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Louis POULLENOT

B A S S E S P Y R É N É E S

OCCUPATION
LIBÉRATION
1940 - 1 9 4 5

18, RUE DE FOLIN - 64200 BIARRITZ


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Bibliographie
Chez le même éditeur :

- Le Camp de Gurs, Claude Laharie, 4' édition, 1995.

- Mémoires d'un Français Rebelle. Servitude et grandeur militaires entre Pétain


et de Gaulle. Général Georges Loustaunau Lacau, 1994.

Chez J&D Diffusion :

- En passant la Bidassoa.

A paraître :

- Bordeaux et l'Aquitaine sous l'occupation allemande, Francis Sallaberry,


41 trimestre, 1995.
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A tous ceux,connus et inconnus,


qui ont sacrifié leur vie pour
la liberté et la démocratie.
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Remerciements

Je tiens à exprimer, ici, ma reconnaissance et mes remerciements à toutes les


personnes qui, à divers titres, m'ont aidé dans mon entreprise :

- Honoré Baradat(t) et sa famille, en particulier, Madame Marthe Baradat,


son épouse et Yves Baradat, son fils.
- Daniel Poullenot et son épouse Sylviane, mon neveu et ma nièce.
- M. Henri Michel(t), Président du Comité International d'Histoire de la
seconde guerre mondiale.
- M. Bedarida, ex Directeur de l'Institut d'Histoire du Temps Présent.
- M. Claude Laharie, Professeur agrégé d'Histoire, dont les conseils m'ont
été si précieux.
- M. Stâes, Directeur du Service des Archives Départementales et ses colla-
borateurs.
- Mlle Anthony, ex Conservateur de la Bibliothèque Municipale.
- Madame Geneviève Bayoumeu.
- M. Manuel Ricoy, Président de la section départementale des "Evadés de
France
- M. Gaston Berdance(t), résistant et déporté.
- Madame Ducoussau à Baliracq.
- M. le Docteur Vidal.
- M. le Docteur Grimaldi.

Sans oublier M. Darrigrand et M. Kérebel qui ont accepté d'accueillir mon


ouvrage dans leur collection.
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Avant-propos

Nul n'était plus qualifié qu'Honoré Baradat pour écrire l'histoire de la


Résistance dans le département des Basses-Pyrénées. Il a vécu cette époque
depuis le jour de l'humiliante défaite avec une telle intensité que l'ancien
combattant de la guerre 1914-18 qu'il était, est devenu tout naturellement et,
peut-être, sans en mesurer toutes les conséquences, l'un des premiers - sinon le
premier - parmi les plus coriaces revanchards, à penser et organiser la lutte contre
l'occupant. Son nom jaillit à tous moments lors de l'examen des documents d'ar-
chives portant sur l'organisation et le fonctionnement de la Résistance.
Cette histoire, après la victoire, il avait commencé à l'écrire.
Deux belles réalisations à son actif :
- une brochure intitulée "Béarn et Pays Basque sous la botte allemande" pré-
facée par Monsieur Gabriel Delaunay, Préfet des Basses-Pyrénées et... Chef
Régional des Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.), dans la clandestinité.
- une carte de la "souffrance" où sont localisés les forfaits de l'occupant dans
notre département (cf. p. 344-345).
Il m'avait associé à ses travaux ; nous devions poursuivre nos recherches,
compléter et parfaire notre documentation pour construire l'histoire objective de
cette triste époque. L'inexorable destinée en a décidé autrement. Honoré Baradat
nous a quittés le 14 janvier 1971.
Admis à le remplacer au Comité d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale,
dont il était le Correspondant Départemental, j'ai dû fouiller les dossiers d'ar-
chives pour apprendre, par leur consultation, ce qu'il savait, ce que je connais-
sais de façon imparfaite ou partielle.
Après bien des hésitations et en souvenir de l'amitié qui nous liait, j'ai déci-
dé de continuer son entreprise. Les difficultés n'ont pas tardé à se faire jour, la
principale étant de déterminer s'il convenait ou non de citer des noms : le faire
présente un incontestable danger, le manque d'informations, l'oubli, les omis-
sions pouvant donner lieu à polémique. Par ailleurs, ne pas signaler les noms
connus de ceux qui ont pris l'énorme risque de tout abandonner (famille, situa-
tion, confort de vie, etc...) pour, par pur patriotisme, lutter contre l'occupant,
serait d'une criante injustice.
J'ai choisi de leur rendre hommage.
De toute évidence, on ne peut tous les connaître. On ne peut, dans un ouvra-
ge forcément limité dans son volume, les citer tous. Il y aura dans le rappel des
faits marquants de cette histoire, des oubliés, des acteurs discrets, des méconnus.
Je fais appel à leur compréhension, leur indulgence, à cet esprit "résistant" qui a
su dominer les difficultés de tous ordres.
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Introduction

Le contexte de 1940
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Le département des Basses-Pyrénées compte en 1940 (recensement de 1936)


413 411 habitants dont 260 872 vivent en zone rurale (63,11 %), 152 539 vivent
en zone urbaine (36,89 %).
Sa superficie est de 771 238 hectares.
Il est bordé à l'Ouest par l'Océan Atlantique, au Nord par les départements
des Landes et du Gers, à l'Est par celui des Hautes-Pyrénées et au Sud par la chaî-
ne des Pyrénées dont le versant Nord, le plus abrupt, appartient à la France, le
versant Sud étant la propriété de l'Espagne.
La partie occidentale des Pyrénées qui s'abaissent vers l'océan est à l'origine
du nom donné à ce département (Basses-Pyrénées), appellation qu'il troquera
d'ailleurs quelques années plus tard - le 10 octobre 1969- pour celle de Pyrénées-
Atlantiques.
Son existence légale date de 1790 (Décrets du 15 janvier et du 26 février). Le
département compte en 1940, 41 cantons regroupant 560 communes ; au plan
administratif, il comprend une Préfecture (Pau, chef-lieu du département) et deux
sous-préfectures : Bayonne et Oloron.
Il se divise en deux grandes parties : Le Béarn qui couvre environ 3/5' du ter-
ritoire, le Pays Basque qui en occupe les 2/5'.
Au Sud du département, la frontière franco-espagnole passe par Béhobie,
Sare, Iholdy, La Rhune. Dans cette zone côtière, villes et villages sont à une dizai-
ne de kilomètres - parfois moins - de l'Espagne ; puis, elle poursuit son tracé par
le piémont et la zone montagneuse où de nombreux pics difficiles à franchir, par-
ticulièrement en hiver, jalonnent la ligne frontière qui se termine au Sud
d'Artouste, à la limite du département voisin des Hautes-Pyrénées. Des postes
de douane sont implantés à Hendaye/Irun (bord de mer) et Canfranc/Candanchou
(montagne 1 800 m).
La proximité de la mer et de la montagne, la beauté du site et la douceur bien
connue du climat font des Basques et Béarnais des résidents sachant apprécier à
leur juste valeur les avantages et privilèges de ce département où "il fait bon vivre".
Au plan politique, les électeurs du Pays Basque et du Béarn, de nature et sen-
sibilité pourtant bien différentes, ont pour dénominateur commun, un attache-
ment indéfectible aux notions de liberté et d'indépendance, une saine tradition
démocratique et républicaine. Ils accordent à ces vertus, et cela depuis fort long-
temps, une fidélité, une constance dont ils ne sauraient se départir.
Sur ces bases s'est établie une coexistence cordiale avec pour ligne de condui-
te politique le rejet des partis extrémistes ; c'est ainsi que le Parti Communiste, à
l'extrême gauche, le P.S.F. (Parti Social Français) et l'Action Française à l'ex-
trême droite, sont considérés comme marginaux. Le mouvement "croix de feu"
qui bénéficiait en 1930 d'une certaine considération et d'un courant attractif
n'échappe pas à cette règle : son activité diminue progressivement pour dispa-
raître dès l'approche des élections de 1936.
Au cours de cette consultation populaire, les électeurs n'accordèrent en effet
qu'une attention très relative aux partis extrémistes, leurs candidats n'ayant enle-
vé aucun siège.
On en jugera par l'examen des résultats détaillés du scrutin de 1936 qui fait
apparaître l'éventail politique de l'époque.
Ont été élus :
1 - Arrondissement de Bayonne
M. Delzangles (G.D.R.I.) gauche démocratique républicaine indépendante
M. De Coral (F.R.) Fédération Républicaine.
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II - Arrondissement de Pau
M. De Lestapis (A.R.G.R.I.) Alliance Républicaine de gauche et des radi-
caux indépendants.
M. Delom-Sorbe (G.I.) Gauche Indépendante.
III - Arrondissement d'Oloron.
M. Mendiondou (G.I.) Gauche Indépendante.
IV - Arrondissement de Mauléon
M. Ybarnegaray (F.R.) Fédération Républicaine.
V - Arrondissement d'Orthez
M. Tixier Vignancourt (N.I.) Non Inscrit.

Ces élections qui se déroulèrent dans un climat particulier (naissance du Front


populaire, affaire Stavisky, événements d'Espagne, etc....) n'apportèrent aucune
modification à la représentation parlementaire de la précédente consultation élec-
torale.
Incontestablement, la droite classique maintient et renforce même sa position
dans le département, ce que Monsieur Micheu Puyou exprime comme suit dans
son "Histoire Electorale du Département des Basses-Pyrénées sous la Troisième
et Quatrième République" :
"A la veille de la guerre 39-45 les Basses-Pyrénées offrent le spectacle d'une
région politiquement modérée, dominée par d'éminentes personnalités locales
catholiques, prenant la place de fortes personnalités républicaines et laïques qui
avaient marqué les périodes antérieures."
Cette question fera l'objet d'un nouvel examen, lors de l'étude des résultats
des Elections Municipales et Législatives qui eurent lieu après la libération du
département.
Le recensement de 1936 permet de préciser que sur 413 411 habitants, on
dénombre 14 465 étrangers, soit 3,5 % environ.
Nous apprenons toujours par la même source que 82 621 maisons constituent
son capital immobilier et qu'on y a recensé 34 487 appareils de T.S.F.
La population active s'établit à 204 412 personnes (127 814 hommes, 76 598
femmes) soit environ 49,5 % de l'ensemble.
La répartition par secteur économique est la suivante :
Pêche 803
Forêt et agriculture 100 599
Industrie et transport 54 226
Commerce 22 243
Domestiques 8 734
Professions libérales et service public 17 807
La caractéristique de ce département se trouve dans la composition de sa
population que l'on peut diviser en deux grands groupes, les Béarnais et les
Basques, d'origine et comportement totalement différents, et qui, de surcroît uti-
lisent chacun, pour s'exprimer, un langage qui leur est propre.
Voici comment on peut les observer à l'époque qui nous occupe.
Le Béarnais a un penchant très affirmé pour la modération, dans tous les
domaines, position qui le conduit systématiquement au dialogue, à la concilia-
tion, au respect d'autrui et de ses idées. Diplomate et courtois, un tantinet chau-
vin, il aime sa région, est fier des hommes célèbres qui l'ont représentée et glori-
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fiée dans le passé. Son goût pour la culture, l'intérêt qu'il porte à l'instruction et
l'éducation sont certains.
Une forte majorité de Béarnais, bien que connaissant et pratiquant parfaite-
ment la langue française, ont plaisir à s'exprimer en patois, séduits par la possi-
bilité qu'offre cette langue de traduire par des formules très nuancées et imagées,
avec une force d'expression percutante et incomparable, des situations de la vie
courante.
Le Basque est tout à fait différent, un peu rude au premier abord mais in-
contestablement accueillant ; il témoigne d'une apparente sympathie aux "non
basques" mais il est très long à leur accorder sa confiance ; en revanche quand
elle est acquise, elle s'avère d'une exceptionnelle et solide qualité.
Il est remarquablement respectueux, fier et amoureux de la tradition qui
marque de son sceau la majorité des manifestations folkloriques.
Attiré par l'appât du gain, le goût du voyage et de la réussite, il n'hésite pas à
émigrer vers l'Amérique du Sud ou la Californie ; plusieurs d'entre eux y ont
obtenu des postes importants et, fréquemment, réalisé de grosses fortunes.
Très croyant (certaines familles orientent systématiquement l'aîné de leurs
garçons vers le séminaire), le Basque est néanmoins un contrebandier "profes-
sionnel". Il bénéficie d'ailleurs de l'indulgence occulte du clergé pour couvrir
ses activités illégales, dans ce domaine.
Il parle une langue très ancienne, - on en situe mal l'origine -, faite de dia-
lectes dont les principaux sont le biscayen et le guipuzcoan et qui est sans rap-
port avec les langues ou idiomes voisins. Ce moyen d'expression incompris des
"non basques" cimente la grande solidarité qui règne dans ce milieu fermé.
Le français parlé par le Basque est approximatif, il l'agrémente d 'un accent
chantant et de fantaisies de syntaxe qui permettent à coup sûr de déceler son ori-
gine.
Le Basque n'entend rien à la langue béarnaise et le Béarnais, à quelques très
rares exceptions près, est dans l'incapacité absolue de comprendre les conversa-
tions et idées exprimées en langue basque.
Malgré cette disparité de mœurs, comportement, et façon de vivre, il s est
créé entre ces deux groupes ethniques un pacte tacite de respect mutuel, de consi-
dération sincère, qui débouche sur une cohabitation parfaitement cordiale.

