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La Convention du Travail Maritime 2006: Instrument de la politique maritime


d'une Europe des Nations

Preprint · May 2022


DOI: 10.13140/RG.2.2.33162.95683

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Jean-Baptiste Clément
Université du Havre
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La Convention du Travail Maritime 2006:

Instrument de la politique maritime d’une Europe des


Nations

Mémoire pour le Master 1 Droit des activités maritimes et portuaires

Présenté par Jean-Baptiste CLEMENT

Sous la direction de Monsieur Jean-Christophe IZARD

Université Le Havre Normandie


Faculté des Affaires Internationales
Année universitaire 2021-2022
REMERCIEMENTS

Je tiens, tout d’abord, à adresser toute ma gratitude et ma reconnaissance à Monsieur IZARD,


administrateur des affaires maritimes, juriste en droit public spécialisé en droit de la mer et
règlementations maritimes et chevalier de l’Ordre du Mérite Maritime, pour sa supervision, ses
conseils avisés et sa disponibilités, primordiaux dans le cadre de la rédaction de ce mémoire. Son
tutorat a permis d’ancrer ce travail dans le réel et de m’assurer qu’il reste juridiquement pertinent .

Ensuite, je remercie également les directeurs du Master Droit des activités maritimes et
portuaires de l’Université du Havre Monsieur GUILLET et Monsieur ALLARD qui m’ont donné
l’opportunité d’intégrer cette formation alors que je ne disposais pas de Licence en Droit. Leur
ouverture d’esprit et la confiance qu’ils ont bien voulu accorder à mon projet ont permis la réalisation
de ce mémoire.

Je souhaite également remercier les juristes en formation de ce Master qui m’ont accueilli de
la meilleure des manières et qui ont été mes premiers soutiens face à un milieu qui possède son propre
langage, sa propre histoire et sa propre pensée que je ne maitrisais pas.

Je remercie aussi l’Ecole Nationale Supérieure Maritime pour la formation qu’elle m’a
dispensée jusqu’à présent. A travers elle j’ai développé l’amour que je porte au domaine maritime
aujourd’hui et la capacité de porter ce projet de double cursus jusqu’au bout.

Finalement, je souhaite faire mention de mes proches et de mes parents qui m’entourent et
m’assistent de toutes les manières, me permettant de porter ce projet en toute sérénité.

2
SOMMAIRE

INTRODUCTION

PARTIE 1 : La marque d’une politique maritime européenne en expansion

I – Evolution de la place du droit communautaire dans le domaine du travail maritime

II – La CTM 2006 dans le droit communautaire : consécration d’une politique sociale


maritime internationale

III – La coordination de la CTM 2006 avec la PMI de l’UE : une Convention effective
en Europe

CONCLUSION PARTIE 1

PARTIE 2 : Les signes d’une stratégie maritime française tournée vers


l’international

I – Evolution de la place des gens de mer dans le droit social français

II – La place de la France dans l’aube de la CTM 2006

III – L’implication nationale croissante dans la vie du texte

CONCLUSION

3
LISTE DES ABREVIATIONS

AESM Agence Européenne pour la Sécurité Maritime


CE Commission Européenne
CJCE Cour de justice des Communautés européennes
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
COLREG Règlement international pour prévenir les abordages en mer 1972
CSN Centre de Sécurité des Navires
CT Code des transports
CTM 2006 Convention du Travail Maritime du 23 février 2006
CTS Commission Tripartite Spéciale
ECSA Association des Armateurs de la Communauté européenne
EM Etats Membres
ENIM Etablissement national des invalides de la marine
FST Fédération des syndicats des transports dans l’Union européenne
ITF International Transport Workers’ Federation
MoU Memorandum d’Entente
OIT Organisation Internationale du Travail
OJ Ordre juridique
OMI Organisation Maritime Internationale
PMI Politique Maritime Intégrée
SOLAS Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer 1974
RIF Registre International Français
TAAF Terres australes et antarctiques françaises
TCE Traité instituant la Communauté Européenne
TFUE Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
UE Union Européenne

4
INTRODUCTION

1. Détresse sociale : le cas des abandons de marin. Le 29 octobre 2021, un transporteur de


marchandises diverses sous pavillon algérien s’est vu contrôlé par le Centre de Sécurité des Navires
de Brest dans le cadre d’un contrôle de l’Etat du port. A l’origine en route pour le port d’Anvers depuis
l’Algérie1, le navire a été forcé de faire escale à cause d’une panne de bouilleur pour la production
d’eau douce à bord2. C’est alors qu’il a subi cette inspection impromptue qui a révélé de nombreuses
défaillances techniques sur le navire mais aussi des salaires d’équipages non payés depuis 6 mois et
des conditions de vie dégradées pour l’équipage3. Le 15 novembre 2021, la rétention fut levée à la
suite du règlement de l’ensemble des salaires et de la plupart des défauts détectés4. Durant cette période
de 18 jours, le Saoura a été ajouté dans la base de données sur l’abandon des gens de mer de
l’Organisation International du Travail5 (OIT) avec les centaines d’autres cas signalés dans le courant
cette année 2021. La Compagnie Nationale Algérienne de Navigation, entreprise nationale l’armant, a
du reste bien contribué au développement de cette liste avec 5 navires immobilisés dans des ports
européens simultanément durant cette même période. Ces incidents sont révélateurs d’une situation
alarmante où certaines nations généralisent des pratiques de violations de contrat de travail et de
normes internationales en vigueur6. Depuis la loi du 16 juillet 2013, la France reconnaît le délit
d’abandon des gens de mer comme la soustraction de l’armateur à une de ses « obligations
essentielles » à l’égard des gens de mer dont il est responsable7. En effet il convient de considérer ce
phénomène comme une conséquence du laxisme de certains Etats du pavillon dans le contrôle des
pratiques économiques de compagnies accumulant excessivement des dettes sans sanction et traitant
le sort de leurs marins en second plan8. Cependant les marins ne seront pas les seuls impactés ; les
navires aussi seront sacrifiés en conséquence et représenteront un poids sécuritaire conséquent pour
leur port d’abandon. Le cas de l’explosion de Beyrouth le 4 août 2020, causant 214 morts et plus de

1
Article LeFigaro sur l’incident - https://www.lefigaro.fr/international/deux-cargos-algeriens-bloques-a-brest-et-
marseille-pour-non-respect-du-droit-maritime-20211105
2
Article LeMarin sur l’incident - https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/41389-un-cargo-algerien-
retenu-dans-le-port-de-brest
3
Article de l’association Morglaz défense de la mer, des marins, de la faune et de la flore marine -
https://morglaz.org/une-escale-de-routine-au-port-de-brest-qui-pourrait-couter-chere-a-larmateur-du-cargo-saoura/
4
Article LeMarin sur le règlement de l’incident - https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/41500-levee-
de-detention-pour-le-navire-algerien-saoura-retenu-brest
5
Base de données sur l'abandon des gens de mer - https://www.ilo.org/dyn/seafarers/seafarersBrowse.list?p_lang=fr
6
L’Algérie ratifie la MLC 2006 le 22 juillet 2016 -
https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:11200:0::NO:11200:P11200_COUNTRY_ID:102908
7
Code des Transports Articles L5571-1 en vigueur le 18 juillet 2013
8
Note de Synthèse 181 – Juin 2016 – Institut d’économie maritime Nantes – Saint Nazaire – Le régime juridique des
navires et des marins abandonnés en France

5
6500 blessés, est un exemple de l’étendue de l’impact de ces pratiques peu scrupuleuses9. C’est à la
lumière de ces dysfonctionnements que les normes sociales maritimes internationales se sont
développées.

2. La notion de norme sociale maritime. La norme juridique est synonyme de règle de droit
elle-même définie comme règle de conduite dans les rapports sociaux ayant un caractère général,
abstrait et obligatoire dont la sanction est assurée par la puissance publique10. On étudiera donc ici un
ensemble de conventions, lois, directives qui revêtent ces caractères. Quant au droit social, il s’agit
d’une sous-branche du droit privé appartenant au droit des affaires regroupant l’ensemble des règles
en matière de relations individuelles et collectives de travail11. Il s’agira donc d’observer l’évolution
des individus dans leur milieu professionnel. Dans le cadre de ce mémoire, il sera fait l’étude de la
Convention du Travail Maritime de 2006 (CTM 2006). Le champ d’application de cette dernière
encadrera les normes sociales maritimes internationales ici traitées. Son article I-1. dispose qu’elle vise
à « garantir le droit de tous les gens de mer à un emploi décent ». De plus, l’article II-1.f) énonce que
« l’expression gens de mer ou marin désigne les personnes employées ou engagées ou travaillant à
quelque titre que ce soit à bord d’un navire » en y excluant certains types de navire à l’article II-412.
La compétence de qualification en cas de doute étant attribuée à « l’autorité compétente de chacun des
Membres après consultation des organisations d’armateurs et de gens de mer intéressées »13. Une
définition large et autonome est ici donnée de la notion en laissant un pouvoir d’appréciation à chaque
Etat. A travers la directive 2009/13/CE14, l’Union Européenne (UE) reprend ces dispositions à l’article
2.2)c) tout en précisant dans le considérant (10) que les Etats membres (EM) gardent un pouvoir
d’appréciation conformément aux législations et pratiques nationales des termes qui n’y sont pas
spécifiquement définis. En France finalement, le Décret n° 2015-45415 fait application de l’article
L5511-1 du Code des Transports qui désigne « gens de mer, toute personne salariée ou non salariée
exerçant à bord d'un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit ». Par ailleurs, la

9
Article France24 détaillant l’abandon de navire à l’origine de l’incident - https://www.france24.com/fr/20200806-
explosions-%C3%A0-beyrouth-la-folle-histoire-des-2-750-tonnes-de-nitrate-d-ammonium-de-l-entrep%C3%B4t-12
10
Thierry Debard - Lexiques des termes juridiques 2021-2022, Dalloz – Lexiques - 2021 p897
11
Définition Justifit https://www.justifit.fr/b/guides/droit-
social/#:~:text=La%20d%C3%A9finition%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20du%20droit,individuelles%20et%20collecti
ves%20de%20travail.&text=Ainsi%2C%20il%20s'agit%20d'un%20droit%20mixte
12
Exclusion des « navires affectés à la pêche ou à une activité analogue et des navires de construction traditionnelle tels
que les boutres et les jonques » ainsi que des « navires de guerre » et « navires de guerre auxiliaires »
13
Article II-3. MLC 2006
14
Directive 2009/13/CE du conseil portant mise en œuvre de l’accord conclu par les Associations des armateurs de la
Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la
convention du travail maritime, 2006 du 16 février 2009
15
Décret n° 2015-454 du 21 avril 2015 relatif à la qualification de gens de mer et de marins

6
jurisprudence témoignait déjà de cette volonté d’élargir le spectre des métiers concernés par cette
définition, en s’éloignant de l’image folklorique du marin Haddockesque16. L’article R5511-5 du
même code y fixera cependant des limites. En revenant à l’exemple cité plus haut, les personnes qui
travaillaient à bord du Saoura entraient donc bien dans la qualification de gens de mer à la fois dans le
cadre de la Convention, de sa reprise par l’Union et du droit français en exerçant une activité de marin
à bord d’un navire appartenant à une entité publique, normalement affecté à des activités
commerciales17. Leur situation relevait alors d’un problème de droit social maritime dans le sens ici
défini. Cette pluralité de définitions données au niveau international, régional et national démontre
l’intérêt des nations pour ce domaine du droit du travail. Il convient alors de questionner les
fondements d’un tel engouement.

