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Possessions et Exorcismes

L’affaire de Loudun
La vraie histoire du film
« L’Exorciste »

La notion de « possession diabolique » fut à la base de nombreux crimes


perpétrés par le catholicisme à l’encontre de prétendus sorciers et sorcières qui,
à travers les siècles, furent livrés au bras séculier de manière criminelle et
hypocrite. La base de cette croyance tirait son origine des révélations du
Nouveau Testament qui furent prises au pied de la lettre. Dans les Evangiles,
nous trouvons un étrange amalgame établi entre la notion d’infirmité physique et
celle de possession diabolique: « Et il y avait là une femme tenue depuis dix-huit
ans par un esprit qui la rendait infirme : elle était courbée et ne pouvait
absolument pas lever la tête. L’ayant vue, Jésus l’appela et lui dit : « Femme, tu
es délivrée de ton infirmité. » Et il lui imposa les mains. Aussitôt elle se
redressa, et elle glorifiait Dieu. » Fallait-il en déduire pour autant, comme
l’Eglise le fit, qu’un certain nombre de handicaps physiques étaient le résultat
d’une possession diabolique ?
Les exorcismes occupent une place importante dans les Evangiles. Ils
constituent une arme essentielle du prosélytisme chrétien, prétendant démontrer
aux incrédules la supériorité et la victoire de Yahvé, de son fils Jésus (qui n’a
par ailleurs jamais été son « fils ») et évidemment du christianisme sur les
divinités païennes. Après l’épisode des tentations dans le désert qui vit le
triomphe de Jésus, le malin se retira et n’osa plus l’attaquer de front. Désormais,
il le fit de manière détournée à travers des personnes possédées que Jésus
délivrait. A Capharnaüm, en Galilée, le Christ rencontra son premier
démoniaque. Dans la synagogue se trouvait un homme à l'esprit possédé par un
démon impur qui se mit à vociférer d'une voix forte : « Ah ! Que nous veux-tu
Jésus le nazaréen, es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : le Saint de
Dieu. » Mais Jésus le menaça : « Tais-toi, dit-il, et sors de cet homme. » Et le
démon, le projetant à terre devant tout le monde, sortit de l'homme sans lui faire
aucun mal » (Luc I : 32-35).

Au pays des Géranésiens, un homme était sous l'emprise d'une multitude


de démons. Jésus leur fit prendre possession d'un troupeau de porcs qui
paissaient, ils « entrèrent dans les porcs et, du haut de l'escarpement, le
troupeau se précipita dans le lac et s'y noya » Mat. XII : 24. Peu de temps
après, Jésus guérit un épileptique. En Samarie, il délivra un possédé de son
démon muet : « Or, il advint que, le démon étant sorti, le muet parla, et les
foules furent dans l’admiration. » Luc, XI : 14-16. Dans Luc, IX : 37-43, Jésus
guérit un enfant : «  Or il advint, le jour suivant, à leur descente de la montagne,
qu’une foule nombreuse vint au-devant de lui. Et voici qu’un homme de la foule
s’écria : « Maître, je te prie de jeter les yeux sur mon fils, car c’est mon unique
enfant. » Et voilà qu’un esprit s’en empare, et soudain il crie, le secoue avec
violence et le fait écumer ; et ce n’est qu’à grand-peine qu’il s’en éloigne, le
laissant tout brisé. »J’ai prié tes disciples de l’expulser, mais ils ne l’ont pu. »
« Engeance incrédule et pervertie, répondit Jésus, jusqu’à quand serai-je
auprès de vous et vous supporterai-je ? Amène ici ton fils. » Celui-ci ne faisait
qu’approcher, quand le démon le jeta à terre et le secoua violemment. Mais
Jésus menaça l’esprit impur, guérit l’enfant et le remit à son père. Et tous
étaient frappés de la grandeur de Dieu. » Jésus délivra aussi Marie-Madeleine
des sept démons qui la tourmentaient.

Les disciples du Christ reçurent le don de chasser les démons en son


nom. Il est fait mention de cette capacité dans l’Evangile de Marc : « Il (en)
établit douze pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir
de chasser les démons. ». Et évoquant les mêmes apôtres, Marc VI : 13 révèle :
« Ils chassaient beaucoup de démons, et ils oignaient d’huile beaucoup de
malades et les guérissaient. ». Toutefois, même ceux qui ne faisaient pas partie
de cette poignée d’élus pouvaient eux aussi exorciser. Luc, IX : 49-50 révèle:
« Jean prit la parole et dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des
démons en ton nom, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne te suit pas avec
nous. » Mais Jésus lui dit : « Ne l’en empêchez pas; car qui n’est pas contre
vous est pour vous ».

