions et des systèmes d’activités et évaluation de


leur performance économique avec et sans PTTA

Cette phase a consisté à faire des modèles des systèmes de productions et d’activités
représentant les différentes classes sociales rencontrées. Ces modèles sont une combinaison
des systèmes de cultures, d’élevage et d’autres activités intra ou extra-agricoles. Ils nous
permettent de comparer leur performance économique les uns par rapport aux autres et par
rapport au cout d’opportunité du travail dans la zone. Une simulation sans et avec paquet
technique a été réalisée pour bien comprendre l’impact technico-économique du projet. Les
calculs sont détaillés en annexe 3.

Limite de l’étude et problèmes rencontrés



Des problèmes de travail et de coordination avec le binôme haïtien ont ralenti et compliqué la
collecte des données. Une division des tâches m’a amené à réaliser des enquêtes avec un
créole appris sur le tard ce qui a pu jouer aussi. Le temps a été un facteur limitant en fin de
stage et a pu entrainer une collecte inégale notamment pour la zone de morne qui jouxte la

19

Citadelle. Il convient de préciser que, en réponse à la présence extrêmement forte des projets
de développement dans la zone depuis 50 ans, les paysans sont de plus en plus nombreux à
demander une rétribution financière en échange d’informations. En cas de non-rétribution, les
données peuvent être de moins bonne qualité.

Zone d’étude retenue

Notre zone d’étude se calque sur la zone d’action du PTTA. Elle correspond donc aux limites
administratives de la ville. Elle a la forme d’un entonnoir dont la partie la plus évasée est
dirigée vers le nord. Elle suit les limites au sud, à l’est et à l’ouest mais a été raccourcie pour
la partie nord. En effet, PTTA soutient les systèmes agroforestiers à base de cacao, banane,
igname, taro, arbre de couverture et n’est pas intervenu dans la plaine plus au nord. D’autre
part le fonctionnement agraire de la zone paraît différent de celui des mornes, c’est à dire
tourné essentiellement sur la culture de la canne et sur l’élevage bovin.

20

PARTIE 3 : RESULTATS
I. Milot, une zone entre plaine et morne

1. La topographie, un élément clef pour comprendre la zone.


Le territoire de Milot (figure 3) est à l’interface entre une grande plaine littorale et un massif
montagneux. Il comprend une partie de montagne (morne) à pente plutôt forte (30 à 45°), une
partie de mornes douces/piedmonts/reliefs collinaires à pente plus faible (5 à 30°) et enfin
une partie de plaine (<5°).

2 km

N

MILOT

Figure 3 : Carte topographique de Milot / source : Google Map

2. Une importante variabilité pluviométrique inter et intra-


annuelle et une baisse tendancielle des précipitations
Le climat du département Nord, situé entre le 18ème et le 19ème degré de latitude nord, 400
kilomètres au sud du tropique du cancer, est largement influencé par sa latitude et sa
proximité avec l’océan atlantique. Le département du Nord est soumis aux alizés, vents du
nord-est qui soufflent de mai à septembre. Ces vents chargés d’eau, après leur parcours sur
l’océan, provoquent des précipitations orographiques. De novembre à mars, les nordés, vents
frais provenant du nord-ouest, apportent les précipitations les plus importantes. Il existe par
ailleurs un gradient de pluviométrie en fonction de l’altitude. Les sommets reçoivent plus de
précipitations que les plaines. L’année se découpe plus ou moins en deux saisons humides,
l’une autour de mai, grande saison des pluies, et l’autre autour d’octobre novembre petite
saison des pluies. Les mois les plus secs correspondent à janvier-février (figure 4).

21

Figure 4 : diagramme pluviométrique, Grande-Rivière-Du-Nord, 1998-20142

180
150
120
mm

90
60
30
0

Figure 5 : Diagramme ombrothermique avec variabilité interannuelle de la


pluviométrie, Grande-Rivière-Du-Nord, 1998-2014

400 2014 200

350 2013 175


2012
Précipitation (mm)

300 150

température °C
250 2011 125

200 100

150 75

100 50

50 25

0 0

Par ailleurs les précipitations varient beaucoup d’une année à l’autre (figure 5). Sur les cinq
dernières années, 2012 et 2015 ont été marquées par des sécheresses importantes. Cette
variabilité pluviométrique interannuelle s’ajoute à une baisse tendancielle des précipitations
(figure 6). Pour avoir un meilleur aperçu de celle-ci il serait intéressant d’avoir un pas de
temps supérieur à 30 ans, plus petite unité de base en science du climat. Pour autant, avec le
réchauffement climatique avéré, l’aléa climatique représente un élément important dans le
système agraire de Milot. Dans son quatrième rapport d’évaluation de 2007, le Groupe
d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) prévoit pour l’arc Antillais,
une hausse des températures, une baisse des précipitations surtout l’été avec une
augmentation des précipitations extrêmes.


2 Les données météorologiques sont issues des pluviomètres de Grande Rivière, commune du nord,
voisine de Milot de 5 kilomètres et présentant le même modelé et altitude donc hypothétiquement les
mêmes tendances malgré des variations micro-locales

22

Figure 6 : baisse tendancielle de la pluviométrie, Grande-Rivière, 1998-2014

2000
1800
1600
Précipitation (mm)

1400
1200
1000
800
600
400
200
0


Pour la suite du rapport, il convient de préciser les saisons de semis. Il y a deux saisons
principales correspondant peu ou prou aux saisons des pluies :
- la grande saison (GS) de janvier à mai
- la petite saison (PS) (surtout septembre-octobre-novembre) correspond aux plus
grandes précipitations et aux températures les plus faibles.

3. Un réseau hydrographique dense mais pas d’irrigation



La vallée de Milot est traversée par une rivière principale (« Trois-Rivières ») qui forme le
réseau primaire lui même alimenté par de nombreux ruisseaux. C’est ce cours d’eau qui a
formé, par apport successif de matériaux colluviaux le sol de bas fond qui domine les
environs de Milot. Coté sud-ouest, la présence du Bonnet-à-l’Évèque, arrête karstique qui
surplombe des mornes de faibles altitudes (Brisement-La Salle), explique l’existence de
nombreuse résurgences. Une partie est prélevée directement à la sortie du karst pour
l’alimentation en eau de Milot, l’autre partie s’écoule à travers de nombreux ruisseaux à
faible débit. Si la présence de nombreuses sources justifie les zones d’habitation, les habitants
ne les utilisent pas pour l’agriculture. Le versant opposé constitué essentiellement de roches
friables noires (métamorphisme issu de basaltes anciens) est visiblement plus propice au
ruissellement. Les ruisseaux sont moins nombreux et pour la plupart temporaires. Le
deuxième bassin versant concerne la rivière Champion qui prend sa source au niveau du karst
(figure 7).

Figure 7 : Bassins versants et limite de la zone étudié / source fond : Google Earth

23

4. Les différentes occupations du sol
Les mornes

Les mornes sont constituées de plusieurs sous-ensembles en fonction de leur position dans la
toposéquence (haut de pente, bas de pente, interfluve, ravine) et l’exposition du versant.

Les « savanes » sont désignées par les agriculteurs comme les agroécosystèmes pas ou très
peu très peu boisés. Ce sont des espaces essentiellement dédiés aux cultures vivrières. Ils se
retrouvent principalement sur les interfluves, les replats sommitaux des reliefs
préférentiellement exposés sud/sud-est. Il y a aussi des savanes sur des versants exposés
nord.
On distingue les savanes sur terre « chaude » des savanes sur terres « fraîches » selon le
vocabulaire employé par les agriculteurs. Elles dépendent principalement des sols sur
lesquels elles se trouvent. Selon la roche, les matériaux en amont, et la pente, les sols varient.
Les savanes à terres chaudes se localisent sur des sols à forte pente, donc à texture sableuse
avec une capacité de rétention en eau
moindre. Les savanes sur terres
« fraîches » se situent sur des pentes
plus faibles avec une proportion
relative d’éléments fins plus
importante. Les matériaux ont un
impact secondaire sur les sols, mais
qui peut expliquer parfois l’utilisation
du sol. Sur certaines roches appelées
localement « ravette », dans des
conditions de déclivité forte, les sols
sont peu épais et laissent place à des
nombreuses zones d’affleurement
(Illustration 1).

Illustration 1: affleurement de
roches sédimentaires basaltiques dans une savane sur « terre chaude »

Les interfluves orientés nord-ouest bénéficient d’une fraîcheur et d’une humidité
supérieure aux interfluves des versant sud-est. Les savanes sont limitées aux strictes crêtes
dans les parties les moins pentues. Les espaces boisés sont presque continus dans la partie
basse de la pente. Les sols sont globalement plus épais que dans les versants déboisés,
toujours à texture sableuse mais plus riches en matières organiques. Ils sont exploités avec
des systèmes agroforestiers et des cultures vivrières. Les replats, zones d’accumulations selon
certaines conditions de sols (sols rouges très argileux) permettent de cultiver des plantes plus
exigeantes en eau comme la canne, le maïs et même des cultures maraîchères. En bas de
pente, quand la déclivité diminue, c’est un sol de colluvions sombre, profond, riche en argile,
des SAF cacaoyers/caféiers plus denses qu’en milieu de pente sont établis.

Les ravines se forment sur les versants par érosion hydrique indépendamment de
l’exposition, c’est une zone de concentration des particules fines, alluvionnaires et
colluvionnaires. Les sols y sont riches, relativement plus argileux que sur les autres parties et
présentant une bonne rétention d’eau. Les paysans parlent de « tè gwa » comme retenant plus
la fraîcheur.

Dans ces ravines plus ou moins larges sont développés des systèmes agroforestiers multi-
étagés composés de:
-la strate arborée : saman, pois-doux, arbre à pain, arbre véritable, manguier, agrumes

24

-la strate arbustive supérieure : cacaoyers, bananiers (pour les variétés les plus
grandes)
-la strate arbustive inférieure : caféiers, bananiers
-la strate basse : taros, ignames

Les zones de piedmont et de morne de faible altitude (>300m)

Elles sont caractérisées par leur faible pente. Ce sont d’anciennes zones d’habitations qui se
sont dépeuplées avec la concentration de l’habitat sur la ville de Milot. De même que les
mornes, cette zone de piedmont comporte des savanes à « terres chaudes » en forte pente sur
les versants exposés sud, des savanes plus fraîches sur les versants exposés nord et des
ravines qui sont plus larges. Il y a une large palette de systèmes agroforestiers, certains à
dominante café/cacao , d’autres clairsemés dominés par les cultures vivrières (banane, maïs,
pois congo, pois génois, gombo, manioc). La présence du Bonnet-à-l’Évèque, arête karstique
dominant ces mornes, en contrehaut, explique les éboulis, les colluvions et tous les matériaux
calcaires que l’on retrouve dans la zone. Ces zones comportent des sols, toutes choses égales
par ailleurs, plus riches en argile que les autres sols de la région. Du fait de la pédoséquence,
les particules les plus fines se retrouvent dans les dépressions et les plus grossières en haut
de pente.

La plaine et les bas fonds (>100m)

Les zones de plaines riches en particules fines mais pauvres en matières organiques sont
composées de systèmes vivriers diversifiés, de systèmes bananiers et de systèmes de canne.
Les bas-fonds boisés de faible pente (>5°) se localisent essentiellement dans la vallée de
Milot. Les sols alluvionnaires profonds possèdent une texture argilo-limoneuse composée de
plusieurs couches de colluvions et graviers. Bénéficiant d’un microclimat plus frais lié à la
vallée, ils sont recouverts de systèmes agroforestiers plus denses en cacao que ceux du reste
de la zone. Les arbres de couverture y sont relativement plus grands que sur les pentes et
leurs couronnes créent un fort ombrage.

5. Une grande diversité de zones agroécologiques


Figure 8 : Carte des différentes zones agroécologiques / source fond : Google earth

25

• Le Massif du Nord présente des versants à forte pente, orienté nord-ouest. Ils sont moins
bien exposés au soleil, et plus humides en saison des pluies que le reste de la zone. Ils
constituent la première barrière sur laquelle se décharge les nuages pluvieux de par son
orientation et son altitude. Les mornes en contrebas du Bonnet (Brisement, Pennifort)
essentiellement plantés en agroforêts denses et bénéficiant d’un microclimat plus frais sont
regroupés avec le Massif du Nord. Les sols sont avant tout déterminés par la topographie Les
sols de versants sont des sableux appelés « tè sable » sont comme leur nom l’indique à
texture sableuse. Ils ont un taux de matière organique variable selon l’occupation des sols.
Dans des milieux historiquement boisés, ils sont plutôt bruns avec des capacité physiques
plus intéressantes que les mêmes terres sableuses de terre dégagée. Les sols de ravines,
d’accumulation en particule fines sont des sols appelés « tè gwa » sont les sols les plus
argileux. Ils sont réputés comme gardant la fraîcheur. Les systèmes de cultures dominants
sont des systèmes agroforestiers complexes multistrates avec des compositions variées
d’espèces selon la place sur les versants. Plus les pentes sont faibles, plus les sols profonds,
plus la compostions en cacaoyers risque d’être forte. Les caféiers sont présents dans tous les
systèmes agroforestiers, ainsi que la banane et l’igname. Les terres non boisées sur les
interfluves, replats, crêtes sont des systèmes vivriers diversifiés présentant un haut degré
d’associativité (mais, pois nègre, pois congo, banane, taro, gros pois).

• Une vallée alluviale encaissée, entourée par les premiers contreforts du massif du Nord au
sud/sud-est, par les mornes Brisement/La Salle à l’ouest et surplombé par le massif karstique
du Bonnet-à-l’Evêque au sud-ouest. La vallée de Milot est une zone urbaine avant tout,
remplacée progressivement par des agroforêts denses à dominante cacaoyère/caféières à
mesure que la vallée s’évase. Cette vallée étroite est légèrement plus humide et fraîche que
les vallées plus ouvertes. Les sols noirs qui s’y développent sont appelés « té nwa », ce sont
des sols bruns-noirs argileux et riches en matières organiques. Ces sols sont considérés
comme les plus fertiles, de par leur texture grumeleuse, leur capacité de rétention d’eau et
richesse en nutriments. Ils sont plutôt épais. Ce sont surtout des sols sous couvert arboré
qu’on retrouvera dans les bas-fonds sous les systèmes agroforestiers denses. Ces systèmes
dominent la haute vallée de Milot. Caractérisés par une forte densité en cacaoyers, ils sont
aussi composés d’ignames, de bananiers et de caféier restant.

• Une plaine littorale (plaine de


Berart/Logadière) qui sépare le Massif du Nord
de l’océan Atlantique à des altitudes allant de 90
m à 75 m. Possédant des sols alluvionnaires
riches (illustration2), elle est traversée par de
petits cours d’eau sur la longueur de notre zone
d’étude. Les sols sont argileux et profonds, ce
sont des « tè gwa ». La plaine est composée de
systèmes vivriers diversifié en association avec
ou sans banane, de systèmes de canne, ainsi que
de systèmes de pure banane (illustration 3).

Illustration 2 : sol alluvionnaire de plaine

26

Illustration 3 : paysage de plaine

• Le Bonnêt-à-l’Évèque, avancée karstique qui domine la vallée et qui préfigure le piton


rocheux sur lequel est bâtie la Citadelle La Ferrière. Culminant à 700-800 m, il forme une
plateforme calcaire très accidentée au sol superficiel envahie de végétation spontanée
arbustive (localement appelé « rak ») (illustration 4). Il est flanqué tout autour de zones
d’éboulis, d’amas et de blocs rocheux qui constituent un chaos calcaire. Peu cultivé à cause
de la présence importante de roches et parce que éloigné de Milot, il est composé de terre
rouge très argileuse issue de l’altération des calcaires durs (illustration 5).

Illustration 4 : roche calcaire près du bonnet-à-l’évèque

27

Illustration 5 : sol rouge argileux près du bonnet à l’évèque

• Une zone de transition entre piedmont et morne, de moyenne altitude (100-400),


le plateau de La salle constitue un milieu intermédiaire. Dans les parties les plus basses et à
la déclivité la plus faible, c’est une zone à dominante vivrière peut dense en arbres. Au
contraire quand on remonte vers le Bonnêt-à-l’Évèque, la densité de couverture végétale
augmente. De faible altitude et faible pente ce milieu est relativement habité. Les sols sont de
nature plutôt argileux en lien avec la présence de roche calcaire. La topographie influence
beaucoup les sols, sableux sur les versants des collines, argileux humides dans les bas-fond.
On retrouve des systèmes agroforestiers complexes dans les bas-fonds, sur les versants
exposés nord. Des systèmes vivriers diversifiés de morne et des systèmes vivriers secs à base
de manioc sont présents sur les replats pour le premier, sur les pentes pour le deuxième
(Figures 9 et 10).


Figure 9 : localisation du Transect


Le transect (figure 10) réalisé met en évidence la diversité des systèmes de cultures sur une
toposéquence allant du plateau de la Salle à la plaine en passant par le bas-fond

28

300 m

70 m

Zone Plaine Logadière / Plaine


agroécolo- Plateau de la Salle / Zone de transition morne/piedmont Vallée de Milot / Bas-fond alluviale

Pente 20°-40° 0°-5° 0°-15° 10°-40° 0°-5° 5°-15° 0°-5° 0°-5°

limon+ limon+
Type de sol sableux sec argile limon + sable + limon + sable argile limon + sable limon+argile+ MO limon + argile
+ MO MO + MO + MO + MO
système vivirer SAF système vivrier SAF système système agroforestier de bas-fond systèmesystème système
Systèmes sur «terre basfond diversifié de système bas-fond diversifié de Cacao-café-banane figue-igname canne banane vivrier
de cultures chaude» morne banane morne sigin-agrumes-arbres de couver- diversi-

Boisement + ++++ ++ ++ ++++ ++ ++++ +

Figure 10 : Transect La Salle-logadière

29

I. Entre plaine et mornes : deux dynamiques agraires


marquées par un accès inégal au foncier, facteur de
capitalisation

1. Après l’occupation américaine (1934-1957) : une exploitation


capitaliste dans la plaine et une différenciation sociale déjà
marquée dans les mornes

Après l’occupation américaine (1915-1934), les structures agraires héritées de la période
coloniale sont encore présentes et expliquent la différenciation sociale forte entre les
exploitations. A Milot, 4 sous-systèmes agraires ayant leur fonctionnement et leur dynamique
d’évolution propre coexistent au lendemain de l’occupation américaine, les liens entre eux ne
se résumant presque exclusivement à des flux de main-œuvre et de produits les jours de
marché. Avec l’amélioration des infrastructures et les migrations, les frontières entre ceux-ci
s’atténueront progressivement. Sont identifiés (figure 11) :
- la plaine caractérisée par une concentration foncière très importante
- la zone de transition entre plaine et morne (plateau de la Salle) marquée aussi par la
présence de grandes exploitations historiques et de petites exploitations
- la zone de bas-fonds occupée de grands propriétaires habitant en ville
- les mornes pentues du massif du nord allant de Milot jusqu’à la citadelle

D’un côté, la plaine est composée de grandes exploitations (~30 cx) de propriétaires du Cap
et de concessions sur des terres publiques accordées à des sociétés capitalistes américaines
comme la SHADA (Société Haïtienne-Américaine pour le Développement Agricole) la Pine-
Apple and Co, ou la Haitian Argricultural Corporation. Elles se lancent dans la monoculture
de produits d’exportation selon les incitations économiques du moment (sisal, banane, coton,
canne). Pour la plupart extérieures à notre zone d’étude, elles ont eu un impact sur les zones
limitrophes en tant que pourvoyeuses d’emplois. Dans le nord, la culture du sisal
s’accompagne de dépossessions, beaucoup de terres fertiles sont ainsi soustraites à la
production vivrière pour être plantées en sisal qui est relativement peu exigeante en main
d’œuvre. Certains se convertissent en salariés, d’autres préfèrent émigrer à Cuba ou en
République Dominicaine dans le secteur sucrier. C’est dans ce même contexte qu’on date la
fin des plantations sucrières déjà sur le déclin et qui subissent de plein fouet la concurrence
Cubaine et Dominicaine où main-d’œuvre et capitaux sont réunis (Paysans, Systèmes et
Crises I). Les grands propriétaires historiques de plaine cèdent une partie de leur parcelle en
fermage dans cette période de déclin de la filière sucrière.

Dans les mornes limitrophes de la plaine (piedmont) et sur le plateau de La salle, se


retrouvent des grands propriétaires historiques (~10-20 cx) souvent héritiers d’une famille de
militaires à qui le pouvoir a distribué des terres en remerciement de leurs services pendant la
période postcoloniale. Ils sont peu nombreux dans la zone car sur une surface réduite à
l’interface entre les mornes qui, un siècle plus tôt, étaient occupés par les marrons et leurs
descendants, et la plaine occupée par les grandes plantations de canne à sucre. Ils ont accès à
tous les étages écologiques : bas-fond, versant, savane et sont spécialisés sur le café. Ils sont
propriétaires d’un grand troupeau (bovins, caprins, ovins) en élevage libre dans les mornes et
cèdent une partie en gardiennage auprès des métayers/petits propriétaires. Ils font
régulièrement appel à de la main d’œuvre journalière pour l’entretien des parcelles
agroforestières et cèdent les « terres chaudes » de savane denses en anacardiers à des

30

métayers qui peuvent implanter des systèmes vivriers. Depuis 1950, Haïti semble avoir subi
une baisse de la pluviométrie (source : enquêtes). Les niveaux pluviométriques d’alors
permettaient d’avoir une plus grande diversité de culture (arachide, maïs, pois nègre, pois
congo, patate douce, manioc amer) dans ces espaces aujourd’hui secs.

Toujours sur le plateau et en piedmont, à côté de ces grands propriétaires, coexistent les petits
propriétaires/métayers. Ils habitent à même la zone sur les replats dans les mornes et
pratiquent l’élevage bovin, porcin et caprin. Les bovins sont mis à pâturer sur les jachères des
systèmes vivriers, les porcs indigènes (cochons créoles) sont attachés dans les ravines ou le
jardin lakou et les caprins attachés aux piquets sur les bords de chemins. Les paysans
disposant de peu de terres, (souvent les jeunes) sont métayers chez les grands propriétaires et
gardent les bœufs de ces propriétaires sur ces mêmes espaces. Il y a, à l’époque, peu de
perspective d’agrandissement, car peu de mouvement de population et peu d’opportunités en
dehors de l’agriculture dans des métiers sans qualification. Les plus précaires parce qu’ils
n’ont pas d’autre choix vendent leur force de travail auprès des grandes entreprises
américaines, des grands propriétaires de plaine. En effet, les salaires des entreprises
capitalistes sont relativement bas et peu intéressants comparés à la productivité du travail
dans les parcelles agroforestières et vivrières. Ces travailleurs journaliers constituent le seul
lien entre les mornes et la plaine.

Les bas-fonds de la vallée de Milot à proximité du bourg sont occupés par des systèmes
agroforestiers complexes (café, cacao, agrumes, bananes, ignames) détenus par des grands
propriétaires (~3-8 cx). Ce sont des exploitants qui habitent dans ou à proximité du bourg,
sans doute descendants des commerçant, artisans et professions secondaires liés au
développement du bourg. Ils possèdent généralement la majorité de leurs terres dans ces
espaces et le reste dans les mornes pour assurer une production alimentaire avec des systèmes
vivriers. La partie de bas-fond la plus éloignée du bourg est occupée par des petits
propriétaires ayant une ou deux petites parcelles dans ce milieu favorable et qui vivent dans
des villages en périphérie du bourg.

Les mornes du massif du nord composé de versants pentus sont divisés en petites parcelles
vivrières et en systèmes agroforestiers caféiers détenus par des petits propriétaires. Ces
paysans habitent à proximité immédiate de Milot ou sur les hauteurs près de la citadelle.
Cette classe est assez homogène (1-3 cx). L’élevage bovin est moins développé que sur dans
la zone de transition, mais l’élevage équin le remplace pour les transports dans les mornes et
parce qu’il représente une source de revenu supplémentaire quand les chevaux sont loués
pour les touristes.

Une capitalisation avec les revenus du café pour tous, mais à des rythmes différents

La période 1915 à 1957 (âge d’or du café haïtien) est une période très favorable pour la
culture du café ; les prix sont hauts et les débouchés assurés par les maisons
d’exportation. En 1920 ouvre la maison Novella, devenue un symbole du commerce
d’exportation (café, cacao, noix de cajou, ricin) dans le Nord. En 1930 c’est 800 000 sacs de
café de 60 kg qui sont exportés par la maison Novella (entretien avec le directeur).

Le caféier est présent à cette époque dans tous les systèmes agroforestiers dont il constitue le
peuplement principal excepté dans les bas-fonds où il coexiste avec les peuplements
cacaoyers qui y sont denses. En ce sens, tous les propriétaires des parcelles agroforestières
bénéficient des prix intéressants du café, des grands propriétaires aux petits. Les systèmes
agroforestiers de bas-fond ont des productivités de la terre plus élevées que les systèmes
agroforestiers de versant ce qui s’explique par les peuplements associés plus dense en bas-
fond (agrumes, cacaoyers, bananiers). Les systèmes agroforestiers de versants nécessitent

31

aussi, un temps de trajet et de transport des produits plus importants et l’écoulement de la
production est rendue plus difficile notamment pour les agrumes. Si les capacités de
capitalisation sont supérieures pour les grands propriétaires, c’est moins la productivité du
système que la surface de celui-ci qui l’explique.

Les grands propriétaires de piedmont avec de grandes surfaces en café puis un peu plus
tardivement les grands propriétaires de bas-fond, en ayant pu rapidement capitaliser, ont des
niveaux de revenus suffisants pour envoyer leurs enfants faire des études à Port-au-Prince ou
aux Etats-Unis dans les années 1950-60. Ils payent les frais d’études avec le capital accumulé
mais aussi en vendant des terres.

La zone des mornes du massif du nord est très riche en systèmes agroforestiers. Les petits
propriétaires des mornes possèdent tous des parcelles agroforestières sur les versants et
peuvent capitaliser mais pas au même rythme du fait des surfaces réduites de leurs parcelles.
Ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants au Cap pour faire des études, mais peuvent payer les
frais scolaires et de formation de leurs enfants pour les plus grands.

Les petits propriétaires des mornes habitant sur le plateau de la Salle ont accès à des parcelles
agroforestières caféières mais en moins grande nombre que sur les mornes du massif du nord.
D’autre part une partie du plateau est occupée par des grands propriétaires qui monopolisent
une partie des systèmes agroforestiers les plus favorables. Il est donc plus difficile pour ces
paysans qui partent avec peu de moyen, d’acquérir ce type de parcelle, et cela se fait au prix
d’une longue période de capitalisation à travers la vente de main d’œuvre et le gardiennage.

Figure 11 : évolution système de production agraire avant 1957

32

L’introduction du « petit maïs » adopté à l’unanimité dans les systèmes vivriers

Concernant les systèmes vivriers, ils subissent une modification importante. Entre 1940 et
1970, même si le rapport du prix du café au haricot était supérieur pour le premier produit
(DOKO, 1997), la demande alimentaire n’en est pas moins en pleine croissance.
L’introduction de variétés plus productives avec l’arrivée de compagnies à capital américain
(SHADA) a joué dans la réponse à cette demande. L’introduction du maïs à cycle court de 3
mois («ti maï») par la SHADA constitue une introduction marquante dans les systèmes de
production de l’époque. Avant cette introduction, les paysans cultivaient un maïs à cycle
long de 5 mois (« gro maï ou maï franse »). Le maïs cycle court, variété de plaine comme de
morne permet d’intensifier la production. Elle permet dans des conditions climatiques
optimales de faire un premier cycle et d’offrir un cycle de rattrapage en cas d’aléa climatique.
Cette nouvelle variété peut s’associer plus facilement avec les autres cultures en se
développant rapidement sans concurrencer les espèces associées dans leur cycle de
développement, elle trouve sa place en début de cycle de la canne, de la patate, des
bananeraies et des systèmes vivriers diversifiés. Outre son avantage calendaire, cette variété
est plus productive (4 à 5 épis contre 2 pour le maïs 5 mois). Se conservant moins bien, ce
maïs doit être en partie vendu à l’issu de la récolte. Tous ces éléments expliquent en partie la
régression de la consommation de riz à l’époque au profit de celle du maïs (J.B ROMAIN,
1944). Cette introduction dans les systèmes vivriers a eu d’importants bénéfices en
permettant aux petits propriétaires des mornes d’intensifier leur production sur les surfaces
réduites qu’ils possédaient.