3. Les enjeux d’une Convention du travail maritime universelle. L’OIT fut fondée au
crépuscule de la Première Guerre Mondiale avec l’article 387 du traité de Versailles du 28 juin 1919.
Le préambule de la partie XIII la concernant indique que l’objectif d’une « paix universelle » à travers
« la base de la justice sociale » et précise que « la non adoption par une nation quelconque d'un régime
de travail réellement humain fait obstacle aux efforts des autres nations désireuses d'améliorer le sort
des travailleurs dans leurs propres pays ». Ainsi la vocation universelle des textes de l’Organisation
puise sa source dans sa fondation. Le préambule de la Convention contient lui un premier argument en
faveur de sa création : « les gens de mer (…) doivent jouir des libertés et droits fondamentaux reconnus
à toutes les personnes ». En effet elle a une portée humanitaire. Des situations extrêmes d’abandon
présentent un caractère de détresse pour des marins littéralement emprisonnés à bord de navire durant
des années sans eau, nourriture ou électricité18. La CTM 2006 vise donc à reconnaitre et sauvegarder
les droits fondamentaux d’hommes se les voyant bafoués dans le cadre professionnel. Cela correspond
aux valeurs que l’Union introduit dans la Charte des fondamentaux de l’Union notamment à son article
31 : « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa
dignité ». En France, le Préambule de la Constitution de 1946, intégré dans le bloc de
constitutionnalité, énonce que « La nation (…) garantit à tous (…) la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs ». Ainsi se retrouve-t-elle aussi en phase avec ce premier aspect de la
Convention. Un second argument est énoncé dans le préambule de cette dernière en citant la

16
Avant même l’introduction de la notion de gens de mer et de ses nuances, une hôtesse effectuant le service et
l’entretien à bord d’un bord d’un voilier devait être considérée marin - Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26
septembre 2007, 06-43.998, Publié au bulletin
17
Article II-4. MLC 2006 et Article L5511-1.3°a) Code des transports
18
Article CourrierInternational - https://www.courrierinternational.com/article/video-mohammed-aisha-marin-syrien-
abandonne-sur-un-navire-au-large-de-legypte

7
Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) ainsi que la
Convention de 1972 sur le règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG).
Elle a donc aussi un aspect sécuritaire. Une étude sur la sécurité du quart en passerelle menée par la
Marine Accident Investigation Branch a déterminé qu’un tiers des échouements de navire analysés
impliquait un officier en état de fatigue seul à la passerelle19. Deux phénomènes peuvent expliquer
cette situation : la course au gigantisme20 associée à la banalisation de la complaisance et ses normes
sociales bridées voire inexistantes. Les accidents maritimes sont des accidents humains21 et peuvent
avoir des portées dramatiques. L’Erika par exemple, a causé une dégradation de 400 kilomètres de
littoral, la mort de 150000 oiseaux et 200 millions d’euros de nettoyage22. En 2020, 19975 navires
citernes naviguaient sur les eaux21, l’Erika faisait partie de la plus petite catégorie d’entre eux. Ainsi
la sécurité des navires repose sur la qualité de son équipage. Qualité affectée par leur bien-être que
défend la Convention. Finalement, autres ses aspects humains et sécuritaires, la Convention exerce
une fonction de régulation de la concurrence sur le marché économique. Elle vise une harmonisation
des coûts du travail en remettant en question l’autorégulation du marché apportée par la
complaisance23. En effet, d’après l’International Transport Workers’ Federation (ITF), c’est l’aspect
pécuniaire lié à l’absence de normes de ces pavillons qui attire les propriétaires de navire24. A travers
un nivellement universel des conditions d’emploi, la Convention comporte aussi un aspect de
régulation économique certain. Tous ces phénomènes ne sont pas nouveaux, la mondialisation au sens
d’aujourd’hui commence au 19ème siècle et avec son accélération, l’industrialisation du commerce
maritime25. La prolifération du pavillon de complaisance commence lui dans les années 7026. Il
convient alors de se demander comment s’organise la légifération d’une telle convention pour
comprendre son arrivée tardive.

19
Research and analysis - Bridge watchkeeping safety study - A study of accidents from 1994 to 2003 caused by poor
bridge watchkeeping practices - Marine Accident Investigation Branch – Published 30 July 2004
20
Cerema - Flotte de commerce et gigantisme Analyse et prospective - Mai 2020
21
« 95 % des accidents maritimes pour ne pas dire 100 % sont liés à un facteur humain. » - Jean-Pierre Manic, directeur
du Bureau enquêtes accidents mer -Synthèse du colloque sur le facteur humain – La Revue Maritime n°490 Janvier 2011
22
Article NouvelObs - https://www.nouvelobs.com/societe/20120925.OBS3440/comprendre-le-naufrage-de-l-erika-en-8-
chiffres.html
23
Alexandre Charbonneau - Marche international du travail maritime un cadre juridique en formation - 2008
24
Publication ITF - https://www.itfglobal.org/fr/sector/seafarers/pavillons-de-
complaisance#:~:text=Que%20sont%20les%20pavillons%20de,propri%C3%A9t%C3%A9%20r%C3%A9elle%20de%2
0ce%20navire.
25
Article WeForum - https://www.weforum.org/agenda/2019/01/how-globalization-4-0-fits-into-the-history-of-
globalization/
26
John N. K. Mansell - Flag State Responsibility: Historical Development and Contemporary Issues - Springer Science
& Business Media, 12 juin 2009

8
4. La hiérarchie des normes dans le domaine du travail maritime. Au niveau mondial,
l’OIT élabore des conventions internationales adoptées à la majorité des deux tiers et affectées ensuite
à la ratification des EM dans le cadre de la Conférence internationale du travail. Il faut cependant en
relativiser le poids du fait de l'absence de contrôle juridique de l'application des normes. Les Etats
signataires doivent transmettre un rapport annuel de conformité de leur droit national avec les
conventions de l’OIT. La CTM 2006 peut être qualifiée de « texte de compromis et de synthèse
d’expériences donc, négocié selon les procédures et les rapports de force en présence »27. Elle succède
à une approche fractionnée du travail maritime et regroupe 68 instruments du travail maritime adoptés
depuis 1920 n’ayant pas le même taux de ratification28. Son succès est réel, en avril 2022 elle décompte
101 ratifications représentant plus de 91% de la jauge brute de la flotte marchande mondiale29.
Cependant, comme vu avant avec le cas de l’Algérie, sa ratification n’emporte pas son respect. De
plus, l’absence de pouvoir contraignant de l’Organisation limite son contrôle des normes et sa capacité
de sanction. Pour le Saoura, un navire algérien en route pour la Belgique afin de transporter une
marchandise à destination du Canada est retenu en France au motif de non-respect de la Convention.
Ici la France prend cette place de force exécutoire des termes d’une convention internationale qu’elle
a ratifiée sans puiser la source de son intervention dans un critère de nationalité. Le problème juridique
soulevé est le suivant : L'expansion et l’intégration des normes sociales internationales de la
Convention du Travail Maritime (CTM 2006) au sein de l'ordre juridique interne des pays européens :
instrument de la politique maritime d’une Europe des Nations ? Entre international et national se
trouve le niveau régional de l’Union Européenne. Depuis la formation de la Convention, l’Union se
place comme acteur majeur de la ratification et de la coordination de son application au sein de ses
Etats membres, soulignant une compétence européenne maritime en expansion (Partie I). La France,
quant à elle, partage les valeurs de ce texte qu’elle a façonné et continue de faire évoluer en tant
qu’acteur majeur. (Partie II).

27
Marie Marin et Alexandre Charbonneau - Une convention innovante pour le travail maritime ? Les apports de la
Convention du travail maritime (CTM) 2006 - Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique,
Université de Nantes, Vol. 14, 2008/
28
Fiche Armateur de France - La Convention maritime internationale (MLC) Maritime Labour Convention 2017
29
https://www.ilo.org/global/standards/maritime-labour-convention/lang--fr/index.htm

9
PARTIE 1 : La marque d’une politique maritime européenne en
expansion

L’Union Européenne s’est organisée autour de la construction du marché commun européen.


Ainsi à travers son affirmation de la liberté de circulation des travailleurs30 et de son corollaire : le
principe d’égalité de traitement des ressortissants communautaires31, associé à la compétence
exclusive de la Commission européenne (CE)32 en politique de la concurrence, l’Union s’est bâtie en
contrepied d’un rôle tutélaire de l’Etat dans le cadre national professionnel. Bien qu’influençant la vie
des entreprises maritimes par ces politiques générales, il faudra attendre 2005 pour voir l’apparition
d’un désir de « politique maritime »33. Depuis qu’elle a posé ses yeux sur l’économie bleue, l’Union a
concrétisé cette ambition à travers une « politique maritime intégrée »34 (PMI). Cette dynamique fut
récemment réaffirmée en 2017 en annonçant « Compétitivité, décarbonisation, numérisation » comme
priorités pour le transport maritime européen35. Avant d’énoncé ce triple objectif, l’UE a construit
progressivement sa politique maritime d’abord sans en avoir conscience, puis en tentant de la réformer
drastiquement, avant de revenir à une politique des petits pas (I). Elaborée en même temps que cette
stratégie communautaire, la CTM 2006 sera un support d’harmonisation législative commune (II).
Aujourd’hui le produit de cette PMI peut être observé dans la mise en application de la convention à
l’échelle européenne (III).

I- Evolution de la place du droit communautaire dans le domaine du travail maritime

La portée du droit de l’Union Européenne (UE) est en expansion dans l’ordre juridique national
depuis sa création. Il s’agit d’un droit prétorien qui s’applique par effet direct36 et primauté37 sur les
normes des Etats membres. Cependant, seules les directives sont autorisées à traiter du droit du travail

30
Article 45 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE)
31
CJCE, 19 octobre 1977, SA Moulins & Huileries de Pont-à-Mousson
32
Titre VII du TFUE
33
COM(2005)0012 - OBJECTIFS STRATÉGIQUES 2005 – 2009 Europe 2010: un partenariat pour le renouveau
européen Prospérité, solidarité et sécurité Communication du président, en accord avec la vice-présidente Wallström
34
COM(2007)0575 - COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL,
AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS - Une politique maritime
intégrée pour l'Union européenne
35
Déclaration de La Valette – mercredi 29 mars 2017
36
CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos : consécration du principe de l'effet direct.
37
CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre Enel : consécration du principe de primauté.

10
en principe38. Ces dernières fixent des objectifs mais laissent à chacun le choix des moyens pour les
atteindre. Malgré cela, la condition professionnelle de marin est intrinsèquement liée à la vitalité des
entreprises de transport maritime, elle-même soumise à une concurrence internationale très forte. Les
actes législatifs contraignants que sont les règlements joueront donc aussi un rôle en favorisant une
économie de la mer dynamique et, par extension, un meilleur environnement social pour les marins.
Avant l’établissement d’une telle stratégie, l’Europe fixait déjà les limites du nationalisme maritime
au nom de principes généraux (A). Cette ambition redécouverte ne lui permettra cependant pas
d’échapper à la méthode des « petits pas » dans ce secteur nouveau (B).

A- Les réticences nationales à une coopération européenne

5. Le phénomène de complaisance : les nations européennes du mauvais côté de la


balance. Comprendre la complaisance internationale est fondamental afin d’appréhender la
construction moderne du droit social des marins. En effet, elle est la source « d’une concurrence
internationale sans fin portant essentiellement sur le coût des équipages »39. Selon l’ITF « pour les
travailleurs à bord, cela peut se traduite par : des salaires dérisoires, des conditions médiocres à bord,
un approvisionnement insuffisant en vivres et en eau potable, de longues périodes de travail sans repos
adéquat »40. Entre les 1970 et 2010 le trafic maritime a augmenté d’environ 400% en volume41 et la
population de marin de 40% 42. A l’opposé de ce phénomène, le pavillon français a connu une forte
période de récession dans les années 8043 jusqu’à atteindre 189 navires de transport immatriculés au
registre métropolitain en 202144 contre 800 en 196045. Paradoxalement, les pays européens restent
ensemble largement majoritaires dans la part de flotte mondiale contrôlée46. De plus, en 2015 , la
valeur des marchandises transportées par mer échangées entre l'UE et les pays tiers représentait plus

38
Article 4-2.b) TFUE sur la compétence partagée entre l'Union et les États membres dans le domaine de la politique
sociale ; combiné avec l’article 152 TFUE sur la reconnaissance de l’autonomie des systèmes nationaux ; et avec l’article
153-2.b) TFUE sur les voies admise pour le Parlement européen et le Conseil afin de statuer sur des domaines sociaux
spécifiques.
39
Patrick Chaumette. De l’évolution du droit social des gens de mer. : Les marins sont-ils des salariés comme les autres ?
Spécificités, banalisation et imbrication des sources. . Annuaire de Droit Maritime et Océanique , XXVII (27), CDMO,
Université de Nantes, pp.471-499, 2009, Annuaire de Droit Maritime et Océanique, 1259-4962.
40
Un pavillon « complaisant » pour esquiver la loi - https://www.itfglobal.org/fr/sector/seafarers/pavillons-de-
complaisance
41
Cf ANNEXE 1
42
Cf ANNEXE 2
43
Cf ANNEXE 3
44
Ministère de la mer – La flotte de commerce sous pavillon français au 1er juillet 2021 – Juillet 2021
45
Bernard Cassagnou - LES GRANDES MUTATIONS DE LA MARINE MARCHANDE FRANÇAISE (1945-1995).
VOLUME I - Deuxième partie L’expansion (1951 à 1978) - Chapitre XI. La politique maritime de l’État de 1962 à 1978
– Institut de la gestion publique et du développement économique - 15 février 2013
46
Cf ANNEXE 4

11
de la moitié du commerce de biens de l’UE47. Un constat s’impose alors : bien que les pays européens
restent des acteurs majeurs du transport de marchandises mondial, l’emploi maritime européen
s’amoindrit d’année en année. Le déplacement de la gestion de main d’œuvre maritime vers des pays
dont les normes du travail sont bien moins développées qu’en Europe, voire inexistantes, combiné
avec le désintérêt des autorités à réguler cette transition a amené une fragmentation du droit social à
bord, complexifiant le marché du travail et favorisant les abus.

