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Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022

ISSN: 2658-9206

L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS POUR LES FILIERES


ECONOMIQUES DE LA FSJES-MARRAKECH
CONSIDERATIONS PEDAGOGIQUES ET DISPOSITIFS
DIDACTIQUES
----------
TEATCHING FRENCH FOR ECONOMY DEPARTEMENT AT FSJES-
MARRAKECH
PEDAGOGICAL CONSIDERATIONS AND DIDACTIC PLANS

Saloua ELBAKKIOUI
Université Cadi Ayyad, Maroc
s.elbakkioui@uca.ma

Résumé : Voulant renforcer les outils de transmission du savoir, les acteurs pédagogiques ont
opté pour une vision renouvelée de réforme mettant les langues au centre de l’apprentissage
dans une relation d’interdisciplinarité. Le présent article donne un aperçu sur
l’enseignement/apprentissage des disciplines non linguistiques en français qui reste dans le
contexte national un choix irréversible par rapport à la dynamique internationale. Nous
proposons ensuite une description des dispositifs didactiques d’enseignement de cette langue
notamment dans le cadre de la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales Cadi
Ayyad. Nous mettons l’accent enfin sur les considérations pédagogiques entreprises pour
l’apprentissage de la langue dans son rapport avec les disciplines scientifiques dans ledit
contexte notamment pour les filières économiques.
Mots-clés : enseignement/apprentissage ; filières économiques ; français ; interdisciplinarité ;
DNL ; FOS/FLE

Abstract: Wanting to strenthen the tools for transmission of knowledge, pedagogical actors
have opted for a renewed vision of reform putting languages at the center of learning in a
relationship of interdisciplinarity. This article gives an overview of the teaching/learning of
non-linguistic disciplines in French which remains in the national context an irreversible
choice compared to the international dynamic. We offer then a description of didactic devices
for teaching language, particularly within the framework of the Faculty of Low, Economic
and Social Sciences Cadi Ayyad. Finally, we emphasize the pedagogical considerations
undertaken for the learning language in its relationship with scientific disciplines in that
context, particularly for economy department.
Keywords: teaching/learning; Economy departement ; french ; interdisciplinarity; DNL ;
FOS/FLE

Introduction
En vue de renforcer l'ouverture du système éducatif national sur les langues, le Maroc
s’est engagé dans des projets d’innovation d’une valeur incommensurable. En effet,
l’apprentissage des langues étrangères connait une réorganisation notable de manière à les
engager dans la construction et la transmission des savoirs. Il s’agit d’une reconfiguration de
la valeur communicative qu’on a souvent attribuée aux langues pour qu’elles acquièrent une
dimension plutôt interdisciplinaire. Le français entre autres dispose d’un intérêt particulier.
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Langue d’enseignement, le français, cependant, présente un défi énorme pour les apprenants
quant à sa littératie. Franciser les disciplines non linguistiques (DNL) est un choix stratégique,
certes, mais cela nécessite une réflexion sérieuse quant aux méthodologies pédagogiques et
didactiques de son enseignement. Dans ce sens, l’objectif de l’étude sera orienté selon les
questions suivantes :
i. Le français scientifique constitue-t-il une alternative efficace pour l’apprentissage du
français en général ?
ii. L’enseignement du français à l’université repose-t-il sur une logique curriculaire ?
iii. Quel rôle doit jouer le professeur pour modifier les modalités et les stratégies
d’apprentissage du français ?
Autant de questions qui méritent d’amples études et que nous avons structuré selon le
plan suivant : dans un premier temps nous exposerons le passage de la langue arabe au
français, envisagé dans le cadre d’un projet de réforme nationale. Puis nous présenterons les
mécanismes d’enseignement du français à la FSEJS-Marrakech en en exposant les choix
pédagogiques et didactiques. Enfin nous essayerons de voir quel rôle doit jouer le professeur
de langue dans ledit contexte pour assurer la conception des curricula de cette matière.