Pour les croyants, les notions de possession et d’exorcisme constituent


une partie de la « vérité divine ». L’argument avancé par les chrétiens lorsqu’on
les accuse de pratiquer un rituel « magique » est que Jésus donna l’autorisation
d’exorciser en son nom. Selon eux, l’efficacité de l’exorcisme ne vient pas d’une
quelconque force magique, mais de la foi en Dieu. La force qui expulse est
d’essence divine. Si l’on s’en tient aux textes évangéliques, il apparaît que toute
personne ayant la foi est susceptible de pratiquer un exorcisme au nom de Dieu.
Toutefois, l’Eglise en a limité la fonction à des prêtres qualifiés. L’exorcisme ne
peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l'évêque. Dans
l'Église catholique romaine, on distingue les exorcismes ordinaires comme
l'administration du baptême (destiné à consacrer l’enfant à Jésus) des
exorcismes extraordinaires pouvant s'étendre sur une longue période.

« En 1999, l’église catholique a défini un nouveau rituel des exorcismes,


multiplié le nombre des prêtres chargés de la fonction (ils sont passés de 15 à
120 en France), réaffirmé vigoureusement, par la voix du pape, la réalité de
l’existence du Malin. » révèle Robert Muchembled dans son excellente
« Histoire du Diable » parue aux Editions du Seuil. Il n’est nullement étonnant
de voir l’Eglise en pleine débâcle, tenter de revenir à ces pratiques d’un autre
temps dans l’espoir de revigorer la foi en Dieu.

Pourtant, avec les découvertes fondamentales de Freud et la naissance de


la psychiatrie moderne, bon nombre de cas de possession ont trouvé une
explication scientifique. La médecine définit les troubles multiples de la
personnalité comme étant la coexistence chez un individu de deux ou plusieurs
personnalités distinctes ayant chacune une mémoire propre, des comportements
spécifiques et des types de relations sociales différents. La schizophrénie peut
elle aussi aboutir au sentiment d'être « possédé ». Ajoutons les crises d'hystérie,
les phénomènes épileptiques et la transe, état proche des états de
somnambulisme naturel ou artificiel (hypnose).

Habituellement, le démon se manifeste à nous sur un plan purement


psychologique par le bais des désirs, des rêves, des pensées, des hallucinations.
A cela viennent (rarement) s’ajouter les assauts sexuels d’êtres spirituels appelés
incubes (démons mâles) et succubes (démons femelles). Plus rarement encore, il
arrive que son intervention se complexifie, prenne une allure terrifiante et des
dimensions paranormales. On évoque alors la possession. Jadis, l’Eglise a défini
différents stades attestant de l’action de Satan sur les individus: la tentation,
l’obsession et la possession. Issue de l’épisode du jardin d’Eden, la tentation est
la marque la plus diffuse du diable. Ensuite vient l’obsession qualifiée
d’infestation démoniaque. C’est une tentation qui perdure dans le temps et
devient quasi permanente. Peuvent être victimes d’obsession, les personnes qui
jeûnent, font abstinence, pratiquent le spiritisme... L’obsession s’apparente à la
hantise. Elle se traduit par des hallucinations visuelles et auditives, des images
obsédantes, des cauchemars, des désirs érotiques. Elles s’apparentent à l’histéro-
épilepsie. L’intrusion brutale du démon dans le corps distingue la possession des
deux stades précédents. Satan est désormais à l’intérieur du corps et se substitue
à la personnalité de l’individu qui devient un instrument dont le diable use à sa
guise.