6. Les premiers pas de l’Europe maritime contournés par les pays européens. Lorsque
l’UE s’empare pour la première fois du sujet social maritime, elle le fait à la suite d’une dynamique
générale sur la base de la liberté de circulation des travailleurs48. En effet cette dernière implique une
coordination en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail. C’est dans cette optique
qu’elle cherchera à imposer la mise en place de dotation médicale à bord des navires battant pavillon
d’EM49. En parallèle cependant apparaitra les initiatives nationales de créations de pavillons « bis »
échappant aux contraintes législatives européennes. Il s’agit pour un Etat possédant une flotte déjà
soumise à de strictes exigences d’ouvrir un autre pavillon dont l’attribution est soumise à un régime
plus libéral, notamment d’un point de vue social50. La France, par exemple, met en place son pavillon
Kerguelen dès 1986, ensuite classé pavillon de complaisance par l’ITF en 199751. Se faisant, elle
s’exempte de l’application d’une directive européenne concernant les droit des travailleurs.
Curieusement, la Cour de justice (CJCE) jugera le système des pavillons « bis » conforme au droit
communautaire52. Ces décisions contradictoires dans leur recherche de mise en place pragmatique
d’une protection sociale à l’échelle européenne démontrent les balbutiements d’une politique maritime
européenne embryonnaire.

7. La préférence nationale en obstacle avec les principes fondamentaux de l’UE. Les EM


ont donc mené une démarche afin de redynamiser leur flotte nationale unilatéralement en réaction à la
fuite des pavillons. Malgré son acceptation, l’UE s’opposera à une méthode considérée trop
nationaliste afin de favoriser l’accès à l’emploi des européens. Ainsi la restriction d’accès aux emplois
à bord des navires sur la base de nationalité sera jugée contraire au principe de non-discrimination

47
Eurostat communiqué de presse 184/2016 - Journée mondiale de la mer - 28 septembre 2016
48
ALEXANDRE CHARBONNEAU – Thèse MARCHE INTERNATIONAL DU TRAVAIL MARITIME UN CADRE
JURIDIQUE EN FORMATION Première partie :Titre 1er : Chapitre 2 : Section 1 :§2-B-2-c) P166 – 7 juillet 2018
49
Directive 92/29/CEE concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour promouvoir une meilleure
assistance médicale à bord des navires
50
Répertoire de droit commercial - Navire – Philippe DELEBECQUE – Février 2005
51
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pavillon_de_complaisance#:~:text=Pour%20lutter%20contre%20la%20fuite,%2C%20dit
%20%C2%AB%20pavillon%20Kerguelen%20%C2%BB.
52
CJCE 17 mars 1993 Sloman Neptun, aff. C-72/91 et C-73/91

12
entre les travailleurs des EM53. Cette décision fut consacrée dans l’ordre juridique (OJ) français avec
l’article L5522-1 du Code des transports (CT)54. Il conviendra de noter le critère de similitude de droit
social à appliquer ici. Cependant cette obligation ne concerne qu’ « une portion de l’équipage »55 ; la
protection sociale de sa majeure partie ne sera donc pas contrôlée. On revient donc à une situation
légale où des travailleurs étrangers d’une nation tierce56 exercent leur profession sur un navire
national57 en ne bénéficiant pas d’un traitement égal avec leurs collaborateurs. L’UE s’empare ainsi
de la stratégie de préférence nationale en la transformant en préférence régionale tout en cohabitant
avec le dumping social58 de la complaisance.

B- Différentes approches pour une harmonisation du droit des Etats membres

8. L’échec d’une unification pavillonnaire européenne. Le droit social des marin ne peut
être envisagé sans marin. Comme vu auparavant, la fuite des pavillons entraîne la fuite de la main
d’œuvre. C’est d’abord avec une vision de protection des acteurs locaux que l’Union va s’attaquer au
problème, en partant du constat que « La vente de navires et le transfert de pavillon sont des
phénomènes plus préoccupants que jamais, qui nuisent à l'emploi des marins de la Communauté »59.
Ainsi le projet du registre communautaire sera formulé en 198960. Sa portée était celle de la création
d’un pavillon volontaire parallèle auquel les navires nationaux auraient dû se rattacher. L’objectif à
atteindre étant la redynamisation de la flotte européenne et la protection des marins communautaires
au moyen d’une standardisation en matière de sécurité et de droits sociaux. Avec la reconnaissance
mutuelle des qualifications des travailleurs maritimes entre les EM et la facilitation du transfert de
navires entre registres européens, l’EUROS (European Union Register Of Shipping) avait vocation à
succéder aux pavillons nationaux. La politique maritime régionale aurait alors pu être directe, avec
une régulation de l’Union sur le sujet du transport et du travail maritime en dépossédant les EM de
leur flotte. Néanmoins ce projet était inédit dans sa nature. En effet, la Convention sur le Droit de la

53
CJCE, 30 sept. 2003, n o C-405/01 – « la circonstance que les capitaines de navire sont employés par une personne
physique ou morale de droit privé n'est pas, en tant que telle, de nature à écarter l'applicabilité de l'article 39 CE,
paragraphe 4 »
54
ANNEXE 5
55
Au moins 35% calculée sur la fiche d’effectif minimal et 25% pour les navires ne bénéficiant pas du dispositif d’aide
fiscale attribué au titre de leur acquisition - http://www.rif.mer.developpement-durable.gouv.fr/les-conditions-relatives-a-
l-equipage-r122.html
56
Nations hors EM
57
Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 - Article 91-1 : « Les navires possèdent la nationalité de l'Etat dont
ils sont autorisés à battre le pavillon. »
58
Profiter des différences de rémunérations et de réglementation du travail entre pays pour baisser les coûts.
59
CCE C0M(89)266 final – Introduction ; 1§3
60
CCE C0M(89)266 final - Un avenir pour les transports maritimes de la Communauté: Mesures destinées à améliorer
les conditions d'exploitation des transports maritimes de la Communauté 3 août 1989

13
Mer de 1982, signée par l’intégralité des EM à cette époque puis ratifiée la décennie suivante61, attribue
formellement à son article 91 la compétence de pavillonnage sous conditions nationales aux Etats et
non à une entité tierce. Ainsi la Commission souhaitait s’approprier un pouvoir souverain de ses EM,
alors qu’ils l’avaient eux-mêmes défini peu de temps auparavant. « Cette proposition n'a pas reçu
l'appui nécessaire au Conseil et n'a donc pas été adoptée »62, tel est le résultat constaté 7 ans plus tard.
La stratégie retenue fut donc celle du développement unilatéral des flottes nationales au moyen des
registres bis.

9. Le retour à « l’Europe des petits pas » ; la construction d’une politique maritime


effective. Le législateur national restera donc maître de la réglementation du transport maritime face à
une UE qui n’aura pas su s’accaparer le sujet. Elle reviendra alors à une construction par « le bas », à
travers la mise en place progressive d’une gestion commune dans des secteurs limités mais de plus en
plus nombreux afin de créer une solidarité de fait entre les EM63. Le communiqué COM(96) 81 final
du 13 mars 1996 annoncera ce virage « Vers une nouvelle stratégie maritime ». En partant du constat
que « les problèmes réglementaires ne peuvent plus être résolus de façon satisfaisante au seul niveau
national », le nouvel angle d’attaque sera « l'application sévère d'une politique de la sécurité fondée
sur des normes reconnues sur le plan international [qui conduira] à une amélioration notable de la
situation concurrentielle des navires immatriculés sur les registres de la CE [et] favorisera également
l'offre de nouvelles possibilités d'emploi pour le personnel qualifié de la CE »64 Cette stratégie se
concrétisera en 2002 avec l’instauration de l’Agence Européenne pour la Sécurité Maritime (AESM)
ayant la mission d’ « assurer un niveau élevé, uniforme et efficace de sécurité maritime et de
prévention de la pollution causée par les navires dans la Communauté » 65 et la mise en place d’un
système communautaire de suivi du trafic des navires et de contrôle du respect des conditions
minimales exigées pour les navires à destination des ports maritimes de la Communauté, aujourd’hui
dénommé THETIS66. Bien qu’il s’agisse de mesures concrètes, premiers pas effectifs de l’Union dans
une politique maritime commune, des nuances doivent être apportées. D’une part, elles ne sont pas
accueillies unanimement et continuent de se heurter à un manque de moyens et de volontés de la part

61
https://treaties.un.org/pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXI-
6&chapter=21&Temp=mtdsg3&clang=_fr
62
CCE COM(96) 81 final - Vers une nouvelle stratégie maritime 13.03.1996 A-V p13
63
https://www.vie-publique.fr/fiches/20310-comment-sest-construite-lunion-europeenne
64
CCE COM(96) 81 final - Vers une nouvelle stratégie maritime 13.03.1996 I-B-1 p15
65
Règlement (CE) n° 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 instituant une Agence européenne
pour la sécurité maritime
66
Directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 abrogeant la directive 93/75/CEE relative
à la mise en place d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information, et abrogeant la directive
93/75/CEE du Conseil

14
de certains EM, démontrant les stratégies nationales multiples perdurant en parallèle67. D’autre part,
bien qu’elles aient une portée sécuritaire à visée concurrentielle et, indirectement, un objectif de
revalorisation des métiers maritimes, les gens de mer seront explicitement exclus de nombreuses
décisions communautaires mettant en place une protection sociale européenne dans la décennie suivant
l’apparition de la nouvelle stratégie maritime68. Il semble alors que l’Europe - comme la France dont
le cas sera traité par la suite – juge un nivellement par le haut, à travers les traités internationaux,
nécessaire pour une politique sociale maritime efficace.

