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E.X.E.R.C.I.C.E.

Khalid EL Morabethi

E.X.E.R.C.I.C.E.S

Dessins de Cyrille Roussat

Atelier de l’agneau

collection 25

Collection 25, premier livre

L'auteur a obtenu le prix Liberté (Paris) pour ce livre

L’Atelier de l’agneau est soutenu


par la région Nouvelle Aquitaine
pour son programme éditorial

ISBN 978-2-37428-004-2
ISSN 1769-5546

© Atelier de l’agneau 2017

C’est vide

C’est Fatiguant

C’est répétitif

Tigre, tigre

Tigre, tigre, l’enfant vend son âme au tigre.

Tigre, tigre, le cœur du tigre.

Tigre, tigre, un cœur qui bat bien trop fort.

Tigre, tigre, la vengeance du tigre.

Tigre, tigre, sentir l’acide sulfurique à la place du sang. Sentir le


tigre.

L’enfant vit, parce que tigre vit.

Tigre, tigre, le regard du tigre.

L’enfant vit, parce que tigre vit.

Parce que tigre vit. Au fond. Tout au fond. Tout autour. Au-
dessous. Au-dessus. À l’intérieur. Près du cœur. Près du
monsieur. Près d’un autre. Près du narrateur. Près d’un tueur.
Près d’une confession. Près d’un innocent. Au fond. Tout au
fond. Parce que tigre vit.

Tigre, tigre, l’enfant est handicapé, tigre, tigre, brûlant, brûlant,


la flamme rouge du tigre rouge bloque ses muscles, la flamme
rouge du tigre rouge bloque ses pensées, la flamme rouge du
tigre rouge brûle la fleur plantée au milieu du lit, la flamme
rouge du tigre rouge pourrit les murs de la chambre. La
flamme. La flamme rouge du tigre rouge. Parce que tigre vit.

Tigre, tigre, la gorge du tigre.

Tigre, tigre, la gorge serrée de l’enfant, du tigre enfant, de


l’enfant tigre, de l’enfant.

Parce que tigre vit.

Tigre, tigre, l’enfant aura l’âge d’un dinosaure et il pèsera cent


kilos.

Tigre, tigre, l’enfant vendra son âme et son stylo.

L’enfant pense qu’un traitre tombera amoureux de lui.

L’enfant pense, parce que tigre pense.

L’enfant pense que le ciel tombera amoureux et partira.

L’enfant pense, parce qu’il faut penser, parce que tigre pense.

L’enfant pense que ses cheveux tomberont amoureux un jour


et finiront par partir avec le vent.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de cadavres de voitures.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de cadavres d’humains.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de sens.

Parce que tigre vit.

Parce que tigre pense.


Parce que tigre vit, parce que tigre pense, parce qu’un jour,
tigre dansait autour du feu et tout à coup, il avait compris le
sens.

L’enfant pense.

Tigre, tigre, le sens du tigre. Le sens de cette partie humaine


de l’enfant. Le sens de cet humain caché derrière la crâne du
tigre. L’enfant pense.

Parce que tigre pense.

Tigre, tigre. Vomir l’âme.

Tigre, tigre. Revendre l’âme.

Tigre, tigre. La peur du tigre.

Tigre, tigre. Le visage.

Le visage de l’enfant. L’enfant tigre, tigre enfant. Du tigre. De


l’enfant.

Tigre, tigre.

L’enfant regardait ses mains pour ne pas se regarder.

Tigre. Le miroir.

Le cri de quelqu’un.

L’enfant vend son âme, meurt, revit, parce que tigre vit. Parce
que tigre pense.

L’enfant pense qu’il est à l’extérieur et que tigre est à l’intérieur.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de pierres, qu’il faut manger


beaucoup de pierres, pour que ses os se cassent, pour qu’il
pèse trois cent kilos, pour que ses jambes deviennent lourdes,
pour que son âme tombe et tout vendre. Il faut beaucoup de
sens, il faut beaucoup de pierres. Tigre pense.

Tigre. L’enfant est beau.

Tigre. L’enfant pense qu’il faut beaucoup de griffures sur le


corps.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de griffures sur son dos.

L’enfant pense qu’il faut planter un pommier au milieu.

L’enfant pense qu’il faut un dialogue.

L’enfant pense. Tigre, tigre. Dialogue. L’enfant.

L’enfant pense qu’il ne faut pas dormir, qu’il faut que quelqu’un
l’empêche de dormir.

Tigre, tigre. Dormir n’a aucun sens.

L’enfant pense qu’il faut beaucoup de mouchoirs.

L’enfant pense, parce que tigre pense.



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L’enfant pense qu’il faut beaucoup de mouchoirs. Tigre pense


qu’il faut beaucoup de mouchoirs, noirs. L’enfant pense qu’il
faut beaucoup de mouchoirs, noirs. Tigre pense qu’il faut avoir
des ongles noirs.

Il faut beaucoup de sens.

L’enfant vit, parce que tigre vit.

L’enfant pense.

L’enfant joue.

L’enfant pense qu’il faut se pendre.

L’enfant pense qu’il faut avoir un beau pommier.

Tigre, tigre. L’enfant pense qu’il faut avoir un prénom.

L’enfant pense.

Tigre.

L’enfant.

La corde.


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Sept

Sept, me maudire oui. Sept, rester insomniaque jusqu’à la fin


de ce truc vivant, jusqu’à son prochain appel. Sept, me maudire
oui. Sept, le fil. Sept, l’enfer. Sept, les cent kilos. Sept, je
collectionne les syllabes. Sept, fantôme. Sept, les neurones
agissent seuls. Sept, me maudire oui. Sept, la cheville droite
tombe. Sept, la langue meurt. Sept, les esprits reprennent leurs
chuchotements. Sept, me maudire oui. Sept, je souris, me
maudire oui. Sept, je dois vivre ce moment. Sept, me maudire
oui, je dois vivre en ce moment. Sept, mon regard. Sept, le
grand regard. Sept, j’ose bouger. Sept, quelque chose suit son
cours, me maudire oui, quelque chose suit son cours. Sept, le
souffle. Sept, me pendre oui, me maudire oui. Sept, des
cadavres. Sept, des cadavres dans mon petit placard. Sept,
mon cerveau. Sept, me maudire oui, mon cerveau s’agite, le
cerveau accroché à ma gorge s’agite. Sept, le courant. Sept,
me pendre oui. Sept, me pendre dans mon petit placard, oui,
me maudire oui. Sept, je souris. Sept, la porte. Sept, l’évasion.
Sept, des complices. Sept, les complices mangent ma viande.
Sept, j’écoute mon cerveau. Sept, un son sort. Sept, me
maudire oui, le son sort de mon cerveau. Sept, me pendre oui,
ça m’aiderait à faire sortir une syllabe de mon cerveau. Sept,
me maudire oui, tenir le rôle, cracher, tenir le rôle, me maudire,
vomir dans la salle de bain, me pendre oui. Sept, je ferme la
porte. Sept, je me suis enfermé dans la répétition, me maudire
oui. Sept, la corde, l’envie d’une corde. Sept, je regarde le mur.
Sept, quand je regarde le mur, je dis que c’est un mur, un


