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COCKPITvoice recorder N°20 sept.

oct/ 2022

UCCIANI - QUATREBARBES - COIFFIER - VIDAL


FERNANDES - BROQUA - DEZOTEUX - HAMELIN
ARMAND - FOURQUET - HIPPOLYTE HENTGEN

+ le poster par Arnaud Dezoteux


AINSI VA LE MONDE
Louis Ucciani

7 septembre 2021
7 septembre Je lis qu’il semble urgent pour la Cour des comptes que l’Institut de France se
réforme, je lis qu’elle s’impatiente au bout du cinquième audit et je me dis que c’est plutôt bien
que les académies résistent puisque résister est leur fonction. J’entends une publicité pour le livre
de Philippe Descola :’’Les formes du visible’’, je me dis que le titre est beau et que j’en serais
jaloux, je vois ce qu’on pourrait en tirer, qu’effectivement il y a des formes de la forme, il y a des
apparences de formes et donc qu’il y a un être de la forme, et que cet être de la forme ce serait
précisément ce que l’art cherche en effeuillant les fausses formes… Je cours tout à l’heure en
librairie et me le procure. Elle pleurniche, « j’sais pas quoi faire ! », qu’elle répète et répète, et lui
: « Silence j’écris ! »… et je compare les vies des célèbres tandis que le même jour que celui qui
dit ‘’silence j’écris’’ meurt, meurt un autre qui achève un long sommeil de 39 années après une
fulgurante carrière de footballeur. PYQ pointe qu’il semble dangereux, aujourd’hui, d’avoir un
prénom composé, après JPA, le footballeur, JPB l’acteur en écrivain… Gare au JPC lui répond un
petit malin… C'est le mystère des rencontres, il y a celle-ci Nick Cave essouf é de sa première
séance en salle de sport, en survet trop petit et tennis (ah oui on dit aujourd'hui sneakers) trop
grandes (empruntées à son ls semble-t-il) Nick Cave donc croise donc aux toilettes de l'aéroport
où il doit "récupérer"sa femme, Charlie Watts :"Nous nous sommes croisés, nous nous sommes
xés pendant un moment et il m'a souri, pas un sourire méchant, ni gentil, plutôt un regard
impassible qu'un animal ferait à un autre dans le nature signi ant sa suprématie complète et
totale..."
 
14 septembre 2021
Elle me dit "c'est du premier degré", en découvrant le monument Lavier-Hallyday. Je réponds
"mais ça ne peut être que du premier degré avec Johnny: le Rock'n Roll n'a pas de second degré;
c'est ce qui fait son intérêt". Je n'ose pas ajouter de peur d'en ammer le petit déjeuner "comme
l'art contemporain d'ailleurs". Là au moins il n'y aurait pas de confusion des genres... Souligner le
quotidien autrement, empaqueter l'Arc de Triomphe : c'est mettre de la mort là où il n'y a pas si
longtemps il y avait de la vie. Faire travailler les morts et mettre la mort au coeur de la vie c'est
semble-t-il la marque de sociétés devenues folles, mais être fou c'est souvent, trop souvent la voie
que prend la vie pour néanmoins se maintenir là où tout veut l'évacuer... Il fut un temps où Christo
était vivant, aujourd'hui il est mort.
 
17 septembre 2021
Simplement incorrigibles ; l'animateur de France Culture parle en direct depuis Chauvet ; il vante
le beau paysage où il faut néanmoins des bottes en caoutchouc.
 
21 septembre 2021
Tiens Roland Jaccard est mort et Raphaël Haroche sort son deuxième roman, lui me fait penser à
Yves Simon et à son talent multiforme, l'autre à l'itinéraire de cette [ma] génération désabusée
lectrice assidue de Cioran et Lacan. Et pendant ce temps je vois passer une séquence de Booba en
plateau télé, ça vole très, très haut...

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
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5 octobre 2021
J'essayais de répondre à Roméo, sur les beaux yeux du pouvoir et les hoquets hystériformes de
ses incantations ; rien ne s'envolait, la panne était-elle encore là ? Etions-nous paralysés de la
parlotte ? Ou fallait-il épargner les beaux yeux du pouvoir ? Rien que pour dire que j'avais
répondu et que ça ne se sait pas. Mais bien sûr qu'on s'en fout, répondre pas répondre vanité des
vanités... tout est dit, dit la chanson. Allez un ptit coup de Murat !
 
10 octobre 2021
Drôle de matin le soleil produit ses ombres et les lumières humaines deviennent choses
 
11 octobre 2021
On (FaceBook) me ressort ça que j'avais oublié, comme quoi la mémoire est bien mouvante, mais
heureusement que les réseaux sont là ! Mais trêve d'ironie, content de revoir ce petit musée où je
reconnais en plus des "déjà" cités, Marcel Miracle, Barbara Puthomme et Lin Delpierre...
 
14 octobre 2021
Je vois cette photo de l'indien de dos, je l'imagine viré par son maître, il s'en va vers "ses" plaines
qu'il ne sait même plus ne plus être siennes, mais déjà en projets d'aménagements divers pour le
bien de la civilisation.
 
15 octobre 2021
J'entends en mode ''repeat'' que James Bond est de retour. Il me semble que j'entends ça depuis
mon enfance, à chaque ''sortie''. Comment leur dire que, même s'il m'est arrivé d'en voir quelques
uns, même s'il m'est arrivé d'en apprécier certains, d'éprouver plaisir à voir certains objets fétiches
en situation, les montres et les voitures, même si le déploiement des armes et des ... [censuré par
les modérateurs] Comment leur dire que je m'en ''fous''... pas de la censure de mais l'excès de
comm... surtout sur les radio cul..turelles...
 
18 octobre 2021
Dire le plaisir d'entendre France Culture en grêve; outre la bande son souvent plaisante, on
subodore que tout n'est pas si rose, ou bleu, blanc rouge, en la cour du pouvoir... et ça c'est une
véritable information. Communication négative, information négative c'est la vérité du dire et du
faire savoir. Bon c'est pas le tout ça, mais il faut ler au boulot et on n'sait pas le temps qu'il fera!
 
  · 
30 octobre 2021
Il était certes étonnant que l'UE puisse respecter un vote populaire; rassuré je sortirai la semaine
prochaine mes gardes temps d'hiver, avec bracelets en moumoute. On doit rappeler que la
première maîtrise que détient tout pouvoir, c'est le calendrier, l'agenda, les emplois du temps...
Notre temps scandé en heures de la maternelle au bureau ou à l'usine est son objet premier, qui
fait de nous des "hororés", le second est la maîtrise de l'espace, chemins, rues, routes, places et
terrains campagnards, forêts, montagnes et bords de mer, villes et villages. Quand le pouvoir dit il
n'est plus 8 heures mais 9 heures ou 7 heures et que nous pensons qu'il est le temps que dit la
montre, il en fait une loi. Abandonner cela serait bien étrange tant nos rythmes ne nous
appartiennent pas, tant notre temps de même. Bof, on remettra ça en juin...

Cette année, dans chaque numéro, les Petites Chroniques de 2021


extraites du compte Facebook de Louis Ucciani.

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PLUVARIUM
Marie Quatrebarbes

1.
 
