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Droit du tourisme
Nicolas DEMON-
TROND
ATER à l’université
du Littoral Côte d’Opale
(Janvier 2019 – Février 2020)
docteur de l’Université Paris (suite et fin) 160k8
II Panthéon-Assas
Par le Laboratoire de recherche juridique (LARJ – EA 3603), université Lille Nord de France,
Valérie DURAND université du Littoral Côte d’Opale
Maître de conférences
à l’université du Littoral
Côte d’Opale Attentats, grèves, mouvement des « gilets jaunes », niveau de délin-
quance, incendie de la cathédrale de Paris, propagation apparemment
Miriam ELDAYA
Doctorante contractuelle incontrôlable de l’épidémie liée au Coronavirus (Covid-19), perspec-
tive du Brexit… Nombreux sont les événements qui auraient pu cette
Catherine année encore avoir un impact sur le tourisme en France. L’année 2019
MINET-LETALLE
Maître de conférences HDR paraît pourtant avoir été de nouveau une bonne année pour le tourisme
à l’université du Littoral français, même si les chiffres officiels sur l’année ne sont pas encore
Côte d’Opale disponibles. L’activité touristique semble davantage impactée par son
Évelyne MONTEIRO encadrement juridique, lequel continue de nécessiter le recours à de
Maître de conférences – HDR nombreux droits, malgré la promulgation d’un Code du tourisme en
à l’université du Littoral
Côte d’Opale
2016.
PLAN
Sophie MOREIL I.
Côte d’Opale
5.
6.
7. Responsabilités et assurances
directrice du LARJ (EA 3603)
8. Tourisme médical et tourisme procréatif
a) Le rebondissement dans l’affaire Mennesson
b) La confirmation du revirement à propos de la filiation du parent d’intention
(Cass. 1re civ., 18 déc. 2019, trois arrêts)
9. Restauration
a) La reconnaissance judiciaire d’un contrat de travail entre le livreur et la plate-
forme
b) L’inconcevable maintien du modèle des plates-formes numériques
B. Aménagement des espaces à vocation touristique
1. Tourisme durable
2. Tourisme et patrimoine
I.
3)
4)
5)
6)
NDLR : V. 1re partie in LPA 29 mars 2021, n° 154c6, et 2e partie in LPA 30 mars 2021, n° 160k7.
NDA : Ont contribué à cette chronique, coordonnée par Catherine Minet-Letalle, maître de conférences – HDR à l’université Littoral
Côte d’Opale : Sophie Moreil, directrice du LARJ, maître de conférences – HDR à l’ULCO ; Evelyne Monteiro, maître de conférences –
HDR à l’ULCO ; Valérie Durand, maître de conférences à l’ULCO ; Nicolas Demontrond, docteur en droit, ATER à l’ULCO ; Miriam Eldaya,
doctorante à l’ULCO.
article L. 6421-3 du Code des transports 10. Montréal, par exemple). Pour répondre à
Le second est le délai quinquennal prévu cette question, la Cour de cassation se ré-
à l’article 2224 du Code civil 11 – soit le dé- fère à la jurisprudence de la CJUE et rap-
lai de prescription de droit commun pré- pelle que « les prétentions des passagers
vu en matière civile 12. aériens fondées sur les droits qui leur
Conformément à une jurisprudence dé- sont conférés par ledit règlement, ne sau-
sormais acquise, la première chambre raient être considérées comme relevant
civile de la Cour de cassation retient l’ap- d’une indemnisation “complémentaire”
plication du délai de prescription de droit au sens de l’article 12 de ce texte » 14. Et de
commun prévu à l’article 2224 du Code ci- conclure que la demande indemnitaire
vil à l’action en indemnisation fondée sur fondée sur l’article 14 du règlement « ne
l’article 14 du règlement (CE) n° 261/2004. constitue pas une demande d’indemnisa-
Pour ce faire, la première chambre civile tion liée à un préjudice particulier soumis
procède en deux temps. à la convention de Montréal », mais une
« demande autonome entreprise sur le
Le premier temps consiste à identifier la fondement du règlement européen qui
nature de la demande d’indemnisation se situe en dehors du champ d’applica-
en cause et, par voie de conséquence, sa tion de cette convention ». La formula-
source textuelle. En d’autres termes, il tion retenue n’est sans doute pas anodine
s’agit de déterminer si l’action en indem- tant elle souligne l’absence de lien entre
nisation fondée sur l’absence de remise la demande d’indemnisation en cause et
d’une notice d’information est une de- la convention de Montréal 15.
