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Études Normandes

Geoffroy de Montalembert Un notable normand


David Bellamy

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Bellamy David. Geoffroy de Montalembert Un notable normand. In: Études Normandes, 47e année, n°4, 1998. A travers
l'histoire normande. pp. 65-88;

doi : https://doi.org/10.3406/etnor.1998.2365

https://www.persee.fr/doc/etnor_0014-2158_1998_num_47_4_2365

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65

Geoffroy de Montalembert (1898-1993)

Un notable normand

David BELLAMY*

Le 2 mars 1993, quelques jours après le décès de Jean Lecanuet, le monde


politique normand connaissait une autre perte d'importance en la personne de
Geoffroy de Montalembert, doyen du Sénat et maire d'Ermenouville (Seine-
Maritime). Ce dernier n'occupa point les mêmes fonctions nationales
prestigieuses que l'ancien Garde des Sceaux et n'atteignit pas le devant de la
scène politique comme put le faire l'ex-candidat à la présidence de la
République en 1965. Les deux hommes étaient, en effet, forts différents1.
Alors que les origines de Jean Lecanuet sont modestes, Geoffroy de
Montalembert naît dans une famille aristocratique et fortunée. S'ils décèdent à
quelques jours d'intervalle, Jean Lecanuet a vingt ans en 1940, soit l'âge de
Geoffroy de Montalembert à la fin de la Première Guerre mondiale.
Politiquement, Jean Lecanuet incarne la tradition démocrate-chrétienne
renouvelée après 1945 alors que Geoffroy de Montalembert vient de la droite
monarchiste ralliée, commence sa carrière à la Fédération républicaine avant de
rejoindre le gaullisme. Enfin, si Jean Lecanuet a souvent été critiqué pour son
cumul voire sa course aux mandats (maire, conseiller général, président de
Conseil général, député, sénateur, ministre), le maire d'Ermenouville ne fut
"que" député avant la Deuxième Guerre mondiale puis conseiller de la
République et sénateur après.
Ces différences ont souvent amené les deux hommes à s'opposer
politiquement, par exemple en conduisant des listes séparées aux élections
sénatoriales en Seine-Maritime. Mais, elles n'empêchent pas de distinguer des
points communs: leur attachement à la terre normande (dans laquelle ils
reposent tous les deux), même si Geoffroy de Montalembert est né dans le Nord
et fut plus attentif au monde rural que le maire de Rouen ; le rôle que joua la
guerre dans leur engagement, la Première pour l'aîné, la Seconde et la
Résistance pour Jean Lecanuet ; leur foi chrétienne profonde ; une espèce de
modération politique alliée à un respect de l'adversaire, d'où une sympathie
venue de tout l'éventail politique ; des dons oratoires indiscutables.

prépare,
Après
Geoffroy
* Professeur
unde
sous
D.E.A.
Montalembert.
agrégé
la direction
surd'histoire
le Rassemblement
du professeur
contemporaine
Jean-Marie
du Peuple
à l'université
Français
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en
Picardie-
Seine-Inférieure,
thèse Jconsacrée
ules Verne.àil
66

Lors de leur disparition, les chroniqueurs utilisèrent d'ailleurs un terme


identique pour caractériser la place qu'ils avaient, l'un et l'autre, acquise: des
notables. L'emploi du même mot pour deux itinéraires bien distincts incite à
remarquer la pluralité de sens qu'on peut lui donner. Depuis la thèse d'André-
Jean Tudesq2 sur les notables de la Monarchie de Juillet, le mot est souvent

repris
carrière
L'étude
pour
politique
de
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Geoffroy
hommesdans
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pouvoir
région.qui connaissent
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remarquable
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dans la vie politique locale et nationale permet de dresser un portrait de notable


au XXe siècle. Les sources publiques et privées ne manquent pas. Pour les
premières, les publications de la Chambre de Députés et du Sénat, les archives
des commissions parlementaires auxquelles il a appartenu, la presse et même
l'audiovisuel en constituent le corps central. Pour les archives privées, il faut
rendre hommage au souci que Geoffroy de Montalembert, aidé de ses
secrétaires et de ses attachés parlementaires successifs, eut toujours, de
conserver et même de classer ses documents personnels, politiques ou non.
C'est l'occasion, pour le chercheur, d'exprimer sa profonde reconnaissance à
Madame la Comtesse de Montalembert, son épouse, décédée en 1994, puis à ses
enfants et petits-enfants, et en particulier à Madame la Comtesse Urbain de La
Rochefoucauld pour l'autorisation exceptionnelle qu'il lui ont donné de les
consulter. Enfin, il faut y ajouter les témoignages oraux.
En cette année 1998, qui correspond au centenaire de la naissance de
Geoffroy de Montalembert, cinq ans après son décès, l'historien peut ainsi,
grâce à ces heureuses circonstances, mener l'étude de la carrière exceptionnelle
du grand notable qu'il fut.

LA FORMATION D'UNE CULTURE POLITIQUE

Le développement de l'histoire culturelle a considérablement participé du


renouvellement de l'histoire politique, en particulier en insistant sur la notion de
culture politique, en définissant ses composantes et les étapes de sa
construction. Suivre le cheminement de cette dernière permet de réunir les
éléments nécessaires à l'explication des comportements politiques en échappant
à tout déterminisme sociologique ou autre. Serge Berstein explique que cette
culture politique correspond "à une vision du monde partagée, dans laquelle
entrent en symbiose un soubassement philosophique et doctrinal (...), une
lecture commune et normative du passé historique (...), une vision
institutionnelle (...), une conception de la société idéale (...) "3. Il précise que

les
groupes
travail,
familiale
individu"4.
canaux
les

etmédias,
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divers
de
67

éléments qui, intériorisés, ont contribué à façonner la culture politique de


Geoffroy de Montalembert.

L'appartenance à une illustre lignée

Le poids des ancêtres, le sentiment d'appartenir à une longue et fameuse


lignée aristocratique porteuse d'un esprit, de principes d'action et de pensée a
été, parmi ces éléments, l'un des plus essentiels. L'historien Eric Mension-Rigau
a montré, dans sa thèse, les formes prises, dans les plus hautes couches de la
société française par le culte des ancêtres5: l'importance des noms, des titres, des

jamais,
vieux
etc.
visages
éteintes.
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(1850-1926)
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Clercy, et à sa tante née Noémie de Brigode. Ils l'adoptèrent officiellement en


1868. Les Brigode, considérablement fortunés, étaient installés près de Lille, à
Annappes. Cette vieille famille flamande, enrichie dans le commerce, occupait
68

une place dans la haute bourgeoisie lilloise et fut anoblie en 1780. Ses
représentants participèrent activement à la vie politique locale au XIXe siècle.

Les traditions familiales

C'est ainsi d'une tradition familiale extrêmement riche que naît Geoffroy de
Montalembert. Il en est conscient très tôt, tant l'oeuvre éducatrice de ses parents
vise à lui en faire intégrer les divers composants. Ce cahier, dont nous avons
déjà parlé, rédigée par sa mère au début du XXe siècle, en est un instrument
exemplaire. Ayant eu son enfant à un âge avancé, elle craint de ne pouvoir
l'accompagner pendant sa jeunesse et met par écrit, à l'intention de son fils,
"quelques souvenirs de famille, quelques méditations sur ceux qui vous ont
précédé ; afin que vous sachiez combien de précieuses traditions vous
entourent, d'admirables exemples vous servent de modèles"6. On l'aura compris,

au-delà
leur
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et
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service de la royauté française. Sous le gouvernement anticlérical des radicaux,


elle se lamente sur une époque qui sape les fondements de la religion et
s'inquiète des tourments que l'avenir réserve aux catholiques. Elle stigmatise les
turpitudes de la vie politique, s'attaque à la franc-maçonnerie et explique que
son mari souffrit beaucoup de "la politique sectaire, inique qui mena la France
au fond de l'abîme où nous sommes plongés (...)". Enfin, elle donne à son fils
des conseils très concrets pour procéder, quand le moment sera venu, au choix
de sa future épouse.
69