Dans la tête j’allume la pluie
et je la coupe
dans la tête à la fois j’allume
et je coupe la pluie
au-dessus un nuage gon e
un poing saille du nuage
le nuage est composé de petites rosaces
on dirait un bouquet
au-dessus un poing s’ouvre
il lâche la pluie
la pluie est lâchée elle tombe
le nuage lâche la pluie
les roses se transforment en pierres
un poing saille d’un nuage de pierre
un poing de pierre saille du nuage
il s’ouvre
un poing de pierre lâche une pluie de pierre
du nuage
au-dessus un poing saille
je l’allume
dans la tête une image couve
que recouvre une image
dans la tête un poing ouvre la pluie
je l’arrête avec ma tête
dans la tête j’allume et je coupe la pluie
un poing saille.

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans

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2.
 
3 juillet j’ai dormi
quand le sommeil manquait de moi
réveillée dans les torpeurs
d’une pluie longue-portée je prédis
qu’elle ne nira pas
les jours qui suivent
se reconnaissent à l’odeur
récalcitrante et au bruit taffetas
mouillé des gouttes- eurs
tic-tac sur l’herbe brûlante
ma tristesse prend des accents
que je ne lui connais pas
telle longue pluie cireuse
coule le long des feuilles
comme du papier froissé
autour d’un cadeau invisible
le Canada brûle une cavité
se forme sous l’Antarctique géante
je ne crois pas avoir jamais su
marcher toute seule sur la Lune
on dit le cœur de Jupiter est glacé
quand on le touche par accident
4 juillet la semaine est classée
vacuole de calme avant l’orage
donne des ordres à la suivante
violents et contradictoires
la mer prend feu
un cyclone se forme
dans un village une coulée
de boue fait deux morts
les dé agrations qui suivent
sont des minutes
prodigues et interminables
quelque chose tombe inlassable
qu’on ne peut mesurer
des seaux monstrueux
se déversent à nos pieds

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans

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et je circule dans les débris


de pétales et de ronces
l’éclair dit je viens vous chercher
quand nous sommes seuls
dans la seule journée
qui nous fait seuls
ce que nous sommes
hier plus qu’aujourd’hui
la falaise sous les gravats
me retourne le cœur
herbes et pierres se destinent
à la rondeur à l’oubli
abrasion dont la caresse
efface de la surface de la Terre
ce qui n’a pas de maison
parfois une grosse feuille
contient une grosse eur
nous aussi sommes franchis
de chaque seuil que nous passons
à l’approche du 5ème jour
je me con e
en apnée à la candeur du suivant
du 5 au 7 la fureur
éclate avec le début de l’orage
on le dirait pressé de fêter en avance
l’anniversaire de sa propre mort
mais je suis longue à la détente
parcelle d’enfance où je m’englue
douleur anticipée d’un constat
qu’on ne peut oublier
à présent quels yeux
voient le monde se défaire
demandent pardon aux enfants
dont la jeunesse se recroqueville
pardon pour l’incandescence
et les soucoupes dans les buissons
dehors rassemblées
sous un même ori amme
marchent obliques dans les conduits
côte à côte sans le savoir.

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
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LE ROSSIGNOL AMOUREUX
Sophie Coif er
LE ROSSIGNOL AMOUREUX
Sophie Coiffier

J’ai récupéré ce vieux stock de cassettes dans une foire à tout. Les bandes
ont vieilli forcément. Ca grésille un peu et cela donne aux sons un ton
mélancolique, l’impression d’entendre des espèces déjà disparues. Le
bruit du passé devient le son de l’anticipation. Dans l’attente du
cataclysme, tout un tas d’animaux automates me narguent sur écran.
Depuis quelque temps c’est une vraie ménagerie. Les algorithmes ne
savent plus quoi inventer pour nous maintenir prisonniers de la lumière
d’un horizon bleuté. Des chats en panier, des chiots abandonnés, des
loutres, des wombats, des perroquets, des chimpanzés. D’un côté les
cassettes, je les ai trouvées au milieu d’un chaos indescriptibles sur une
table à tréteaux branlante, dans une cagette en plastique au milieu d’une
fin de civilisation. De l’autre, les images d’animaux me tendent leurs
grands yeux humides à travers l’écran. Ils n’ont pas d’âge, peut-être sont-
ils morts depuis longtemps, peut-être sont-ils totalement virtuels, tout en
1 et en 0, surtout en 0. Il est vrai qu’on ne s’attend pas à un clip sympa
avec des lombrics, le hérisson ayant plus de chance de provoquer la
pamoison.

J’ai donc essayé cette nuit de retenir le chant du Rouge-gorge. Ça, mon
grand-père savait le faire d’instinct. Il connaissait même les noms latins -
eurithacus rubecula pour ce passereau européen. Je ne lui ai jamais
demandé où il avait appris. Certes, il était musicien, mais cela n’explique
pas les noms latins. Pour ce qui est de siffler le chant – ça aussi il savait le
faire et l’oiseau répondait – je n’ai plus qu’à lancer un tuto qui apprend à
fabriquer un appeau avec des noyaux de cerises.
A l’ancienne.
Avec des matériaux naturels.
C’est-à-dire qui ne marchent jamais car ils réagissent à l’atmosphère
ambiante et se rétractent, se fendillent, sont sensibles au froid, au chaud,
à l’humidité. Les appeaux ont été confectionnés souvent et d’abord pour
la chasse. Les fabriques d’appeaux en série se sont multipliées au XIXème
siècle. Aux Etats-Unis où les « Duck Calls » pour imiter le canard sont
légion, un gars avait même eu l’idée d’en fabriquer en métal.
L’inconvénient c’est que les lèvres des chasseurs gelaient dessus en hiver.
Ça vous en bouche un coin.

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Cassette numéro 1 : la grenouille verte
BLOACCCTheinnnntheinnnnBLOOOOACCCCTheinnnntheinnnnBBBLLLOAACCCCC

Cassette numéro 2 : le Rouge-gorge familier
Plioouuuuuuu-------Tliliouuuuuu-----PipliouuutitliiiiiiPliouuuuu-----Titli

Cassette numéro 3 : le merle noir
PipidaaaapoupadouaCrrrricrrrriPiiiipidaaadouaaaCrrrrrriiiiiiTidoumTa
loumTidoumC-rriiii

Cassette numéro 4 : le hérisson
PfffffffeeeeffffeeeeeeepfffeeeeeefffeeeeeePffffeeeeefffeeeeeeePfffffFeeeeeefffee

Cassette numéro 5 : la grande sauterelle verte
Tsssttsssttsssttssstttssttsssttssttsssttsstssstsstssstsstssstsstssstsstssstss

Cassette numéro 6 : le rossignol amoureux
PllooooaTchiiitiiiPilouuuPilouuuuuTouliiiiiiTititipppoooollaaaiiiiTirroo
TirooOllaaaaiiiiP

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LE MONDE EST MECHANT
Rose Vidal & Hugo Fernandes
 
A l'heure où le coq chantera,
J'aurai bonne mine avec mon drap
Mangez-moi à même le chat
On verra, verra qui fera l’premier pas
 
Y’a pas d'soucis, j'suis pas soucieux, j'peux t'faire du mal 
T’es mon champ de bataille
Sur l'terrain comme au foot
J'voudrais qu'tu crèves d'une mort louche
 
Et toi tu passes ton chemin
On va remonter ton terrain, 
On va tourner sur ton terrain
Ouais, ouais, le monde est méchant, 
Ouais, vraiment trop méchant
 
J’aime voir le ciel
Dans l'enfer du mois d'août, quand la mer est si belle
J’aime le silence alors ferme ta gueule
 
Vous les verrez des eurs dans les cheveux
Plein d'amour brûlant dans leurs yeux
 
Amour/haine, c'est automatique
Tu bouges la tête, c’est automatique
Jeune amme orageuse, solitaire, héroïque
Tout dégénère, tout est cyclique
 
