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Khalid EL Morabethi
E.X.E.R.C.I.C.E.S
Atelier de l’agneau
collection 25
ISBN 978-2-37428-004-2
ISSN 1769-5546
C’est vide
C’est Fatiguant
C’est répétitif
Tigre, tigre
Parce que tigre vit. Au fond. Tout au fond. Tout autour. Au-
dessous. Au-dessus. À l’intérieur. Près du cœur. Près du
monsieur. Près d’un autre. Près du narrateur. Près d’un tueur.
Près d’une confession. Près d’un innocent. Au fond. Tout au
fond. Parce que tigre vit.
L’enfant pense, parce qu’il faut penser, parce que tigre pense.
Parce que tigre vit, parce que tigre pense, parce qu’un jour,
tigre dansait autour du feu et tout à coup, il avait compris le
sens.
L’enfant pense.
Tigre, tigre.
Tigre. Le miroir.
Le cri de quelqu’un.
L’enfant vend son âme, meurt, revit, parce que tigre vit. Parce
que tigre pense.
L’enfant pense qu’il ne faut pas dormir, qu’il faut que quelqu’un
l’empêche de dormir.
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L’enfant pense.
L’enfant joue.
L’enfant pense.
Tigre.
L’enfant.
La corde.
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Sept
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Pierre
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Muscle
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y que llora
y que gime''
-Raphael
MUSCLEDUDRAGON
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Bouddha
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M
Miroir, miroir, miroir regarde l’animal à trois têtes et qui a 5
doigts,
Il mange avec ses doigts, l’animal fait du bruit quand il mange
avec ses doigts,
Des doigts qui bougent, des doigts qui avalent les mouches,
des doigts qui avalent peu à peu la lune,
La lumière part
Une autre histoire du monstre voleur de dents et du sommeil
chaque soir
Le cœur devient noir
Les ongles salissent les mouchoirs
Il entre
Il sort
Putain de merde, de bordel, de saloperie de connard
Il fume trois cigares
Et il mange…
Il mange avec ses doigts
Doigts, doigts, doigts, doigts, foi, choix, quoi, doigts de monstre
Monstre, monstre, monstre qui chauffe les poumons et qui
entre…
Qui entre tout au fond du ventre,
Et ça chauffe
M, ça chauffe
M
Monstre dit les serments
Miroir, miroir, miroir regarde la bouche de l’animal, il ne fait pas
du mal, c’est juste qu’il s’est arrêté de faire du bien, un animal
qui mange avec ses doigts en paix et qui fait du bruit en paix.
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A l’intérieur du bidon
Le vide est assis, il craint le soleil, son parapluie est noir, il n'y
a pas de soleil, son parapluie est noir, pas de rage, pas de
fatigue, son parapluie est noir.
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Doigt d’honneur
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C’est rouge
Un doigt rouge, indiscutable et qui porte un nom, un visage,
Un doigt rouge, au-dessus de la table, écrivant une fin au
milieu de la page,
Un doigt
Rouge
Noir
C’est noir,
C’est un point, un espace et des spectateurs
Un point et la lumière qui meure,
Noir
C’est noir,
C’est Un doigt d’honneur qui porte le savoir.
Pour Mimoun et son fameux doigt d’honneur
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Point D’INTEROXCLAMATION
Point D’INTEROXCLAMATION
Un singe enrhumé touche le fond de la chose et devient lucide,
Il touche la chose mais ça sent le vide,
C’est vide,
C’est un sens déformé par l’usure, par son miroir, par ses
rides,
C’est vide,
C’est fatiguant,
C’est répétitif,
C’est la mémoire qui regarde ces cernes sous ses yeux,
quotidiennement,
C’est vide, c’est fatiguant mais faut s’occuper,
La mémoire s’occupe à regarder ses yeux afin de sentir tout au
fond ses cris silencieux,
La mémoire s’occupe à chercher comment se nourrir de sa
propre haine et sentir ses cris silencieux,
La mémoire s’occupe à chercher la figure, à chercher le père
aux mains dures, à chercher les cris silencieux,
La mémoire s’occupe à entendre la bête qui porte le cœur à
deux mains, elle s’occupe à l’entendre gémir, crier et dire.