L’exorcisme qui, en grec, signifie « conjuration », est utilisé par l’Eglise


pour chasser les démons et les mauvais esprits par la force de la foi, le nom de
Dieu et le pouvoir de la prière. Le rituel peut s’avérer particulièrement
impressionnant par les adjurations au démon, les aspersions d’eau bénite, les
signes de croix répétés… et leurs effets violents sur le possédé. L’individu se
contorsionne. Il a des éclats de rage et de colère. Il émet des paroles impies et
blasphématoires contre la morale et la religion. Il entre en transe et perd toute
conscience mémorisable de ce qui se passe.
En 1973, William Friedkin connut un incroyable succès avec son film
« L’exorciste » réunissant Ellen Burstyn, Max von Sydow et Linda Blair dans
le rôle de la jeune possédée, un personnage qui la marqua à jamais. L’action se
déroule à Washington, dans les années 1970. Suite à une séance de spiritisme,
une jeune fille de 12 ans, Reagan, se retrouve possédée par le démon. Après
l'échec de la médecine, sa mère se tourne vers l’Eglise et demande au Père
Damien Karras de réaliser un exorcisme. Rapidement dépassé par la situation,
le père Karras fait alors appel au Père Merrin, un spécialiste du diable qui
décédera lors d’une séance d’exorcisme particulièrement éprouvante. Plus de
trente ans après,  L’exorciste  reste l’un des films les plus terrifiants jamais
réalisés à ce jour. La représentation, pour la première fois au public, d’un rituel
catholique d’exorcisme sur le corps d’une fillette possédée par le démon, fit
forte impression sur les puritains. A sa sortie, des scènes d’hystérie eurent lieu
parmi des spectateurs de Boston et de la côte Est des Etats-Unis. William
Friedkin s’était inspiré du livre du même nom de William P. Blatty qui s’était
lui-même basé sur des faits authentiques. (voir encadré).

Pour venir à bout d’une possession, les Catholiques proposent le baptême


s’il n’a pas encore été pratiqué, la confession générale (relative à l'ensemble de
la vie passée), le jeûne, la prière, la communion, les objets bénis, l'eau bénite et
enfin l'exorcisme qui consiste - au nom du Christ - à intimer au démon l'ordre
d'avouer son nom puis de quitter le corps du sujet. Le « Rituale Romanum »
(rituel romain) établi par le pape Paul V (1605-1621) définit une méthode en
onze points pour exorciser les démons. Elle comprend des prières, des
aspersions d’eau bénite, des récitations de psaumes, des passages des Evangiles,
des interrogations du démon… L’abbé Julio (1844-1912) pensait qu’il ne fallait
pas s’en tenir à ce seul rituel et recommandait l’utilisation des prières adressées
à saint Cyprien et le très efficace exorcisme de Léon XIII contre Satan et ses
anges apostats.

La possession relève de Satan lui-même, d'un démon et parfois de


plusieurs esprits maléfiques en même temps qui s’emparent des ressources
physiques et /ou mentales d'une personne et la contraignent, lors de crises
particulièrement sévères, à des faits et des actes auxquels elle n’adhère pas et
dont elle ne garde aucun souvenir, une fois revenue à son état normal. La nature
du phénomène exige, pour le différencier de la pathologie mentale, la production
de manifestations d'ordre surnaturel.

L’âge ingrat, la puberté, l’adolescence semble constituer des moments


privilégiés. Durant cette période difficile, l’enfant subit de nombreuses
transformations physiques et psychiques. A son insu, il peut devenir l’épicentre
de phénomènes physiques inexpliqués nommés Poltergeist. Des grincements,
des coups répétés se font entendre dans les murs. Les tiroirs s’ouvrent et se
ferment tout seuls. Les objets changent de place. Des bruits de pas se font
entendre. Des pluies de pierre s’abattent sur les murs de l’habitation. Même si la
science n’a pas encore pu expliquer ces étranges manifestations, elles paraissent
liées directement au psychisme humain et n’ont probablement rien à voir avec la
hantise ni une quelconque possession diabolique.

Les phénomènes parapsychiques particuliers qui orchestrent la possession


(comme la sainteté d’ailleurs) échappent à l'analyse scientifique courante et sont
souvent rejetés par cette dernière. Les théologiens reconnaissaient plusieurs
« signes » permettant d’établir avec exactitude le diagnostic d’une possession.
Le rituel romain reconnaît trois symptômes essentiels : parler ou comprendre
une langue inconnue (glossolalie), découvrir les choses éloignées et secrètes
(voyance), faire preuve d’une force inexplicable et déplacer les objets à distance
(psychokinèse).

La glossolalie est la capacité de connaître une ou plusieurs langues


inconnues spontanément, sans les avoir jamais étudiées : grec, latin, araméen.. .
Etrangement, elle existe aussi chez les âmes proches de Dieu et est pratiquée
lors des réunions charismatiques. L’apôtre Paul évoqua ce don comme étant le
« parler en langues ».