1. De l’arabe au français, vers une efficience curriculaire


Pour des considérations politiques, économiques et sociales, les instances
institutionnelles ont pris conscience de la nécessité d’une réforme pragmatique mettant les
langues dans une dynamique interdisciplinaire dès le primaire. La pluralité linguistique, qui
reste un facteur déterminant pour la promotion d’un enseignement de qualité, engagé dans des
projets d’ouverture et de développement du pays, se trouve aujourd’hui renforcée par l’idée
que la maîtrise des langues et plus qu’avant la condition sine qua non pour consolider la
compétitivité du pays par rapport aux pays émergents. En effet, et après trois décennies
d’arabisation, le débat est enfin conclu sur la langue d’enseignement des matières
scientifiques et techniques en langues étrangères et à leur tête le français1. Une décision qui
était amorcée depuis 2013 avec l’ouverture des sections internationales dans l’enseignement
secondaire qualifiant puis au niveau du collège en 2017, et dernièrement par l’adoption de la
Loi-cadre2. Ladite loi constitue un tournant décisif pour un enseignement dynamique des
matières scientifiques qui va instaurer l'avènement d'une école nationale à caractère bilingue.
Il revient à dire que ce bilinguisme, constitue l’aboutissement de ces plans d’action nationaux
qui ont milité pour l’acquisition des langues dès le plus jeune âge. Conçue dans la bonne
forme, cette approche d’enseignement va résolument remédier aux problèmes de discontinuité
linguistique dont souffrent beaucoup d’étudiants qui arrivent à l’université. D’autant plus
qu’il sera en harmonie avec les attentes du marché du travail, souvent fondées sur des
paramètres favorisant le français comme langue d’échange. Le rapport de la COSEF a pointé
cette défaillance et a souligné ceci :
« Deux problèmes importants demeurent particulièrement préoccupants :
d’une part le déphasage linguistique entre le secondaire où l’essentiel des
enseignements se fait en langue arabe et le supérieur où l’arabisation n’a

1
La nouvelle réforme de l’apprentissage des langues étrangères conçue par le ministère de l’Education nationale,
de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, est régie non
seulement par la vision stratégique 2015-2030, mais aussi par la loi-cadre 51-17 adoptée récemment par le
gouvernement.
2
La loi cadre n° 51-17 Ministère de L’Education National de la Formation Professionnelle, de l’Enseignement
Supérieur et de la Recherche Scientifique, septembre 2021.
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concerné qu’une partie des sciences humaines à l’exclusion des autres


champs scientifiques, technologiques et professionnels, d’autre part entre la
langue d’enseignement qui est l’arabe et les langues exigées dans la vie
professionnelle ».1
Réduire le déphasage linguistique entre les deux cycles, scolaire et universitaire, va
également diminuer le nombre des apprenants qui abandonnent l’enceinte universitaire et qui
voient dans l’enseignement supérieur à prédominance française une entrave. En fait, le
désintérêt constaté des bacheliers pour les matières scientifiques interroge ainsi les
mécanismes indispensables à l’efficience éducative puisque la majorité des bacheliers
scientifiques fuient ces branches faute de maîtriser leur langue d’enseignement. Franciser les
matières scientifiques redéfinit ainsi le statut et le rôle de la langue et interroge les assises
d’ordre épistémique et pédagogique afin d’identifier clairement les orientations d’une
structure linguistique soumise à un intérêt d’ouverture, d’épanouissement et de réussite
comme le préconise l’article 2 de la Loi-cadre :
« Adopter une ingénierie linguistique cohérente dans les divers niveaux et
composantes du système d’éducation, de formation et de recherche
scientifique et ce, en vue de développer les compétences communicatives de
l’apprenant et son ouverture aux autres cultures et garantir la réussite
scolaire escomptée 2 »

Ces indications ouvrent l’horizon d’un nouveau contexte d’enseignement dont les
soubassements seraient un apprentissage prônant pour une médiation entre des pratiques
linguistiques réelles et la transmission des savoirs. Enseigner les matières scientifiques en
français ouvre la brèche vers une didactique intégrée d’enseignement,3 fortement
recommandée dans les systèmes d’enseignement les plus réussis. Une telle approche rend
possible l’articulation d’une discipline non linguistique DNL et d’une langue étrangère. La
langue devient apte de transférer des connaissances permettant de contextualiser sa pratique
même. Or, dans le contexte de l’enseignement supérieur, le croisement de ces deux disciplines
a-t-il donné les résultats attendus ?