Je croyais que j’allais la voir elle m’a mis un plan 
Elle est déjà superbe pourquoi elle veut des implants ?
Ouais, ouais, le monde est méchant, 
Ouais, ouais, vraiment trop méchant
 
J’ai pas d’temps à donner ou à perdre
On prend deux buts, on prend deux bières
La défaite n'est pas une option, marre d'avoir le sourire à l'envers
 
Le rideau s’abaisse nous allons nir de boire
M'avez-vous déjà vu quelque part ?
A l’encre noire et sans y croire
Quand on est mort c’est qu’on est mort
 
Ouais, ouais, le monde est méchant, 
Ouais, ouais, ouais, ouais, vraiment trop méchant

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans

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MOI AUSSI J’AI TESTÉ LE CAMPING SAUVAGE


Vincent Broqua

train1 =
35m – 400 km
train2
191-1050m
navette
1050m – 30 km
1200m – 10 km
arrivée
2100 m – 30 km
marche
2150 m
2000
2200
téléphérique
3000 col
redescente
2000
chemin
à 2200
une 404
18h
un berger
(il dit)
la nuit
peut être
froide
(il dit)
une cabane
un peu plus
haut 2250-
2255m
j’y serai
vers 10h
je garde
le troupeau
plus tôt
14h15
on avait
lu

DANGER

LOUP = PATOU

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans

Zone pastorale
Respecter
La consigne
Rester calme
Contourner
Le troupeau
Descendre
De vélo, …
après le berger
s’allonge
dissout
le sujet
tee-shirt
entouré
pins mélèzes
sorbiers des oiseaux
lichens parasites
feuilles de schiste

feuilles d’écorce if
digitale genévriers
passant du vert
au noir & rapace
= rongeur cloches =
chapelle cloches =
chèvre loup =
patou bruits
loin endormis
passant = rando
le chemin (montée
à pic) =

ROUGE
BLANC

15h30
il marche
débardeur
sac à dos
mince
passe
groupe passe
enfants passants
grands-parents
l’homme

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
repasse (descente)
regarde
repasse (montée)
s’éloigne
vélos VTT
= fitness =
cross fit
VTT Edge 3.9 2022
Spicy Team 2022
Overholt Femme 2022
XRM 8.9 Edge 7.9
Rockrider explore 520
Rockrider semi-rigide XC 100
Passent
Rockrider Eagle AXS Carbone
Regardent
Polygon Cascade 4
Agressor Sport
Access EXC Femme
Repassent
Cannondale Trail 7 Femme (699€)
OCCAM M30 Eagle (3999€)
(s’éloignent)

2145 16h
— bonjour (montant la pente à pic il dit)
— bonjour (je réponds).
2157
(Vélo électrique je pense : Facile!)
5 min
Redescente levé sur les pédales, athlétique, le corps en arrière en contrepoids. Il s’arrête à
ma hauteur, je m’arrête. 2169
— pas facile (il dit)
— oui (je réponds) ça monte.
2170-2170
— je suis au restaurant en bas (il continue) j’ai voulu faire un tour.
— ah, bien ! (je dis) c’est une bonne montée, une bonne descente aussi!
Il est descendu de la selle, entrejambe posé sur la barre du vélo.
— avec ça, c’est pas fait pour (il dit en regardant le siège enfant à l’arrière)
— oui c’est vrai, le bruit (je dis. je devrais m’avancer il me semble).
2170
— la montée, c’était un bon cardio (il dit, main à la poitrine, il me fixe. Sourire)
Comment poursuivre la conversation ? (je pense / et lui aussi, il pense)
— bon, allez, bon courage (je dis, commençant à marcher).
— merci, vous aussi (il dit se remettant en selle, son corps en contrepoids en levant les
fesses. la marque de son slip multicolore apparaît).

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
sur la pierre
sous les arbres
en retrait
jambes-bras
en X
désormais
18h
un peu 2174

18h 2200
tente
sac
19h
dehors
la nuit
on fait quoi
la nuit
les étoiles
la voute
bof position X
on ne lit pas
le ciel sais pas
dans la tente
endormi direct
22h pouf
Luminosité
aveuglé
— bonsoir
— ah c’est vous
— faut pas s’arrêter là
— venez, on ne sait jamais
Les loups venez entre mes murs
— je m’habille j’arrive
— Laissez ça, Venez je vous dis, venez, Comme vous êtes
J’en ai vu d’autres (Prenant les épaules) Vous êtes
Comme un agneau Des boucles gentilles Votre VTT Mettezvouslà Entrez, le feu, Regardez,
votre Mountain bike— Sur le lit Sa main Sur ma poitrine Comme un agneau Il Dit Vous
avez la toison douche Des boucles gentilles Douce Jevous protège jevousêtes faitComme
l’agneauL’agneauSa mainsesbras LàAutourmasapoitrineMonsonventrePlaqué contremoi
Se lèvre Répanddu lait toiSurle corps Le Le lèchelechelechemilk
Ça va ?
Oh ça va ?
Le berger dit :
— ça va ? c’est moi
je suis venu voir
si ça va — vous
avez crié je crois

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
j’ai dit je vais voir
22h20 2200 m
— merci, oui (je dis j’ouvre la tente)
Ah je m’étais endormi
— bon si ça va alors je vous laisse
bonne nuit —
— attendez, je ne sais pas
Je crois que je vais venir
— allez venez
Il fait meilleur
Quand même 2255 23:00
— je reste dehors encore
mettez-vous à l’aise
j’en ai vu d’autres
je garde les bêtes
23h 2255

Fin ioi me don’ alegranssa


per qu’eu chan plus gaiamen,
e no m’o teing a pensanssa
ni a negun penssamen,
car sai que son a mon dan
fals lausengier e truan,
e lor mals diz non m’esglaia,
anz en son dos tanz plus gaia

et puis

Fin Joi d’amour plus gai


De savoir les langues de truanderies
Sur elle redoublent mon allégresse
Tous ces salauds et le brouillard qui se répand
Et sa peau son chant la pluie de feu

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
GRANDEUR NATURE
Arnaud Dezoteux

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LES TAROTS DE BRUXELLES
OU PETITE TENTATIVE DE TAROT INSTITUTIONNEL
Lancelot Hamelin

«  Fred Gettings pense aussi que ce sont des esprits qui guident la main du consultant dans le choix des
lames. » L’Initiation au Tarot, Piek L. Anema (Fred Gettings, The Book of Tarot, Hamlyn, Londond, 1973.)
 
«  Alain Hadès est convaincu que l’in uence des pensées de chacun joue un rôle important dans la source
d’énergie du Tarot. » L’Initiation au Tarot, Piek L. Anema. (Fred Gettings, The Book of Tarot, Hamlyn, Londond, 1973.)
 