II- La CTM 2006 dans le droit communautaire : consécration d’une politique sociale
maritime internationale

Dans le domaine du travail, l’OIT est l’organisme de référence à l’international depuis sa


création69. Elle élabore des conventions dans le domaine du maritime depuis 192070 en abondance71.
En 2001, un constat est cependant dressé : « nombre d’instruments de l’OIT dans le domaine maritime
sont désuets, insuffisants et ne reflètent guère la pratique actuelle; quant aux instruments actualisés
et pertinents, ils sont insuffisamment ratifiés »72. En effet l’Organisation a la particularité d’être
composée de délégations tripartites gouvernement-organisation syndicales de salariés-employeurs, de
nombreux acteurs aux intérêts souvent divergents ont donc leur voix à accorder aux conventions pour
leur adoption73. Si ces dernières passent cette épreuve d’adoption, les EM n’ont ensuite qu’obligation

67
IP/09/573 Bruxelles, le 14 avril 2009 Sécurité maritime: la Commission exige la mise en œuvre adéquate, par la
Pologne et l'Espagne, des règles sur le contrôle par l'État du port
68
Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres
relatives aux licenciements collectifs article 1er - 2.c) excluant les équipages de navires de mer et Directive 2001/23/CE
du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des
droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements
Article 1er – 3. Excluant les navires de mer pour exemples
69
Instituée dans le cadre du Traité de Versailles en 1919 devenu institution spécialisée des Nations Unies siégeant à
Genève depuis 1946, elle compte 187 EM en 2022.
70
Convention (n° 7) sur l'âge minimum (travail maritime) ; Convention (n° 8) sur les indemnités de chômage (naufrage)
et Convention (n° 9) sur le placement des marins du 15 juin 1920
71
Pour protéger les gens de mer dans le monde et la contribution qu’ils apportent au commerce international, l’OIT a
adopté plus de 70 instruments (41 conventions et les recommandations s’y rapportant) -
https://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by-international-labour-standards/seafarers/lang--fr/index.htm
72
Rapport de la 29e session de la Commission paritaire maritime (Genève, 22-26 janvier 2001) Point 1 : 5. - GB280-5-
2001-02-0313-01-FR.Doc/v.2
73
Article 19-2. de la Constitution de l’OIT : « pour qu'une convention ou qu'une recommandation soient adoptées au
vote final par la Conférence, une majorité des deux tiers des voix des délégués présents est requise. »

15
de les soumettre à leurs autorités compétentes pour examen de ratification74. C’est dans ce contexte
qu’il convient de placer l’élaboration de la CTM 2006, dont la structure, la portée, l’élaboration et le
soutient dont elle dispose marquent une nouvelle ère dans l’histoire du droit du travail maritime. A la
manière des textes de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), la Convention se posera une
contrainte supplémentaire de nombre d’Etats signataires, ajoutée à celle d’une part de jauge brute
mondiale représentée afin d’entrer en vigueur75. Façonnée dans le contexte de fuite des pavillons, elle
fait face à une urgence réelle de ratification avant que les nations soucieuses du droit des travailleurs
ne deviennent des poids plumes du transport maritime mondial. L’Union sera ainsi actrice majeure de
cette transition vers un « code du travail maritime universel »76, profondément ancré dans sa stratégie
maritime (A). Elle prendra ensuite les devants pour assurer la cohérence et la bonne articulation de la
CTM 2006 dans le cadre d’une PMI gagnant en puissance (B).

A- L’Europe et l’OIT ; une coopération de longue date

10. Un partenaire historique de l’Europe. Le premier accord de collaboration entre


l’organisation supranationale régionale et l’organisation internationale date de 195877. Il pose des
principes de consultations mutuelles, d’échange d’informations et d’assistance technique « en vue
d'atteindre leurs objectifs dans le domaine social et en matière de travail »9. Ce partenariat ira
croissant en importance et son organisation s’articule aujourd’hui autour de deux échanges de lettres
majeurs78. En 1989, une première lettre du Directeur-Général de l’OIT au Président de la CE réaffirme
l’importance de la coopération entre les deux institutions. Il invite alors la Communauté à participer
aux discussions et négociations au sein des réunions institutionnelles à Genève en échange de la
présence de représentants de l’OIT aux réunions de ses services portant sur des questions sociales et
de l’emploi79. L’UE, de son côté, accepte les termes de cet accord formel et élabore la même année sa
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (CCDSFT) dans laquelle elle
établit « qu’il convient de s’inspirer des conventions de l’Organisation internationale du travail »80,
cette expression sera ensuite reprise dans nombre de directives européennes en matière de droit du

74
Article 19-5. de la Constitution de l’OIT
75
Article VIII-3. CTM 2006 – « entrera en vigueur douze mois après que la ratification d’au moins 30 Membres
représentant au total au moins 33 pour cent de la jauge brute de la flotte marchande mondiale »
76
Patrick Chaumette - Convention du travail maritime OIT de 2006 : Déclaration de conformité et rapports nationaux -
Neptunus, e.revue Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, vol. 21, 2015/2
77
Accord concernant la collaboration entre l'O.I.T. et la Communauté économique européenne du 7 juillet 1958
78
Concernant l’étude de la genèse de la CTM 2006, l’échange de lettre du 4 février 2021 est aussi à évoquer pour
démontrer la continuité du développement de la collaboration entre les 2 institutions.
79
Echange de lettres entre la Commission des Communautés européennes et l’Organisation internationale du travail du
21 décembre 1989
80
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs considérant (10)

16
travail81. Il s’agit là du début d’une collaboration effective, alors que les effets d’une mondialisation
en développement exponentiel affectent les droits des travailleurs à l’international. En 2001 ensuite,
un nouvel échange eut lieu à l’initiative de la Commissaire européenne pour l’Emploi et les Affaires
sociales cette fois. L’innovation principale qui sortira de cet accord sera la mise en place de réunion
de haut niveau annuelle en alternance entre Bruxelles et Genève afin de « faire le point de la
coopération existante et de planifier des activités conjointes pour l'année suivante »82. Ces dernières
débuteront en 2002 à Genève et aboutiront à l’établissement d’un protocole d’accord concernant un
partenariat stratégique dans le domaine du développement entre la CE et l’OIT en 200483, encore en
vigueur aujourd’hui, formalisant une nouvelle fois un partenariat grandissant. C’est dans cette période
que les travaux d’élaboration de la CTM 2006 seront effectués84. Il sera alors intéressant d’observer
les effets de cette dynamique à travers le soutien grandissant apporté par l’UE aux travaux de
l’Organisation.

11. L’élaboration d’une stratégie de soutien effective aux textes de l’OIT. Comme vu
auparavant, l’outil favorisé en matière de droit du travail sera la directive. Institutionnellement, l’effet
direct reste réservé aux règlements. Leurs dispositions sont appliquées dans l’ordre juridique interne
des EM dès leur publication au Journal officiel de l’Union85. Cependant l'article 151(2) du TFUE
prévoit que les mesures concernant la politique sociale européenne « tiennent compte de la diversité
des pratiques nationales, en particulier dans le domaine des relations conventionnelles, ainsi que de
la nécessité de maintenir la compétitivité de l'économie de l'Union ». Ainsi un règlement « obligatoire
dans tous ses éléments »17 n’est pas envisageable dans le cadre de pratiques nationales du travail au
moins aussi nombreuses que le nombre d’EM. Se pose alors la question de l’efficacité de la mise en
place de directives « laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux
moyens »17. La réponse se trouve dans l’arrêt CJCE van Duyn affaire 41/74 du 4 décembre 1974
combiné à l’Arrêt CJCE Ratti affaire 148/78 du 5 avril 1979 d’où il ressortira qu’une directive dont
les obligations inconditionnelles et suffisamment précises des directives non transposées dans les
délais impartis sont d’effet direct vertical et unilatéral86. Ainsi sur la base du devoir du juge national

81
Considérant (4) de la DIRECTIVE 1999/63/CE et Considérant (6) de la Directive 2003/88/CE par exemple
82
Echange de lettres entre l'Organisation internationale du Travail et la Commission des Communautés européennes sur
les domaines prioritaires de la coopération En date du 14 mai 2001
83
Memorandum of Understand concerning the establishment of a strategic partnership between the International Labour
Organisation and the Commission of the European Communities in the field of Development July 2004
84
De 2001 à 2006 pour la publication puis de 2006 à 2013 pour l’entrée en vigueur Cf point 12. de ce mémoire
85
Article 288 TFUE
86
Seul un particulier peut l’invoquer à l’encontre d’un Etat et l'État fautif ne peut l'invoquer à l'encontre d'un particulier –
CJCE Marshall affaire 152/84 du 26 février 1986

17
de sauvegarder les droits consacrés par le droit européen87, la jurisprudence communautaire donne un
puissant pouvoir d’applicabilité aux directives précises et spécialisées. Ces caractéristiques se
retrouveront donc dans celles à portée sociale maritime. Au-delà de la mise en place d’un instrument
juridique complexe et contraignant, il convenait de légitimer autant que faire se peut les mesures mises
en place dans un domaine où les EM rechignent à abandonner leurs particularismes nationaux88. Ainsi
l’Accord sur la politique sociale, contenu dans le traité de Maastricht, vise à « poursuivre dans la voie
tracée par la Charte sociale de 1989 »89 et établit dans son article 3 et 4 la procédure d’élaboration de
mesures dans le domaine de la politique sociale en coopération avec les partenaires sociaux. Ces
articles ont été transposés dans le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) aux articles 138
et 139, eux même transformés en articles 154 et 155 de l’actuel TFUE. Elle se dote ainsi elle-même
d’une organisation tripartite à la manière de l’OIT, afin d’établir les mesures les plus cohérentes et
pragmatiques dans le domaine. Dans le cadre maritime, l’Association des armateurs de la Communauté
européenne (ECSA)90 et la Fédération des syndicats des transports dans l’Union européenne (FST)91
seront ces partenaires sociaux privilégiés. La première fois que ces éléments combinés seront utilisés
dans le droit des gens de mer, sera avec la directive 1999/63/CE du 21 juin 1999 concernant l’accord
relatif à l’organisation du temps de travail des gens de mer. Celle-ci « reprend les dispositions de la
convention n°180 de l’OIT »92 sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires de
1996. Le délai de transposition venu à échéance le 30 juin 2002, des procédures d’infractions furent
engagées contre les EM n'ayant pas notifié, dans le délai prévu, les mesures nationales de
transposition93. Elle fut finalement intégrée dans la totalité des OJ des EM en 2005 avec la France94,
dernier pays à finaliser la transposition de ce texte. Il convient de souligner qu’aucun EM n’avait ratifié
la convention n°180 au moment de la directive, la plupart n’ont même jamais déposé d’instrument de
ratification auprès de l’OIT95. Ainsi, à travers ses propres procédures et instruments, l’UE a su imposer
l’intégration des dispositions d’une convention internationale dont elle soutenait la portée et qui n’était

87
Leslie Monteil – L’application des conventions internationales de droit maritime en droit français - Partie 1 : Titre 2 :
Chapitre 1 : Section I : 216. §2 – 16 février 2018
88
Cf Partie 1 : I- A- 6. ; 7. et I- B- 8. du présent mémoire
89
Préambule du protocole sur la politique sociale du traité de Maastricht du 7 février 1992
90
Fondée en 1965, regroupant 19 associations membres de l’EU et de Norvège - https://www.ecsa.eu/about-us
91
Fondée en 1999, regroupant 200 syndicats des transports de 40 pays européens différents dans de multiples secteurs
dont le transport maritime - https://www.etf-europe.org/about-us/
92
Considérant (13) de DIRECTIVE 1999/95/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 13 décembre
1999 concernant l'application des dispositions relatives à la durée du travail des gens de mer à bord des navires faisant
escale dans les ports de la Communauté
93
En l’occurrence contre l’Autriche, la France et l’Italie - 21ème RAPPORT ANNUEL SUR LE CONTROLE DE
L’APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE (2003) {COM(2004)839 final} du 30.12.2004 – p21
94
Décret n° 2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail des gens de mer
95
https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:11300:0::NO:11300:P11300_INSTRUMENT_ID:312325:N
O

18
pas formellement adoptée par les nations indépendamment. Ce processus sera de nouveau utilisé pour
la CTM 2006 avec succès.