2. Mécanisme d’enseignement du français à la FSJES


Les facultés à accès ouvert comme c’est le cas de la Faculté des Sciences Juridiques,
Economiques et Sociales Cadi Ayyad, adopte une approche où l’enseignement/apprentissage
du français se fait à l’arbitraire sans référence aucune à un choix didactique bien défini. En
effet, la focalisation sur les compétences cognitives et l’imprécision de l’utilité fonctionnelle
de la langue, explique en partie, les tâtonnements quant à la logique curriculaire.
Le français à la FSJES est programmé dans le module Langue et Terminologie,
dispensé aux étudiants de la première année de la licence fondamentale (droit en arabe, droit
en français et sciences économiques) et de la licence professionnelle. Cette matière exige à
priori une gestion pédagogique capable d’adapter un champ notionnel et linguistique

1
Rapport de la COSEF sur la mise en œuvre de la réforme du système d’éducation et de formation (1999).
2
Loi-cadre n° 51-17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique.
3
Il s’agit d’une approche interdisciplinaire qui puise ses sources dans la théorie socioconstructiviste de Vygotski
(1978). Elle propose le regroupement et le développement des compétences disciplinaires, linguistiques,
cognitives et interculturelles. EMILE, pour ne citer que cette approche est un exemple de ces approches
Intégrée, (en anglais CLIL, Content and Language Integrated Learning) utilisé pour décrire une approche
éducative qui utilise une langue étrangère pour enseigner une matière scolaire.

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opportun. Or, il en découle un certain nombre de remarques. Les syllabus d’enseignement des
modules transversaux ne recommandent aucune didactique spécifique. Cette mesure semble
inefficace par rapport aux objectifs tracés par les descriptifs. Car, les professeurs de langue,
généralement, optent pour des activités de grammaire classique alors que la matière exige
aussi un volet terminologique. Un véritable pari qui met les deux composantes de la matière
dudit contexte dans une logique de hiérarchie, les sciences d’abord ! les étudiants estiment
avoir un Français adapté à leurs besoins scientifiques. L’apprentissage du français devient
alors une source de démotivation et les étudiants se permettent de ne pas lui octroyer
l’importance adéquate.
Pour guider notre analyse, nous avons mené une enquête de terrain à travers un
questionnaire afin de délimiter les dysfonctionnements qui nuisent à l’apprentissage de cette
langue.

2.1. Contexte de la recherche


Pour situer l’analyse dans son contexte d’étude, nous avons mené une enquête (janvier
2022) par un questionnaire auprès des étudiants des filières des sciences économiques. Au
fait, puisque le nombre des étudiants inscrits en première année compte 7135, nous avons
décidé de choisir arbitrairement un groupe réduit de 800 étudiants qui ne sont pas tous
originaires de la ville de Marrakech. Il n'y a pas eu de critères spécifiques quant à la sélection
des participants (Age, motivation, assiduité). Mais nous avons jugé utile d’effectuer l’enquête
sur la base des étudiants qui ont poursuivi leurs études pré-universitaires dans des écoles
publiques ou privées qui dispensent l’enseignement des sciences en langue arabe ou bilingue.

2.2. Résultats de l’enquête


Sans Non
réponse 13%
14%

Oui
73%

Figure 3: Réponses à la question Est-ce que le français constitue une entrave pour l'apprentissage des matières
disciplinaires ?