Les premiers bureaux de placement, suivis de l'ouverture de fonds de chô-


mage, ont été mis en place, dans le département des Basses-Pyrénées, au début
de l'année 1937. Ils distribuaient aux chômeurs une aide financière modique qui
avait un caractère de "secours" et non de substitution totale ou partielle de salai-
re. Son montant était fonction des ressources de toutes natures dont disposait la
famille et variait selon sa composition (femme, enfants à charge, etc.).

Le nombre de bénéficiaires s'élevait à : 3 106 au 31 janvier 1937 ; 2 180 au


31 mars 1938 ; 1 149 au 31 mars 1939.
Il accusait donc au cours de ces trois années de référence une diminution de
50 % environ ; l'effectif des demandeurs d'emploi (non secourus) présentait une
régression analogue, ce qui permet d'affirmer que la situation de l emploi au dé-
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but de 1940, c'est-à-dire trois mois après l'entrée en période de guerre, était satis-
faisante.
En ce qui concerne les ressources économiques(l) l'agriculture domine large-
ment depuis des décennies, l'activité générale du département : 406 000 hectares
de terre sont correctement utilisées par 33 000 exploitants, avec des moyens et
techniques de travail qui commencent à peine à évoluer. Les cultures sont très
diversifiées et comprennent entre autres, la production de plantes fourragères,
légumes et fruits, vigne (vins de Jurançon notamment) et surtout le maïs qui per-
met au département des Basses-Pyrénées de se classer en tête des départements
français, producteurs de cette céréale.
Pour compléter cette activité, 12 000 hectares environ, situés d'une façon
générale en zones montagneuses sont essentiellement réservés aux pâturages.
Le patrimoine agricole est constitué par un ensemble formé d'exploitations
nombreuses et disparates, de petite ou moyenne dimension, (1 à 20 ha) d'où la
grande entreprise est pratiquement absente (on l'a évaluée à 2 % environ).
Ces petites et moyennes propriétés appartiennent dans une très forte propor-
tion (90 %) à des agriculteurs qui les exploitent, sans avoir recours à l'utilisation
de salariés. Quant aux métayers et fermiers, ils représentent environ 10 % de l'en-
semble.
Si la polyculture caractérise l'activité des agriculteurs Basques et Béarnais,
la production animale n'est pas délaissée pour autant. Elle est même très impor-
tante, tant dans le domaine des bovins (viande de boucherie et production laitiè-
re) que dans l'élevage des ovins (lait de brebis destiné à la fabrication de fro-
mages réputés (fromages dits du pays et ce qui se sait peut-être moins, fromages
de Roquefort).
La production porcine, qu'il s'agisse de la consommation familiale ou de la
destination charcutière (jambons de Bayonne) marque chaque année une pro-
gression sensible ; elle est encore l'apanage des petits élevages mais tend nette-
ment vers une évolution à caractère industriel.
L'agriculture tient donc une place prépondérante dans l'économie générale
du département. Son développement (les exploitants l'ont compris) passe par la
modernisation des techniques de production ; cette mutation s'opère progressi-
vement et permettra à ce secteur qui fait vivre 70 % environ des habitants de se
hisser, dans l'avenir, à un niveau relativement élevé, compte tenu de ses moyens
et de sa superficie.

Le secteur industriel n'a qu'une importance relative mais présente une activi-
té très diversifiée ; on y trouve : des mines de fer (production : 30 880 tonnes) ;
des mines de sel gemme (production : 75 740 tonnes) ; des mines de soufre (pro-
duction : 2 370 tonnes).
des fabriques de meubles, linge basque et béarnais, espadrilles, chaussures,
bérets, couvertures, conserves alimentaires, chocolateries, brasseries, minote-
ries, tanneries, industries métallurgiques, fonderies, marbreries, etc...
Il n'existe pas de grosses unités de production, la petite entreprise à caractère
artisanal ou familial domine nettement.

(1) Il s'agit ici de situer à grands traits, avec un maximum de concision, l'activité économique du
département des Basses-Pyrénées en 1940 et non, cela va de soi, d'une étude approfondie et complète de
son niveau ou de ses caractéristiques.
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L e s é l é m e n t s c i - a p r è s , e m p r u n t é s au r e c e n s e m e n t d e 1 9 3 6 f o n t a p p a r a î t r e ,
m i e u x q u e t o u t c o m m e n t a i r e , la p h y s i o n o m i e d e ce s e c t e u r o ù l ' o n ne t r o u v e
a u c u n é t a b l i s s e m e n t o c c u p a n t u n e f f e c t i f d e p l u s de 5 0 0 salariés.
- E t a b l i s s e m e n t n ' o c c u p a n t a u c u n salarié : 13 9 9 8
- E t a b l i s s e m e n t occupant de 1 à 5 salariés : 25 9 4 9
- E t a b l i s s e m e n t occupant de 6 à 20 salariés : 1 098
- E t a b l i s s e m e n t o c c u p a n t de 21 à 100 s a l a r i é s : 265
- E t a b l i s s e m e n t o c c u p a n t plus de 100 salariés : 33
L ' a c t i v i t é é c o n o m i q u e est d ' u n e f a ç o n g é n é r a l e s a t i s f a i s a n t e , m a i s p l u s i e u r s
entreprises qui connaissaient avant 1939 une situation florissante, enregistrent
u n e b a i s s e i m p o r t a n t e et i n q u i é t a n t e d e s c o m m a n d e s . L e s f a b r i q u e s d ' e s p a d r i l l e s ,
b é r e t s et c o u v e r t u r e s e n s o n t les p r i n c i p a l e s v i c t i m e s ; e l l e s s ' e s s o u f f l e n t p r o g r e s -
s i v e m e n t , c e r t a i n e s é t a n t c o n t r a i n t e s à la f e r m e t u r e , d ' a u t r e s au d é p ô t de bilan.
C e m o u v e m e n t de r é g r e s s i o n est, e n partie, c o m p e n s é p a r l ' i m p l a n t a t i o n d ' e n t r e -
prises r é f u g i é e s du N o r d ou du B a s s i n P a r i s i e n v e n u e s se réinstaller d a n s notre dépar-
t e m e n t , p l u s p a r t i c u l i è r e m e n t d a n s la r é g i o n p a l o i s e , o l o r o n n a i s e et b a y o n n a i s e .
Il n ' a d e ce fait q u ' u n e f a i b l e i n c i d e n c e s u r la s i t u a t i o n de l ' e m p l o i qui d e m e u -
re à u n b o n n i v e a u , m a i s il c o n s t i t u e c e p e n d a n t u n e t e n d a n c e p r é o c c u p a n t e .

Le d é p a r t e m e n t a aussi une vocation touristique affirmée.


D u r a n t les m o i s d ' é t é , il a c c u e i l l e s u r les p l a g e s de la C ô t e B a s q u e (Biarritz,
S a i n t - J e a n - d e - L u z , H e n d a y e , G u é t h a r y , B i d a r t ) de n o m b r e u x v a c a n c i e r s e n p r o -
v e n a n c e d e t o u s les c o i n s de F r a n c e et, d e p l u s e n p l u s , d e p a y s é t r a n g e r s . T o u s
les h ô t e l s , m e u b l é s , p e n s i o n s d e f a m i l l e , e t c . . . f o n t le p l e i n p e n d a n t la p é r i o d e
estivale (juin à septembre).
D ' a u t r e s , p r é f é r a n t la m o n t a g n e à la m e r , c h o i s i s s e n t de p a s s e r l e u r s v a c a n c e s
d a n s d e s s t a t i o n s c l i m a t i q u e s telles q u e C a m b o - l e s - B a i n s , L a r u n s , E a u x B o n n e s ,
E a u x C h a u d e s , G o u r e t t e , A b a s . . . o u d a n s l ' a r r i è r e p a y s b a s q u e , M a u l é o n , Saint-
Jean-Pied-de-Port, Sare, Espelette...
D è s le m o i s d e d é c e m b r e , les s t a t i o n s d e s p o r t d ' h i v e r p r e n n e n t le relais ; cel-
le de G o u r e t t e n o t a m m e n t , r e l a t i v e m e n t b i e n é q u i p é e , attire les f e r v e n t s a d e p t e s
d u s p o r t d ' h i v e r , e n p l e i n d é v e l o p p e m e n t e n 1940.
C e s a c t i v i t é s à c a r a c t è r e s a i s o n n i e r c o n t r i b u e n t u t i l e m e n t à la b o n n e s a n t é de
l ' é c o n o m i e g é n é r a l e du d é p a r t e m e n t qui a l ' é n o r m e p r i v i l è g e d ' o f f r i r à ses h a b i -
tants les p l a i s i r s d e la m e r et d e la m o n t a g n e .
E n r é s u m é , le d é p a r t e m e n t d e s B a s s e s - P y r é n é e s e s t d e d i m e n s i o n m o y e n n e
(771 0 0 0 h e c t a r e s ) , situé à l ' e x t r ê m e S u d - O u e s t d e la F r a n c e , j o u x t a n t le territoi-
re e s p a g n o l e t a y a n t a v e c ce p a y s d e s p o s t e s f r o n t i è r e s e t d o u a n i e r s à B é h o b i e ,
H e n d a y e et Canfranc.
Il e s t à d o m i n a n t e a g r i c o l e , m a i s p o s s è d e a u s s i u n e n s e m b l e i n d u s t r i e l , d o n t
l ' a c t i v i t é , t r è s d i v e r s i f i é e , est loin d ' ê t r e n é g l i g e a b l e . O n y a c c u e i l l e p e n d a n t la
s a i s o n e s t i v a l e d e n o m b r e u x t o u r i s t e s et v a c a n c i e r s et d u r a n t les m o i s d ' h i v e r des
a m a t e u r s de ski.
L e s é l e c t i o n s p r é c é d a n t la g u e r r e 1 9 3 9 - 1 9 4 5 le s i t u e n t p o l i t i q u e m e n t à droite.
L a c a r a c t é r i s t i q u e de ses h a b i t a n t s e s t la m o d é r a t i o n ; celle de l ' é c o n o m i e se tra-
d u i t p a r u n j u d i c i e u x é q u i l i b r e e n t r e les d i v e r s s e c t e u r s la c o m p o s a n t .
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C'est dans ce décor sympathique, où règne une ambiance sereine et calme


que parvient, dans le département, (éloigné des zones d'opérations) la nouvelle
stupéfiante, triste et difficilement croyable de la déroute militaire de notre armée.
La défaite suivie d'un armistice dont les conditions sont particulièrement
contraignantes pour les Français (une très lourde indemnité journalière de 400
millions de francs nous est imposée), provoque un malaise évident fait d'inquié-
tude, d'appréhension, aggravé par une sensation d'humiliation et de décourage-
ment qui modifient profondément la paisible vie quotidienne des Basques et des
Béarnais. La déception est d'autant plus cruelle qu'on avait assuré la population
de l'invulnérabilité de la tristement célèbre ligne "Maginot" construite à grands
frais pour rendre impossible l'invasion de notre territoire.
On assiste à un exode vers le Sud des populations du Nord et de l'Est de la
France, contraintes d'abandonner leurs demeures, fuyant les bombardements, le
danger, pour chercher refuge dans des régions moins exposées. Il s'effectue dans
un désarroi total, avec des moyens de locomotion de fortune, fréquemment à
pied, offrant le spectacle d'un événement déchirant dans une période incertaine
et trouble ; elle l'est en effet : plus de Gouvernement, plus de moyens de trans-
port, plus d'administration, plus de chefs militaires ou civils, plus de papiers
d'identité, plus d'ordres, aucune directive. Ceux que l'on appelle déjà des "réfu-
giés" déambulent sur les routes, sans savoir où ils vont, ayant perdu leur person-
nalité, tout sens patriotique, toute dignité, toutes ressources aussi - et ce n'est
pas la moindre de leurs préoccupations - hantés, effrayés, en outre, par la mena-
ce des bombardements aériens.
Certains ne peuvent s'empêcher de penser aux cyniques déclarations d'Hitler
dans "Mein Kampf", en particulier ce passage : "si je fais la guerre... en quelques
minutes la France, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l'Autriche seront privées de
leurs dirigeants, les armées décapitées de leurs états majors, tous les gouver-
nants liquidés. Il règnera une confusion énorme, mais je serai depuis longtemps
en relations avec des hommes qui formeront un nouveau gouvernement, un gou-
vernement à ma convenance. De tels hommes, nous en trouverons partout, nous
n'aurons même pas besoin de les acheter, ils viendront nous trouver d'eux-
mêmes, poussés p a r l'ambition, l'aveuglement, p a r la discorde partisane, par
l'orgueil".
Comment ne pas faire un tragique et redoutable rapprochement entre cette
annonce pleine de menaces et les événements du moment ? Comment ne pas
entrevoir dans le désordre de cette débâcle la "confusion énorme" prévue par le
Chef de l'Allemagne nazie ? En outre 1 500 000 Français considérés comme pri-
sonniers de guerre sont dirigés vers l'Allemagne où ils seront internés dans des
camps organisés à cet effet : les "stalags pour les soldats et sous-officiers, les
"oflags" pour les officiers et les prêtres. Pour notre département, le nombre de
prisonniers atteint 13 500 environ (8 500 Béarnais, 5 000 Basques). Cependant
la population dans son ensemble ne s'émeut pas outre mesure : pas d'affolement,
telle est la règle à observer ; il faut garder la tête froide, s'occuper de l'immédiat,
s'organiser pour aider nos compatriotes à vivre, au mieux, cette douloureuse
épreuve et, si possible, la surmonter.
L'accueil et l'esprit d'assistance dont tous font preuve sont efficaces, appré-
ciés et facilitent l'intégration de tous ceux qui ont été contraints de quitter leur
commune, leur foyer, leur famille, sans savoir, dans la plupart des cas, où ils
retrouveraient des conditions de vie décente.
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La situation est évidemment alarmante et tous s'interrogent sur un avenir qui