C’est répétitif,
C’est fatiguant, c’est vide…
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Point D’INTEROXCLAMATION
Un point et un vice,
Un point froid et une virgule spectatrice,
Un point sclérosé et une existence fatigante, répétitive et ivre
d’un vertige,
Des points sur le cou, sur les yeux, les vases, les mains, le dos
et la gorge du poisson,
Des points sur les pieds, la mémoire, les doigts, le verre d’eau
et le poison,
C’est répétitif, c’est fatiguant,
C’est répétitif… sans sens,
C’est répétitif… c’est un homme qui redevient un point puis un
hibou qui pense,
C’est répétitif, dit le frappeur,
C’est répétitif, dit la peur,
C’est répétitif, dit le hibou qu’à la fin, il meurt.
Point D’INTEROXCLAMATION
Un point et un tueur,
Un point froid et un sens incompris qu’au final, il n’est que
simple spectateur.
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Mon hibou a les yeux bleus et tout au fond tant de bras sortent
de terre, ils veulent s’accrocher, ils veulent s’approcher, tant de
bras sortent des murs, ils parlent entre eux, ils veulent mettre le
feu, tant de bras sortent du lit, ils veulent étrangler le corps d’un
gros minable, ils entrent dans le ventre et arrachent ses
entrailles, ils entrent dans le ventre et ils l’assaillent, ils
l’assassinent, personne n’annonce sa mort et le soleil se cache
dans le dos du corps. Tout au fond, mon hibou assassine mes
pensées et ordonne aux sens de ne rien dire, ne rien écrire et
de partir apprendre à danser. Mon hibou a les yeux bleus et
tout au fond mon*monstre m’insulte, ‘’ Gros minable, petit con,
bouffon, espèce de merde ‘’ puis il s’excuse, le monstre s’agite
à l’intérieur de mon corps sur lequel je n’ai pas de contrôle,
voilà pourquoi je fais n’importe quoi, voilà pourquoi mes
pensées s’entretuent, voilà pourquoi c’est difficile d’entendre, il
bloque mes oreilles, rien ne m’appartient, voilà pourquoi je
m’excuse sans raison. Monstre, monstre s’agite sous ma peau,
au-dessous de la table, au-dessous de mon crâne et au fond
de mon âme, je l’entends vociférer à l’intérieur de mon ventre,
je t’entends battre près de mon cœur, minable muscle, monstre
me parle, depuis l’enfance, il est né avec moi, il n’a jamais
été passager, mon hibou avait pris le cœur et il l’avait partagé.
Mon hibou a les yeux bleus et tout au fond ce monstre voudrait
que je meure ** comme une fleur, celle qui ne ressemble à rien,
celle qui ressemble à un fantôme dont on sent la présence,
dont on entend la voix mais dont on ne comprend pas le sens.
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Alzheimer
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La pluie
La pluie
Lourdement tombe,
Sur quelques tombes,
Sur une question ‘’ De quoi suis-je coupable ? ‘’
Sur un vase oublié, posé sur une table,
Sur une fleur, sur un cœur d’un corbeau qui meurt.
La pluie
Tombe,
Au-dessus des organes glissants,
Au-dessus des sans organes dans une salle d’attente
Et les infirmières souriantes leur proposent une mort lente.
Elle pleut sur les longs couloirs de l’hôpital,
Elle pleut sur les longs couloirs d’une mémoire absente,
Une mémoire qui cherche des yeux bleus au fond des foules,
Entre deux cahots d’un autobus,
Ou même au fond d’un corps divisé, qui est resté sans muse,
Au fond d’une forme dans le regard d’un inconnu,
Dans le regard d’une veuve ténébreuse,
Au fond d’un petit regard d’une étoile lumineuse.
La pluie
Tombe
Sur la gorge de la bête,
Sur son cahier, sur ses mots qui ne peut jamais les prononcer,
Sa foi, son choix, ses souvenirs, sa haine, qui ne peut jamais
les annoncer,
Sur ses rêves qui ont ce défaut de se modifier,
Sur ses doigts ‘’ De quoi sont-ils coupables ? ‘’
Sur ses mains ‘’ De quoi sont-ils coupables ? ‘’
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Entre parenthèses
Entre parenthèses,
Entre une table et une chaise,
Le bon sauvage dessine à l’aide d’un bout d’allumette des
personnages,
Le sage, le sauvage et la rage,
Ils ont la même couleur de peau, le même nom, le même âge,
La même marche, les mêmes discours et la même tournure
dramatique des pages.
Le bon sauvage dessine des héros,
Il dessine des bébés singes et des zéros,
Il dessine une forme, une figure hypnotisée et l’inapprochable
pomme,
Une forme, un parapluie et un sourire près d’un malheureux
fantôme.