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grand mur, mon mur, mon cerveau. Sept, je touche le mur, je


ne sais pas dans quelle maison, ce n’est peut-être pas mon
mur, mais voilà, je suis debout, je touche le mur, c’est
magnifique, je me sens bien, je ne suis pas seul, il y a un
homme habillé en robe longue, il est calme, il m’observe, je
touche le mur, je suis heureux, je touche le mur. Sept, me
maudire oui, la maudite syllabe, me pendre oui. Sept, ma peau.
Sept, outsider. Sept, manger. Sept, remplir le vide du ventre.
Sept, manger et ramasser les organes. Sept, cent sept kilos.
Sept, me maudire oui, les yeux sur un ramassis de syllabes,
sur des points et des virgules, me pendre oui, sur un nombre,
sur un membre absent. Sept, j’adore faire saigner ma tête en
me frappant contre un mur, je touche le mur, me maudire oui.
Sept, je suis un mur, me pendre oui. Sept, un mur dans mon
cerveau, des vaches dans mon cerveau, un ange dans mon
cerveau, diable, diable, diable sous forme d’un rat dans mon
cerveau. Sept, mierda. Sept, mierda dans mon corps. Sept,
mierda, me pendre, une chose mille fois répétée, me pendre
oui. Sept, je mange, comme quatre, sans jamais me remplir,
me maudire, cent sept kilos, me pendre oui, je n’ai plus froid, je
suis un vampire, me maudire oui, je touche le mur, je suis un
mur. Sept, je touche le mur d’une maison qui n’est pas la
mienne, je suis un vide sidéral, j’avale. Sept, j’avale tout. Sept,
une citrouille me sourit, je souris, me maudire oui, me pendre.
Sept, tenir le rôle, toucher le mur, sourire, vomir, me pendre,
me maudire, tenir le rôle, avoir trois cent kilos. Sept, la pluie.
Sept, la pluie tombe dans mon cerveau, les fenêtres de mon


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cerveau sont fermées, les volets sont baissés, outsider, la


lumière fait peur, outsider, me maudire oui. Sept, je touche la
pluie, je touche mon cerveau, je touche la pluie, je dessine la
pluie. Sept, la pluie est belle, les gouttes ruisselaient le long de
ma gorge, le long de mon cerveau, le long, long, le long de
mon cerveau dé-vas-té. Sept, des vases de fleurs. Sept, des
vases té-ténébreuses. Sept, je touche mon cerveau DÉ-VAS-
TÉ-ténébreux. Sept, je dois vivre en ce moment. Sept, je
touche le mur, le sien, habillé en femme, une longue robe, il me
suit du regard et envisage un début de conversation, me
maudire oui, me pendre oui. Sept, mon cerveau sur le
carrelage, ma tronche sur le carrelage, les étoiles filantes sur le
carrelage. Sept, il y a une fleur à côté du cerveau qui me
regarde tendrement. Sept, outsider, me maudire, me pendre
oui, mon cerveau fait des bonds. Sept, neurones. Sept, les
poumons. Sept, la cheville gauche tombe. Sept, je touche.
Sept, syllabe. Sept, une cicatrice. Sept, une cicatrice sur le
bras. Sept, une cicatrice au cerveau, sur la fleur plantée à côté
du cerveau. Sept, je touche la cicatrice. Sept, une cicatrice
écrite sur le mur, son mur. Sept, me maudire, le maudire oui.
Sept, des phrases insipides. Sept, le hasard. Sept, des phrases
hasardeuses. Sept, rester insomniaque jusqu’à son prochain
appel. Sept, je touche le mur, me maudire oui, je parle avec le
mur, je parle de la rivière, je dessine une petite rivière et de ce
qui va se passer si je traverse la petite rivière, je touche mon
dessin, je touche le mur, me pendre oui, je touche la rivière,
mon cerveau touche la couleur de la rivière. Sept, il y a une


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petite rivière dans mon cerveau. Sept, me maudire, belle


rivière, je touche le mur, beau mur. Sept, je dois vivre en ce
moment, me pendre, je souris. Sept, la grande syllabe, la
maudire oui. Sept, je touche son mur, son cerveau, le maudire,
je redis, le maudire oui. Sept, quatre cent kilos. Sept, outsider,
maudire le mur, maudire la rivière, maudire le cerveau, maudire
l’homme, me maudire, je souris, me maudire oui. Sept, le
muscle. Sept, le muscle répétitif se suicide dans mon ventre, je
l’admire. Sept, j’admire mon muscle, je touche le muscle, je
souris, l’homme habillé en femme, m’observe, il sourit, il
m’admire. Sept, le placard bouge. Sept, maudire les cadavres
dans mon petit placard. Sept, maudire les poissons rouges qui
touchent mon cerveau. Sept, maudire les poissons rouges qui
touchent ma cicatrice. Sept, il y a des poissons rouges dans
mon cerveau, ils parlent dans mon cerveau, ils nagent dans
mon cerveau, ils touchent la syllabe. Sept, les poissons rouges
touchent le mur. Sept, il y a un cerveau dans ma gorge, des
poissons dans ma gorge, des poissons qui vomissent dans ma
gorge, me maudire oui. Sept, je suis un poisson. Sept, je suis
un poisson qui nage dans une rivière, ma rivière, me maudire
oui, la rivière dessinée sur un mur, me pendre oui. Sept, il y
a un placard dans mon cerveau. Sept, je vois des cadavres
dans mon cerveau. Sept, me prendre oui, maudire, pendre,
sourire, maudire, tenir. Sept, les neurones du singe. Sept, les
neurones, maudire les neurones, qu’ils se pendent oui. Sept,
maudire les numéros. Sept, la syllabe, qu’elle se pende oui, la
syllabe cachée derrière ma gorge, derrière la fleur ténébreuse,


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derrière mon cerveau, qu’elle se pende oui. Sept, il m’observe,


il m’admire, l’homme me sourit. Sept, je touche le mur, c’est
l’histoire, me maudire oui, c’est l’histoire d’un mur, me pendre
oui, faut que je touche le mur, c’est mon rôle, me maudire oui,
tenir le rôle, je touche le mur. Sept, tenir le rôle et rester
insomniaque jusqu’à la fin de ce truc. Sept, vivant. Sept,
l’appel. Sept, le prochain appel. Sept, le rôle. Sept, le grand
rôle. Sept, je suis un placard. Sept, je suis des cadavres. Sept,
maudire l’odeur du placard. Sept, je touche. Sept, je touche le
mur, maudite main, qu’elle se pende. Sept, je dois vivre en ce
moment, je dois toucher le mur. Sept, mon cerveau ne peux
rien dire, je touche le mur, je ne comprends pas, mon cerveau
ne dit rien, l’homme m’observe, je touche le mur, me maudire
oui, je ne pose pas de questions, me pendre le soir, la lune
sourit, mon cerveau ne me dit rien, je ne pose pas de
questions, je touche. Sept, je touche le mur jusqu’à la fin de ce
truc vivant. Sept.


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Pierre

Pierre, la merde vient du ventre. Pierre, la logique vient du


ventre. Pierre, les troubles psychotiques viennent du
ventre. Pierre, la logique du dibbouk vient du ventre. Pierre, la
pluie se trouve dans le ventre. Pierre, les traits verticaux
viennent du ventre. Pierre, les ronces viennent du
ventre. Pierre, les doigts malades viennent du ventre. Pierre,
les griffes viennent du ventre. Pierre, les ongles larges viennent
du ventre. Pierre, les gorges viennent du ventre. Pierre, les
falaises se trouvent dans le ventre. Pierre, le poisson dans le
ventre. Pierre, le poison dans le ventre. Pierre le poison du
poisson se trouve dans le ventre. Pierre, la logique du poisson
se trouve dans le ventre. Pierre, les œufs durs viennent du
ventre. Pierre, les œufs pourris viennent du ventre. Pierre,
monsieur vient du ventre. Pierre, il est né, il fait chaud, il
marche, il se met à côté, il se met dans le ventre. Pierre,
l’animal se trouve dans le ventre. Pierre, le cœur se trouve
dans le ventre. Pierre, le chien mord dans le ventre. Pierre, le
cœur du chien se trouve dans le ventre. Pierre, le jardin se
trouve dans le ventre. Pierre, le bleu se trouve dans le ventre.
Pierre, le ciel se trouve dans le ventre. Pierre, le ciel dans le
ventre. Pierre, le ciel se met dans le ventre. Pierre, le ciel, le
ventre. Pierre, le ciel est beau dans le ventre. Pierre, le vide, le
ciel, le ventre, le vide se trouve dans le ventre. Pierre, la
logique du vide se trouve dans le ventre. Pierre, le goût du
dibbouk se trouve dans le ventre. Pierre, la violence vient du
ventre. Pierre, la viande vient du ventre. Pierre, la viande
pourrie vient du ventre. Pierre, ce n’est pas facile, le
ventre. Pierre, la chaise se trouve dans le ventre. Pierre, il y a
quoi à regarder ? Le ventre. Pierre, les cris viennent du
ventre. Pierre, la logique des cris vient du ventre. Pierre, le