s'annonce bien sombre. Que se passera-t-il demain ? Quelle sera l'attitude de
l'occupant dont l'arrogance déjà accentue la réaction d'antipathie et de haine ?
Que deviendront nos libertés si durement acquises ? Comment vont se résoudre
les problèmes d'hébergement, de ravitaillement ? Entraîneront-ils un rationne-
ment alimentaire ? Prendra-t-on des mesures pour l'alimentation des enfants, des
familles, des vieillards, la scolarisation des jeunes ? Telles sont les questions pré-
occupantes et brûlantes qui alimentent la majorité des conversations.
Elles se concrétisent et s'amplifient dès la fin du mois de juin où les divisions
motorisées nazies, rutilantes et disciplinées, font leur apparition, dans une partie
du département bientôt suivies par les Services Administratifs qui s'installent,
en maîtres, sur notre sol après avoir réquisitionné les plus beaux bâtiments, les
plus somptueuses résidences, et mis en place une ligne de démarcation qui cou-
pe le département en deux (elle fera l'objet d'un chapitre spécial).
Louis Menjucq, alors âgé de 14 ans, se souvient très bien de l'arrivée des
Allemands à Orthez (Zone occupée) au cours de l'après-midi du 23 juin 1940.
Il a bien voulu m'en faire le compte-rendu ci-après : "Ce jour là, mon père, négo-
ciant en vins à Morlàas, reçut une communication téléphonique de son déposi-
taire d'Orthez, insistant pour que la livraison de sa commande soit effectuée de
toute urgence. Satisfaction lui fut donnée. Le lendemain matin vers 8 heures, sur
ordre de mon père, je prends place à côté du chauffeur, sur le siège d un vieux
camion poussif, surnommé en raison de son état, par les autres chauffeurs de la
Maison "Lou Limac" (en langue béarnaise : la limace) avec le chargement de
vin. Nous voilà partis, à la vitesse moyenne de 30 kml heure à la fois anxieux et
curieux, vers Orthez. La route est déserte, pas de barrages, pas de tanks, pas
d'Allemands. En arrivant à Castetis (4 km d'Orthez), le décor change, une dizai-
ne d'Allemands en armes surgissent d'un fossé et nous intiment l ordre de nous
arrêter, ce que nous n avons aucun mal à comprendre. Explications avec le chef
de groupe, avec gestes et paroles relevant d un charabia franco, anglais, alle-
mand, nous obtenons l'autorisation de poursuivre notre route. Pour ce faire on
nous délivre un "ausweiss" valable 6 jours qui légalise notre situation. Nous
étions, on l'apprit plus tard, les premiers Français à pénétrer dans la ville oc-
cupée depuis la veille. La livraison faite, nous reprenons la route pour rentrer à
Pau, vers 14 heures, après avoir remis l'ausweiss au chef de groupe, impression-
nés et tristes, inquiets pour la qualité de nos relations futures avec ces intrus .
Plus tard, Henri Menjucq- père de Louis- adjoint au Maire de Morlàas, appor-
tait sa contribution à la résistance en adhérant à un groupe formé par le Comman-
dant Laulhé Herou, ex-professeur à l'école de guerre, M. Laguens, Directeur
Départemental des Ponts et Chaussées, les frères Bourrou.
Henri Menjucq, les frères Bourrou, furent arrêtés, le 27 décembre 1943 a
2 heures du matin et déportés à Dachau. Libérés quelques mois après, faute de
preuves ils revinrent à Morlàas, très affaiblis. A leur actif, camouflage du maté-
riel de guerre de l'Armée Française, de réfractaires au S.T.O., réception de para-
chutages, etc... ^ . .
La population se trouve désormais en présence des réalités, l angoisse devient
de plus en plus lourde, des sentiments différents se font jour . certains ont ten-
dance à accepter - ne voyant pas d'autres issues - cette soumission quasi totale à
une armée étrangère, "primum vivere" est leur idée force, leur argument majeur ,
on entend fréquemment dire qu'il est préférable d'être vivant sous domination
allemande, que Français... mort !
Pour d'autres, au contraire, la guerre n'est pas terminée ; ils entretiennent un
esprit de revanche et envisagent, sans trop savoir comment s 'y prendre, la possi-
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bilité de s'organiser pour continuer la lutte : il faut se serrer les coudes, dit-on,
faire bloc, mettre tout en œuvre pour s'opposer à la pression allemande, gêner
l'armée d'occupation dans ses opérations stratégiques, en un mot "résister".
Le 19 juin 1940, un groupe de jeunes Palois sensibilisés par l'appel du Gé-
néral de Gaulle décide d'organiser une réunion d'information. Le but est d'étu-
dier les moyens pratiques de répondre à cet appel pour se mettre à sa disposition.
Des tracts sont aussitôt rédigés et distribués. La réunion se tiendra dans la salle
Pétron, 14, rue des Cordeliers, à Pau, le jour même à 18 heures. Le Préfet, infor-
mé par ses services de renseignements, s'y oppose. Elle aura cependant lieu dans
le hall d'entrée de la mairie de Pau groupant 800 personnes environ. A son issue,
quelques volontaires se rendent rue d'Etigny où se trouvent les garages des cars
de la société T.P.R. (Transports publics régionaux). Le soir même, puis le lende-
main, 6 à 7 cars transportent tous ceux qui avaient rapidement pris leur décision
à Bayonne et Saint-Jean-de-Luz où ils embarqueront sur des bateaux polonais et
portugais à destination de la Grande-Bretagne et du Maroc. Parmi eux, M. Daniel
Cordier qui devint à Londres le secrétaire de Jean Moulin. Cette information est
confirmée par des témoignages concordants mais aucun document l'officialisant
n'a pu être retrouvé.
Par ailleurs, animés des mêmes sentiments patriotiques, quelques Palois pren-
nent l'initiative de se réunir pour rechercher, dans un premier temps, la meilleu-
re manière de recenser et regrouper clandestinement tous ceux qui n'acceptent
pas la défaite et ont la volonté de continuer la lutte.
La réunion projetée a lieu dans une arrière salle du café Ducau (un bon et fidè-
le militant du Parti Socialiste), 5 place de la République, à Pau, le 20 juin 1940.
Aucun procès-verbal de cette première et historique prise de contact n'a été établi
(on en comprend aisément les raisons) mais on sait par des témoignages oraux
des acteurs, confirmés par les déclarations faites plus tard, par Ambroise
Bordelongue et le Préfet Baylot, lors de l'apposition d'une plaque commémora-
tive sur la façade de l'immeuble du café Ducau, que le nombre des participants à
cette réunion, ne dépasse pas celui des cinq doigts de la main.
On y trouvait notamment : Robert Lacoste, ancien Ministre ; Honoré Baradat,
Instituteur ; Joseph Santaolaria, Instituteur ; Louis Ducau, Limonadier.
Le cercle s'agrandit progressivement ; le café Ducau devint le lieu de rendez-
vous de tous ceux qui avaient décidé, malgré l'évidente et périlleuse difficulté de
l'entreprise, de continuer la lutte contre l'occupant. Parmi eux : Jean Baylot,
René Olivier, Bergnoles, Camidebat, Gaston Chaze, René Cassagne, etc... De
ces rencontres se dégage une volonté très ferme, bien arrêtée d'agir ; on trouve
chez tous les participants un même et incontestable sentiment de patriotisme, un
enthousiasme raisonné qui tient compte des mesures et précautions à prendre
pour assurer la réussite de l'entreprise dont aucun ne méconnaît et n'écarte les
indéniables risques. Il est décidé unanimement de créer une organisation clan-
destine composée de volontaires, sans distinction d'appartenance politique,
confessionnelle, philosophique ou catégorie sociale, dont l'objectif unique serait
de concourir à la recherche de tous moyens appropriés pour sortir de cette invi-
vable situation née de la défaite et porteuse de conséquences fâcheuses pour le
maintien de nos libertés.
Dès que cette organisation aura pris forme, mais seulement à ce moment-là,
les moyens d'une action efficace feront l'objet d'une étude approfondie.
Quelques mois après, un regroupement des fondateurs s'opère et réunit chez
René Cassagne, 10 rue Cazaubon Norbert à Pau quelques personnalités dont :
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M. Champetier de Ribes, ancien Ministre ; M. Henri Lapuyade, Avocat ;


M. Alexandre Sahuc, Officier Pilote d'Aviation ; M. Sauveur Cozzolino,
Négociant ; M. Bénédict Rodriguez, Courtier en grains et agrumes ; M. Honoré
Baradat, Instituteur ; M. René Cassagne, Industriel ; M. Joseph Santaolaria,
Instituteur ; M. Louis Ducau, Commerçant ; deux représentants des mouvements
de jeunes ; le Secrétaire Régional d'un mouvement de résistance tout récemment
créé à Toulouse.
Le principe de la création d'un groupement de résistance ayant été décidé par
cette assemblée, M. Champetier de Ribes prend l'initiative d'une nouvelle réu-
nion des participants, pour en arrêter les modalités.
Elle aura lieu dans un salon de l'hôtel de France, Place Royale à Pau, au début
du mois d'octobre 1940 ; M. Noel, Directeur des Contributions Directes à Pau,
était venu grossir le nombre des participants.
A l'issue de cette réunion, le mouvement "Libération Sud" qui devait deve-
nir, plus tard le mouvement "Combat", était créé dans les Basses-Pyrénées.
On enregistre également à la même période une action menée par le
Commandant Loustaunau-Lacau, initiative totalement indépendante du projet
précité, mais allant dans le même sens (l'organisation d'une association clandes-
tine pour lutter contre l'occupant). Une réunion fut organisée ; elle eut lieu à l'hô-
tel de la Paix, Place Royale à Pau.
Y participaient : Loustaunau-Lacau, Officier d'activé ; Henri et Anselme
Saüt, Commerçants ; Pierre Verdenal, Maire de Pau ; Broally, Dentiste ; Bernis,
Magistrat ; Laprade, Industriel à Arudy ; Georges Charaudeau, qui avait reçu
mission de créer un réseau de renseignements en France et dont le siège serait à
Madrid.
Le Commandant Loustaunau-Lacau fit un exposé sur la situation du moment
et proposa la création d'un organisme (réseau ou mouvement) chargé d'étudier
les moyens de continuer à se battre contre l'armée d'occupation.
L'auditoire étant réservé,"pas très chaud", peu confiant dans la réussite d une
telle entreprise, le Commandant Loustaunau-Lacau se rendit bien vite compte de
l'inutilité de poursuivre les pourparlers et ne donna pas suite à sa proposition.
Il faut mettre l'accent sur le fait qu'il n'existait aucun lien entre ces deux
groupes d'opinion politique différente, les protagonistes de l 'un ou l autre mouve-
ment ignorant réciproquement la décision de même nature prise par chacun d 'eux.
Si le Commandant Loustaunau-Lacau fut contraint, faute d'appuis, d'aban-
donner son projet, le mouvement "Combat" en revanche ne perdait pas son objec-
tif de vue ; il s'appliquait à consolider au maximum son organisation, et, agissant
méthodiquement, décidait dans un premier temps de :
- procéder à une étude approfondie pour déterminer, compte tenu des réalités
du moment, les moyens de résistance pouvant être efficacement utilisés ,
- rechercher et nommer des responsables dans le département, tâche parti-
culièrement délicate en raison des risques énormes que les erreurs de choix, dans
ce domaine, faisaient courir à l'organisation ;
- n'engager dans l'immédiat aucune action, la priorité étant donnée à la struc-
turation du mouvement, à la mise en place d'un système permettant la continua-
tion de la lutte, en cas de dénonciation ou arrestation d 'un de ses membres ,
- de limiter dans cette phase d'organisation le recrutement aux personnes
connues des fondateurs pour leurs sentiments nationaux, leur discrétion, leur
loyauté ; on s'assurait de quelques précautions supplémentaires : fréquentations,
réserve ou propension aux confidences, courage.
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La résistance prenait forme. Il restait à trouver le moyen, la filière permettant