Fantôme, fantôme qui pense,
Et qui cherche le bon sens,
Et qui montre le ciel du doigt,
Ensuite, il s’en va, laissant derrière la radio, sa petite voix,
Il s’en va, laissant dans son bureau, un cœur qui bat.
Entre parenthèses,
Un papillon de passage,
Insouciant, qui part à l’abordage,
Pendant que les mimes sont dans l’attente,
Et que les sirènes chantent,
Pendant que le diable vert sort du vacarme,
Et que la pudeur vend son âme,
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de la honte,
Tout au fond d'une seconde lente,
Tout au fond d'un regard lancé trop tard,
Tout au fond d'une grande forme noire,
Noire.
Derrière la salle de bain,
Benjamin s'est perdu dans le noir,
A cherché en quoi croire,
Perdu tout au fond,
Tout au fond du rouge liquide qui coule tout autour de lui
et part, comme les autres.
Comme les autres, Comme les autres,
Qu'ils aillent au diable les autres !
Derrière la salle de bain,
Benjamin ne s'exprime plus,
Il ne pense plus,
La tête vide,
Pupilles vides de toute lumière,
Sans force, sans volonté, sans rage, sans colère,
Il se noie,
Il voit qu'il se noie,
Lentement,
Silencieusement,
Comme un bateau plein de rêves et d'espoir,
Comme une boite pleine de mémoire,
Comme le soleil qui part comme les autres, chaque soir.
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Qu’il ne veut pas s’en aller. Il ne peut pas, il ne veut pas sortir,
voler, partir, disparaître,
Monstre perdu,
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Que son cœur est en béton armé mais cela n’empêche pas à
une misérable fleur rouge de pousser, vivre, grandir, cela
n’empêche pas de l’aimer, de lui sourire, de la sentir.
Misérable, Misérable,
Le vase tombe,
Un flop,
Un flop,
Misérable, Misérable,
Misérable monstre,
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Misérable question,
Misérable silence,
Misérable Absence.
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C cédille
C cédille !
Écrite furieusement au-dessous d’un c,
Écrite furieusement et puis rien,
Sauf qu’il y a du vent derrière,
Il y a tout ce qui blesse et de la poussière,
Derrière, les pleurs noirs tombent par terre,
Et des écrits qui s’écrivent à une vitesse dangereuse,
Des écrits qui s’écrivent et creusent,
Des écrits qui se lisent par une voix et creusent le fond d’un
drame,
Des écrits qui veulent trouver leurs âmes.
C cédille !
Un garçon rêveur, silencieux, assis dans un petit coin,
Un garçon qui écrit des poèmes et les jette à la mer, espérant
qu’ils partent plus loin
Plus loin d’ici, espérant que la reine des sirènes en prendra
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bien soin,
Plus loin d’ici,
Derrière la lune, dans une autre vie,
"Au paradis des poètes." Il dit,
"Au paradis." Il affirme et sourit,
Ô ce sourire ! Qui a pu illuminer les visages des patients,
Ce sourire qui a pu faire entendre leurs battements,
Pendant quelques minutes de cette maudite horloge au fond du
couloir,
Ce sourire qui a pu les faire croire,
En l’espoir.
C cédille !
Écrite,
Peut-être dite,
Peut-être écrite par peur,
Peut-être après cette écriture, il y aura une puissante lueur,
Une lueur du ciel,
Peut-être après cette écriture, la muse aura finalement des
ailes,
"Patience." Dit la voix,
"Patience." Dit la foi,
"Patience." Dit la rime absente,
Rêveuse,
Humaine,
Innocente.
Une C cédille,
Bête et qui a peur,
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Absence, Absence
Silence !
J’écris l’absence,
De ce point qui ne mettra jamais une fin,
Et le retour de quelqu’un, qui est loin,
Et la paix,
Et la lumière !
Sur la terre, sur mon ombre, sur l’océan noir,
Sur la terre, sur mes mains, sur l’arbre noir,
Sur la terre, sur mes doigts, sur la chaise noire,
L’absence,
De ce monsieur qui écrit le sens et part,
De ce monsieur qui rentre tard le soir,
Et dort tout simplement,
J’écris l’absence de ces rêves, malheureusement.
Silence !