2. Sous les Duvalier (1957-1986) : Continuation des systèmes


latifundiaires dans la plaine, baisse du prix du café touchant
les petits propriétaires des mornes

L’accès au pouvoir de François Duvalier marque le début de la dictature et d’une période


difficile pour la paysannerie des mornes. Le développement économique ne touche que les
villes, peu d’investissements voient le jour pour soutenir la machine productrice. Les paysans
vivent dans un climat d’oppression qui ne leur laisse que très peu de marge de manœuvre.
L’Etat tente de moderniser le pays, de créer les conditions nécessaires au développement
d’industries. L’école devient obligatoire, les routes nationales datent notamment de cette
époque. A Milot, ce désir de modernité se matérialise par l’arrivée, en 1964, de l’ODN
(Organisation de développement du Nord) et en 1968, de CRUDEM (Centre Rural de
Développement Economique de Milot). Sont créés, un centre de pédagogie rural, une école
d’agriculture, un centre d’alphabétisation, un barrage hydroélectrique, un hôpital. Soixante
cinq hectares de terre fertiles de plaines sont concédés par l’Etat à CRUDEM. Cette ferme
« expérimentale » voit tour à tour passer les cultures phares : sisal, canne à sucre pour
approvisionner l’usine Welch (de la compagnie HASCO) et banane plantain. Une partie des
terres est destinée à la production vivrière tirée par une demande importante donc offrant de
bonne perspective de vente. Pour assurer les besoins en main d’œuvre, CRUDEM fait appel
aux paysans sans terres (les plus précaires) : « Avec la ferme de CRUDEM, les paysans ont
été payés à la tache, non seulement pour un salaire de misère, mais une part des perceptions
était en nourriture » (BERNARDIN E, 1993). Ce type d’action est révélateur des projets de
développement de l’époque, tournés vers leur propre intérêt, délégués par l’Etat pour le
remplacer dans sa tâche de modernisation et éloignés des préoccupations paysannes.
Concernant son intégration dans le système agraire, il fait suite au retrait des grandes
compagnies à capital américain en occupant les plaines les plus fertiles en lisière de
piedmont. Des variétés à hauts rendements (maïs « potécollé »), des races bovines (« bœuf

33

pottécollé ») sont introduites mais ne sont pas adoptés par les paysans. Cette période apporte
de nombreux changements.

Une baisse des prix du café qui touche toute les catégories sociales

Cette période marque une baisse de prix des denrées d’exportation provoquée par un
durcissement de la politique fiscale nationale sur les produits d’exportation et par une mise
en place progressive d’une situation de monopole par les proches du pouvoir sur les filières
d’exportation. Les taxes sur les produits d’exportation (café, cacao) atteignent 40% de la
valeur du produit. Dans le même temps, les intermédiaires et les maisons d’exportations
augmentent leur part ne laissant que 35% de la valeur du produit final aux agriculteurs
(Leslie Péan, 2007).

Figure 12 : évolution des prix relatifs pour 4 produits de base

L’augmentation de la population en Haïti, entre 1960 et 1980 est de 52%, on passe de 3,8
millions d’habitants à 5,8 millions (Banque mondiale, 2015). Cette hausse démographique au
Cap, en plaine et dans la vallée a provoqué une hausse de la demande alimentaire (meilleur
accès au marché du cap devenu plus accessible avec la route nouvellement construite). Le
haricot noir ainsi que les autres légumineuses connaissent à cette époque une hausse des prix
importante car ce sont des sources de protéines végétales capables de remplacer la viande
devenue hors de portée suite à la baisse de revenus des petits paysans. Après les années 70, le
prix du haricot devient plus avantageux que celui du café. Le prix de la banane plantain
connaît aussi une hausse de prix importante par rapport au café (figure 12 : café en marron,
banane en vert).

La baisse des revenus liés au café conjuguée à cette augmentation de la demande alimentaire
a des impacts importants sur les systèmes de productions (figure 13).

• Les grands propriétaires absentéistes de plaine voient l’opportunité de valoriser une partie
de leur foncier en plaine par des systèmes vivriers et/ou bananiers. On passe alors de contrat
de fermage à des contrats de métayage. La production versée par les métayers sera vendue
par le gérant à des prix intéressants. Les propriétaires absentéistes de plaine s’enrichissent.

34

• Les grands propriétaires de piedmont et du plateau de la Salle qui s’étaient enrichis avec le
café transforment une partie de leurs systèmes agroforestiers en systèmes bananiers
rémunérateurs. S’ils déboisent une partie de leur système c’est autant du fait de la chute des
prix du café que du fait de l’augmentation des prix de la banane. Ils laissent en dormance la
partie de bas-fond toujours dans une stratégie de diversification (le système s’il n’est pas
performant aujourd’hui pourra l’être demain) et parce que les agrumes plus présents en bas-
fond assurent un supplément de revenu. Ils coupent en priorité les systèmes agroforestiers de
versant pour y implanter ces systèmes vivriers/banane. A leur mort, les héritiers laissent les
surfaces en indivision. Subissant des prélèvements lourds opérés sur les transactions
foncières (arpentage, notariat) à la séparation des biens et à la vente, les propriétaires ne
recourent à une formalisation de leurs titres que lorsqu’ils y sont obligés (Bellande, 2010).

• Même si les grands propriétaires de bas-fond voient les revenus du café baisser, ils ne
transforment pas leurs systèmes pour autant. Le café devient une culture secondaire qui garde
son importance malgré tout. Les agrumes prennent la place du café (le cacao souffre lui aussi
des taxes importantes), ainsi que les ignames et les bananes, toutes deux des cultures
vivrières forestières bénéficiant de la hausse des prix. Dans années 70-80, les grands
propriétaires des bas-fonds envoient leurs enfants faire des études en ville. Pour payer les
études ils vont vendre de la terre. Les plus petits des propriétaires de bas-fond n’ont pas assez
de moyen pour envoyer leur enfants faire des études, ils peuvent racheter par petit morceaux
les terres libérées. Avec les divisions par héritage et leur niveau de finance, ils ne peuvent pas
beaucoup s’agrandir. Quand les anciens fils/filles de propriétaires ont accès aux postes de
notables (avocat, juge paix, médecin, arpenteur) ils deviennent autonomes sur le plan
financier grâce à leur nouvelle source de revenu. Ils n’ont plus intérêt à reprendre les terres
de leurs parents en tant qu’exploitants. Ces terres de bas-fond sont donc cédées en métayage
par l’exploitant retraité ou en gérance à la mort de celui-ci par ses enfants ce qui ouvre de
nouvelles perspectives de travail. Ce sont des terres productives facilement accessibles,
proches de la ville, moins pénibles à travailler. Même si elles ne permettent plus de
capitaliser comme dans la période précédente, elles permettent après la ponction de 40% de
la récolte aux métayers de se maintenir.

• Dans le piedmont/plateau et les mornes, la hausse de la démographie entraine une pression


foncière plus importante. A la mort des propriétaires, les héritages entrainent des division du
foncier. La réduction de la taille des parcelles agroforestières notamment conjuguée à la
baisse des prix du café a pour résultat de faire baisser le revenu des paysans, ainsi que leur
capacité de capitaliser. Les prélèvements sur le capital biologique (charbon, planche)
augmentent pour faire face aux besoins en trésorerie. Dans le même temps l’éclaircissement
des parcelles agroforestières permet de cultiver des vivres, plus avantageuses à l’époque. La
coupe de bois donc la diminution du couvert végétal sur les versants conduit à un
appauvrissement du sol en matières organiques et à terme à une érosion croissante. Sur des
sols à texture sableuse, exposés sud donc relativement plus chauds, cette perte de couvert est
généralement irréversible alimentant le cycle de la dégradation du sol, faisant chuter la
production et poussant à l’exil. Les plus jeunes, quand ils peuvent, deviennent métayers
notamment en plaine qui connaît une période d’intensification avec la production de cultures
vivrières, prennent des bœufs en gardiennage, mais ce n’est pas toujours suffisant. Ils doivent
alors s’exiler en république dominicaine pour vendre leur force de travail, ils ne font
qu’amorcer les plus grandes migrations des années 1990. Ils peuvent espérer revenir avec une
somme leur permettant d’acheter des terres. D’autres, « opportunistes » arrivent à devenir
métayers dans les bas-fonds ce qui est toujours avantageux car dans systèmes productifs. En
développant leur capital social, ils peuvent fidéliser plusieurs propriétaires absentéistes.

35

Figure 13 : Evolution des systèmes de production sous les Duvalier

Métayer/Pe>t Prop
SAU : 0,5-2 cx
Premières décapitalisa>ons à
migra>on économique (Rep dom) SP : système vivrier/SAF caféier
+ boeuf gardien / cabrit
Capitalisa>on : -/+-

les opportunistes deviennent
métayers pour les
propriétaires absenteistes
enfants des + grands partent
étudier ( K accumulé + vente de
terre) et reviennent avec un
mé>er ceux qui n’ont pas assez de
terre viennent métayer en Enfants partent étudier et ne
plaine/bas-fond reviennent pas. un héri>er reste

Propriétaire absenteiste
W : métayer
SAU : 3-5 cx
SP : SAF caféier-cacaoyer
Capitalisa>on : + Prop : Exploitant
W : métayer + journalier
Propriétaire exploitant Popriétaire absenteiste/ proche SAU : 10-15 cx
W : exploitant du pouvoir SP : SAF banane/canne-système
SAU : 0,5-2 cx W : métayer + journalier vivrier-SAF cacaoyer/cafeier +
SP : SAF caféier-cacaoyer SAU : 30 cx boeuf
Capitalisa>on : + SP : canne, banane, coton, vivres Capitalisa>on : +
Capitalisa>on ++

La crise porcine : disparition d’un moyen d’épargne pour les métayers/petits propriétaires
des mornes

La crise de la fièvre porcine en 1976 qui consista en un abattage systématique des cochons
créoles par le gouvernement touche de plein fouet les petits paysans de la zone. Cette date est
pour eux, l’évènement qui marque le début des deux décennies de crises que vivra la
paysannerie et celui des exodes massifs vers la ville. Le porc indigène joua un rôle primordial
dans l’économie des ménages : capable de valoriser tous les déchets et tous les produits non-
consommé des SAF, calant ses cycles de développement sur les périodes de récoltes des
fruits, de petite taille, très robuste et résistant aux maladies et au transport, il était avant tout
un moyen d’épargne mobilisable en cas de besoin d’argent. Avec la disparition du cochon
créole, disparaissent aussi ses produits comme la graisse pour la cuisine. Les paysans doivent
alors acheter leur huile importée qui représente aujourd’hui 10% des dépenses ménagères
pour les plus pauvres. Une tentative de remplacement par un cochon d’élevage intensif a bien
eu lieu mais s’est soldée par un échec car non adapté aux conditions du milieu et aux
situations économiques du ménage. Les propriétaires des bas-fonds ne pratiquant pas
l’élevage porcin n’ont pas été touchés par la crise.

36

Une vague d’exode pour les agriculteurs des mornes

Vers la fin du mandat de Jean-Claude Duvalier, les mouvements migratoires prennent de


l’ampleur. Ces sont les premiers épisodes de descentes des mornes vers la ville devenue plus
facile d’accès. La ville cristallise alors l’espoir de sortir de l’agriculture car elle symbolise
l’accès à l’éducation, aux soins, la possibilité d’avoir d’autres activités. Les frais de santé et
de scolarisation qui accompagnent le développement de l’hôpital de Milot et des écoles de la
ville, seront autant d’éléments qui participeront à la monétarisation croissante de la société.
Ils créeront chez les paysans des mornes de forts besoins en liquidité pour en bénéficier. Les
héritiers des grands propriétaires de la Salle ont déjà quitté l’agriculture, hormis un au moins
qui reste sur les terres familiales. Pour se rapprocher de la ville et pour subvenir aux frais
d’instruction des enfants, ils vendent, en concertation avec les autres héritiers, en priorité les
bêtes, et même parfois une partie du foncier aux agriculteurs de la zone ayant pu
suffisamment capitaliser durant la période précédente (une minorité) et pour qui, les cultures
vivrières représentent une alternative aux systèmes agroforestiers. La croissance
démographique entraine les secteurs de la construction et celui de l’ébénisterie (meuble,
chaise, etc.) qui peuvent être une voie de sortie de l’agriculture pour les travailleurs peu
qualifiés des mornes.

37

3. A la chute des Duvalier (1986 à nos jours) : Réforme agraire
informelle dans la plaine, crise dans la paysannerie des mornes
L’année 1986 est une année de rupture. Après le départ de Jean-Claude Duvalier, s’ouvre
alors une période d’instabilité (14 présidents en 10
ans). C’est avant tout une crise économique. La
libéralisation soutenue par le FMI se traduit par
l’ouverture brutale des marchés locaux à la
concurrence étrangère conduisant ainsi à une baisse
importante des prix agricoles. Le sucre dominicain
envahit le marché et force les unités de
transformations de cannes à l’arrêt comme le cas de la
célèbre usine Welch. Les Etats-Unis et la République
dominicaine se mettent à exporter des produits
alimentaires à bas prix (riz, maïs, pois) conduisant à la
baisse du prix des produits vivriers soumis à cette
concurrence.

Cette période est marquée par le « déchoukaj » en


plaine, par la baisse des prix, l’apparition de maladies
touchant les caféiers puis plus tardivement les
agrumes. Les petits paysans des mornes/piedmont sont
au centre de cette période. Les propriétaires des bas-
fonds sont privilégiés avec leurs systèmes productifs.
Les agrumes ont remplacé le café : chaque année des
camions alimentant toute l’île viennent remplir leur
cargaison d’agrumes. Quand apparaît la maladie, la
hausse des prix du cacao leur permet de maintenir des
bons niveaux de revenus. Les grand propriétaires des
piedmonts ayant accès à tous les étages
agroécologiques ont réparti les risques sur plusieurs
cultures : canne, banane, SAF bas-fond et systèmes
vivrier de mornes. Leurs grandes surfaces permettent
d’avoir des niveaux de revenus suffisants.

Illustration 6 : Extrait de journal

Le déchoukaj : libération de la plaine pour les paysans

A Milot, cette période est symbolisée par les « déchoukaj » (Illustration 6 : extrait de
journal). Ce sont des mouvements d’occupation forcée des terres par la petite paysannerie
conduisant à une redistribution des terres. Deux « déchoukaj » ont eu lieu à Milot, un premier
en 1986 a eu lieu en plaine et le deuxième à proximité du bourg en 1995. Le premier fut le
plus important, accompagné de violences, il visait les symboles de l’exploitation de la petite
paysannerie pendant la dictature duvaliériste et a conduit à une redistribution de terres. Les
anciens métayers des grands propriétaires de plaine et les petits propriétaires des zones
limitrophes ont envahi les grandes exploitations de plaine. Les propriétaires se sont faits
exproprier. Cette petite « réforme agraire » a permis à un grand nombre de paysans des
mornes et du piedmont d’avoir accès à de petites parcelles (1/4 carreaux) en plaine, dans des
terres alluvionnaires et riches en argile.

38

Le deuxième « déchoukaj » se déroula en 1995. Menés par le même leader, les petits
paysans, des mornes cette fois, envahissent une zone appelée « Dignitaires », composée de
systèmes agroforestiers de bas-fond et située en périphérie immédiate du bourg. Les
anciennes parcelles sont divisées en petits terrains, les arbres sont aussitôt abattus, certains
débités sur place pour construire les maisons de fortune, d’autres volés et sciés plus loin. Les
nouveaux occupants s’adonnent à la production de charbon avec le bois restant.

Dans les deux cas, ces terres sont aujourd’hui appelées « terre l’état ». Pourtant, elles ne sont
pas revendiquées par l’Etat et malgré l’insécurité foncière de ces terres, un marché sans titre
foncier existe. Cette absence de sécurité foncière explique en partie la non transformation des
systèmes vivriers de plaine en systèmes agroforestiers de bas-fond. Ces nouvelles parcelles
offrent l’opportunité aux anciens métayers des grands dons vivant dans le piedmont de
s’installer sur le bord des routes en plaine, de même pour les métayers/petits propriétaires des
mornes qui peuvent s’installer dans le village. D’autre part, la redistribution pour ces
nouvelles parcelles de plaine a permis d’augmenter les revenus des nouveaux occupants (en
passant de métayer à occupant, la ponction de 40% de la production par le propriétaire a été
supprimée). Pour ceux qui n’étaient pas métayers donc ceux qui n’avaient pas accès à ces
terres, elle a permis :
- la diversification, en ce sens qu’elle a permis aux familles qui n’en avaient pas d’avoir des
parcelles dans différents milieux agroécologiques
- d’augmenter les revenus (et les liquidités/améliorer la trésorerie) en fournissant les
conditions nécessaires à l’implantation de culture vivrière à forte valeur ajoutée (banane
plantain) et d’assurer une production destinée à l’autoconsommation ou aux marchés
locaux plus importante (pois congo, pois genois, maïs, banane poban). Ces évènements se
sont déroulés sur un temps très court et n’ont pas touché tout le monde de la même façon.
Certaines familles ont pu avoir accès à plusieurs parcelles en les cumulant chez différents
anciens propriétaires ; les anciens métayers des grands propriétaires, les habitants du bourg
ainsi que les habitants des zones limitrophes à la plaine ont été les premiers bénéficiaires. Les
petits propriétaires des bas-fonds n’ayant pas envoyé leur héritier à l’école étaient encore
présents. Ils ont profité de leurs capacités relativement élevées d’investissement (en
comparaison avec les anciens métayers) pour s’agrandir en plaine car ils ne pouvaient plus
s’agrandir en bas –fond. Avec l’augmentation de la population, les prix des terres
périurbaines a explosé. Encore aujourd’hui l’agrandissement en plaine constitue une stratégie
payante avec l’implantation de bananeraie. Les paysans des mornes les plus éloignés n’ont
pas tous eu accès aux nouvelles terres.

La chute des prix du café : une transformation des systèmes agroforestiers de versants
vers des systèmes vivriers de mornes pour les plus vulnérables

Avec l’ouverture de l’économie haïtienne au marché international, la fiscalité est allégée sur
les denrées d’exportation (Péan, 2007). Pourtant la situation ne s’améliore pas pour les
cultivateurs de café. Le Vietnam arrive dans le marché mondial avec de grandes quantités
produites aux débuts des années 90, ce qui provoque une baisse des prix sur le marché
international. Une série de maladies (scolytes, rouille) viendra frapper les peuplements
caféiers pendant les années 1990-2000.
D’autre part, la croissance démographique se poursuit linéairement (de 5,8 millions en 1980 à
plus de 10 millions aujourd’hui). Le morcellement des terres et les prix bas deviennent tels,
que s’accentuent les mouvements de coupe de bois des systèmes caféier à destination de four
à charbon. Certains des systèmes agroforestiers sur les replats ou sur les versant sont
transformés en systèmes vivriers, notamment pour les agriculteurs qui dépendaient fortement
du café. L’émigration en république dominicaine est à son maximum. Face à la
décapitalisation biologique, toutes les terres ne sont pas égales. Les terres exposées nord ont
des meilleurs taux de renouvellement, le déboisement est moins important. Entre les parcelles
en haut de versant et en bas de versant, celle d’en haut sont moins productives, la croissance
des arbres est plus lente.

39

Diminution des peuplements d’agrumes avec l’apparition de la maladie du dragon jaune
et augmentation du prix du cacao

Dans les années 2010, la maladie du dragon jaune, après avoir parcouru le globe pendant un
siècle, contamine la plupart des agrumes (genre citrus) en Haïti qui périclitent. Les paysans
n’ont pas été tous touchés de la même façon. Les environnements les plus riches en agrumes
étaient les bas-fonds et les systèmes vivriers de plaine et de morne. Les propriétaires de bas-
fond ont été amputés d’une partie de leur revenu, mais ceci a été contrebalancé au même
moment par la hausse des prix du cacao. Particulièrement dense en cacao, les SAF de bas-
fond ont profité de cette hausse et sont actuellement les systèmes les plus productifs. Les
petits paysans de mornes qui ne pouvaient plus compter sur le café, ont vu leur revenu chuter
avec la mort des agrumes ; ils ne sont pas concernés par l’augmentation du prix du cacao car
les systèmes auxquels ils ont accès sont peu denses en cacaoyers.

Métayer/Pe=t Prop
SAU : 0,5-2 cx
Les migra=ons augmentent SP : système vivrier plaine et morne/SAF
+ boeuf gardien / cabrit
Capitalisa=on : -/+

Propriétaire absenteiste
W : métayer
SAU : 1-3 cx
SP : SAF cacaoyer- les anciens métayers
Capitalisa=on : ++ deviennent occupants

les moins grands du bas-


fond s’agrandissent en Prop : Exploitant
plaine W : métayer + journalier
Propriétaire exploitant SAU : 5-10 cx
W : exploitant SP : SAF banane/canne-système
SAU : 0,5-2 cx vivrier-SAF cacaoyer
SP : SAF cacaoyer + s vivrier plaine + Capitalisa=on : ++
banane
Capitalisa=on : +

Figure 14 Evolution des systèmes de production à la chute des Duvalier

40

Conclusion

Ce qui marque l’histoire agraire de Milot et surtout des mornes, c’est la continuité des
structures agraires. Malgré le nombre important de perturbations (économiques,
écologiques), les systèmes de productions restent partagés entre systèmes agroforestiers et
systèmes vivriers. La nature des systèmes de culture n’a pas changé, ni les conduites
techniques, ni l’outillage rudimentaire, ni les classes sociales les mettant en œuvre. Selon les
époques, les rapports de force ont été différents, mais par leur résilience, ils peuvent encore
exister aujourd’hui. Les différenciations sociales ont été fortes depuis le début du siècle. Les
systèmes de bas-fond ont toujours été plus productifs et même les baisses des prix ou
l’émergence d’une maladie ne les ont pas menacés. D’ailleurs, les propriétaires absentéistes
depuis l’époque duvaliériste, ne sont plus très dépendants de l’agriculture. Ceux-là, par la
capitalisation, ont pu envoyer leurs enfants en ville, diminuant le nombre d’héritiers donc la
division par héritage de façon à conserver de fait leur structure. Les petits agriculteurs des
mornes/piedmont, ont en comparaison cumulé les difficultés. Bénéficiant dès le départ de
systèmes moins performants donc ayant des capacités de capitalisation amoindries, ils ont
subi de plein fouet les évènements historiques, chutes des prix du café, disparition du cochon
créole, maladie des agrumes. Leur vulnérabilité a été accentuée par la pression
démographique. Le morcellement par héritage successif a été fort, menant à décapitalisation
biologique puis foncière. La baisse du couvert a participé à la dégradation de la terre. Tous
ces éléments mis ensemble expliquent les phénomènes massifs d’émigration qui se sont mis
en place avec la république dominicaine. Aujourd’hui, les jeunes s’installant ne partent avec
rien et sont obligés de vendre leur force de main d’œuvre, devenir métayers, capitaliser dans
l’élevage pour espérer investir dans du foncier (figure 15).

41

1957 1986 :
migra$on économique :
migra$on économique :
Rep Dom
Rep Dom

Métayer/Pe=t Prop Métayer/Pe=t Prop
Métayer/Pe=t Prop
SAU : 0,5-2 cx SAU : 0,5-2 cx
SAU : 0,5-3 cx
SP : système vivrier/SAF caféier SP : système vivrier plaine et morne/SAF
SP : système vivrier/SAF caféier
+ boeuf gardien / cabrit + boeuf gardien / cabrit
+ cochon créole + boeuf gardien / cabrit
Capitalisa=on : -/+- Capitalisa=on : -/+
Capitalisa=on : +/++

Prop : Exploitant Prop : Exploitant Prop : Exploitant


W : métayer + journalier W : métayer + journalier W : métayer + journalier
SAU : 10-20 cx SAU : 10-15 cx SAU : 5-10 cx
SP : SAF caféier-système vivrier-SAF SP : SAF banane/canne-système SP : SAF banane/canne-système
cacaoyer/cafeier + troupeau boeuf vivrier-SAF cacaoyer/cafeier + vivrier-SAF cacaoyer
Capitalisa=on : +++ boeuf Capitalisa=on : ++
Capitalisa=on : +

Propriétaire absenteiste Propriétaire absenteiste


W : métayer W : métayer
SAU : 3-5 cx SAU : 1-3 cx
Prop : Exploitant SP : SAF caféier-cacaoyer SP : SAF cacaoyer-
W : Exploitant Capitalisa=on : + Capitalisa=on : ++
SAU : 3-8 cx
SP : SAF caféier-cacaoyer
Capitalisa=on : +++ Propriétaire exploitant
W : exploitant
SAU : 1-2 cx Propriétaire exploitant
SP : SAF caféier-cacaoyer W : exploitant
Capitalisa=on : + SAU : 0,5-2 cx
SP : SAF cacaoyer + s vivrier plaine +
Popriétaire absenteiste/ banane
Popriétaire absenteiste/ proche du
compagnie américaine Capitalisa=on : +
pouvoir
W : fermier + journalier W : métayer + journalier
SAU : 30 cx SAU : 30 cx
SP : canne, banane, coton SP : canne, banane, coton, vivres
Capitalisa=on ++ Capitalisa=on ++
sor$e de agriculture

Figure 15 évolution des trajectoires d’exploitation



4. L’accès au foncier et au capital biologique que représentent les


agroforêts, principal facteur de différenciation des
exploitations agricoles

Le principal facteur de différenciation des EA et SP qu’elles mettent en œuvre est le capital
foncier en terme de surface, statut, localisation et plantations. Les terres les plus prisées sont
les zones d’accumulation, bas fonds, plateaux car favorables aux agro-forêts, source de
capitalisations historiques. A cela s’ajoutent aujourd’hui les possibles conversions en terre
constructible le long de la route et près du centre urbain. La répartition des parcelles dans les
écosystèmes permet d’élargir la gamme des possibles et de répartir les risques. Toutefois, le
morcellement et la distance au lieu d’habitation peuvent représenter des coûts de travail
importants. Le foncier est le résultat d’un processus d’accumulation ou décapitalisation au
cours du cycle de vie de la famille
à La taille du foncier et son morcellement sont essentiellement liés aux héritages
successifs. Ensuite selon le milieu, la gestion du foncier ne conduit pas aux mêmes
évolutions.

42

Les sans-terre

Cette catégorie sociale est composée premièrement des sans terre. Leurs parents (métayers ou
très petits propriétaires) n’ont pas pu capitaliser et du fait du nombre important d’héritiers,
certains n’ont plus aucun héritage. Parfois, ils ont été évincés de l’héritage si conçus hors-
mariage. Ils travaillent soit comme ramponiste à plein temps3 soit sont en exil à l’étranger.

Les métayers/petits propriétaires des mornes 0,5 – 2 cx

Cette catégorie est composée de très petits propriétaires à l’installation (1/8 -1/4 cx). Ils
complètent leur foncier en faisant du métayage et/ou du fermage, se vendent comme
travailleurs journaliers et achètent des arbres sur pieds pour faire du charbon. Ils
s’agrandissent progressivement mais ont des marges d’agrandissement variables selon le
niveau de départ (taille et localisation). Les achats de terre se sont faits à travers l’élevage
bovin principalement et surtout quand le rapport du prix bêtes/terre était favorable. En 70-90,
la vente d’un bœuf pouvait permettre d’acheter 0,25 carreau de terre de moyenne productivité
comme des systèmes vivrier ; en comparaison, aujourd’hui il faudrait 5 à 10 bœufs pour
acheter la même parcelle. Leur parcellaire morcelé est une combinaison entre SAF, système
vivrier de plaine et/ou de morne.

à Certains n’ont pas ou presque pas de terre au début de leur vie active (métayers et
fils de métayers). Ils ont pu s’exiler comme travailleur agricole à l’étranger (USA, Rep.
Dom) pour capitaliser et acheter des terres directement à leur retour.
à D’autres ont pu obtenir des parcelles chez leurs anciens propriétaires après les
« déchoukaj ». Le revenu tiré de l’exploitation combiné à la vente des bovins élevés sur la
terre des grands dons leur a permis d’avoir accès à la propriété foncière.
à Une partie à pu bénéficier d’opportunités d’emplois et peuvent compléter leur
revenu agricole par une autre activité rémunératrice (maçon, mototaxi, loueur de chevaux)
qui s’insèrent bien dans leur calendrier agricole. Ils peuvent s’agrandir plus vite.