B- Le poids de l’UE dans l’adoption et l’intégration de la CTM 2006

12. La construction de la Convention avec l’UE. En janvier 2001, la Commission paritaire


maritime96 se réunit et affirme « que la meilleure façon d’aller de l’avant […] consistait à adopter une
convention-cadre unique regroupant le corps existant de conventions et de recommandations
maritimes de l’OIT »97. En mars 2001 ce projet se concrétisera avec la formation d’un groupe de travail
tripartite de haut niveau sur les normes du travail maritime afin d’entamer sa construction98. Dès son
origine, l’Union s’engage activement et met en place une coordination informelle en 2003 pour
s’assurer la compatibilité entre le texte et le droit communautaire ainsi que l’harmonisation de la
position de soutien de la part des EM99. Ceci sera formalisé le 21 avril 2005 par un mandat au Conseil
obtenu par la Commission « pour veiller, au côté des Etats membres, à la sauvegarde de l’acquis
communautaire pendant les négociations à l’OIT »100. Il s’agit alors du premier mandat jamais décidé
en vue d’une négociation internationale sous les auspices de l’OIT31. Il contient des directives de
négociation que les EM devront respecter afin de prévenir les risques de divergences entre les
engagements internationaux et communautaires. L’UE exercera donc un pouvoir d’encadrement sur
les négociations de ses EM, sans être partie au traité, en tant que simple invitée, observateur de l’OIT.
Cette coopération se fera aussi avec l’Organisation lors de la rédaction. Un exemple en matière de
sécurité sociale fut la modification de la norme A4.5-5. de la CTM 2006 qui prévoyait un partage de
responsabilités entre Etat de résidence et Etat du pavillon, pour l’adapter au Règlement (CEE)
n°1408/71 qui prévoyait que les lois applicables aux gens de mer qui se déplacent dans l’Union
européenne sont celles de l’État du pavillon durant les travaux initiaux101. Ainsi l’OIT aussi s’adaptera
au droit communautaire pour rédiger la Convention et en favoriser l’intégration. Les travaux de ce
groupe s’achevèrent par l’adoption, à l’issue de la 94ème session (maritime) de la Conférence

96
Seul organe bipartite permanent de l’OIT composée de représentants des armateurs et des marins -
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/how-the-ilo-works/departments-and-offices/jur/governance-
meetings/WCMS_431618/lang--fr/index.htm#a2
97
Rapport de la 29e session de la Commission paritaire maritime (Genève, 22-26 janvier 2001) – Point 1 : 5.
98
Marie Marin et Alexandre Charbonneau - Une convention innovante pour le travail maritime ? Les apports de la
Convention du travail maritime (CTM) 2006 Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique,
Université de Nantes, Vol. 14, 2008/3
99
Anne Devouche - L’Union européenne et le droit du travail maritime : De l’adoption à l’application de la CTM 2006 -
revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale - 2013/2
100
Communication de la Commission au titre de l’article 138 paragraphe 2 TCE sur le renforcement des normes de
travail maritime /* COM/2006/0287 final */ §2
101
Anne Devouche - L’Union européenne et le droit du travail maritime : De l’adoption à l’application de la CTM 2006 -
revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale - 2013/2

19
internationale du travail, de la CTM, le jeudi 23 février 2006, à trois cent quatorze voix pour, aucune
voix contre, et quatre abstentions102. Elle est organisée en trois grandes parties : les articles qui
apparaissent en premier énoncent des obligations d'ordre général, les règles qui déterminent les grands
principes de ce droit du travail maritime international et le code comprenant lui-même deux parties :
la partie A, qui énonce les normes contraignantes, et la partie B, qui renferme les principes directeurs
non contraignants mais dont il doit être dûment tenu compte au moment de la ratification103.

13. La Directive 2009/13/CE du 16 février 2009. Dès l’adoption de la CTM par l’OIT, l’UE
a un objectif d’accélération de sa ratification pour les raisons exposées plus tôt. Dans cette optique, le
15 juin 2006, la CE lance une « première phase de consultation officielle des partenaires sociaux en
vertu de la procédure prévue à l’article 138§2 du traité instituant la Communauté Européenne » et
réunira de nouveaux les acteurs européens du monde maritime104 afin qu’ils se prononcent en
particulier sur « l’opportunité qu’il y aurait éventuellement à intégrer les dispositions pertinentes de
cette Convention en droit communautaire » 105. Les négociations eurent lieu entre septembre 2006 et
mai 2008106 et un accord fut conclu entre l’ECSA et l’ETF le 19 mai 2008, contenant une demande de
mise en œuvre par décision du Conseil. Il demande d’intégrer pratiquement toutes les matières de la
CTM 2006 grâce à la compétence des partenaires sociaux : les conditions requises pour travailler à
bord, les conditions d’emploi couvrant le contrat de travail, le rapatriement, le développement de
carrière, le logement et l’alimentation à bord, la santé et la sécurité au travail. De plus il modifie la
directive 1999/63, issue de l’accord précédemment étudié, afin de l’adapter à la CTM 2006.
Cependant, les responsabilités de l’Etat du pavillon et du port ne faisant pas partie de leur compétence,
la transposition du « Titre 5. Respect et mise en application des dispositions »107 de la Convention ne
sera pas traitée dans l’accord. Ainsi, en 2009, les dispositions du code du travail maritime universel

102
Marie Marin et Alexandre Charbonneau - Une convention innovante pour le travail maritime ? Les apports de la
Convention du travail maritime (CTM) 2006 Neptunus, revue électronique, Centre de Droit Maritime et Océanique,
Université de Nantes, Vol. 14, 2008/3
103
Alexandre Charbonneau et Patrick Chaumette - Premiers amendements à la convention du travail maritime de l'OIT
de 2006 Garanties financières en matière d'abandon des gens de mer et de responsabilité des armateurs en cas de décès ou
de lésions corporelles - Droit social 2014 p.802
104
Cf Partie 1 : II- A- 11. du présent mémoire
105
Communication de la Commission au titre de l’article 138 paragraphe 2 TCE sur le renforcement des normes de
travail maritime /* COM/2006/0287 final */ §5
106
Le 29 septembre 2006, ECSA et ETF ont informé la Commission de leur volonté d’engager des négociation –
considérant (4) de la DIRECTIVE 2009/13/CE DU CONSEIL – et le 19 mai 2008, lesdites organisations ont conclu un
accord concernant la convention du travail maritime, 2006 - considérant (5) de la DIRECTIVE 2009/13/CE DU
CONSEIL
107
CTM 2006

20
sont prêtes à être intégrées dans le droit communautaire par voie de directive108. Ce processus sera
ensuite réitéré en 2018 avec la directive (UE)2018/131 qui modifiera la précédente afin de l’adapter
aux amendements de la MLC. Détail important et principe commun aux directives de l’UE et aux
convention de l’OIT109 : « La mise en œuvre de la présente directive ne constitue en aucun cas un motif
suffisant pour justifier une réduction du niveau général de protection des travailleurs dans les
domaines régis par celle-ci »110. Le marin français et sa protection sociale avancée111 ne sera donc pas
inquiété de voir ses droits dégradés par une directive imposant des minimas internationaux inférieurs
à ceux nationaux. Il doit tout de même être noté que cette législation sera la première qui, au niveau
européen, concernera l'inspection du travail et imposera une certification sociale112. Finalement,
particularité de cette dernière ; elle n’entre en vigueur qu’à la date d’entrée en vigueur de la CTM
2006113. S’ensuivra donc une campagne de l’UE pour sa ratification.

14. L’UE ambassadrice de la ratification. « L’UE a joué un rôle clé […] lors de l’adoption
de la Convention Maritime Consolidée »114. Pour cette dernière, l’étape suivant l’adoption sera celle
d’être « communiquée à tous les Membres en vue de sa ratification par ceux-ci »115. Le 23 février
2006, la CTM 2006 a une existence officielle. Chaque Etat est libre de la ratifier et de s’y soumettre.
Cependant, cette convention se donne aussi l’objectif de remédier au faible taux de ratification de
celles qui l’ont précédé avec pour conséquence l’éclatement du droit social des marins. C’est dans cet
optique que l’article VIII-3 énonce la condition suivante : « La convention entrera en vigueur douze
mois après que la ratification d'au moins 30 Membres représentant au total au moins 33 pour cent de
la jauge brute de la flotte marchande mondiale aura été enregistrée ». Contrairement à d’autres
conventions de l’OIT qui liaient uniquement les Etats les ayant ratifié à une obligation de respect, la
CTM 2006 contient la « clause des conditions pas plus favorables » qui assure sa portée universelle
une fois mise en œuvre116. Ces deux aspects légitiment l’intérêt de la ratification et la facilitent. Dès
2007, l’UE incite ses EM à « s’efforcer de prendre les mesures nécessaires pour déposer le plus tôt

108
Directive 2009/13/CE du 16 février 2009 portant mise en œuvre de l’accord conclu par les Associations des armateurs
de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la
convention du travail maritime, 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE
109
Article 19, paragraphe 8, de la constitution de l’OIT
110
Article 3-2. de la Directive 2009/13/CE
111
Cf Partie 1-III-A-16. du présent mémoire
112
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Ministère des affaires étrangères et européennes PROJET DE LOI autorisant la
ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail NOR :
MAEJ1133589L/Bleue-1 ----- ÉTUDE D’IMPACT P15
113
Article 7 de la Directive 2009/13/CE
114
https://www.ilo.org/brussels/ilo-and-eu/lang--fr/index.htm
115
Article 19-5.(a) de la Constitution de l’OIT
116
Cf Partie 1 : III- A- 16. du présent mémoire

21
possible [..] leurs instruments de ratification de la convention auprès de la direction générale du
Bureau international du travail » par décision du Conseil117. Il s’agit d’un acte « obligatoire dans tous
ses éléments »118. L’UE engage donc ses propres moyens juridiquement contraignants afin d’atteindre
les objectifs de l’article VIII. Cette décision fixe un objectif de ratification avant le 31 décembre 2010
et instaure des contrôles d’avancement de la ratification. Le 20 aout 2012, 30 Membres de l’OIT
représentant près de 60% du total de la jauge brute de la flotte marchande mondiale ont ratifié la CTM
2006 et ainsi amorcé le délai de 12 mois conduisant à son entrée en vigueur119. Un tiers des nations
signataires représentant près de 5% du total de la jauge brute de la flotte marchande mondiale sont des
EM de l’Union.120 Ainsi au plan régional, par sa Directive 2009/13/CE, comme au plan international,
par sa Décision 2007/431/CE, l’UE aura participé activement à la mise en place juridique de la CTM
2006 en exerçant son influence sur l’OIT et sur ses EM. Cependant un problème subsiste ; la
convention sera-t-elle effective dans les faits ? N’y a-t-il pas un risque qu’elle constitue simplement
un nouveau texte sur les gens de mer en marge de la réalité et pas ou peu appliqué ?

III- La coordination de la CTM 2006 avec la PMI de l’UE : une Convention effective
en Europe

« La Politique maritime intégrée de l’UE est un cadre d’action qui vise à promouvoir le
développement durable de toutes les activités liées à la mer et des régions côtières en améliorant la
coordination des politiques qui concernent les […] secteurs maritimes, et en élaborant des outils
transversaux »121. Le Sommet de la Terre à Rio, en 1992, officialise la notion de développement
durable en tant que développement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable122.
Ainsi dans les réalisations de la PMI, l’UE énumère les domaines d’action de la croissance bleue123,

117
DÉCISION DU CONSEIL du 7 juin 2007 autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de la Communauté
européenne, la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail (2007/431/CE)
118
Article 288 TFUE
119
GB.319/LILS/5 - Conseil d’administration 319e session, Genève, 17-31 octobre 2013 - CINQUIÈME QUESTION À
L’ORDRE DU JOUR Entrée en vigueur de la convention du travail maritime, 2006 (MLC, 2006) – Introduction-2. - 26
août 2013
120
Cf Annexe 6
121
https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/121/politique-maritime-integree-de-l-union-
europeenne#:~:text=La%20Politique%20maritime%20int%C3%A9gr%C3%A9e%20de%20l'UE%20est%20un%20cadre
,c%C3%B4ti%C3%A8res%20et%20ultrap%C3%A9riph%C3%A9riques%20et%20les
122
Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992
123
COM(2012)0494 - La croissance bleue: des possibilités de croissance durable dans les secteurs marin et maritime

22
des données et connaissances sur le milieu marin124, de la planification de l’espace maritime125, de la
surveillance maritime intégrée126 et des stratégies relatives aux bassins maritimes127. Un arsenal
multiforme et polyvalent d’actions où le volet social des gens de mer ne semble pas prépondérant, si
ce n’est présent. Comme vu auparavant, la stratégie maritime européenne s’est orientée vers une
dynamique sécuritaire, aujourd’hui persistante, complétée par une forte perspective écologique128.
Dans ses objectifs stratégiques de 2005-2009, la Commission annonce la genèse de la PMI en faisant
valoir « l’intérêt environnemental et économique des océans et des mers »129. L’Union développe donc
une stratégie maritime en parallèle du pilier social. Malgré tout, c’est à travers elle que seront
communautarisés les aspects de responsabilité d’application de la CTM 2006 qui échappent à la
compétence des partenaires sociaux (A). Ce sera alors au moyen d’un système de contrôle efficace et
avec une réelle portée au plan régional que la CTM 2006 trouvera sa place, non pas dans, mais avec la
PMI européenne (B).