 

 
Es-tu – pourquoi ne serais-tu pas le héros d’un conte de fée ?
Es-tu – pourquoi ne serais-tu pas l’élément d’une matière en travail de transformation ?
C’est cela que les Tarots racontent, c’est cela que les Tarots contiennent dans leurs arcanes,
et que le récit va devoir dégager, et faire entendre.
Le jeu des lames qui s’enchaînent, se recouvrent, se répondent, se recoupent, fait
s’entrechoquer des gures environnées d’un essaim de légendes et d’histoires ambiguës, telle
cette Papesse qui succède au Bateleur et précède L’Impératrice, ou tel ce Diable, ce Pendu, cette
jeune lle qui verse de l’eau de deux vases dans une rivière, juste après que la Tempérance ait
transvasé un liquide mystérieux entre deux vases de couleur confrontées, le rouge et le bleu, ou
encore tel ce squelette échappé d’une danse macabre fauchant des corps et démembrant toute
gure de gure a n de jeter la matière désassemblée dans une terre noire et féconde, où l’Œuvre
va pouvoir commencer…
Ainsi, comme face à tout récit, tu vas te sentir convoqué en miroir de ces personnages en
apparence conventionnels mais en vérité  irréductible à leur apparence première, voire à leur
désignation - tel ce Bateleur qui est peut-être un vendeur de camelote, peut-être un alchimiste,
peut-être un imposteur ou un charlatan, en tous cas, il est le premier pas, la première pierre, le
point de départ, l’être fondamental, le noyau individuel qui va traverser toutes les étapes du cycle
tordu en ruban de Moebius, monter l’échelle qui ramène juste un peu à côté du centre du
mouvement – et tu vas entendre cette histoire tirée du fond des âges comme si elle ne te
concernait pas et pourtant tu ne pourras échapper au sentiment que les péripéties te décrivent, en
un écho lointain mais limpide avec ton existence, comme se pro le ce qu’on appelait dans
l’ancien temps, un destin...
Mais le destin, on le sait aujourd’hui, n’est qu’un jeu, un branle dans le manche du temps
qui sort de ses gonds, entre la Providence et la volonté humaine, entre le haZard, la nez-cécité et
le libre-arbitre, entre la statistique des grands nombres et les phénomènes d’émergence suscités
par le Chaos, qu’on voit au travail dans le papillonnage de l’arcane du Mat, l’électron libre dont
la carte ne porte pas de numéro et qui est à la fois le 0 et le 22, l’avant début et le terme du
terme par quoi tout commence…

#jeveuxquemapoesiepuisseetrelueparunejeunefillede14ans
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Ainsi que l’écrit l’astrologue Alain Hadès, «  La matière s’incarne dans un univers en
perpétuelle évolution, mais cet univers est soumis à des lois précises depuis le commencement du
monde  ; c’est pourquoi nous pouvons prédire  ; autrement dit l’impermanence est soumise à la
permanence, les choses ne peuvent pas ne pas arriver. Elles sont là de toute éternité comme
cette personne, puis cette autre, puis cette autre encore que nous trouvons sur notre route. Tout
se passe comme si nous mettions nos pas dans des empreintes que nous ne voyons pas. »
Didier Hadès, Cartes et destin, Arts et métiers graphiques, Paris, 1970.
Mais tu as, toi qui es moderne, même découpé depuis longtemps de tes racines anciennes,
même retranché du silence primordial dont les oiseaux rares se raré ant d’aujourd’hui conservent
le savoir, même excavé de la parole perdue qui se chante encore peut-être entre les choses du
monde, tu as par ton aveuglement même peut-être plus de facilité à comprendre que le Tarot est
un jeu mettant en mouvement un savoir, savoir que tu acceptes un peu facilement de considérer
comme ésotérique, disons qu’il est aisé pour toi de l’accepter comme cet outil oblique permettant
de questionner le psychisme, et même si cela est un peu paresseux en terme de Folie, disons que
cela suf t à entrer dans le processus magique, il faut peut de chose, un petit rien et tout est mis en
mouvement, car la pensée dont procède le Tarot, et qu’il suf t d’emprunter comme le vêtement ou
la dépouille d’une langue étrangère, considère le monde dit réel et le monde psychologique
comme symétriques, ainsi que les deux faces d’une même pièce, ou mieux encore, ainsi qu’un jeu
de re et entre une chose et ce qu’elle dépose dans le miroir, à moins que cela ne soit l’inverse du
retour de la lumière.
Ainsi, même si tu prends le Tarot comme une aventure spirituelle ou psychologique, ainsi
qu’un conte de fée, si tu sais lire la ction sans perdre de vue ce qu’elle structure de symbolique
et comment cette ction est reliée au réel, tu vas découvrir des chemins d’initiation à des rites
secrets, perdus, oubliés, mais conservés dans les lames et leurs milliards de possibilités
associatives. Et tu seras, au détour du chemin, obligé de te souvenir des antiques possibilités de la
divination qui sont en toi, car tu es toujours en train de procéder à des protocoles d’évaluation
des possibilités, voire à des prévisions qui constituent souvent de véritables anticipations, et tu ne
te priveras pas des ressources que l’inconscient sait découvrir dans les similitudes entre les divers
phénomènes du réel que l’homme est capable de rencontrer, s’il est prêt à faire un petit effort, le
petit pas de côté qui fait passer la lisière du miroir, sans refuser de se saisir des outils divinatoires
que d’autres cultures ne se permettent pas de mépriser, cela ne t’empêchera pas d’avancer sur le
chemin de la modernité techno-scienti que. Néanmoins, accepter la dentelle de la Bonne
Aventure te permettrait d’abandonner ta position dominante, comme lorsque le cavalier descend
de cheval a n de pouvoir se mettre à genou, et recevoir ce qu’on ne donne qu’à celle ou celui
qui dépose son bouclier et offre son anc mis à nu.
Il convient donc bien sûr que tu accueilles la puissance du Tarot comme relevant tout
simplement de celle de l’inconscient. Allons-y, l’essentiel est d’avancer, les forces en jeu sont
suf samment profondes pour nous retrouver, et se retrouver en nous, malgré nos limites, nos
erreurs et nos confusions, car le château des destins croisés ouvre sur un jardin aux sentiers qui
bifurquent...
 
*
 
Le 20 novembre 2021, à Bruxelles, avec les membres de l’association Culture & Démocratie, nous
avons questionné les plus antiques arcanes a n de savoir de quoi le tissu de son destin proche
était fait. Il s’agissait d’entreprendre une drôle de tentative de tirer les cartes à une personne
morale, une entité collective et non plus un individu singulier et solitaire. Ainsi les membres de
l’association, employés et bénévoles, membres du bureau ou participants, se sont-ils mis au
service de cette personne qui n’existerait pas de la même façon sans eux, mais dont l’existence ne
dépend pas non plus de leur engagement…