Le cycle de capitalisation qui suit le cycle de vie est un processus qui peut être plus ou moins
long selon les aléas de la vie (décès, maladie, accident). C’est souvent en approchant de la
retraite et donc de la transmission qu’ils arrivent à être propriétaires de toutes les parcelles
qu’ils cultivent et à atteindre des SAU de 2 carreaux.

Les propriétaires exploitants de bas-fond 0,5-2 cx

Ce sont à l’origine les plus petits propriétaires de bas-fond qui avaient des capacités de
capitalisation limitées du fait de leur foncier limité. Ils n’ont pas pu envoyer leur enfant à
l’école mais ont pu s’agrandir en plaine après le « déchoukaj ». Ils bénéficient au départ de
parcelle dans les milieux les plus productifs donc ont des capacités de capitalisation plus
rapide que dans les mornes.

Les grand propriétaires exploitants de piedmont/plateau 5 -10 cx



Ils sont les grands propriétaires historiques de la zone. Descendant de militaire ou de
prêtre du vaudou, ils possèdent, dans la zone de transition/piedmont, de grandes
parcelles contigües. Ils ont dû cependant amputer une partie de leur foncier pour payer
les études de leurs enfants. Généralement un des héritiers reste pour s’occuper des
terres familiales en indivision. Cela permet de limiter la division par héritage; celui qui

3 Ramponiste : travailleur agricole

43

reste sur l’exploitation doit néanmoins selon les besoins ou demandes donner une partie de sa
production à ses co-héritiers. Ils ont accès à tous les zones agroécologiques et ont des revenus
diversifiés assurés. Faute de main-d’œuvre familiale disponible pour s’occuper de toute
l’exploitation, ils font appel à des travailleurs journaliers et cèdent une partie de leur terre en
métayage ou en fermage pour les paysans des mornes.

Les propriétaires absentéistes de bas-fond 1-3 cx

Fils ou fille restant(e)s des grands propriétaires de bas-fond, ils ont eu accès à une instruction
de qualité qui leur a permis de quitter l’agriculture vers des emplois de notables. Ils gèrent la
répartition des terres familiales à céder en métayage. Leurs parents qui sont des propriétaires
historiques ont vendu une partie des terres pour payer les études et l’émigration de leur
enfant. La plupart des héritiers résident à Port-Au-Prince ou à l’étranger. Parfois toute la
famille vit à l’étranger, les terres sont vendues ou confiées à un gérant.

44

II. Une diversité de systèmes du cultures donc des
résultats du PTTA inégaux


Les systèmes agroforestiers (SAF) sont mis en place sur toutes les zones agroécologiques :
plaine, versant ou morne. Pour comprendre le fonctionnement de ces systèmes, il convient de
s’entendre sur leur définition. Plusieurs auteurs se sont essayés à définir l’agroforesterie
depuis les années 70. Nous pourrons retenir celle de Torquebiau (2000) qui place cette forme
de production au rang des autres activités agricoles : « l’agroforesterie est la mise en culture
d’une parcelle avec une association simultanée ou séquentielles d’arbres, de cultures
annuelles ou de productions animales pour obtenir des biens et des services utiles à
l’homme ». Selon cette acceptation, tous les systèmes de cultures de notre zone sont
agroforestiers dans le sens où, l’association entre culture se fait toujours avec quelques
essences ligneuses. Pourtant ils sont très divers, certains ne contenant que quelques arbres et
d’autres s’apparentant en terme de structure et de complémentarité à des forêts complexes.
Ces derniers correspondent à des agroforêts complexes, définies toujours par Torquebiau
(2000) comme caractérisées par « une composante arborée multi-étagée, dense et diversifiée
qui leur confère une physionomie typiquement forestières ».

Les différents systèmes de cultures présents dans la zone sont étudiés au vue de leur
fonctionnement technique, leur performance technico-économique ainsi que l’impact du
PTTA à savoir, la pertinence technique du projet, les changements induits dans le
fonctionnement du système en fonction aussi de ceux qui les mettent en œuvre. Pour rendre
les systèmes plus comparables, les performances seront données pour 0,25 carreau (surface la
plus répandue).

1. Des systèmes agroforestiers de bas-fond très productifs



Les systèmes agroforestiers de bas-fond correspondent aux SAF complexes définis ci-dessus.
Ils ont été mis en place principalement dans la vallée de Milot dans les zones de bas-fond aux
sols profonds mais aussi dans une moindre mesure dans certaines cuvettes d’accumulation
sur le plateau de La salle. L’altitude du plateau ne constitue pas un facteur de différenciation,
les SAF complexes constituent eux même un microclimat spécifique.

Caractérisés par une grande diversité spécifique et variétale d’arbres et de pluriannuelles, ils
se décomposent en plusieurs strates :
-la strate arborée : saman, pois-doux, arbre à pain, arbre véritable, manguier, agrumes
-la strate arbustive haute : cacaoyers, bananiers (variété « loup garou »)
-la strate arbustive basse : caféiers, bananiers (variétés « France », « jédinette », « poban » ,
« machin »)
-la strate herbacée: taros, ignames (variétés « rouge », « Martinique », « France »,
« plimous », « guinée »)

La strate arborée est composée d’arbres de couverture dont les espèces emblématiques sont le
saman (Samanea Saman) et sucrin ou pois doux (Inga Vera). Ces deux essences possèdent en
commun des qualités qui font d’elles des incontournables de ces systèmes agroforestiers :
- ce sont des légumineuses, elles participent à la fixation de l’azote atmosphérique et à travers
le cycle de l’azote à la fertilisation du sol;
-leur croissance rapide permet très vite d’atteindre un niveau d’ombrage favorable au
développement des cacaoyers/caféier/bananier ;
-leur port très haut (~20m) avec des couronnes très étalées garantit un niveau d’ombrage
adéquat aux espèces des strates inférieures ;
-elles peuvent être transformées en charbon.

45

Cependant il convient de noter que les deux espèces sont exigeantes en eau (Lilin.C, 1989)
et peuvent concurrencer les autres espèces pour l’eau.

La strate arborée est aussi constituée d’arbres fruitiers et d’arbres à forte valorisation
économique comme le chêne (Catalpa Longissima) bois d’œuvre apprécié pour la fabrication
de planches. Les fruitiers sont le manguier (Mangifera Indica), l’avocatier (Persea
Americana), l’arbre à pain et l’arbre véritable, deux variétés d’une même espèce (Artocarpus
Altilis Parkinson Fosberg), et les arbres du genre citrus : pamplemoussier (Citrus Grandis L),
bigaradier ou orange amer (Citrus Aurantium L), orange douce (Citrus Sinensis L). Ces
arbres ont tous une vocation productive que ce soit pour la vente de fruits sur le marché ou
pour l’autoconsommation. Les plus grands spécimens peuvent servir d’arbre d’ombrage,
notamment le manguier et tous intégralement peuvent être transformés en charbon. Les citrus
subissent depuis quelques années l’attaque de la maladie du dragon jaune qui a décimé les
peuplements. Tous les arbres du système ont un rôle majeur dans la restitution de la fertilité
avec la remontée verticale des éléments minéraux des couches profondes qu’ils restituent
sous forme de matière organique via les débris végétaux (figure 16).

Figure 16 : cycle de l’azote, importance des arbres pour la libération


d’azote sous forme de litière (Dupraz C. & al, 2011)

La strate arbustive haute et basse est composée de cacaoyers, bananiers, caféiers. Les
cacaoyers et les caféiers constituent historiquement les peuplements principaux avec une
tendance depuis les années 90 à la dominance des cacaoyers en nombre et en contribution de
la richesse créée. Située dans les parcelles aux conditions agronomiques les plus favorables
(sol profond, riche en matière organique, nappe phréatique proche), elle comporte les
systèmes les plus denses en cacaoyers (600 à 700 pieds/carreau) qui y sont particulièrment
adapté (annexe 2) et en bananiers pour les SAF.

46

-la strate herbacée est souvent limitée à cause de la concurrence avec les autres espèces pour
les rayons lumineux. L’igname qui est une liane grimpante est donc particulièrement bien
adaptée au milieu. Le taro est rarement présent, mais peut s’implanter en cas de trouée
importante.

La diversité des espèces associées implique une exploration différenciée des strates du sol,
les potentialités nutritives du sol sont beaucoup mieux exploitées.

OPERATION / TPS W (hj) Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
TAILLE 2,0
1 ER SARCLAGE 20,0
2 EME SARCLAGE 20,0
RECOLTE CACAO 450 livres sèches / 150 pieds 2,2 3,6 3,6 0,7 1,8 1,8
RECOLTE CAFÉ 1, 5 bidon sec 0,7 0,7
PLANTATION BANANE MUSQUEE
PLANTATION BANANE FIGUE 200 plants / 5 ans 1,0
RECOLTE BANANE 100 régimes / an 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6
ENTRETIEN/RECOLTE IGNAME 40 buttes / 15 mois 0,9 0,9 0,9
PLANTATION IGNAME 2 sacs / 3 ans 2,7
CUEILLETTE PAMPLEMOUSSE 4,6 sacs / an 0,7
CUEILLETTE ORANGE DOUCE 4,9 sac / an 0,7
CUEILLETTE AVOCAT 4,1 sac / an 0,3 0,3
DEBRANCHAGE 1,3
CHARBON 3 sacs / 3 ans 18,0
CHARBON 15 sacs / 8 ans 3,6
TOTAL HJ 23,4 2,0 7,3 4,2 4,2 0,6 23,5 0,9 2,3 3,0 2,4 21,4 95,0
Figure 17 : calendrier de travail4 des SAF de bas-fond pour 0,25 cx

25,0

20,0
homme-jour

15,0

10,0

5,0

Figure 18 : Répartition du temps de travail des SAF de bas-fond pour 0,25 cx

Ces systèmes agroforestiers sont maintenus avec peu de travail (figure 17 & 18). Pour lutter
contre les adventices, deux sarclages sont nécessaires au minimum, ils sont faits chacun entre
les récoltes du cacao donc en mai, juin ou juillet et en décembre, janvier ou février. Cela
donne une certaine flexibilité à l’agriculteur pour éviter les pics de travail en cas de
cumulation de systèmes agroforestiers au sein d’un système de production. Une légère taille
sanitaire des cacaoyers accompagne le sarclage pour couper les branches mortes, malades et
celles qui descendent vers le sol. Le transfert vertical de fertilité et l’exploration des

4 La différence entre le total en homme-jour du calendrier de travail et de la figure 3 (95,7 hj contre 75 hj)
s’explique par le caractère ponctuel de certaines opérations. Le calendrier de travail est censé matérialiser
les pics de travail, il simule donc l’année la plus chargée possible. En réalité certaines opérations sont
occasionnelles : plantation igname (1/3 ans), débranchage (1/3 ans), gros charbon (1/8 ans) et petit
charbon (1/3ans). Pour avoir le travail moyen sur une année, on se réfèrera à la figure 3 qui est une valeur
moyenne.

47

différentes strates du sol par les espèces associées assurent le renouvellement de la fertilité
sans qu’il y ait besoin d’apport extérieur de fertilisant. La plantation des bananiers se fait en
renouvellement progressif pour ne pas créer de coupure dans le rythme de production, les
rejets sont soit prélevés au sein de la même parcelle, soit dans un autre système de culture au
sein de l’exploitation soit achetés à d’autres paysans. La plantation des bananiers comme des
ignames se fait en saison des pluies, généralement en mars-avril mais peut aussi se faire en
septembre-octobre. L’igname est plantée dans l’horizon humifère puis recouvert de litière
pour former des buttes. Les récoltes s’étalent toute au long de l’année pour la banane assurant
une sécurité alimentaire et monétaire indispensable. L’igname « sigin » joue le même rôle
que la banane au sein du foyer. Un tubercule peut donner jusqu'à trois récoltes et peut rester
en terre pendant plusieurs années sans perdre de ses qualités nutritives et gustatives.

Trois grandes périodes de récoltes se distinguent car elles correspondent à des besoins en
trésorerie (mars-avril pour la fête de la citadelle, décembre pour les fêtes de fin d’année et
juillet « petite période de soudure »), mais selon les besoins alimentaires, des prélèvements
peuvent aussi se faire tout au long de l’année.
• La période de récolte du cacao s’étend sur 6 mois, en grande et petite saison
coïncidant avec la période de plantation des cultures vivrières. C’est intéressant pour
l’agriculteur qui bénéficie d’une entrée de liquidité en période d’achat des semences.
• Les agrumes en théorie peuvent se récolter en grande saison (février, mars) et aussi
à la saison dite « carême » en plus petites quantité. Avec la maladie récente, la récolte de la
période « carême » semble disparaître. Pour les autres fruitiers mentionnés plus haut (les
artocarpus et les manguiers), ils n’apparaissent pas à ce stade d’analyse bien que jouant un
rôle fondamental dans l’alimentation des ménage et du petit élevage. Ils peuvent être
ramassés dans n’importe quelle parcelle (parfois même chez les autres) et une fois que les
besoins alimentaires de la famille sont remplis, ils sont laissés gâtés au champ. Si un
agriculteur a ramassé son « quota » de mangues dans la parcelle A, les mangues de la
parcelle B ne seront pas valorisées. Cela signifie que l’on comptera l’apport économique de
ces fruits au niveau du système de production en prenant un chiffre moyen sur l’année. La
saison de récolte des mangues et des artocarpus s’étale d’avril à août.
• Le café se récolte en petite saison (septembre, octobre, parfois jusqu’à novembre-
décembre. Pendant l’âge d’or du café, les liquidités importantes venant de la récolte du café
(qui tombe en début d’année scolaire) permettaient de payer les frais scolaires.
Enfin, la transformation des espèces ligneuses en charbon est une activité
rémunératrice qui peut s’insérer n’importe quand dans le calendrier. On distingue deux
rythmes structurels pour l’activité charbonnière : un rythme rapide, où chaque 3 ans,
l’agriculteur peut faire 3-4 sacs avec les produits d’élagage (l’agriculteur élague les branches
trop couvrantes des arbres de couverture chaque 3 ans pour donner un peu de lumière aux
cacaoyers), un rythme plus lent qui consistent à abattre les arbres vieux ou malades en
moyenne tous les 8 ans, cela donne des grosses quantités (~12-15 sacs). Depuis quelques
années, le rythme d’exploitation est plus élevé à cause du nombre important d’agrumes
touché par la maladie du dragon jaune. Ce rythme peut aussi varier en fonction de la situation
économique du ménage. Les agriculteurs défavorisés, pris dans un cycle de pauvreté
croissante au moment critique accélèrent leur rythme d’abatage des arbres adultes. Passé une
certaine fréquence (~1 arbre tous les 3-4 ans), le capital biologique ne peut pas se renouveler
assez vite ce qui entraine un appauvrissement de la fertilité et à terme un changement vers les
systèmes vivriers. Cette surexploitation peut arriver dans le cas de contrats entre propriétaires
absentéistes et exploitants non permanents. Les chênes (appelés par certains « bois vieux-
jours ») peuvent être considérés comme un capital retraite mobilisable en cas de besoin sous
forme de planches.

48

Tableau 4 : performance économique du SAF de bas-fond

Performance économique SC pratiqué par l'agri


PB (htg/an/0,25cx) 37208
CI (htg/an) 1600
VAB (htg/an) 35608
HJ/0,25cx 75
VAB/cx (htg/cx/an) 142433
VAB/hj (htg/hj/an) 475
SAU max (cx) 1

La complémentarité de ces espèces en terme agronomique (exploitation de différents


horizons dans le sol, différente valorisation des rayons lumineux, fertilisation par remontée
verticale), leur rôle pour le ménage (autoconsommation et vente réparties sur toute l’année)
et la densité relatives des espèces associées font de ce système le plus performant de tous les
systèmes de culture de la zone. Ils ont les meilleures performances économiques tant sur le
plan de la productivité du travail que sur celle de la terre (tableau 4). La plus forte
contribution à la VAB provient de la banane et du cacao devant l’igname et le café.

Cependant leur situation géographique peut diminuer leur performance. Ces SAF situés dans
et en limite de zones urbanisées de Milot rentrent en compétition avec l’usage non agricole
de la terre (prix du foncier très élevé pour le bâtis immobilier) et sont soumis aux risques de
vols ; surtout les ignames, mais aussi les bananes et plus rarement les cabosses de cacao. Les
jeunes plants sont aussi souvent détruits par le pâturage illégal la nuit.

Pertinence technico-économique du paquet technique nouvelle plantation



Les bas-fonds de Milot constituent un milieu d’accueil optimal pour l’implantation du
paquet : ombrage déjà établi, richesse en matière organique car occupé depuis plus d’un
siècle par des systèmes agroforestiers complexes et bénéficiant d’un microclimat
relativement humide. Cela se manifeste par des taux de survie des nouvelles plantations plus
importants que dans les autres zones agroécologiques, par une croissance et une maturité plus
rapide. Pour autant, même si le paquet est adapté d’un point de vue pédoclimatique, il
n’apporte pas d’innovation majeure et n’est pas moteur de changement technique donc pas
non plus moteur d’amélioration durable du revenu. En effet, les espèces proposées dans le
paquet sont les mêmes que celles déjà implantées par les agriculteurs dans ces SAF (cacao-
igname-banane). Les densités par espèce proposées sont semblables pour la banane
(~200/carreau), proches pour le cacao (800 dans le paquet contre 600-700 dans le système
existant). La seule différence notable concerne l’igname. Le paquet permet un enrichissement
en igname. Cependant, si l’igname permet d’augmenter la VAB, les risques de vols menacent
la durabilité du changement.

L’apport du fertilisant organique représente le deuxième changement introduit par le paquet.
Pour autant, la quantité de fertilisant promue par le projet de 64,5 sacs de riz par carreau ne
garantit pas un meilleur taux de survie pour les plantules ni une augmentation du rendement.
R.Lotodé et P.Jadin (1981) mettent en évidence que l’augmentation des rendements
consécutive à un apport de fertilisant dans les cacaoyères n’est observée que si les conditions
climatiques sont favorables par ailleurs. Ils situent le seuil de pluviométrie à 1400 mm/an,
limite en dessous de laquelle l’effet engrais ne s’exprime pas sur les rendements. D’après les
données pluviométriques relevées à Grande-Rivière-du-Nord, sur les dix dernières années, il
y a eu cinq années où le total des précipitations n’a pas atteint 1400 mm/an. Pour évaluer la
quantité de sacs de fumiers nécessaire pour compenser les exportations, il faudrait : 1) que la
formulation des engrais soit commune à tous les fournisseurs ce qui semble ne pas être le cas

49

aujourd’hui, 2) doser les apports en N-P-K mais aussi en Ca et en Mg, minéraux essentiels à
la nutrition des cacaoyers.

Les subventions du PTTA participent en revanche à la réduction des frais de renouvellement


de la parcelle. Ceux-ci, correspondent aux amortissements biologiques : drageons de banane
tous les 5 ans, tubercules d’igname tous les 2 ou 3 ans et les coûts en main d’œuvre
principalement concentrés sur le sarclage qui peut être soit sous-traité, soit fait par
l’agriculteur lui-même. Dans ce dernier cas, l’apport PTTA revient à une subvention directe
au revenu. Par ailleurs, la distribution de plantules de cacaoyers dans le cadre du projet n’est
pas forcément pertinente. Avant le PTTA, les agriculteurs renouvelaient progressivement leur
peuplement. Des graines étaient régulièrement plantées en dessous des bananiers pour
remplacer au fur et à mesure les individus déclinants. Même cas de figure pour les arbres
forestiers et de couverture dont le renouvellement consiste seulement en la sélection des
jeunes plants spontanés pouvant se développer. Dans tous les cas, le renouvellement de la
strate arborée demande très peu de travail quand le système est à l’équilibre. Les agriculteurs
lorsqu’ils passent sur la parcelle sélectionnent les plants spontanés et les protègent des
concurrences adventices ou des prédateurs. Planter un nombre important de plantules de
cacaoyers du PTTA (~800/carreau) sous les individus matures peut au mieux permettre de
renouveler les individus déclinant, combler les trouées occasionnelles, au pire constituer une
charge de travail inutile. L’impact du PTTA, dans ce type de SAF, consiste en une
subvention indirecte du revenu en réduisant les coûts de renouvellement (excepté pour les
cacaoyers, les arbres forestier et de couvertures) et le sarclage ; coûts qui faisaient partie
intégrante du système déjà existant.

Tableau 5 : Comparaison des performances économique du système de culture pratiqué


par l’agriculteur et du système de culture promu par le PTTA

PERFORMANCE
SC pratiqué par l'agri SC promu par PTTA5
ECONOMIQUE
PB (htg/an) 37208 39608
CI (htg/an) 1600 1200
VAB (htg/an) 35608 38408
HJ 75 82
VAB/cx (htg/cx/an) 142433 153633
VAB/hj (htg/hj/an) 475 471

La comparaison des performances technico-économiques entre le système sans subvention et


une simulation idéale du système avec subvention (tableau 5), montre que le paquet
technique augmente la productivité de la terre (VAB/carreau) mais diminue légèrement la
productivité du travail (VAB/homme-jour), respectivement de +7,8% et de -0,8%. En effet, il
y aurait une augmentation de la production brute liée à l’augmentation de la production
d’igname, une baisse des consommations intermédiaires par la prise en charge des plants de
bananes, le tout pour une quantité de travail supérieure la première année avec le paquet
(temps de plantations des plantules de cacaoyers et d’arbres de couverture et temps
d’application du fertilisant). Le temps de travail à 82 hj la première année baisse ensuite pour
se stabiliser légèrement au dessus de 75hj (temps de travail lié à l’entretien et à la récolte
d’ignames distribuées par le PTTA). Cette simulation compare la situation de départ avec la
situation idéale qui a motivé le paquet technique. Or, au fil des enquêtes, il est apparu des
différences significatives entre les effets recherchés et les effets obtenus. Souvent, au niveau

5 La simulation des performances économiques dans la situation avec PTTA se fait sur l’année
d’implantation. L’augmentation de la quantité de travail (75 à 82 hj) est donc ponctuelle. La quantité de
travail revient, les années suivantes à la normale.

50

des fournisseurs, les paquets n’ont pas été distribués en entier (tableau 6). Il y a eu de fortes
mortalités principalement pour l’igname et la banane, ensuite pour le cacao dans une moindre
mesure. Plusieurs éléments viennent expliquer cet écart :

- au niveau des fournisseurs, il y a une importante variabilité du contenu des paquets en terme
de quantité de plantules distribuée et en terme de qualité, notamment sur les variétés de
bananiers. Cette inégalité de l’offre dépend en grande partie des fournisseurs, de leurs
disponibilités et des modalités d’approvisionnement en matériel végétal. La demande en
plantules de cacaoyers, d’arbres de couvertures, de fertilisants n’existait pas du fait des
pratiques de renouvellement progressif. Ce sont des fournisseurs opportunistes venant du cap
qui se sont positionnés sur le marché et qui n’ont pas pu à leur installation assurer la
disponibilité de l’offre en quantité et qualité ni la logistique (PECH B., 2015).

- le taux de mortalité élevé des plantules, principalement lié au manque de pluie; facteur qui
peut être aggravé en fonction de la zone agroécologique, du système de culture dans
lesquelles les plantules s’insèrent et de la période de délivrance du matériel végétal. Les
plantules dans les zones les plus fraîches et disposant d’un ombrage ont un meilleur taux de
survie. La mortalité des bananiers s’explique, outre l’élément climatique, par l’inadéquation
des variétés avec leur milieu (bananes plantains plantées sous ombrage). Concernant
l’igname, le mode de préparation du matériel biologique et la sécheresse ont provoqué une
mortalité voisine de 100%. D’après les agriculteurs, c’est la préparation en « mini-set » qui
consiste à découper en petits dés les tubercules qui les fragilisent. La liane n’a pas assez de
réserve pour grimper et accéder à la ressource solaire. La majorité des agriculteurs a expliqué
la forte mortalité des plantules par la sécheresse exceptionnelle de 2015, certains ont fait
également état de mauvais état sanitaire des plantules. En réalité, il est compliqué de se
prononcer sur l’état sanitaire des plantules dans un contexte de grande sécheresse et cela
nécessiterait un contrôle pointu en amont au niveau des pépinières.

La modélisation des performances technico-économiques du SAF intégrant ces apports réels


du PTTA pour une année de sécheresse comme celle de la grande saison 2015 permet de
fixer la borne inférieure du champ des possibles laissant imaginer toute une gamme de
scénarii intermédiaires. D’autre part, cela montre à quoi s’attendre en cas de « mauvaise
année », ce qui, d’après les données climatiques, risque de se produire plusieurs fois par
décennie. Pour le contenu des paquets technique distribués par les fournisseurs, le chiffre
moyen de 70% du paquet effectivement distribué estimé d’après un échantillon de 15
agriculteurs interrogés est retenu. La mortalité des plantules sera différente pour chaque
espèce, pour chaque système de culture hôte.

Tableau 6 : Variabilité de la composition du paquet et taux de mortalité selon les zones

Variations Taux survie Taux survie plat


Paquet Taux survie bas-fond versant non boisé
fournisseurs
Préparation sol 84% 0% 0% 0%
cacao 88% 75% 50% 50%
bananier 78% 75% 75% 50%
igname 37% 5% 0% 0%
arbre d'abris 38% 90% 90% 75%
sac d'engrais 41% - - -
application fumier 41% - - -
assistance technique 81% - - -
préparation sol 84% - - -

51

Estimation des taux de survie selon les dires sur un échantillonnage de 15 agriculteurs
représentants une diversité de situations. Il n’est cependant pas possible de généraliser ces
données au vue de l’échantillonnage non statistiquement représentatif.

Tableau 7 : Comparaison des performances économiques des SAF de bas-fond


pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé

PERFORMANCE SC pratiqué par SC promu par SC promu par PTTA


ECONOMIQUE l'agri PTTA + subvention versée
PB (htg/an) 37208 39608 37283
CI (htg/an) 1600 1200 1374
VAB (htg/an) 35608 38408 35909
HJ 75 83 79
VAB/cx (htg/cx/an) 142433 153633 143637
VAB/hj (htg/hj/an) 475 464 454

L’augmentation de la VAB entre la situation telle que pratiquée par l’agriculteur et la


situation avec le paquet réel reçu est négligeable (0,4%) (tableau 7). Les consommations
intermédiaires sont réduites : avec les taux de mortalité, les plantules du PTTA ne suffisent
pas à couvrir toute la parcelle, le paysan doit payer une partie pour compléter. Les ignames
du PTTA de la première campagne mini-set ont eu un taux de mortalité avoisinant 100%,
ceci n’a ni intensifié ni même contribué aux frais de renouvellement. Par contre la quantité de
travail fourni a augmenté pour planter les plantules de cacaoyers, l’application d’engrais et
les plantules des arbres de couverture.

Pour les SAF déjà mis en place, l'impact du PTTA est indirect : le système technique ne
change pas et le paquet n’apporte aucune innovation majeure. Les couts liés à la main-
d’œuvre ont ponctuellement diminué grâce à la subvention sur le sarclage, lequel était déjà
réalisé par l’agriculteur. Ce paiement n’implique aucun changement technique ni économique
durable mais représente une subvention directe ponctuelle sur le revenu de l’agriculteur. La
subvention allouée au frais de sarclage étant surestimée par rapport au cout réel du sarclage,
il reste toujours une partie en plus après le paiement du sarclage dans les mains de
l’agriculteur (tableau 8). Le tableau présente le rapport entre la part de subvention restante
après le paiement du sarclage sur l’augmentation du temps de travail induit par le paquet
PTTA.

Tableau 8 : part de la subvention restante/ homme jour

SC promu par PTTA


SC promu par
+ subvention versée
PTTA
en réalité
Part de la subvention restante après paiement
3500 2620
du sarclage (htg)
Augmentation du temps de travail par rapport
7 4
au système pratiqué par les agriculteurs (hj)
Part de la subvention restante/ augmentation
526,8 620,5
du temps de travail (htg/hj)

Dans les deux cas, c’est à dire dans le système idéal promu par le PTTA et le système réel
résultant du paquet technique, l’augmentation du temps de travail est largement compensé
par les frais restant après le paiement du sarclage. Cela revient à payer chaque heure
travaillée en plus respectivement 526 et 620 htg ce qui est largement au dessus du coût
d’opportunité du travail de 100 htg/jour (annexe 6).