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silence, c’est quoi le silence ? Le silence vient du


ventre. Pierre, les phrases se trouvent dans le ventre. Pierre,
La combinaison vient du ventre. Pierre, la raison vient du
ventre. Pierre, l’oxygène vient du ventre. Pierre, la mouche
vient du ventre. Pierre, la logique de la mouche vient du
ventre. Pierre, le cœur de la mouche se trouve dans le
ventre. Pierre, la mouche touche le ventre, la mouche se trouve
dans le ventre. Pierre, le choix vient du ventre. Pierre, le
dibbouk se trouve dans le ventre. Pierre, l’arbre vient du
ventre. Pierre, la logique de l’arbre est de pousser dans le
ventre. Pierre, le corps vient du ventre. Pierre, l’arbre se trouve
dans le ventre. Pierre, le muscle vient du ventre. Pierre, les
troubles psychotiques du dragon viennent du ventre. Pierre, la
pierre vient du ventre. Pierre, la logique de la pierre vient du
ventre. Pierre, la fenêtre de la cuisine vient du ventre. Pierre, la
lumière se trouve dans le ventre. Pierre, la lumière de la cuisine
vient du ventre. Pierre, la pierre est solide dans le
ventre. Pierre, dans le ventre. Pierre


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Muscle

Muscle, je tourne mes yeux dans ma tête et je vois un muscle,


je vois un cœur dedans le muscle, je vois une route familière et
un animal autre que moi, je vois ce qui couche en moi. Muscle,
je tourne une idée dans ma tête et je vois des veines grises
dans le sous-bois, assises, bavardes et qui attendaient
l’intraveineuse, muscle, mon muscle, les nerfs, l’origine de la
peste, l’origine d’un sentiment drôle, l’origine de la répétition,
muscle, je tourne mes yeux dans ma tête, je trouve des
vêtements et, dedans, je vois la lumière qui entre dans le mur
de la cuisine. Muscle, mon muscle, les nerfs, muscle, il me
parle, il me chuchote à l’oreille, il me fait la musique à l’oreille, il
plante une graine dans mon oreille, muscle, je tourne mes yeux
dans ma tête, ce n’est pas du néant et ce n’est pas non plus le
silence, c’est de la trompette, muscle, ma langue est lourde, les
nerfs, la trompette, l’origine de la peste, l’origine de la
sécheresse, l’origine de ma première prononciation du mot
« muscle », ma langue est lourde, je vois mes jambes, je sens
la poussière et les nuages dans ma gorge, je sens la boue et
les plumes d’oiseau dans ma gorge, je sens ma violence et les
branches sèches dans ma gorge, je sens ces phrases, ses
phrases dans ma gorge, muscle, je sens chaque criminel de
moi, chaque battement de mon cœur quand le mot « muscle »
sort de ma bouche. Muscle, je ne vois pas avec mes yeux, ils
me font mal, mes yeux tournent dans ma tête, la méduse
m’incite à tourner à gauche à l’entrée d’un cerveau blanc,
tremblant, pour voir une colline qui s’élève à environ quelques
mètres au-dessous d’une pensée disloquée … Muscle, je vois
ce qui couche en moi, il se coupe, il se couche, il touche la
graine au milieu du cerveau blanc, mes yeux tournent dans ma
tête et je vois ce qui se forme, une queue, des ailes, des


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muscles, des os, dragon, je suis un dragon, muscle, je tourne


mes yeux dans ma tête, nu, le visage qui mue, muscle, je porte
le muscle, je porte le dragon dans mon ventre, ma tête
ressemble à un dragon, dans le miroir je vois un dragon,
muscle du dragon, muscle, le dragon, je le vois prendre ma
main pour écrire, je ne vois pas avec mes yeux, ce ne sont pas
mes battements, je ne sens plus mes jambes mais je les vois,
je vois ce qui couche en moi, il a une belle voix si proche à mon
ouïe, il a une belle voix, je ne sens presque plus ma gorge,
c’est la gorge du dragon, mes poumons me font mal, mes
poumons reçoivent l’air du dragon, muscle, je tourne mes yeux
dans ma tête, le regard du dragon trouve dans mon corps un
refuge, grand dragon qui porte mon simple muscle, l’origine du
cœur, l’origine de la peste, l’origine de l’oxygène, je vois un
muscle, je vois un cœur dedans le muscle, je vois une route
familière, je vois ce qui couche en moi, dragon, dragon,
muscle, le dragon couche en moi, me chuchote à l’oreille,
muscle, dragon me chante à l’oreille …

''Balada triste de trompeta


por un pasado que murio

y que llora
y que gime''
-Raphael

MUSCLEDUDRAGON


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Bouddha

Bouddha sourit au gardien qui répète le même mot dans sa


tête mais ça ne sort pas,
Bouddha sourit au gardien qui retourne le même mot dans sa
tête lente,
Lente, honte, chante, bouddha chante
Un bouddha qui a l’insomnie
Que diable, bouddha a un pistolet bien caché dans l’armoire,
un corps écrasé bien caché dans l’armoire, du silence, de la
peine, du sang, de la souffrance, du sens, du sommeil, de l’or,
de l’argent, des pleurs, une fleur qui se fane et meurt, du
cancer et un gardien suicidaire
Bouddha ne fait qu’écrire, il ne ressent plus rien, il n’arrive pas
à pleurer mais il sourit au gardien qui répète le même mot dans
sa tête lente
Mais il sourit au gardien qui répète le même mot dans sa tête
peuplée par des phrases cachées dans l’armoire et des images
violentes
Bouddha s'oblige à sourire
Bouddha s'oblige à écrire
Bouddha s'oblige à sourire au gardien qui répète le même
maudit mot dans sa tête mais ça ne sort pas, Bordel…
Bouddha fait semblant qu’il est mourant pour que le gardien
écoute ce qu’il dit, bouddha fait semblant qu’il est mourant pour
que le gardien lise ce qu’il écrit
Bouddha s'oblige à sourire au gardien qui répète le même
mot… bordel, ça ne sort pas !
Bouddha est un verbe
Bouddha est le présent
Bouddha a toujours raison
Bouddha est une rime


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Bouddha est sans rythme


Bouddha ne met pas de points, faut lire tout simplement sans
s’arrêter à un moment, sans interruption, faut que ça continue
jusqu’à l’absence de tout ce bordel, jusqu’à l’absence, faut que
ça continue comme un cœur de vengeance, faut que ça
continue car ces minables minuscules points en costumes
n’ont aucune importance, aucun sens
- Il faut que ça continue
- Jusqu’à quand ?
- Jusqu’à l’absence d’une absence
Bouddha est un vocabulaire
Bouddha est un souvenir
Bouddha est une pensée
Bouddha est un torrent
Bouddha est un langage qui n’a pas mûri encore
Bouddha est une révélation
Bouddha sourit au gardien
Bouddha est une mémoire
Bouddha est un live
Bouddha est une sorte de Horla
Bouddha sourit au gardien
Bouddha est une couverture
Bouddha est une ouverture
- Il faut que ça continue
- Jusqu’à quand ?
- Jusqu’à l’absence d’une absence
Bouddha sourit au gardien qui retourne le même mot dans sa
tête lente
Lente
Bouddha est une étoile filante lente
( PS : Ce bouddha n'est pas un Bouddha )


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M
Miroir, miroir, miroir regarde l’animal à trois têtes et qui a 5
doigts,
Il mange avec ses doigts, l’animal fait du bruit quand il mange
avec ses doigts,
Des doigts qui bougent, des doigts qui avalent les mouches,
des doigts qui avalent peu à peu la lune,
La lumière part
Une autre histoire du monstre voleur de dents et du sommeil
chaque soir
Le cœur devient noir
Les ongles salissent les mouchoirs
Il entre
Il sort
Putain de merde, de bordel, de saloperie de connard
Il fume trois cigares
Et il mange…
Il mange avec ses doigts
Doigts, doigts, doigts, doigts, foi, choix, quoi, doigts de monstre
Monstre, monstre, monstre qui chauffe les poumons et qui
entre…
Qui entre tout au fond du ventre,
Et ça chauffe
M, ça chauffe
M
Monstre dit les serments
Miroir, miroir, miroir regarde la bouche de l’animal, il ne fait pas
du mal, c’est juste qu’il s’est arrêté de faire du bien, un animal
qui mange avec ses doigts en paix et qui fait du bruit en paix.