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Au cours d’une journée de laboratoires de ré exion, ils ont établi une frise couverte de
photos découpées dans des journaux, de graf ti jetés à la volée entre les dessins et les slogans.
Dans cette fresque couvrant le mur entier d’une salle de réunion, ils ont isolé 22 segments de la
taille d’une feuille A3, que j’ai ensuite «  lues  » à l’aune de la symbolique du Tarot le plus
conventionnel, le Tarot de Marseille.
Ma lecture, comme la constitution de la frise, s’est faite à la volée, dans un mouvement
ottant de mon attention, au ras de mon inconscient. Les symboles sautent aux yeux grâce à
quelques traits, quelques motifs, déformés par l’iconographie et la pensée contemporaine, qui
résonne de façon parfois discordante avec les gures du Tarot, mais qui conserve pourtant
schématiquement les structures profondes des contes et des mythes. Ainsi, le dessin d’un mur
hérissé de barbelés renvoie évidemment à l’arcane XVI de la Maison-Dieu… Le visage
ensanglanté d’un personnage de série télé qui hurle à la façon du Cri de Munch rejoint l’arcane
sans-nom, l’arcane XIII, où la chair est démembrée a n de permettre toutes les fusions et effusions
de la matière, en quête d’une refonte de l’être à partir de ses matériaux distribués autrement.
Ainsi, les 22 arcanes constituant un jeu de Tarot représentent-elles les forces périodiques
élémentaires qui traversent et tissent nos vies.
En cette période étrange et tragique, sourdement tragique et étrangement nouvelle,
l’identité de l’association otte un peu  : comment aujourd’hui s’articulent la Culture et la
Démocratie, dont le & semblait peut-être évident à l’époque où l’association est née, mais dont
l’articulation coince un peu aujourd’hui ?
En n de journée, nous nous sommes donc réunis autour d’un tapis de tissu rouge usé par
la vie et les fêtes, a n de tirer les cartes à l’association à la amme de la bougie.
Chaque membre de l’association avait reçu une carte découpée dans la frise, carte
retournée donc secrète, et nous avons déposé quatre quarte sur le tapis, lorsqu’une des
personnes se sentait appelée à poser sa carte, lorsqu’elle le sentait… Ce qu’on appelle un tirage
en croix, élaboré par l’occultiste Oswald Wirth, propose de poser une carte à gauche, qui
plonge dans le passé ; une carte à droite, qui ouvre sur l’avenir ; une carte au-dessus, qui traduit
l’idée qui règne sur l’esprit, force imaginaire qui n’est pas illusoire puisqu’elle donne la puissance
de l’imagination  ; et en n, une carte en-dessous, qui constitue la réalité de ce à quoi le
questionnant s’affronte. Et dans ce cas de rencontre avec la réalité, la force qui règne sur
l’imaginaire n’est pas indifférente, et se montre au contraire déterminante…
Le tirage constitua ainsi une croix de cartes dont on pouvait lire les éléments jaillis de
l’imaginaire collectif des membres de l’association, mis en rapport avec les vieux symboles de
conte de fée des Tarots.
Ainsi, les lames racontèrent-elles comment l’association venait d’un passé où elle était l’Empereur,
(arcane IIII), c’est-à-dire une personne maître d’elle-même et de son monde, et incontestablement
reconnue comme telle dans la société où elle régnait. Des tracés faits par les membres de
l’association, il restait quelques mots écrits en noir : « POESIE DU MONDE », un fragment de
page de journal laissait lire les mots « sans âme, et sans feu », comme si l’association était
parvenue à la limite de sa situation impériale, constatant le risque qui la menaçait qu’elle se
retrouve comme une structure sans contenu, une armure sans personne à l’intérieur, capable de
fonctionner encore, mais dans quel but ? Un visage d’homme aux yeux noircis au Marker,
évoquait peut-être Œdipe aux yeux crevés, après la chute, c’est-à-dire la révélation… Oui, il était
peut-être temps pour l’association de se remettre en route, dans la nuit de l’inconnu, la nuit
intérieure…
Cet avenir vers lequel l’association semblait engagée se présentait sous la forme de
l’arcane XIII, celle qui ne porte pas de nom, et dont on peut craindre qu’elle soit la Mort, mais
qui est en fait l’arcane de la Transformation, moment dangereux, œuvre qui coûte et risque
d’aboutir à la dissolution pure et simple de l’organisme, mais qui est la condition pour que la
métamorphose du sujet ait lieu, vers la sublimation… L’injonction christique en latin NOLI ME
TANGERE était griffonnée au-dessus de la course d’un sportif handicapé poussant son fauteuil

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roulant, véritable chariot renvoyant à l’arcane VII, du Triomphe… Alors que la tête sanglante et
hurlante du personnage de série télé évoquait la tête du Roi qui, dans la lame du Tarot, roule aux
pieds de la Faucheuse…
Sur ce chemin tracé par les deux arcanes de l’axe temporel, on pouvait découvrir cette
arcane révélant la force qui règne sur l’esprit : un mur surmonté de barbelés, bouchant l’avenir
qui semble être devenu impossible, un mur qu’il va falloir sauter, franchir, ou faire sauter et
effondrer, l’arcane XVI, la Maison-Dieu, qui n’est édi ée par les hommes que pour être foudroyée
par Dieu, ou encore, cette forge qu’on fait travailler à plein, au risque de provoquer son incendie,
voire son explosion.
Telle est l’idée qui règne sur l’esprit de l’association : ce mur infranchissable, contre de tous
les contres, objet de toutes les luttes qui menacent la Démocratie, et dont on peut se demander ce
que la Culture pourra faire contre, et pourtant cette image désespérante renvoie à une arcane qui
signi e la chute imminente, occasion en vérité de toute avancée, de tout renouvellement…
En-dessous, comme réalité, on avait une manchette de journal parlant de «  retour à
l’essentiel », une autre prônant une vie « de bière et d’eau fraîche », avec le mot LOVE indiquant
que la carte était le spectre de l’arcane VI, de L’Amoureux, signi ant toutes les forces d’éros, mais
aussi et surtout des choix que nous devons faire lorsque nous sommes engagés dans l’action, cette
profonde hésitation qui peut être paralysante tout autant que motrice. Le mot « monde » écrit à la
main apparaissait encore… A l’imaginaire écrasant d’un mur fasciste s’opposait en fait une réalité
de désir.
Un tel tirage en croix est scellé par le calcul nal de la somme théosophique des différentes
arcanes mises en jeu. L’addition de IIII + XIII + XVI + VI donne XXXXVIIII, autrement dit 49, dont
la somme théosophique est le XII.
Le Pendu.

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LES APPARENCES
Louise Armand

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LE BLAIREAU
LE BLAIREAU – Fureur dede
- Fureur lirelire
2021
2021
Marie Fourquet
Marie Fourquet

Il a cet âge où l’on ne tombe plus amoureux. Il ne va pas chercher pourquoi en s’engouffrant dans
les méninges d’un psy surpayé. Trop tard. Il doit gagner de l’argent. S’occuper de ses enfants et
encore gagner plus d’argent pour se pardonner d’avoir eu des enfants trop vieux. Tout ça occupe
pleinement ses journées.

Ses enfants trépignent devant la porte. Sacs sur le dos, peluche dans les bras. Ils sont enfin prêts. Il
sourit à leur maman espérant un peu de compassion mais elle rembarque les marmots chez elle
dans une froideur égale à sa beauté. Sûrement son nouveau rôle de mère célibataire qui la rend
austère. Elle assume ses choix et apparemment ça empêche de sourire.
Il l’aide à fixer le siège bébé dans la voiture. Puis rentre chez lui en consultant son iPhone dans
l’espoir du SMS d’une actrice qui a besoin d’un shooting.
Rien.
Dommage. Il aurait bien aimé photographier une gamine pleine d’ambition. Jusqu’au bout elle
l’aurait baladé, lui aurait fait miroiter une possible baise. Il aurait joué le jeu. Et elle serait repartie
triomphante avec ses photos. Sans coucher. Il le sait. Mais cet érotisme post #MeToo est très
divertissant. Il aura peut-être un message plus tard.

Les portières de la Volvo familiale claquent. Sa famille s’éloigne.


Il ramasse deux trois jouets au sol, gratte du slime séché sur la table. Libre du départ des enfants,
enfin il se sent plutôt vide comme une baignoire pleine de jouets à rincer. Il ouvre son frigo, hésite,
prend une bière et s’étale devant Netflix. Il démarre une série abrutissante avec des aventures de
vikings. Le chef d’un clan, à la barbe tressée, stoppe net de toute sa force une attaque de flèches
avec son bouclier.

Boire des bières au lit, péter devant Netflix et attendre qu’on l’appelle pour filmer, c’est son nouvel
équilibre une fois les enfants partis.
Il s’endort profondément, bercé par le son du lave-vaisselle.
L’ordinateur finit par s’éteindre faute d’être regardé.