52

2. Une diversité de systèmes agroforestiers de versant

Les versants des mornes constituent une grande partie du territoire de Milot. Ils sont
généralement sableux, peu profonds avec une teneur en matières organiques variable selon
l’occupation historique des sols. L’exposition au soleil est déterminante pour les cultures. Les
systèmes agroforestiers complexes se retrouvent préférentiellement sur les versants peu
exposés ou sur versants sud mais en bord de ravine.

Illustration 7 : Systèmes agroforestiers de versant

La strate de couverture présente la même diversité que des SAF de bas-fond (saman, pois-
doux, manguier, avocat etc.). C’est la densité relative des espèces qui varie et notamment des
espèces de la strate arbustive entre cacaoyers, bananiers, ignames, caféiers. Trois facteurs
expliquent la variabilité d’une parcelle à l’autre :

- la localisation dans le versant, notamment la présence de ravine et la déclivité. Le cacaoyer


se développe bien sur les sols profonds caractéristiques des ravines (annexe 2). Les parcelles
situées sur les interfluves et sur les fortes pentes auront donc moins voir aucun cacaoyer. Les
parcelles en altitude (~600-700m) concentrent les plus grandes densités en caféiers. Les
parcelles situées en haut des mornes sont moins adaptées au SAF de par les potentialités
agronomiques réduites.

-la situation économique des familles qui peut jouer sur la capacité d’investissement en
matériel végétal.

-la localisation par rapport au lieu d'habitation. Les petits propriétaires de morne, n’ont pas
toujours les moyens d’investir dans l’achat de matériel végétal (banane, ignames) pour
mettre en place ou développer une densité optimale d’espèces sur toutes leurs parcelles. Ils
privilégient celles qui sont à proximité de leur maison. En effet cela peut raccourcir
considérablement les temps de trajet et sa pénibilité et permet un meilleur suivi. Quitte à
investir, ils préfèrent le faire sur les meilleurs sols.

Pour évaluer les performances, considérant les proportions variables de chaque espèce d’une
parcelle à l’autre et donc des contributions variables à la création de richesse, deux
archétypes ont été modélisés en fonction du nombre de buttes d’igname, de bananiers, de
caféiers et de cacaoyers toute chose égale par ailleurs, ces espèces ayant une forte
contribution dans la valeur ajoutée totale.

53

Un système agroforestier dense en igname et banane, moins en café et cacaoyers

OPERATION / TPS W Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
TAILLE 0,2
1 ER SARCLAGE 18,0
2 EME SARCLAGE 18,0
RECOLTE CACAO 60 livres sèches / 20 pieds 0,3 0,5 0,5 0,1 0,2 0,2
RECOLTE CAFÉ 2 bidons sec 0,9 0,9
PLANTATION BANANE MUSQUEE
PLANTATION BANANE FIGUE 173 plants / 5 ans 0,9
RECOLTE BANANE 87 régimes / an 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5
ENTRETIEN/RECOLTE IGNAME 40 buttes / 15 mois 0,9 0,9 0,9
PLANTATION IGNAME 2 sacs / 3 ans 2,7
CUEILLETTE PAMPLEMOUSSE 4,6 sacs / an 0,7
CUEILLETTE ORANGE DOUCE 4,9 sac / an 0,7
CUEILLETTE AVOCAT 4,1 sac / an 0,3 0,3
DEBRANCHAGE 1,3
CHARBON 3 sacs / 3 ans 3,6
CHARBON 15 sacs / 10 ans 18,0
TRANSPORT 30 mn x3/semaine 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3
TOTAL HJ 24,7 3,2 6,5 2,3 2,3 1,8 20,9 2,1 3,1 2,9 2,0 20,7 92,4
Figure 19 : Calendrier de travail du système de versant 1 pour 0,25 cx
30,0
25,0
homme-jour

20,0
15,0
10,0
5,0


Figure 20: Répartition du temps travail du système de versant 1 pour 0,25cx

Les parcelles de pentes moyennes (~30°), sont « remplies » en bananiers (~175
bananiers/0,25cx), en ignames (~30 buttes) avec peu de caféiers. Les cacaoyers sont des
espèces demandant un sol profond, donc ne sont pas adaptés excepté en bord de ravine. Ces
systèmes sont réservés aux agriculteurs qui ont les capacités d’investissement pour
renouveler tous les 3 ans les bananiers et les ignames. Les arbres de couverture, fruitiers, bois
d’œuvre sont en densité équivalente à celle des systèmes de bas-fond. Ce qui différencie alors
ce système des SAF de bas-fond, c’est principalement le nombre de cacaoyers (800/cx pour
les SAF de bas-fond contre 80/cx pour ceux de versants) et dans une moindre mesure les
bananiers (800/cx pour les SAF de bas-fond contre 700/cx pour ces SAF). La conduite
technique est presque similaires à celle des SAF de bas-fond : seule la durée des deux
sarclages diminue légèrement en raison de la pente qui diminue la pénibilité du travail. Les
modalités et les périodes de plantation et de récoltes sont les mêmes (figure 19 & 20).

Le paquet technique « nouvelle plantation » apporte peu de changements techniques et


aucunes innovations. Les bénéficiaires du PTTA qui mettent en œuvre ces SAF ne l’ont pas
adopté dans son intégralité :

• Pour les cacaoyers, il n’est pas pertinent puisque les densités promues sont les mêmes que
dans les systèmes de bas-fond alors que l’espèce n’est pas adaptée à ce milieu (annexe 2). Le

54

risque de mortalité est plus élevé pour cette espèce qui préfère les sols profonds avec de
bonnes rétentions d’eau.
• Pour la banane, il permet de renouveler les peuplements mais ne permet pas
l’intensification, le système développé par les bénéficiaires étant déjà au maximum.

• Pour l’igname, le paquet technique correspond à une intensification avec l’apport de


nouveaux tubercules.

Le sarclage recommandé est conforme aux


pratiques des agriculteurs ; en cela, le
PTTA n’apporte qu’une subvention à
l’entretien annuel de la parcelle. Enfin, la
composante fertilisation peut être
questionnée ou plutôt sa dimension
pratique. Les agriculteurs ne transportent
pas les sacs d’amendement dans les mornes
(illustration 7). Il est pourtant possible de
louer un âne pour monter les sacs dans les
mornes, mais le rapport coût/bénéfice ne
semble pas avantageux.

Illustration 8 : Sacs d’amendement du


PTTA stocké en bas des mornes

Tableau 9 : Comparaison des performances économiques des SAF v1 (0,25 cx)


pratiqués par l’agriculteur, promu et effectivement versé

PERFORMANCE SC pratiqué par SC promu par SC promu par PTTA
ECONOMIQUE l'agri PTTA + subvention versée
PB (htg/an) 24042 26442 24042
CI (htg/an) 1546 1200 1200
VAB (htg/an) 22496 25242 22842
HJ6 71 78 75
VAB/cx (htg/cx/an) 89984 100970 91370
VAB/hj (htg/hj/an) 316 324 304
SAU max (cx/actif) 1,05

En théorie, les ignames, permettent d’augmenter le produit brut de 24 042 à 26 442 (=10%),
mais la première campagne a été marquée par une mortalité quasiment intégrale des ignames
mini-set, ce qui explique la stagnation du PB entre la situation de base et la situation où
l’agriculteurs a reçu le paquet réel (tableau 9). Ceci entraine un léger investissement en
travail perdu pour un PB constant, une CI baissant très légèrement conduisant à une
diminution de la productivité du travail. Elle pourrait être légèrement supérieure si
l’augmentation des densités était conforme aux prévisions théoriques.

Le paquet n’apporte pas de changements majeurs. Il est inadapté au niveau de la composante


cacaoyère. Malgré tout, il permet d’aider au renouvellement des bananiers voir d’intensifier
le système en igname ce qui peut être significatif pour les familles les plus vulnérables.



6 Les temps de travail correspondent à une moyenne sur 5 ans à la différence du calendrier de travail

(figure 18) qui prend en compte le temps de travail des opérations ponctuelles (charbon, plantation igname
etc.) sans les amortir.

55

Un système agroforestier relativement plus dense en caféiers

OPERATION / TPS W Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
TAILLE 0,2
1 ER SARCLAGE 18,0
2 EME SARCLAGE 15,0
RECOLTE CACAO 30 livres sèches / 10 pieds 0,1 0,2 0,2 0,0 0,1 0,1
RECOLTE CAFÉ 4 bidons sec 1,8 1,8
PLANTATION BANANE MUSQUEE
PLANTATION BANANE FIGUE 100 plants / 5 ans 0,5
RECOLTE BANANE 80 régimes / an 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3
CUEILLETTE PAMPLEMOUSSE 3,1 sacs / an 0,5
CUEILLETTE ORANGE DOUCE 2,4 sac / an 0,4
CUEILLETTE AVOCAT 4,1 sac / an 0,3 0,3
DEBRANCHAGE 1,3
CHARBON 3 sacs / 3 ans 3,6
CHARBON 15 sacs / 10 ans 18,0
TRANSPORT 1h 2/semaine 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7 1,7
TOTAL 24,9 2,8 2,7 2,3 2,3 2,0 20,2 2,3 4,2 4,0 2,1 17,0 86,8
Figure 21 : Calendrier de travail du système versant 2 pour 0,25 cx


30,0
25,0
homme-jour

20,0
15,0
10,0
5,0
Fev
Mars

Aout
Sept
Oct

Dec
Nov
Juin
Avril

Juill
Mai
Jan


Figure 22 : Répartition du temps de travail du système versant 2 pour 0,25 cx

Les caféiers ont été plus épargnés par les épisodes de ravageurs successifs que sur les autres
milieux. Sur les versants mais plus haut en altitude (~400-600m), ces systèmes sont mis en
place par des petits agriculteurs et/ou fermier. Ils n’ont pas forcément les capacités ou les
intérêts pour investir massivement dans les pluriannuelles. Pour les bananiers, les densités
sont moindres de par la concurrence avec les caféiers. Les systèmes précédents étaient peu
riches en cacaoyers car sur des pentes. Ceux-ci le sont encore moins car ils se situent plus
haut sur des pentes plus abruptes. Les opérations techniques similaires consistent en : deux
sarclages avec taille sanitaire et exploitation des arbres morts ou malades via un four à
charbon tous les 8 ans. A noter que le temps de trajet est plus important pour accéder à ce
type de système parce que situé en haut de pente (figure 21).

56

Tableau 10 : Comparaison des performances économiques des SAF v2 (0,25 cx)
pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé

PERFORMANCE SC pratiqué par SC promu par SC promu par PTTA
ECONOMIQUE l'agri PTTA + subvention versée
PB (htg/an) 14876 21045 16151
CI (htg/an) 200 160 160
VAB (htg/an) 14676 20885 15991
HJ7 70 79 75
VAB/cx (htg/cx/an) 58704 83539 63964
VAB/hj (htg/hj/an) 209 263 212
SAU max (cx/actif) 1,11

Ces systèmes sont ceux pour qui la VAB augmente le plus (41%) avec le paquet technique
bien que restant à des productivités de la terre et du travail plus faible que les deux systèmes
précèdent (tableau 10). Cela est du aux conditions du milieu moins favorable. Dans ce cas-là,
le paquet assure le renouvellement plus une légère intensification du peuplement bananier. Il
couvre les frais de sarclage et assure une subvention sur le revenu aux agriculteurs. En
conditions réelles, l’augmentation de la VAB est moins importante à cause du taux de
mortalité important des ignames miniset, il permettrait avec des ignames traditionnelles
d’intensifier plus efficacement le peuplement. Ces systèmes de cultures sont surtout mis en
place par les fermiers des mornes ou des petits agriculteurs. Le projet prend ici son intérêt car
il permet de donner à une impulsion à ceux qui en ont le plus besoin.


7 Les temps de travail correspondent à une moyenne sur 5 ans à la différence du calendrier de travail

(figure 18) qui prend en compte le temps de travail des opérations ponctuelles (charbon, plantation igname
etc.) sans les amortir.

57

3. Des systèmes vivriers de morne pour assurer l’alimentation de


la famille et dégager un revenu supplémentaire
Un système vivrier de morne associant céréales/légumineuses/bananiers et autres
pérennes sur les terres « fraîche » 0,25cx


Illustration 9 : système vivrier de morne prêt à être emblavé

A proximité du karst calcaire, les parcelles sur lesquelles sont implantées ces SAF présentent
des blocs calcaires. Les terres dites « fraiches » sont argileuses et ont une bonne capacité de
rétention en eau. Ces terres se retrouvent préférentiellement dans les replats des mornes ou
sur des pentes légères (5%) à moyenne (20%). Elles pourraient être occupées par les
systèmes agroforestiers mais correspondent historiquement aux anciens jardins lakou dans
lesquels étaient bâties les cases des habitants des mornes. Aujourd’hui les agriculteurs ont
déménagé en ville mais gardent toujours ces terres pour la production de culture vivrière.
Elles sont souvent boisées en manguier, avocatier, agrumes, chênes mais avec des densités
beaucoup plus faibles que les systèmes agroforestiers complexes. Ces quelques arbres offrent
un environnement propice (ombre, matière organique, tuteur) à l’implantation d’igname. La
plus grande partie de la surface est plantée en bananiers et maïs, pois nègre, gros pois, pois
congo, persil, taro. Là encore il y a beaucoup de variations d’une parcelle à l’autre.
L’archétype le plus représentatif correspond à une rotation de 3 ans de culture suivi d’une
jachère de 2 ans. La banane plantain/poban est implantée en début de cycle en association
avec le maïs, pois nègre, pois congo. Les cultures vivrières sont cultivées en inter-rang
pendant deux ans excepté pour le pois congo qui peut être implanté pendant 3 ans ; les
bananiers sont laissés 3 ans et pendant 2 années la parcelle est laissée en jachère arborée. Les
branchages des arbres taillés permettent d’avoir une petite production en charbon tous les
trois ans. Les blocs calcaires dans les parcelles, une fois éclatés peuvent être vendus sous
formes de pile à condition qu’une route ou qu’un chemin facile d’accès existe. Très prisées
dans un contexte de développement urbain important, elles serviront à la construction de
fondations de nouvelles maisons ou la fabrication de chaux artisanale utilisée comme enduit
de construction. Dans la stratégie des agriculteurs, ces parcelles diversifiées permettent de
réduire les risques liés aux aléas climatiques et biologiques (maladies), tout en étalant les
saisons de récoltes sur un temps long assurant ainsi une sécurité alimentaire et monétaire
importante. Chaque espèce explore des volumes de sol différents, certaines sont des
légumineuses (pois nègre et pois congo) et peuvent enrichir la parcelle en azote quand
laissées après la récolte sous forme de résidus de culture.

58

OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
1ER SARCLAGE 10,8
2EME SARCLAGE 6,0
3EME SARCLAGE 6,0
PLANTATION MAÏS 3 godets 2 ans/ 5 0,7
RECOLTE MAÏS VERT
RECOLTE MAÏS SEC 15 marmittes 2ans/5 0,1
PLANTATION PN 3 godets 2 ans/ 5 0,7
RECOLTE PN VERT 4,2 sacs 2 ans/5 1,3
RECOLTE PN SEC
PLANTATION PC 3 godets 3 ans/ 5 0,5
RECOLTE PC VERT
RECOLTE PC SEC 6 marmittes 3 ans/5 0,6 0,6 0,6
PLANTATION GP 12 godets 2 ans/ 5 2,4
RECOLTE GP SEC 12 marmittes 2 ans / 5 1,3
PLANTATION BANANE MUSQUEE 175 bananiers 1x/5 ans 4,5
RECOLTE BANANE 87 régimes 3 ans/5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5
ENTRETIEN/RECOLTE IGNAME 0,4 0,4 0,4
PLANTATION IGNAME 0,8 sacs 1x/3 ans 1,3
CUEILLETTE PAMP 3,1 sacs/an 0,5
CUEILLETTE ORANGE D 2,4 sacs/an 0,4
CUEILLETTE AVOCAT 4,1 sacs/an 0,3 0,3
CHARBON 3 sacs 1x/3ans 3,6
TRAJET 30 mn 3x/semaine 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3
TOTAL 3,7 3,2 20,8 9,1 1,8 7,8 6,0 2,1 2,1 4,2 1,8 2,8 65,4
Figure 23 : Calendrier de travail du système vivrier de morne pour 0,25 cx

25,0

20,0
homme-jour

15,0

10,0

5,0

Figure 24: Répartition du temps de travail d’un système vivrier de morne (0,25cx)

L’évaluation du PTTA dépend du moment du cycle pendant lequel les aides PTTA sont
délivrées. En effet selon que le projet arrive en 1ère année ou en 5ème année, les implications
techniques donc économiques peuvent être différentes l’année d’appui : banane déjà
implantées ou non, terre à sarcler ou terre à défricher après deux ans de jachère etc. Pour
l’évaluation, le scénario le plus favorable pour le projet c’est-à-dire en fin de jachère, a été
choisi. Elle intègre un coût de défrichage légèrement supérieur à une situation dans lequel le
projet arriverait en cours de cycle.

Le projet permet de convertir le système existant en des systèmes agroforestiers complexes


plus productifs. Si la pente est nulle et que l’accumulation de particule fine est forte et le sol
profond, alors les nouveaux systèmes peuvent s’apparenter à des systèmes agroforestiers de
bas-fond. Si la pente est plus élevée, il y aura une diminution des densités de cacaoyers. Les
terrains plats de système vivrier de morne sont peut-être les mieux adaptés au paquet NP. Ni
vierges, ni complétement boisés, ils bénéficient déjà d’un environnement propice (présence

59

de matières organiques avec quelques arbres, matériaux calcaire libérant des argiles, sols
profonds). La composante cacao du paquet est adaptée. Les drageons de bananiers distribués
permettent le renouvellement du peuplement. Pour les ignames, le paquet conduit à un
enrichissement de la parcelle dans la mesure où les « places à ignames » sont suffisantes,
c’est à dire qu’ils aient l’ombre nécessaire et les tuteurs sur lesquels grimper. Cela dépend
essentiellement du niveau de peuplement arboré au temps zéro car les lianes ne pourront pas
grimper sur les arbres de couvertures à peine plantés, ni survivre aux températures
importantes sans l’ombre d’arbres développés. Le passage du système existant à celui
d’agroforêts cacaoyères installées se déroule sur cinq années pendant lesquelles la
productivité du système est portée essentiellement par les bananiers plantains/poban, ainsi
que par les ignames. Au bout de cinq années, les cacaoyers commencent à rentrer en
production. A ce stade le système est similaire en composition, densité, diversité d’espèces
aux systèmes de bas-fond. Un changement variétal de bananiers doit s’opérer en fin du cycle
des plantains car au fur et à mesure du développement du système, le niveau de couverture
végétale laisse de moins de moins de rayons passer pour les strates inférieures.

Tableau 11 : Comparaison des performances économiques des S vivrier de morne


(0,25cx) pratiqués par l’agriculteur, promu, et effectivement versé

PERFORMANCE SC pratiqué par SC promu par SC promu par PTTA
ECONOMIQUE SUR 5 ans l'agri PTTA + subvention versée
PB (htg/an) 15703 21101 18682
CI (htg/an) 1011 74 265
VAB (htg/an) 14692 21027 18417
HJ 48 76 73
VAB/cx (htg/cx/an) 58767 84106 73668
VAB/hj (htg/hj/an) 308 276 252
SAU max (cx/actif) 1,57

Les systèmes sont modélisés sur 5 ans ce qui correspond à une durée de transition entre les
systèmes initiaux et des systèmes agroforestiers complexes de type bas-fond. Cependant
l’augmentation du temps de travail qui est liée à la plantation du matériel végétal distribué
par le PTTA est valable seulement la première année. Les années suivantes le temps de
travail que requiert le système diminue. Le paquet idéal permet une augmentation de 43% de
la VAB (tableau 11). Par contre le changement d’un système à l’autre occasionne une charge
supplémentaire (passage de 2 sarclages chaque année pendant 3 ans suivi de deux années de
jachère sans sarclage à 2 sarclages par an) ce qui se répercute sur la productivité du travail
qui diminue. Par contre, une fois le système établi, la productivité du travail se stabilise au
niveau de celle des SAF de bas-fond soit (476 htg/homme-jour) qu’il faut diminuer des temps
de déplacement maison-parcelle qui deviennent plus important pour les systèmes de mornes.

Tableau 12 : part de la subvention restante/ homme jour



SC promu par SC promu par PTTA
PTTA + subvention versée
Part de la subvention restante après paiement
3800 2920
du sarclage (htg)
Augmentation du temps de travail (hj) 26 23
Part de la subvention restante/ augmentation
148 129
du temps de travail (htg/hj)

60

Si on prend en compte la subvention sur le sarclage restante après paiement du sarclage que
l’on divise par la surcharge de travail occasionnée par le changement de système, il apparaît
qu’un homme jour est payé entre 100 et 150 htg, soit un salaire à peine supérieur au salaire
agricole journalier (tableau 12). En cas d’aléa climatique qui réduirait l’augmentation de
production occasionnée par le projet PTTA, le travail investi serait compensé par la
subvention à un niveau moins élevé que pour les autres systèmes.

Les systèmes sont adaptés au paquet « nouvelle plantation ». Ils représentent un


environnement relativement propice à l’implantation de nouvelles agroforêts à cacao. Si l’on
compare aux systèmes agroforestiers établis, les conditions biophysiques sont peut-être
moins favorables en ceci que les terres moins arborées auront une sensibilité accrue aux
sécheresses. Par contre, il est très probable que le taux de survie des plantules, toutes
variables égales par ailleurs, soit supérieur à tous ceux des autres systèmes : à terres
« chaudes » et systèmes de plaines. Les simulations économiques mettent en évidence
l’avantage à transformer ces systèmes en agroforêts avec des conditions climatiques stables.
L’analyse système de production pourra nous éclairer pour juger de la pertinence à « boiser »
ces savanes qui jouent un rôle vivrier pour les anciens habitants des mornes.

Un système vivrier sec centré sur le manioc amer sur les terres chaudes de morne

OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
1ER SARCLAGE 6,0
2EME SARCLAGE 3,3
3EME SARCLAGE 3,3
PLANTATION MAÏS 3 godets / 3 ans 0,4
RECOLTE MAÏS VERT 4,1 sacs / 3 ans 0,2 0,2
RECOLTE MAÏS SEC
PLANTATION POIS NEG 3 godets / 3 ans 0,4
RECOLTE POIS NEG VERT 4,2 sacs / 3 ans 0,4 0,4 0,4
RECOLTE POIS NEG SEC
PLANTATION POIS CONGO 1 godets / 3 ans 0,1
RECOLTE POIS CONGO VERT 1,5 sac / 3 ans 0,2 0,6
RAMPE/BUTTE MANIOC A 6,7
PLANTATION MANIOC A semence gratuite / 3 ans 1,3
RECOLTE MANIOC A 4 sacs x 3 /3 ans 0,3 0,3 0,3
3,5 ti cassave-9,8 gwo
CASSAVE
casave x 3 / 3ans 4,8 4,8 4,8
CUEILLETTE NOIX DE CAJOU 3,2 sac riz /an 1,8 1,8
TOTAL 0,2 14,9 5,5 2,3 3,9 5,1 5,1 5,1 0,6 42,9
Figure 25 : Calendrier de travail d’un système vivrier sec de morne pour 0,25 cx

16,0
14,0
12,0
homme-jour

10,0
8,0
6,0
4,0
2,0


Figure 26: Répartition du temps de travail d’un système vivrier sec de morne (0,25 cx)

61


Ce système de culture se retrouve sur les terres chaudes, aux versants exposés au soleil
(illustration 10), présentant des sols plutôt à faible capacité de rétention en eau.

Illustration 10 : système vivrier sec à base de manioc amer en jachère

Ce sont les plus dégradés car déboisés depuis plus de cent ans pour certains, ils sont valorisés
pour le pâturage au piquet pour les ruminants. Ces terres se localisent dans les mornes de
faible altitude sur les interfluves. Aux abords de la ville, elles servent de pâturages
communaux bien qu’elles correspondent à des propriétés privées Elles sont cultivées une
année sur trois en moyenne selon le niveau de pluviométrie et parce que la fertilité est très
faible. Particulièrement adaptées au développement de l’anacardier, elles permettent une
petite production de noix de cajou à raison de 2-3 arbres pour 0,25cx. Semées en maïs et en
pois nègre en association avec le manioc amer en début de cycle, elles peuvent rester
occupées par le manioc de 9 mois à 3 ans, le manioc se conservant bien dans le sol et étant
récolté quand nécessaire, ce qui confère une certaine flexibilité sur le calendrier de récolte.
Le manioc amer est adapté à ce milieu car résistant au stress hydrique (illustration 11).

Illustration 11 : système vivrier sec à base de manioc amer sur pente

Il est cultivé en buttes alignées perpendiculairement à la pente. Les buttes permettent de lutter
contre l’érosion et de concentrer les alluvions des eaux de ruissellement. Plusieurs sarclages

62

ont lieu pendant le cycle de culture : un quand le maïs atteint le stade 1 mètre de hauteur, puis
deux étalés sur le reste de l’année une fois qu’il ne reste que le manioc en terre. Le manioc
est destiné soit à la vente soit à l’autoconsommation qui demande une étape de
transformation en cassave (galette sèche). La transformation artisanale nécessite le travail
conjugué de 5 personnes pendant une journée et de deux pendant une nuit pour 3-4 sacs de
manioc amer soit 1/3 d’une récolte annuelle sur 0,25 cx. Elle doit être faite immédiatement à
la récolte, dans la même journée. La disponibilité du « boulanger » et de son équipe (un
homme pour râper, un pour presser la pate dans une presse artisanale, un pour éplucher et
cuire le manioc) est un point sensible et peut constituer un goulet d’étranglement. On peut
attendre le boulanger pendant plusieurs semaines voir quelques mois. La flexibilité de la
période de récolte du manioc confère à l’agriculteur une certaine marge de manœuvre pour
faire correspondre son calendrier à celui du boulanger. Selon la situation socio-économique,
cette marge de manœuvre est plus ou moins limitée. Les propriétaires ayant des surfaces plus
importantes peuvent se permettre d’immobiliser des parcelles de manioc pendant plusieurs
années. En revanche, les petits propriétaires doivent parfois vendre sur pied à des acheteurs
qui ne paieront parfois pas totalement la somme due et à un prix inférieur (spirale
d’appauvrissement). Les acheteurs sont les gros moulins (3 moulins dénombrés dans un
rayon de 30 km) pouvant absorber de grandes quantités. Ils sont depuis quelques années en
arrêt suite à des négociations avec les agriculteurs qui pour répondre aux impayés ont stoppé
l’approvisionnement. La production précédente avait été vendue sur pied avec paiement
d’une avance mais le solde n’a jamais été payé.

Tableau 13 : Performance économique d’un système vivrier sec de morne (0,25 cx)

PERFORMANCE
SC pratiqué par l'agri
ECONOMIQUE
PB (htg/an) 7677
CI (htg/an) 122
VAB (htg/an) 7555
HJ 42
VAB/cx (htg/cx/an) 30219
VAB/hj (htg/hj/an) 170
SAU max (cx/actif) 1,68


De tous les systèmes de mornes ce sont les performances économiques les plus faibles en
terme de productivité de la terre et du travail (tableau 13). En raison des problèmes de
fertilité, pendant deux années sur trois, les terres ne sont pas emblavées. D’autre part, la
charge de travail que représente la transformation des tubercules en cassave réduit la
productivité la terre. Les « terres chaudes » sont peu valorisables (seulement pour les
espèces résistantes au stress hydrique) et les années de sécheresse imprévisibles mais de plus
en plus fréquentes ont de lourdes conséquences sur les cultures implantées. Ce système
permet à défaut de capitaliser, de fournir des vivres pour l’alimentation familiale, d’assurer
une petite rentrée d’argent sur des terres infertiles, ainsi que d’offrir du fourrage aux
ruminants. Le stress hydrique régulièrement présent sur ces types de système exclut
l’intervention du PTTA.