A- La responsabilisation des Etats communautaires dans un socle commun de


contrôle

15. Les responsabilités de l’Etat du pavillon européen. Le 12 décembre 1999 eu lieu la


catastrophe maritime de l’Erika survenue dans les eaux d’un EM130. C’est essentiellement depuis cet
accident que l’UE s’empare du sujet maritime en tant qu’entité indépendante de l’OMI. Ce sera alors
au travers de communications dénommées « Paquet Erika » que la Commission présentera ses
propositions concrètes visant à améliorer la sécurité du transport maritime au sein du territoire de
l’UE131. C’est dans le dernier de ces Paquets qu’ « une proposition de directive sur la responsabilité
des Etats du pavillon »132 sera pour la première fois évoquée en 2005. Ce projet sera concrétisé en
2009 avec la Directive 2009/21/CE concernant le respect des obligations des Etats du pavillon. Cette

124
COM(2008)0534 - Une stratégie européenne pour la recherche marine et maritime : un espace européen de la
recherche cohérent à l’appui d’une utilisation durable des mers et des océans
125
Directive 2014/89/UE - établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime
126
COM(2009)0538 - Sur la voie de l'intégration de la surveillance maritime: Un environnement commun de partage de
l'information pour le domaine maritime de l'UE
127
COM(2009)0248 - concernant la stratégie de l’Union européenne pour la région de la mer Baltique
128
En matière de croissance bleu, les axes pris sont l’éolienne en mer, le développement durable de l’aquaculture et
l’Energie océanique - https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/121/politique-maritime-integree-de-l-union-
europeenne#:~:text=La%20Politique%20maritime%20int%C3%A9gr%C3%A9e%20de%20l'UE%20est%20un%20cadre
,c%C3%B4ti%C3%A8res%20et%20ultrap%C3%A9riph%C3%A9riques%20et%20les
129
COM(2005)12 - OBJECTIFS STRATÉGIQUES 2005 – 2009 Europe 2010: un partenariat pour le renouveau
européen Prospérité, solidarité et sécurité
130
À à une trentaine de milles nautiques dans le Sud de la pointe de Penmarc’h, en Bretagne - COMMISSION
PERMANENTE D’ENQUETES SUR LES EVENEMENTS DE MER (CPEM) - Rapport d’enquête sur le naufrage de
l’ERIKA survenu au large de la Bretagne le 12 décembre 1999 - 2000
131
Paquet Erika I COM (2000) 142 – Paquet Erika II COM (2000) 802 – Paquet Erika III COM(2005) 585
132
Paquet Erika III COM(2005) 585

23
dernière a pour objet « de renforcer la sécurité et de prévenir la pollution par les navires battant le
pavillon d’un État membre »133 en invoquant les dispositions de la Convention sur le Droit de la Mer
de 1982, les conventions de l’OMI « du point de vue de la sauvegarde de la vie humaine en mer et de
la protection du milieu marin »134 ainsi que les normes de l’Organisation internationale de
normalisation comme base de son élaboration. A cette époque la CTM 2006 n’est pas encore en
vigueur, mais elle est adoptée par l’OIT et sa directive de transposition135 fut arrêtée au début de la
même année. Toujours dans cette perspective de promotion du texte international, les responsabilités
de l’Etat du pavillon au sein de l’UE ont été définies en tenant « dûment compte de la convention du
travail maritime, qui a été adoptée par l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2006 et qui
traite également des obligations liées à l’État du pavillon »136. Malgré cela, elle ne reprend absolument
pas la « Règle 5.1 – Responsabilités de l’Etat du pavillon » de la CTM 2006. Toutefois, elle établit un
lien indirect avec la matière sociale, au travers de l’affirmation de l’obligation qui pèse sur l’État du
pavillon de satisfaire aux règles et réglementations internationales applicables à son article 4.1. Cette
disposition est très importante pour l’application du code du travail maritime car elle est prospective
d’esprit et de fait. En effet, l’UE est en pleine campagne de ratification de la CTM 2006 et a émis une
décision qui entrainera assurément son entrée en vigueur137. Dès février 2009, le cap des 33% de la
jauge brute est atteint138, il ne manquera que 25 signatures pour son entrée en vigueur et 27 EM de
l’OIT sont aussi membres de l’UE cette année-là. Les absences de compétences des partenaires sociaux
seront donc ici comblées avec d’autres instruments juridiques de l’UE139, sur la base d’une mesure
sécuritaire et écologique140 avec comme conséquence indirecte l’application pleine de la CTM 2006
sur les navires européens. Une fois celle-ci en vigueur, l’UE n’attendra pas avant de mettre à jour sa
législation. En effet, la Directive 2013/54/UE impose, quelques mois après, la mise en place par chaque
EM « de mécanisme de mise en application et de contrôle efficace et appropriés […] afin de garantir
que les conditions de vie et de travail des gens de mer travaillant à bord des navires battant leur
pavillon satisfont et continuent à satisfaire aux exigences des passages pertinents de la MLC 2006 »141.

133
Article premier-1.b) de la DIRECTIVE 2009/21/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril
2009 concernant le respect des obligations des États du pavillon
134
Considérant (3) de la DIRECTIVE 2009/21/CE
135
Directive 2009/13/CE du 16 février 2009
136
Considérant (4) de la DIRECTIVE 2009/21/CE
137
DÉCISION DU CONSEIL du 7 juin 2007 autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de la Communauté
européenne, la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail (2007/431/CE)
138
Cf Annexe 6
139
Ici le Parlement Européen et le Conseil
140
Le considérant (1) de la DIRECTIVE 2009/21/CE énonçant qu’ « Il convient d’assurer à tout moment la sécurité de la
navigation de la Communauté et celle des citoyens qui l’utilisent, ainsi que la protection de l’environnement »
141
Article 3.1. de la Directive 2013/54/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative à
certaines responsabilités de l’État du pavillon en ce qui concerne le respect et la mise en application de la convention
du travail maritime, 2006

24
L’Europe a donc préparé puis adapté sa flotte à la CTM 2006 en cohérence avec la stratégie de
normalisation du droit social maritime communautaire au moyen des traités internationaux. La notion
de pavillon est centrale dans la problématique sociale des gens de mer. Cependant la notion d’Etat du
port s’avèrera cruciale pour la bonne application de la Convention.

16. Les responsabilités de l’Etat du port européen. En 1981, l’OMI introduit le principe
selon lequel les gouvernements contractants doivent prendre les dispositions nécessaires afin de
s’assurer que les navires faisant escale dans leurs ports battant pavillon d’un Etat non parties à la
SOLAS satisfassent à un niveau de normes qui ne soit pas inférieur à celui stipulé dans cette
convention142. Ce principe vise à universaliser des normes sécuritaires satisfaisantes en octroyant une
base légale à un Etat diligent, appliquant un modèle contraignant, afin de l’imposer à tous les navires
entrant dans ses ports. Cette « clause de traitement pas plus favorable » se retrouvera ensuite dans tous
les textes de première importance de l’OMI143. Comme évoqué précédemment, la Commission
paritaire maritime de l’OIT recherche une refonte pragmatique et efficace du droit social des gens de
mer. Pour ce faire, elle va de nouveau s’inspirer de l’OMI en introduisant une clause similaire dans la
CTM 2006 à son article V.7. : « Tout Membre s’acquitte des responsabilités contractées aux termes
de la présente convention en faisant en sorte que les navires battant le pavillon de tout Etat ne l’ayant
pas ratifiée ne bénéficient pas d’un traitement plus favorable que ceux battant le pavillon de tout Etat
l’ayant ratifiée ». Le port constitue cette interface de rencontre avec un Etat côtier et où les navires,
quel que soit leur pavillon, seront soumis aux lois nationales et susceptibles d’être contrôlés. En effet
le droit de passage inoffensif établi par la Convention de Montego Bay de 1982, limite fortement les
opportunités et les motifs de contrôle en mer144. Dès 1995, l’UE détermine le cadre communautaire
relatif au contrôle par l’Etat du port145 en obligeant les EM à mettre en place des administrations
maritimes nationales chargées d’inspecter les navires faisant escale dans leur ports ou naviguant dans
les eaux relevant de leur juridiction. Déjà à l’époque, la directive mise en place a pour objet « de
contribuer à une diminution radicale des transports maritimes inférieurs aux normes naviguant dans
les eaux relevant de la juridiction des États membres » en particulier « en faisant mieux respecter la
législation internationale et la législation communautaire pertinente régissant […] les conditions de

142
Avis sur la proposition de directive du Conseil concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la
Communauté et navigant dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes internationales relatives
à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires 0) (94/C
393/09) – 2.2.
143
Article II.3. de la SOLAS et Article 5.4) de la MARPOL par exemple
144
Définit à l’article 19 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982
145
Directive 95/21/CE, du Conseil du 19 juin 1995 concernant l'application aux navires faisant escale dans les ports de la
Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes internationales relatives à la
sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires

25
vie et de travail à bord »146. Les dispositions de contrôle ont été modifiées de nombreuses fois147 et de
nouveau avec l’arrivée du train de directives européennes en 2009 afin de favoriser l’applicabilité de
la CTM 2006 une fois en vigueur à travers la directive 2009/16/CE du 23 avril 2009 relative au contrôle
par l’État du port, toujours en vigueur aujourd’hui. Concernant les innovations sociales pour les gens
de mer, il conviendra de noter la création d’un système de réception des plaintes émises par le bord
devant être transmises à l’Etat du pavillon et à l’OIT148. Cette directive n’étant pas officiellement liée
à la CTM 2006, bien que cette dernière soit de nouveau citée dans le considérant (5), les certificats de
travail maritime et déclaration de conformité du travail maritime introduits avec sa Règle 5.1.3 ne
seront pas compris dans la liste des certificats et documents à contrôler lors d’une inspection initiale149.
Cependant, dès sa publication, la directive prévoit une procédure de modification et de mise à jour à
son article 32 et de nouveau, dès l’entrée en vigueur de la Convention, la Directive 2013/38/UE du 12
août 2013 consacrera l’application de ses dispositions dans les contrôles de l’Etat du port européen.
Ainsi il apparait que l’UE a effectivement préparé ses EM à l’instauration du code du travail maritime
sous tous ses aspects à travers différentes voies de directives. Il conviendra désormais d’établir
l’efficacité de son intégration législative dans la PMI européenne.

B- L’investissement de l’UE dans les acteurs de la PMI

17. La coordination d’un système de contrôle régional. En 2019, les navires immatriculés
dans les Etats membres de l’UE représentaient un cinquième de la flotte mondiale totale en port en
lourd avec environ 18000 navires150 et 24% des navires relevés dans les mers du monde l’ont été dans
les régions de la Mer Méditerranée, d’Europe de l’Ouest et du Nord151. Ajouté à cela, en 2021, 1,89
millions de gens de mer sont employés sur plus de 74000 navires dans le monde152 dont plus de 300000
officiers européens153. Telle est la réalité du transport maritime mondial et la part l’UE en son sein.
Eriger un arsenal juridique maritime cohérent avec la morale européenne est une chose. S’assurer de
son respect en est une autre. Dans le domaine maritime, les avancées législatives se font à coup de

146
Article Premier de la DIRECTIVE 95/21/CE DU CONSEIL du 19 juin 1995 concernant l'application aux navires
faisant escale dans les ports de la Communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes
internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord
des navires ( contrôle par l'État du port)
147
Par la Directive 98/25/CE, la Directive 98/42/CE, la Directive 1999/97/CE, la Directive 2001/106/CE puis la
Directive 2002/84/CE notamment
148
Article 18 de la Directive 2009/16/CE
149
Article 13.1)a) et Annexe IV de la Directive 2009/16/CE
150
European Maritime Safety Agency – Faits et chiffres : le rapport EMTER - La flotte de l’UE - p4 - 2021
151
Cf Annexe 7
152
BIMCO and International Chambre of Shipping – Seafarer Workforce Report The global supply and demand for
seafarers in 2021
153
http://emsa.europa.eu/eumaritimeprofile/section-5-seafarers.html