mande d’indemnisation complémentaire
au sens de l’article 12 du règlement (CE) Dans un second temps, la première
n° 261/2004 13 ou une demande d’indem- chambre civile de la Cour de cassation
nisation fondée sur un droit conféré par le rappelle les solutions retenues en ma-
règlement (CE) lui-même. La raison en est tière de délai applicable à l’action en in-
simple : la détermination de la nature de demnisation fondée sur les articles 5 et 7
l’action en cause permet d’identifier son du règlement (CE) n° 261/2004. L’objectif
fondement, et plus largement son cadre est ici d’étendre la solution à l’action en
juridique de rattachement (le règlement indemnisation fondée sur l’absence de
(CE) n° 261/2004 ou la convention de remise d’une notice informative 16. Pour
ce faire, la première chambre civile de la
10) L’article L. 6421-3 du Code des transports détermine les Cour de cassation met en exergue une ca-
règles applicables à la responsabilité du transporteur aérien
titulaire d’une licence d’exploitation délivrée en application
ractéristique commune aux deux actions
du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 en cause : elles se situent toutes deux en
établissant des règles communes pour l’exploitation de
services aériens dans la Communauté. Cet article est inséré dehors du champ de la convention de
dans la section II intitulée « Responsabilité du transporteur Montréal du 28 mai 1999 17. Dès lors, ce
aérien concernant le transport aérien de personnes et de
bagages ». Pour cette raison, il constitue un fondement sans qui a été retenu pour l’une de ces actions
doute moins discutable que l’article L. 6422-5 du même code,
également sollicité lorsque la question de la détermination
en matière de détermination du délai ap-
du délai pour exercer l’action en paiement de l’indemnisation plicable semble applicable à l’autre. Pour
due par le transporteur aérien à la suite d’une annulation de
vol s’est posée.
11) C. civ., art. 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se
14)
L’arrêt fait référence à la décision, CJUE, 13 oct. 2011,
prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un n° C-83/10, Aurora Sousa Rodríguez e.a. c/ Air France SA.
droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant 15) Cette absence de lien est affirmée à au moins trois égards.
de l’exercer ». Tout d’abord à l’égard de l’action en cause, laquelle est quali-
12) A tout le moins, en matière d’actions personnelles ou mobi- fiée d’autonome. Ensuite à l’égard de son fondement textuel,
lières. dont l’identification permet dans le même temps la distinc-
tion de la convention de Montréal. Enfin, à l’égard du lien exis-
13) Règl. (CE) n° 261/2004, art. 12 : Indemnisation complémen-
tant entre le règlement (CE) n° 261/2004 et la convention de
taire. « 1. Le présent règlement s’applique sans préjudice du
Montréal lequel est cette fois exclu. Le règlement se situe en
droit d’un passager à une indemnisation complémentaire.
dehors du champ d’application de la convention.
L’indemnisation accordée en vertu du présent règlement
peut être déduite d’une telle indemnisation. 16) Règl. (CE) n° 261/2004, du PE et du Cons., 11 févr. 2004, art. 14.
2. Sans préjudice des principes et règles pertinents du droit
17)
D’autres points communs pourraient également être
national, y compris la jurisprudence, le paragraphe 1 ne s’ap- évoqués comme par exemple la nature de l’action (action en
plique pas aux passagers qui ont volontairement renoncé à indemnisation) ou encore le fondement de l’action (règl. (CE)
leur réservation conformément à l’article 4, paragraphe 1 ». n° 261/2004, 11 févr. 2004, art. 7).