63

4. Plusieurs systèmes de plaine pour plusieurs stratégies


L’association de cultures vivrières : céréales-tubercules-légumineuse, une activité peu
rémunératrice pour assurer la consommation de la famille


Illustration 12 : système vivrier diversifié de plaine

Caractéristiques de la plaine, ces systèmes vivriers diversifiés sont composés de multiples
espèces ayant des cycles de développement différents. Ce sont avant tout des systèmes
pluviaux qui peuvent bénéficier des pluies de grande saison (mars-avril-mai) ou des pluies
de petite saison (septembre-octobre). Généralement suivi d’une jachère de un an, la mise en
culture dure un an ce qui fait une rotation sur deux ans. Face à la recrudescence de sécheresse
depuis une dizaine d’année, il est fréquent que les paysans perdent leur récolte (on évaluera
une récolte perdue tous les 3 ans). On distingue deux systèmes vivriers en fonction du
nombre d’espèces associées. D’un coté, un système composé de maïs, pois nègre, pois congo,
manioc et bananes, très diversifié mis en place par les agriculteurs dotés de petite surface qui
concentrent toute les espèces sur une seule parcelle.
OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
CHARRUE 2,1
1ER SARCLAGE 9,0
2EME SARCLAGE 5,0
3EME SARCLAGE 7,5
PLANTATION MAÏS 6 godets / 2 ans 1,2
RECOLTE MAÏS VERT 6,2 sacs de riz / 3 ans 0,4 0,4
RECOLTE MAÏS SEC
PLANTATION PN 6 godets / 2 ans 1,2
RECOLTE PN VERT 8,4 sacs / 3 ans 0,7 0,7 0,7
RECOLTE PN SEC
PLANTATION PC 2 godets / 2 ans 0,4
RECOLTE PC VERT 3 sacs / 3 ans 0,8
RECOLTE PC SEC
PEPINIERE PATATE 1,0
BUTTAGE 6000 buttes / 2 ans 7,0
PLANTATION 15,6 sacs / 2 ans 3,8
RECOLTE 12 godets / 2 ans 3,0
RAMPE/BUTTE MANIOC D Plants gratuits 1,0
PLANTATION MANIOC D 3 sacs / 2 ans 0,6
RECOLTE MANIOC D 1,0
PLANTATION BANANE MUSQUEE 150 plants / 4 ans 1,0
RECOLTE BANANE 75 régimes / 3 ans 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3
TOTAL HJ 0,3 0,3 18,7 6,1 1,5 2,5 0,3 0,3 13,2 0,3 0,3 8,6 52

Figure 27 : calendrier de travail du système vivrier diversifié avec banane de plaine


pour 0,25 cx

64

20,0
18,0
16,0
14,0

homme-jour
12,0
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0


Figure 28: Répartition du temps de travail du système vivrier diversifié avec banane de
plaine (0,25 cx)

D’un autre coté, un système développé par des paysans ayant plus de terres sans banane et
avec du gros pois qui présente plus de sensibilité aux aléas climatiques donc plus à risque.
Les cultures ici sont moins associées : une sole de maïs-pois nègre-pois congo, une sole de
manioc-maïs, en grande saison, la culture de la patate pendant la saison suivante, le tout suivi
d’une jachère d’un an.

OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
CHARRUE 2,1
1ER SARCLAGE 9,0
2EME SARCLAGE 5,0
3EME SARCLAGE 7,5
PLANTATION MAÏS 9 godets / 2 ans 1,8
RECOLTE MAÏS VERT 9,4 sacs de riz / 3 ans 0,6 0,6
RECOLTE MAÏS SEC
PLANTATION PN 6 godets / 2 ans 1,2
RECOLTE PN VERT 8,4 sacs / 3 ans 0,7 0,7 0,7
RECOLTE PN SEC
PLANTATION PC 2 godets / 2 ans 0,4
RECOLTE PC VERT 3 sacs / 3 ans 0,8
RECOLTE PC SEC
BUTTAGE 10,4
PLANTATION 9000 buttes / 2 ans 5,8
RECOLTE 23,4 sacs / 2 ans 4,5
PLANTATION GP 12 godets / 2 ans 3,0
RECOLTE GP SEC 12 marmittes / 3 ans 1,1
RAMPE/BUTTE MANIOC D 1,0
PLANTATION MANIOC D Plants gratuits 0,6
RECOLTE MANIOC D 3 sacs / 2 ans 1,0
TOTAL 1,1 19,5 5,7 1,3 1,3 18,3 3,0 8,3 58,7
Figure 29 : calendrier de travail système vivrier diversifié de plaine (0,25cx)

65

25,0

20,0

homme-jour
15,0

10,0

5,0


Figure 30 : Répartition du temps de travail du système vivrier diversifié de plaine
(0,25cx)

Cela correspond à deux stratégies, la première consiste à diversifier les espèces sur une même
parcelle pour réduire les risques de perte face aux aléas climatiques quand on sait que ces
parcelles ont un rôle fort dans la sécurité alimentaire de la famille, la deuxième consiste à
répartir les risques dans l’espaces. Dans les deux cas, les parcelles sont occupées pendant les
deux saisons de cultures pour étaler les récoltes dans l’année et sécuriser
l’approvisionnement en vivres alimentaires. La grande saison sera plutôt dédiée au maïs-pois
congo-pois nègre avec manioc. La petite saison concerne les patates qui est un des piliers des
systèmes de plaine. La petite saison est plus fraîche et les précipitations semblent plus
régulières, de quoi multiplier les chances de récolter la patate douce. Si les cultures de grande
saison précédente sont perdues pour cause de sécheresse, on peut toujours implanter un cycle
de maïs-pois nègre en association avec la patate douce. Les systèmes vivriers de plaine
permettent un retour sur investissement plus rapide et jouent un rôle important dans la
sécurité alimentaire du ménage en étalant les récoltes le long de l’année.

Tableau 14 : Comparaison des performances économiques des systèmes vivrier de


plaine

PERFORMANCE SC vivrier diversifié de SC vivrier diversifié + banane de
ECONOMIQUE SUR plaine plaine
PB (htg/an) 12610 17148
CI (htg/an) 406 754
VAB (htg/an) 12204 16394
HJ 58,66 52
VAB/cx (htg/cx/an) 48815 65576
VAB/hj (htg/hj/an) 208 315
SAU max (cx/actif) 1,4 1,27

Le système vivrier diversifié avec banane est plus performant sur tous les plans (tableau 14).
Il a une meilleure productivité de la terre, 65 576 contre 48 815 htg/cx de même qu’une
meilleure productivité du travail (315 htg/hj contre 208 htg/hj). A une échelle système de
production, les petits propriétaires n’ont qu’une parcelle pour cultiver tous les vivres et les
bananiers, les grands propriétaires ont plusieurs parcelles en plaine dont la majorité plantées
en banane et ils en ont une qui sert de garde-manger et qui n’est pas très performante mais
qui a un rôle alimentaire. C’est parce que leurs systèmes bananiers sont très performants
qu’ils peuvent se permettre d’avoir ce type de système à coté.

66

La canne en monoculture intégré à l’élevage bovin


Illustration 13 : plaine du département Nord, dominée par la culture de canne à sucre

Les systèmes de monoculture de canne se retrouvent en basse plaine où les conditions


physiques sont adaptées : sols argilo-limoneux, températures plus élevées que dans les
mornes. La plaine du nord est tournée vers la canne qui est transformée en alcool local le
clairin, et l’élevage bovin, c’est un système agraire à part entière. La production de clairin a
pris son essor à la fermeture des usines de raffinerie du sucre (1986). Dans notre zone qui
peut-être vue comme une interface entre plaine et morne, ces systèmes forment la limite
nord. Certains agriculteurs possèdent des parcelles en basse plaine et en morne d’où l’intérêt
de leur étude pour comprendre les situations des agriculteurs et la pertinence du PTTA selon
les systèmes de production. Les systèmes développés sont pluviaux sans irrigation, ils
intègrent généralement une jachère de 3 ans après la période de culture de 5 ans donnant
chaque année une repousse. La plantation de bouture est effectuée au début de ces 5 ans en
association avec de la patate douce et du maïs, il y a une récolte chaque année qui n’obéit pas
à une saisonnalité mais qui dépend de la maturité de la canne.

• La culture de canne pour les grands propriétaires



OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
TRACTEUR 1h/0,25cx/ 8ans 0,03
2EME SARCLAGE 8,1
3EME SARCLAGE 12,5
PLANTATION CANNE 1 lot bouture/ 8ans 0,6
RECOLTE CANNE + TRANSPORT vente sur pied 6250 htg
TOTAL 12,5 0,7 8,1 21,3
Figure 31 : Calendrier de travail d’un système de canne mis en œuvre par les grands
propriétaires (0,25 cx)

67


14,0
12,0

homme jour
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0

Mars

Aout
Sept
Oct

Dec
Mai
Jan
Fev

Nov
Juin
Avril

Juill

Figure 32 : Répartition du temps de travail du système de canne grands
propriétaires (0,25 cx)

Les grands propriétaires cultive la canne sur de grandes parcelles (~1 carreau). La conduite
technique varie par rapport au système mis en place par les petits propriétaires.
• Ils gèrent le pic de travail à la plantation par des accords avec les petits propriétaires de la
zone. Le grand propriétaire fournit les boutures, les petits propriétaires le travail contre la
possibilité de cultiver en début de cycle de canne, une association de patate, de maïs et de
pois nègre sur des parties de la taille d’un quart de carreau. En plus de la plantation de canne,
ils sont tenus de donner la récolte de 100 buttes de patates (~200 htg).
• Le 1er labour qui suit la jachère se fait au tracteur. Cela réduit le temps de labour à une
heure pour un 0,25 cx sans différence de coût avec le service du bœuf de labour.
• La récolte est vendue sur pied. En effet la transformation de la canne en clairin est couteuse
en terme de transport pour amener les cannes coupées au moulin (nécessité de louer plusieurs
hommes et chevaux) et pour le service de celui-ci pour la fermentation/distillation (achat de
sirop de sucre). En vendant la canne sur pieds aux propriétaires des guildives (unités de
transformation), les grands propriétaires s‘épargnent le temps de récolte, de transport et de
transformation.

La monoculture de canne pour les plus petits



OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
CHARRUE 3j / 8 ans 0,5
2EME SARCLAGE 8,1
3EME SARCLAGE 8,1
PLANTATION MAÏS 4 godets / 8 ans 0,2
RECOLTE MAÏS SEC 20 marmittes / 8 ans 0,1
PLANTATION PN 4 godets / 8 ans 0,2
RECOLTE PN VERT 5,6 sacs / 8 ans 0,6
BUTTAGE 2000 buttes 0,6
PLANTATION 0,3
RECOLTE 5,2 sacs / 8 ans 0,3
PLANTATION CANNE 1 lot / 8 ans 0,6
RECOLTE + TRANSFO 3 bidons clairin 18,1
TOTAL 0,7 0,6 8,1 0,1 18,1 2,1 8,1 37,7
Figure 33 : Calendrier de travail d’un système de canne mis en œuvre par les petits
propriétaires (0,25 cx)

68

20,0

15,0

homme-jour
10,0

5,0

Figure 34 : Répartition du temps de travail du système de canne petits


propriétaires (0,25 cx)

Les petits propriétaires font appel à des bouviers de Saint-Raphaël pour labourer leurs
parcelles. Le bouvier fait en 3 jours ce que le tracteur fait en une heure pour le même prix.
Ceci ne pose pas de problème en soi puisque le bouvier est autonome, en revanche cela peut
réduire la fenêtre de temps pour la plantation et limiter la réactivité quand arrivent les
premières pluies. La récolte est faite en groupe avec des petits paysans selon une forme
particulière de travail. Ces paysans récoltent la canne en groupe de 15 ou 20 sans
rémunération, mais en échange ils ont le droit de récupérer une partie de la plante appelée
« tèt kann » destinée à l’alimentation des bœufs qu’ils possèdent. Le propriétaire doit louer le
service d’un cavalier avec son cheval de bât pour amener la récolte à la guildive (unité de
transformation de la canne en clairin). Les tiges de cannes doivent être mises à fermenter
dans de l’eau en présence de sirop de canne (accélérateur du processus de fermentation)
lequel est à la charge de l’agriculteur. Enfin le guildivier prend ¼ de la quantité de clairin
obtenue en fin de process pour le service rendu.

Tableau 15 : comparaison de la performance économique des systèmes de canne (0,25


cx)
PERFORMANCE
Canne grand propriétaire Canne moyen/petits propriétaire
ECONOMIQUE SUR
PB (htg/an) 5208 14875
CI (htg/an) 188 8105
VAB (htg/an) 5021 6770
HJ 21 38
VAB/cx (htg/cx/an) 20083 27082
VAB/hj (htg/hj/an) 236 180
SAU max (cx/actif) 3,5 2

Les petits propriétaires créent une VAB/cx beaucoup plus importante que les grands
propriétaires, mais au prix d’un investissement important en CI couteuses (transport, sirop).
De même le travail investi pour le labour comme pour la transformation limite en revanche la
productivité du travail qui est inférieure à celle des grands propriétaires (tableau 15). Il
semble logique que ces derniers non limités en surface cherchent plutôt à optimiser la
productivité du travail contrairement aux petits propriétaires encore une fois prêts à travailler
plus, pour une VAB/jour de travail moindre mais un revenu agricole supérieur.

69

Les bananeraies : un système productif essentiellement mis en place par les grands
propriétaires

OPERATION / TPS W Intrant/Produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
PREPARATION TERRE 5,0
2EME SARCLAGE 3,0
3EME SARCLAGE 10,2
PLANTATION MAÏS 9 godets/ 5 ans 0,7
RECOLTE MAÏS SEC 45 marmittes/ 5 ans 0,2
PLANTATION POIS NEG 6 godets / 5 ans 0,5
RECOLTE POIS NEG VERT 8,4 sacs / 5 ans 0,7 0,7
PLANTATION BANANE MUSQUEE 400 plants / 5 ans 3,4
RECOLTE BANANE 200 régimes 3 / 5 ans 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7
TOTAL 0,7 0,7 10,3 4,3 1,3 0,7 0,8 0,7 0,7 0,7 0,7 10,9 32,4
Figure 35 : Calendrier de travail d’un système banane pour 0,25 cx

TOTAL HJ

12,0
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0


Figure 36: Répartition du temps de travail du système banane (0,25 cx)


Les systèmes à base de bananiers se développent surtout dans les plaines mais aussi sur les
plateaux d’accumulation. C’est un système de culture à forte valeur ajoutée mis en place
principalement par les grands propriétaires car l’investissement la première année pour se
procurer les plants peut être prohibitif pour les ménages ayant un manque de trésorerie. Les
variétés sont essentiellement la banane plantain et la banane poban, toutes adaptées au plein
soleil. Les bananiers sont cultivés pendant 3 ans avant d’être arrachés puis suivent 2 années
de jachère. La productivité de la terre est comparable à celle des SAF complexes et c’est un
système qui demande peu de travail donc à forte productivité du travail (tableau 16).

Tableau 16 : Performance économique du système banane pour 0,25 cx



PERFORMANCE
SC pratiqué par l'agri
ECONOMIQUE
PB (htg/an) 19164
CI (htg/an) 1075
VAB (htg/an) 18089
HJ 32
VAB/cx (htg/cx/an) 72357
VAB/hj (htg/hj/an) 559
SAU max (cx/actif 2,3

70

Implantation du PTTA dans les systèmes de plaine

Les conditions physiques en plaine sont réunies pour que le système promu par le paquet NP
puisse exister (sols profonds, riches en particules fines, nappe phréatique proche). Des
systèmes agroforestiers ont déjà existé au temps des grands dons et il reste quelques parcelles
en place. Dans le cas où les conditions climatiques seraient favorables à son implantation,
l’effet du paquet technique en plaine correspondrait à une conversion des systèmes initiaux
(canne, banane, système vivrier) en systèmes agroforestiers complexes comme ceux que l’on
rencontre dans les bas-fond de Milot ; systèmes dont la productivité de la terre est trois fois
supérieure à la plupart des systèmes de plaines (excepté la banane). Les petits propriétaires
auraient tout intérêt à convertir leur système. Depuis une dizaine d’année la plaine est
régulièrement soumise à des aléas climatiques forts (sécheresse) qui peuvent rendre la phase
d’installation de l’agroforêt délicate notamment pour les jeunes plantules de cacaoyers et les
ignames sensibles au stress hydrique. Les petits propriétaires n’ont peut-être pas les moyens
d’investir du temps de travail par rapport à ce niveau de risque. Pour les grands propriétaires
de basse plaine, les surfaces peuvent expliquer l’intérêt pour des systèmes de cultures peu
exigeants en travail comme la canne (20 hj/0,25 cx).



71

5. Comparaison des différents systèmes de culture
VAB/cx

150000

120000
(htg/cx/an)

90000

60000

30000


Figure 37 : Comparaison de la productivité de la terre des différents systèmes de
culture

Actuellement, les systèmes de cultures les plus performants sont les systèmes agroforestiers
de bas-fond (figure 37). Ils ont une grande productivité de la terre qui est reliée à la densité
élevée des peuplements et notamment des cacaoyers. D’autre part, ils demandent peu de
travail et celui-ci est réparti tout au long de l’année comme par exemple les récoltes. Cela en
fait un des systèmes à la meilleure productivité du travail. En comparaison, le système
agroforestier de versant 1 est moins productif à cause de la faible densité en cacaoyers mais
reste supérieur aux systèmes vivriers de plaine et de morne. La très faible densité de
cacaoyers, de bananiers du système agroforestier de versant 2 en fait le système le moins
productif des trois avec un niveau de productivité de la terre équivalent à ceux des systèmes
vivriers.

VAB/hj Salaire agricole

600

500
htg/hj/0,25cx

400

300

200

100

Figure 38 : Comparaison de la productivité du travail des différents systèmes de


culture pour 0,25 cx

72

Les systèmes les plus productifs sur le plan du travail sont les systèmes bananiers (figure 38).
Certains paysans ayant capitalisé et voulant se développer misent sur la banane. Les terres
pour la cultiver, en plaine, sont beaucoup plus accessibles en terme de prix et bien
qu’appartenant à l’état, montrent une apparente sécurité foncière. Cette situation pourrait se
renverser en cas de confiscation des terres par l’état pour y installer des grandes exploitations
capitalistes à l’instar des plantations biologiques de banane de Trou du Nord qui ont
commencé à exporter cette année des régimes en direction de l’Europe. Ces plantations
capitalistes tendent à concurrencer celle de la République Dominicaine notamment sur le
coût de la main-d’œuvre. En cas de volonté politique d’implanter cette culture, les
agriculteurs dont les revenus dépendent de la plaine devraient soit travailler comme main
d’œuvre bon marché pour ces bananeraies, soit revenir dans les mornes mais cela
augmenterait la pression foncière. Pour ces raisons, il peut être risqué d’investir dans la
transformation des systèmes de plaine en systèmes agroforestiers.

Des prix du foncier en lien avec les systèmes de culture mis en œuvre

Le prix du foncier est relié à la productivité de la terre (tableau 17) et varie en fonction de :

à son occupation: les parcelles agroforestières denses se vendent plus chère que les
parcelles peu boisées. Les arbres représentent un capital biologique multifonctionnel qui peut
être mobilisable (via la coupe ou le charbon) en cas de besoin.

à sa potentialité agronomique : la topographie liée ici aux potentialités agricoles explique la


différence de prix entre les terres occupées par ces systèmes de cultures (SAF bas-fond, SAF
versant 1, SAF versant 2). Les terres occupées par des systèmes vivriers secs sont les terres
les moins couteuses car moins fertiles (sableuses, faible capacité de rétention en eau et taux
de matière organique).

à son accès : les terres situées en bas-fond à proximité des routes (capacité d’écoulement de
la production optimale), du front d’urbanisation seront toujours plus chères que celles situées
dans les mornes (temps de trajet et pénibilité du transport de produits).

Les terres de plaines ont des prix équivalents quelque soit le type de système de culture
implanté. Leurs sols sont assez homogènes présentant des potentialités agricoles voisines.
Leur prix élevé, qui peut paraître étonnant pour des terres qui se vendent sans titre foncier et
que l’état peut réclamer à tout moment, s’explique parce qu’elles peuvent être très rentables
si plantées en bananes, par leur accessibilité géographique et la possibilité de bâtis. Les terres
les plus intéressantes en terme de capitalisation (système agroforestier de bas-fond) sont aussi
les terres qui sont les plus chères et inaccessibles pour la majorité des paysans.

Tableau 17 : Comparatif des différents prix du foncier à l’achat pour 0,25 carreau selon
les systèmes de cultures mis en place

Type de système de culture implantés Intervalles de prix (htg)


Système agroforestier de bas-fond 500 000 – 1 000 000
Système agroforestier de versant 1 250 000 – 500 000
Système agroforestier de versant 2 150 000 – 250 000
Système de plaine 150 000 – 250 000
Système vivrier diversifié morne 75 000 – 150 000
Système vivrier manioc > 75 000

73

III. Une diversité de systèmes d’élevage pour divers


fonctions dans les exploitations agricoles et dans
l’économie des ménages

La majorité des familles agricoles n’ont pas eu accès aux zones agroécologiques les plus
productives donc aux possibilités de capitalisation pour maintenir un système productif et
viable. Les divisions par héritage ont conduit à la décapitalisation biologique et foncière.
Forcées à la pluriactivité, à la vente de main d’œuvre pour pouvoir s’agrandir, l’élevage a
constitué et constitue un moyen d’épargne fondamentale pour capitaliser progressivement
d’autant qu’il n’est pas directement lié à la surface en propriété puisque possible en bord de
chemin et en vaine pâture. Les différents types d’élevage présents sur zone (bovin, porcin,
caprin, équin, volaille) offrent des capacités d’épargne différentes sur des pas de temps
différents. Tous les élevages rencontrés dans la zone sont caractérisés par la faible taille des
cheptels et par l’alimentation des animaux qui est conduite au piquet (excepté pour les
volailles). Les élevages développés sont en propriété ou en gardiennage. C’est un contrat
entre le propriétaire de l’animal et le gardien. Celui-ci garde l’animal, s’occupe de
l’alimentation, la mise en pâture. La reproduction est décidée par le propriétaire et se fait au
piquet. Le gardien récupère un petit, une naissance sur deux, peut toucher un quart de la
valeur de la mère quand mise à la réforme et le lait pendant la période d’allaitement pour les
bovins. Il se pratique principalement pour les bovins mais peut aussi se faire plus rarement
avec les porcs et les caprins. Cette pratique joue un rôle très important dans les stratégies de
capitalisation des jeunes agriculteurs en début de cycle de vie. Il permet à ceux qui n’ont ni
capital, ni héritage mais qui peuvent investir du travail de se faire un revenu supplémentaire
avec l’espoir à terme de se constituer un cheptel.

1. L’élevage de volaille pour des dépenses ponctuelles et pour


l’alimentation familiale

L’élevage de volaille, majoritairement de poulet, est l’élevage le plus petit, avec le rythme de
vente le plus rapide, mais sur des niveaux de prix bas (tableau 18). Le rapport
bénéfice/capital et travail investi est fort. Les poulets sont vendus pour subvenir aux petites
dépenses ponctuelles ou pour l’autoconsommation familiale lors des fêtes. Ils sont vendus sur
pied sur place. Les œufs ne sont pas vendus mais consommés par la famille. Les volailles
sont élevées en divagation et valorisent les déchets de la cellule familiale. Il n’y a aucun frais
excepté ceux des vaccins une fois par an.

Tableau 18 : performances économiques de l’élevage de volaille pour 1 poule



PERFORMANCES ECONOMIQUES 1 poule
PB (htg/an) 1675
CI (htg/an) 500
VAB (htg/an) 1175
HJ 9
VAB/hj (htg/hj/an) 186

74

2. L’élevage caprin naisseur, une capitalisation intermédiaire
plus flexible

L’élevage caprin8 est l’élevage le plus répandu dans les mornes. Il permet des niveaux
d’épargne intéressants (tableau 19), sans nécessiter d’investissement en capital. Il peut être
mobilisé pour payer une partie des dépenses importantes (frais de scolarité, frais temporaires
d’hospitalisation) et peut servir à compléter une grosse somme d’argent dans l’achat d’une
terre. Il demande une disponibilité quotidienne de la part de l’éleveur. Les caprins sont élevés
au piquet en bord de chemin ou sur des jachères de systèmes vivriers de morne. Ils sont
changés d’endroit deux fois par jour et ont bonne résistance au manque d’eau dans les
pâturages, ils s’abreuvent sur le chemin du pâturage dans des sources ou chez le
gardien/propriétaire la nuit. Le temps de trajet pour aller attacher les chèvres dépend de la
distance domicile-lieu d’attache. Pour les agriculteurs habitant encore dans les mornes, cette
distance est réduite, ce qui diminue l’investissement en temps, un enfant peut s’occuper des
animaux pour 30 minutes par jour. Pour les habitants du bourg qui ont encore leur parcelle
dans les mornes, ils longent les chèvres le matin jamais très loin de leur lieu de travail. Ils les
redescendent le soir en rentrant chez eux. La durée consacrée à l’élevage est réduite, estimée
entre 30 minutes et une heure par jour. Les caprins valorisent bien les pâtures sèches, les
épineux et autres arbustes des replats sommitaux. En avril-septembre, leur alimentation est
assurée aussi par les mangues. La reproduction, comme pour tous les herbivores se fait avec
un mâle d’un agriculteur voisin au piquet. Les deux animaux sont longés au même endroit.
La prolificité d’une chèvre allaitante est de 4,5 chevreaux, elle donne naissance à 1 ou 2
chevreaux par portée (50% de chance pour l’un et l’autre), à partir de 18 mois et ce pendant
trois ans de vie productive. Le taux de perte (mortalité et vol) est de 20% dans les mornes ce
qui est important (chute, étranglement avec la longe). Le potentiel d’augmentation du cheptel
est le plus important pour l’élevage caprin (de 1 à 5 bêtes). Capable de valoriser une grande
diversité de végétaux, les chèvres sont flexibles sur l’alimentation. Les agriculteurs ayant des
petites surfaces peuvent augmenter leur troupeau sans que l’alimentation soit un goulet
d’étranglement car les mornes « dégradées », exploitées en systèmes vivriers sont accessibles
en vaine pâture. D’autre part, le travail que demande un troupeau de 5 chèvres n’est pas plus
élevé que celui qu’il demande pour une. Au delà, le travail de surveillance pendant les
périodes où les animaux ne sont pas attachés (montée et descente dans les mornes), ainsi que
celui lié aux pertes des animaux (quand la longe se rompt) requiert la présence d’un
deuxième actif. L’augmentation du cheptel est limité par les déséquilibres de trésorerie à
certaine période de l’année (rentrée scolaire, fête de fin d’année, achat de vêtement) pour les
agriculteurs qui sont proches du seuil de survie ; ils doivent vendre les chevreaux pendant ces
périodes critiques. L’élevage caprin est mis en place par la plupart des métayers/petits
propriétaires des mornes ou des piedmonts.

Illustration 14 : Cabrit au piquet


Tableau 19 : Performances économiques de


l’élevage caprin (1 chèvre)

PERFORMANCES ECONOMIQUES 1 chèvre
PB (htg/an) 7183
CI (htg/an) 0
VAB (htg/an) 7183
HJ 73
VAB/hj (htg/hj/an) 98

8 Les agriculteurs n’étant pas capables de nous renseigner sur les races, nous ne pourrons les préciser.

75


3. L’élevage porcin, une activité génératrice de revenu mais


exigeante en temps


L’élevage naisseur porcin est un élevage au piquet qui se pratique aux abords du domicile.
Son exigence sur le plan alimentaire en fait un élevage intensif en temps de travail. C’est un
élevage peu mobile qui requiert de l’agriculteur un temps important pour collecter la
nourriture (mangues, déchets, résidus de cultures, fruit de l’arbre à pain etc.). En contrepartie
il peut se faire sans grande surface foncière. Il est globalement moins répandu que l’élevage
bovin et caprin. Une truie donne naissance à 8 petits par portée. La mortalité est de 12,5%.
Les porcelets sont vendus à des âges différents. Une femelle est gardée tous les 4 ans pour le
renouvellement, le reste est vendu à 3 mois. Un porc est gardé pendant deux ans pour qu’il
serve de reproducteur à d’autres élevages voisins. En retour les éleveurs voisins
disponibiliseront un porc pour la reproduction de la mère. Les autres porcs sont vendus à 3
mois. L’objectif de production est de vendre le plus grand nombre de porcelets jeunes avant
que la charge de travail nécessaire à l’alimentation des porcelets en plein développement ne
soit trop importante. Cet élevage concerne les petits et moyens agriculteurs qui, ayant du
temps à investir n’ont pas beaucoup de foncier. Il n’est presque jamais dédié à la
consommation de la famille mais joue un rôle important dans la trésorerie puisqu’il permet
une rentrée simultanée de moyens revenus avec la vente de plusieurs porcelets (1000 htg)
(tableau 19). L’argent peut servir aux dépenses alimentaires, aux frais plus exceptionnels et
peut même compléter l’argent des bovins pour l’achat de terre.