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Il se réveille et sort en paix, vers six heures du soir il revient en


paix et il dit qu’il est fatigué et s’assoit en paix, il regarde la lune
qui se mange par des doigts incontrôlables, il boit de l’eau et
dort en paix.
M
Moment
Un moment calme M, M, M
M, l’animal crée le silence,
Il tousse puis silence
Faut se taire, peut-être
Peut-être, faut que ça revienne au centre
Et à part le cœur qui bat encore, il ne faut rien entendre,
Et à part le cœur qui bat encore, faut qu’une petite menace
sorte,
Et à part le cœur qui bat encore, faut que la bête sorte,
Et à part le cœur qui bat encore, faut faire du sacrifice,
Et à part le cœur qui bat encore, faut que l’animal mange son
fils, pour faire naitre un autre vice, pour que ça choque tout le
monde.
M
Mot
Mort
Magnifique
Merveilleux choc
Faut que ça choque
M.


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A l’intérieur du bidon

A l’intérieur du bidon, le vide est assis, son parapluie est noir, il


n’y a pas de pluie, son parapluie est noir, il n'y a pas de soleil,
son parapluie est noir, il n'y a pas de nuages, son parapluie est
noir, il n'y a pas d’images, son parapluie est noir, il n'y a pas de
mot juste, son parapluie est noir.

Le vide est assis, il parle au silence, s’excusant d’être


tranquille, d’être assis, d’être habité par un autre vide dépressif,
il s’excuse de ne pas avoir l’envie de mourir, ça serait beau et
magnifiquement écrit, les papillons passeront et les gens
pleureront, mangeront de la viande et partiront.

Le vide est assis, il craint le soleil, son parapluie est noir, il n'y
a pas de soleil, son parapluie est noir, pas de rage, pas de
fatigue, son parapluie est noir.

A l’intérieur du bidon, les mains lourdes, lourdes tombent tout


au fond et font un bruit étrange, des têtes lourdes, lourdes
tombent tombent au fond du sol, les uns font un bruit étrange et
d’autres se mangent. Des grosses mains blanches tombent sur
le parapluie du vide, son parapluie est noir, des points
lourds tombent sur des tombes et sur la figure du noir, sur le
reste et sur tout ce qui reste.


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A l’intérieur du bidon, c’est vaste dont les souvenirs ne


comprennent pas leurs pensées, ils se comblent et se stockent
comme de la graisse dans le corps d’un obèse, assis au milieu.

A l’intérieur du bidon, l’odeur des poids lourds qui tombent, se


forment, ils deviennent une chose qui marche et qui parle
comme un homme, un homme avec une pomme collée au
visage, une pomme vide, sa graine est vide, une pomme d’un
homme vide dans son regard, dans son œuvre d’art. Un
homme blanc sombre, il y a du vide dans son mouchoir qui se
jette dans le bidon vide noir.


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Mon porc gris regarde le ciel

Mon porc gris regarde le ciel


Il pleut
Il pleut sur la ville, sur l’individu, sur un taureau en or, sur un
arbre, sur le poids des points qui attendent, sur les syndromes
allongés les uns sur les autres, sur Œdipe, sur la foi, sur un
cannibale qui mange son foie, sur une figure gourde,
Il pleut sur le poids d’une sensation sourde
Et il pleut …
Et il pleut sur une répétition lourde.
Mon porc gris regarde le ciel
Il se passe quelque chose
Il existe une cause
Une cause
La cause qui ressemble à une vieille dame
La cause qui a faim… la cause, la cause normale, la cause du
grand mal, la cause du diable, la cause d’une vieille dame, la
cause… la grande cause du mangeur d’âmes
Il existe une cause
Il se passe quelque chose
Il existe une rose
Il y’aura une pause
Une minute
Une seconde
Une cause, une grande cause, la cause, la cause de la pluie
Il
pleut.

Mon porc gris regarde le ciel


Mon porc gris prononce


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32

Il se passe quelque chose, entre le sombre rien et le silence


Il se passe quelque chose, entre la maladive répétition et le
sens
Il se passe quelque chose, entre la vraie cause et le mot qui
perd sa puissance
Il se passe quelque chose, entre le dessus des yeux et mon
porc qui prononce.
Il se passe quelque chose, entre le dedans du ventre et mon
porc qui prononce
Il se passe quelque chose, entre la fin d’une phrase et mon
porc qui prononce
Il se passe quelque chose entre une faible respiration et mon
porc qui prononce
Il se passe quelque chose entre le geste lourd et ce que mon
porc prononce
Il se passe quelque chose…
Il existe une rose, une cause… une grande cause.
Mon porc gris regarde le ciel
La pluie est belle.
Mon porc gris regarde le ciel
Il pleut sur les papillons et les abeilles
Mon porc gris regarde le ciel
Il pleut sur une cause, sur une rose, sur une vieille voyelle.


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Doigt d’honneur

Une virgule et un point, un point et une virgule, point-virgule et


un point, une virgule et un point d’honneur.
Une virgule à l’inverse, puis des mensonges mélangés avec de
l’eau et des paroles d’honneur,
Un regard, une lumière qui murmure que c’est trop tard et des
acteurs ringards,
Un autre regard, la lumière part et un bon acteur qui se lève,
déchire ses vêtements et lance son doigt d’honneur,
C’est beau, c’est fort et ça sent les fleurs,
C’est beau, c’est fort et ça mérite une médaille d’honneur,
C’est beau.
C’est un oui ! …
Un doigt d’honneur qui dit oui, oui, oui en inspirant, il est plus
doux, plus beau, linéaire et différent,
Un doigt d’honneur qui fait battre le cœur et crée un sentiment
différent,
Un sentiment d’angoisse souriant,
Un sentiment d’une pluie qui tombe dans la gorge du poisson,
Tout au fond de la sombre gorge du poisson… rouge,
Tout au fond de l’œil… rouge,
Tout au fond de la couleur rouge,
Rouge…
Une virgule à l’envers, un point rêveur et un doigt d’honneur,
Une virgule, les nerfs se forment, un point nageur et un doigt
d’honneur,
Une virgule, les nerfs se forment, un monstre ça forme, un
point sans sens, sans but, sans couleur et qui lance son
magnifique doigt d’honneur,
Rouge…


34

C’est rouge
Un doigt rouge, indiscutable et qui porte un nom, un visage,
Un doigt rouge, au-dessus de la table, écrivant une fin au
milieu de la page,
Un doigt
Rouge
Noir
C’est noir,
C’est un point, un espace et des spectateurs
Un point et la lumière qui meure,
Noir
C’est noir,
C’est Un doigt d’honneur qui porte le savoir.
Pour Mimoun et son fameux doigt d’honneur


35

Point D’INTEROXCLAMATION

Point D’INTEROXCLAMATION
Un singe enrhumé touche le fond de la chose et devient lucide,
Il touche la chose mais ça sent le vide,
C’est vide,
C’est un sens déformé par l’usure, par son miroir, par ses
rides,
C’est vide,
C’est fatiguant,
C’est répétitif,
C’est la mémoire qui regarde ces cernes sous ses yeux,
quotidiennement,
C’est vide, c’est fatiguant mais faut s’occuper,
La mémoire s’occupe à regarder ses yeux afin de sentir tout au
fond ses cris silencieux,
La mémoire s’occupe à chercher comment se nourrir de sa
propre haine et sentir ses cris silencieux,
La mémoire s’occupe à chercher la figure, à chercher le père
aux mains dures, à chercher les cris silencieux,
La mémoire s’occupe à entendre la bête qui porte le cœur à
deux mains, elle s’occupe à l’entendre gémir, crier et dire.
C’est répétitif,
C’est fatiguant, c’est vide…


36

C’est fatiguant, c’est vide…


C’est fatiguant, c’est un singe qui devient lion puis homme
stupide.