Le service du pays

Par ce cahier, par les récits qui ont dû bercer son enfance, Geoffroy de
Montalembert connut, très jeune, les actions et les œuvres de ses ancêtres. Elles
furent surtout des exploits militaires. Les exemples abondent à toutes les
époques. "Il est facile, à travers les siècles, sur tous les grands champs de
bataille, de suivre les Montalembert à la trace du sang qu'ils ont versé pour leur
pays" écrit le révérend père Lecanuet dans sa biographie de Charles de
Montalembert7, parue peu de temps avant la naissance de Geoffroy et dont on

peut
particulièrement
d'Essé,
illustres
d'être
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de

côtés de Du Guesclin. Plus proche de Geoffroy, son arrière-grand-père, Marc-


René de Montalembert, fut chargé d'annoncer à Louis XVIII son rétablissement
sur le trône. Son père, Arthur de Montalembert, poussa le premier le cri de
"Vive l'Empereur" au passage de Louis-Napoléon au camp de Satory en 1850.
Sa grand-mère maternelle était, elle, la fille du comte Léon de Rochechouart
(1788-1858), qui, émigré en Russie fut aide de camp du tsar Alexandre puis du
duc de Richelieu à Odessa. Par sa grand-mère, Geoffroy de Montalembert était
ainsi relié à la famille considérée comme la plus ancienne après les Capétiens.
Si, au XIXe siècle, ses aïeux se font encore connaître dans le service armée,
un bon nombre passe à l'activité politique. Dans la famille de sa mère, ces
nouveaux engagements ont lieu assez tôt dans le siècle. Jules de Clercy est
conseiller général de Seine-Inférieure et maire d'Ermenouville. Quant aux
Brigode, leur activité politique dans le Nord est extrêmement importante. Ils
sont plusieurs à la Chambre des Pairs et à la Chambre des députés. Ce fut le cas,
entre autres, du père de Noémie, sa grand-mère par adoption. Il fut député du
Nord sous l'Empire puis sous la Restauration avant d'entrer, en 1837, chez les
Pairs. Chez les Montalembert, le plus illustre exemple vient de Charles de
Montalembert. Geoffroy de Montalembert y faisait souvent référence quand il
prenait la parole au Sénat. L'importance de son engagement religieux, son
succès oratoire et la défense qu'il prit des libertés et en particulier de la liberté
de l'enseignement sont autant d'éléments que l'on retrouve dans la carrière de
son petit-neveu. Mais, c'est évidemment l'expérience politique de son père qui
le marqua le plus. En 1916, il écrit dans son journal à son sujet: "J'espère le

trouver
suivre toujours
mieux qu'en
ainsi lui
et imiter
un homme
Papa d'honneur,
dans tous de
mesdevoir
actes,etnedepouvant
valeur" jamais
.Après
une carrière militaire brisée par la maladie, l'implantation locale de Geoffroy de
Montalembert père l'avait amené à devenir maire de la petite ville d'Annappes
puis conseiller général. Elu député en 1889 dans la 6e circonscription de Lille, il
fut réélu en 1893, 1898 et 1902. Monarchiste, il rallia la République9 comme le
70

prouvent ses professions de foi à partir de 1893, mais il fut toujours un opposant
aux gouvernements successifs et, appelant de ses voeux "un gouvernement
national, solide et respecté", il se baptisait lui-même candidat du parti de l'ordre.
En 1906, il ne se représente pas. Dans son cahier, Madame de Montalembert
explique qu'il a été découragé par l'action du gouvernement et les agissements
des députés. Geoffroy connut peu son père dans la charge de député puisqu'il
n'avait pas 8 ans quand celui-ci abandonna le Palais Bourbon mais on peut
penser que cette expérience lui fut racontée par ses parents et qu'un portrait du
député vertueux, soucieux de l'intérêt du pays, de la paix civile et de l'unité de la
nation lui fut dressé. Il vit par contre beaucoup plus longtemps son père exercer
sa charge de maire. Comment ne pas penser que cela le marqua
considérablement quand on constate qu'il en prit la suite et considéra toujours la
responsabilité municipale comme la plus exaltante ?

La guerre, une rupture

La Première Guerre mondiale fut une expérience décisive pour le jeune


Geoffroy. "A coup sûr, l'événement qui a fait basculer ma vie d'adolescent" dit-
il plus tard10. Elle l'entraîne très loin de la vie facile et protégée qu'il a menée

jusqu'
d'Arnouville
qui
croisant
que
France
de
commune.
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père
extrêmement
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1916,
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chère
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tente
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àfaut
ilvie
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un
de
sa
laà
le
71

des cousins, à la recherche de contacts et d'une opportunité pour franchir


clandestinement la frontière. En janvier 1917, sous un faux nom, il gagne
Anvers et vit quelques jours chez un "cafetier-passeur", où il découvre une vie
très différente du château d'Annappes. Une première tentative pour passer la
frontière échoue dans des conditions dramatiques, provoquant des morts et des
prisonniers dans le groupe de ceux qui, comme lui, cherchaient à s'évader. Mais,
dans la nuit du 3 au 4 mars 1917, il parvient à franchir la frontière électrifiée,
puis il gagne La Haye, passe à Londres et arrive en France le 23. Il s'engage,
fait son service militaire avant de se voir remettre la croix de guerre et d'être
envoyé au front comme observateur. Là, comme il le dit plus tard, -il découvre
l'inoubliable camaraderie entre "poilus". La guerre l'a jeté dans un monde
nouveau, l'a projeté dans ce qu'on appellera ensuite la génération du feu. Elle a
constitué le dernier moment de la formation de l'homme qu'il est lorsqu'à vingt
ans, démobilisé, il doit s'interroger sur son avenir. Plutôt que de reprendre ses
études, il décide de suivre le modèle paternel. Quand, soixante-dix ans plus tard,
un journaliste lui demanda ce qui était à l'origine de son engagement politique,
il répondit : "L'amour du service du pays, un sentiment que m'a transmis mon
père, patriote et maire exemplaire"12.

UNE LONGEVITE POLITIQUE EXCEPTIONNELLE

Geoffroy de Montalembert succède d'abord à son père comme maire


d'Annappes en 1925, charge qu'il exerça pendant dix années. Il fut également
conseiller d'arrondissement. 1925 voit aussi la naissance de Marie-Thérèse,
premier enfant de son union, célébrée en 1923, avec Jeanne-Marie de Maillé de
La Tour-Landry. Sa carrière semble lancée dans le Nord où tout le retient, la
tradition familiale des Brigode, les propriétés d'Annappes, les souvenirs de sa
jeunesse,
fait à sa mère
la vieillesse
mourante. de son père - dont il est le fils unique -, enfin le serment

L'implantation en Normandie

Toutes sortes de raisons vont pourtant entraîner son départ et son


implantation en Seine-Inférieure. Le souci de la gestion et de la mise en valeur
de ses très nombreuses propriétés cauchoises, l'attachement à ce territoire où,
enfant, il passait ses vacances, mais surtout une découverte des populations
normandes. En 1932, il fait campagne dans la circonscription d'Yvetot pour
soutenir le candidat d'Union nationale, Louis Quesnel. Il apporte la
contradiction dans les réunions de son adversaire. Ses arguments portent sur les
électeurs. Ceux-ci découvrent un homme qui partage leur intérêt pour le monde
agricole,
étant froidsait
et leur
réfléchi.
parler,
Lui-même
fait preuve
redécouvre
d'une grande
ses racines
énergie normandes
dans les débats
et combien
tout en

son caractère correspond à la mentalité des paysans cauchois. Cette campagne


est-elle une expérience liée au hasard de sa présence ou songe-t-il déjà à
72

s'implanter dans une circonscription en vue de la prochaine élection législative?