Nous remarquons que la majorité des étudiants des filières économiques éprouve des
difficultés remarquables quant à l’apprentissage des matières scientifiques à cause de la
langue qui accentue leur complexité. Ces difficultés sont visiblement pesantes pour une
catégorie qui provient surtout de l’école publique. Alors qu’une frange minoritaire de 13%
venant des écoles privées dispose des capacités qui sont à cheval entre compétences
linguistiques et compétences langagières scientifiques vu qu’elle était initiée en amont.

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Sans réponse
Rédaction 5%
19% Terminologie
47%

Grammaire
29%

Figure 4: Quels types de difficultés linguistiques éprouvez vous

Presque la moitié des enquêtés, montre le graphique, opte pour un cours de terminologie
susceptible à leur aider à comprendre et à construire les connaissances scientifiques. 29%
préfèrent surtout un cours fondé sur la grammaire classique car elle voit que la maitrise d’une
langue ne peut se faire qu’à travers la maitrise de sa grammaire. Alors que 19% expriment une
prédilection à développer ses compétences rédactionnelles. Notant que les acteurs interrogés
généralement n’arrivent pas à appréhender le cours magistral et expriment ainsi leur
inaptitude à suivre le professeur. Ils estiment que le français est inadapté pour donner un cours
scientifique. Constats que nous allons souligner dans les graphiques ci-dessous.

Sans
réponse
Utile
50%
36%

Inutile
14%
Figure 5 : Dans le contexte universitaire, voyez-vous que l’usage du français est :

La majorité des étudiants n’arrive pas à juger l’utilité de la langue puisqu’elle reste
confuse entre la position privilégiée qu’occupe l’anglais à l’échelle internationale et le
français qui est un atout dans le contexte national. Pour plus de précision nous avons
reformuler la question comme suit :

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sans réponse
français
11%
17%

anglais
72%
Figure6 : quelle est la langue appropriée pour un enseignement universitaire efficace ?

Cette attitude positive à l’égard de l’anglais explique l’avancée de cette langue qui a su
capter l’intérêt des étudiants vu son rôle universel dans la recherche scientifique, la
publication académique, le progrès économique et les échanges commerciaux. Bien que les
attitudes des étudiants demeurent favorables envers le français, nous remarquons une
régression plus prononcée vis-à-vis de cette langue. Loin de présenter des complications
d’apprentissage, le français a cédé la place à la suprématie de l’anglais en raison des facteurs
économiques, politiques et sociaux.
Les résultats obtenus permettent de remettre en question les méthodes d’enseignement
du français pour les filières scientifiques. Car en l’absence d’un consensus pédagogique
spécifique et face à la diversité des besoins des étudiants, le cours scientifique dans son
support linguistique est une aberration du moment que les étudiants n’en tirent aucun profit.
La focalisation manifeste pour des leçons de grammaire, de lexique ou de conjugaison, qui
sont généralement, en parfaite dissonance avec les vrais besoins des apprenants, met en péril
la fonctionnalité de la langue et l’objectif du module.
En revanche, quel que soit l’habillage didactique que revêt l’enseignement de la langue
française à la FSJES, la filière devrait proposer une réflexion sur
l’enseignement/apprentissage de la langue conforme à l’idéologie de la charte qui préconise
ceci :
« Les universités et autres établissements d’enseignement supérieur
introduiront, systématiquement, des cours de mise à niveau en langue
étrangère et en langue arabe, associés à des modules scientifiques,
technologiques ou culturels destinés à rendre fonctionnels les apprentissages
linguistiques. 1 »
Ceci dit, les modèles existants tendent à rendre le cours de la langue inefficace.
L’absence d’une combinaison appropriée entre la langue et les matières scientifiques fait que
le module ne répond à aucune approche didactique bien définie. Les professeurs de langue, en
outre, s’affrontent au nombre inconséquent d’étudiants et se trouvent dans la difficulté de
suivre les orientations pédagogiques qui favorisent les approches interactionnelles et
communicatives. Ajoutons à cela, l’hégémonie de l’anglais qui ne cesse d’intéresser les
étudiants quant à son usage scientifique. Autant de facteurs qui rendent le processus

1
La charte nationale de l'éducation et de la formation, article 117,1999.
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d’apprentissage du français et l’offre pédagogique désagréable.