Point D’INTEROXCLAMATION
Un point et un vice,
Un point froid et une virgule spectatrice,
Un point sclérosé et une existence fatigante, répétitive et ivre
d’un vertige,
Des points sur le cou, sur les yeux, les vases, les mains, le dos
et la gorge du poisson,
Des points sur les pieds, la mémoire, les doigts, le verre d’eau
et le poison,
C’est répétitif, c’est fatiguant,
C’est répétitif… sans sens,
C’est répétitif… c’est un homme qui redevient un point puis un
hibou qui pense,
C’est répétitif, dit le frappeur,
C’est répétitif, dit la peur,
C’est répétitif, dit le hibou qu’à la fin, il meurt.

Point D’INTEROXCLAMATION
Un point et un tueur,
Un point froid et un sens incompris qu’au final, il n’est que
simple spectateur.


37

Mon hibou a les yeux bleus

Mon hibou a les yeux bleus et tout au fond tant de bras sortent
de terre, ils veulent s’accrocher, ils veulent s’approcher, tant de
bras sortent des murs, ils parlent entre eux, ils veulent mettre le
feu, tant de bras sortent du lit, ils veulent étrangler le corps d’un
gros minable, ils entrent dans le ventre et arrachent ses
entrailles, ils entrent dans le ventre et ils l’assaillent, ils
l’assassinent, personne n’annonce sa mort et le soleil se cache
dans le dos du corps. Tout au fond, mon hibou assassine mes
pensées et ordonne aux sens de ne rien dire, ne rien écrire et
de partir apprendre à danser. Mon hibou a les yeux bleus et
tout au fond mon*monstre m’insulte, ‘’ Gros minable, petit con,
bouffon, espèce de merde ‘’ puis il s’excuse, le monstre s’agite
à l’intérieur de mon corps sur lequel je n’ai pas de contrôle,
voilà pourquoi je fais n’importe quoi, voilà pourquoi mes
pensées s’entretuent, voilà pourquoi c’est difficile d’entendre, il
bloque mes oreilles, rien ne m’appartient, voilà pourquoi je
m’excuse sans raison. Monstre, monstre s’agite sous ma peau,
au-dessous de la table, au-dessous de mon crâne et au fond
de mon âme, je l’entends vociférer à l’intérieur de mon ventre,
je t’entends battre près de mon cœur, minable muscle, monstre
me parle, depuis l’enfance, il est né avec moi, il n’a jamais
été passager, mon hibou avait pris le cœur et il l’avait partagé.
Mon hibou a les yeux bleus et tout au fond ce monstre voudrait
que je meure ** comme une fleur, celle qui ne ressemble à rien,
celle qui ressemble à un fantôme dont on sent la présence,
dont on entend la voix mais dont on ne comprend pas le sens.


38


39

Alzheimer

Alzheimer fait le tour de la table


Entièrement nu et avant de se laver le visage,
Car il hait sa nature, ses vêtements et les anniversaires, il ne
voudrait pas savoir son âge,
Alzheimer veut être piano,
Non pas un vieil homme méchant mais piano,
Non pas un grand-père qui attend son petit déjeuner mais
piano,
Non pas un grand-père qui attend un coup de fil de sa fille mais
piano,
Non pas le chaos mais piano,
Juste pour savoir ce qui se passera quand monsieur noir jouera
la première note,
Juste pour savoir si la mort l’aime,
Juste pour savoir s’il est proche de l’idéal,
Juste pour savoir s’il peut encore avoir mal.
Alzheimer fait le tour de la table,
Sa femme lui dit qu’elle peut le laisser comme un sac,
Qu’elle peut le jeter comme une pierre au bord du lac,
Si elle le tue, elle serait seule, pensait-elle,
Si elle se tue, il serait seul, pensait-elle.
Les sourires tombent,
Les regards tombent,
Les mots tombent,
La pluie tombe
Étrangement,
Lentement,
La mémoire tombe,
La salive tombe,


40

Une idée tombe,


Une autre feuille d’un arbre tombe
Étrangement,
Lentement,
Avec une telle beauté,
Alzheimer pense que s’il devient piano, le temps va s’arrêter,
Il pense que s’il devient piano, les cris de sa ténébreuse vont
s’arrêter,
S’il devient entièrement piano, la douleur du cancer va
s’arrêter,
Les battements inutiles vont s’arrêter,
Maudit cœur…
Maudite fleur,
Belle mais angoissante,
Elle est belle mais elle donne ce sentiment de haine, ce
sentiment de honte,
Maudit cœur…
Maudite fleur,
Maudit miroir,
Sale tête, disait-il,
Il veut avoir une nouvelle tête,
Il veut être piano protégé par une bête
Maudite image,
Maudit stylo, maudites pages.
Alzheimer fait le tour de lui-même
Il dit : ‘’ Je ne veux pas m’enfermer dans une tombe et qu’on
annonce ma mort’’
Il veut être piano, bien caché tout au fond de la mer, comme un
trésor.


41


42

Grâce à un singe, A cause d’un singe

Grâce à un singe, une lâche réalité est venue à l’existence,


A cause d’un singe, les éboueurs écrivent des lettres d’absence,
Grâce à un singe, la ligne passagère a trouvé un sens,
A cause d’un singe, les étoiles de l’autre côté de la mémoire, perdent
leur puissance,
A cause d’un singe, les battements du tableau vide perdent leur
présence,
A cause d’un singe, ont eu lieu de nouvelles naissances,
La naissance des pères qui mangent leurs fils pour être des dieux forts
La naissance des menteurs qui ont des papiers qui prouvent que l’autre
avait tort,
Que le chat ne marche pas à quatre pattes,
Que la terre est plate,
Que les étoiles n’existent pas, ce ne sont que des envahisseurs qui se
préparent à une attaque,
Que l’homme pigeon sera mangé par un titan en fuite, à cause d’un
maudit singe insomniaque,
A cause d’un singe, l’homme à cent têtes prend ce qu’il a offert,
Et Caïn tue à nouveau son frère,
Et l’homme corbeau tristement l’enterre,
Puis, l’homme dans le miroir cache l’identité meurtrière.
Minable singe, minable monsieur à cigare,
Minable singe, minable monsieur sans mouchoir
Minable singe, minable dame enfermée dans sa cuisine,
Minable singe, minable dame en colère qui se libère et qui commit son
crime.
A cause…
Grâce à… à cause…
A cause d’une fausse cause…


43

A cause d’un point, à cause d’une pause…


Grâce à une rose,
Offerte.
La chaise part et la porte d’en face est enfin ouverte,
Mais l’homme aux yeux crevés sait qu’il a tué il y a longtemps l’espoir,
Que la rose n’est qu’une utopie, qu’un beau cauchemar.
Grâce à un singe, une lâche réalité est venue à l’existence,
A cause d’un singe, le mangeur de foie humain, brûle les réponses,
Le mangeur d’âmes, de foi, d’os et de cœurs, brûle tout avec virulence,
Et l’oncle augmente le volume de la télévision,
L’oncle ne voudrait pas écouter son neveu, il ne voudrait ni voir son
dessin ni sa vision.
Un mensonge est venu à l’existence,
Pendant que l’ombre d’un absent est flippé d’être seule avec sa
conscience,
A cause d’un singe, l’oncle assit sur un canapé, mange ses vices,
Pendant que son neveu plante des cailloux,
Et la mémoire masquée n’est qu’une observatrice.