Absence, absence,
De ce monsieur qui a des ailes, qui vole,
Et son sourire,
Et son regard qui peut tout dire,
Et son présent, et son futur,
J’écris le vide, j’écris sur ce mur dur,
J’écris le vide, j’écris sur …
Silence,
Un absent meurt,
D’autres résistent,
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Certains existent,
Quelques-uns écrivent leur propre liste,
Et partent.
Silence ! J’écris L’absence,
D’un voisin fleuriste,
D’un autre plus près, un pianiste,
Et la vieille dame d’en face, qui chantait l’opéra … c’était triste,
C’était beau, c’était …
Admirable à écouter,
Admirable à voir, on ne pouvait rien ajouter.
Et puis J’écris,
Absence, absence,
D’une voix,
D’un salut,
D’un livre qui aurait dû être lu.
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Un silence poétique
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Face à la vie,
Une vie,
Pathétique,
Tragique,
Poétique.
Un silence,
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Attendre
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Patiemment,
Courageusement,
En silence.
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Monsieur Noir
Monsieur noir,
Ouvre la porte, monte l’escalier, passe dans un couloir,
C’est un homme,
C’est un loup,
Les contours de son visage se découpent de l’ombre,
Et enfin il entre dans la chambre,
D’un absent,
Innocent !
Un sens assis et qui colore son sang,
Un sens conscient de sa maladie,
Conscient de ce qu’il écrit,
Un message pour lui-même,
Un message pour ses poèmes,
Un message pour sa mort et l’homme qui enterre,
Un autre petit message pour les vers de terre,
Et au questionneur sans prénom ni odeur.
Et pour le questionneur habillé en blanc et qui porte une fleur,
Sans couleur,
Sans parfum,
Sans le mot de la fin,
Sans sens.
Sans un rythme,
Sans …
Juste, absence, absence.
Le visiteur noir,
Grogne,
Respire,
Il lance un petit sourire,
Et quand l’horloge indique neuf heures et demie,
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Minuscule
Minuscule,
Je suis minuscule,
Je dis que je suis minuscule,
Je le confirme,
Je le dis,
A haute voix,
Voix de fourmi,
Mon nom c’est Minuscule,
Mon prénom, je l’ai oublié,
Mais mon nom est petit, il est minuscule,
Il n’y a pas de point, ni de virgule,
Respecte-moi,
Je n’ai pas le choix,
Car c’est minuscule,
C’est comme ça,
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Le dinosaure
Je mange un dinosaure
Maintenant il pleut
J'aime la pluie
Je suis heureux
J'ouvre la bouche
Le dinosaure sort
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C’est un fantôme
C'est un fantôme
JE SUIS PETIT, je vois le fantôme, une voix me dit de l'oublier
JE SUIS GRAND, je vois le fantôme, une voix me dit de
l'oublier
JE SUIS VIEUX, je vois le fantôme, une voix me dit de l'oublier
Je suis mort, je ne vois pas le fantôme, une voix me dit qu'il m'a
oublié
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A propos des écrits de Khalid El Morabethi
( : by Béotiane )
Langage minimal ce qu'il réfléchit d'essentiel par le
procédé d'un alphabet hybride aux accents diacritiques.
Répétition par l'anaphore placée sur l'adverbe, se
dressant sur la relative pour venir mourir en rime
amoureuse. Les mots tournent et virent, et cognent
_slam, slam the door. C'est alors nage d'arabesques, en
boucle, à circuit fermé, là, au-dedans du bocal mental
_in, mais en voix off longeant l'ébat frontal des
questionnements lancés à cet autre habitant qu'est la
conscience _écho, miroir, reflets nés des absences, des
silences, des cris, de cette nudité de pluie, de vent, de
vides peuplés en noir et blanc. Jusqu'au surgissement
rouge sang. Parce que le lieu est fondamental et qu'il s'y
trame le spectacle des êtres chers ou anonymes, et de
leurs objets familiers. Dans une qualité narrative qui
cherche dans l'ombre _le signe, la réponse et le message
à porter
C’est fatiguant
C’est vide
C’est répétitif
Blogs…
Je dis Merci
Pierre Le Pillouër
Françoise Favretto
CYRILLE ROUSSAT
Gaëtan Sortet
Cédric Lerible
Béotiane
Audrey Chambon
Shaomi
Jouy Ann
Brigitte le Guen
Véronique Sauger
Mimoun
Achevé d’imprimer
en mars 2017 par
ICN à ORTHEZ (64300)
pour le compte de
l’Atelier de l’agneau éditeur
1 Moulin de la Couronne
F 33220 St-Quentin-de-Caplong
France
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