Un bruit sourd le réveille. Quelqu’un frappe à la porte. C’est inquiétant. Comment un tox aurait-il
pu arriver jusqu’ici?
Il se lève. Prêt à se battre. Derrière la baie vitrée, il découvre un blaireau. L’animal est fat et rayé.
Fourré dans sa poubelle. Affairé à dévorer la carcasse du poulet cuisiné plus tôt pour les enfants.
Il saisit son appareil photo. Le petit, le compact, et commence à shooter l’animal. Il lui trouve une
certaine grâce derrière son masque noir et, son acharnement à déchiqueter cette poubelle est noble.
Le blaireau est court sur pattes, son museau agile, son poil soyeux. Un instant, il hésite à réveiller
les enfants pour leur montrer, puis il se souvient des lits vides.
Une fois les photos prises, il décide de rentrer la poubelle. L’animal contrarié part plus loin,
déterminé à trouver son bonheur ailleurs. Lui regrette d’avoir ouvert si brusquement la baie vitrée.
Maintenant, il boit seul. Mais il est satisfait de l’avoir photographié.

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Le lendemain matin, au téléphone, son agent semble agacé par cette histoire de blaireau. Il y a ce
film en Bavière. Il attend une réponse. L’histoire d’un ado délinquant qui se lie d’amitié avec un
âne. Oui, oui. Il peut faire l’image de ce film. Filmer un âne. C’est 10 semaines en Bavière. Il va
s’organiser avec la maman des enfants. « Le tournage est bien payé. » « Oui. J’ai deux loyers à
Zurich maintenant. Voilà » « Tél au réal et fais-lui croire que tu as lu ce scénario » « Genau,
genau… »
Il raccroche.
Perplexe, il se fait un café et décide d’envoyer sur le groupe WhatsApp des voisins la photo du
blaireau. Une pluie d’émoticônes, yeux en formes de cœur, ne tarde pas à arriver. Il est content de
son succès jusqu’à ce que le rabat-joie du haut lui demande de ne plus laisser traîner sa poubelle
dehors. Il ajoute un : On ne sait jamais.

On ne sait jamais. De quoi il parle ? Connard de trentenaire graphiste.


D’autres voisins dans cet élan de remise à l’ordre ajoutent qu’effectivement, c’est pas super pour
leur chat les carcasses de poulet dehors.
La joyeuse anecdote du blaireau fut de courte durée. Incompris, il décide alors d’envoyer la même
photo à la maman des enfants pour qu’elle leur montre. Il ajoute sous la photo « Ok pour une garde
alternée si je l’adopte ? » Il reçoit direct un bip de réponse. « Est-ce que tu as accepté oui ou non
ce tournage en Bavière ? Il faut que je m’organise avec nos enfants. »
Il ne la fera plus jamais rire.

J’écarquille un peu les yeux pour simuler de l’intérêt pour cette photo sur son téléphone. On voit un
blaireau déchiqueter un sac poubelle Stadt Zürich. L’animal a l’œil morne. Peut-être il est juste ébloui
par le flash ? Lui, il est si enthousiaste à me raconter sa rencontre avec le blaireau. Je ne veux pas
le blesser. Je reste assise sur son lit.
« Regarde Marie ! »
Il me mime au sol comment il a réussi à le prendre en photo sans le faire fuir.
Il m’explique que depuis trois jours, il traque l’animal masqué. Mais que les voisins le pistent avec
cette histoire de poubelle. Alors il met discrètement des petits bouts de poulet derrière la glycine.
Pour que l’animal, ajoute-t-il, prenne l’habitude de revenir jusqu’au retour des enfants.
« Mais tu l’as revu depuis ? » Il me répond que non.
Je remarque qu’il a dû cette fois serrer les cordes un peu trop fort puisqu’il y a des marques sur mes
poignets et une sur mon bras.
Je lui dis mais il ne m’écoute pas. Je décide de laisser tomber et de me rhabiller. Avant, j’avais
l’habitude de traîner nue dans cet appartement, mais depuis que la baise a pris le dessus, je préfère
reprendre vite mes vêtements. Tel un uniforme de l’amitié. De toute façon, il ne me regarde pas.
Il me dit que juste avant mon arrivée, il a remarqué la disparition des morceaux de poulet. Le
blaireau est dans le coin.
« C’est peut-être un chat, tu crois pas ? » Ma remarque le contrarie.
Je bois lentement le long latte macchiato qu’il m’a servi. J’adore ce truc au lait chaud réconfortant,
je ne bois ça que chez lui. Peu importe l’heure.
Depuis sa cuisine, j’observe sa chambre. Il a utilisé beaucoup d’accessoires. Pourtant, je ne me
souviens pas de tout. Enfin, si, la baise était intense. Je jette vite un coup d’œil sur mes jambes pour
vérifier s’il n’y a pas d’autres marques. Rien. Je reprends un peu de mousse de lait sucré à la
cuillère. Le bruit de son imprimante est régulier. Il revient vers moi avec la photo fraîche.

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Ça lui plait que je la prenne délicatement entre mes doigts. Je trouve un peu dégoûtant cette
carcasse décharnée en gros plan.
Je lui dis « Dis-donc, il s’est fait plaisir avec ton poulet ! »
Son visage s’illumine de joie. « Oui ! Il est super vorace. C’est fou la force qu’il a, non ? »
« Oui…on peut imaginer pour survivre dans la forêt. »
Je retourne dans la chambre récupérer ma chaussure, une trace de sang sur les draps m’arrête.
C’est étonnant, j’ai le souvenir de beaucoup de douceur.
Je décide de m’offrir un taxi jusqu’à la gare de Zurich. Le chauffeur me surprend à rigoler toute
seule.
A l’aller, pour répondre aux ordres, j’étais en lingerie sexy avec une bouteille de champagne et je
repars avec une photo de blaireau.
Je regarde les traces de corde sur mes poignets et tire les manches de mon pull pour les cacher.

Il dort mal depuis sa rencontre avec le blaireau. Une excitation nocturne l’agite. Le désir de revoir
l’animal l’obsède. Un soir, malheureusement, il comprend que les bouts de poulet ont été mangés
par l’affreux Maine Coon de son voisin. Déjà que ce chat fait des merdes de labrador dans son
jardin mais là, faire obstacle au retour du blaireau ! Saloperie de félin domestiqué !
Il commence alors à rôder dans son quartier, s’attarde vers les poubelles mais rien. Dommage qu’il
ne fume plus. Il aurait aimé fumer en cherchant son blaireau. Tout en marchant, il a soudain l’envie
d’écrire à Marie. Il hésite. Puis lui écrit qu’il était heureux de sa visite.
Marie lui répond vite.
Elle lui demande s’il a revu le blaireau. En la lisant, il sourit. Il est content qu’elle s’y intéresse et
s’empresse de lui expliquer ses nouvelles stratégies pour retrouver la bestiole.
Marie lui demande s’il est amoureux. Il ne comprend pas son message.
Pourquoi cette fille revient toujours avec ces histoires d’amour ? Elle le sait qu’il n’est pas amoureux.
De quoi elle parle ?
Il commence à lui répondre puis efface. Recommence à lui répondre puis efface jusqu’à ce qu’il
reçoive un nouveau message.
« Est-ce que tu es amoureux de ton blaireau ? » précise-t-elle.
C’est une blague. Il respire à nouveau. Il répond par un smiley qui pleure de rire. Puis se décide à
rentrer se coucher.
Dans la nuit, il est réveillé par du bruit mais c’est le cri d’un viking qui mène un combat sanguinolent.
Il attrape son téléphone pour regarder l’heure et découvre un nouveau message de Marie.
« Tu sais sur la photo, il ne te regarde même pas. Ce serait dommage de tomber amoureux. » Il
trouve complètement con son message. Pourquoi elle lui envoie ça ?
Maintenant il est énervé et ne retrouve plus le sommeil. Il décide de continuer les vikings avec une
bière. C’est chiant, il aimerait dormir car les enfants reviennent demain. Merde, il a bientôt 60 ans
et les petits lui demandent beaucoup d’énergie.
Il est furieux contre Marie de l’avoir réveillé puis il se souvient que ce sont les vikings et non son
message. Son cerveau entre alors dans un huit infernal entre sommeil et éveil. Il est presque sûr que
le blaireau l’a regardé mais comprend que la mère de ses enfants évite toujours son regard. Et il
entend Marie lui demander de regarder ses poignets sans réussir à se souvenir pourquoi. Il rouvre
l’ordi et cherche sur Facebook des photos de l’actrice qui devait l’appeler. Son visage est moins
intéressant que dans son souvenir. Puis le visage sanguinolent du viking lui revient, le viking marche
accompagné d’un âne et cette image est tellement stupide qu’il regrette d’avoir accepté ce tournage
en Bavière.