44

La pluie

La pluie
Lourdement tombe,
Sur quelques tombes,
Sur une question ‘’ De quoi suis-je coupable ? ‘’
Sur un vase oublié, posé sur une table,
Sur une fleur, sur un cœur d’un corbeau qui meurt.
La pluie
Tombe,
Au-dessus des organes glissants,
Au-dessus des sans organes dans une salle d’attente
Et les infirmières souriantes leur proposent une mort lente.
Elle pleut sur les longs couloirs de l’hôpital,
Elle pleut sur les longs couloirs d’une mémoire absente,
Une mémoire qui cherche des yeux bleus au fond des foules,
Entre deux cahots d’un autobus,
Ou même au fond d’un corps divisé, qui est resté sans muse,
Au fond d’une forme dans le regard d’un inconnu,
Dans le regard d’une veuve ténébreuse,
Au fond d’un petit regard d’une étoile lumineuse.
La pluie
Tombe
Sur la gorge de la bête,
Sur son cahier, sur ses mots qui ne peut jamais les prononcer,
Sa foi, son choix, ses souvenirs, sa haine, qui ne peut jamais
les annoncer,
Sur ses rêves qui ont ce défaut de se modifier,
Sur ses doigts ‘’ De quoi sont-ils coupables ? ‘’
Sur ses mains ‘’ De quoi sont-ils coupables ? ‘’


45

Sur son sang accusable.


‘’ Suis-je une idée, une répétition, un mythe, un bruit sourd, un
tueur,
Une lettre, une image qu’on ne regarde plus, car ce la fait peur,
Suis-je une fenêtre fermée, un être enfermé,
Faudrait-il que je m’endorme, en espérant ne pas me réveiller,
Faudrait-il que j’écrive une lettre pour qu’on m’enterre,
Je voudrais retourner au-dessous de la terre,
Avant qu’elle ne s’arrête de pleuvoir,
Je souhaite mourir calmement au nom d’une bête, ce soir.’’
Elle pleut,
Quelques étoiles pleurent,
Certains meurent,
Et d’autres tombent, perdent leurs lumières et se mettent à
chanter,
D’autres sont devenus des humains voulant sauter du haut
d’un immeuble pour tout arrêter,
Pour que cela s’arrête,
Pour que ce la ne fasse pas mal au crâne.
Pour que ce la ne fasse pas mal au cœur.
La pluie
Tombe,
Sur un tatouage qui résume pour qui on vit, pour qui on s’enfuit,
Et ce que notre mal atrocement dit.


46

Entre parenthèses

Entre parenthèses,
Entre une table et une chaise,
Le bon sauvage dessine à l’aide d’un bout d’allumette des
personnages,
Le sage, le sauvage et la rage,
Ils ont la même couleur de peau, le même nom, le même âge,
La même marche, les mêmes discours et la même tournure
dramatique des pages.
Le bon sauvage dessine des héros,
Il dessine des bébés singes et des zéros,
Il dessine une forme, une figure hypnotisée et l’inapprochable
pomme,
Une forme, un parapluie et un sourire près d’un malheureux
fantôme.
Fantôme, fantôme qui pense,
Et qui cherche le bon sens,
Et qui montre le ciel du doigt,
Ensuite, il s’en va, laissant derrière la radio, sa petite voix,
Il s’en va, laissant dans son bureau, un cœur qui bat.
Entre parenthèses,
Un papillon de passage,
Insouciant, qui part à l’abordage,
Pendant que les mimes sont dans l’attente,
Et que les sirènes chantent,
Pendant que le diable vert sort du vacarme,
Et que la pudeur vend son âme,


47

Elle qui pleure sous le voile diaphane.


Entre le soleil et son sang rouge,
Il y a du vent et un poids qui bouge,
Et toujours L’idée de la fonte et les sanglots du sirocco.
L’idée de la fonte et un silence criard,
L’idée de la fonte et un chant qui vient du tartare.
Entre les doigts d'un cannibale et ses yeux ouverts,
Les vers qui se créent par le bruit du tonnerre
Avale, avale tout, lentement,
Avale tout, brusquement,
Pour que tout aille dans la grande gorge,
Sans peines
Pour qu'il ne reste aucune trace, aucune archive, aucun
souvenir, aucune mémoire,
Pour que tout devienne noir,
Comme avant,
Bien avant l'air de Mozart,
Avant la création du misérable miroir,
Avant qu'un pommier pousse, merveilleusement,
Et le premier péché commis,
Malheureusement.
Entre parenthèses,
Entre le royaume des araignées et la poussière,
Le bon à genoux voué aux vicissitudes à sa très chère,
Les murs disent qu'il ne faut rien faire et vaut mieux se taire.
Entre les cris de la voisine et la porte,
Entre le piano et toutes les voix mortes,


48

Les personnes lentes et les tombes,


Les personnes qui partagent et les mangeurs de pierres qui
tombent,
Entre toutes ces misères,
Le bon sauvage dessine en souriant une colombe,
Ensuite, il tombe.


49

Nu, devant le miroir

Nu, devant le miroir,


Un corps, un visage, un regard.
Le silence et le battement du cœur, veulent dire quelque chose,
Mais une pensée incomprise follement crie, je ne sais la cause.
De l’autre côté du miroir,
Il contemple mon visage ignorant,
Il voudrait sortir me parler, me faire savoir,
Me faire croire.
" Sortir, sortir ‘’,
Criait-il.
Nu,
Je cherche l’homme au costume noir, sans figure,
Je voudrais lui parler de cette blancheur,
Cette feuille vide, ce stylo sans encre et ce vieil auteur obscur.
Il pleut !
disait-il avec un soupir,
Il contemple mes pensées, il aime me lire,
Il aime regarder à travers moi, ce que je ne vois pas,
Ce que je ne comprends pas.
‘’ Sortir, sortir ‘’,
criait-il,
Nu,
Devant le sourire venin de la fameuse vérité,
Devant sa force, son grand couteau dans ma gorge est
toujours planté,
Devant mes mensonges dits avec une grande certitude, quel
menteur, je suis !


50

Devant mes mains sales et cette partie de moi si pourrie,


Quel monstre tu es ! Laisse-moi sortir, il crie.
Laisse sortir la grande partie, qui a tout moment est prête à
exploser.
Laisse sortir la colère,
L’enfant qui brûlait les têtes de ses poupées jusqu'à ce qu’elles
fondent.
Laisse sortir ce que tu ne peux supporter et le côté sombre qui
te hante.
Nu, j’entends une prière d’un monstre,
Il souhaite qu’on se voie, qu’on se rencontre.


51

Derrière la salle de bain

Derrière la salle de bain


Il y a Benjamin,
Tout le monde est parti, il n'y a que Benjamin,
Il y a des images qui défilent sur les murs,
Et un cahier à la couverture rigide, qu'il emporte partout afin
d'écrire le vide,
Afin d'écrire son âme vide,
Afin d’écrire ce vide qui lui adresse deux doigts d'honneur,
Afin d'écrire ce qu'il voudrait dire à son sourd et ivre cœur.
Il voit,
Derrière la salle de bain, Benjamin voit,
Il voit des papillons qui volent et qui arrivent jusqu'au plafond et
se brûlent,
Il voit que c'est tristement beau dans sa bulle,
Il voit des points, des lignes et des virgules,
Il voit une bête,
La bête lui parle et part, comme les autres,
La bête lui sourit, elle le regarde puis elle part, comme les
autres,
La bête tourne le dos et part, comme les autres,
Il voit des formes noires,
Il voit qu'il se noie,
Au fond,
Tout au fond d'une grande forme noire,
Tout au fond d'une lueur,
Tout au fond d'une forme qui naît, vit et meurt,
Tout au fond d'un cercle qui naît, se remplit le jour, puis le soir
meurt,
Tout au fond d'une figure, tout au fond d'une idée, tout au fond


52

de la honte,
Tout au fond d'une seconde lente,
Tout au fond d'un regard lancé trop tard,
Tout au fond d'une grande forme noire,
Noire.
Derrière la salle de bain,
Benjamin s'est perdu dans le noir,
A cherché en quoi croire,
Perdu tout au fond,
Tout au fond du rouge liquide qui coule tout autour de lui
et part, comme les autres.
Comme les autres, Comme les autres,
Qu'ils aillent au diable les autres !
Derrière la salle de bain,
Benjamin ne s'exprime plus,
Il ne pense plus,
La tête vide,
Pupilles vides de toute lumière,
Sans force, sans volonté, sans rage, sans colère,
Il se noie,
Il voit qu'il se noie,
Lentement,
Silencieusement,
Comme un bateau plein de rêves et d'espoir,
Comme une boite pleine de mémoire,
Comme le soleil qui part comme les autres, chaque soir.