Tableau 19 : Performances économiques de l’élevage porcin pour une truie



PERFORMANCES ECONOMIQUES 1 truie
PB (htg/an) 14250
CI (htg/an) 5200
VAB (htg/an) 9050
HJ 109
VAB/hj (htg/hj/an) 82

76

4. L’élevage équin, un revenu complémentaire lié au tourisme

Illustration 15 : jument au piquet et poulain


Les chevaux ont toujours servis pour les
déplacements et le transport des
marchandises, soit pour le propriétaire, soit
en tant que service rémunéré. Avec le
développement du tourisme, surtout sous
années Duvalier (classement de la citadelle
et du palais Sans-souci au patrimoine
mondial de l’Unesco, aménagement des
infrastructures) les chevaux ont permis à
leur propriétaire d’avoir un revenu
supplémentaire grâce à sa location aux
touristes pour la montée à la citadelle.
Aujourd’hui en un mois, à raison de deux
locations par mois, un propriétaire peut gagner 20 US$ (montant auquel il faut soustraire le
montant payé aux intermédiaires), soit 1000 gourdes ce qui représente 10 fois le coût du
travail agricole journalier. Avec la démocratisation des motocyclettes, les touristes gagnent
un temps précieux dans l’ascension vers citadelle, la demande en location a diminué,
réduisant le nombre de loueurs et les revenus. On distingue deux types d’élevage équin.
L’élevage naisseur (annexe 5) et l’élevage à des fins de locations. Dans le premiers cas, c’est
un élevage où les revenus sont liés à la vente de poulains. Les animaux sont aussi un outil de
travail pour le transport des récoltes, ils rendent un service qui ne peut pas être évalué
économiquement. Cet élevage est présent dans les zones de canne, où le transport de la
récolte ne peut se faire qu’a cheval, et dans les mornes pour les agriculteurs ayant un
parcellaire éclaté et distant du lieu d’habitation. L’élevage concerne les moyens propriétaires
ayant déjà pu capitaliser. Les plus petits propriétaires préfèrent investir leur temps dans
l’élevage caprin ou le gardiennage de bovin, plus rémunérateurs et indispensables à leur
stratégie de capitalisation. Dans le deuxième cas, le propriétaire n’a pas de jument mais
achète un poulain à 18 mois, plus résistant au transport des charges lourdes (touristes) que les
femelles. Les revenus viennent directement de la location du cheval aux touristes (tableau
20). Ces chevaux demandent plus d’entretien et de soins. Les animaux se nourrissent en
journée sur les jachères des systèmes vivriers ; en période de raréfaction de la ressource
fourragère, l’agriculteur complète l’alimentation par du fourrage acheté et du fourrage
prélevé dans le palais sans-souci qui est entourée d’un grand espace herbacé. Dans les deux
cas, c’est un élevage mobile, au piquet, l’abreuvage est fait à la rivière.

Tableau 20 : Performances économiques de l’élevage équin pour une jument et de


l’élevage à des fins touristique

Perf. Economique pour 1 jument Elevage naisseur Elevage tourisme
PB (htg/an) 6775 19200
CI (htg/an) 1000 10000
VAB (htg/an) 5775 9200
Amortissement 0 433
VAN (htg/an) 0 8767
HJ 30 73
VAB/hj (htg/hj/an) 193 126

77

5. L’élevage bovin naisseur, épargne pour les besoins financiers
exceptionnels
Animaux herbivores mobiles élevés au piquet, les bovins sont les meilleurs moyens
d’épargne (annexe 4). Ils permettent une capitalisation à long terme et libèrent une grosse
somme, adaptée aux dépenses importantes et
exceptionnelles comme les achats de terre, les
funérailles ou les mariages (tableau 21). D’autre
part, ils assurent une production laitière après
chaque vêlage assurant par la même un revenu
d’appoint avec la vente de ce lait. Ces animaux
demandent moins de temps d’entretien que les
cochons mais plus que les chèvres. Ils sont plus
exigeants sur la fréquence d’abreuvage et
demandent des pâtures de meilleure qualité que
celle des chèvres, les bovins ne peuvent pas, par
exemple, être longés dans les friches arbustives
sèches. Les pâturages « communaux » (soumis à
la propriété privée mais tolérés car terre
impropre à la culture du fait d’une dégradation
historique) permettent là encore aux petits
propriétaires/métayers sans propriété foncière
importante de pourvoir à l’alimentation de leurs
bêtes. Les jachères des systèmes vivriers jouent
aussi un rôle important dans l’alimentation.
Deux déplacement sont nécessaires par jour ce qui représente un temps variable selon la
localisation de l’habitation. L’élevage bovin qui est tributaire des espaces ouverts et herbacés
se concentre principalement sur deux zones agroécologiques définis plus haut : la zone de
plaine avec notamment, les systèmes vivriers en rotation avec une jachère sur les terres
déchoukés et la zone de transition entre plaine et morne (plateau de la Salle) offrant des
pâturages sur les jachères et bords de chemin. Pour les habitants proches des plaines, le trajet
pour déplacer les bêtes représente 30 mn à 1h par jour. Pour les propriétaires des mornes
habitant au bourg, la vache est laissée la nuit dans les mornes (depuis la loi obligeant le
marquage sous le mandat de Martelly, les vols ont très fortement diminué). Ils possèdent
encore leurs parcelles sur le plateau, le temps passé à monter pour aller déplacer les bêtes
n’est pas perdu puisque qu’ils en profitent pour visiter et entretenir les parcelles. Cela
représente une à une heure et demie par jour consacrée à l’élevage. Pour les petits
propriétaires, l’augmentation du cheptel bovin est assez limitée, pour ceux qui n’ont pas
d’impératifs de vente (trésorerie), il peut monter à 3-4 têtes en plaine et 1-2 têtes dans les
mornes. La conduite technique est la même pour les bovins en gardiennage. La monte est
naturelle et se fait au piquet. La prolificité d’une vache est de un, la mortalité est faible. Si
l’élevage bovin en gardiennage est un moyen d’épargne idéal pour les jeunes ne pouvant pas
capitaliser, le corolaire est aussi vrai : c’est un moyen idéal pour les grands propriétaires de
faire fructifier leur capital. L’élevage s’apparente alors à un élevage de rente.

Tableau 21 : Performances économiques de l’élevage bovin pour une mère



PERFORMANCES ECONOMIQUES 1 vache
PB (htg/an) 14600
CI (htg/an) 650
VAB (htg/an) 13950
hj 73
VAB/hj (htg/hj/an) 191

78

IV. La pluriactivité, condition vitale pour certains, choix


pour d’autres

La diversité des systèmes de cultures (systèmes agroforestiers, systèmes vivriers, systèmes
commerciaux de plaine) et des systèmes d’élevage explique la grande diversité de systèmes
de productions. Cette diversité peut se structurer (comme vu précédemment) selon 3
catégories sociales : petits propriétaires/métayers/fermiers, moyens propriétaires et grands
propriétaires. Les catégories reflètent les moyens de productions dont les agriculteurs
disposent et les contraintes auxquelles ils doivent faire face. Ils n’ont pas les mêmes dotations
en moyens de production : les petits propriétaires/métayers sont peu dotés d’un point de vue
foncier, disposent de peu voire de pas de capital mais sont en revanche peu limités sur la
quantité de travail qu’ils peuvent investir. Les grands propriétaires disposent d’une assise
foncière suffisante, et qui plus est, dans les zones d’accumulation ou de bas-fond, pour que le
facteur limitant soit leur propre travail. Ils peuvent cependant compenser ce manque par
l’achat de main-d’œuvre extérieure. Les moyens propriétaires sont une catégorie
intermédiaire entre ces deux extrêmes. Chaque catégorie peut se décliner en plusieurs
situations selon le lieu d’habitation qui indirectement renseigne sur la localisation des
parcelles et leurs régimes fonciers et le moment auquel il se situe dans le cycle de vie.

Considérer seulement les systèmes de productions ne suffit pas, il est nécessaire de prendre
en compte la dimension du système d’activité. En effet les nombreuses enquêtes réalisées
dans la zone nous ont permis de mettre en évidence une chose : c’est que si l’agriculture de
Milot est un moyen de subsistance pour les plus précaires, elle n’est jamais une fin en soi. En
effet, depuis les années Duvalier, une préoccupation majeure au sein de la paysannerie n’a
cessé de grandir : c’est d’assurer une bonne instruction à sa descendance pour lui donner
accès à d’autres horizons que l’agriculture. L’agriculture n’est plus assez rémunératrice pour
les plus pauvres, elle ne permet pas à elle seule de subvenir aux besoins d’une famille. En
cause, le peu de moyens de production accessibles et le coût des biens et services quotidiens.
Les plus précaires sont donc obligés de diversifier les sources de revenus avec d’autres
activités agricoles ou non-agricoles. Pour les familles mieux dotées ayant eu accès à des
moyens de production plus importants, un transfert de l’agriculture vers d’autres secteurs
d’activités secondaires ou tertiaires avait déjà pu s’opérer grâce aux capacités de
capitalisation accrues permises par les systèmes agroforestiers de bas-fond. Selon l’accès au
foncier, sa localisation, la capitalisation en SAF et/ou élevage liés à l’héritage et au cycle de
vie de la famille, les agriculteurs mettent en œuvre des SP diversifiés. En combinant les
systèmes de cultures et d’élevage présentés ci avant, il est possible de modéliser chaque
situation. Cependant, trois exploitations archétypiques permettent de représenter cette
diversité, de comprendre les stratégies mises en place et les trajectoires de vie qui permettent
éventuellement de passer d’une situation à l’autre ainsi que la pertinence et l’impact du
PTTA. Elles permettent de représenter les différentes situations économiques révélatrices des
dynamiques actuelles.

79

1. Les petits métayer/propriétaires des mornes

Cette cellule familiale est composée de 2 actifs trentenaires9 (1,5 actif agricole), le chef de
famille travaillant à temps plein et sa femme partiellement. Ils vivent aussi avec un parent
âgé qui est considéré comme 0,25 actif et qui s’occupe des 4 enfants en bas-âge quand les
parents travaillent et qui peut participer aux opérations de récoltes (maïs, pois nègre, pois
congo etc.).

Tableau 22 : performance économique du système de production



Système de culture Surface (cx) VAB Coûts Main d'œuvre Régime
SAF versant 1 0,25 22496 4080 Métayer
Système vivrier morne 0,25 14692 1585 Propriétaire
Système d'élevage Caractéristique VAB
bovin 1 vache en gdn 5919

Partant sans capital et avec un foncier limité au moment de leur installation car venant de
familles nombreuses et défavorisées, leur stratégie repose sur le travail, seul moyen de
production dont ils sont dotés. Ils commencent dans l’agriculture avec une parcelle familiale
héritée ou cédée qui se situe dans les mornes (tableau 22). La première parcelle en propriété
est cultivée en vivrier (SC vivrier de morne) pour assurer la sécurité alimentaire du jeune
ménage. Pour compenser le peu de surface agricole, ils cherchent à prendre en faire-valoir
indirect des systèmes agroforestiers. Selon la zone dans laquelle ils vivent, les opportunités
sont différentes. Il y a deux types de faire valoir indirect dans Milot. Le métayage concerne
les systèmes de cultures les plus productifs (SAF de bas-fond surtout mais aussi SAF v1)
stables face aux perturbations climatiques, qui assurent un approvisionnement quasi-constant
en produits. Le fermage quant à lui concerne les systèmes moins productifs et plus reculés
comme ceux des mornes généralement SAF ex-caféiers dont les performances économiques
sont moins régulières d’une année sur l’autre. Ces agriculteurs cherchent à travailler les
parcelles agroforestières en particulier pour :

• la relative forte productivité de la terre et du travail du système parmi toutes les possibilités
existantes.

• la complémentarité et la diversification sur le plan alimentaire, (d’autres produits arrivant à


maturité à d’autres périodes que le SC vivrier), mais aussi au niveau du calendrier de travail
(les calendriers culturaux sont décalés dans le temps et permettent une bonne répartition de la
charge de travail. D’autre part, les systèmes agroforestiers permettent de répartir les risques
sur un nombre plus élevé d’espèces avec des caractéristiques différentes et localisées dans
des agroécosystèmes qui tempèrent plus les variations climatiques. En cas de chute d’arbre
ou de maladie, celui qui exploite la terre est autorisé à faire du charbon, mais l’exploitation
minière est interdite. Elle consiste à couper plus que ce que le système peut renouveler. Pour
un SAF de bas-fond, on peut faire une dizaine de sacs de charbon tous 8 ans. En dessous d’un
intervalle de 5 ans entre deux gros fours à charbon, le système ne peut pas se renouveler.
Pour les systèmes agroforestiers exposés sud, ce seuil est plus bas10.

Ensuite, comme les surfaces sont trop faibles pour dégager un revenu suffisant, ils prennent
un bovin en gardiennage faute de capital pour investir dans leur propre cheptel. Un bœuf en
gardiennage doit être déplacé au minimum deux fois par jour ; ces agriculteurs déplacent les

9 Dans les mornes, il est fréquent de croiser des trentenaires n’ayant pas pu capitaliser assez pour
s’agrandir.
10 Il arrive parfois que le métayer fasse du charbon malgré l’interdiction sans prévenir le propriétaire ce
qui peut déboucher sur des conflits. Aucune instance n’est efficace pour régler ce problème.

80

animaux le matin avant d’aller travailler comme ramponiste chez d’autres propriétaires et les
abreuvent et les re-déplacent après avoir quitté le rampono. La zone d’action d’un ramponiste
est relativement fixe, elle dépend de son réseau social donc du lieu d’habitation : pour un
ramponiste venant des mornes, il connaitra généralement des employeurs dans cette zone et il
laissera son bœuf dans cette zone. Les terres les plus dégradées dans les mornes font office de
pâturages communaux informels, les bords de route et les zones d’éboulis calcaires couvertes
de friches du bonnet-à-évêque jouent aussi le rôle de pâturage pour les petits paysans sans
surface. Les revenus agricoles (tableau 23) de l’ordre de 16 000 htg/actif familial ne suffisent
pas à couvrir les besoins incompressibles du ménage11 (annexe 6). Pour compléter le revenu,
l’agriculteur vend sa force de travail comme journalier intégrant une équipe de rampono.
Cependant même au maximum de sa capacité de travail (figure 38 : calendrier de travail),
cela ne suffit toujours pas à couvrir les besoins de la famille. L’épouse fait de l’’achat et
revente de produits de base en profitant de la forte demande en produits alimentaires au Cap-
Haïtien.

Tableau 23 Performance des systèmes de production et d’activité pour les métayers /


petits propriétaires

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE
Amortissement 480 RA 27964
VAN 42627 VENTE MO + charbon 26700
Salaire ouvrier 5664 COMMERCE 22500
Métaye/Fermage 8998 REVENU SA 77164
Actif Agricole 1,75 REVENU/ACTIF F 38582
SAU Totale (cx) 0,5
SAU/Actif 0,3
VAN/carreau 85253
VAN/Actif 24358
Revenu Agricole 27964
SAF v1
RA/Actif 15979


S vivrier
diversinié
morne




11 Les besoins incompressibles du ménage sont estimés à 33 687 htg/an/actif

81

SAF v1 S vivrier diversinié morne
Elevage bovin Rampono
Charbon commerce
70 W disponible (1,75 actifs)

60
Homme-jour (x5h)

50

40

30

20

10


Figure 38 : Calendrier de travail des métayers /petits propriétaires


Le paysan s’occupe de toutes les opérations quand sa femme ne participe qu’aux récoltes. La
femme est commerçante de vêtements, savons ou autre, ce qui l’occupe au moins un quart du
temps12. En moyenne, un actif masculin est capable de fournir 25 homme-jour de travail par
mois mais cette quantité de travail est modulable selon les besoins. L’activité sur leur propre
exploitation agricole est limitée par les surfaces disponibles et ils ont besoin d’avoir un
salaire journalier pour subvenir aux besoins de la famille. L’homme s’emploie au maximum
comme journalier dans d’autres exploitations pendant que la femme fait du commerce. Dans
les périodes où les dépenses sont élevées, l’actif complète ses activités par la transformation
de charbon en « deux-moitié » 13 si un agriculteur cherche de la main d’œuvre. Sans ces
revenus complémentaires ces familles devraient décapitaliser (animaux d’abord, bois comme
les chênes présents sur les parcelles vivrières, terre finalement). Certains mois sont
surchargés en travail et il faut travailler plus de 25 j ou plus de 5h/j. Les pics de travail
agricole sur leurs propres parcelles correspondent à un sarclage qui est, pour les petits
paysans, réalisé sous forme de combite. Ces familles sont très vulnérables. La gestion de la
trésorerie est tendue.






12 Elle travaille en moyenne 15 jours par mois pendant 6 mois de l’année et s’occupe des taches ménagères,
approvisionnement en eau etc.
13 Un propriétaire souhaitant abattre un arbre pour en faire du charbon peut faire appel à un « métayer »,
moyennant 60% de la production finale.

82

20000

15000
PB charbon

10000 PB élevage

PB commerce
5000
PB vente de main d'œuvre
0
PB agroforet v1

-5000 PB S vivrier morne

-10000 Dépense agroforêt versant 1

Dépense S vivrier morne


-15000
Dépense consommation
-20000 ménage
Depense élevage bovin

-25000

Figure 39 : Calendrier de trésorerie des métayers /petits propriétaires




Même si le ménage n’est pas déficitaire net à l’année sur la trésorerie, il est déficitaire
légèrement en janvier, mars, mai (~1000 htg) et beaucoup plus lourdement en septembre
(figure 39). Cette période critique (3068 htg de déficit) est le mois des dépenses scolaires
(inscriptions, achat de matériel scolaire, réalisation des uniformes). Pour compenser cette
sortie, l’agriculteur n’a pas beaucoup de choix : il lui faut vendre une génisse ou un taureau
quand c’est possible (une année sur deux au mieux car il donne un veau/deux au
propriétaire), travailler en tant que salarié agricole et faire du charbon, ensuite il peut vendre
un arbre sur pied dans son système vivrier diversifié de morne, diminuer le budget consacré à
la nourriture, ne pas scolariser un enfant, ou préparer les uniformes à l’avance. La
capitalisation du ménage est impossible ou très lente. Pour acheter une parcelle agroforestière
(hors SAF de bas-fond car trop cher) de 0,25 cx, il faudrait débourser entre 150 000 et 250
000 htg, ce qui équivaut à pouvoir économiser 15 000 à 25 000 htg par an pendant 10 ans,
impossible en l’état. Cela les pousse à acheter si ils le peuvent des parcelles de système
vivrier de morne accessibles dans la fourchette basse à 75 000 htg. La capitalisation repose
sur les multiplications de contrat de métayage/fermage plus productif. Les enfants
grandissant peuvent soit aider, soit être pris en charge par de la famille mieux dotée réduisant
ainsi les besoins. Les bonnes années, productives, peuvent permettre, si la trésorerie
s’équilibre, de ne pas vendre une génisse ou un taureau initiant un élevage bovin en propriété.




83

Impacts du PTTA sur l’organisation du système de production

En théorie, les conditions d’éligibilité du PTTA empêchent les métayers et fermiers d’avoir
accès au projet. Dans la réalité, il peut arriver que des non-propriétaires aient accès au PTTA.
D’autre part, des cas ont été répertoriés où la procédure de sélection a été différente de celle
initialement prévue. Au lieu d’attendre que les paysans s’inscrivent sur une liste, des
techniciens mandatés par l’opérateur sont allés chercher les agriculteurs directement sur leur
parcelle. Les agriculteurs qui ont eu la chance de croiser les techniciens ont pu s’inscrire avec
l’obligation d’inscrire la parcelle dans laquelle ils travaillaient dans le dispositif et la faire
arpenter. Dans ce cas de figure, le paysan n’a aucun contrôle sur le choix de la parcelle qui va
recevoir le paquet technique. D’autres paysans ont eu le choix. On simule les deux scénarii
d’une implantation du PTTA sur système vivrier de morne ou sur agroforêt de versant 1.

• Implantation du paquet dans un système agroforestier de versant 1

Les conditions d’accueil sont plus favorables dans ce système déjà couvert, en terme
d’ensoleillement et de teneur en matière organique ce qui augmente les chances de réussite.
D’un point de vue calendrier, le passage d’un système à l’autre augmente les temps de travail
de 6,7 homme-jour pour 0,25 carreaux de surface exploitée la première année. La distribution
des plantules s’échelonne sur plusieurs mois (décision centralisée à la Direction
Départementale du Nord donc peu flexible). Cela peut poser problème en mars qui est une
période de pic de travail. Si l’argent de la préparation du sol arrive avant la distribution, il est
envisageable d’utiliser une partie de cet argent pour embaucher des journaliers. De toute
manière, le paiement du travail dans le paquet est indispensable dans ce cas, car ils ne
peuvent pas investir de temps sans rémunération immédiate.

Tableau 24 : Appui du PTTA sur le SAF v1 : Performance économique du système de production et d’activité

SYSTEME DE Sans appui Avec appui SYSTEME Sans appui Avec appui
PRODUCTION du PTTA sur SAF v1 D'ACTIVITE du PTTA sur SAF v1
VAB total 43107 45301 RA 27964 36403
Amortissement 480 480 rampono + charbon 26700 26700
VAN 42627 44751 COMMERCE 22500 22500
Salaire ouvrier 5664 3664 REVENU SA 77164 85603
Métaye/Fermage 8998 9848 REVENU/ACTIF F 38582 42801
Subvention sur revenu 0 5164
Actif Agricole 1,75 1,75
SAU Totale (cx) 0,5 0,5
SAU/Actif 0,3 0,3
VAN/carreau 85253 89502
VAN/Actif 24358 25572
Revenu Agricole 27964 36403
RA/Actif 15979 20802

84

Sur le plan économique, l’impact du projet sur une parcelle agroforestière du type v1 est
faible la première année (tableau 24). Le potentiel d’augmentation de la VAB est limité dans
une parcelle SAF de type v1. De plus, elle passe à 40% dans le partage de la récolte avec le
propriétaire. L’augmentation de revenu est significative grâce à la subvention que représente
l’argent du sarclage restant. Dans le cas où le paquet n’a pas été distribué en entier, le revenu
agricole n’augmente que de 4762 htg contre 7528 htg avec le paquet idéal. Dans la première
campagne, les plants de bananiers n’ont pas été distribués pendant la saison des pluies, ce qui
fait que certains agriculteurs les ont vendus pour ne pas investir du temps qui potentiellement
sera perdu à cause de la sécheresse. Dans tous les cas, le paquet technique n’est pas adapté à
la pratique du renouvellement progressif des peuplements bananiers dans les systèmes
agroforestiers complexes car les plants de bananes sont tous distribués en même temps avec
le PTTA. Une partie sera revendue. Cette vente des drageons de bananes excédentaires ainsi
que la subvention sur le sarclage permettent de réduire les coûts d’entretien de la parcelle
ainsi que de subventionner le revenu. En supposant que le coupon soit distribué en septembre
et calculant la différence entre le montant de cette subvention et le déficit de trésorerie en
septembre, on peut voir que le solde est de 2062 htg (tableau 25). C’est autant d’argent qui
peut être mis de coté sinon réinvesti dans un petit élevage caprin, un chevreau de 6 mois
coutant 2000 htg. Cette subvention permet d’équilibrer la trésorerie en septembre et d’éviter
l’exploitation minière des parcelles. En prenant en compte le paquet effectivement distribué,
la somme excédentaire après solde est de 386 htg que l’agriculteur peut réinvestir dans les
dépenses courantes à défaut de pouvoir réinvestir dans l’appareil productif via l’élevage.

Tableau 25 : Montant restant de la subvention pour le sarclage après paiement du


sarclage (0,25 cx)

Montant restant de la Situation avec subvention Situation avec
subvention pour le sarclage sur sarclage idéal subvention sur
après paiement du sarclage sarclage réelle
(0,25 cx)
Subvention sarclage 3500 2620
Vente banane excédentaire 1630 834
TOTAL (htg) 5130 3454
Déficit de trésorerie 3068 3068
septembre (htg)
SOLDE (htg) 2062 386

Sur les années suivantes, étant donné que ce système était déjà à des densités maximum en
bananiers, l’augmentation de VAB repose sur la production d’igname distribuée par le projet
et par la faible diminution des consommations intermédiaires. Dans le meilleur des cas, cela
représente 2000 gourdes. L’aide ponctuelle de la subvention sur le revenu permet de régler le
déficit de trésorerie en septembre, voir de capitaliser dans le petit élevage. La condition d’une
sortie structurelle d’un cycle de pauvreté pour ce cas type repose sur une non augmentation
des dépenses familiales, sur des conditions climatiques propices au bon développement du
matériel végétal notamment l’igname et sur la constitution d’un cheptel de caprins. Celle-ci
ne peut se faire que dans des conditions stables. Or la situation reste précaire tant que le
ménage reste dans des niveaux économiques voisins du seuil de survie. Cela signifie que le
moindre problème de santé, d’accident amène irrémédiablement le ménage à la
décapitalisation.

85

• Implantation du paquet sur un système vivrier de morne

Le système vivrier diversifié de morne est adapté pour recevoir le paquet NP. Situé sur des
replats ou des faibles pentes, ayant déjà une base arborée, il peut valoriser toutes les
composantes du paquet. L’installation d’un système agroforestier de bas-fond comporte des
avantages certains : résilience importante, rôle écosystèmique, récoltes étalées sur l’année.

VAB système promu par paquet (htg/an)


VAB du système pratiqué par l'agriculteur
HJ

35000 95

30000 90
85
25000
80
20000 75
15000 70
65
10000
60
5000 55
0 50

Figure 40 : Appui du PTTA sur un système vivrier de morne : évolution des


performances technico-économiques en fonction des années pour 0,25 cx

Dans une simulation de l’installation du paquet technique NP sur un système vivrier de
morne, la VAB est croissante la première année jusqu'à l’établissement d’un système
agroforestier productif (Figure 40). L’investissement en travail est maximal en première
année, il descend pour remonter la sixième année quand le système est établi et que les
cacaoyers sont entrés en production. Par rapport à la productivité d’un système vivrier
diversifié de morne tel que pratiqué par les agriculteurs, le système promu par le paquet
permet de dépasser les niveaux de productivité dès l’année 1. Quand le peuplement cacaoyer
est installé, la productivité du nouveau système est bien supérieure à celle de l’ancien
(tableau 26). Pendant les deux premières années on peut semer des cultures vivrières (maïs,
pois congo, pois nègre) avant que l’ombrage ne devienne trop important et assurer une
production alimentaire nécessaire.

Tableau 26 : Appui du PTTA sur un système vivrier de morne : Evolution des


performances économique en fonction des années pour 0,25 cx

Perf. Economiques Jachère Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 Année 6 –…
PB (htg/an) 0 21343 20443 17008 17908 17908 33133
CI (htg/an) 0 186 2436 0 1750 2250 1100
VAB (htg/an) 0 21157 18007 17008 16158 15658 32033
HJ 0 91 72 62 68 65 73
VAB/cx (htg/cx/an) 0 84629 72029 68033 64633 62633 128133
VAB/hj (htg/hj/an) 0 234 249 275 238 242 438

86

Tableau 27 : Appui du PTTA sur le S vivrier des mornes: Performance économique du
système de production et d’activité

Performance Sans appui Avec appui SYSTEME Sans Avec appui
économique sur 5 ans du PTTA sur S D'ACTIVITE appui du sur S vivrier
vivrier PTTA
VAB total 43107 49441 RA 27964 34319
Amortissement 480 480 VENTE MO + charbon 26700 26700
VAN 42627 48961 COMMERCE 22500 22500
Salaire ouvrier 5664 5644 REVENU SA 77164 83519
Métaye/Fermage 8998 8998 REVENU/ACTIF F 38582 41759
Subvention sur revenu 0 3800
Actif Agricole 1,75 1,75
SAU Totale (cx) 0,5 0,5
SAU/Actif 0,3 0,3
VAN/carreau 85253 97923
VAN/Actif 24358 27978
RA 27964 34319
RA/Actif 15979 19611

L’impact du paquet sur les performances économiques est plus intéressant que par rapport au
cas précédent. La VAB progresse de 6334 htg ce qui témoigne d’un gain de performance du
système, le revenu augmente aussi grâce à la subvention (tableau 27). Dans ce système,
l’implantation des bananiers se fait en une seule fois, donc pas de vente des excédents. A
partir de la 6ème année, quand les cacaoyers entrent en production, les performances
atteignent ceux d’un système agroforestier de bas-fond.