Que ce soit avant, pendant ou après la campagne électorale, il semble bien qu'on
songe à lui dans le camp des modérés et de la droite. La correspondance qu'il a
alors avec le directeur de L'Abeille Cauchoise d'Yvetot, organe de ce courant, le
prouve. Geoffroy de Montalembert a, de plus, certainement la volonté de quitter
le Nord après les malheurs de 1926: décès de son père en octobre puis de sa
femme un mois plus tard après la naissance d'un second enfant. En 1929, il s'est
remarié avec une petite cousine de sa première épouse, Odile de Wendel.
Evidemment, l'influence de son nouveau beau-père, François de Wendel, a dû
jouer dans le choix de s'installer politiquement en Seine-Inférieure, où un
mandat national paraît plus accessible, maintenant, que dans le Nord. En 1935,
un pas décisif est franchi. Il est élu conseiller municipal d'Ermenouville (56
voix sur 62 votants) et maire du village. Peu après, il est sollicité par la section
locale de la Fédération républicaine pour être candidat aux élections de 1936. Il
a alors bénéficié de la lassitude du député sortant, parlementaire depuis le début
du siècle, et du soutien des délégués de la défense paysanne de la
circonscription.
Les élections législatives de 1936 sont très dures. Geoffroy de Montalembert
a, face à lui, trois candidats de Front Populaire dont le très puissant maire
radical d'Yvetot, le docteur Richard, et un candidat radical indépendant, le
Fécampois Jean Pellier-Cuit qui mord sur l'électorat modéré. Les attaques les
plus vives viennent d'ailleurs de ce dernier et des communistes. Il est pris à parti
pour son titre, sa parenté avec les Wendel et on l'accuse d'être le candidat des
Croix de Feu. Il se défend avec vigueur, sillonne la circonscription, multiplie les
réunions électorales, révélant une énergie et une pugnacité qui devinrent
légendaires par la suite. Au soir du premier tour, il est en tête avec huit mille
voix et 44% des suffrages exprimés devant Pellier-Cuit (26%). Geoffroy de
Montalembert entame alors des négociations pour obtenir son retrait. Celles-ci,
qui vont échouer, entraînèrent un épisode burlesque qui, après la victoire du
maire d'Ermenouville, provoquèrent un débat houleux pour la validation de son
élection à la Chambre de Députés. Au soir du deuxième tour, il apparaît que les
candidats du Front Populaire ont fait voter pour Pellier-Cuit mais son adversaire
l'emporte avec 9.293 voix et 52,25% des suffrages exprimés. Le débat de
validation a lieu le 29 décembre 1936. Ayant obtenu une fausse promesse de
désistement de Pellier-Cuit, entre les deux tours, Geoffroy de Montalembert
avait voulu lui rembourser ses frais de campagne. Ce fait est transformé par ses
opposants en tentative d'acheter son adversaire. Le débat est rude dans la
Chambre du Front Populaire. Les arguments sont politiques et glissent vite des
faits à la parenté du député. Ainsi un député socialiste proclame-t-il : "Il semble
à M. de Montalembert et à ses amis que l'argent donne tous les droits (...) On
reconnaît là les procédés de ceux qui sont derrière M. de Montalembert, le
comité des forges, les marchands de canons, M. de Wendel et tant d'autres aussi
bien en France qu'à l'étranger"13. Le député normand donne alors sa version de
l'affaire. Ne ilconsidérant
concurrent, l'a invité àpas
se Pellier-Cuit
désister. Celui-ci
commea un
semblé
adversaire
accepter,
maisexigeant
comme enun
73

retour une lettre de remerciement dans laquelle Geoffroy de Montalembert


s'engageait à obtenir pour lui, de la Fédération républicaine, une circonscription
lors du prochain scrutin. Voulant dédommager Pellier-Cuit de sa dette envers
son imprimeur, il s'est rendu chez lui pour lui apporter un chèque. Il y avait là
un photographe caché dans les bosquets et un huissier dans un placard. Nul
doute pour l'élu qui s'agissait là d'un piège dans lequel il est naïvement tombé.
Mettant de son côté les rieurs, par la manière de raconter l'épisode, ajoutant que
ses adversaires ont utilisé cette "affaire" entre les deux tours, ce qui n'a pas
empêché les électeurs de lui faire confiance, il obtient de la Chambre hostile sa
validation par 168 voix contre 135. Il eut alors le soutien de Robert Schuman et
Georges Mandel alors que Gaston Monnerville, qu'il retrouva plus tard au
Luxembourg, le lui refusa.
Quand ce débat a lieu, Geoffroy de Montalembert siège depuis sept mois
déjà. Ce jeune député n'accède pas aux commissions les plus prestigieuses mais
participe à trois d'entre elles (douanes, postes et travaux publics) et son activité
semble très vite considérable, tant à Paris que dans son département.

Un patriote dans la Deuxième Guerre mondiale

Très vite, les relations internationales dominent les débats. S'il se félicite des
accords de Munich, il n'en exprime pas moins sa lucidité inquiète devant ce
qu'il sait être une reculade. Il estime que le pays n'était pas prêt pour agir
autrement et ne croit pas à la sincérité de Hitler. Il conclut que si la France a été
acculée à ces accords c'est parce que, depuis 1918, ses dirigeants n'ont pas eu le
courage de regarder la situation en face et de se préoccuper d'empêcher la force
renaissante de l'Allemagne. Il rejoint très clairement les reproches exprimés par
François de Wendel14.
Pendant la "drôle de guerre", Geoffroy de Montalembert multiplie les
interventions en faveur de ses concitoyens, ici pour obtenir le retour de
mobilisés nécessaires aux travaux agricoles, là pour demander des allocations
militaires etc. En pleine débâcle, il obéit aux ordres de repli adressés au
parlementaires avant de revenir à Ermenouville, pris dans les combats de Saint
Valéry-en-Caux, puis de se rendre à Vichy au début de juillet 1940. Là, contre
l'avis de son béau-père et pour suivre son groupe, il vote les pleins pouvoirs au
maréchal Pétain. Le Parlement mis en sommeil, il se retire, dans son village,
dans un exil intérieur très occupé pour un ex-député sollicité de toutes parts par
les populations en grandes difficultés. C'est un énorme travail d'aide et de
soutien qu'il mène alors, avec son épouse, comme délégué départemental de la
Croix Rouge.
Que sait-on de l'évolution de ses sentiments politiques pendant le conflit ?
Dans une lettre de mai 1941, il précise sa position de juin 1940 : "Admettre
l'armistice dans l'honneur, pas davantage !". A aucun moment, son vote de
juillet 1940 ne l'entraîna vers la collaboration. Il reste fermement anti-allemand.
Il n'entre dans aucune des organisations et institutions mises en place par Vichy.
Si, jusqu'en 1941, il partage le maréchalisme de la très grande majorité des
74

Français, il n'hésite pas à exprimer sa défiance envers l'entourage du Chef de


l'Etat. Dès novembre 1940, dans une lettre, il estime que ce que fait le
gouvernement de Laval "n'est pas de nature à relever le prestige français à un
moment où il n'aurait cependant pas besoin d'être encore diminué". A partir de
la fin de 1941, il semble bien que son patriotisme l'empêche de conserver sa
confiance à Pétain, en dépit du fait que certains aspects du discours de la
Révolution nationale, comme l'accent mis sur la terre ou l'importance donnée à
la famille, aient pu rencontrer ses propres préoccupations. Il écoute dorénavant
la radio de Londres et reprend espoir dans la victoire. Sa sympathie pour la
Résistance et le général de Gaulle grandit. Il n'hésite pas à adresser ses
reproches à certains journaux normands. Sa position, même à Ermenouville
devient difficile. Il tente de résister aux exigences de l'occupant. En août 1942,
il s'oppose fermement aux Allemands qui cherchent un pilote anglais caché
dans le village. Tenu pour gaulliste, il est de plus en plus suspecté. Le château
connaît plusieurs perquisitions. En octobre 1943, il organise la résistance de
plusieurs maires à un ordre de réquisition d'ouvriers français qui lui vaut d'être
arrêté par la Gestapo et incarcéré, quelques jours, à la prison rouennaise de
Bonne-Nouvelle. Dans les derniers mois de l'occupation, il se sent en grand
danger et se tient prêt à fuir dans la clandestinité à la moindre alerte. Ce
patriotisme explique, qu'à la Libération, il ait été relevé très vite de son
inéligibilité. Dès octobre 1944, le préfet Bonnet en témoigne publiquement. Le
28 mars 1945, le Comité Départemental de Libération prend acte de sa
"participation directe et active à la Résistance". Geoffroy de Montalembert n'eut
pas ainsi à passer devant le jury d'honneur. Enfin, en avril 1945, les électeurs de
son 136.
sur village lui rendirent également hommage en le réélisant maire par 108 voix