53


54

Misérable… Misérable… Misérable

Misérable monstre invisible qui trouble mon sommeil !

Il me parle de ses sentiments avec profondeur,

Il me parle de son misérable cœur,

De son jardin brûlé, de sa maison habitée par d’autres, ses


fleurs rouges qui poussent au printemps. Ses misérables
fleurs, misérables couleurs, misérables douleurs, misérables
odeurs.

Il me parle de la réalité et son ombre penseur,

Il me parle et je le sens près de moi,

Il me chuchote qu’il a peur,

Qu’il ne veut pas s’en aller. Il ne peut pas, il ne veut pas sortir,
voler, partir, disparaître,

Je le sens, me regardant, me pénétrant dans mon être,

Misérable, Misérable, Misérable,

Monstre perdu,

Misérable trouble inconnu,

Il me chuchote à l’oreille droite que sa peine est immense, que


cette odeur de pourriture est de son corps, que son âme est
misérablement morte,

Que son cœur est en béton armé,



55

Que son cœur est en béton armé,

Que son cœur est en béton armé mais cela n’empêche pas à
une misérable fleur rouge de pousser, vivre, grandir, cela
n’empêche pas de l’aimer, de lui sourire, de la sentir.
Misérable, Misérable,

Misérables mains, misérables yeux, misérable mélange entre


la colère et les larmes, entre la vengeance et la crainte, entre la
haine et le silence, entre la faiblesse et l’envie de tout défoncer
sans savoir par où commencer.

Misérablement il s’éloigne de moi peut-être et il crie qu’il faut


commencer par écrire des mots vides avec un sens, qu’il faut
détruire le tic et le toc, qu’il faut que je lui raconte des histoires
qui parlent d’espoir.

Le vase tombe,

Une seconde silencieuse,

Un flop,

Une autre seconde silencieuse,

Un flop,

Puis je le sens s’asseoir près de moi et il me dit qu’il faut tenir


encore, qu’il faut qu’il meure sans souffrance, qu’il faut que je
joue encore le rôle du misérable Sisyphe,

Misérable, Misérable,

Misérable monstre,


56

Misérable minute, misérable montre,

Misérable porte qui s’ouvre et se ferme tristement,

Misérable inconnu qui m’a parlé sans le voir pendant tout ce


temps,

Misérable question,

Misérable silence,

Misérable Absence.

Misérable, Misérable, Misérable.


57

C cédille

C cédille !
Écrite furieusement au-dessous d’un c,
Écrite furieusement et puis rien,
Sauf qu’il y a du vent derrière,
Il y a tout ce qui blesse et de la poussière,
Derrière, les pleurs noirs tombent par terre,
Et des écrits qui s’écrivent à une vitesse dangereuse,
Des écrits qui s’écrivent et creusent,
Des écrits qui se lisent par une voix et creusent le fond d’un
drame,
Des écrits qui veulent trouver leurs âmes.
C cédille !
Un garçon rêveur, silencieux, assis dans un petit coin,
Un garçon qui écrit des poèmes et les jette à la mer, espérant
qu’ils partent plus loin
Plus loin d’ici, espérant que la reine des sirènes en prendra


58

bien soin,
Plus loin d’ici,
Derrière la lune, dans une autre vie,
"Au paradis des poètes." Il dit,
"Au paradis." Il affirme et sourit,
Ô ce sourire ! Qui a pu illuminer les visages des patients,
Ce sourire qui a pu faire entendre leurs battements,
Pendant quelques minutes de cette maudite horloge au fond du
couloir,
Ce sourire qui a pu les faire croire,
En l’espoir.
C cédille !
Écrite,
Peut-être dite,
Peut-être écrite par peur,
Peut-être après cette écriture, il y aura une puissante lueur,
Une lueur du ciel,
Peut-être après cette écriture, la muse aura finalement des
ailes,
"Patience." Dit la voix,
"Patience." Dit la foi,
"Patience." Dit la rime absente,
Rêveuse,
Humaine,
Innocente.
Une C cédille,
Bête et qui a peur,


59

Belle, bête et qui aime la douleur,


Malheureuse,
Qui a le vague aux yeux,
Sa vision est obscurcie, plus de sens, plus de bleu,
Juste boire et ne rien voir,
Ne rien croire,
Ne rien savoir,
Et finalement elle se laisse aller au désespoir.
Ô maudit désespoir !


60

Quand je ferme les yeux

Quand je ferme les yeux,


Je le vois au milieu,
Toujours au milieu,
Un monsieur d’un seul œil,
Qui me regarde sévèrement en écrivant sur une feuille,
Il me parle, il me juge, il me condamne et il me frappe,
J’entends sa respiration, ses battements et je sens la douleur,
J’entends ses insultes, les coups-de-poing et de pied et je sens
la douleur,
Même dans son jardin il me frappe, j’ai pris l’habitude de sentir
aussi les fleurs,
Mélangées avec la douleur,
Mélangées avec ses frappes qui bloquent la lueur,
Qui bloquent l’eau de passer au cœur,
‘’Ayez pitié de lui. ‘’ Disent les fleurs.
‘’ Il est innocent !’’ dit le spectateur,
‘’ N’aie pas peur. ‘’ Dit la mère, la sirène, puis elle part en mer,
C’est beau la mer,
Il paraît que c’est immense et bleu,
Je rêve de devenir un marin, sage, bon et vieux.
Et aller sur l’île aux deux soleils,
C’est beau ce rêve,
C’est beau la mer.
Quand je ferme les yeux,
Je perds mon vocabulaire,
Je ne peux pas me défendre, je ne sais que faire,
Monsieur me jette par terre,
Monsieur m’écrase,
La douleur me chuchote ‘’ Patience ami. ‘’


61

Je sens l’odeur de la mer d’ici,


Ya Rab ! Crie-je.
Quand je ferme les yeux,
Je le vois,
Toujours en face de moi.


62

Absence, Absence

Silence !
J’écris l’absence,
De ce point qui ne mettra jamais une fin,
Et le retour de quelqu’un, qui est loin,
Et la paix,
Et la lumière !
Sur la terre, sur mon ombre, sur l’océan noir,
Sur la terre, sur mes mains, sur l’arbre noir,
Sur la terre, sur mes doigts, sur la chaise noire,
L’absence,
De ce monsieur qui écrit le sens et part,
De ce monsieur qui rentre tard le soir,
Et dort tout simplement,
J’écris l’absence de ces rêves, malheureusement.
Silence !
Absence, absence,
De ce monsieur qui a des ailes, qui vole,
Et son sourire,
Et son regard qui peut tout dire,
Et son présent, et son futur,
J’écris le vide, j’écris sur ce mur dur,
J’écris le vide, j’écris sur …
Silence,
Un absent meurt,
D’autres résistent,


63

Certains existent,
Quelques-uns écrivent leur propre liste,
Et partent.
Silence ! J’écris L’absence,
D’un voisin fleuriste,
D’un autre plus près, un pianiste,
Et la vieille dame d’en face, qui chantait l’opéra … c’était triste,
C’était beau, c’était …
Admirable à écouter,
Admirable à voir, on ne pouvait rien ajouter.
Et puis J’écris,
Absence, absence,
D’une voix,
D’un salut,
D’un livre qui aurait dû être lu.