de contacter le Général de Gaulle ou son Etat Major, les communications tradi-
tionnelles (courrier, téléphone...) étant à exclure, dans une France où elles étaient
systématiquement interceptées par l'occupant.
Or il était urgent d'informer Londres de la création dans les Basses-Pyrénées
d'un noyau de résistance tout acquis à l'esprit de la déclaration du 18 juin 1940,
formé de volontaires et prêt à l'action.
Il fallait savoir comment le Général de Gaulle concevait l'organisation, les
moyens de communication, l'articulation, l'utilisation du mouvement et connaître
l'aide matérielle et financière susceptible de lui être accordée par les services
anglais ou américains.
Autant de questions qui réclamaient une réponse indispensable et rapide per-
mettant, à la fois de développer la constitution, encore à l'état embryonnaire, du
mouvement créé et de rendre sa coopération et ses actions efficaces.
La solution ne se fit pas attendre. Elle vint de "l'extérieur". Des agents secrets
furent parachutés en France ou arrivèrent clandestinement par mer, avec mission
d'implanter dans le département un réseau de renseignements à la fois très dense
et varié.
Parmi eux, le Capitaine d'aviation Bergé, parachuté en France, le 15 mars
1941, avec entre autres missions, celle de créer en zone occupée et côtière un
réseau de renseignements militaires et économiques, de rechercher pour y parve-
nir un homme sûr pour en prendre la responsabilité et la direction. Son choix s'ar-
rêtera sur Pierre Fort domicilié à Biarritz et qui lui fut présenté par Dagouassat,
également ancien aviateur. Pierre Fort accepta sa proposition et reçut de lui toutes
les instructions nécessaires à la constitution, au fonctionnement et à l'aide finan-
cière, lui permettant de passer au stade de la réalisation.
Sa mission terminée, le capitaine Bergé rejoindra l'Angleterre (Glasgow) à
bord du sous-marin " Tigris" (nous apporterons des précisions sur l'activité de ce
nouveau réseau dans le chapitre IV).
Georges Charaudeau réseau Alibi, qui installa à Madrid, une maison de
couture pour couvrir ses activités.
Le Docteur Roche, contacté en gare de Marseille par son vieil ami d'enfance
le Capitaine Nicolas Fourcaud (fils du Docteur Fourcaud installé à Pau) qui reve-
nait de Londres où il avait rallié le Général de Gaulle.
A partir du moment où ces indispensables contacts s'établirent, la résistance
réalisait sa mise en place dans le département et devenait opérationnelle. Dès lors
son développement pouvait raisonnablement être envisagé sur des bases sûres et
quasi-officielles.

L'année 1939 marqua douloureusement le Parti Communiste, placé dans


une position ambiguë, par un événement inattendu survenant à la veille de la
déclaration de guerre.
L'Agence TASS, organe officiel d'Information de l'U.R.S.S., annonce en
effet, le 20 août 1939 la conclusion d'un pacte commercial entre l'Allemagne
d'Hitler et l'U.R.S.S. de Staline. Première bombe dont l'explosion surprend, sui-
vie le lendemain d'une seconde information encore plus ahurissante : la signatu-
re par Von Ribbentrop, au nom du régime hitlérien, d'un pacte de non agression
entre l'Allemagne et la Russie. Ces sensationnelles nouvelles, apparemment
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contraires à la ligne directrice du P.C., à son programme, à son esprit, à ses


conceptions politiques, philosophiques et militaires maintes fois affirmées, jet-
tent un trouble évident dans la population française, déjà profondément trauma-
tisée à la pensée d'une guerre inévitable, mais aussi chez les membres militants
et sympathisants du P.C., tant à la base qu'au sommet.
Au plan national, les têtes du parti soit qu'elles en reçoivent l'ordre, soit
qu'elles en prennent l'initiative rejoignent Moscou selon un itinéraire prévu
(André Marti, Victor Finé, plus tard Maurice Thorez, etc), d'autres se camou-
flent et envisagent un regroupement à caractère clandestin, d'autres enfin dans
l'incompréhension de cette union "contre nature" n'hésitent pas à donner leur
démission du parti au sein duquel ils militent souvent depuis de nombreuses
années ; certains vont jusqu'à accomplir ce geste avec ostentation.
Ce pacte de non agression entraîne le Gouvernement français à prendre les
mesures que commandent les circonstances : la première, en date du 25 août 1939
consiste à interdire la parution de L'Humanité et des journaux périodiques, satel-
lites du P.C. et qui en sont les instruments de propagande, parmi eux : Ce soir,
Regards, La Vie Ouvrière.
Un mois plus tard, sur proposition d'Edouard Daladier, le Conseil des
Ministres dont il est le Président, décide de dissoudre de plein droit le Parti
Communiste et tous ceux qui, affiliés ou non à ce parti, se conforment dans
l'exercice de leurs activités à des mots d'ordre relevant de la 3e Internationale.
Cette décision ministérielle qui fait l'objet du décret du 26 septembre 1939 pro-
voque une vingtaine de démissions dans les milieux parlementaires communistes.
Elle entraîne aussi, sur ordre du Président Daladier, dans la nuit du 7 au
8 octobre 1939, l'arrestation et l'incarcération à la Prison de la Santé de 33 res-
ponsables communistes au motif de "violation des dispositions du décret du 26
septembre 1939 (propagation des mots d'ordre de l'Internationale Communiste)".
Dans notre département, ces mêmes décisions gouvernementales provoquent
l'arrestation de 10 militants communistes, considérés sans doute comme les plus
représentatifs du Parti Communiste. Ils seront déportés en Afrique du Nord. Il
s'agit de (par ordre alphabétique) : Chauvin Henri, Gouaillardou J., Landaboure
E., Lanusse J.-B., Maire Emile, Moine André, Parnaut Sylvain, Péant Gaston,
Seguet Raymond, Serrano Séverin.
Ils resteront en Afrique du Nord pendant toute la durée de la guerre et ne
reviendront en France que 3 mois après la Libération. Le 17 novembre 1944,
Chauvin (dit Henri Ferret) écrivait en effet au Président du Comité de Libération
pour lui signaler que la "situation de pagaille qui règne à Alger ne leur a pas enco-
re permis, 3 mois après la Libération, de regagner la Métropole". Il lui deman-
dait dans ce même courrier d'intervenir auprès du Gouvernement Provisoire de
la République, du Comité National de la Résistance, du Général Catroux,
Ministre Plénipotentiaire en Afrique du Nord, pour que soit mis fin à cette into-
lérable situation. Ce qui fut fait avec une réussite totale et rapide.
Quand intervient l'armistice, le P.C. est sérieusement ébranlé, les attaques
continuelles dont il est l'objet crée, dans ses rangs, un climat d'inquiétude et de
complet désarroi ; rares sont ceux (il y en a cependant) qui se rangent catégori-
quement dans le clan des partisans de la Résistance à l'occupant. Le trouble gran-
dit chaque jour. L'Humanité dont la parution est interdite, diffuse néanmoins des
informations clandestines que beaucoup de militants et surtout d'adhérents au
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P.C. n'approuvent pas. Les 2 communiqués ci-après parus dans L'Humanité clan-
destine des 4 et 13 juillet 1940, en témoignent :

L'Humanité du 4 juillet 1940


"Travailleurs français et soldats allemands
"Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de très
nombreux travailleurs parisiens s'entretenir avec des soldats allemands, soit
dans la rue, soit au bistrot du coin.
Bravo, camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois
aussi stupides que malfaisants.
Le peuple de France veut la paix. Il demande d'énergiques mesures contre
tous ceux qui, par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nou-
veau les Français dans la Guerre. "

L'Humanité du 13 juillet 1940


"Les conversations amicales entre travailleurs parisiens et soldats allemands
se multiplient.
Nous en sommes très heureux. Apprenons à nous connaître et quand on dit aux
soldats allemands que les députés communistes ont été jetés en prison pour avoir
défendu la paix, quand on dit que, en 1923 les communistes se dressèrent contre
l'occupation de la Ruhr, on travaille pour la fraternité franco-allemande."
Lorsque les hostilités commencèrent entre l'Allemagne et la Russie (22 juin
1941), les sentiments de fraternité furent bien vite abandonnés dans notre dépar-
tement où les communistes, pas très nombreux mais actifs, participèrent à de
nombreuses opérations de distribution de tracts et d'inscriptions de V ou de graf-
fiti, en attendant de s'engager, plus tard, dans l'action en formant des unités de
combat à forme militaire : les F.T.P. (Francs-Tireurs-Partisans).
On peut considérer que les communistes s'intègrent officiellement dans les
mouvements de résistance, à partir du 15 janvier 1943. C'est, en effet, à cette
date, que Fernand Grenier, délégué du Comité Central du Parti Communiste, se
rendit à Londres pour apporter au Général de Gaulle, l'adhésion du Parti
Communiste Français, à son action.
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Chapitre 1

Les Allemands s'installent


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Dès leur arrivée dans le département, les Allemands prennent un certain


nombre de mesures.
Les officiers s'installent chez l'habitant et procèdent aux réquisitions d'usage.
Un décret interdisant à la population française, sous peine de graves sanc-
tions, d'héberger des sujets britanniques est apposé sur les murs des mairies et
édifices publics.
Le couvre-feu est instauré.
La pratique du ski est interdite.

Conformément aux dispositions faisant l'objet de l'article 2 de la convention


d'Armistice du 22 juin 1940, le département est divisé en 2 parties :
- la zone occupée qui comprend la région côtière (en gros le Pays Basque) et
montagneuse ;
- la zone libre qui englobe le Béarn et la Soule.
Au plan administratif, la plus grande partie du Pays Basque est rattachée à
la Préfecture des Landes à Mont-de-Marsan ; autre innovation, quelques commu-
nes landaises situées au nord-est de notre département passent sous le contrôle et
la gestion administrative de la zone libre (Préfecture de Pau). Cette mesure
entraîne la nomination à Aire-sur-Adour, d'un représentant du Préfet des Basses-
Pyrénées possédant les prérogatives d'un sous-Préfet, et ayant le titre de
"Secrétaire Général Intérimaire Délégué."
Les deux zones (occupée et libre) sont séparées par une ligne de démarcation
qui ne peut être franchie, dans un sens ou dans l'autre sans autorisation des forces
de surveillance françaises ou allemandes.
Les habitants domiciliés dans une zone d'une profondeur de 5 km, de chaque
côté de la ligne de démarcation, bénéficient d'un statut spécial de "frontalier". Ils
doivent être en possession d'un "laissez-passer", délivré sur leur demande par les
autorités de surveillance, document qui ne les dispense pas d'éventuels contrôles.
Aucun "laissez passer" n'est accordé, en principe, pour raisons privées.