Conseiller de la République gaulliste

En dépit de tout cela, l'impossibilité pour la droite modérée de se relever


rapidement de l'épisode de Vichy, l'effondrement de la Fédération républicaine
qui poussa Geoffroy de Montalembert à rejoindre le Parti Républicain de la
Liberté, le nouveau type de scrutin proportionnel, le refus des Indépendants du
département de faire une liste commune avec lui empêchèrent l'ancien député
d'Yvetot de retrouver son siège lors des élections de 1945 et 1946. Il redevint
parlementaire lorsqu'en décembre 1946, Edmond Barrachin le fît coopter par le
PRL pour entrer au Conseil de la République après la mise en place des
nouvelles institutions. Il rechigna, semble-t-il, à rejoindre une assemblée dans
laquelle il pensait ne pas trouver une activité suffisante pour son désir de servir.
Il ne tarda pourtant pas à s'attacher au Palais du Luxembourg. Lors de la
création du Rassemblement du Peuple français par le général de Gaulle, en avril
1947, il ne fut pas de ceux qui, en Seine-Inférieure lancèrent le mouvement.
Mais, très vite, il s'y intéresse. Attaché, depuis la guerre, à la personne du
Général, il souscrivait également à son programme de révision institutionnelle
et de lutte contre le communisme. L'idéal social du Rassemblement, exprimé
75

dans le projet d'association capital-travail, constituait aussi un puissant aimant


pour un homme issu de sa tradition. Petit à petit, il se rapproche du R.P.F. Déjà,
en mars 1947, il avait participé, à Bruneval15, à la grande manifestation
d'hommage à la Résistance,
Rassemblement. A l'automneoù de1947,
Gaulle
il annonça
félicite Pierre
la prochaine
de Gaulle
mise en
duplace
succès
du

municipal du mouvement et de son accession à la tête de la ville de Paris. Il


assiste aux réunions gaullistes. Le P.R.L., au contraire de tous les autres partis,
acceptant la double appartenance, c'est tout naturellement qu'un accord est
conclu, en 1948, pour présenter une liste commune aux élections des conseillers
de la République. Enfin, le dernier pas est franchi après ce scrutin. Geoffroy de
Montalembert rallie complètement le Rassemblement et devient le vice-
président de l'Intergroupe gaulliste au Conseil de la République. A ce titre, il est
reçu tous les mercredis soirs, avec le bureau, par de Gaulle.
Réélu en 1948, où sa présence a entraîné vers la liste gaulliste de nombreux
suffrages et a apporté au Rassemblement deux sièges sur quatre, il l'est encore
en 1952, mais cette fois-ci seul. Siégeant à la commission du suffrage universel,
un de ses grands combats est l'opposition à la loi des apparentements de 1951
proposée par le Troisième Force pour gagner les élections législatives ; "loi
électorale non seulement idiote mais coupable" dit-il. Ayant toujours cherché à
rassembler les candidats modérés sur une même liste, il refuse pourtant l'idée
d'apparentement avec les forces gouvernementales. L'année suivante,
néanmoins, il rejoint la camp de ceux qui, au sein du R.P.F., estiment qu'il faut
éviter "la politique du pire" et apporter son soutien à Antoine Pinay. En 1953, il
intervient auprès des parlementaires gaullistes pour qu'ils apportent leurs
suffrages à René Coty et joue ainsi un rôle non négligeable dans l'élection à la
présidence de la République de son collègue havrais.

La défense du Sénat de la République

Sous la IVe République, il a souvent stigmatisé l'impuissance de la deuxième


Chambre. La rédaction de la constitution de la Ve République lui permit
d'oeuvrer à la restauration du Sénat. Ses pairs le choisirent en effet pour siéger
au Comité Consultatif Constitutionnel qui, pendant l'été 1958, participa à
l'élaboration des nouvelles institutions. Composé de seize députés, de dix
conseillers de la République et de treize membres nommés par le général de
Gaulle, -souvent d'éminentes personnalités comme Pierre-Henri Teitgen,
Léopold Sédar Senghor, Paul Coste-Floret ou Raymond Triboulet), le C.C.C. se
choisit Paul Reynaud comme président. Geoffroy de Montalembert en fut élu
vice-président ainsi que le député socialiste de l'Ariège M. Dejean. Il put ainsi
intervenir en faveur des pouvoirs du Sénat. Au terme de cette expérience, il
exprime sa satisfaction à Gaston Monnerville, président du Conseil de la
République: " Quant à notre maison, il me semble que sa position sort renforcée
de ces débats. (...) Au total, nous triomphons sur toute la ligne, qu'il s'agisse des
pouvoirs de notre président, de la responsabilité du Gouvernement devant notre
Assemblée et aussi de l'organisation des navettes et de la commission
76

paritaire"16.Ce bilan est à relativiser en raison du fait que le gouvernement ne


reprit final
texte pas toutes
soumis
lesaumodifications
référendum. apportées
Mais, au àtotal,
son projet
Geoffroy
par de
le C.C.C.
Montalembert
dans le

jugeait
tâche etque
en était
le constitution
reconnaissant
rétablissait
à de Gaulle.
un Sénat capable de remplir utilement sa

Après son élection comme sénateur de Seine-Maritime en 1959, son rôle au


sein du C.C.C. lui valut d'être élu vice-président du nouveau Sénat, poste qu'il
occupa de mai 1959 à octobre 1962. Il siégea, en même temps, au Sénat de la
Communauté jusqu'en 1961. Il continua, à cette époque, d'occuper une place
importante au sein de l'organisation gaulliste, intitulée dorénavant Union pour la
Nouvelle République. Avec Debré, Chaban, Frey, Michelet et les Normands
Triboulet et Dusseaulx, il est membre de la commission politique de l'U.N.R. en
1961 puis vice-président du groupe gaulliste au Sénat en 1965.
La fin des années 1960 voit à nouveau des menaces se profiler sur le Sénat.
Après la crise de mai 1968, le Général veut parfaire la constitution en créant une
nouvelle seconde chambre rassemblant le Sénat et le Conseil économique et
social. Les élections sénatoriales ont lieu alors que le débat est déjà lancé. En
Seine-Maritime, la liste rassemblant les indépendants et les gaullistes voit
s'opposer à elle, comme neuf ans plus tôt, une liste centriste menée par Jean
Lecanuet, tout nouveau maire de Rouen. Mais, alors qu'en 1959, les premiers
avaient emporté trois sièges sur cinq, cette fois-ci, les résultats font que les
gaullistes et leurs alliés doivent en céder un aux centristes. Geoffroy de
Montalembert manque même de perdre son siège... à 15 voix près. Lors du
débat de décembre 1968 sur le futur référendum et la réforme du Sénat, il
s'oppose vivement au projet du Général défendu par le ministre Jeanneney.
Refusant l'idée d'un Sénat consultatif qui mêlerait membres élus et membres
désignés par les organisations socio-professionnelles, il tente de trouver une
solution médiane avec le gouvernement. C'est un échec qui l'entraîne, avec ses
référendum
collègues et du
Alain
25 avril
Poher,1969.
le président du Sénat, à faire campagne pour le non au