Figure 41: Calendrier de travail du SP avec implantation du paquet sur le système


vivrier
SAF v1 S vivrier diversinié morne + PTTA
Elevage bovin Rampono
Charbon commerce
W disponible (1,75 actifs)
80
70
Homme-jour (x5h)

60
50
40
30
20
10
0

87

Le passage d’un système vivrier de morne à un système agroforestier de bas-fond
n’occasionne pas de travail supplémentaire si l’on compare la première année d’implantation
du nouveau système avec la première année d’implantation d’un système vivrier de morne
(figure 41). L’augmentation du temps de travail occasionnée par la plantation du matériel
végétal du PTTA est compensée par rapport au travail que le système vivier aurait nécessité
sans le PTTA. Par exemple, toutes les quantités de travail liées à la culture du gros pois
disparaissent. En prenant en compte les gains de productivité, cela signifie que à travail
constant, la VAB augmente, et le revenu d’autant plus qu’il est subventionné la première
année. Par contre le retour sur investissement de 9 mois minimum entre la plantation et la 1ère
récolte est long pour ces familles. Avec les plantations réalisées en mars, les premiers
régimes arrivent à maturité en décembre/janvier, même chose pour les ignames. Donc ces
ressources ne seront pas mobilisables pour la période critique de trésorerie que constitue le
mois de septembre.

Tableau 28 : Montant restant de la subvention pour le sarclage après paiement du


sarclage (0,25 cx) / homme jour

Montant restant de la Situation avec subvention Situation avec
subvention pour le sarclage sur sarclage idéal subvention sur
après paiement du sarclage sarclage réelle
(0,25 cx)
Subvention sarclage (htg) 3500 2920
Déficit de trésorerie 3068 3068
septembre (htg)
SOLDE (htg) 432 -148

Sans la vente des bananes excédentaires, dans un cas idéal, la subvention restante après
paiement du sarclage suffirait tout juste à équilibrer la trésorerie en septembre (tableau 28).
En prenant en compte le paquet réel distribué, cette subvention ne suffit pas à payer
intégralement le déficit. Le paysan ne peut pas capitaliser en bout de course dans l’élevage
caprin la première année. Par contre au bout d’un an, les bananiers et les ignames sont déjà
rentrés en production et l’augmentation de la productivité permet de dégager au moins 2000
htg pour investir dans une chèvre.

Les deux scénarii réalisés mettent en évidence qu’il est plus intéressant d’implanter le paquet
PTTA dans un système peu boisé du type vivrier diversifié des mornes car le potentiel gain
de productivité sera élevé. Implanter le paquet PTTA dans un système agroforestier déjà
établi ne présente pas d’intérêt sur plan gain de la productivité et c’est parce qu’il n’est pas
adapté à ces espaces que les agriculteurs peuvent vendre les drageons de banane
excédentaires donc améliorer leur revenu et investir dès la première année dans une chèvre.
Dans les deux cas, le paquet permet de sortir les agriculteurs du déficit dans les mois
critiques avec l’argent restant du coupon préparation de sol/ sarclage. Choisir de distribuer le
PTTA dans les systèmes vivriers de morne paraît plus durable au vu des avantages des
systèmes agroforestiers à conditions qu’il n’y ait pas de perturbations climatiques fortes. La
vulnérabilité des plantules au stress hydrique est plus importante sur les systèmes vivriers que
les systèmes agroforestiers. Pour accompagner la phase de transition, il apparaît
nécessaire de payer le travail que le paquet implique car les calendriers de travail et
trésorerie montrent qu’ils ne peuvent investir du travail sans rémunération immédiate
et d’appuyer la transition sur plusieurs années en cas de perte de plantules jusqu’à ce
que les cacaoyers rentrent en production.

88

2. Les moyens propriétaires des mornes

Cette situation représente un type d’agriculteurs partant avec un capital foncier plus
important dès le départ et à un stade de vie plus avancé (40 ans). C’est un ménage de deux
actifs avec 4 enfants dans le primaire et le secondaire. Ils sont mieux dotés en système
agroforestier donc ayant eu des perspectives d’agrandissement plus importantes que la
catégorie précédente. En effet soit ils ont pu capitaliser via une émigration économique en
République Dominicaine et ont pu acheter des parcelles avec des systèmes de type SAF de
versant 1, soit ils partaient au départ avec un héritage foncier et SAF/animaux plus
conséquents. Ils sont propriétaires de plus de la moitié des surfaces exploitées sur lesquelles
ils ont des cultures diversifiées : systèmes agroforestiers de versant de type v1, des systèmes
vivriers de mornes, des systèmes vivriers à base manioc ainsi que d’une bananeraie (tableau
29). Tout comme les petits propriétaires, ils essayent d’évoluer vers les systèmes
agroforestiers productifs (v1) qu’ils peuvent travailler en obtenant un contrat de métayage
avec un grand propriétaire retraité ou habitant en ville.

Tableau 29 : Performances économiques du système de production des moyens


propriétaires de mornes

Système de culture Surface (cx) VAB VAB/cx Coûts Main d'oeuvre Régime
S vivrier diversifié morne 0,25 14692 58767 1554 propriétaire
SAF v1 0,25 22496 89984 4080 propriétaire
s vivrier sec morne 0,25 7555 30219 3478 propriétaire
SAF v1 0,5 44992 89984 8159 métayer
Banane 0,25 18089 72357 2444 propriétaire
Système d'élevage Caractéristique VAB
caprin 2 14367
équin 1 9200

Tableau 30 : Performance économique des systèmes de production et d’activités des


moyens propriétaires

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE
VAB 131391 RA 92178
Amortissement 1051 COMMERCE 22500
VAN 130340 REVENU SA 114678
Salaire ouvrier 19714 REVENU/ACTIF F 57339
Métaye/Fermage 18447
Subvention sur revenu 0 système vivrier
Actif Agricole 1,5 diversinié morne
SAU Totale (cx) 1,5 SAF v1
SAU/Actif 1,0
VAN/carreau 86893 système vivrier
VAN/Actif 86893 manioc
Revenu Agricole 92178 SAF v1
RA/Actif 61452

Banane

89

Leur performance économique les place largement au dessus du seuil de survie14 (annexe 7)
avec un revenu par actif du système d’activité de 57 339 htg (tableau 30). Les dépenses de la
vie courante augmentent en même temps que le revenu (téléphone portable, viande plus
souvent) d’après les enquêtes pour un ménage de moyens propriétaires, on estime ce budget
entre 42000 htg et 45000 htg. En prenant la fourchette haute, après déduction des ces
dépenses, il reste 12 000 htg/an ce qui représente 2000 htg en plus en moyenne par mois. Les
calendriers de trésorerie ne sont pas déficitaires et l’agriculteur peut économiser chaque
année. Ce surplus est investi dès que possible dans un cheptel caprin et bovin. Le cheptel
bovin est rapidement limité à cause de la pauvreté nutritionnelle des pâturages, le cheptel
caprin pourra atteindre 3-5 têtes si aucun n’évènement de vient perturber la capitalisation.
L’élevage servira de moyen d’épargne afin d’augmenter la SAU et de payer la scolarisation
des enfants. Les premières terres achetées seront des parcelles capables de mettre en œuvre
des systèmes vivriers de morne car ce sont les moins chères, systèmes qu’ils transformeront
ensuite en bananeraies pour une plus grande productivité de la terre. Leur rythme
d’agrandissement est lent (1 parcelle de 0,25 cx tous les 10 ans) car l’essentiel des surplus
est d’abord investi dans la scolarisation des enfants. S’ils peuvent, ils choisiront les
meilleures écoles pour leur enfant avec l’espoir de les envoyer au Cap pour faire leurs études.

Figure 42 : Calendrier de travail des moyens propriétaires

S banane 0,25 cx SAF v1 0,25 cx


SAF v1 0,5 cx Savane fraîche 0,25 cx
Savane chaude 0,25 cx
W disponible (1,5 actifs)
100,0
90,0
80,0
Homme-jour (x5h)

70,0
60,0
50,0
40,0
30,0
20,0
10,0
0,0



La charge de travail est largement excédentaire à cause des nombreux sarclages à effectuer (2
sarclages x 5 parcelles). Il est indispensable pour l’agriculteur de recourir à l’emploi de main
d’œuvre extérieure lors des pics de travail (figure 42). Cependant quelques travaux
n’interviennent que ponctuellement ; par exemple, la plus grande partie du travail de janvier
correspond à la réalisation de charbon dans le système agroforestier de 0,5 carreau ; un gros
charbon est réalisé une fois tous les 8 ans et un petit charbon tous les 3 ans.


14 Les besoins incompressibles du ménage sont estimés à 33 687 htg/an/actif

90

Le PTTA ici a un effet de subvention au revenu et d’augmentation de la VAB selon le
système sélectionné. Les choix sont multiples pour implanter le paquet technique du PTTA,
le cas le plus favorable serait le système vivrier de morne. Dans ce cas-là, l’augmentation du
revenu serait durable. En considérant le calendrier de travail, chaque surcharge de travail
devra être compensée par un emploi de main d’œuvre extérieure pour un agriculteur qui est
déjà saturé en temps. Le PTTA ne change pas la stratégie économique, les surplus de revenus
engendrés sont réinvestis dans l’élevage dans un but d’épargne et dans la scolarisation.

3. Les nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux



Ces propriétaires (SAU>2cx) ne sont pas les grands propriétaires historiques de la zone. Ils
ont profité au cours de leur vie de situations favorables ou d’évènements particuliers
notamment l’accès à une seconde activité qui leur ont permis de s’agrandir. Ils habitent soit
en ville soit près des routes. Ils ont hérité au moins d’une parcelle sur les terres les plus
productives, c’est à dire les parcelles agroforestières de bas-fond (tableau 31). Leurs parents
qui étaient exploitants ont pu profiter au moment où les prix du café étaient encore
intéressants pour dégager des revenus agricoles suffisants pour envoyer leurs enfants faire
des études, ce qui a limité les divisions par héritage. Les exploitants actuels sont déjà la
deuxième génération. Ne pouvant s’agrandir en achetant des terres en bas-fond à cause prix
prohibitifs, ils se sont tournés vers les terres de plaine. Cette augmentation de leur surface a
pu se faire grâce à la libération des terres en plaines post-déchoukaj. Ils ont donc une assise
confortable en système agroforestier (entre 0,5 et 1 carreau). Ils assurent leurs besoins
alimentaires avec des systèmes de cultures vivriers diversifiés de plaine tout en ayant un
revenu commercial avec la culture de la patate douce (0,25-0,5 carreaux). Le reste de la SAU
est exploité en bananes (systèmes intensifs en banane (0,5-1 carreaux). Ils sont propriétaires
de bovins qu’ils cèdent en gardiennage à de petits propriétaires.

Tableau 31 : Performance économique du système de production des nouveaux


propriétaires pluriactifs et patronaux

Coûts Main
Système de culture Surface (cx) VAB Régime
d'œuvre
SAF bas fond 0,5 71217 8799 Propriétaire
SAF versant 1 0,25 22496 4080 Propriétaire
Bananeraie 0,5 36179 4888 Occupant
S vivrier plaine 0,25 12204 6533 Occupant
S vivrier plaine 0,25 12204 6533 Occupant
Bananeraie 0,5 36179 4888 Occupant
Système d'élevage Caractéristique VAB
bovin 3 cédés en gardng 9163

91

Tableau 32 : Performance des systèmes de production et d’activité des nouveaux
propriétaires pluriactifs et patronaux

SYSTEME DE PRODUCTION SYSTEME D'ACTIVITE
VAB 204 421 RA 168205
Amortissement 498 ACTIVITE AUTRE 40000
VAN 203924 REVENU SA 208205
Salaire ouvrier 35719 REVENU/ACTIF 104102
Métaye/Fermage 0
Actif Agricole 1,25
SAU Totale (cx) 2,25 SAF bf
SAU/Actif 1,8
VAN/carreau 90633
SAF v1
VAN/Actif 163139
Revenu Agricole 168205
Banane
RA/Actif 134564

S vivrier
plaine
S vivrier
plaine


Ils ont profité de leur insertion dans le tissu urbain de Milot pour diversifier leurs activités
agricoles ou extra-agricoles (poulailler semi-intensif, boulangerie, fabrication de chaux,
inscription en tant que fournisseur dans le PTTA). C’est parce qu’ils habitent à proximité de
la grande route qu’ils peuvent développer cette activité (accès aux intrants et aux clients
nécessaire). Ces revenus supplémentaires ont joué un rôle dans la vitesse d’agrandissement.

92

SAF v1 8
S banane 0,5 cx S banane 0,5 cx
S vivrier associé 0,25 cx S vivrier associé 0,25 cx
200,0 W disponible (1,25 actifs)

180,0

160,0

140,0
Homme-jour (x5h)

120,0

100,0

80,0

60,0

40,0

20,0

0,0


Figure 43 : Calendrier de travail des nouveaux propriétaires pluriactifs et patronaux


La quantité de travail que demande ce système de production est largement excédentaire à ce
que peut fournir l’agriculteur, notamment au niveau des sarclages (figure 43). Le propriétaire
est obliger de recourir à de la main d’œuvre extérieure. Parce que occupé aves ses activités
annexes, il fait appel à des contractuels qui sont payés un peu plus chers mais qui ne
nécessitent pas de supervision. Le budget consacré au paiement des contractuels, s’élève à 33
000 gourdes ce que gagne un actif familiale métayer/petit propriétaire pour toutes ses
activités/an. La stratégie d’agrandissement en plaine comporte l’avantage de réduire au
maximum les temps sur le trajet donc de gagner du temps de gestion des contractuels, en
comparaison avec les mornes.

Le PTTA dans ce genre de situation ne présente pas d’intérêt, ces agriculteurs sont loin
d’avoir besoin de subventions, déjà installés dans des situations de rente commerciale (cacao,
banane), ils sont bien au delà des seuils de survie, bénéficiant d’un autre salaire.

93

V. Le PTTA, de nécessaires réorientations pour
atteindre l’objectif d’une augmentation durable des
revenus

La pluriactivité est obligatoire pour les plus défavorisés, plus intéressante pour les grands
propriétaires (annexe 7). Le coût d’opportunité du travail toute catégorie confondue a été
évalué à 30 000 htg/an correspondant à des emplois accessibles : pour les hommes jeunes,
mototaxi et ouvrier non qualifié dans la construction, pour les femmes quelque soit leur âge,
petit commerce. Sans l’agriculture, les jeunes qui n’ont pas fait d’études pour pouvoir
s’employer dans des secteurs plus rémunérateurs, peuvent fonder un foyer. Ils ne pourront
subvenir aux besoins de leurs dépendants car le revenu autorisé par les emplois non qualifiés
est inférieur au seuil de survie. Cela explique l’émigration importante vers la ville ou vers la
République Dominicaine en tant que travailleur agricole ou ouvrier dans le bâtiment. Cette
alternative est menacée par les nouvelles politiques migratoires de « déportation » mise en
place récemment par la République Dominicaine. Pour répondre à cette situation,
l’agriculture a un rôle majeur à jouer pour valoriser cette main d’œuvre à des niveaux de
rémunération suffisants et le PTTA peut y contribuer.

1. Les systèmes agroforestiers, une cible d’intervention


pertinente

Améliorer la productivité de la terre est essentiel pour améliorer les niveaux de revenus des
agriculteurs. D’après la comparaison des systèmes présents, les systèmes agroforestiers
apparaissent comme les plus performants (SAF bas-fond et versant 1) avec le système
banane. Les systèmes agroforestiers multifonctionnels ont aussi plusieurs avantages. Pour
n’en citer que quelques uns : ils sont d’une grande richesse spécifique et variétale, les espèces
présentes sont complémentaires dans la valorisation des ressources ; sur le plan économique,
ils participent à la sécurité monétaire et alimentaire de la famille sur l’année combinant
cultures de rentes et pluriannuelles vivrières et sont riche espèce « d’épargne » comme le
chêne ou le bois blanc ; enfin sur le plan écosystèmique, ils joue un rôle important dans la
séquestration de carbone, le maintien des sols et de leur fertilité via un transfert vertical de
fertilité . Cibler le développement de ces systèmes, composante fondamentale dans
l’agriculture Milotienne, apparaît plus que pertinent.

2. Mais une nécessaire révision du contenu des paquets selon les


zones agroécologiques …

Partant du constat que le paquet nouvelle plantation n’est pas adapté à la diversité des zones
agroécologiques, il conviendrait de revoir les points suivant selon les systèmes de culture.
• La composante cacao, à cause des exigences édaphiques et physiologique de l’arbre (besoin
d’un sol profond avec une bonne capacité de rétention d’eau, riche en matière organique,
besoin en eau supérieur à 1400 mm par an pour un développement optimal : annexe 2) n’est
valable que dans les systèmes de culture de bas-fond, de légère pente et de replat
d’accumulation. Cela signifie que l’implantation du paquet sur les systèmes de cultures
présents sur forte pente n’est pas pertinente. Les plantules ont un fort taux de mortalité dans
les espaces découverts
• L’adéquation des variétés de banane avec le système hôte est un élément clef pour la
réussite de l’implantation, l’efficacité du renouvellement/intensification des peuplements
bananiers. Les fournisseurs doivent assurer un approvisionnement de qualité dans ce sens.

94

• L’igname miniset présente des taux de mortalité très élevés qu’il est nécessaire de
remplacer par de l’igname traditionnel. L’igname constitue un des points forts du paquet, la
flexibilité des périodes de récolte, les densités très élevés permises, son fort prix à la vente et
son rôle dans la sécurité alimentaire lui ont valu le qualificatif par les paysans de Milot de
« soutien de la nation ». Il est adapté à tous les systèmes présentant un ombrage minimum et
des tuteurs pour la croissance, c’est à dire la majorité des systèmes de cultures.
• Les arbres de couvertures sont inutiles dans les milieux boisés (SAF de bas-fond, SAF v1 et
SAF v2).
• L’amendement n’est pas adapté pour les systèmes agroforestiers, la fertilisation étant déjà
assurée par les arbres de couverture via des transferts verticaux de fertilité. Les paysans ne
montent pas les sacs d’engrais dans les mornes, le rapport investissement en temps-argent /
bénéfices n’est pas assez fort. Il faut louer un âne et faire des allers retours exigeants en
temps. L’offre en amendement est variable et n’a pas montré d’efficacité lors des phases
d’installations des plantules. Il conviendrait d’établir une formulation précise des
amendement/engrais, homogène au sein des fournisseurs, présentant un intérêt pour
améliorer la colonisation des espèces du paquet dans des terres dégradées. L’analyse du
calendrier de travail et de la trésorerie des catégories sociales les plus vulnérables a montré
que ces paysans ne pouvaient pas se permettre une surcharge de travail non immédiatement
rémunérateur comme c’est le cas lors de l’implantation du paquet. Il serait pertinent de
fournir une prise en charge des frais de plantations, d’application, de transport et de stockage
de l’engrais par le PTTA.

L’histoire agraire de Milot à montré l’importance du café, des agrumes et du cacao dans les
stratégies de capitalisation des paysans. Touchés de plein fouet par des maladies (scolyte,
rouille pour le café, maladie du dragon jaune pour les agrumes), les systèmes ont perdu en
productivité, notamment ceux, riches en café, basés sur les versants des mornes. Réhabiliter
des peuplements caféiers résistants aux ravageurs serait un enjeu de taille avec à la clef, une
revalorisation des systèmes agroforestiers de versant 1 et 2, une augmentation de la
productivité de la terre et des revenus des paysans concernés ; ceux là même qui avaient subi
la crise plus que les autres car dépendant essentiellement du café. Les agrumes présents
anciennement dans tous systèmes agroforestiers et dans les systèmes vivriers de morne et de
plaine, constituent un revenu supplémentaire à la période des semis (mars) et pourraient jouer
un rôle important dans l’intensification des ces systèmes, à condition que des travaux sur les
variétés/porte-greffes soient mis en place.


3. … Et une autonomisation des paysans sur la production de


plantules/fumier/

Le renouvellement des peuplements cacaoyers est progressif. Chaque année, les planteurs
plantent des graines de cacao au pied des bananiers, ils assurent eux-mêmes le
renouvellement sans dépenses et avec un travail minimum. La demande en plantule hors-
projet PTTA est nulle. Il faut considérer d’un point de vue technique les avantages des
plantules par rapport aux graines directement mises à germer. Les plantules à un stade 6 mois
sont assez développées pour éviter une trop forte compétition avec les adventices et risque
moins d’être fauché lors des sarclages. Pour les amendement, il n’y avait pas de demande non
plus. Si riches en matière organique, ils pourraient être intéressants pour la reprise des terres
dégradées. Une incitation économique et un faible appui technique pour les plus vulnérables
peut être mise en place. En supposant que le marché des plantules est artificiel (travail de
Bruno PECH), il risque de s’effondrer à la sortie du PTTA. Plutôt que de sous-traiter une
opération peu technique, il pourrait être intéressant d’appuyer les paysans pour les rendre

95

autonomes sur les travaux de pépinières et de compostage avec des incitations financières
pour compenser les investissements ainsi que les surplus de travail.

4. Un recentrage du projet sur les populations qui en ont le plus


besoins

Les grands propriétaires et dans une moindre mesure, les moyens/petits propriétaires ne sont
pas les catégories sociales qui ont le plus besoins de l’aide du projet. Leur niveau de revenu
est suffisant pour qu’ils puissent capitaliser et satisfaire leurs dépenses. En revanche, les
métayers/petits propriétaires apparaissent comme les populations à cibler. Ce sont les plus
vulnérables, ils ont une trésorerie tendue et sont déficitaires à certaines périodes de l’année.
La moindre perturbation (climatique, économique, familiale) sur leur équilibre (calendrier de
travail et de trésorerie) peut les amener dans un cycle de décapitalisation (animaux, arbres,
terres). Les prélèvements d’arbres pour en faire du charbon vont dans le sens opposé à la
consolidation des SAF portée par le PTTA. La pression démographique, le morcellement des
terres au fil des héritages ainsi que les aléas climatique risquent à l’avenir de fragiliser encore
cette frange de la population, qui n’aura d’autre choix que de migrer. Se concentrer sur les
plus vulnérables signifie tout d’abord se concentrer sur les plus jeunes qui, à leur installation
sont peu dotés en moyen de production. Se concentrer sur les plus vulnérables, c’est aussi
concentrer l’intervention dans les zones qu’ils occupent, l’histoire agraire de la zone nous l’a
montré, dans les mornes. Cela signifie aussi se focaliser sur les systèmes de cultures hôtes les
plus favorables, c’est à dire sur les systèmes de cultures qu’ils mettent en place dans les
piedmonts/mornes. Au sein de ces systèmes de cultures, les systèmes vivriers de replat ou de
légère pente sont ceux qui permettent d’exprimer au mieux le potentiel d’amélioration de la
productivité du paquet sans occasionner de surcharge de travail ; et donc d’améliorer
durablement les revenus.

Se centrer sur les plus vulnérables implique aussi, un gros travail de sélection et de filtre avec
un contrôle accru des opérateurs de la CECI sur le terrain. Cette sélection rigoureuse doit
permettre d’identifier les agriculteurs les plus vulnérables, d’identifier les systèmes de
cultures de ceux-ci les plus aptes à recevoir le PTTA en concertation avec le paysan, sous
peine de retomber dans les schémas actuels. Un paquet technique non adapté au système de
culture entrainera un temps de travail supplémentaire que les métayers/petits propriétaires ne
peuvent fournir à cause de leur calendrier de travail saturé. Il n’y aura pas d’augmentation
significative de la productivité du système donc pas d’augmentation durable des revenus. Par
contre, les subventions sur le sarclage qui s’apparentent à une subvention sur le revenu,
peuvent les sortir du cycle de décapitalisation voire leur permettre d’investir l’argent restant
dans du petit élevage.


5. ….Et un appui financier et technique 2 ou 3 ans successifs


pour augmenter les chances d’amélioration durable du revenu

La sensibilité importante des plantules aux stress hydriques peut expliquer une forte mortalité
et un retard de développement et de fructification des cultures. Les forts taux de mortalité
observés cette année sont dus au manque de précipitations, avec des variations selon les
conditions du milieu hôte. En plaine et sur les versants, les mortalités sont plus importantes
que dans les SAF de bas-fond. Dans cette situation, les niveaux de risques sont importants.
Les paysans investissent du temps dans des opérations de plantation avec à la clef une
mortalité importante. Une aide ponctuelle ne peut pas dépasser ces contraintes, c’est là sa

96

principale faiblesse. Certes la subvention peut permettre aux plus vulnérables de sortir pour
une saison d’un cycle de décapitalisation, mais n’entraine pas d’augmentation durable du
revenu. Pour maximiser les chances de réussite et être efficace, il apparaît nécessaire
d’accompagner les bénéficiaires pendant deux voir trois ans dans l’installation du paquet
technique. Il s’agit de payer le coût supplémentaire de travail, d’assurer le renouvellement
des plants en cas de perte jusqu’à ce que le système soit en place et productif pour repartir sur
un cercle vertueux.

6. Une ouverture des paquets vers l’appui de l’élevage



Avec l’augmentation croissante de densité démographique, l’enjeu va être d’intensifier les
systèmes de cultures c’est à dire créer plus de richesses sur les mêmes surfaces. Le potentiel
pour étendre et intensifier les systèmes agroforestiers est présent, ce qui pourrait être une
partie de la solution. Cependant il pourrait être intéressant de réfléchir à une meilleure
intégration agriculture/élevage. Le système serait basé sur le développement des systèmes
vivrier/forestier comme source d’alimentation pour les animaux avec en retour une
fertilisation de ceux-ci. L’intérêt serait d’augmenter le chargement animal pour permettre une
capitalisation via l’élevage plus forte. D’autant que dans un contexte de grand risque lié à
l’occurrence imprévisible de sécheresse, tout investir dans des systèmes de cultures peut être
risqué. Le taux de mortalité et de retard de développement est élevé une année sur trois.
L’élevage est une source d’investissement pour les fermiers aujourd’hui. Aller dans ce sens
peut être intéressant à condition de raisonner les espèces, races, modes de conduite, gestion
de l’alimentation et le chargement ainsi que l’assistance technique et la valorisation de la
production sur le marché. Une étude complémentaire pour évaluer le système adapté et
raisonner les moyens et les contraintes est nécessaire.