Il est admis par la science qu’une violente émotion peut conduire un être
normal, de musculature peu exercée, à développer sur une courte période une
force étonnante. Le possédé, du fait de la présence du diable dans son corps, fait
preuve d’une force réellement disproportionnée par rapport à sa stature. Plus
étrange est son pouvoir de déplacer des objets parfois très lourds, sans les
toucher. On a décrit des possédés allant jusqu'à ébranler une maison « comme
un tremblement de terre. » Cette puissance surhumaine leur permet aussi de
tordre des barres de fer, de rompre des cordes ou des sangles, de soulever des
poids considérables

La connaissance des choses secrètes et cachées, la capacité de voir


l’avenir, de lire dans les pensées, de réaliser des prédictions est une
caractéristique des possédés comme des saints. Le diable connaît les méfaits, les
faiblesses, les vices, les secrets les plus intimes des individus et n’hésitent pas à
s’en servir contre eux. Il aime multiplier les révélations historiques ou
prophétiques, décrire des événements éloignés au moment où ils se produisent.

A cela s’ajoutent d’autres phénomènes comme la lévitation qui est une


forme de psychokinésie. Le corps du possédé s’élève et se déplace dans les airs,
entraînant parfois avec lui les objets sur lesquels il est assis ou couché : lit,
matelas, drap, chaise, fauteuil… La lévitation existe chez les possédés comme
chez les saints. Sainte Thérèse d'Avila et saint François d’Assises furent
« ravis » maintes fois et devant de nombreux témoins.
Le possédé réagit de manière très forte face aux objets et aux actes
religieux. Les gestes pieux le mettent dans une rage folle et le conduisent à
blasphémer. Il prononce des mots orduriers ou scatologiques, tire la langue, fait
des gestes obscènes… Parfois, le sujet présente des traces de griffes, de coups,
des brûlures. Plus rarement, comme dans le cas authentique qui a inspiré
« L’exorciste », des lettres et mêmes des mots entiers apparaissent en traces de
sang sur leur peau. Tertullien comme saint Hippolyte déclarèrent que le
« corrupteur du genre humain avait coutume de marquer les siens pour les
reconnaître ». Le possédé présente des points du corps anormalement
insensibles, des anesthésies localisées. On peut le piquer sans qu'il souffre ni ne
saigne. Soeur Jeanne des Anges, la célèbre possédée de Loudun, se plaignait
sans cesse de fourmillements. Elle avait « la moitié du corps tout grillé » ou
devenait totalement anesthésiée. Durant la « chasse aux sorcières », tout
individu soupçonné de sorcellerie ou de possession était dénudé, rasé et sondé
par des piqûres d'aiguille. Ajoutons aussi le vomissement de substances ou de
corps étrangers que le diable a auparavant obligé le possédé à manger ou qu’il
lui a envoyé par maléfice.

La plupart du temps, les victimes de possession prennent un air


repoussant. Les possédés parlent la langue tirée (anormalement longue et
gonflée) hors de la bouche. Leurs yeux roulent dans leurs orbites. Leurs corps
s’arquent jusqu’à ce que leur tête touche presque leurs reins. Leur teint est
blafard, leurs dents couvertes d’écume, leurs membres tordus, leurs lèvres d’un
blanc bleuâtre… Une religieuse de Loudun (voir encadré), victime du démon
Asmodée devint « méconnaissable, son regard furieux, sa langue proéminente
grosse, longue et pendante en bas hors de la bouche, livide et sèche à tel point
que le défaut d’humeur la faisait paraître toute velue… »

Il existe plusieurs catégories de possessions, celles provoquées


artificiellement par les envoûteurs, celles résultants d’un pacte conclu avec le
malin, les possessions temporaires consenties par les individus qui s’imprègnent
de l’esprit d’un animal, d’un défunt et parfois même d’un Dieu (voir encadré sur
les oracles), et les possessions involontaires. Les âmes prédisposées sont en
général des êtres hyperémotifs, d’une extrême sensibilité et suggestibilité.
Parfois, ils peuvent cristalliser dans leur corps un phénomène collectif
d’excitation, de peur, de folie comme celle qui s’empara du petit village de
Salem aux Etats-Unis (voir encadré).

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