Premier parmi ses pairs

Après le départ du général de Gaulle, Geoffroy de Montalembert poursuit


son travail de sénateur, en particulier au sein de la prestigieuse commission des
finances. Les nouvelles conditions politiques et les dangers provoqués, pour la
majorité, par l'union de la gauche vont lui permettre d'aboutir aux élections
sénatoriales de 1977 à une liste d'union avec Jean Lecanuet. Après des années
d'oppositions, cela ne se fit pas sans mal ; d'une part parce que le maire de
Rouen voulait, à cette occasion, renforcer son influence sur le personnel
politique du département, d'autre part parce que d'aucuns commençaient à
penser qu'il était temps, à 79 ans, que le maire d'Ermenouville laisse sa place au
Sénat. Il faut des discussions qui s'étalent pendant tout l'été pour que de trois
listes (les indépendants menés par André Bettencourt, les centristes de Jean
Lecanuet et les gaullistes), on passe à une liste de la majorité présidentielle.
Jean Lecanuet bloque un temps la situation en exigeant qu'en sus de lui-mêm
tête de liste, un second membre de son parti soit en position éligible, derriè
André Bettencourt. Cela repousse Geoffroy de Montalembert en quatrièm
position, situation très incertaine qui peut paraître indigne en raison de
carrière, mais qu'il accepte néanmoins pour réaliser l'union des droites et d
modérés. D'incertaine, son élection devient très improbable après le dépôt d'u
liste radicale valoisienne dirigée par le vice-président du Conseil général
Seine-Maritime, Georges Heuillard. Le but est à peine caché: empêch
Geoffroy de Montalembert de regagner son siège, qui glisserait ain
probablement au parti communiste. Cette campagne est donc un nouve
combat pour le maire d'Ermenouville. "Accepter de figurer en quatrièm
position seulement, c'est peut-être faire preuve de sportivité, mais ce n'est p
de tout repos" confie-t-il à un journaliste17. Au soir du 26 septembre 1977,

plus
L'unité
municipales
mêmes
Montalembert
parlementaire
présent,
pas,
Montalembert,
succès
quatre
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discours
l'occasion
longue
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UNE ILLUSTRATION DE LA NOTABILITE

Une forte implantation locale

Quand, en 1935, après avoir été pendant dix ans le maire de la vi


d'Annappes, Geoffroy de Montalembert décide d'être candidat aux électio
78

municipales à Ermenouville, il espère être élu en raison de la présence déjà très


ancienne de sa famille et des responsabilités politiques que ses ancêtres Clercy
ont exercées ici. Devenu maire, il fut ensuite constamment réélu (1945, 1947,
1953, 1959, 1965, 1971, 1977, 1983 et 1989), établissant assez vite une
implantation politique due à son oeuvre et à sa personne. L'atteste le fait que
toutes ses élections se firent dans de confortables conditions. En mai 1945,
René Coty peut ainsi le féliciter en lui écrivant : "Au total, si je compte bien,
cela fait 125 Montalembertistes sur 136. Rien de plus réconfortant que les
suffrages des gens au milieu desquels on vit". Le maire rassemble sur son nom
des électeurs qui viennent de tous les horizons politiques. Geoffroy de
Montalembert tient, en effet, à ce que les déchirements et les combats de la vie
politique nationale entrent le moins possible dans la gestion des intérêts locaux
et d'abord dans les campagnes électorales municipales. Il évite toujours
l'utilisation d'étiquette partisane, même si ses professions de foi contiennent ses
références en ce qui concerne les choix de société. Ainsi, aux élections
municipales de 1947, il signale au colonel Lalande, responsable rouennais du
R.P.F., qu'il n'a pas jugé "opportun d'adopter un titre quelconque pour présenter
[sa] liste à Ermenouville", mais il y fait référence au général de Gaulle. Ses
professions de foi sont un appel à songer avant tout au salut public, à la
concorde et au rassemblement. Elles évitent les promesses: la seule qui soit
formulée est celle de défendre les intérêts de la commune. Au total, l'oeuvre
locale du premier magistrat d'Ermenouville pendant 58 ans peut être résumée
par le fait qu'il sut parfaitement harmoniser le développement, la modernisation
àducoeur.
village et la préservation de son environnement rural, sujet qui lui tenait très

Au contraire de la plupart des notables, Geoffroy de Montalembert n'exerça


pas d'autres mandats locaux. Ainsi, il ne fut pas conseiller général et ne déposa
jamais sa candidature à ce poste. A telle ou telle occasion, il en fut plus ou
moins fut question, comme en 1934 où l'on jugea l'initiative un peu prématurée.
Certains journalistes et hommes politiques s'étonnèrent de cette attitude de
retrait. Aux cantonales de 1937, le journal cauchois L'Indépendant de Gauche,
accuse même le maire d'Ermenouville de manquer de courage. Il répond, et
toujours ensujte il resta fidèle à cette conviction, qu'il condamne le cumul des
mandats, générateur d'absentéisme et d'un exercice imparfait des fonctions déjà
occupées. Selon ses proches, il y eut aussi le fait qu'il répugnait à prendre la
place d'hommes qu'il appréciait. Ne s'engageant pas dans ce combat, il n'en
chercha pas moins à favoriser l'élection, dans sa région, de conseillers généraux
favorable à ses convictions, ces élus formant, avec les maires, une part
appréciable du corps des grands électeurs et ayant, à l'occasion des élections des
membres de la deuxième chambre, une influence décisive. S'il n'a pas siégé au
Conseil général de Seine-Maritime, Geoffroy de Montalembert, en raison de
son statut parlementaire, a été membre de droit du Conseil régional de 1982 à
1986, assemblée dont il fut d'ailleurs, entre ces deux dates, le vice-président.
Mais, ce ne fut qu'une charge temporaire et à laquelle il ne pouvait échapper. En
fait, il considérait que le mandat de maire était le plus complet et le plus
79

attachant -héritage de l'exemple paternel-, surtout dans une petite commune, car
il rend possible une véritable communion de pensée avec ses concitoyens.
Cette forte implantation locale avait également pour base et pour
manifestation une présence très active dans sa région. Même en période de
session parlementaire, il passait à Ermenouville ses fins de semaines. Son
emploi du temps y était très chargé. Ses archives montrent qu'il assistait à un
nombre considérable de réunions publiques, foires agricoles, fêtes de la mer,
cérémonies diverses etc. Homme de terrain, il multipliait ainsi les contacts avec
les populations, faisant preuve d'une grande simplicité et d'un contact facile
avec ses concitoyens. Combien de fois n'a-t-il pas raconté, pour faire sourire ses
collègues du palais du Luxembourg, des anecdotes puisées sur les marchés
cauchois ou dans les concours agricoles, imitant merveilleusement l'accent des
paysans et invitant les sénateurs à trouver dans ces scènes de la vie quotidienne
un exemple de bon sens ? Sa présence se manifestait également par le rôle qu'il
avait dans un très grand nombre d'organismes locaux, sociaux, culturels,
agricoles, d'anciens combattants et autres.

Un puissant attachement à la terre du pays de Caux et à son agriculture

Dans le souvenir de Geoffroy de Montalembert, Ermenouville fut d'abord le


lieu des vacances, agrémenté encore par les promenades et les parties de pêche
à Veules-les-Roses. On a signalé comment, dans les années 1930, il
"redécouvre" en quelque sorte ses racines normandes lors des campagnes
électorales. Sa vie durant, il parcourut en long et en large, des milliers de fois,
son département et plus particulièrement le pays de Caux. Il se trouve
également à la tête de possessions foncières étendues dans cette région. Pendant
toute sa carrière, il revendiqua la profession d'agriculteur. C'est le terme qu'il
indique sur les professions de foi et qu'il inscrit sur les documents officiels. Il
gérait lui-même, avec l'aide d'un intendant, la ferme du château d'Arnouville. Sa
fierté était d'en faire la visite à ses hôtes. Sa connaissance de l'agriculture et de
la sylviculture impressionna nombre de ses interlocuteurs. Tel élu local se
souvient, par exemple, d'un exposé d'un grand intérêt sur les critères de choix
d'une essence
entourant les clos-masures.
pour le reboisement ou la reconstitution des haies d'arbres

Geoffroy de Montalembert fut véritablement un agrarien. Dans leurs


prévisions pour les élections de 1936, les Renseignements-généraux signalent
au préfet que Geoffroy de Montalembert pourrait se présenter comme candidat
du Front paysan, dont la liste remporta un grand succès, en février de la même
année, à la Chambre d'Agriculture. Il est, dès cette époque, très lié aux
dirigeants agricoles locaux. Ainsi, le numéro d'avril 1938 de L'entraide , organe
mensuel de la Fédération agricole de Seine-Inférieure, remarque que le député
d'Yvetot a assisté à toutes les réunions qu'elle a organisées. A la Chambre des
députés ou au Sénat, la défense de l'agriculture fut continuellement une de ses
préoccupations majeures. Ses connaissances techniques en ce domaine en font
un spécialiste écouté, qui prend ainsi la parole, entre autres nombreux exemples,
80

en juin 1937 au Palais Bourbon, lors d'une discussion d'un projet de loi relatif à
la prophylaxie de la fièvre aphteuse, ou en février 1947 au Conseil de la
République, pour inviter le gouvernement à prendre d'urgence des mesures afin
de permettre aux paysans de pouvoir commencer à épandre les engrais de
printemps et en particulier l'azote, ou encore, au hasard des annales du Sénat, en
décembre 1974 sur la crise du marché de la viande et sur le prix de la betterave
à sucre, ou en novembre 1987 sur la compensation par l'Etat des exonérations
de taxes foncières sur les propriétés non bâties pour le reboisement etc. Dans ce
domaine de son activité, Geoffroy de Montalembert apparaît bien encore
comme le fruit d'une tradition familiale et singulièrement comme le
continuateur de l'oeuvre que son père avait menée dans le Nord à partir de ses
propriétés. C'est, lui, d'une terre normande particulièrement chérie -il y repose
sous un simple tertre-qu'il poursuivit dans cette voie.