L’adaptation fonctionnelle de la langue dans son rapport avec les sciences dans les
cours de Langue et Terminologie doit impliquer particulièrement une didactique de
FOS1/FOU2. Alors que plusieurs recherches préconisent le FLE comme méthode apte à
améliorer la qualité de la formation linguistique. La mise en pratique de ces différentes
approches didactiques présente beaucoup d’obstacles. En revanche, entre les approches
FOS/FOU et FLE, l’enseignement/apprentissage de la langue reste indéterminé. Mais,
laquelle de ces deux approches semble la plus adaptée pour rendre fonctionnel l’apprentissage
de la langue ? Pour répondre à cette problématique, nous allons, quoique de manière lapidaire,
prendre en compte des considérations psychodidactiques, sociolinguistiques afin d’en établir
le lien.

3. FOS/FOU ou FLE, quel choix didactique


L’enseignement du français langue seconde ou encore étrangère au fil du temps a
particulièrement été objet de plusieurs recherches théoriques et empiriques. En revanche,
nombreuses sont les méthodes qui se sont succédées, (approche traditionnelle, active, directe,
communicative, actionnelle…). Pourtant, tant l’activité humaine se multiplie et se spécialise,
la demande sociale pour des langues spécialisées, fonctionnelles servant à communiquer
l’information savante et professionnelle s’accentue. C’est dans cette logique que s’inscrivent
les besoins langagiers et discursifs des étudiants des filières économiques qui placent parmi
leurs priorités les langues centrées sur le savoir scientifique et technique dans une finalité
d’usage pragmatique. PHAL définit ces langues comme suit :
« Celles qui permettent de distinguer les différentes sciences et techniques les
unes des autres. Elles correspondent à un rôle statique de la langue, à sa
fonction de désignation et portent sur une différence de contenu et de
spécialisation du lexique (définition, terminologie, nomenclature,
vocabulaire spécialisé de la science et technique considéré). Ces
caractéristiques définissent ce qu’on appelle les langues de spécialité »3

Le FOS/FOU, dans ce sillage, répond parfaitement aux attentes de son public « qui (a)
besoin de cette langue pour des objectifs autres que linguistiques »4. Les étudiants, se
concentrent surtout sur des savoir-faire langagiers précis, et visent dans l’ensemble une
communication professionnelle dictée par des injonctions d’ordre économique et contextuel.
Autrement dit, Les apprenants exigent un retour significatif en investissant dans ce qu’exige
le contexte institutionnel ou la demande professionnelle. Tout ceci se fait au détriment d’un
apprentissage de la langue dans sa dimension globale. La formation linguistique, dans ce sens,
choisit des supports (texte de type informatif, page de dictionnaire) basés ordinairement sur
des items lexicaux spécifiques en fonction des besoins des étudiants. Or, la mise en pratique
de cette approche risque de doter les apprenants d’un langage à « caractère univoque et

1
« Français sur objectif spécifique » Calqué sur l’expression anglaise » English for Special Purposes » (ESP)
lancée par Hutchinson T., Waters A, concerne surtout un public voulant acquérir des savoirs langagiers,
discursives et des savoir-faire leur permettent d’intégrer efficacement la vie professionnelle.
2
Il s'agit d'une spécialisation au sein du FOS visant à l’acquisition des compétences linguistiques et d’un savoir-
faire universitaire. La démarche FOU consiste en l’élaboration d’un programme basé essentiellement sur la
langue, la méthodologie sans oublier l’aspect institutionnel afin de faciliter l’intégration des étudiants à
l’université.
3
PHAL André, 1968, Langue scientifique et analyse linguistique, Paris, CREDIF
4
HOLTZER, G. (2004), « Du français fonctionnel au français sur objectifs spécifiques », Le français dans le
monde. Recherches et applications : de la langue aux métiers, p.21.
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monoréférentiel (qui) se reconnaît au fait qu’il est impossible de substituer un terme à un