26
catastrophes, d’abus. Comme évoqué auparavant, la CTM 2006 ne fait pas exception à la règle ; elle
est élaborée en réaction à la fuite des pavillons et aux phénomènes d’abandons de marins en forte
croissance. Un système de contrôle devient nécessaire. Les navires affectés à une navigation
internationale ne font que rarement escale dans un port de leur Etat de pavillon, en particulier s’agissant
de pavillon de complaisance. Avant l’UE, les Etat côtiers ont élaboré des Memoranda d’Entente (MoU)
afin de coordonner efficacement les administrations et de cibler les navires à contrôler154. Il s’agit
d’accords multilatéraux non contraignants conclus entre Etats, souvent d’une même région. Le MoU
de Paris, institué en 1982 entre 14 nations maritimes d’Amérique du Nord et d’Europe, élabore des
listes annuelles de performance par pavillon sur lesquelles les autorités peuvent se baser pour effectuer
des contrôles au port155. La directive 95/21/CE consacrera les principes et procédures établis dans le
cadre du MoU de Paris156. Tous les Etats côtiers de l’UE en sont aujourd’hui partie. De ce désir
d’harmonisation des contrôles à l’échelle régionale naitra ensuite l’AESM en 2002 qui a d’abord un
objectif d’ « assistance technique et scientifique [..] afin d’aider [les EM] à appliquer correctement
la législation communautaire dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention de la
pollution causée par les navires, à contrôler sa mise en œuvre et à évaluer l'efficacité des mesures
déjà en vigueur »157. Aujourd’hui, l’AESM a la responsabilité technique de l’application du contrôle
de l’Etat du port à travers la surveillance des systèmes de chaque EM et en veillant à l’accomplissement
de l’objectif annuel global de 100% de navires inspectés au plan de l’ensemble de l’UE158. Dans le
cadre de l’application des dispositions de la CTM 2006 consacrée par la Directive 2013/38/UE, les
administrations maritimes nationales sont compétentes pour l’inspection du certificat de travail
maritime et la réceptions des plaintes des gens de mer à bord dans le cadre d’un contrôle de l’Etat du
port. La mise en œuvre de procédures adéquates en la matière est ainsi elle-même contrôlée au niveau
européen. De plus, des sociétés de classification privées peuvent être habilitées par les EM afin de
seconder les administrations dans la délivrance de ce certificat. L’AESM évalue ces organismes de
classification pour s’assurer qu’ils s’acquittent des obligations qui leur incombent au titre du
Règlement (CE) 391/2009 du 23 avril 2009. En l’état, l’UE possède donc une compétence
supranationale à travers une agence spécialisée qui contrôle le respect et l’harmonisation des normes

154
Loana Alonso - Le contrôle du respect de la convention du travail maritime en France - PARTIE I/Chapitre I/Section
I/§1/A/8- P17 – 26 janvier 2020
155
https://www.parismou.org/detentions-banning/white-grey-and-black-list
156
Article Premier §3 de la directive 95/21/CE
157
Article premier 2 du Règlement (CE) n° 1406/2002 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 instituant
une Agence européenne pour la sécurité maritime
158
Texte E 3074 - COM (2005) 588 final - 9.

27
communautaires en matière de contrôle. Cette jeune entité a aujourd’hui, plus que n’importe quand
dans son histoire, des ambitions concernant directement le respect de la CTM 2006 en Europe.

18. Vers un guichet unique européen efficace pour la CTM 2006. Concernant le droit des
gens de mer, l’Agence exprime son intention de « soutenir la mise en œuvre de la Convention
MLC »159. En juin 2020 elle a d’ailleurs organisé, en collaboration avec l’OIT, un atelier sur la mise
en œuvre du Code du Travail Maritime afin de « faciliter les échanges de points de vues et de
promouvoir la coopération entre pays ayant ratifié ou non la MLC » 160 et former des inspecteurs au
contrôle de la Convention. Cependant la tâche est colossale. En 2021, l’AESM compte 273 employés
et seule une de ses huit unités est chargée des inspections et évaluations de la sécurité161. En 2017, le
nombre d’inspecteurs d’administration maritime nationale qualifiés pour les contrôles de l’Etat du port
des navires de commerce à l’international varie de 2 à 120 pour l’ensemble des EM162. L’ITF, quant à
elle, dispose d’un réseau de plus de 140 inspecteurs dans 57 pays différents qui conduisent plus de
10000 inspections sur les conditions de vie à bord chaque année163. En face, un nombre d’inspections
de l’Etat du port en très faible évolution depuis 2007164, avec en 2020, 27494 inspections pour 64827
navires de plus de 500 UMS dans le monde165. La solution envisagée depuis 2002 est dans l’esprit de
la numérisation du maritime, priorité de la PMI en 2017166 : la mise en place d'un système
communautaire de suivi du trafic des navires et d'information « en vue d'assurer l'interconnexion et
l'interopérabilité des systèmes nationaux » 167. Cette harmonisation débutera avec la mise en place de
formulaires normalisés imposés aux EM pour les navires entrant ou sortant de leurs ports168. L’UE
attribuera ensuite à l’AESM en 2009, la responsabilité d’élaborer et de mettre en œuvre une base de
données des inspections169 tout en annonçant qu’elle « devra soutenir l'entrée en vigueur prochaine

159
Stratégie à 5 ans de la EMSA 2020-2024 - P29 - 2020
160
Marine safety, security and marine environmental protection in the Mediterranean Sea regions - Safemed IV
Newsletter- issue 4 / November 2020 - P8
161
http://www.emsa.europa.eu/fr
162
Armando Graziano, Pierre Cariou, François-Charles Wolff, Maximo Mejia, Jens-Uwe Schröder-Hinrichs - Port state
control inspections in the European Union: Do inspector’s number and background matter? P21 – 30 novembre 2017
163
https://www.itfseafarers.org/en/about-us/itf-inspectors
164
Cf Annexe 8
165
The 2020 World Merchant Fleet Statistics from Equasis - Table 1 - World fleet: total number of ships, by type and
size p8
166
Cf Partie 1 - Chapeau introductif du présent mémoire
167
Article 14 §1 - Directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 relative à la mise en place
d'un système communautaire de suivi du trafic des navires et d'information, et abrogeant la directive 93/75/CEE du
Conseil
168
Directive 2002/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 concernant les formalités déclaratives
applicables aux navires à l'entrée et/ou à la sortie des ports des États membres de la Communauté
169
Considérant (10) - DIRECTIVE 2009/16/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 23 avril 2009
relative au contrôle par l'État du port

28
de la convention du travail maritime, 2006 (MLC 2006) et l'application de la directive 2009/13/CE[14]
correspondante »170. En 2010, l’Union propose le système SafeSeaNet de partage numérique des
formulaires normalisés171. Ce système, évoluera en THETIS-EU, deviendra pleinement opérationnel
le 1er janvier 2015 et « permet de suivre quasiment en temps réel le dossier de conformité de chaque
navire dans tous les États membre » 172. C’est notamment au travers de ce système de coordination
européen que 5 navires de la Compagnie Nationale Algérienne de Navigation ont pu être retenus dans
4 EM dans une fenêtre d’1 mois sur la base de non-conformité avec la CTM 2006 en 2021173. Ce
système n’est qu’à ses prémices, le futur certain de THETIS sera le système de guichet unique maritime
européen EMSWe d’ici à 2025174 qui « vise à améliorer la compétitivité et l’efficacité du secteur du
transport maritime européen en réduisant la charge administrative, en introduisant un système
d’information numérique simplifié pour harmoniser les systèmes nationaux existants et alléger les
formalités administratives »175. A travers ce système sans précédent à une échelle régionale, on pourra
s’attendre à une amélioration de l’efficacité des contrôle, une réduction de la charge de travail des
inspecteurs et ainsi une détection plus efficace des manquements à la CTM 2006.

170
COM/2012/0660 final RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Rapport
d'évaluation concernant la mise en œuvre et l'incidence des mesures prises en vertu de la directive 2009/16/CE relative
au contrôle par l'État du port – 6.3. §3
171
DIRECTIVE 2010/65/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 20 octobre 2010 concernant les
formalités déclaratives applicables aux navires à l’entrée et/ou à la sortie des ports des États membres et abrogeant la
directive 2002/6/CE
172
COM(2018) 188 final RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL relatif
à la mise en oeuvre et au respect des normes en matière de teneur en soufre des combustibles marins établies par la
directive 2016/802/UE concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides – 5.§3
173
Cf Introduction – Point 1 du présent mémoire
174
Règlement (UE) 2019/1239 établissant un système de guichet unique maritime européen
175
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:4407248

29
Conclusion de la Partie 1 – La Convention du Travail Maritime 2006 : Instrument de la
politique maritime de l’Europe

L’UE est encore jeune. Entité naissante à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, elle se forme
tout d’abord en tant que Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1951 pour devenir de
nos jours une union économique et monétaire dotée de ses propres instituions politiques en parties
supranationales et en partie intergouvernementales. Son influence croissante sur ses EM a toujours été
sujette à controverse et lui a valu de nombreux échecs dans ses projets de construction européenne176.
Malgré tout, il est aujourd’hui impossible de ne pas reconnaitre l’importance perpétuellement
grandissante des prises de décision de l’UE dans tous les domaines, posant la question du réel lieu de
prise de décision pour les peuples européens.

Ses premiers pas dans le domaine socio-maritime seront ainsi hésitants. Elle les fera en réaction
au phénomène de complaisance qui frappe durement l’emploi maritime européen à partir des années
70. L’UE tente d’abord d’établir des règles d’hygiène et de sécurité pour les marins navigants sous ses
pavillons pour mieux les protéger de l’accélération de la mondialisation du métier de marin mais ses
EM contourneront sa compétence en instaurant des pavillons bis avec leur propre système de normes
maritimes en dehors de la compétence européenne. L’UE instituera ensuite une préférence régionale
en s’emparant des stratégies nationales multiples afin de sauvegarder un emploi européen. Après
l’échec d’une tentative de centralisation des pavillons des EM sous la bannière de l’UE, elle reviendra
alors vers une stratégie des petits pas pour le maritime, tournée vers la sécurité et la prévention de la
pollution, tout en décrétant que le droit social des gens de mer devrait être régulé à l’international et
non au niveau régional.

Le projet de code maritime universel de l’OIT, naissant au crépuscule du 20ème siècle,


s’accordera alors totalement à cette dynamique. Partenaire de longue date de l’UE, l’Organisation est
une instance modèle pour une Europe à compétence partagée en matière sociale. A travers une
coopération étroite, elle s’inspire de son organisation afin de contourner les restrictions des traités dans
le domaine du travail. Elle élabore alors une stratégie de transposition des conventions internationales
dans le droit communautaire, même en l’absence de ratification des EM, qu’elle mettra aussitôt à
l’œuvre pour le droit des marins. L’UE réutilisera évidemment cette proximité politique pour

176
Echec de la Communauté européenne de défense en 1954 et échec du projet de constitution européenne en 2004 par
exemple

30
l’élaboration, puis ces méthodes de transposition par voie de directives pour l’adoption de la CTM
2006. Elle préparera ainsi au maximum ses EM aux dispositions de cette convention afin qu’ils en
fassent une force une fois celle-ci établie et se portera ensuite ambassadrice de sa ratification avec
succès.

L’Union comblera l’absence de compétence des partenaires sociaux au moyen de ses propres
instruments contraignants afin d’intégrer totalement la portée de la CTM 2006 avant même son
adoption. De très courte directives viendront ensuite mettre à jour la préparation à la Convention et la
consacrera dès son entrée en vigueur dans tous les aspects du droit communautaire la concernant : les
normes minimales en tant qu’Etat fournisseur de main d’œuvre, sa bonne application en tant qu’Etat
du pavillon ainsi que sa défense à l’international en tant qu’Etat du port. Après avoir mis en place ces
instruments juridiques, elle cherche à pouvoir les utiliser au travers un système de contrôle organisé,
harmonisé et efficace à l’échelle européenne. Le futur de ce système est aujourd’hui la voie de la
numérisation.