Un aristocrate en son siècle

De son père, il avait également hérité son sang aristocratique. Cela se traduit
par un mode de vie particulier et, tout d'abord, par la possession d'un château.
Quittant le Nord, Geoffroy de Montalembert s'installa définitivement dans celui
des Clercy à Ermenouville et y vécut jusqu'à sa mort. C'est avec un véritable
déchirement qu'il dut se séparer, à la fin des années 1960 du domaine et du
château d'Annappes, en raison de la création de la ville nouvelle de Villeneuve-
d'Ascq. Les bâtiments avaient très mal supporté la réquisition par les Allemands
pendant la Seconde Guerre mondiale puis l'occupation par les Britanniques à la
Libération. Des deux châteaux sis sur la commune d'Ermenouville, celui
d'Arnouville, propriété du comte de Montalembert, est le plus ancien19. Il

s'intègre
Ermenouville
XVIe
couleur
française.
les
de
fait
Des
services
d'un
avecGeoffroy
hauts
Le
Clercy.
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château
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la
et

d'une institutrice. Pour ses propriétés, Geoffroy de Montalembert recourt au


service d'un garde. Comme dans nombre de familles aristocratiques, les
membres de cette domesticité, choisis avec soin par Madame de Montalembert
en particulier sur le plan des convictions religieuses, sont considérés comme
faisant partie de la domus et traités comme appartenant à la famille.
81

De par l'ancienneté de celle-ci, Geoffroy de Montalembert se trouve au


centre d'un réseau familial aristocratique considérablement étendu. Une des
raisons pour lesquelles sa mère avait entamé la rédaction de son "cahier"
consistait précisément à lui faire connaître ces alliances. De très nombreuses
branches de la Maison de Montalembert se sont éteintes, comme les Essé, les
Grandzay, les Roger ou les Bellestre ; les deux branches subsistantes sont les
Cers et les Rouets. Les Cers, branche de Geoffroy de Montalembert, forment, à
eux seuls, une ramification très large. Les plus proches parents de Geoffroy de
Montalembert sont ses cousins germains, les Louvel-Lupel et les d'Ormesson.
Le courrier de Geoffroy de Montalembert atteste que les liens entre les
différentes branches persistaient, en dépit des éloignements, par le biais des
cérémonies familiales. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il fut souvent
sollicité par tel ou tel membre de sa famille pour une aide dans une démarche
administrative ou un conseil. L'adoption de sa mère par les Brigode le fit
également entrer dans la famille des La Fayette. Geoffroy de Montalembert vit
son réseau familial s'étendre encore par ses deux mariages qui l'introduisirent,
successivement, dans deux Maisons également très ramifiées.
Cette appartenance à l'aristocratie et la possession du titre de comte furent,
pendant une grande partie de sa carrière politique, le sujet d'attaques virulentes
ou insidieuses de la part de ses adversaires et, en particulier, des communistes.
Dans les années 1930, puis dans l'après-guerre, il dut constamment défendre son
nom et sa famille. C'est son alliance avec les Wendel qui fit l'objet des attaques
les plus brutales. Lors de la campagne de 1936, certains tracts du parti
communiste y sont intégralement consacrés. On y traite Geoffroy de
Montalembert de "noble qui n'a jamais travaillé", "parasite, gendre de M. le
Comte de Wendel, administrateur avec ses frères de multiples sociétés et [...]
fournisseur d'acier français à Hitler". On en arrive ainsi à l'équation suivante,
censée frapper l'esprit des électeurs : Hitler = de Wendel = de Montalembert. A
la Chambre des Députés puis au Luxembourg, Geoffroy de Montalembert n'a de
cesse de répondre ainsi aux attaques. Au lendemain de la guerre, celles-ci sont
particulièrement vives et un procès oppose même L'Humanité aux Wendel. En
juin et juillet 1947, au Conseil de la République, il est en première ligne. Il
intervient à plusieurs reprises pour défendre son beau-père et ses beaux-frères.
quotidienne
Ses discours desont
L'Humanité.
ensuite imprimés
Cette défense
et diffusés
lui vaut
afin une
de contrer
lettre émouvante
la campagne
de

François de Wendel : "Je tiens (...) à remercier un gendre dont l'affection ne se


dément pas et dont j'apprécie les qualités de coeur en même temps que le
talent". Au total, pendant ces années, Geoffroy de Montalembert aura mis
beaucoup d'énergie et beaucoup de temps à défendre sa famille et à lutter contre
les représentations liées à son origine et utilisées par ses ennemis. Ces
campagnes cessèrent après les années soixante. Elles n'eurent toujours que peu
d'échos parmi les populations qui côtoyaient le maire d'Ermenouville dans le
pays de Caux, et ce en raison de son implantation locale mais aussi de l'oeuvre
exceptionnelle menée par son épouse.
82

Le militantisme social d'Odile de Wendel

Sa présence fut fondamentale dans la vie et la carrière de Geoffroy de


Montalembert. Elle mena à ses côtés tous ses combats politiques, s'occupa,
jusqu'au bout, de ses campagnes électorales. Elle était très présente à ses côtés à
Paris et Ermenouville. Elle fut, en outre, à la tête de toute une série d'oeuvres.
Pour certaines d'entre elles il est difficile de distinguer la part de son mari de la
sienne, tant ils paraissaient unis dans un même travail et un semblable
dévouement. L'activité de Madame de Montalembert fut si considérable que l'on
peut parler d'un véritable militantisme, social, familial et chrétien. La Croix-
Rouge tout d'abord, dont elle s'occupa dans le canton de Fontaine-le-Dun et
dont son mari fut un temps responsable au niveau du département. Parmi ses
nombreuses activités, l'oeuvre de la pesée des nourrissons semble l'avoir
beaucoup occupée. Elle y participe personnellement, accompagnée, avant la
guerre, du docteur Courbe. Ses archives personnelles contiennent des dizaines
de fiches indiquant le poids des bébés des communes entourant Ermenouville
sur plusieursdeannées.
distributions farine et
Elle
de fait
vêtements
aussi, aux
en particulier
enfants. Dans
pendant
le cadre
le du
conflit,
Secours
la
national, elle dirige l'expédition de colis aux prisonniers. Elle multiplie lettres et
déplacements pour obtenir fournitures et subventions. Financièrement, elle
contribue personnellement à toutes ces œuvres. Les demandes d'aides affluent à
Arnouville. On sait que l'on y trouvera bon accueil. Les nombreuse lettres
conservées délivrent des témoignages de grande misère et de remerciements
émouvants.

Ce fut aussi un militantisme familial avec les Maisons Familiales et Rurales.