aérien 22. Cette solution a suscité de nom- L’article 3, § 2, sous a), du règlement (CE)
breuses réserves. Les décisions rendues n° 261/2004 écarte la condition de pré-
par les juridictions du fond ont d’ailleurs sence du passager à l’enregistrement
souligné leur souhait d’aménager la solu- lorsqu’il est victime d’une annulation au
tion retenue en répartissant la charge de sens de l’article 5 de ce texte. Il n’est ce-
la preuve entre les parties en présence. pendant pas certain que la Cour de cas-
Malgré cela, la première chambre civile sation réserve un accueil favorable à
de la Cour de cassation semble vouloir une telle démarche. Dans la première af-
maintenir son cap. Les arrêts rendus le faire 27, la haute juridiction a en effet fer-
10 octobre 2019 en fournissent une illus- mement refusé d’assimiler la modifica-
tration topique. Dans la seconde affaire 23, tion d’un voyage aérien par l’ajout d’une
la première chambre civile de la Cour de escale à une annulation de vol. Le refus
cassation retient en effet que la produc- prend appui d’une part sur les disposi-
tion de la copie d’un billet électronique tions du règlement (CE) n° 261/2004 28,
ainsi que la carte d’embarquement pour et d’autre part sur la jurisprudence de
le vol correspondant au vol de réachemi- la CJUE 29. Cette solution interpelle tout
nement 24 sont des éléments qui ne per- d’abord par sa fermeté, d’autant que sur
mettent pas d’établir que les voyageurs le fond, le refus opposé par la Cour de cas-
victimes « s’étaient présentés dans les dé- sation conduit à appliquer pleinement
lais impartis à l’enregistrement du vol ini- l’article 3, § 2, sous a) du règlement (CE)
tialement programmé, au départ de Mul- n° 261/2004. À défaut des éléments de
house le 16 novembre 2012 ». La preuve preuve requis, les passagers ne pourront
requise étant celle de la présence à bord efficacement faire valoir un droit à indem-
du vol retardé, la production d’une carte nisation. Cette solution interroge égale-
d’embarquement pour le vol suivant était ment tant elle semble difficile à concilier
donc insuffisante. La fermeté de la solu- avec la jurisprudence de la CJUE, laquelle
tion se trouve par ailleurs renforcée par jurisprudence retient la possibilité de re-
la forme de l’arrêt 25 ainsi que par sa diffu- connaître le droit à indemnisation prévu
sion 26. à l’article 5, § 1, sous c) et l’article 7 du rè-
Les difficultés suscitées par la preuve de glement (CE) n° 261/2004 lorsque l’ajout
la présence lors de l’enregistrement – d’une escale provoque un retard à l’arri-
preuve parfois qualifiée de diabolique – vée égal ou supérieur à 3 heures par rap-
peuvent générer chez les plaideurs des port à l’heure d’arrivée prévue. En l’es-
stratégies de contournement. L’une pèce, le vol litigieux a en effet accusé un
d’entre elles consisterait pour le passa- retard d’un peu plus de 4 heures.
ger victime à privilégier la qualification La portée de ces deux arrêts doit néan-
d’annulation de vol plutôt que celle de re- moins être atténuée depuis l’ordonnance
tard important. La raison en est simple.
22) Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-23205 : Énergie - Env. -
Infrastr. 2018, comm. 26, obs. Charles J.-B. ; Gaz. Pal. 4 sept. 27) Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-20490.
2018, n° 329v5, p. 28, obs. Carayol R., Dalloz actualité, 20 mars 28) L’arrêt est en effet rendu au visa de l’article 3, § 2, sous a) et
2018, obs. Delpech X. ; D. 2018, p. 461 ; RTD com. 2018, p. 453, l’article 7 du règlement (CE) n° 261/2004.
obs. Bouloc B. ; JT 2018, p. 45, obs. Lachieze X. ; D. 2018, 29) Dans ce cadre, il est rappelé que la jurisprudence euro-
p. 1214, obs. Kenfack H. ; JCP E 2018, 1281, note Dupont P. et péenne s’articule en quelque sorte autour d’un principe et
Poissonnier G. ; JCP E 2018, 1240, note Siguoirt L. d’une atténuation. La CJUE dit pour droit « que l’article 2,
23) Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-20491. sous 1, du règlement (CE) n° 261/2004 doit être interprété
24) Vol Paris–Pointe-à-Pitre réalisé le 17 novembre 2012. en ce sens qu’un vol dont les lieux de départ et d’arrivée ont
été conformes à la programmation prévue, mais qui a donné
25) L’arrêt est rendu au visa de l’article 3, § 2, sous a) et 7 du règle- lieu à une escale non programmée, ne peut être considéré
ment (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil comme annulé » (CJUE, ord., 5 oct. 2016, n° C-32/16, Ute
du 11 février 2004, auquel est associée la formule suivante : Wunderlich c/ Bulgarian Air Charter Limited). L’atténua-
« attendu qu’aux termes du premier de ces textes, le règle- tion concerne l’hypothèse dans laquelle l’escale provoque
ment s’applique à condition que les passagers disposent un retard à l’arrivée (destination finale) égal ou supérieur à
d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se 3 heures par rapport à l’heure d’arrivée initialement prévue.
présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’en- Dans ce cas, la situation ouvre droit à l’indemnisation prévue
registrement ». à l’article 5, § 1, sous c) et à l’article 7 du règlement (CE)
26) Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-20491, FS-PBRI. n° 261/2004.