autre. »1 . Fonder l’apprentissage de la langue sur le lexique (décontextualisé souvent), aide
certainement à l’initiation au discours disciplinaire mais il explique en somme le faible niveau
communicationnel puisqu’il néglige l’aspect multidimensionnel de la langue dont la finalité
est de rendre possible la communication active dans des situations réelles. LEHMAN, en
revanche, met l’accent sur un autre aspect que le FOS néglige aussi, il dit : « Les conceptions
(classiques) du français de spécialité reposent, toutes, sur une vision trop étroite du problème,
parce qu’elles négligent une dimension essentielle, qui est la dimension culturelle. »2
Pour développer les compétences communicatives des apprenants, il faut alors prendre
en considération son contexte culturel. L’intention communicative doit être travaillée et
véhiculée dans des supports qui accordent l’intérêt à tous les aspects permettant la réussite de
l’articulation entre objectifs spécifiques et généraux car l’acquisition d’une compétence
communicative nécessite l’implication d’un ensemble de facteurs (linguistiques, culturels et
sociaux…). Il semble donc inutile de travailler sur des phrases individuelles, hors contexte ou
encore sur des listes terminologiques. Par ailleurs, l’intérêt du FOS/FOU qui reste purement
fonctionnel et qui trouve ses racines dans des domaines et des secteurs d’activité bien précis,
se concentre davantage sur l’écrit et néglige, par conséquent, les compétences orales. Cette
défaillance pédagogique a été soulignée par LERAT qui confirme que « Les langues
spécialisées imposent de donner priorité à une linguistique de l’écrit, en élargissant l’usage
de la notion de pluri système graphique… »3
Les étudiants des spécialités scientifiques n'ont pas seulement besoin d’un langage axé
sur la terminologie savante et un lexique intensifié, lié à la nature de leurs études. Ils ont
plutôt besoin de toutes les formes de productions linguistiques écrites ou orales générales et
spécifiques pour ainsi incarner l’esprit d'ouverture nécessaire pour une bonne intégration
universitaire et professionnelle. À cet égard, il paraît judicieux et efficace dans le contexte de
la FSJES d'essayer d'apprendre tout à la fois, parce que le FOS/FOU élémentaire ouvre la
brèche vers le FLE. Se contenter d’un discours scientifique limité qui n’acquiert pas sa
dimension technolectale4 semble réduire les compétences linguistiques et métalinguistiques
des apprenants. Car comme l’estime Malika BAHMAD
« Le discours scientifique ne peut se limiter à un ensemble de termes, c’est-à-
dire une terminologie, réunis dans un glossaire ou dans un dictionnaire
spécialisé ; cela reviendrait à réduire le processus de l’apprentissage de la
langue à la simple acquisition du vocabulaire. »5

Une problématique qui ne sera résolue, à notre sens, qu’avec la mise en œuvre d’un
cadre référentiel en commun, d’une collaboration pédagogique entre les enseignants des
modules transversaux et des matières disciplinaires pour ainsi délimiter les difficultés et fixer
les besoins des étudiants des sciences économiques. Nonobstant, le lien n’est jamais établi !
l’articulation didactique des matières scientifiques est entreprise de manière juxtaposée et non
pas intégrée. Le développement des compétences linguistiques clés pour un étudiant de DNL
est tributaire alors, d’une approche participative afin de favoriser l’apprentissage d’un français

1
(Vigner, Martin, 1976 : 8) Le français technique, Hachette/Larousse.
2
Lehmann, D., 1993, 8, Objectifs spécifiques en langue étrangère, Hachette.
3
LERAT Pierre, 1995, 24 Les langues spécialisées, Paris, PUF.
4
« Le technolecte n’est pas synonyme de terminologie ou de jargon. Il les contient et ne peut être réduit au seul
niveau lexical. Il englobe aussi les usages discursifs, caractéristiques des textes spécialisés » (L. Messaoudi
(2003) Études sociolinguistiques).
5
BAHMAD, M., (2010), 88, « Enseignement du français sur objectifs spécifiques à l’université », dans Repères
Pédagogiques, EDITIONS BOUREGUREG.
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langue communicative et langue véhiculaire d’un savoir spécialisé.