Dès avant la guerre, Geoffroy de Montalembert s'est montré intéressé par cette
oeuvre née au milieu des années 1930 dans le sud de la France. Il s'agissait
d'établissement fondés par des parents où une formation complémentaire et
pratique d'une quinzaine de jours par mois était donnée aux jeunes gens et
jeunes filles de 14 à 18 ans. Après la guerre, le comte et la comtesse de
Montalembert fondirent plusieurs Maisons de ce type en Seine-Inférieure et
dans l'Eure (Anneville-sur-Scie, Veules-les-Roses, Aumale, Forges, Routot
etc.). Dans les années 1950, Odile de Montalembert devint présidente de
l'association départementale des Maisons Familiales et Rurales. Dans un
discours qu'elle prononce à Veules-les-Roses, à la fin des années 1960, pour le
concours local des jeunes fermières, elle signale que le but de ces Maisons est
bien d'apporter une instruction mais surtout une formation des caractères, des
coeurs et des esprits: "Former des jeunes capables d'être demain dans leurs
foyers d'excellentes ménagères, des éducatrices parfaites, capables aussi de
seconder efficacement leur mari, compétentes au point de vue professionnel,
ayant enfin une valeur morale, spirituelle qui est le bien le plus solide du foyer,
et aussi de la patrie". Car l'oeuvre de Madame de Montalembert est également
chrétienne, enracinée dans une foi profonde et solide.
C'est dans la Ligue Féminine d'Action Catholique Française qu'elle exprime
sa conviction religieuse. Responsable du canton de Fontaine-le-Dun, elle y
83

développe un activité tout aussi considérable que dans ses autres engagements,
constituant une équipe de correspondantes paroissiales pour la seconder. La
Ligue a un but essentiellement spirituel (formation chrétienne, prières) mais
aussi charitable voire social (entraide, bibliothèque etc.). Dans le canton, elle est
particulièrement bien implantée puisque, par exemple, en 1949, la Ligue a 736
adhérentes, soit de seize à cent dix par commune.
L'ensemble des oeuvres de Madame de Montalembert participe de
convictions sociales, familiales et religieuses qui forment un tout. L'épouse du
sénateur et maire d'Ermenouville se trouve ainsi au centre d'un réseau qui lui
permet d'agir conformément à celles-ci, de poursuivre une tradition présente
chez les Montalembert mais aussi dans sa propre famille. Ces activités la
mettent au contact direct d'une part considérable de la population locale et, en
particulier, des plus pauvres. Les manifestations de reconnaissance qui en
découlent sont nombreux, lettres, suffrages aux élections municipales alors
qu'elle n'est pas candidate, et encore très présents dans les esprits aujourd'hui.
Tous les témoignages
dévouement valut à Madame
sollicités
de Montalembert
à ce sujet utilise
d'être le
décorée
terme dedela "sainte".
médaille Ce
de

chevalier de la Légion d'honneur. Le sénateur-maire d'Ermenouville s'en


amusait en public, lui qui ne l'avait pas, en signalant que son épouse devait la
mériter plus que lui. Il faut ajouter que dans la plupart de ces œuvres, Geoffroy
de Montalembert fut aux côtés de son épouse. On aurait omis un aspect
essentiel de la notabilité du sénateur en ne signalant pas quelle place son épouse
a tenue et tient encore, quatre années après son décès, dans le coeur des
habitants de sa région.

Un travail parlementaire immense

Un autre aspect de l'image de notable qu'avait Geoffroy de Montalembert est


l'activité débordante qu'il déployait. Et d'abord à Paris, au Palais Bourbon puis
au Palais du Luxembourg. Il y passait la semaine pendant les sessions. Tous ses
collègues insistent sur son assiduité aux séances, de jour comme de nuit. Au
Sénat, cette énergie lui valut le surnom affectueux et révélateur de "comte
courant". Il y siège dans de nombreuses commissions. Sous la IVe République,
il occupe la haute fonction de président de l'une d'entre elle, la commission du
suffrage universel, de 1948 à 1958. Dès l'installation du nouveau Sénat, en
1959, il en devient, pour trois ans, un des vice-présidents et est donc amené,
plusieurs fois, à remplacer Gaston Monnerville. De 1949 à sa mort, il siège, au
Luxembourg, à la prestigieuse commission des finances. Il en est vice-président
de 1970 à 1986 puis vice-président d'honneur jusqu'à sa mort. A ce titre, il
examine les projets de lois de finances des gouvernements pendant plus de
quarante ans et en devient un spécialiste. A partir des années 1970, il est
particulièrement attentif aux mesures concernant l'aménagement du territoire.
Cette activité débordante est rendue possible par une excellente santé.
L'enfant fragile très entouré et observé par une mère inquiète s'est mué en un
homme, de petite taille, mais à la robuste constitution. Dans les années 1980, les
84

journalistes et ses collègues se plaisent à insister sur sa jeunesse éternelle. La


limitation volontaire de ses mandats est le second élément explicatif ; Geoffroy
de Montalembert condamnait durement l'absentéisme de ses collègues. Enfin, la
proximité géographique entre Paris et la Normandie rendait possibles des
déplacements relativement rapides. Il faut insister sur un dernier élément décisif
qui est la fidélité et l'efficacité de son secrétariat et du travail de ses attachés
parlementaires. Ses activités propres et celles de son épouse n'auraient pu se
développer autant sans cela. Geoffroy de Montalembert fut, à ce sujet, toujours
tache
soucieux
de ses
d'acquérir
collaborateurs20.
du matériel à la pointe de la technique afin de faciliter la

L'expression de convictions enracinées

On l'aura compris, l'engagement politique et social de Geoffroy de


Montalembert était la mise en actes de convictions profondes. Le patriotisme est
l'une des plus fortes, qui lui vient de la vieille culture familiale d'attachement au
roi et à la patrie. Cet amour du pays s'enracine dans une région, une terre et dans
une population, le Nord puis la Seine-Inférieure. Cet aristocrate aimait les
contacts avec le peuple. Geoffroy de Montalembert appartient à la génération du
général de Gaulle pour qui la patrie est indivisible de son histoire, une histoire
qui est, en partie, celle de sa famille. Dans ses actes, Geoffroy de Montalembert
fut un patriote. C'est évident, en particulier, pendant la guerre de 1914-1918.
Son attitude, pendant le second conflit mondial, se comprend également avec
cette clé d'interprétation. Cela explique encore son attachement aux anciens
combattants, ses critiques de la politique menée par les gouvernements vis-à-vis
de l'Allemagne dans l'entre-deux-guerres, et, en 1992, son engagement contre la
ratification du traité de Maastricht. Patriote, il n'était point nationaliste et
appelait de ses voeux la mise en place d'une Europe respectant les nations, dans
la ligne de la vision gaullienne.
Geoffroy de Montalembert était également un homme profondément libéral,
dans la tradition de son grand-oncle Charles. Il défendit le respect des libertés
dans tous les domaines et, en particulier, dans l'économie, exigeant que l'Etat
n'intervînt pas exagérément et dans l'enseignement. Tant dans sa commune
qu'au parlement, il chercha à rendre possible un véritable enseignement libre,
c'est-à-dire permettant aux parents, responsables en premier lieu de l'éducation
de leurs enfants, un choix réel. Après la guerre, c'est Madame de Montalembert
qui présida le comité de l'école libre d'Ermenouville et le déficit du
fonctionnement de l'établissement était couvert par les revenus du couple. C'est
encore cette
Familiales et Rurales.
conviction
Cet qui
attachement
détermina
auxson
libertés
action
fut en
le fondement
faveur desduMaisons
virulent
anticommunisme de Geoffroy de Montalembert.
La défense de la famille, comme cellule première et fondamentale de la
société, était un autre front où combattait Geoffroy de Montalembert. En 1939,
il avait déposé, sur le bureau de la Chambre des Députés, une proposition de
résolution invitant le gouvernement à établir un statut de la famille française. Il
86

