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152 EXTRAITS ET EXERCICES

Lo ! Adouci par la lumière de l’été,


La pomme pleine de jus, trop mûre,
Tombe dans une nuit d'automne silencieuse.
Tout au long des jours qui lui sont impartis,
La fleur mûrit à sa place,
Mûrit, se fane, tombe, et n'a pas à se fatiguer,
Enracinée dans le sol fertile.

IV

Haineux est le ciel bleu foncé,


Voûté au-dessus de la mer bleu foncé.
La mort est la fin de la vie ; ah, pourquoi
La vie ne serait-elle que travail ?
Laissez-nous tranquilles. Le temps s'écoule rapidement,
Et bientôt nos lèvres seront muettes.
Laissez-nous tranquilles. Qu'est-ce qui va durer ?
Toutes les choses nous sont prises et deviennent...
Des portions et des parcelles de l'effroyable passé.
Laissez-nous tranquilles. Quel plaisir pouvons-nous avoir
À faire la guerre au mal ? Y a-t-il de la paix
À grimper sans cesse sur la vague qui grimpe ?
Toutes les choses se reposent, et mûrissent vers la tombe
En silence ; mûrissent, tombent et cessent :
Donnez-nous un long repos ou la mort, la mort sombre, ou la facilité
rêveuse.
V
Qu'il était doux, en entendant le courant descendant, Avec des yeux mi-
clos, de sembler toujours rêver et rêver, comme cette lumière ambrée, Qui
ne quittera pas le buisson de myrrhe sur la hauteur ;

S'endormir dans un demi-rêve !


LES MANGEURS DE LOTOS 153

Pour entendre la parole chuchotée de l'autre ;


Manger le Lotos jour après jour,
Pour regarder les ondulations croustillantes sur la plage,
Et les tendres lignes courbes des embruns crémeux ;
Pour prêter nos cœurs et nos esprits
À l'influence d'une douce mélancolie ;
Pour méditer et ruminer et revivre dans la mémoire,
Avec ces vieux visages de notre enfance
Entassés sur un monticule d'herbe,
Deux poignées de poussière blanche, enfermées dans une urne de cuivre.

VI

Cher est le souvenir de nos vies de mariés,


Et cher les derniers embrassements de nos épouses
Et leurs larmes chaudes : mais tout a souffert de changement ;
Car certainement maintenant nos foyers domestiques sont froids :
Nos fils nous héritent : nos regards sont étranges :
Et nous devrions venir comme des fantômes pour troubler la joie.
Ou bien les princes de l'île, trop audacieux,
Se sont emparés de nos biens, et le ménestrel chante,
Devant eux la guerre de dix ans à Troie,
Et nos hauts faits, comme des choses à demi oubliées.
Y a-t-il de la confusion dans la petite île ?
Que ce qui est brisé reste ainsi.
Les Dieux sont difficiles à réconcilier :
Il est difficile de rétablir l'ordre une fois de plus.
Il y a une confusion pire que la mort,
Trouble sur trouble, douleur sur douleur,
Long labeur jusqu'au souffle de la vieillesse,
Une tache pénible pour des cœurs uses par de nombreuses guerres,
Et les yeux s’assombrissent à force de contempler les étoiles filantes.

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