Le tracé de la ligne de démarcation a été déterminé, dans ses détails et sur le


terrain par le lieutenant Colonel Salaün commandant le district militaire d'Oloron
et les autorités douanières occupantes.
Sa longueur totale (des Basses-Pyrénées aux Landes) était de 150 km envi-
ron, ce qui posait un sérieux problème de surveillance.
Sans tenir compte des modifications imposées par des difficultés de circula-
tion ou d'isolement de certaines propriétés, parfois coupées en deux par le tracé
initial et - il faut en convenir - résolues avec compréhension, ce "barrage" partait
de Sault de Navailles (exactement de la ferme Maysouette), commune située à la
limite nord du département et aux confins des Landes puis passait par Orthez,
Salies-de-Béarn, Sauveterre-de-Béarn, St-Palais, Saint-Jean-Pied-de-Port, pour
se terminer sur la frontière espagnole, à Arneguy (en réalité à la ferme Bachoua,
située au sud de cette commune).
Elle suivait la R.D. 133 dans toute sa longueur. Il était précisé que toutes les
communes se trouvant sur ce tracé étaient considérées comme étant en zone oc-
cupée et, de ce fait, sous contrôle et administration des autorités allemandes, (ce
point de détail avait été exigé par l'occupant).
La ligne de démarcation coupait les grands axes ferroviaires Pau-Bayonne et
Pau-Bordeaux (par Dax) ainsi que les routes Pau-Bayonne et Pau-Dax.
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Orthez qui contrôlait à la fois la circulation ferroviaire (ligne S.N.C.F. Tarbes-


Bayonne) et routière (RN.l 17) devenait du fait de sa position, le point de passa-
ge le plus important de la ligne de démarcation.
Les contrôles allemands étaient quasi systématiques en gare d'Orthez où s'ar-
rêtaient tous les trains et aux points de franchissement de la ligne de démarcation
qui coupaient les routes principales y conduisant, à savoir :
Sauveterre-de-Béarn R.D. 933
Saint-Palais R.D. 11
Larceveau - St-Jean-Pied-de-Port R.N. 118
A chacun de ces points de passage, l'occupant avait barré complètement la
route avec une barrière mouvante et installé un service de contrôle. De nom-
breuses patrouilles allemandes surveillaient jour et nuit les mouvements des pié-
tons, cyclistes et automobilistes. La nuit, la circulation était interdite entre 1 h et
4 h 30, sauf pour les personnes munies d'une autorisation spéciale : les méde-
cins, sages-femmes, ministres du culte, personnel de l'Armée, gendarmerie, poli-
ce et services publics.
La vérification des pièces d'identité était effectuée méticuleusement, elle était
beaucoup moins exigeante à l'égard des personnes se rendant de zone occupée en
zone libre. En sens contraire, les consignes étaient appliquées avec une excep-
tionnelle rigueur : les Allemands craignaient en effet l'entrée en zone occupée,
d'éléments communistes susceptibles de commettre des attentats et également
des réfugiés espagnols. Les autorités occupantes avaient demandé - par l'inter-
médiaire de la commission d'Armistice - au Gouvernement français de s'opposer
au passage en zone occupée des réfugiés espagnols se trouvant en zone libre. Des
sanctions, dont l'incorporation immédiate dans des compagnies de travailleurs
étrangers étaient prévues à l'égard de ceux qui, malgré cette interdiction, entre-
raient clandestinement en zone occupée.
En face des postes de contrôle allemand, à une centaine de mètres environ,
une deuxième barrière barrait la route installée par les autorités françaises de sur-
veillance. Des gardes mobiles y demeuraient en permanence avec la mission de
contrôler les personnes, la circulation dans la zone et d'empêcher le transport
irrégulier des marchandises.
Il existait ainsi 23 postes français de surveillance installés dans les communes
suivantes :
1 - Lacadée 10 - S a u v e t e r r e (Andrein) 17 - Arhansus
2 - Balansun 11 - S t G l a d i e 18 - Juxue
3 - Castetis - Argagnon (carrefour Rte 636 et 19 - Cibits
4 - Biron D.23) 20 - Bussunaritz
5 - Magret 12 - R i v a r e y t e 21 - St-Jean-le-Vieux
6 - Ste-Suzanne 13 - A r b e r a t s 22 - Caro
7 - Coût 14 - B é h a s q u e 23 - St Michel
8 - Salies-de-Béarn 15 - L o h i t z u n
9 - Burgaronne 16 - P a g o l l e

Les autres communes situées en zone libre, limitrophes de la ligne de démar-


cation étaient : Labeyrie - Laa Mondrans - Salles Mongiscard - Espiute -
Domezain - Bunus.
La surveillance était assurée par quatre pelotons de gendarmerie et quatre
compagnies d'infanterie (armée d'Armistice)
Soit 480 agents de contrôle français. Ils disposaient d'une seule voiture auto-
mobile et de 9 bicyclettes.
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La ligne de démarcation des Basses-Pyrénées était traversée par une seule
voie ferrée : la ligne SNCF Tarbes-Pau-Bayonne par laquelle transitaient voya-
geurs et marchandises. Au début, les autorités allemandes contrôlaient la situa-
tion des voyageurs en gare d'Orthez, où elles avaient installé leurs services.
Le même contrôle, en zone libre, s'effectuait en gare de Pau, où seulement les
personnes descendant dans cette ville, étaient identifiées par les soins de la Police
Nationale. Plus tard, "le contrôle d'Orthez" fut déplacé en gare d'Argagnon puis
en gare d'Artix.
C'est donc l'autorité militaire qui assurait la surveillance de la ligne propre-
ment dite et des postes installés à proximité.
L'autorité civile contribuait également à cette surveillance : elle avait implan-
té à l'arrière de la ligne de démarcation des "postes fixes" qualifiés par l'Admi-
nistration de véritables postes "techniques" où des fonctionnaires de la Police
Nationale procédaient aux vérifications des pièces d'identité et des "laissez-pas-
ser" aux interrogations nécessaires et le cas échéant aux arrestations.
Ces mêmes fonctionnaires assuraient aussi le contrôle des trains, pendant leur
marche, la S.N.C.F. ayant opposé un refus formel aux demandes de modification
d'horaires qui lui avaient été présentées.

Il existait 3 postes fixes : le premier à Argagnon, transféré à Artix le 7 août


1941, puis plus tard à Oloron ; le deuxième à Navarrenx et le troisième était dans
le département voisin des Landes à Grenade-sur-Adour.
Ces fonctionnaires de Police (Commissaires et Inspecteurs) étaient placés, en
ce qui concernait la surveillance des points de passage, sous l'autorité directe du
Préfet des Basses-Pyrénées.
Leur mission était de s'intéresser plus spécialement à la recherche des affaires
de contrebande, de trafic de capitaux, d'exportations ou d'importations clandes-
tines de produits interdits ainsi que d'identifier les suspects de toute nature.
Telles étaient les dispositions prises par l'occupant pour organiser la sur-
veillance, de jour et de nuit, de cette ligne de démarcation dans le but d'éviter les
tentatives de franchissement dans des conditions clandestines donc irrégulières.
Les autorités françaises à qui elle avait été imposée, en avaient accepté volon-
tiers le principe, trouvant dans cette formule, la possibilité de faire bénéficier les
habitants de la zone libre, à défaut de la liberté perdue, d'un ensemble de condi-
tions de vie, d'autant plus supportables qu'elles excluaient la présence contrai-
gnante, pesante et humiliante de l'occupant.
Cette surveillance nécessitait un contingent de militaires allemands évalué à
2 500 hommes qui étaient venus grossir la population d'Orthez (à l'époque 6 300
habitants environ). Ils avaient mission de contrôler tous les mouvements de per-
sonnes et de marchandises.
A titre indicatif, la fréquence moyenne des passages réguliers de la ligne pen-
dant les mois de juillet, août et septembre 1940, s'élevait à 800 personnes par
mois (500 dans le sens zone occupée-zone libre, 300 en sens inverse). Dès les
premiers mois de 1941 on notait une progression constante qui doublait très vite
l'intensité de ce trafic.
Un peu plus tard, en juillet 1942, les Israélites de toute nationalité cherchant
à échapper aux mesures prises à leur égard, par la Police allemande, fuyaient la
zone occupée et aussi leur pays pour se rendre en zone française libre. A cette
période le franchissement régulier (et clandestin) de la ligne de démarcation aug-
mente dans des proportions considérables. Les autorités allemandes s'en rendent
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compte et invitent le Préfet des Basses-Pyrénées à mettre un terme ("de la façon


la plus stricte") à cet exode massif et lui demandent de prendre des dispositions
pour que tous les étrangers israélites des pays ci-dessous énumérés soient immé-
diatement refoulés sur la zone occupée.
Pologne, Allemagne, ex-Autriche, Sarre, Dantzig, ex-Tchécoslovaquie, Esto-
nie, Lituanie et Russie (même les réfugiés Russes titulaires et porteurs d'un titre
Nanseng).
Le contrôle portait également sur le trafic marchandises qui prenait, lui aussi,
une importance chaque jour plus grande.
On estimait à 5 000 le nombre des colis familiaux et agricoles (dont le poids
variait entre 5 et 20 kg) expédiés mensuellement de la gare de Pau dans toutes les
directions et principalement en zone occupée. Dans les petites gares la moyenne
mensuelle des colis expédiés s'établit à 500 environ. Les expéditeurs sont évi-
demment invités à déclarer la nature de leur expédition mais on remarquait que
leur déclaration en la matière était souvent inexacte : ils faisaient notamment état
dans leur bulletin d'expédition, d'un faux nom ou d'une fausse adresse afin
d'échapper à d'éventuelles poursuites.
Le trafic des colis, par route, était contrôlé par la gendarmerie, aux points de
passage de la ligne de démarcation. Les infractions entraînaient la saisie des mar-
chandises. Il y en eut beaucoup assorties de quelques amendes ...
Malgré ce spectaculaire et important déploiement de forces assurant la sur-
veillance, "un quadrillage" des postes de passage qui se voulait parfait, la sécuri-
té des consignes données, la menace de graves sanctions pour les contrevenants
il était relativement facile, avec quelques aimables et généreuses complicités de
passer d'une zone à l'autre, surtout au début de la mise en place de la ligne de
démarcation et plus particulièrement dans la région de Saint-Palais où les forces
d'occupation étaient constituées par des Tchécoslovaques enrolés dans l'armée
allemande.
Ces complicités, on les trouvait chez des Basques et Béarnais, habitant de
chaque côté de la ligne, solidaires, intrépides, roublards, possédant l'énorme
avantage de la connaissance du terrain, des heures habituelles des patrouilles,
s'exprimant en béarnais ou en basque même en présence des Allemands si la
communication d'une information était urgente, heureux et fiers de jouer un bon
tour à l'occupant, animés, aussi malgré les risques encourus, d'un sentiment d'as-
sistance et d'humanité envers toutes les personnes victimes du régime hitlérien.
Ils mettaient tout en œuvre pour les aider à franchir cet obstacle qui, sans leur
concours, aurait présenté dans la majorité des cas une difficulté insurmontable.
La ligne qui, apparemment, favorisait les habitants de la zone libre apportait,
en réalité, à tous les Béarnais une gêne de tous les instants (difficultés de cir-
culation, limitation des échanges économiques, tracasseries administratives pour
l'établissement des "laissez-passer", contrôles quasi permanents des autorités de
surveillance, etc.) la qualité de la vie s'en trouvait sérieusement affectée et deve-
nait agaçante.
Elle ne l'était pas pour tous. Certains individus saisirent bien vite tout le pro-
fit qu'ils pouvaient tirer d'une telle situation. On assista à la création d'équipes de
"passeurs professionnels" bien organisés. Ils offraient leurs concours pour la
transmission du courrier en zone occupée, et aussi le passage clandestin de la
ligne contre ... une substantielle rémunération. Un barème de prix avait même
été établi en tenant compte des catégories de solliciteurs. Le tarif était fixé, pour
le passage de la ligne, à :
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250 F pour les engagés volontaires
500 F pour toutes personnes de nationalité française.
à partir de 2 000 F pour les Juifs français ou étrangers.
Les clients ne manquaient pas ; pour un prix forfaitaire les passeurs allaient
même les chercher dans la Région Parisienne et les accompagnaient durant tout
le voyage (le tarif s'établissait, dans ce cas, à 3 000 F, la moitié de la somme étant
versée avant le départ, le solde à l'arrivée) formule témoignant d'un sens commer-
cial éclairé...
Cette activité nouvelle et lucrative n'avait échappé ni à la Gestapo allemande
(toujours bien informée par ses agents, souvent de nationalité française) ni aux
forces de surveillance de la zone libre.
La Gestapo offrait une rétribution mensuelle à toute personne lui apportant
des renseignements sur l'identité des passeurs et filières de passage ; cette men-
sualité était augmentée d'une prime de 250 F par voyageur dénoncé.
Les passeurs arrêtés par la police allemande s'exposaient à de graves sanc-
tions ; en revanche, il n'existait aucun texte permettant à la police française, d'in-
tervenir dans les affaires de cette nature ; les passeurs le savaient et en profitaient.
Pour les personnes prises par la Police Allemande, en flagrant délit de fran-
chissement clandestin de la ligne, assistées ou non, les sanctions appliquées
variaient selon les individus, leur appartenance politique ou confessionnelle et
leur nationalité. Théoriquement, elles étaient fixées comme suit :

Français : 21 jours de prison + amende de 150 F.

Etrangers et Juifs (Français ou étrangers) :


Tarif beaucoup plus élevé à déterminer, cas par cas, ils risquaient, en outre, le
transfert dans un camp, après avoir purgé leur peine et l'on sait que cet interne-
ment était souvent l'anti-chambre de la déportation.
La ligne de démarcation - c'est indéniable - a été à l'origine d'un trafic vaste et
varié organisé par quelques individus, sans scrupules, attirés par l appât du gain
dans des conditions relativement faciles. On doit à la vérité de signaler leur exis-
tence et aussi de préciser qu'ils constituaient une faible minorité. Parmi eux .

Les passeurs : 2 catégories.


Le sédentaire qui héberge le candidat au passage, en attendant le moment
opportun.
Le spécialiste de Juifs étrangers.