demeura attentif à cette question pendant toute sa carrière. Ce souci est une
autre clé pour comprendre les engagements de Geoffroy de Montalembert et de
son épouse. Cet attachement à la famille leur venait d'une tradition familiale et
fut certainement renforcé par les drames personnels qu'ils rencontrèrent en ce
domaine: le décès de sa première épouse et, dans son second mariage, la perte
de plusieurs enfants, peu après la naissance comme Jean en 1932, Guy en 1934,
Geoffroy en 1937, Marie-France en 1941, ou à un âge plus avancé comme
François-Xavier né en 1946 et mort à onze ans.
Dans le domaine politique, Geoffroy de Montalembert chercha toujours à
réaliser une union des droites et des modérés. Il la trouvait en partie avec la
Fédération républicaine, il la rechercha à la fin des années 1930 dans la
préparation des élections qui devaient avoir lieu en 1940, puis ensuite à chaque
échéance électorale sous la IVe et la Ve République. Il connut de nombreux
échecs. On a vu comment il n'hésita pas à risquer son propre sacrifice politique
pour réaliser à partir des années 1970 une liste commune avec Jean Lecanuet
dans son département. L'étude de sa carrière amène à penser que Geoffroy de
Montalembert se serait aisément coulé dans le modèle britannique du
bipartisme.
Enfin, l'ultime principe à souligner est le devoir de servir. Dans ce qui devait
être son dernier discours comme doyen d'âge, le 2 octobre 1992, il résumait
ainsi ce que la vie lui avait appris : "J'en ai retenu qu'il ne fallait jamais déserter
son idéal, toujours combattre pour mieux servir (...)". Très jeune, le cahier légué
par sa mère lui avait appris qu'il s'agissait pour lui d'un devoir lié à sa fortune et
à sa naissance. C'était, là aussi une grande tradition familiale. Ce dévouement
était bâti sur sa foi chrétienne dont il constituait le prolongement. "Toute sa vie
familiale, professionnelle et politique a été dominée par ce devoir de l'homme
envers son Créateur. Ses incertitudes se transformaient en prières. Il n'y a pas
d'autre explication à l'extraordinaire dévouement dont il a fait preuve (...) un
dévouement qui était pour lui dans l'ordre des choses, parce qu'il avait beaucoup
reçu, parce qu'il devait donner beaucoup, un dévouement qui était total, pas un
devoir accepté, mais un devoir voulu et fait avec joie" put dire, lors de ses
obsèques, André Bettencourt. L'idée de service du bien public peut résumer
toute l'existence de Geoffroy de Montalembert et de son épouse.

Le respect unanime d'une fin de carrière

On trouve dans les dernières années de la vie du sénateur-maire


d'Ermenouville les marques d' un ultime caractère de notabilité. La
considération et le respect qu'il avait acquis au cours de sa carrière atteignirent
alors un très haut degré. C'est particulièrement le cas au niveau politique. En
1986, le conseiller général de Fontaine-le-Dun, Jean-François Roulland
organise une cérémonie à Ermenouville pour célébrer les cinquante ans de
mandat parlementaire de Geoffroy de Montalembert. Ses collègues du Sénat,
André Bettencourt, Jean Lecanuet et Paul Caron sont présents entourés de
représentants du monde politique local. Au Sénat, au terme de chacun de ses
87

discours comme président d'âge, l'unanimité grandit autour de lui et la


manifestation en est de plus en plus claire. En 1986, la sténographie officielle
de la séance note : "Vifs applaudissements sur de nombreuses travées", ce qui
devient en 1989: "Mmes et MM. les sénateurs des groupes du R.P.R., de
l'U.R.E.I21., de l'union centriste et du R.D.E22. se lèvent et applaudissent

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fois
sur
les
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Héritier d'une longue suite de principes, de traditions et d'exemples


familiaux transmis scrupuleusement et dans les actes par ses parents, Geoffroy
de Montalembert connut une carrière exceptionnelle. Au temps de la démocratie
libérale, du règne du suffrage universel, du poids de l'opinion publique, il
perpétua la tradition des notables. Ses origines, son mode de vie, son
implantation locale et son rôle national lui octroyèrent ce statut. La longueur de
son existence et de sa carrière vinrent parfaire ce modèle. Celui qui fut l'un des
plus jeunes maires de France en 1925 en était le doyen soixante-huit plus tard,
sans jamais avoir cessé d'exercer cette fonction ; exemple unique dans notre
histoire. Il fut aussi un de nos parlementaires voire le parlementaire qui connut
la plus longue carrière ; quatre ans à la Chambre des députés, de 1936 à 1940,
puis quarante-sept ans au Palais du Luxembourg, de 1946 à 1993.
Pendant une grande partie de ces années, les adversaires de Geoffroy de
Montalembert ont utilisé son origine et ses alliances familiales pour s'opposer à
lui, en particulier dans les joutes électorales. Leur but était de convaincre que
son engagement politique était, pour lui, un moyen de défendre des intérêts
personnels et non pas ceux de ses administrés. A considérer l'énergie qu'il
devait déployer pour se défendre, on mesure combien, dans certaines
représentations mentales, il n'apparaît pas qu'un aristoctrate fortuné de droite
puisse rechercher des responsabilités politiques pour d'autres raisons que la
volonté de s'enrichir ou encore de dominer toujours plus des populations
traditionnellement soumises. La question du ressort profond de l'engagement et
des choix politiques se présente donc bien comme fondamentale. L'exemple de
Geoffroy de Montalembert a montré qu'on serait dans l'impossibilité d'avancer
vers la vérité des motivations sans recourir à l'histoire culturelle, c'est-à-dire
88

sans chercher comment, petit à petit, une vision et des convictions se sont
enracinées en lui, qui l'ont amené vers une certaine forme d'action. Parvenir à
s'approcher ainsi un peu plus de l'homme profond, - l'historien n'est-il pas pour
Marc Bloch, l'ogre de la légende flairant la chair humaine23 ? - c'est, en
l'occurrence ici, se mettre en position de lui rendre justice.

1 . voir N.-J. Chaline, Jean Lecanuet, Beauchesne, Paris, coll. "Politiques et chrétiens",
à paraître.
2. A.-J. Tudesq, Les grands notables en France (1840-1849), PUF, Paris 1964.
3. cf. Serge Berstein, "La culture politique" in Jean-Pierre Rioux et Jean-François
Sirinelli, Pour une histoire culturelle, Seuil, Paris 1997, p. 373.
4. ibid., p. 379.
5. Eric Mension-Rigau, Aristocrates et grands bourgeois, Education, traditions,
valeurs, Pion, Paris 1994.
6. Ce cahier est un manuscrit commencé en 1908 et comporte 71 pages, tantôt de texte,
tantôt de graphiques généalogiques. Il appartient aux archives privées de la famille
de Geoffroy de Montalembert.
7. R. P. Lecanuet, Montalembert, Sa jeunesse (1810-1836), Lib. Poussielgue, Paris,
1895, p. 2.
8. Geoffroy de Montalembert, Mon journal pendant mon voyage de Lille à Bruxelles et
pendant
Montalembert.
mon séjour en Belgique, manuscrit de 171 pages, archives privées de

9. Jean-Marie Mayeur, "Droites et ralliés à la Chambre des députés au début de 1894",


in Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, avril-juin 1966, PUF, p. 1 17-135.
10. in Sophie Huet, Quand ils faisaient la guerre, Pion, Paris 1993, p. 13.
11. Geoffroy de Montalembert, journal manuscrit déjà cité.
12. Le Quotidien de Paris, 25 février 1987.
13. Annales de la Chambre des Députés, séance du 29 décembre 1936, p. 3932.
14. cf. Jean-Noël Jeanneney, François de Wendel en République, L'argent et le pouvoir
1914-1940, Seuil, Paris 1976, p. 583 et suiv.
15. et
David
suiv. Bellamy, "De Gaulle et la Normandie", in Etudes Normandes, 3-1996, p. 13

16. Lettre datée du 15 août 1958 publiée in Documents pour servir à l'histoire de
l'élaboration de la constitution du 4 octobre 1958, vol. II, Le Comité Consultatif
Constitutionnel de l'avant-projet du 29 juillet 1958 au projet du 21 août 1958, La
documentation française, 1988, Paris, p. 721.
17. Cf. Paris-Normandie, 30 août 1977.
18. Le Monde, 3 octobre 1989.
19. Cf. Pierre Jamme et Jean-François Dupont-Danican, Gentilshommes et
gentïllhonnières en Pays de Caux, Ed. de La Morande, Paris, 1996, p. 206-207.
20. Témoignage de Madame Buquet, sa dernière secrétaire.
2 1 . Union des Républicains et des Indépendants.
22. Rassemblement démocratique européen (centre gauche entre les centristes et les
socialistes).
23. Marc Bloch, Apologie pour l'histoire, ou métier d'historien, A. Colin, Paris, 1974,
p. 37.

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