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Sylvain Detey
Waseda University
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All content following this page was uploaded by Sylvain Detey on 18 May 2022.
Résumé
La question de la gouvernance linguistique dans l’enseignement supérieur peut être abordée de
multiples manières, selon que l’on s’attache à celle de la formation académique, intellectuelle ou
professionnelle des étudiants, à celle de l’internationalisation des établissements et des parcours
de formation qu’ils souhaitent offrir, ou encore à celle du poids des langues dans les différentes
disciplines enseignées par exemple. De plus, le contexte dans lequel s’ancrent les institutions en
question ne peut être relégué comme facteur de second plan, tant au niveau de l’arrière-plan
éducatif que des potentialités à considérer dans la dynamique actuelle de la mondialisation de
l’information et de la formation. Dans cette optique, et sur la base d’un socle à la fois scientifique
(expertise en didactique des langues et en linguistique variationniste) et institutionnel (vice-doyen
d’une faculté anglophone internationale d’arts libéraux avec programmes plurilingues au Japon),
la présente contribution vise à offrir un retour d’expérience qualitatif de promotion du
plurilinguisme dans un contexte sociolinguistique à la fois comparable (en termes d’homogénéité
linguistique de principe) et différent (en termes de diversité culturelle) de celui de la France
métropolitaine. Quatre points d’intérêt y sont abordés : 1) l’offre de formation en anglais au
niveau de la Licence pour permettre aux étudiants non francophones d’effectuer une partie de
leurs études en France tout en développant une appétence pour le français ; 2) le développement
des enseignements de type EMILE pour la préparation aux études à l’étranger et pour la
sensibilisation à l’interface entre langues et disciplines ; 3) la valorisation du plurilinguisme
comme noyau de formation à la gestion de l’incertitude en situation de communication
internationale ; 4) la mise en lumière des limites de l’anglais lingua franca pour motiver
l’apprentissage d’autres langues, en particulier dans une visée professionnalisante.
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Version préfinale de :
Detey, S. (2022). De la valorisation du plurilinguisme dans l’enseignement supérieur à la croisée des
disciplines et de l’internationalisation : anglais, français et langues en contextes vues du Japon. In
Beacco, J.-C., Bertrand, O., Herreras, J. C. & Tremblay, C. (éds), La gouvernance linguistique des
universités et établissements d’enseignement supérieur. Palaiseau : Editions de l’Ecole Polytechnique,
133-144.
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universités et établissements d’enseignement supérieur. Palaiseau : Editions de l’Ecole Polytechnique,
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étudiants japonais dans la vie universitaire, ainsi que certains cours spécialisés
et séminaires de troisième et quatrième année pour lesquels une connaissance
du japonais ou d’autres langues est requise), les étudiants les plus fragiles
disposent de dispositifs de soutien et de renforcement, notamment en termes
d’anglais sur objectifs académiques, en particulier rédactionnels, à la fois au
sein de SILS, mais aussi dans un centre inter-facultés de l’université. Pour ce
qui est du japonais, si les japonophones natifs ont la possibilité de suivre, sous
certaines conditions, certains cours académiques dans d’autres facultés, le focus
à SILS est placé sur des cours spécialisés (traduction, interprétation, textualité
comparée), et surtout sur l’apprentissage obligatoire du japonais pour les non-
japonophones, assuré au sein du CJL. Une fois un niveau suffisant atteint, les
étudiants non-japonophones natifs peuvent également, sous certaines conditions,
suivre des cours académiques en japonais dans d’autres facultés. Enfin, alors
que l’enseignement des langues autres que l’anglais tend à être réduit, optionnel,
voire supprimé, dans de nombreuses universités japonaises, l’offre en L3
(allemand, chinois, coréen, espagnol, français, italien et russe au sein de SILS),
obligatoirement suivie en 1ère année hors dérogation, amène de nombreux
étudiants à poursuivre leur apprentissage jusqu’à un niveau minimalement B1
du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL).