Les trafiquants du "marché noir"


Eventail de marchandises très ouvert (toutes denrées alimentaires, tissus,
chaussures, essence, etc.)
Côté allemand, les militaires des forces d'occupation tentaient de se procurer :
des produits de la ferme, du vin et alcools (armagnac en particulier).
Ils s'efforçaient également de mettre la main sur le maximum de pièces de
monnaie françaises de 10 et 20 F. Ce trafic dont on ne sait s 'il était commandé par
l'autorité supérieure ou, au contraire, pratiqué à l'initiative des soldats et officiers
allemands dans leur intérêt personnel, s'est exercé pendant quelques mois, puis a
été détecté par les services des Renseignements Généraux et a cessé du jour au
lendemain après interventions du Préfet auprès du Commandant Allemand.
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On dit aussi que quelques têtes de gros bétail, dont la circulation n'était pas
réglementée en zone libre, s'égaraient parfois en zone occupée, sans qu'on puis-
se s'expliquer ces erreurs d'orientation...
Le 11 novembre 1942, les troupes allemandes en violation des conditions
d'Armistice envahissent la zone libre, occupant ainsi tout le territoire de notre
département. Contre toute attente, cette opération n'a pas pour effet de supprimer
la ligne de démarcation, elle subsiste mais la surveillance effectuée avec des
effectifs réduits par nécessité, est beaucoup moins sévère. Cette décision inatten-
due se justifie certainement par la possibilité qu'elle procure aux Allemands, de
maintenir un contrôle de la circulation routière et ferroviaire tendant à éviter le
développement du trafic économique. Ils en profitent, un peu plus tard (le 18
février 1943) pour créer une "zone réservée" située à proximité de la frontière
Espagnole et dont l'accès est " interdit à toute personne, quelle que soit sa natio-
nalité, qui n'aura pas obtenu, pour s'y rendre, un titre de circulation réglementai-
re". Cette zone interdite comprend les 20 communes ci-après de l'arrondissement
d'Oloron : Aincille, Caro, Esterençuby, St Michel, Ahaze, Lecumberry, Mendive,
Behoteguy, Larrau, St Engrace, Arette (en partie), Lourdios, Osse, Lee-Athas,
Lescun, Cette Eygun, Borce, Etsaut, Urdos, Laruns (en partie). De toute éviden-
ce, cette mesure a été prise pour mieux surveiller cette partie du département, par
où passent des itinéraires conduisant en Espagne.

Après quelques mois d'occupation, le Haut Commandement Allemand crai-


gnant, à plus ou moins longue échéance, un débarquement des forces alliées sur
les côtes françaises, décida d'entreprendre des travaux de fortification.
Opération de grande envergure, mais absolument nécessaire, pensait-il pour
refouler ou tout au moins ralentir les offensives des éventuels envahisseurs.
Dans notre département, un immense chantier fut ouvert, dès le mois de
décembre 1941 sur toute la région côtière (d'Hendaye à Boucau) qui fut truffée
d'ouvrages de défense en béton armé, comprenant des postes d'observation, des
batteries de D.C.A., des casemates et blockhaus munis de canons lourds et de
mitrailleuses (armement provenant très fréquemment de l'Armée Française et,
également d'origine russe, vraisemblablement prises de guerre).
On rencontrait partout ces inesthétiques blockhaus et tobrouks (casemates et
abris pour hommes, armes, munitions) parfois camouflés en villas d'agrément
sur toute la longueur de la côte, en bordure des plages ainsi que sur les princi-
paux points stratégiques.
Il y en avait à :
Hendaye : (ville et grande plage) à la baie de Chingoudy, près de la voie fer-
rée Hendaye-Paris, de la route Hendaye-Ciboure, voies d'accès placées ainsi sous
surveillance permanente.
Socoa-Saint-Jean-de-Luz : Batterie de D.C.A. près de la tour de Bordagain
qui domine toute la baie de St-Jean-de-Luz ; au fort de Socoa (construit par le
Maréchal Vauban, Commissaire Général des fortifications en 1678) sur la route
qui va de la tour de Bordagain à Socoa, à la Pointe Ste Barbe, à la plage Erro-
mardie, etc.
Bidart-Guéthary et Ilbarritz sur les plages.
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Biarritz : Plage de Marbella, Miramar, Côte des Basques, Grande Plage de


bordure, notamment sous la terrasse de l'Hôtel du Palais) Rocher de la Vierge,
Chiberta, Phare de Biarritz, Chambre d'Amour.
Bayonne : Embouchure de l'Adour, Arènes.
Boucau-Tarnos : Département des Landes limitrophe des Basses-Pyrénées.

Outre ces ouvrages défensifs, des obstacles étaient disposés sur toutes les
plages, de manière à entraver la progression d'engins ou de troupes. Ils consis-
taient en pieux (en bois ou en fer), rails, hérissons métalliques, chevaux de frise,
tétraëdres en béton, etc.
Pour les départements des Landes et des Basses-Pyrénées, la côte atlantique
était divisée en 5 secteurs (1) :
F.5 : de Mimizan à Ondres (Landes) - Ses 72 km ne sont défendus que par
7 batteries dont 4 anti-aériennes.
F.6 : de Ondres à Bidart - 5 batteries dont 2 anti-aériennes sur 11 km.
F.7 : de Guéthary (en aval et en amont de Guéthary) - 6 km.
Pas de batterie.
F.8 : d'Erromardie à la Pointe Ste Anne -10 km - 5 batteries.
F.9 : de la pointe Ste Anne à la frontière espagnole - 3 km - 2 batteries.

L'édification de l'ensemble des fortifications côtières avait été confiée à l'or-


ganisation allemande Todt, spécialisée dans ce genre d'opérations puisque c'est
elle qui avait déjà construit avant guerre, pour le compte de la Wehrmacht, tous
les ouvrages de la ligne Siegfried.
Pour mener à bien son programme de construction elle occupait un effectif
de travailleurs qui variait de 1 100 au début des travaux à 1 500, en période de
pointe.
Cette main d'œuvre était constituée par des volontaires et des jeunes réquisi-
tionnés.
L'engagement chez Todt permettait d'éviter le départ en Allemagne des jeunes
gens soumis par des textes légaux (votés par le Gouvernement de Vichy) à l'obli-
gation du "Service du Travail Obligatoire" (S.T.O.).
Prisonniers de guerre français, en majorité originaires d'Afrique noire et in-
ternés dans des camps de la région bayonnaise.
Une main d'œuvre locale composée, en majorité, de travailleurs sans emploi,
volontaires ou à défaut réquisitionnés, fournie par les communes de l arrière Pays
Basque.
Un faible effectif de travailleurs et cadres allemands (14 % au début, 3 % un
an après).
Tous ces ouvriers recevaient un salaire relativement élevé (3000 F environ
par mois), taux largement supérieur aux salaires couramment pratiqués, à cette
époque, dans la région.
Les services techniques de l'organisation Todt s'étaient installés à l hôtel
Régina à Biarritz, ceux s'occupant du recrutement et de la gestion du personnel,
rue Thiers à Bayonne.

(1) "Quand Hitler bétonnait la côte Basque" par J. Sallaberry.


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Pour construire les fortifications du "mur de l'Atlantique", les Allemands ont


utilisé d'énormes quantités de matériaux (ciment, ferraille, béton armé, etc.) et
investi dans la réalisation de leur plan des sommes considérables dont le finan-
cement a été vraisemblablement assuré par le Trésor Français et prélevé sur
les exorbitantes indemnités imposées à la France, par le Traité d'Armistice
(400 000 000 de francs par jour).
Tout cet ensemble n'a donc servi à rien, si ce n'est à léguer à nos attrayantes
plages, de détestables témoins -il en existe encore- rappels bien tristes de cette
période douloureusement vécue.

La propagande fait partie de l'arsenal des armes allemandes. Elle est utilisée,
sur le plan psychologique, par tous les moyens de pression (cinéma, radio, dis-
tribution de tracts, de photos d'Hitler et de Pétain) pour saper le moral de la popu-
lation française.
L'un des instruments favoris, en la matière, est la création d'émission en lan-
gue française, à partir du poste émetteur de radio Stuttgart. Là, un traître fran-
çais, Ferdonnet, marié à une Allemande, s'efforce de convaincre ceux qui l'écou-
tent de l'invincibilité, de la domination totale et irréversible de l'omni-présence,
de l'omni-science du peuple allemand et de son armée. (Ferdonnet, à la Libé-
ration, sera arrêté, jugé et fusillé).
Radio Stuttgart déclare avoir des indicateurs partout en France, sait ainsi tout
ce qui s'y passe, sans en ignorer les détails. En voulez-vous une preuve ? dit-il un
jour : Je vais vous énoncer le menu affiché aujourd'hui, à l'Hôtel Continental à
Pau, ce qu'il fait avec exactitude (information bien facile à connaître, l'Hôtel
Continental est rempli d'officiers allemands ; il suffit d'un appel téléphonique
pour l'obtenir) mais les Palois sont tout de même impressionnés, le but est atteint.
Il critique systématiquement dans ses émissions le rôle et l'action de Winston
Churchill (vous savez Monsieur W.C. dit-il) avec un manque de respect qu'il qua-
lifie d'humour, il avait promis la libération de la France "avant que tombent les
feuilles... et les feuilles sont tombées" et il ajoute : Oh Churchill, où es-tu ? Où
sont tes soldats ? Ces déclarations sont reprises dans des tracts distribués à la
population française (Cf annexe p. 334).
L'objectif est d'accréditer l'idée que la France est désormais soumise à l'auto-
rité allemande, que la Résistance même avec le soutien des Alliés n'a aucune
chance de réussite.
De son côté, Goebbels proclame : "L'an 1789 sera rayé de l'Histoire." Les
actions de propagande sont bien orchestrées, elles s'effectuent dans deux direc-
tions : la séduction et l'intimidation.

Toutes les occasions, tous les moyens permettant de capter la sympathie des
Français sont exploités :
Par exemple, le mardi 21 avril 1941(l) les autorités allemandes de Salies-de-
Béarn ont fait défiler dans les rues de la ville 34 tombereaux de pommes de ter-
re. Cours du Jardin Public, au moment de la sortie des écoles, les conducteurs
des véhicules ont lancé des pommes de terre sur la route. Des enfants en ont
ramassé, des femmes sont arrivées auxquelles les Allemands ont demandé de se
munir de sacs de provision, elles les ont remplis de pommes de terre ; pendant ce
temps, un soldat allemand a filmé la scène, faisant poser les femmes en ayant

( 1) Archives privées de M.-H. Baradat (Rapport de Police Sécurité Nationale du Poste d'Argagnon).
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s o i n d e c h o i s i r l e s p l u s j o l i e s . Il a é t é d i s t r i b u é , a i n s i , 1 0 0 k g d e p o m m e s d e t e r r e
environ.

C e t t e o p é r a t i o n n'avait d'autre b u t q u e de m e t t r e e n é v i d e n c e , lors d'une pro-


c h a i n e p r o j e c t i o n c i n é m a t o g r a p h i q u e d e s actualités, les s e n t i m e n t s h u m a n i t a i r e s
et l ' e x t r ê m e g é n é r o s i t é de l'occupant.

A u cours d e cette prise de vues, un enfant -Jean Hilaire- qui n'avait pas parti-
c i p é à la d i s t r i b u t i o n et qui s ' a c c r o c h a i t à l'une d e s voitures, en a été c h a s s é à
c o u p s de f o u e t p a r les A l l e m a n d s et blessé à u n œil.