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Il n’arrive pas à dormir. Les enfants arrivent dans 2h. Il se lève pour sortir les draps du sèche-linge.

Je découvre son message au réveil « Mal dormi. Non. Je ne suis pas amoureux » À le lire, on le
croirait fâché. Ça ne lui ressemble pas. Je regarde à nouveau la photo du blaireau. Peut-être j’ai
exagéré ? Va savoir si l’animal le regarde ou pas ?
Je regrette de lui avoir envoyé ce message. Il a raison. Rien à voir. Je commence à m’excuser par
message mais c’est ridiculement long alors j’efface et je n’ai pas le courage de l’appeler. Ça en
reste là.

Pendant plusieurs mois, je n’ai pas eu envie de l’appeler. Sans vraiment comprendre pourquoi.
Parfois, je riais toute seule à l’imaginer chercher en vain son blaireau. Puis du regret. Alors je suis
restée loin de Zurich. Il n’a pas cherché non plus à prendre de mes nouvelles.
J’ai acheté un cadenas. Je gardais chez moi une boîte noire satinée contenant quelques accessoires
que je me suis résolue à descendre à la cave. Cadenassée.

Après tout ce temps. Il trouve marrant de revoir Marie dans un café. Il était content quand elle a
téléphoné. Elle doit être en couple pour ne plus l’appeler.
Il entre et l’aperçoit assise dans un coin. Lorsqu’il se retrouve en face d’elle, elle lui offre un grand
sourire qui le rassure. Il réalise alors qu’il était un peu inquiet de la revoir. Dans le tram qui l’a mené
jusqu’ici, il a préparé des questions pour elle. Ses ados. Son travail. Son chat. Il veut que ça se
passe bien.
Il lui explique, complice, qu’il n’a jamais revu le blaireau. Elle se souvient ? De cette nuit ? Où ils
ont vu un blaireau ensemble ?
Elle se ferme, ne répond pas et enchaîne. «Comment s’est passé ton tournage en Bavière ? »
Il est déçu qu’elle ne se souvienne pas du blaireau.
Dans un silence un peu trop long, il appelle le serveur pour commander une bière. Quelque chose
le tracasse. Il est heureux de la voir mais frustré. Il ne se l’explique pas.
Il a des crampes au ventre.

Je n’étais pas là quand il a photographié son blaireau. Il commande une bière. Je joue
nerveusement avec un sachet de sucre. Je revois l’animal, le museau dans les déchets, la carcasse
de poulet, le sac poubelle éventré. Je sais de quoi il parle mais je n’étais pas là. Cette photo est
dans la boîte cadenassée à la cave. Je revois la marque sur mes poignets quand il me l’a donné.
Il m’agace mais comme il dégage toujours ce profond chagrin, je lui souris. Je n’arrive pas à lui
dire qu’il se trompe. Nous n’étions pas ensemble.
Puis. Il me fixe bizarrement et me lâche :
« Tu serres ton poing. »
« Quel poing ? » Je réalise que ma main droite s’est fermée sur elle-même comme un poing prêt à
le frapper. Tout mon bras est tendu. J’écarte lentement mes doigts et découvre au creux de ma main
le sachet de sucre explosé.

J’observe le sucre dans ma main se répandre sur la table lui a le nez fourré dans son iPhone. D’un
coup, il extrait son visage radieux pour me tendre sa photo du blaireau. « Regarde ! Le voilà ! »

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SEPTEMBRE / OCTOBRE
Hippolyte Hentgen

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COCKPIT CRITIQUE CLUB

D’un lyrisme l’autre, la création entre poésie et musique de Laure Gauthier en


dialogue (Éditions MF, 2022)
 
Laure Gauthier poétesse et enseignante à l’université de Reims a invité ici des poètes et des musiciens pour
converser avec eux sur la création entre la poésie et la musique. Alors, ce qui apparaît très vite est la
question du commun et d’être ensemble. Ici, la création n’est possible qu’à partager, qu’à collaborer, qu’à
être « avec » comme Gauthier l’écrit dans le dernier entretien qui lui est consacré : « Oui, j’écris avec des
compositeurs. Ce qui est très différent d’écrire pour, une attitude qui correspond à la situation de
nombreux librettistes et qui ne m’intéresse pas » (p 360). Cette remarque est d’autant plus intéressante que
Gauthier est une poétesse qui semble se présenter comme lyrique c’est-à-dire une créatrice dont la forme
sensible se suf t à elle-même, le lyrisme étant un terme comme elle le précise étymologiquement doté d’un
instrument de musique, la lyre. Mais pour des raisons historiques, elle nous encourage dans ce livre à
«  poser autrement la question de la possible coexistence entre le poème et la musique, de son
accompagnement à la lyre. Peut-on réinventer le lyrisme sans faire l’expérience du champ de l’autre, sans
se frayer un chemin au travers des zones de tension, sans faire l’expérience de la collaboration ? » (p 27).
À cette question, le poète Philippe Beck répond nettement dans l’entretien qui lui est accordé. Évoquant son
livre La Berceuse et le Clairon, il explique que la musique nous impacte de deux façons : ou elle nous endort
libidinalement (la berceuse) ou elle nous réveille martialement (le clairon). Entre les deux, une seule
alternative, être un des membres de l’équipage d’Ulysse, aventure collective que Beck résume ainsi  :
« Chacun est Ulysse » (p58).
 