térêt supérieur devait ainsi prévaloir sur a. Le rebondissement dans l’affaire
les autres intérêts en présence et primer Mennesson
la vérité biologique. Au terme d’une saga judiciaire qui a duré
En matière de GPA internationale, de- 19 ans, l’assemblée plénière a finalement
puis une série d’arrêts rendus en 2017 à la reconnu la filiation légale de la mère d’in-
suite d’une évolution jurisprudentielle or- tention qui, en raison d’une malformation
chestrée par les condamnations succes- congénitale, ne pouvait pas porter un en-
sives de la France par la Cour européenne fant, ni même fournir ses ovocytes. À l’ori-
des droits de l’Homme 34, la Cour de cas- gine du contentieux, une GPA réalisée par
sation admettait la transcription partielle le couple en Californie où elle est légale-
de l’acte de naissance étranger à l’égard ment encadrée. Des jumelles naissent
du père biologique mais pas à l’égard de ainsi aux États-Unis au cours de l’année
la mère (ou du père) d’intention. Pour éta- 2000, Fiorella et Valentina. Les parents
blir un lien de filiation à l’égard de l’enfant, obtiennent des jugements de la cour su-
le parent d’intention devait obligatoire- périeure californienne mentionnant dans
ment passer par la procédure de l’adop- l’acte de naissance des enfants à la fois le
tion. père biologique, Dominique Mennesson,
Or, l’affaire Mennesson a fini par connaître et la mère légale, Sylvie Mennesson, qui
un rebondissement final lors de l’arrêt n’était pas celle ayant accouché.
rendu par l’assemblée plénière de la Cour Dans un premier temps, les actes de nais-
de cassation le 4 octobre 2019 35. Contre sance sont retranscrits sur les registres
toute attente, elle écarte en ce qui les de l’état civil français mais une procédure
concerne le recours à l’adoption et or- en annulation est engagée par le minis-
donne la transcription totale des actes tère public au terme de laquelle la pre-
de naissance étrangers des jumelles sur mière chambre civile de la Cour de cassa-
les registres de l’état civil, tant à l’égard du tion se prononça le 6 avril 2011 et refusa
père que de la mère d’intention (a). Elle la transcription des actes de naissance.
opère ainsi un véritable changement de Ayant épuisé les voies de recours interne,
cap quant aux effets en France des GPA les époux saisirent la Cour européenne
réalisées à l’étranger, changement de des droits de l’Homme qui rendit un ar-
cap confirmé 2 mois plus tard dans plu- rêt le 26 juin 2014 où elle condamna la
sieurs arrêts rendus le même jour par la France pour atteinte au respect de la vie
première chambre civile 36 à propos des privée des enfants en raison de l’impossi-
GPA et des PMA internationales (b). Reste bilité pour eux d’établir la filiation à l’égard
à mesurer l’impact de ces décisions sur du père biologique. À la suite de cette
la position à adopter par le législateur condamnation, la Cour de cassation a fait
concernant la parenté d’intention dans la évoluer sa jurisprudence en acceptant à
future loi de bioéthique. partir de 2015 37 la transcription sous cer-
taines conditions de l’acte de naissance
établi par un pays étranger mentionnant
le père biologique d’un enfant issu d’une
34) V. « Nouveaux éclaircissements à propos de effets en France GPA internationale.
des GPA réalisées à l’étranger (CEDH 21 juillet 2016, Foulon et
Bouvet c/ France, n° 9063/14 et n° 10410/14, CE 3 août 2016, Mais les époux Mennesson s’étaient vu
n° 401924) », LPA 16 nov. 2017, n° 131f6, p. 5, obs. Monteiro E.
35) Cass. ass. plén., 4 oct. 2019, n° 10-19053 : AJ fam. 2019, p. 592,
refuser la transcription des actes de nais-
obs. Houssier J., obs.Kessler G ; AJ fam. 2019, p. 481, point de sance étrangers qu’ils réclamaient 38.
vue Brunet L. ; AJ fam. 2019, p. 487, obs. Dionisi-Peyrusse A. ;
D. 2019, p. 2228, note Fulchiron H. et Bidaud C. ; D. 2019,
Peu de temps après, ils demandèrent
p. 2000, point de vue Guillaumé J. ; RTD civ. 2019, p. 817, obs. un réexamen de leur affaire devant l’as-
Margénaud J.-P. ; RTD civ. 2019, p. 841, obs. Leroyer A.-M. ;Gaz.