L’introduction, en revanche, des unités transversales dans les masters et masters
spécialisés (droit en arabe, droit en français et sciences économiques), exprime cette forte
volonté d’un réajustement pédagogique qui tire profit surtout du nombre réduit des étudiants.
Ces derniers constituent une élite scientifique. Un champ qui reste propice pour une pratique
enseignante efficace mettant en valeur le rôle primordial du professeur de langue.

4. Le français au cycle du Master


Les impératifs d'amélioration de l'efficacité pédagogique de l’enseignement de la
langue française au Master plaident pour une démarche dynamique qui varie selon le niveau
et la spécialité de l’étudiant. Une vision qui résume en sorte l’essence du descriptif réservé
aux masterants de la FSJES. Ce dernier, s’organise selon une pédagogie qui prend en
considération le niveau du public ciblé (« A » faible, « B » intermédiaire et « C » avancé)
diagnostiqué en principe par la plateforme Rosetta stone1 à la base du cadre européen
commun de référence pour les langues (CECRL). Le descriptif met l’accent sur des points
essentiels :
i. -mettre en pratique une communication adaptée permettant aux apprenants d’évoluer
en classe, avec une langue simple et des consignes claires, faciles à appréhender.
ii. -mettre en exergue une harmonie entre les compétences langagières apprises en classe
et celle de la vie réelle.
iii. -prendre en considération les trois niveaux de vocabulaire : quotidien, académique et
spécialisé.
Le syllabus qui vise une amélioration de la pratique pédagogique, mise sur
l’intervention efficace du professeur qui doit suivre les recommandations de la pédagogie
active2. Elément fondamental du triangle pédagogique3, l’enseignant dans le cadre de cette
pédagogie doit mobiliser des savoirs conversationnels et interactionnels de manière à accroitre
la motivation des apprenants en utilisant des documents authentiques (écrit, audio ou
audiovisuel) qui seront en parfaite assonance avec les différentes situations de la vie réelle et
les besoins linguistiques et scientifiques.
« Lors de la communication en classe, l’enseignant devrait avoir recours à
des textes authentiques concernant le domaine visé par
l’enseignement/apprentissage. C'est pourquoi on l’appelle une
communication stimulée, il s’agit d’une communication qui consiste à
reproduire des scènes des conversations de situations cibles en classe. »4

Les situations de communication qui s’apparentent au contexte réel engagent plus


l’intérêt des apprenants qui les jugent pragmatiques. C’est pourquoi le choix pédagogique des
documents authentiques a montré à maintes reprises son efficacité. Parodier la vie quotidienne

1
Plateforme qui offre de l’aide linguistique en ligne aux étudiants de l’université Cadi Ayyad Marrakech depuis
la licence fondamentale jusqu’au master.
2
A l’inverse de la pédagogie traditionnelle, qui met le professeur au centre de l’apprentissage et structure
l’opération de l’enseignement sur la théorie pour aller vers la pratique, la pédagogie active privilégie
l’observation, la recherche, l’investigation et l’exploration de ses propres ressources. Elle rend l’élève
"acteur" de ses apprentissages.
3
Le triangle pédagogique se compose de trois pôles fondamentaux : le savoir, l’apprenant et l’enseignant.
4
(QOTB, 2009, p.97) QOTB Hani, 2009, Vers une didactique du français sur objectifs spécifiques médié par
Internet, Paris, Publibook.
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à travers des supports pédagogiques permet une bonne assimilation des objectifs et des
compétences envisagées.
Loin de ses tâches classiques, l’enseignant doit déployer les méthodes actives en
enrichissant son cours entre jeux de rôle, des études de cas voire des débats critiques incluant
la dimension sociale des savoirs. Pour ce faire, le formateur doit adopter un esprit de
proximité susceptible de réduire la distance entre lui et l’étudiant tel que le préconisent
MANGIANTE et PARPETTE
« L’’enseignant, en tant qu’expert de sa discipline, décrit, expose, raisonne
avec la distance scientifique qu’exige la situation. Mais, on l’a déjà évoqué,
l’enseignant universitaire est aussi un chercheur critique, c’est également un
pédagogue soucieux de se rapprocher de ses étudiants, de créer des
connivences avec eux ; c’est enfin quelqu’un qui ne range pas toujours au
vestiaire ses réactions de citoyen »1