Certains étudiants décident ensuite, avec ou sans séjour à l’étranger,
d’approfondir leur apprentissage, voire de rédiger leur mémoire de fin d’étude
en L3, et non en anglais. La formation linguistique (et socioculturelle) des
étudiants au sein de SILS est donc un sujet sérieux pour le Décanat, une
importance qui a pris de l’ampleur au cours des dix dernières années, puisqu’en
ligne de mire figure le profil de qualification des étudiants diplômés, qui
constitue le troisième volet de cette présentation. En effet, si tous les étudiants
de SILS achèvent leurs études avec un profil fonctionnellement bi-, tri- ou
quadrilingue, en sus de leur domaine de spécialisation, leur ouvrant les marchés
domestique et internationaux, tant sur le plan professionnel que sur celui de la
poursuite d’études, l’impact de l’ouverture au plurilinguisme se situe bien au-
delà de l’utilisation de l’anglais lingua franca. De fait, par-delà l’anglais – dans
ses diverses variétés présentes en classe, tant natives que non-natives - c’est
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en français d’étudiants non francophones souhaitant suivre des cours dans les
formations françaises, mais aussi les faiblesses méthodologiques de structures
de formation, en particulier de disciplines non-linguistiques peu à même de
gérer des programmes liés à des formations en français sur objectifs spécifiques
(FOS) (Mangiante & Parpette 2004) ou universitaires (FOU) (Mangiante &
Parpette 2011). Une telle option est néanmoins évidemment fortement tributaire
du niveau d’anglais pédagogique des enseignants. Ainsi, sous réserve d’un
dispositif adéquat, l’anglais peut se présenter comme un outil au service de la
continuité des études académiques des étudiants, mais aussi au service de
l’apprentissage des autres langues (et cultures) dans la mobilité académique. En
contrepartie, il souligne les faiblesses de l’enseignement des langues (en
particulier autres que l’anglais) dans l’enseignement secondaire, puisqu’une
partie des étudiants semble aujourd’hui ne plus pouvoir en étudier qu’une seule,
majoritairement l’anglais.
Le deuxième point concerne l’intérêt des dispositifs de type EMILE, non
seulement pour la préparation des séjours d’étude à l’étranger, mais également
pour sensibiliser à l’importance de l’interface entre langues et contenus, en
particulier en sciences humaines et sociales. Ceci amène à souligner
l’importance de l’analyse méta- et inter-linguistique dans l’ensemble des
disciplines (clairement illustrée par les « intraduisibles », comme il en est de la
« laïcité » en France), et à envisager les langues à travers leurs fonctions
d’entrées dans les cultures (sociales, d’entreprise, académiques…), de média
des savoirs et d’outils de fonctionnement social. On doit toutefois employer ces
dispositifs de manière flexible et protéiforme, flexibilité qui ressort peut-être
davantage de la dénomination anglaise CLIL : si l’utilisation de contenus non
linguistiques pour l’enseignement-apprentissages des langues (en anglais
« Content-Based Instruction », CBI) a une longue histoire, on en sait à vrai dire
moins de l’impact potentiel des langues, dans une approche comparatiste
notamment, sur l’acquisition des contenus (CBI vs CLIL), une piste qui semble
pourtant prometteuse.
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Conclusion
Lorsque l’on examine le développement du plurilinguisme à SILS, on peut en
apprécier les convergences avec les principes du « Manifeste de Vienne », issu
d’une conférence organisée à l’occasion de l’année européenne des langues en
2001, relative au coût du multilinguisme, à la mondialisation et à la diversité
linguistique, ainsi qu’avec les grandes lignes du « Plan pour la langue française
et le plurilinguisme » de la Présidence de la République française du 20 mars
2018. Par-delà l’apprentissage des langues, il s’agit en réalité d’éducation à la
communication internationale, laquelle conduit en retour à un réexamen des
modes de communication nationale. Ce passage de la problématique de la L2 à
celui de la L1, qui renvoie aux répertoires langagiers et à la variation
sociolinguistique, concerne, dans le cas du français, non seulement la France,
mais également la francophonie, mettant en regard les limites de l’anglais lingua
franca avec celles du français lingua franca à travers l’espace francophone,
sachant qu’une éducation à la variation francophone reste à mener en France
même (que l’on songe à l’usage sélectif de sous-titres dans certains programmes
francophones, ou à divers épisodes de glottophobie). Il est donc clair que les
enjeux de la gouvernance linguistique et de la formation plurilingue dans
l’enseignement supérieur sont plus sérieux qu’il n’y paraît, des enjeux qui
doivent être abordés de manière transversale en croisant les expertises
disciplinaires et en portant l’idée que l’éducation plurilingue du XXIe siècle se
doit de dépasser le vernis strictement linguistique des interactions dès lors qu’il
s’agit de contexte international. Dans le cas du français, dont l’apparente perte
d’influence face à l’anglais semble continuer à inquiéter, il nous paraît au
contraire que des stratégies progressistes, expertes et pluridisciplinaires peuvent
être adoptées, à condition peut-être de passer d’une posture de « défense » du
français à une démarche de valorisation du français dans le contexte de
l’internationalisation de l’information et de la formation.
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