7. … Accompagnement, valorisation et marché composante


importante pour l’amélioration durable des revenus

Les systèmes agroforestiers sont des systèmes productifs riches, résilients, évolutifs qui
s’adaptent au contexte socio-économique des paysans. A Milot, café puis cacao ont été les
moteurs de processus de capitalisation. Mais la chute des prix du café a participé à une crise
paysanne importante. Cette volatilité interroge sur la dépendance d’une économie à une
denrée d’exportation brute. Il convient de s’intéresser à l’aval de la filière. Comment une
intervention ciblée sur la valorisation et la transformation pourrait augmenter la valeur
ajoutée afin de tamponner la volatilité des prix. Depuis une dizaine d’année, le cacao a subi
une augmentation de la demande sur le marché mondiale grâce à la hausse de la demande
chinoise et russe. Jusqu'à quand les prix du cacao seront assez élevés pour inciter les paysans
à développer des systèmes à base de cacaoyers ? D’autant que chaque décennie voit des
espèces piliers du système disparaître (café, agrumes). Ces questions requièrent une étude de
marché/filière sur les marges de manœuvre pour augmenter la valeur ajoutée. Dans le cas
d’une mise en place d’un paquet de réhabilitation café/agrume, il faudrait étudier les
capacités des filières et du marché à absorber une hypothétique augmentation de la
production. Les agrumes ont toujours des débouchés locaux et nationaux, mais la filière
d’exportation du café pourrait être limitée face à une surproduction de café. Une étude de
marché/analyse filière préalable serait conseillée avant toute intervention. Concernant
l’augmentation de la production de cacao, on peut estimer le nombre de plantules distribuées
à 400 000 (travail de Bruno PECH). En évaluant un rendement moyen de 3 livres par pieds,
et un taux de survie à 50% la production dans une dizaine d’année augmenterait de 600 000
livres au maximum. Actuellement les coopératives ont des trop faibles volumes pour pouvoir
espérer absorber cette production. Novella, principal exportateur de cacao dans le nord serait

97

en train de construire une grande usine de fermentation du cacao à Grande Rivière du Nord
(source : entretien avec Novella). Cela signifierait une capacité de transformation importante
et garantirait non seulement un débouché assuré mais aussi un meilleur prix aux producteurs,
à conditions de changer les modes de récoltes. Le cacao fermenté nécessite d’être écabossé et
mis à fermenter la même journée ce qui implique de prévoir un transport dans la même
journée. Les paysans des mornes reculés seraient sans doute désavantagés face aux
producteurs de bas-fond à proximité de la route. Cela pourrait constituer un creusement des
inégalités. La fermentation permet de vendre le cacao dans la catégorie des cacaos fins et
aromatiques payés plus chers (source : entretien). Si la production d’Haïti bascule vers le
marché de niche des cacaos fins et aromatiques et que le prix se répercute sur les producteurs,
alors la production de cacao pourrait s’avérer une solution payante (cf projet d’AVSF).






98

CONCLUSION
La différenciation sociale qui s’est construite sur l’accès au foncier et au capital biologique
est toujours d’actualité aujourd’hui. Les zones de bas-fond, productives très denses en
cacaoyers ont permis et permettent de capitaliser rapidement. Les zones de mornes, territoire
historique des populations vulnérables, suite aux désavantages comparatifs (distance
domicile-parcelle plus importantes, pénibilité, sols moins profonds, densité d’espèce d’intérêt
permise moins importante) n’ont pas permis aux paysans de se développer.

L’intervention du PTTA, caractérisée par un paquet universel par campagne quels que soient
les milieux dans lequel il s’implante, n’a pas identifié de populations spécifiques à cibler. La
sélection ouverte a permis non seulement de fournir un paquet technique à des propriétaires
qui n’en avaient pas besoin, mais aussi de le faire dans des systèmes de cultures inadaptés au
paquet. L’impact du PTTA suite à l’implantation du paquet dans un système non adapté
consiste en une subvention ponctuelle sur le revenu qui est susceptible de sortir
temporairement les paysans les plus vulnérables d’un cercle de pauvreté mais n’a pas d’effet
sur l’augmentation durable du revenu. En aucun cas elle n’a permis au paysan d’investir de
façon significative dans son système productif. L’implantation du PTTA dans certains
systèmes de mornes semble intéressante pour les systèmes vivriers et les systèmes
agroforestiers de versant permettant une augmentation du revenu liée à une augmentation de
la productivité du système. Le résultat est d’autant plus intéressant qu’il concerne les
populations vulnérables des mornes. Seulement la sensibilité des plantules aux aléas
climatiques est telle que les effets positifs du PTTA sur la productivité sont menacés à la
moindre perturbation climatique.

Pour que le PTTA se mette dans des conditions de succès, il faut qu’il se dote d’une politique
pour cibler en priorité les populations les plus vulnérables dans des zones qui soient adaptées.
Le projet tel qu’il est appliqué doit, s’il veut être durable, accompagner les agriculteurs sur
plusieurs années, multiplier les chances d’implantation des espèces valorisées par le paquet.
En outre une évolution de la composition du paquet est nécessaire, pour s’adapter à la
diversité du milieu et offrir plusieurs stratégies à l’agriculteur. Un paquet technique basé sur
le café et les agrumes pourrait être envisageable à condition de faire un travail prospectif sur
le marché et sur la valorisation potentielle de la production. Diversifier les paquets
techniques vers l’élevage pourrait être pertinent : celui-ci a prouvé son rôle fondamental dans
la capitalisation et il assurerait un revenu plus stable vis-à-vis des aléas climatiques.

99

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In : L. Combe et D. Picard coord., Les systèmes de culture. Inra, Versailles : 165-196.

101

Annexe 1 : Critères d’éligibilité au programme PTTA

102

Annexe 2 : Caractéristiques générales du cacaoyer extrait de la thèse de Patrick
Jagoret : Analyse et évaluation de systèmes agroforestiers complexes sur le long terme :
Application aux systèmes de culture à base de cacaoyer au Centre Cameroun

• Besoin hydrique
Le cacaoyer exige une pluviométrie moyenne annuelle comprise entre 1 500 et 2 500 mm de
pluies, mais peut végéter correctement avec seulement 1 100 à 1 200 mm dans des sols riches
et profonds. La répartition des pluies et la durée de la saison sèche sont également deux
facteurs à considérer. Une répartition uniforme des pluies est souhaitable et la saison sèche ne
doit pas dépasser deux à trois mois, une durée plus longue conduisant la plante, dans des
terrains moyennement fertiles, à souffrir considérablement ». Durant ces trois mois de saison
sèche maximum, la pluviométrie doit être supérieure à 70 mm car des déficits hydriques trop
prononcés peuvent provoquer une défoliation des cacaoyers pouvant entraîner leur mort, ou
affecter fortement l’établissement des jeunes cacaoyers en terme de mortalité et de retard de
développement (Burle, 1961 ; Braudeau, 1969).

• Conditions du milieu
Les cacaoyers peuvent se développer sur des sols divers à condition de le faire dans des
environnement physique et chimique favorable. Le système racinaire du cacaoyer s’apparente
à un pivot simple ou multiple pouvant atteindre plus de deux mètres et qui se ramifie en
racines traçantes dans la couche humifère riche en nutriment et en eau.
« Il en résulte que le cacaoyer requiert des sols profonds (minimum 1,5 m), bien drainants
(non hydromorphes), de préférence à texture sablo-argileuse, proche de la neutralité (pH
compris entre 5 et 8, de préférence entre 6 et 7,5), à l’horizon superficiel riche en matière
organique (3 % au minimum) et assez bien pourvu en éléments minéraux, même si ce dernier
facteur peut être corrigé par des apports en éléments minéraux » (Hanak Freud et al., 2000).

• Productivité des cacaoyers


Lorsque les exigences pédoclimatiques du cacaoyer sont satisfaites et que celui-ci est cultivé
dans un environnement similaire à son milieu d’origine, il est communément admis que sa
productivité demeure faible (Burle, 1961). En effet, si le cacaoyer possède la capacité de se
développer dans un environnement ombragé, il s’avère que sa production potentielle est
limitée, en dehors de tout autre facteur limitant, lorsque l’éclairement reçu est inférieur à 1
800 heures par an (Asomaning et al., 1971 ; Gerritsma et Wessel, 1996). Ainsi, pendant les
premiers stades de son développement, le jeune cacaoyer a « besoin pour une croissance
optimum d’un ombrage relativement dense ne laissant passer que 25 à 50 % de la lumière
totale ». Ensuite, lorsque « l’auto-ombrage intervient en diminuant l’intensité lumineuse
moyenne reçue par unité de surface foliaire sur l’ensemble de l’arbre, l’ombrage doit être
progressivement diminué pour laisser passer 70 % de la lumière », voire davantage
(Braudeau, 1969).
De nombreux travaux de recherche ont établi que « l’ombrage constitue un frein à la
production et que le rendement maximum d’un cacaoyer adulte ne peut être obtenu qu’avec
une exposition totale à la lumière» (Braudeau, 1969), à plus forte raison s’il s’agit de
matériel végétal sélectionné à haut rendement (Ahenkorah et Akrofi, 1968 ; Besse, 1972 ;
Ahenkorah et al., 1974). En fait, les interactions entre les nombreux facteurs écologiques qui
interviennent dans la culture du cacaoyer sont complexes et il est difficile de dissocier
l’influence de chacun d’eux de celle de l’ensemble des éléments qui constituent
l’environnement (Burle, 1961 ; Braudeau, 1969). Pour obtenir des rendements en cacao
marchand supérieurs à ceux que le cacaoyer est capable de fournir lorsqu’il est placé sous un
ombrage dense, il est généralement recommandé de le cultiver en culture pure ou sous un
ombrage léger (Enriquez, 1985 ; Wood et Lass, 1985 ; Willson, 1999). Or, lorsque que le
cacaoyer est cultivé sans ombrage, sa productivité optimum ne peut être obtenue « que dans
la mesure où tous les autres facteurs d’environnement sont favorables » : disponibilités en
éléments minéraux en quantité suffisante, apport régulier d’engrais, pluviométrie suffisante et
bien répartie, protection phytosanitaire contre les mirides (Braudeau, 1969). Faute de quoi,

103

l’absence d’ombrage manifeste au contraire un effet dépressif sur les rendements qui sont
satisfaisants à court terme mais baissent fortement ensuite (Ahenkorah et al., 1974 ; Jadin,
1992).

Extrait de l’article de Louis KOKO : Corrélations entre le vieillissement précoce des


cacaoyers et les caractéristiques morpho- pédologiques dans le Sud-Ouest de la Côte
d’Ivoire

“Ainsi, les études ont permis de montrer qu’il existe une relation étroite entre la position
topographique et l’ampleur du vieillissement précoce des cacaoyers. En effet, il a enté mis en
évidence que les taux de vieillissement précoce des cacaoyers sont plus enlevés sur les
parties hautes du versant, c'est-à-dire le sommet et le haut de versant, que sur les parties
basses, à la mi- versant et au bas de versant.
Ce travail a mis en évidence une triple corrélation significative entre la position
topographique, l’état de vieillissement précoce des cacaoyers et les caractéristiques morpho-
pédologiques[…].“

104


Annexe 3: Exemple de calcul des performances économiques d’un système de culture :
système agroforestier de bas-fond

Face au nombre trop important de système de calcul, nous avons choisi un exemple parmi
tous les systèmes de culture. Dans l’ordre calcul du produit brut PB, des consommations
intermédiaires CI, calendrier de travail, calcul des cout de main d’œuvre, calcul de la VAB
(=PB-CI) et VAB/hj.

CULTURE / PB Entrée unité rdt moyen unité Prix Unité Frequence PB
CACAO 18 kin 450 livres 30 htg/livres 1 13500
CAFÉ 1,5 bidons 7,5 marmittes 150 htg/marmittes 1 1125
BANANE MUSQUEE/POBAN 0 plants 0 régimes 150 htg/régimes 1 0
BANANE JEDINETTE/FRANCE 200 plants 100 régimes 150 htg/régimes 1 15000
YAM 40 buttes 75 htg/butte 1 3000
TARO MANUEL
PAMPLEMOUSSE 3 arbre 4,6 sac/arbre 275 htg/sac 1 1265
ORANGE DOUCE 4 arbre 4,9 sac/arbre 350 htg/sac 1 1709
ORANGE ACIDE 0 arbre 0,0 sac/arbre 125 htg/sac 1 0
AVOCAT 3 arbre 4,1 sac/arbre 1 1028
NOIX DE CAJOU 0 arbre 0,0 sac/arbre 450 htg/sac 1 0
CHARBON 15 sacs / / 150 htg/sac 0,13 281,25
CHARBON 3 sacs / / 300 htg/sac 0,33 300
PLANCHES 0 douzaine / / 1250 htg/douzaine 0,1 0
ARBREs VENDUS / / / / 0,1 MANUEL
ROCHE 0 pile roche / / 2000 htg/pile 0,1 0

PB TOTAL (htg/an) 37208




CULTURE / CI SEMENCE unité Freq prix unité CI TOT (htg/an)
MAÏS 0 godet(s) 1,0 18,5 htg/godet 0 0
PN 0 godet(s) 1 34,5 htg/godet 0 0
PC 0 godet(s) 1 13,5 htg/godet 0 0
PATATE / / / / / MANUEL MANUEL
KARATE 0 flacon 1 350 htg/flacon 0 0
ENGRAIS 0 sac 1 2500 htg/sac 0 0
GP 0 godet(s) 1 13,5 htg/godet 0 0
MANIOC DOUX MANUEL
MANIOC AMER MANUEL MANUEL
MANIOC AMER MANUEL MANUEL
CACAO 0 plantules / / / 0 0
BANANE MUSQUEE/POBAN 0 plants 0,33333333 10 htg/drageon 0 0
BANANE JEDINETTE/FRANCE 200 plants 0,2 10 htg/drageon 400 400,0
YAM 1,6 sacs 0,33 2250 htg/sac 1200 1200
TARO 0
COUT CI (hg/an) 1600


OPERATION / TPS W (hj) Intrant/produit Jan Fev Mars Avril Mai Juin Juill Aout Sept Oct Nov Dec
TAILLE 2,0
1 ER SARCLAGE 20,0
2 EME SARCLAGE 20,0
RECOLTE CACAO 450 livres sèches / 150 pieds 2,2 3,6 3,6 0,7 1,8 1,8
RECOLTE CAFÉ 1, 5 bidon sec 0,7 0,7
PLANTATION BANANE MUSQUEE
PLANTATION BANANE FIGUE 200 plants / 5 ans 1,0
RECOLTE BANANE 100 régimes / an 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6
ENTRETIEN/RECOLTE IGNAME 40 buttes / 15 mois 0,9 0,9 0,9
PLANTATION IGNAME 2 sacs / 3 ans 2,7
CUEILLETTE PAMPLEMOUSSE 4,6 sacs / an 0,7
CUEILLETTE ORANGE DOUCE 4,9 sac / an 0,7
CUEILLETTE AVOCAT 4,1 sac / an 0,3 0,3
DEBRANCHAGE 1,3
CHARBON 3 sacs / 3 ans 18,0
CHARBON 15 sacs / 8 ans 3,6
TOTAL HJ 23,4 2,0 7,3 4,2 4,2 0,6 23,5 0,9 2,3 3,0 2,4 21,4 95,0

105

OPERATION / TPS W MO fam Rampono Prest Servi COUT FREQ TOT (htg)
CHARRUE 0 0
TRACTEUR 0 0
APPLICATION ENGRAIS 0 0
1ER SARCLAGE GS 0 0
2EME SARCLAGE GS 0 0
3EME SARCLAGE PS 0 0
4EME SARCLAGE PS 0 0
PLANTATION MAÏS 0 0
RECOLTE MAÏS VERT 0 0
RECOLTE MAÏS SEC 0 0
PLANTATION PN 0 0
RECOLTE PN VERT 0 0
RECOLTE PN SEC 0 0
PLANTATION PC 0 0
RECOLTE PC VERT 0 0
RECOLTE PC SEC 0 0
PEPINIERE PATATE 0 0
TRAITEMENT 0 0
BUTTAGE 0 0
PLANTATION 0 0
RECOLTE 0 0
PLANTATION GP 0 0
RECOLTE GP SEC 0 0
RAMPE/BUTTE MANIOC A 0 0
PLANTATION MANIOC A 0 0
RECOLTE MANIOC A 0 MANUEL
CASSAVE 0 0
RAMPE/BUTTE MANIOC D 0 0
PLANTATION MANIOC D 0 0
RECOLTE MANIOC D 0 0
TAILLE MF 0 0
1ER SARCLAGE MR 2000 1 2000
2EME SARCLAGE MR 2000 1 2000
3EME SARCLAGE 0 0
RECOLTE CACAO MF 0 0
PLANTATION CACAO PTTA 0 0
ARROSAGE CACAO 0 0
RECOLTE CAFÉ MF 0 0
PLANTATION BANANE MUSQUEE 0 0
PLANTATION BANANE FIGUE MF MR 309,6 1 310
RECOLTE BANANE MF 0 0
RECOLTE/ENTRETIEN YAM MF 0 0
PLANTATION YAM MF 0 0
CUEILLETTE PAMP MF 0 0
CUEILLETTE ORANGE D MF 0 0
CUEILLETTE ORANGE A 0 0
CUEILLETTE AVOCAT MF 0 0
CUEILLETTE NOIX DE CAJOU 0 0
DEBRANCHAGE MF 0 0
CHARBON
CHARBON MF MR 90 1 90
ROCHE 0 0
ENTRETIEN GENERAL 0
COUT MO (htg/an) 4400

PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB (htg/an) 37208
CI (htg/an) 1600
VAB (htg/an) 35608
HJ 75
VAB/cx (htg/cx/an) 142433
VAB/hj (htg/hj/an) 475
Coûts MO (htg/an) 4400

106

Annexe 4 : Comparaison des performances économiques des différents systèmes
d’élevage

VAB VAB/hj

16000 300

14000

12000
200

(htg/hj/an)
10000
(htg/an)

8000

6000
100
4000

2000

0 0

107

Annexe 5: Information complémentaires sur les différents systèmes d’élevage

• VOLAILLE

Intervalle entre 2 Durée de carrière :
couvaisons : 3 mois 2 ans

1 POULE
Renouvellement 150 htg
Extension
48 œufs
0,5 poule réformé
taux d’éclosion : 75 %
20 œufs autoconsommés
9,5 poulets 6 mois (vente
20 poussins + autoconsommaGon)

taux mortalité : 50 %

10 poulets 6 mois
150 htg

1 poule 6 mois

Figure : Fonctionnement du système d’élevage volaille à l’équilibre démographique




Tableau : Performances économiques de l’élevage de volaille pour 1 poule mère



PB ELEVAGE
TYPE QTE PU (HTG) TOTAL
Poulet 6 mois 9,5 150 1425
Poule réformée 0,5 150 75
Œufs 20 5 100

CI
TYPE QTE PU (HTG) TOTAL
Achat graines 1 2500 500
Soins vétérinaires 1 0 0
Autres 0

PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB (htg/an) 1600,0
CI (htg/an) 500
VAB (htg/an) 1100,0
hj 9,0
VAB/hj (htg/hj/an) 177,78

108

• CAPRIN NAISSEUR

Age de la première Durée de carrière :
mise bas : 1,5 Nombre portée/an : 8-10 portée
3

1 CHEVRE
Renouvellement 3500 htg 0,17 chèvre réformé
Extension Mortalité + vol : 20% 1,5 chevre8e 6 mois
nbe de peEts/mise bas = 1,5 1,8 chevreau 6 mois

3 x 1,2 chevreaux

3 x 0,6 chevre8e 6 mois 3 x 0,6 chevreaux 6 mois


2 000 htg

3 x 0,6 x 1/6 chevre8e 1-2 ans 3 x 0,6 x5/6 chevre8es 6 mois


2 000 htg 2 0000 htg

Figure : Caprin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre démographique




Tableau : Performances économiques de l’élevage caprin naisseur pour 1 mère



PB ELEVAGE
TYPE Qté propriété Qté cédées gdn Qté prise gdn Prix Unité Total
Chèvre 0,17 0 0 3500 htg/chèvre réformé 583,3
Chevrette 6 mois 1,5 0 0 2000 htg/chevreau 3000
Chevreau 6 mois 1,8 0 0 2000 htg/chevrette 3600


PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB (htg/an) 7183,3
CI (htg/an) 0
VAB (htg/an) 7183,3
hj 73,0
VAB/hj (htg/hj/an) 98,46

109

• PORCIN NAISSEUR

Age de la première Durée de carrière : 4 ans
mise bas : 1 an Nombre portée/an : 2

1 TRUIE
Renouvellement 4 000 htg
Mortalité : %
Extension nbe de pe>ts/mise bas = 7,5

2 x 7,5 porcelets
0,25 truie réformé
7,5 mâles 3 mois
0,5 géniteur 2 ans
5,75 femelles 3 mois
2 x 3 femelles 3 mois 2 x 4 mâles 3 mois
1 000 htg

2x3x3/4 femelles 3 mois


1 000 htg
1 géniteur mâle 2 ans
2x3x1/4 femelles 3 mois 5 000 htg

Figure : Porcin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre






Tableau : Performances économique de l’élevage porcin naisseur pour 1 truie



PB ELEVAGE
TYPE Qté propriété Qté cédées gdn Qté prise gdn Prix Unité Total
Truie 0,25 0 0 4000 htg/truie réformé 1000,0
Porcelet mâle 3 mois 7,5 0 0 1000 htg/porcelet male 7500
Porcelet femelle 3 mois 5,75 0 0 1000 htg/porcelet femelle 5750
Géniteur puis porc castré 2 ans 0,5 0 0 5000 htg/géniteur 2 ans 2500
CI ELEVAGE
TYPE Qté Prix Unité Total
soins vétérinaires 0 0 htg 0
fourrage 0 5200 htg 5200
monte naturelle 0 0 htg/monte 0

PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB (htg/an) 14250,0
CI (htg/an) 5200
VAB (htg/an) 9050,0
hj 109,4
VAB/hj (htg/hj/an) 82,69

110

• EQUIN NAISSEUR

Nombre portée/an : Durée de carrière :
1 10 ans

1 JUMENT
Renouvellement 6000 htg 0,1 jument réformée
Extension Mortalité presque nulle 0,5 poulain 2,5 ans
nbe de pe;ts/mise bas = 1 0,45 pouliche 3 ans

1 poulain 1 an

0,5 pouliche 3 ans 0,5 poulain 2,5 ans


6 500 htg

0,5x1/10 pouliche 3 ans 0,5x9/10 pouliche 3 ans


6 500 htg

Figure : Elevage équin naisseur, fonctionnement du troupeau à l’équilibre





Tableau : Performances économiques de l’élevage équin naisseur



PB ELEVAGE
TYPE QTE PU (HTG) TOTAL
Jument reformée 0,1 6000 600
Poulain 2,5 ans 0,50 6500 3250
Pouliche 3 ans 0,45 6500 2925

CONSOMMATIONS INTERMEDIAIRES
TYPE QTE PU (HTG) TOTAL
Achat fourrage 1 0
Monte 1 0
Soins vétérinaires 1 1000 1000

PERFORMANCES ECONOMIQUES
PB (HTG/an) 6775
CI (HTG/an) 1000
VAB (HTG/an) 5775
HJ 30
VAB/HJ (HTG/hj/an) 193

111

• EQUIN TOURISME

Pour ce système, il n’y a pas de schéma d’élevage car la reproduction n’est pas un objectif de
cet élevage. L’agriculteur achète un poulain jeune et le rentabilise via des prestations
touristiques et/ou de bât.


PB
prestation de service 24 fois/an 300 htg/fois 7200
Location tourisme 24 fois/an 500 htg/fois 12000

CI
Alimentation 30 paquets 300 htg/paquet 9000
soin 4 doses 250 htg/dose 1000

Amortissement
prix d'achat durée
6500 15

PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB 19200
CI 10000
Amortissement 433
VAB (htg) 9200
VAN (htg) 8767
Hj 73
VAB/hj 126

112

• BOVIN ALLAITANT

Age de la première Durée de carrière :
mise bas : 3 ans Intervalle entre 2 12 ans
mise bas : 1 ans

1 VACHE
Renouvellement 15 000 htg 0,08 vache réforme
Extension mortalité : 10% 0,45 taurillons 1-2 ans
nbe de pe>ts/mise bas = 1 0,41 génisse 1-2 ans

0,9 veau sevré

0,45 génisse 1-2 ans 0,45 taurillon 1-2 ans

10 000 htg

0,45x1/12 génisse 1-2 ans 0,45x 11/12 génisse1-2 ans


10 000 htg

Figure : Elevage bovin allaitant, fonctionnement du troupeau à l’équilibre


Tableau : Performances économiques de l’élevage bovin allaitant pour une mère



PB ELEVAGE
TYPE Qté propriété Qté cédées gdn Qté prise gdn Prix Unité Total
Vache 0,083333333 0 0 15000 htg/vache réformé 1250
Génisse 1-2 ans 0,4125 0 0 10000 htg/génisse 4125
Taurillon 1-2 ans 0,45 0 0 10000 htg/taurillon 4500
Lait (l) 157,5 - 0 30 htg/l 4725
CI ELEVAGE
TYPE Qté Prix Unité Total
soins vétérinaires 2 200 htg/vaccin 400
fourrage 0 0 0
monte naturelle 1 250 htg/monte 250

PERFORMANCE ECONOMIQUE
PB (htg/an) 14600
CI (htg/an) 650
VAB (htg/an) 13950
hj 73
VAB/hj (htg/hj/an) 191

113

Annexe 6 : Définition et calcul du seuil de survie et du coût d’opportunité du travail


• Seuil de survie

Le seuil de survie correspond au seuil au dessous duquel une famille ne peut plus assurer ses
besoins fondamentaux pour une région donnée et pour un nombre donné de dépendants
adultes et enfants. Il correspond donc à la valeur des besoins incompressibles en biens et
services nécessaire pour une année (tableau). Dans ces dépenses minimums, on compte tous
les frais d’alimentation de base (protéines, céréales tubercules, bananes, viande, huile, sauce
etc.), les frais liés au logement (construction, réparation, entretien de la case), les frais
vestimentaires (uniformes scolaires, vêtement, chaussure etc.), les frais de blanchisserie et de
toilette (savon, lessive etc.), les frais scolaires (livres, cahiers, stylos etc.) et les frais divers
(lampes à pétrole/bougies, ustensiles de cuisines, charbon pour faire la cuisine). Les frais de
santé ne sont pas pris en compte, leur caractère exceptionnel induisent généralement pour les
familles les plus pauvres des ventes de bétails, vente de terre ou coupe de chêne. C’est
justement parce que ces familles sont au seuil de survie qu’une dépense extraordinaire peut
entrainer une décapitalisation extraordinaire.

Poste de dépense 3 adultes + 4 enfants 1 célibataire
Alimentaire -44160 -13248
Lessive + toilette -2640 -792
Ecolage -6350 0
Divers -4900 -1300
Vestimentaire -7825 -1000
Entretien maison -1500 0
seuil de survie total -67375 -16340
seuil survie/actif -33687 -16340


• Coût d’opportunité du travail

Pour comprendre les stratégies des agriculteurs, les intérêts qu’ils ont à rester dans
l’agriculture par rapport aux opportunités d’emploi que la ville offre, il faut évaluer le coût
d’opportunité du travail pour les emplois sans qualifications, c’est à dire ouvrier dans le
bâtiment, vendeur, taximoto etc.

Enquête par emploi Salaire annuel (htg)


Moto taxi 1 21 800
Moto taxi 2 29 440
Boucher 36 000
Vendeur de valise (1x/an) 12 500
Commerçante 73 800

On évalue le coût d’opportunité à 30 000 htg/an. Cette valeur n’est pas fixe mais donne une
estimation du salaire minimum journalier en ville sans formation ni qualification.

114



Dépenses (HTG/an) Jan Fev Mars Avr Mai Juin Juill Août Sept Oct Nov Dec
ENTRETIEN -1500
Entretien Maison
Achat de denrées -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200 -3200

ALIMENTAIRE
Huile -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480 -480
Vêtements -1000
Uniforme/souliers
5ans -1400
Uniforme + souliers
VESTMENTAIRE

6ans -2250
Uniforme + souliers
11ans -1300
Seuil de survie : détails

Uniforme + souliers
13 ans -1875
Inscription école +

115
carnet notes -5000
SCOLAIRE
Cahier + crayons -350
Valises -1000
Lampes gaz x2 -100 -100 -100 -100 -100 -150 -100 -100 -100 -100 -100 -150
DIVERS Charbon 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Transport -600 -600 -600 -600 -600 -600
Fab + chlorox -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120 -120
BLANCHISSERIE/HYGINE
Savon corps -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100 -100

Annexe 7 : Revenu agricole par actif en fonction de la SAU/actif



250000
RA Moyens propriétaires

RA Grands propriétaires

RA Petits propriétaires/
200000 Métayers
Cout d'opportunité

Seuil de survie
Revenu agricole/actif

RA Petits propriétaires/
150000 Métayers avec subvention
VAN Petits propriétaires/
Métayers
VAN Petits propriétaires/
Métayers avec subvention
100000 VAN Moyens propriétaires

50000

0
0 0,5 1 1,5
SAU/actif 2 2,5 3

Le seuil de survie est inférieur au coût d’opportunité (qui a été calculé à partir des revenus
de taxi moto et de vendeuses sur le marché, emplois les plus accessible car ne nécessitant
aucune expérience). Cela signifie qu’une personne seule avec 4 enfants à charge ne peut
subvenir à ses besoins, même en travaillant hors de l’agriculture.

116

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