Intégrer la dimension culturelle et sociale dans l’opération de l’enseignement en


général et des langues en particulier favorise « Cette approche socio-interactionniste des
apprentissages, envisage les processus acquisitionnels comme étroitement dépendants des
processus interactionnels et les activités d’apprentissage qui sont mises en place par l’action
de l’enseignant comme situées dans des pratiques sociales qui structurent les ressources
mobilisées pour réaliser ces apprentissages. »2 L’enseignant ne doit pas donc limiter son
action didactique dans le choix des supports appropriés ou de la bonne activité, et laisser de
côté les dimensions sociales de la langue et de son enseignement.
L’enseignant doit se détacher donc d’une attitude classique et magistrale qui dans le
cours de langue engendre un certain agacement quant à l’opération d’enseignement. Le rôle
de l’enseignant n’est pas d’encombrer l’apprenant de connaissances linguistiques qu’il
n’arrive pas à conceptualiser, mais de l’engager dans son apprentissage en lui donnant
l’opportunité de développer ses compétences de communication par le biais d’un
apprentissage autonome favorisant la critique et l’innovation. Loin d’être l’objet d’une
grammaire et d’un outil de savoir, le cours de langue doit incarner sa vocation première qu’est
la communication dont l’apprentissage vise à captiver l’apprenant dans des conditions
favorisant le plaisir d’apprendre.

Conclusion
En somme, voulant faire de l’enseignement une composante essentielle du
développement, les plans de réforme se sont vivement mobilisés à redynamiser ce secteur en
accordant de l’importance aux langues et en essayant d’en faire la base vers une
internalisation souhaitée. Enseigner les matières scientifiques et techniques en français depuis
le primaire va pouvoir pallier les carences de la langue française. Cette conjoncture reste donc
déterminante pour la réussite universitaire vu que toutes les matières scientifiques sont
prodiguées dans cette langue.
Or, en l’absence d’une approche didactique et d’un consensus méthodologique, qui

1
(MANGIANTE, PARPETTE, 2011, p.67). Le français sur objectif universitaire, Grenoble, PUG.
2
Cécile Sabatier, Danièle Moore et Nathalie Sinclair, « Interactions et films de classe pour réfléchir la formation
à l’enseignement des Mathématiques en Français langue seconde. Décrire pour mieux former ? », Recherches en
didactique des langues et des cultures [En ligne], 13-1 | 2016, mis en ligne le 25 juillet 2016, consulté le 10
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Revue Linguistique et Référentiels Interculturels, volume 3, n° 1, Juin 2022
ISSN: 2658-9206

sont pourtant les seuls garants de résultats efficaces, l’enseignement du français reste
arbitraire et représente ainsi un réel handicap pour l’appréhension des sciences. Autrement dit,
l’exclusion d’une vision interdisciplinaire entre ces deux champs amène à faire l’impasse sur
l’efficience et de la matière et des savoirs prodigués par et dans la langue. Le cours de langue
à la FSJES reste un exemple type de l’ensemble de difficultés que rencontrent les étudiants
des spécialités économiques et qui mérite un engagement pédagogique actif et une pratique
enseignante efficace susceptible de faire évoluer l’enseignement /apprentissage du français.
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