64

Un silence poétique

Un silence d’un vent,


Un long silence du temps,
Un rouge pourpre colore l’air,
Rien n’est clair,
Noir ! Dis-je.
La voisine d’à côté vient de mourir,
Je l’ai vue hier planter des roses avec un sourire,
Voilà qu’elle vient de partir.
La pluie tombe et les gouttes font un bruit étrange,
Est-ce la tristesse ou la colère ?
D’un ciel spectateur ou la terre,
Cette terre qui ne peut plus,
Qu’on ne la mérite plus.
Un silence blanc,
Qui contemple les fleurs orphelines,
Un silence d’espoir qui essaie d’illuminer leurs racines,
Un rythme long,
Une forte respiration qui s’entend,
Je m’assois et je dis que je serai le suivant, il faut que j’attende,
Je partirai bientôt de ce monde.
Vois-tu, je sais qu’il m’attend, je sais qu’il m’entend
Un silence beau,
Face à ce corbeau,
Un corbeau rongé par la tristesse et qui pleure,
Le soleil perd sa lueur,


65

Et meurt, afin de laisser place à la lune,


Meurt poétiquement au bout de la dune.
Espoir regarde le ciel, pour faire pitié peut-être,
Il regarde ce ciel en deuil qui a besoin de sa prière, peut-être,
Espoir pensif ne ferme pas ses yeux,
Même si ces chefs-d ‘œuvre tombent en feu,
Même s'il a perdu son combat,
Même si les cœurs fabriqués en papier ne battent pas,
Même si les regards sont vides,
Même si la patience affaiblit et commence à avoir des rides,
Un espoir silencieux, assis,
Face aux débris,

Face à la vie,

Une vie,

Pathétique,

Tragique,

Poétique.

Un silence,

En face de moi, le corbeau danse autour d’un trou immense.


66

Attendre

Un rideau qui s’agite,


Un autre coucher de soleil,
Une horloge qui marche à l’envers
Un morceau de pain par terre,
Une terre pleine de poussière.
Qui attend,
Depuis si longtemps.
En fin, la nuit impose son silence,
Une silhouette se poste devant la fenêtre face à la lune
éclatante,
Et chante la colère, la haine et la honte !
Chante l’attente,
La colère respire,
La haine pousse des soupirs,
La honte ne peut rien dire,
Elles attendent quelque chose,
Patiemment,
Silencieusement,
Éternellement.
Le rideau s’agite,
L’horloge marche toujours à l’envers,
Pour que peut-être les prières fassent revenir le
capitaine parti en mer,
Le bon capitaine,


67

Pour que peut-être le sang versé puisse faire revenir ce qu'il y


avait de plus cher,
Pour que peut-être il n'y ait point eu de guerre,
Pour que peut-être le porteur du drapeau blanc puisse rentrer à
la maison,
Vivre plus longtemps.
Les rideaux s’agitent,
Les feuilles d’un cahier volent, elles sont libres maintenant,
Des phrases qui forment un poing,
Des phrases qui attendent, qui ne veulent pas partir loin,
Une phrase a mis dans une plume la semence,
D’où fleuriront l’espérance, le sens et la conscience,
Qui attendent,
Longuement,
Éternellement,
Patiemment,
En silence.
Près du lit, la vieille foi se prosterne
‘’ Ô prière ! Ô patience ! Ô prière ! ‘’
Elle attend,
Peut-être demain tout changera,
Peut-être la pitié tombera,
Du ciel,
‘’ O ciel ‘’
Peut-être demain, elle verra la mésange,
Peut-être demain, elle resaluera l’ange,
Elle attend,


68

Patiemment,
Courageusement,
En silence.


69

Monsieur Noir

Monsieur noir,
Ouvre la porte, monte l’escalier, passe dans un couloir,
C’est un homme,
C’est un loup,
Les contours de son visage se découpent de l’ombre,
Et enfin il entre dans la chambre,
D’un absent,
Innocent !
Un sens assis et qui colore son sang,
Un sens conscient de sa maladie,
Conscient de ce qu’il écrit,
Un message pour lui-même,
Un message pour ses poèmes,
Un message pour sa mort et l’homme qui enterre,
Un autre petit message pour les vers de terre,
Et au questionneur sans prénom ni odeur.
Et pour le questionneur habillé en blanc et qui porte une fleur,
Sans couleur,
Sans parfum,
Sans le mot de la fin,
Sans sens.
Sans un rythme,
Sans …
Juste, absence, absence.
Le visiteur noir,
Grogne,
Respire,
Il lance un petit sourire,
Et quand l’horloge indique neuf heures et demie,


70

Quand l’horloge indique que le cœur de la lune a arrêté de


battre,
Que c’est bientôt fini,
Quand l’horloge indique que le soldat sans numéro a arrêté de
se battre,
Que c’est fini,
Noir crie
Magnifiquement crie
Et fait partie entièrement de lui,
De moi,
C’est un homme,
C’est un loup,
Une raison, une passion, une foi,
Je l’entends parler,
Je m’entends parler et répondre,
A mes questions.
Monsieur noir,
Me dit que mon refuge est mon cri.


71

Minuscule

Minuscule,
Je suis minuscule,
Je dis que je suis minuscule,
Je le confirme,
Je le dis,
A haute voix,
Voix de fourmi,
Mon nom c’est Minuscule,
Mon prénom, je l’ai oublié,
Mais mon nom est petit, il est minuscule,
Il n’y a pas de point, ni de virgule,
Respecte-moi,
Je n’ai pas le choix,
Car c’est minuscule,
C’est comme ça,


72

Non ! Oui, tu l’es aussi,


Je le confirme et je le dis,
Elle est minuscule la vie,
Le point est minuscule sur le I,
Elle est minuscule la lune cette nuit,
Je n’y peux rien,
Ça ne change rien,
Je ne sais pas,
Car mon cerveau est minuscule,
Mini,
Do re mi,
Minuscule.


73

Le dinosaure

Je mange un dinosaure

Le dinosaure maintenant n'existe pas

Il n’y a aucun danger

Maintenant il pleut

J'aime la pluie

Je suis heureux

J'ouvre la bouche

Le dinosaure sort


74

C’est un fantôme

C'est un fantôme
JE SUIS PETIT, je vois le fantôme, une voix me dit de l'oublier
JE SUIS GRAND, je vois le fantôme, une voix me dit de
l'oublier
JE SUIS VIEUX, je vois le fantôme, une voix me dit de l'oublier
Je suis mort, je ne vois pas le fantôme, une voix me dit qu'il m'a
oublié


75


76


A propos des écrits de Khalid El Morabethi
( : by Béotiane )


Langage minimal ce qu'il réfléchit d'essentiel par le
procédé d'un alphabet hybride aux accents diacritiques.
Répétition par l'anaphore placée sur l'adverbe, se
dressant sur la relative pour venir mourir en rime
amoureuse. Les mots tournent et virent, et cognent
_slam, slam the door. C'est alors nage d'arabesques, en
boucle, à circuit fermé, là, au-dedans du bocal mental
_in, mais en voix off longeant l'ébat frontal des
questionnements lancés à cet autre habitant qu'est la
conscience _écho, miroir, reflets nés des absences, des
silences, des cris, de cette nudité de pluie, de vent, de
vides peuplés en noir et blanc. Jusqu'au surgissement
rouge sang. Parce que le lieu est fondamental et qu'il s'y
trame le spectacle des êtres chers ou anonymes, et de
leurs objets familiers. Dans une qualité narrative qui
cherche dans l'ombre _le signe, la réponse et le message
à porter

C’est fatiguant
C’est vide
C’est répétitif

Khalis El Morabethi est étudiant à Oudja (Maroc)


Et prépare TENTACULE
Chez le même éditeur.

Cyrille Roussat est né en Auvergne en 1975. Cheminot


qui aime dessiner, surtout depuis les attentats
de Charlie-Hebdo
Exposition « carré signé (au dos) pour la paix » Châtillon,
Espace Aliés Guinard, Atelier Luz, 2016
A publié dans la revue l’intranquille n° 11 et 12.

Blogs…

http://lamuseduciel.blogspot.com (Blog personnel)

https://exercicesavecdautres.tumblr.com (En duo)

Je dis Merci

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Véronique Sauger

Mimoun

Khadija (prof de français)

Achevé d’imprimer
en mars 2017 par
ICN à ORTHEZ (64300)
pour le compte de
l’Atelier de l’agneau éditeur
1 Moulin de la Couronne
F 33220 St-Quentin-de-Caplong
France

www.http://atelierdelagneau.com

distribution SOLEILS, Paris.

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