Pal. 7 janv. 2020, n° 367h5, p. 86, obs. Rein-Lescastéreyres I.
et Niboyet M.-L. 37)
V. Cass. ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21323 ; Cass. ass.
36) Cass. 1re civ., 18 déc. 2019, n° 18-11815 ; Cass. 1re civ., 18 déc. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50002 : « Chronique Droit du
2019, n° 18-12327(GPA) ; Cass. 1re civ., 18 déc. 2019, nos 18-14751 Tourisme » :LPA 7 oct. 2016, n° 120x5, p. 11, obs. Monteiro E.
et 18-50007 (PMA). 38) Cass. 1re civ., 5 juill. 2017, n° 16-20052.
sée avait été adopté par l’Assemblée natio- effet, elle étend la solution de l’arrêt Men-
nale. Porté par le député de la République nesson aux demandes formulées cette
en marche, Jean-Louis Touraine, cet amen- fois-ci par des couples de même sexe vi-
dement visait à consacrer la jurisprudence sant la transcription des actes de nais-
du tribunal de grande instance de Paris qui sance d’enfants issus d’une GPA ou d’une
déclarait exécutoire les jugements étran- PMA internationale. Contre toute attente,
gers par lesquels la filiation d’un enfant né la haute juridiction unifie ainsi sa juris-
par GPA a été établie en regardant cette fi- prudence en se fondant sur l’avis de la
liation comme adoptive. Mais l’Assemblée Cour européenne des droits de l’Homme
nationale a fini par faire marche arrière le du 10 avril 2019.
10 octobre 2019, lors d’une seconde déli- Dans les deux premiers arrêts, il s’agissait
bération demandée par le gouvernement de couples d’hommes, mariés ou non ma-
par le biais de la garde des Sceaux. L’amen- riés, qui avaient eu recours à une GPA aux
dement a été finalement rejeté et le projet États-Unis pour constituer leur famille.
de loi relatif à la bioéthique adopté en pre- Dans le troisième arrêt, les deux femmes
mière lecture par l’Assemblée nationale, le avaient bénéficié chacune d’une PMA à
15 octobre 2019, puis par le Sénat le 4 fé- Londres et avaient accouché toutes deux
vrier 2020, après certaines modifications. d’un enfant dont l’autre était « parent ».
La seconde lecture du texte par l’Assem- Les actes de naissance de ces enfants nés
blée nationale est attendue après les élec- en 2014 désignaient, d’une part le père
tions municipales de 2020. Il contient la biologique ou la mère ayant accouché et,
possibilité pour les couples de femmes ou d’autre part, le parent d’intention confor-
les femmes seules de recourir à la PMA en mément au droit étranger en vigueur.
France et consacre par la même occasion
la notion de parenté d’intention, une re- Même si à première vue, la situation ne
connaissance plus générale dans laquelle semblait pas identique, la Cour de cas-
la Cour de cassation s’était déjà engagée sation devait répondre en réalité à une
dès la fin de l’année 2019. même question de droit : « faut-il ad-
mettre la transcription sur les registres
b. La confirmation du revirement de l’état civil français de l’acte de nais-
à propos de la filiation du parent sance d’un enfant établi à l’étranger qui
d’intention (Cass. 1re civ., 18 déc. désigne une personne en qualité de père
2019, trois arrêts) ou de mère biologique et une autre per-
Quelques semaines après l’arrêt de l’as- sonne sans aucun lien de type biologique
semblée plénière, la cour d’appel de mais qui est indiqué comme étant lui aus-
Rennes 42 avait cru bon de renverser brus- si le parent légal de l’enfant ? ».
quementsajurisprudenceenétendantson Pour y répondre la Cour de cassation va
raisonnement à des couples qui n’avaient rappeler dans les deux types de cas que le
pas le même parcours que la famille Men- fait que l’enfant soit né à l’étranger d’une
nesson et qui demandaient la transcrip- convention de gestation pour autrui ou
tion intégrale des actes de naissance sans d’une assistance médicale à la procréa-
passer par la voie de l’adoption. tion n’est pas en soi un obstacle à l’ac-
Plus spectaculaire encore est le revire- tion aux fins de transcription. Ensuite,
ment opéré par la première chambre ci- elle va s’affranchir de l’exigence posée à
vile de la Cour de cassation dans trois ar- l’article 47 du Code civil quant à la réali-
rêts en date du 18 décembre 2019 43. En té des faits évoqués dans l’acte étranger
imposant une transcription. Cette réalité
42)
V. CA Rennes, 18 nov. 2019, nos 18/03965 et 18/04404 ; ne doit plus être analysée sous le prisme
CA Rennes, 25 nov. 2019, nos 18/01155, 18/01497 et 18/01936 :
AJ fam. 2020, p. 9 ; AJ fam. 2020, p. 71, obs. Dionisi-Peyrusse A ; de la réalité purement biologique et elle
AJ fam. 2020, p. 615. revient ainsi sur sa jurisprudence anté-
43) Viganotti E., « GPA et PMA internationale : le standard euro-
péen prime sur la notion de “réalité” ! » :Gaz. Pal. 11 févr. 2020,
n° 368y0, p. 12.