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Le FIL A PLOMB

Véritable pendule majestueux, le plomb se tient face au pavé mosaïque,


immobile entre le noir et le blanc, il ne tranche jamais, il somme les contraires et
parvient à l’équilibre parfait. Cet équilibre est incarné par son immobilité
arrogante causée par la pesanteur.
Ce plomb est relié à un fil de hauteur infinie, cosmique qui s’élève au plus haut
dans la voûte étoilée... D’aucun dise qu’il est fixé à la grande ourse… Paradoxal à
mon sens mais j’y reviendrai…

Le fil a plomb symbole de la verticalité s’adresse avant tout à notre âme, nous
guide sur le chemin du passage du métal à la vérité… en vérité justement celle-ci
s’impose comme inaccessible, perdu dans l’infini des cieux.
Ce petit plomb lourd et immobile consacre la pierre brute que nous sommes, mais
aussi l’être métallique qui tente de se défaire de ses certitudes, de ses aprioris
de ses croyances ou encore plus exactement de son amoncellement personnel et
singulier de vérités structurantes.
L’expression « être plombée » ne renvoie-t-elle pas à cette sensation triviale et
matérielle de l’être pragmatique, posé sur la terre, aspiré par la pesanteur,
ancrée dans son quotidien fait de drames ou d’incidents, d’émotions fortes ou de
solitude ?

Ce petit plomb lourd me rappelle chaque fois combien il m’est difficile de me


défaire de cette longue et minuscule route à la fois d’événements majeurs ou
futiles qui m’ont faite telle que j’étais le jour où j’ai frappé à la porte du temple.
A vrai dire, à l’instant présent je ne me sens pas vraiment plus légère… certes
j’ai parfois quelques kilos baladeurs qui me rappellent combien la pesanteur et
l’attraction terrestre est exponentielle mais ce n’est évidemment pas de ce poids
là qu’il s’agit.
Ce qui plombe mes tentatives d’envol, d’évolution, ce qui rend difficile la taille de
ma pierre c’est le poids des acquis de l’expérience, les formatages de mon
éducation, les formes inconscientes de protection et de dénis qui se sont mis en
place, les lourdeurs de la vie de l’être de chair et de sang, mais qui, parfois,
semblable à une gazelle bondit quand surgit un sursaut de l’âme.
Ces bons de gazelle même si l’image est puérile c’est les coups de ciseaux sous le
maillet de ma volonté lorsque je m’affaire à tailler lentement ma pierre brute.
Et lorsque que l’on bondit, on échappe un moment à l’apesanteur, on s’élève on
mobilise ses forces pour lutter contre l’empirique, on emprunte la verticale.
Alors le fil a plomb n’est plus que fil quelques secondes, les secondes où notre
âme défait un verrou de certitude, entrevoit une nouvelle façon d’envisager les
chose, se défait de la lourdeur d’un préconçu.

Regardez ce fil toutefois comme il est fin, presque invisible, comme sa pente est
rude à la verticale, comme son ascension parait inaccessible. C’est l’ascension
vers la Vérité, pas nos vérité LA Vérité, celle qui est faite de la somme parfaite
de toutes les vérités de chacun sans qu’elles se contredisent, celle qui constitue
le côtoiement des contraires, le blanc et le noir.
Ce fil est relié à la voûte étoilée et il me plait de l’imaginer noué solidement à la
grande Ourse, comme c’est ironique me direz vous d’attacher ce fil symbole de
l’élévation de l’âme à « une grande casserole » d’aucuns disent « grand chariot. »

Pourquoi il parait subtil d’évoquer la grande casserole comme le point de noeud du


cordeau au bout duquel pend le plomb fixé à son extrémité ? Parce que l’élévation
de l’esprit, l’apprentissage du meilleur ne se conçoit quoiqu’il arrive qu’en regard
de notre statut d’être humain.
Est-ce mon agnosticisme qui prend le dessus. ? Je ne sais pas. Ce que je crois,
c’est que le fil n’est que le symbole du lien entre l’homme et l’humanité, que même
si les cieux renvoie au divin, ici et aujourd’hui c’est de l’humanité qu’il s’agit.
Apporter sa pierre à l’édifice, c’est être dans l’humain, l’élévation spirituelle ne
se fait qu’ancrée dans la matière pour ne pas se déconnecter de l’empirique.
Alors cette casserole me direz-vous ? eh bien justement, même dans les cieux
c’est la matière imparfaite qui fait écho, la vérité s’il en est, est peut-être au-
dessus de la grande ourse, ou au-delà …

D’ailleurs, la Grande Ourse est à l'origine du terme « septentrional » : les


romains appelaient cette constellation septem triones c'est-à-dire « les sept
bœufs de labour » qui tournent toujours autour du nord. Vous voyez même en
s’élevant nous revenons sur la colonne du nord ...

Alors le fil à plomb me direz-vous, quel symbole finalement ? Il symbolise pour


moi l’obligation qui nous est faite de conduire notre vie en fonction d’une
conscience de soi harmonieuse et respectueuse des valeurs personnelles et
humaines ancrées dans le présent, parce que c’est au présent que se construit
l’avenir.
Se défaire de ses métaux c’est aussi apprendre à les reconnaître chaque jour,
ne pas oublier qu’ils existent, que l’absence de discernement fait que nous
passons du blanc au noir mais que, parce que ce fil existe, ce fil tel le fil d’Ariane
qui nous guide vers l’élévation de la conscience et de la morale, il nous est donné
l’indication d’un chemin à suivre pour participer au progrès de l’humanité en
affrontant l’apesanteur au propre comme au figuré.

A la verticale, l’homme marche, à la verticale les pensées s’élèvent mais la


verticale n’a de sens que parce qu’elle part de la terre, là ou l’homme vit, au sein
d’une famille, d’une société et d’un environnement qui le déterminent dans toute
son existence et c’est me semble t-il pour cela que le fil a plomb ne se suffit pas
à lui-même et qu’il faut de ce fait emprunter le niveau pour établir complètement
les mesures du temple que nous avons à construire bien d’aplomb.

J’ai dit.

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