S o u s f o r m e de tracts, l'occupant diffuse des informations sur l'organisation


d e s m o u v e m e n t s de r é s i s t a n c e et r a p p e l l e les s a n c t i o n s a u x q u e l l e s s ' e x p o s e n t les
volontaires lors de leur e n g a g e m e n t dans ces unités paramilitaires : "Tout Franc-
T i r e u r pris les a r m e s à la m a i n s e r a e x é c u t é s a n s j u g e m e n t . "
( C f d o c u m e n t s originaux, a n n e x e p. 335).
S é d u c t i o n et i n t i m i d a t i o n : politique de l'utilisation de la carotte et du b â t o n
qui a p o u r effet d ' a s s u r e r les arrières d e l ' A r m é e A l l e m a n d e d ' O c c u p a t i o n .
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Chapitre II

La vie quotidienne
à l'époque de Vichy
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Dans une ambiance caractérisée par une tristesse collective, les tradition-
nelles habitudes de vie sont bouleversées, des informations circulent sans arrêt,
l'une chassant l'autre, sans qu'il soit possible d'établir avec précision ni leur sour-
ce ni leur authenticité. Elles sont souvent contradictoires, sensationnelles, à pei-
ne crédibles et causent un total désarroi.
On apprend - la nouvelle est rapidement confirmée par la presse et la radio
française - que le Maréchal Pétain en poste d'Ambassadeur à Madrid vient d'être
rappelé par le Président de la République. Il a été choisi pour prendre contact
avec l'ennemi, obtenir la cessation des hostilités et assumer dans cette période
difficile, la responsabilité de régler au mieux de nos intérêts toutes les opérations
qui découlent de cette nouvelle et pénible situation.
Il accepte cette mission et est investi des pleins pouvoirs par un vote majori-
taire (80 parlementaires ont voté contre) de l'Assemblée Nationale.
Le Maréchal Pétain devient, le 17 juin 1940, (il a 84 ans) le Chef de "l'Etat
Français". Le terme de République n'a déjà plus cours...
Son passé militaire glorieux, son prestige - il est le vainqueur de la bataille de
Verdun en 1916 et le Commandant en chef des Forces Françaises au moment de
la victoire définitive de 1918 - font que sa nomination à ce haut poste dans les
circonstances du moment est favorablement accueillie par le peuple de France. Il
lui accorde sa confiance sans réserve et a pour son courage et son dévouement
une incontestable vénération. On le qualifie même, la propagande aidant, de sau-
veur de la Nation Française.
Dès sa prise de pouvoir le Maréchal Pétain s'adresse à l'adversaire et lui
demande dans les termes ci-après "de rechercher, avec nous, entre soldats, après
la lutte et dans l'honneur, le moyen de mettre un terme aux hostilités. "
Sa requête est examinée par le Commandement Militaire Allemand et
l'Armistice signé le 22 juin 1940, à 18 h 30 en forêt de Compiègne. Il le sera éga-
lement avec l'Italie quelques jours après.
La IIIe République n'est plus, elle est remplacée quelques heures plus tard le
10 juillet 1940 par "l'Etat Français" qui se qualifie de régime de liberté, autori-
taire et révolutionnaire.
A la déjà vieille devise républicaine "Liberté, Egalité, Fraternité" le nouveau
régime substitue celle de "Travail, Famille, Patrie."
Le Gouvernement français qui s'était replié à Bordeaux au moment de la
débâcle décide de transférer l'ensemble de ses services à Clermont-Ferrand où il
ne fera qu'un court séjour (48 heures) et s'installera définitivement à Vichy dont
la situation géographique, les possibilités d'accueil et d hébergement permettent
une réorganisation dans des conditions meilleures et des délais plus rapides.
Le Gouvernement est remanié immédiatement et composé comme suit :
Président du Conseil : Maréchal Pétain
Vice-Président : Camille Chautemps
Justice : Frémicourt
(Premier Président de la Cour de Cassation)
Défense Nationale : Général Weygand
Guerre : Gérard Colson
Marine Militaire : Amiral Darlan
Air : Général Pujo
Affaires étrangères : Paul Baudoin
Intérieur : Pomaret
Education Nationale : Ribaut (Professeur à la Sorbonne)
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Colonies : Rivière
Travaux Publics
et Transmissions : Frossard
Agriculture et Ravitaillement : Cichéry
Travail : Février
Anciens Combattants et
famille Française : Ybarnegaray
Sous-secrétaires d'Etat-
Présidence du Conseil : Alibert, Conseiller d'Etat Honoraire
Réfugiés : Schumann

Ce nouveau Gouvernement a tenu dans la nuit du 18 au 19 juin 1940 son pre-


mier Conseil des Ministres sous la présidence de M. Albert Lebrun.
Il a procédé à un premier examen de la situation diplomatique et militaire ; la
presse laisse entrevoir l'annonce de graves décisions prises au cours de ce
Conseil.
A la même période et dans le même contexte de ces événements historiques, le
Général de Gaulle qui entre-temps a rallié l'Angleterre, s'installe à Londres, -
4 Carlton gardens - et lance au micro de la radio britannique (B.B.C.)(I) son célèbre
appel du 18 juin "conviant tous les Français où qu'ils se trouvent à s'unir à lui,
dans l'action, dans le sacrifice et dans l'espérance"(2). Son initiative amène le tri-
bunal Militaire de la 13e Région à prononcer à son égard, le 3 août 1940, un juge-
ment le condamnant à mort, à la dégradation et à la confiscation de ses biens sous
l'inculpation de "trahison, d'atteinte à la sûreté de l'Etat et désertion en temps de
guerre. "
De leur côté, et dans la même semaine, les Allemands proclament, le 20 juin
1940, une charte fixant les règles de l'occupation et des rapports qui s'établiront
entre l'armée allemande et la population française. En voici le texte "in extenso" :
"L'armée allemande garantit aux habitants pleine sécurité personnelle et
sauvegarde de leurs biens. Ceux qui se comportent paisiblement et tranquille-
ment n'ont rien à craindre.
"Tout acte de violence ou de sabotage, tout endommagement ou détourne-
ment de produits récoltés, de provisions de guerre et d'installations de tout gen-
re, ainsi que l'endommagement d'affiche de l'autorité occupante, seront punis.
Les usines à gaz, d'électricité, d'eau, les chemins de fer, les écluses et les objets
d'art se trouvent sous la protection particulière de l'armée occupante".

"Seront passibles du tribunal de guerre les individus inculpés d'avoir commis


les faits suivants :
—1. Toute assistance prêtée à des militaires non Allemands se trouvant dans
les territoires occupés.
- 2. Toute aide à des civils qui essayent de s'enfuir vers les territoires non
occupés.
- 3. Toute transmission de renseignements au détriment de l'armée alleman-
de et du Reich, à des personnes ou à des autorités se trouvant en dehors des ter-
ritoires occupés.
- 4. Tous rapports avec les prisonniers.

(1) B.B.C. : British Broadcasting Corporation


(2) Texte complet de l'appel : annexe 1, p. 332.
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- 5. Toute o f f e n s e à l ' a r m é e a l l e m a n d e et à s e s chefs.
- 6. L e s a t t r o u p e m e n t s d e r u e , les d i s t r i b u t i o n s d e t r a c t s , l ' o r g a n i s a t i o n d ' a s -
semblées p u b l i q u e s et de manifestations qui n ' a u r o n t p a s été a p p r o u v é e s a u p r é a -
l a b l e p a r le c o m m a n d e m e n t a l l e m a n d .
- 7. Toute p r o v o c a t i o n a u c h ô m a g e v o l o n t a i r e , t o u t r e f u s m a l i n t e n t i o n n é d e
travail, toute g r è v e ou lock-out.
"Les s e r v i c e s p u b l i c s , la p o l i c e et les é c o l e s d e v r o n t p o u r s u i v r e l e u r activité.
L e s c h e f s et d i r e c t e u r s s e r o n t r e s p o n s a b l e s e n v e r s l ' a u t o r i t é o c c u p a n t e d u f o n c -
tionnement loyal des services.
"Toutes les e n t r e p r i s e s , les m a i s o n s d e c o m m e r c e , les b a n q u e s p o u r s u i v r o n t
l e u r t r a v a i l . Toute f e r m e t u r e i n j u s t i f i é e s e r a p u n i e . "
"Tout a c c a p a r e m e n t d e m a r c h a n d i s e s d ' u s a g e q u o t i d i e n est i n t e r d i t . "
"Il s e r a c o n s i d é r é c o m m e a c t e d e s a b o t a g e .
" T o u t e a u g m e n t a t i o n d e s p r i x e t d e s s a l a i r e s a u - d e l à d u n i v e a u e x i s t a n t le
j o u r d e l ' o c c u p a t i o n est interdite. Le taux du c h a n g e est fixé c o m m e suit :
"7 f r a n c f r a n ç a i s p o u r 0 , 0 5 R e i c h s m a r k . L e s m o n n a i e s a l l e m a n d e s d o i v e n t
ê t r e a c c e p t é e s en p a i e m e n t . "

L e s p r e m i è r e s m a n i f e s t a t i o n s du n o u v e a u r é g i m e se t r a d u i s e n t p a r la p r i s e de
m e s u r e s i n j u s t e s , s é v è r e s e t i n h u m a i n e s à l ' é g a r d d e s Juifs s é j o u r n a n t ou r é s i d a n t
s u r le t e r r i t o i r e f r a n ç a i s : o r d r e e s t d o n n é a u x s e r v i c e s a d m i n i s t r a t i f s c o m p é t e n t s
de les r e c e n s e r et d e les p o u r c h a s s e r .
D a n s la p a r t i e o c c u p é e de n o t r e d é p a r t e m e n t les I s r a é l i t e s s o n t m i s d a n s l'obli-
g a t i o n , s o u s p e i n e d e g r a v e s s a n c t i o n s , d e p o r t e r s u r l e u r s v ê t e m e n t s de f a ç o n
o s t e n s i b l e u n e é t o i l e j a u n e q u i les d i s t i n g u e r a d e s a u t r e s h a b i t a n t s ; e n o u t r e il
l e u r e s t d é s o r m a i s i n t e r d i t de r e m p l i r d e s f o n c t i o n s a d m i n i s t r a t i v e s o u a y a n t u n
caractère officiel.
P u i s , s u r s a l a n c é e , le G o u v e r n e m e n t d é c i d e p a r u n t e x t e a d o p t é e n c o n s e i l
d e s M i n i s t r e s , le 14 a o û t 1 9 4 0 , la s u p p r e s s i o n d e s s o c i é t é s s e c r è t e s e t i n t e r d i t
é g a l e m e n t a u x m e m b r e s a p p a r t e n a n t a u x d i v e r s e s o b é d i e n c e s m a ç o n n i q u e s , l'ac-
cès a u x e m p l o i s de la f o n c t i o n p u b l i q u e .
T o u s les f o n c t i o n n a i r e s e n p l a c e au m o m e n t de la p r o m u l g a t i o n de ce texte,
s o n t t e n u s d ' a d r e s s e r a u x p r é f e t s d o n t ils r e l è v e n t , u n e d é c l a r a t i o n s u r l ' h o n n e u r
d ' a p p a r t e n a n c e o u d e n o n a p p a r t e n a n c e à u n e s o c i é t é s e c r è t e . J u i f s et f r a n c s -
m a ç o n s s o n t d o n c les p r e m i è r e s c i b l e s , les p r e m i è r e s v i c t i m e s d u n o u v e a u régi-
m e . L e s m e s u r e s c o n t r a i g n a n t e s q u i l e u r s e r o n t r é s e r v é e s d a n s l'avenir, i r o n t
d ' a i l l e u r s e n s ' i n t e n s i f i a n t ; e l l e s f e r o n t r e s p e c t i v e m e n t l ' o b j e t d ' u n c h a p i t r e spé-
cial.
C e p r e m i e r t r a i n d e d é c i s i o n s p o r t a n t a t t e i n t e à la l i b e r t é et à la d i g n i t é d e s
F r a n ç a i s n e s ' a r r ê t e p a s là ; les p a r t i s p o l i t i q u e s s o n t d i s s o u s e t i n t e r d i t s ; la m ê m e
m e s u r e f r a p p e les o r g a n i s a t i o n s s y n d i c a l e s et l ' o c c u p a n t i n s t a u r e p o u r t o u s les
h a b i t a n t s d u d é p a r t e m e n t u n " c o u v r e - f e u " b i e n g ê n a n t . S o n r e s p e c t est p l a c é s o u s
le c o n t r ô l e et la s u r v e i l l a n c e d e s s e r v i c e s d e d é f e n s e p a s s i v e de c r é a t i o n r é c e n t e .
L a c i r c u l a t i o n de la p o p u l a t i o n c i v i l e e t d e s v é h i c u l e s d e t o u t e s s o r t e s e s t
i n t e r d i t e ( a r r ê t é p r é f e c t o r a l du 2 2 j u i n 1 9 4 0 ) d e 21 h e u r e s à 5 h e u r e s du m a t i n .
C e t t e i n t e r d i c t i o n ne v i s e p a s les p e r s o n n e s m u n i e s d ' u n o r d r e de m i s s i o n ou d 'un
" l a i s s e z - p a s s e r " e n p a r t i c u l i e r les m é d e c i n s d é t e n t e u r s d e l ' u n e de c e s p i è c e s
appelés à d o n n e r des soins urgents aux malades.
L a l i b e r t é se r é d u i t p r o g r e s s i v e m e n t à d e s l i m i t e s de p l u s e n p l u s é t r o i t e s , le
m o u v e m e n t v a r a p i d e m e n t a f f e c t e r le s e c t e u r d e l ' a l i m e n t a t i o n où de g r a v e s res-
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trictions sont envisagées puis officiellement annoncées : le pain, les farines, la