 Christophe Fiat

World is a blues de Kristoff K. Roll et Jean-Michel Espitallier (Édition Mazeto Square,


2021)
 
Espitallier, poète et batteur, auteur de Tueurs (voir notre chronique dans Cockpit n°19) et de Du rock, du
punk, de la pop et du reste (chronique dans Cockpit n°21) ne pouvait que participer au projet engagé et
musical  de Kristoff K.Roll intitulé World is a blues. En effet, ce livre accompagné de deux CD qui est issu
d’une création pour la scène oscille entre l’horreur des vies de migrants fuyant la guerre (world) et
l’ensorcellement du blues, musique au roulement lancinant, seule capable d’exprimer la plainte et le
témoignage (blues). Dans Bedur, après (11’13), on entend la voix d’Espitallier dire ça avec en fond la bass
obsédante de Marc Siffert : « Après, il y a des lits superposés / Mon père dort à côté de moi / Après, on
ne veut pas croire que je suis enceinte / Après, reste là  ! / Après, malade pendant deux mois / Avec la
toux, avec la èvre / Après, rien à manger pendant dix jours / Après, on attend on attend, encore, on
attend, encore, encore, on attend / Après, on va dans le camp à la frontière » (p 46). Voilà, tout ce projet
est dans l’après, l’après des con its et des exactions qui poussent des milliers de gens à fuir leurs pays pour
venir en Europe au péril de leur vie où ils ne trouvent qu’isolement et détresse dans des camps et autres
centres de détention. Kristoff K.Roll qui rendent ici un hommage aux exilés et exilées nous disent que « nous
sommes toutes et tous porteur.ses d’épopées migratoires  » (p 25). C’est chose faite avec cette œuvre où
participe aussi une autre auteure  : Anna Kawala. Comme si la poésie était la seule langue possible pour
raconter, saisir la face obscure de notre époque.

Christophe Fiat

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Z comme zombie d’Iegor Gran (Éditions POL, 2022)


 
Dans cette époque confuse, brutale et violente, il est bon de lire le dernier livre de Iegor Gran. Par son
ironie mordante et son humour décapant, Gran met en scène une Russie zombi ée (comme son titre
l’indique) envahissant militairement l’Ukraine, comme on le sait, depuis le printemps 2022. Ici, la
zombi cation n’est pas seulement une référence aux lms de zombies mais elle témoigne de l’état d’esprit
du peuple russe spectateur de la télévision. Gran au début du livre raconte que le mot «  zombocaisse  »
désigne la télévision  : «  Cette boîte qui sonne creux et rend bête  » (p 15) et de s’étonner qu’un tel
spectacle – « une propagande si grossière » (p17) – puisse avoir atteint son but. À savoir, convaincre les
spectateurs que l’invasion de l’Ukraine par la Russie consiste à dénazi er ce pays voisin. Ainsi, les zombies
dont il nous parle sont bien réels, gens diplômés ou modestes allant jusqu’à vénérer la lettre Z peinte sur les
chars russes (p 40) ou portée sur un tee-shirt de la boutique en ligne Russia Today (p 43). Ce qui amène
Gran à écrire qu’il n’y a pas de zombi cation sans « zédi cation », tra c de la langue : « Le premier mot à
subir la zédi cation est la préposition 3a (pour), ce que donne Za Poutina («  Pour Poutine  »), Za
presidentia (« pour le présidence ») » p 45. Mais ce livre qui peut apparaître comme un pamphlet contre les
Russes gouvernés par Poutine dissimule une réalité plus sombre, l’avenir de nos régimes démocratiques
minées par l’extrême droite, la télé-réalité et la crise économique. Plus qu’un état de lieu, Z comme zombie
est un avertissement qui nous est adressé, la propagande n’était rien d’autre que l’alliance du mythe
historique (voir les passages sur Ivan Le Terrible ou Staline) et d’un pouvoir ivre de domination sur fond de
misère et de pauvreté : « Loin des façades luxueuses de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les Russes vivent
mal, très mal et ils le savent » (p 107) conduisant à un patriotisme psychotique, sorte de délire éveillé : « Il
n’échangerait jamais son char T-90 contre la vie d’un enfant, parfois même de son propre enfant » (p114).
Voilà, ce livre de Iegor Gran est d’une intelligence rare et grinçante, une arme pour la pensée et la
littérature.

Christophe Fiat

Totalement inconnu de Gaëlle Obiégly (Christian Bourgois Éditeur, 2022)


 
« Je passe du coq à l’âne, peu importe. Peu importe car tout se tient. » (p 79) dit la narratrice du dernier
livre de Gaëlle Obiégly. Parce qu’ici, on est au-delà des faits et de la ction dans un espace temporel qui
semble ouvrir à un nouvel imaginaire. Lequel ? Il n’est pas nommé mais on apprend qu’il mêle la vie et la
mort dans un même élan, une même présence étrange, celle du mythique soldat inconnu qui inspire le titre
du livre et dont la tombe est sous l’Arc de Triomphe, à Paris : « Le soldat inconnu, par le fait d’y penser, je
l’ai bercé ; c’était pour lui donner de la beauté, c’est-à-dire de l’existence. Il est sorti de sa tombe. Je l’ai
vu sous forme de amme. Et de drapeau, de eurs, et ses nombreux visages  » (p 236). De plus, cet
imaginaire ne se satisfait ni du savoir, ni de la connaissance dont il se joue, tout entier ouvert à une voix
dont nous apprenons au début du livre qu’elle s’est manifestée à la narratrice en 2015 à Rome, alors qu’elle
faisait une résidence d’artiste, devenue depuis hôtesse d’accueil. Voix non pas chaleureuse, aimante mais
autoritaire  : «  Alors disais-je une voix a surgi pour me faire des annonces et des instructions  » et de
poursuivre de façon quasi mystique  : «  Passée le choc de la pénétration, je me suis abandonnée. Et j’ai
même pris un malin plaisir à être possédée » (p 7 et 8). À cela, Obiégly répond par une conférence aussi
délirante que grinçante et parfois même comique. Voilà, ce livre n’est rien d’autre qu’une conférence qui
nous est adressée et dont la langue incisive se transmet au fur et à mesure qu’on avance dans notre lecture
pleine de circonvolutions, de temps d’arrêts et de reprises, là où se tient la possibilité d’une littérature libre
et affranchie. Et à la n, Obiégly prend même congé de son lecteur et de sa lectrice de la façon la plus
légère qui soit  : «  Dire au revoir m’importe plus que dire bonjour. En tant qu’hôtesse d’accueil, je peux
vous assurer qu’il est rare que les gens viennent vous dire au revoir » (p 238). Pas de littérature, aussi, sans
hospitalité et savoir-vivre.

Christophe Fiat

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COCKPIT Voice Recorder


PRÉSENTE

AINSI VA LE MONDE
Louis Ucciani
PLUVARIUM
Marie Quatrebarbes
LE ROSSIGNOL AMOUREUX
Sophie Coif er
LE MONDE EST MÉCHANT
Rose Vidal & Hugo Fernandes
MOI AUSSI J’AI TESTÉ LE CAMPING SAUVAGE (7)
Vincent Broqua
GRANDEUR NATURE
Arnaud Dezoteux
LES TAROTS DE BRUXELLES
Lancelot Hamelin
LES APPARENCES
Louise Armand
LE BLAIREAU
Marie Fourquet
SEPTEMBRE / OCTOBRE
Hippolyte Hentgen
COCKPIT CRITIQUE CLUB (à propos de Laure Gauthier, Kristoff K. Roll &
Jean-Michel Espitallier, Iegor Gran et Gaëlle Obliegly)

+ POSTER de Arnaud Dezoteux

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À Manuel Joseph
 
 
 
C’est à l’automne que tu es mort
Cher Manuel comme un zombie
Probablement tiré au sort
Pour repeupler le paradis

Christophe Fiat

10€
COCKPIT Voice Recorder

Date de parution vendredi 7 octobre 2022


Une revue créée par Christophe Fiat
Directrice de publication Charlotte Rolland Rédaction Christophe Fiat
Conception et Editing Cockpit N°ISSN en cours
Abonnements www.revuecockpit.com
Revue Cockpit - 28 rue du Poteau 75018 Paris
troisccc@free.fr
Instragram : @revue_cockpit
Facebook : @revue

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