viande, les matières grasses, le sucre, le vin, le café (l'orge grillée le remplacera)
le tabac (on roule déjà des cigarettes en utilisant la barbe des épis de maïs) les
pommes de terre auxquelles se substituent les topinambours, etc. Autant de den-
rées et produits touchés dans l'immédiat ou dans un avenir très proche, par un
rationnement rigoureux et, on le craint, progressif.
D'autres secteurs suivront, ceux des chaussures, cuirs et peaux, articles tex-
tiles, charbon, bois, pneumatiques, essence (l'auto est remplacée par la bicyclet-
te... quand on a la chance d'en posséder une car il n'est plus possible d'en ache-
ter). On assiste à l'apparition d'un appareil très encombrant monté sur les
automobiles plus particulièrement sur les véhicules assurant le transport des mar-
chandises ou des personnes : le "gazogène" qui permet d'utiliser du bois (il en
faut de grosses quantités) pour supplanter l'essence dans le fonctionnement des
moteurs. C'est un chambardement total des conditions de vie, des habitudes
prises (et l'on sait combien il est difficile de s'en séparer) qui met la population
dans l'obligation inéluctable de s'adapter à un nouveau mode d'existence, à la fois
morose et privatif de liberté, notamment, celle si appréciée de pouvoir exprimer
sa pensée sans contrainte.
L'occupant interdit aussi l'écoute des émissions radiophoniques étrangères, en
général, de la radio anglaise en particulier : la B.B.C. diffuse, en effet, chaque jour
à diverses heures des directives et informations destinées aux Français : elles per-
mettent d'apporter un correctif aux fadaises et rodomontades de la radio française,
sous l'opinion publique et prône une étroite collaboration pour "parvenir ensemble
à la réussite de la Révolution Nationale", ce mouvement qui se réclame de la civi-
lisation chrétienne et constitue l'objectif prioritaire de ce nouveau gouvernement.
Malgré cette interdiction - assortie elle aussi de sanctions - une forte majori-
té de Français écoutent ou plutôt s'évertuent à écouter les émissions de Londres
qui sont "brouillées" par les Allemands pour les rendre inaudibles. Elles sont
attendues avec une impatience fébrile : on y trouve des informations sur la situa-
tion et les revers de l'Armée Allemande, l'évolution de la guerre et surtout le
réconfort et l'assurance d'avoir bientôt à nos côtés l'Angleterre et l'Amérique pour
nous aider, de toutes leurs forces, à continuer la lutte contre l'occupant.
On se rend, en général le soir, chez des voisins ou amis (des vrais) pour se
réjouir ensemble, fenêtres et portes occultées, des nouvelles diffusées par les ser-
vices de la B.B.C., dans cette émission si appréciée ."Les Français parlent aux
Français". Cela fait du bien, on va se coucher ensuite, le cœur moins gros...
Ces réunions ne sont pas sans danger, il faut éviter d'être pris en flagrant délit
par les autorités occupantes ou ... dénoncé par des Français qui ont déjà opté pour
le nouveau régime dans la perspective d'un bénéfice matériel ou relationnel.
Certains, et c'est là qu'est le danger, sont motivés dans leurs dénonciations par un
sentiment de jalousie, voire de vengeance, trouvant dans de tels actes de déla-
tion, le moyen de régler à leur avantage, une querelle de voisinage ou de famille
mineure dans la plupart des cas.
Ces situations difficilement décelables ne sont pas rares, elles existent et
conduisent ceux qui refusent le principe de collaboration à une attitude de
méfiance à l'égard de tous, dans les actes quotidiens de cette nouvelle vie car,
incontestablement la manière de vivre dans le département s'est transformée en
quelques semaines : le climat social, la chaleur humaine qui font le charme des
petites et moyennes agglomérations, disparaissent progressivement et font place
à une ambiance de défiance affligeante. D'où la nécessité éprouvée par quelques
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Palois - résistants potentiels - d'échanger leurs impressions et prendre le cas


échéant des dispositions dans la mesure où ils le peuvent pour remédier à cette
triste évolution. Ils se réunissent, tous les lundis, chez Fernand Peyrède, café gla-
cier rue Carnot à Pau, on y rencontre Henri Lasvignotte, René Chassagne,
Ambroise Bordelongue, Louis Larqué (qui sera plus tard arrêté par la Gestapo et
déporté : il ne reviendra pas), Paul Cassou, Jacot, etc. Sous les pseudos respec-
tifs de "Le Vicomte" Jean -Pierre, "Michel" ils deviendront plus tard des respon-
sables de mouvements de résistance.
Pour l'instant, cette dégradation des relations humaines est un réel sujet d'in-
quiétude, d'autant qu'elle s'accompagne d'une menace qui plane sur la population :
la rigueur du rationnement alimentaire annoncée par le gouvernement et dont
l'entrée en vigueur est imminente.

En 1940, le Conseil Municipal de Pau est celui qui fut élu (pour 6 ans) aux
dernières élections de mai 1935. Après entente entre les candidats, il avait été
décidé l'établissement d'une liste, sans tendance politique apparente, qui se pré-
sentait aux électeurs sous la dénomination de : "liste de conciliation et d'action
municipale". Elle était composée comme suit (par ordre alphabétique) :
MM. Ancibure, pharmacien Lacoste, maire sortant
Docteur Aris Lapuyade, avocat
Baylaucq, commerçant Larrouy, conseiller sortant
Bernis, hôtelier Lassalle Barrère, avoué
Bijon, avocat Legrand, avocat
Boudon, avocat Peborde, industriel
Carrouche Plaa, correspondant de presse
Carassus, ancien combattant Plasteig, négociant
Challe, architecte Docteur Rozier
Chaux Méqué, professeur agrégé Sallenave, droguiste
Couget, industriel Saupiquet (docteur)
Dulau, industriel Simian (docteur)
Genevet, ingénieur Suberbie, négociant
Heïd, industriel Tonnet, libraire, imprimeur
Herskowiza, négociant Verdenal, avocat
M. Lacoste fut élu Maire. Les postes d'adjoints échurent à : Me Lapuyade,
Docteur Rozier, M. Sallenave.
Le décès de M. Lacoste nécessita l'élection d'un conseiller municipal,
Gaston Chaze, Socialiste, fonctionnaire (enregistrement) fut élu.
Le Conseil Municipal se donna alors pour maire Maître Verdenal
Adjoints : M. le Docteur Saupiquet, Ancibure et Challe.
En 1941, les élections n'étant pas autorisées, le Conseil Municipal, par déci-
sion du Gouvernement de Vichy, fut remanié.
Me Verdenal qui, entre temps, était devenu Conseiller National du Gouver-
nement Pétain, fut confirmé dans ses fonctions de Maire et procéda à la nomina-
tion d'un 4e adjoint : M. Plasteig, commerçant.
Il conserva comme conseillers municipaux : MM. Aris, Baylaucq, Bijon,
Couget, Heïd, Lasalle Barrère, Legrand.
6 nouveaux conseillers, vraisemblablement cooptés, complétèrent cette équi-
pe : MM. Alliez (Gaz et Électricité), socialiste et syndicaliste, Dubernet, artisan,
Loustalan, publiciste, prisonnier de guerre en Allemagne, Mestressat, agricul-
teur, Terré, commerçant. Une femme : Madame Jacquenet.
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Ce nouveau conseil municipal décida, au cours de sa séance d'installation, de


rédiger et voter une motion au Maréchal Pétain, dont voici le texte :
"Le Conseil Municipal de Pau, à l'occasion de son entrée en fonction, prie
M. le Maréchal Pétain d'agréer l'expression de sa respectueuse fidélité et de son
entier dévouement. Il adresse au Chef de l'État l'assurance de son adhésion una-
nime à son œuvre de redressement et de rénovation nationale qui rétablira dans
l'unité française, la grandeur de la patrie." (Voir en annexe p. 336 la réponse du
Maréchal Pétain publiée dans le Patriote, le 6 avril 1941.)
M. Lasalle Barrère, conseiller municipal, propose également de donner à la
place du palais de Justice à Pau le nom de "place du Maréchal Pétain" (délibéra-
tion du 4 février 1942). A la libération du département, cette place fut à nouveau
débaptisée, elle devint et est toujours la place de la Libération.

L'entrée en guerre de la France en 1939 a permis aux Basques et Béarnais de


faire connaissance avec le régime de rationnement et d'en "apprécier " les consé-
quences contraignantes. Déjà, l'essence en raison des besoins prioritaires de
l'Armée a fait l'objet d'une réglementation, dès le mois d'octobre 1939, sous la
forme de distribution de bons. La "ration" se limitait à 10 litres attribués à toute
personne qui, pour des raisons valables, en faisait la demande à l'organisme de
distribution (l'Automobile Club). Le pain fut également rationné à la même
époque. Contrairement à ce que l'on a coutume de croire, le principe du ration-
nement économique et alimentaire ne date pas de l'arrivée des Allemands sur
notre territoire. Il avait été mis en place et fait l'objet d'une Instruction
Ministérielle du 19 juin 1939, c'est-à-dire en pleine période de guerre. Il en est de
même de l'instauration de la carte d'alimentation dont les modalités d'utilisation
sont de ce fait connues des usagers. Avant l'Armistice, ce système n'a été employé
que pour la distribution de quelques rares denrées de première nécessité mais dès
la fin juin 1940 la liste des produits alimentaires rationnés va s'allonger et affec-
ter d'autres secteurs (chaussures, textiles, charbon, tabac, etc.).
Quelles étaient les modalités du système de distribution ? Il faut savoir en
premier lieu que les consommateurs étaient répartis en catégories donnant droit
à des rations différentes, fixées en fonction de l'âge et du travail effectué.
En voici la ventilation :
Cat. E Enfants de moins de 3 ans
Cat J 1 Enfants des 2 sexes âgés de 3 à 7 ans révolus.
Cat. J 2 Consommateurs des 2 sexes âgés de 12 à 17 ans révolus.
Cat. V Vieillards des 2 sexes âgés de + de 70 ans
Cat. T Travailleurs de force des 2 sexes de 12 à 70 ans
Cat. C Cultivateurs des 2 sexes à partir de 12 ans, sans limite d'âge.

Tous les habitants appartenant à ces catégories sont dotés, sur leur demande,
d'une "Carte d'alimentation" qui contient un certain nombre de tickets revêtus de
lettres alphabétiques et de chiffres. A des périodes indiquées, il leur appartenait
de remettre au commerçant de leur choix (l'inscription préalable était obligatoi-
re) un ou plusieurs de ces tickets. En échange, il leur délivrait, contre paiement,
la quantité correspondante de pain, viande, matière grasse, sucre, etc., détermi-
née par les Services du Ravitaillement Général.
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A partir du 23 septembre 1940, les consommateurs ne peuvent s'approvision-


ner en denrées rationnées que sur présentation de la carte d'alimentation et remi-
se des coupons ou tickets afférents à la denrée correspondante.
De ce fait, toute personne non munie d'une carte d'alimentation ne peut se
procurer légalement les denrées qu'elle souhaite acquérir.
Le rationnement organisé, sous cette forme permet au Gouvernement à la fois
d'établir des prévisions globales pour les mois à venir mais aussi rend très diffi-
cile la vie des clandestins (Juifs notamment) ce qui intéresse particulièrement le
commandement allemand.
Dans un premier temps les taux des rations qui seront annoncés par voie de
presse, chaque mois, sont fixés comme suit :
Pain 350 g par jour
Fromage 50 g par semaine
Matières grasses 100 g par semaine
Viandes 350 g par semaine dont 20 % d'os
Vin 1 litre tous les 10 jours.
Interdictions :
Il est interdit (on interdit beaucoup à cette époque) de :
- Constituer des stocks
- Acheter des produits dans les fermes
- Livrer du pain à domicile
- Vendre illégalement des produits ou denrées alimentaires (marché noir ou
parallèle)
- Gaspiller du pain
- Les commerçants doivent limiter leur vente à 20 F par client.
Toutes ces recommandations et interdictions sont évidemment assorties de
sanctions.
Huit mois après (le 25 mai 1941) paraît dans la presse, un communiqué annu-
lant toutes les informations précédentes relatives au rationnement et qui fixe
comme suit, les nouveaux taux d'attributions par catégories :

A - Les quantités et les modalités de distribution du café seront fixées par des
instructions ultérieures .
B - La date de distribution du chocolat sera fixée ultérieurement.
NB - Certains travailleurs de la catégorie T (Travailleurs de force) peuvent
prétendre à l'attribution de "rations supplémentaires" de viande dans les condi-
tions suivantes :
- Travailleurs de 1ère catégorie : 450 g
- Travailleurs de 2e catégorie : 900 g
Retrouver ce titre sur Numilog.com

e livre, illustré de nombreux documents d'épo-


que, la plupart inédits, constitue le récit le plus
c complet, le plus riche jamais édité sur cette
période sombre de notre département.

L'auteur a appartenu aux réseaux de renseignements


et passage "Combat" et "F2". Correspondant Dépar-
temental du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre
mondiale, il a obtenu une dérogation exceptionnelle
lui permettant de consulter les dossiers déposés aux
Archives Départementales des Pyrénées-Atlantiques.

Intime de Honoré Baradat, "Achille" dans la Résis-


tance, il a également eu accès aux pièces que celui-ci
avait patiemment recueillies et conservées. Des
témoignages de résistants lui ont permis de complé-
ter son information. Il a ainsi pu reconstituer l'histoire.

120 F
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