En quoi la CTM 2006 peut-elle alors être considérée comme instrument de la politique
maritime européenne ? Il faut d’abord établir que la source de la PMI est d’abord un souci de
concurrence à l’international. L’Europe cherche à se positionner comme fer de lance de qualité en
matière de transport maritime. Il s’agit d’un argument de vente face aux pavillons qui se sont
appropriés la vaste majorité du marché de la flotte marchande mondiale. En se portant défenseuse de
l’environnement et de la sécurité des transports tout en se dotant d’un arsenal de condamnations pour
ceux qui ne les respecteraient pas dans ses eaux, elle se donne l’opportunité d’imposer des sanctions à
ses concurrents internationaux et de redorer le blason de ses propres pavillons. Le droit social des
marins n’est pas mentionné comme priorité dans la PMI telle que formulée aujourd’hui, surement à
cause de la compétence partagée dans cette matière qui ne permet à l’Europe d’établir une véritable
feuille de route régionale. Cependant la CTM 2006 est mentionnée dans toutes les directives de
contrôle de l’Union depuis qu’elle existe. Elle peut être invoquée, et l’est aujourd’hui, pour
immobiliser un navire ne respectant pas ses dispositions dans les eaux européennes. Elle peut ainsi
coûter extrêmement cher aux intérêts économiques s’y trouvant tout en diminuant l’attractivité des
pavillons qui n’auraient pas diligemment intégré l’application de la Convention. Ce n’est pas un hasard
si 15 des 31 pavillons sur liste noire et grise du MoU de Paris en 2020, dont les navires sont alors sujets
à des contrôles renforcés en Europe, sont aussi classés pavillons de complaisance par l’ITF. D’autres
part, tous les pavillons des EM sauf ceux de la Pologne et de l’Estonie sont sur liste blanche bien que

31
certains soient eux même pavillons de complaisance177. Excellence de sécurité malgré des normes
sociales bradées ou bien favoritisme régional ?

177
Cf annexe 9

32
PARTIE 2 : Les signes d’une stratégie maritime française tournée vers
l’international.

« Il n’y a de territoire de l’Union que celui des États membres, et l’Union n’a pas d’assise
territoriale qui lui permettrait de se projeter en mer et de disposer directement de "prolongement
maritime" »178. En effet, l’UE dispose comme seule compétence exclusive maritime la conservation
des ressources biologiques de la mer179. Même si d’autres compétences partagées existent en la
matière, les EM restent premiers décisionnaires dans l’orientation de leur politique maritime nationale.
La France est une nation maritime de fait. Pour ce qui concerne les marins français, on compte 16 300
navigants dont 42% d’officiers et 57% de personnels d’exécutions navigant sur 426 navires sous
pavillon tricolore en 2021180. Leur environnement est le secteur du transport maritime. Il est primordial
pour l’hexagone : 72% des importations s’y font par voie maritime181 et elle possède la 19ème flotte
mondiale en valeur commerciale en 2021182. Ce poids lourd économique n’est cependant pas inédit.
La France a toujours été une terre de marins183, cependant leur place dans le droit social national et
leur rapport avec les politiques étatiques a particulièrement évolué depuis l’accélération de la
mondialisation (I). Lorsque La France aura pleinement pris conscience du phénomène de
l’internationalisation de ce corps de métier, elle exercera ses prédispositions diplomatiques pour
l’élaboration de la CTM 2006 (II). Aujourd’hui, cette convention rejoint le corpus de textes maritimes
de première importance pour la politique maritime nationale, s’appliquant pragmatiquement et
demeurant d’actualité pour le droit social des marins en France (III).

I- Evolution de la place des gens de mer dans le droit social français

L’histoire moderne la flotte française commence en 1626 avec la création de la Marine royale
par le cardinal de Richelieu184. Suivra la règlementation de la marine marchande en France en 1681

178
Jean-François Dobelle sur https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/281092-la-france-une-puissance-maritime
179
Article 3-1.d) du TFUE
180
En comptabilisant la flotte de transport et de service – Armateurs de France – Rapport Annuel 2020/2021 – Des
Océans de Défis – p21
181
https://www.e-tlf.com/dossiers-tlf/chiffres-cles/
182
UNCTAD - REVIEW OF MARITIME TRANSPORT 2021 Table 2.3 - p35
183
Marseille, la deuxième ville en population de France fut fondée au Vème siècle av JC par des marins-colons phocéens
et restera, toute son histoire durant, un port commercial de premier rang en méditerranée.
184
https://www.lamarinerecrute.fr/qui-sommes-nous/histoire-et-culture-maritime

33
avec la grande ordonnance de la marine de Colbert, texte qui restera en vigueur plus de 3 siècles185.
Avec cette normalisation générale naitra le droit social des marins, bien avant le droit social terrestre,
né de la prohibition des corporations, de la liberté contractuelle, puis de l’interventionnisme de l’Etat
lié au développement industriel, dans la seconde moitié du XIXè siècle186. En effet, en tant que
secrétaire d’Etat de la Marine, Colbert établit que la ressource humaine compétente en France est trop
faible pour armer correctement et rapidement ses bâtiments en temps de guerre, tout en préservant sa
capacité commerciale187. Les marins ont alors une obligation militaire, en contrepartie de quoi ils
bénéficieront d’une protection sociale spécifique dans le cadre de l’Etablissement national des
invalides de la marine (ENIM)188. L’Etat reconnait aussi l’importance cruciale de la ressource de marin
dans la nation et fonde 4 nouvelles écoles d’hydrographies afin de former des français à la
navigation189. Malgré tout, ce rapport d’Etat aux gens de mer sera changeant et les actes de l’ambition
maritime de Colbert perdureront un temps avant de sombrer avec l’abandon de la politique maritime
française (A). Un élan maritime revenant, la France choisira alors la voie de l’escalade pour sa marine
marchande dans la compétition de la complaisance, complexifiant sa position vis-à-vis des droits
sociaux maritime (B).

A- Autonomisation puis abandon de particularisme du droit social des gens de mer


français

19. Le droit social a d’abord été maritime. Il convient de rappeler la définition de droit social
des marins concerné par la CTM 2006 au niveau national pour étudier l’évolution d’un droit
protéiforme associé à une profession qui s’est elle-même métamorphosée le siècle dernier. Le droit
social sera ici entendu englober le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, concédant aux
salariés un certain nombre de droits entrainant des obligations pour les employeurs. Comme vu
auparavant190, à l’international il y a confusion entre les termes « gens de mer » et de « marin » alors
qu’au niveau français, une distinction est faîte. La définition nationale correspondant le mieux à celle

185
L'ordonnance de la marine d'août 1681 a été formellement abrogée par l'article 7 de l'ordonnance no 2006-460 du 21
avril 2006
186
Patrick Chaumette. De l’évolution du droit social des gens de mer. : Les marins sont-ils des salariés comme les autres
? Spécificités, banalisation et imbrication des sources. . Annuaire de Droit Maritime et Océanique , XXVII (27), CDMO,
Université de Nantes, pp.471-499, 2009, Annuaire de Droit Maritime et Océanique, 1259-4962. ffhalshs-01481254 - P5
187
Marie-Laure Goebbels (2010) : « Histoire du droit social de la marine » en Revista Critica de Historia de las
Relaciones Laborales y de la Politica Social n°1-2 diciembre 2010/enero 2011 pp12-28 - p14
188
L’Ordonnance de Colbert de 1981 instaure les obligations de l'armateur à l'égard des marins blessés ou malades à
bord.
189
1665 Écoles royale d’hydrographie du Havre et de Dieppe – 1669 École royale d’hydrographie de Saint-Malo – 1672
École royale d’hydrographie de Nantes
190
Cf Introduction-2. Du présent mémoire

34
décrite à l’article II-1.f) de la CTM 2006191 est celle des gens de mer192 au commerce193, les métiers
français qui entrent dans le champs d’application de cette désignation seront étudiés. A l’origine donc,
l’émergence du droit social des gens de mer provient d’une construction de fait initiée par un Etat
tutélaire pour s’assurer l’aptitude d’équipages essentiels soumis à des conditions de travail
particulièrement dangereuses. C’est ainsi que les droits sociaux terrestres et maritimes se sont d’abord
construits en parallèle. En partant de la création de l’ENIM en 1673194, les inscrits maritimes
bénéficient de pension de demi-solde d’invalidité, puis d’assurances sociales et ultérieurement d’un
régime de sécurité sociale géré et largement financé par l’Etat. Le droit social généré par l’Etat le sera
ensuite bien souvent en double, dans le domaine industriel et commercial par exemple et dans le
domaine maritime, en prenant en compte ses particularités195. En 1852, la discipline professionnelle
est règlementée par son propre code disciplinaire et pénal de la marine marchande et sa propre
juridiction spécifique de tribunal maritime pour connaitre des affaires concernant les crimes et la
discipline à bord196. La montée en puissance du droit social terrestre continuera jusqu’à l’adoption du
code du travail en 1910 et culminera dans le maritime en 1926 avec l’adoption du code du travail
maritime dont les origines colbertiennes restent encore très lisibles197. Sur cette crête de la houle
d’intérêt française pour les gens de mer au commerce sera institué un ministère de la marine marchande
en 1929. Finalement, le particularisme et l’autonomie maritime en matière de régime de sécurité social
avec l’ENIM sera réaffirmé et modernisé en 1938198 alors que la sécurité sociale générale ne sera
instituée qu’en 1945199, les dispositions excluront de son application les régimes spéciaux comme celui

191
Article II-1.f) CTM 2006 : gens de mer ou marin désigne les personnes employées ou engagées ou travaillant à
quelque titre que ce soit à bord d’un navire auquel la présente convention s’applique
192
Article L5511-1 - 4° CT : "Gens de mer" : toutes personnes salariées ou non salariées exerçant à bord d'un navire une
activité professionnelle à quelque titre que ce soit.
193
Article L5511-1 - 3° a) CT : "Marins au commerce" : gens de mer exerçant une activité directement liée à
l'exploitation de navires affectés à une activité commerciale, qu'ils soient visés ou non par la convention du travail
maritime de l'Organisation internationale du travail, adoptée à Genève, le 7 février 2006, à l'exception des navires
affectés à la pêche ou à une activité analogue
194
https://www.enim.eu/lenim/notre-
histoire#:~:text=Si%20l'origine%20de%20l,France%20et%20%C3%A0%20l'%C3%A9tranger.&text=L'Enim%20doit%
20sa%20vocation%20et%20son%20nom%20%C3%A0%20Colbert.
195
Loi du 9 avril 1898 dans le domaine industrielle et commercial et Loi du 21 avril 1898 dans le domaine maritime
concernant l’indemnisation des accidents du travail par exemple ou en 1936 encore, deux lois du même jour instaurent
pour les activités terrestres et le secteur maritime, des délégués ouvriers, la semaine de 40 heures de travail, des congés
payés annuels.
196
Ces tribunaux auront une vie tumultueuse, supprimé une première fois en 1926 puis réintroduit sous la forme de
tribunaux maritimes commerciaux en 1939, dont la composition fut jugées contraire à la Constitution et supprimé à
nouveau en 2012 pour être remplacé par les tribunaux maritimes actuels
197
Patrick Chaumette. De l’évolution du droit social des gens de mer. : Les marins sont-ils des salariés comme les autres
? Spécificités, banalisation et imbrication des sources. . Annuaire de Droit Maritime et Océanique , XXVII (27), CDMO,
Université de Nantes, pp.471-499, 2009, Annuaire de Droit Maritime et Océanique, 1259-4962. ffhalshs-01481254f – p 6
198
Décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et a l'unification du régime d'assurance des marins
199
Ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale

35
du maritime. Cependant, depuis la 2nde guerre mondiale, les avancées dans le droit social français
seront plus nombreuses que jamais et l’isolement du droit social des gens de mer dans sa spécificité
lui portera préjudice.

20. Un déclin d’intérêt national pour la situation des marins. Le code du travail maritime
avait vocation à être une interface unique pour la régulation du droit social des gens de mer, il sera
néanmoins abandonné au fil du temps200. Tout d’abord, il n’était pas efficace dans sa construction. La
frontière entre les compétences des règles maritimes et terrestres dépendait de l’interprétation de
l’article 4 du code du travail maritime201, dont l’emblème est le contrat au voyage depuis 1926.
Cependant, l’essentiel des relations de travail maritimes relèvent de contrats d’engagement et ne
comportent pas que des périodes d’embarquement, mais des périodes liées au travail nautique, pendant
lesquelles le marin n’est plus à bord202. Ensuite, les rapports collectifs de travail ont fait l’objet d’une
légalisation unique203 où les entreprises maritimes n’ont pas reçu de traitement spécifique et peu de
mesures d’adaptation du code ont été prises, le rendant progressivement caduc. Il en résultera une
confusion des sources du droit du travail maritime et un « jeu de piste législatif […] devenu une partie
de ping-pong »204. Les gens de mer au commerce perdent progressivement les faveurs de l’Etat ; le
Ministère de la marine marchande disparait en 1958 et l’alignement du droit du travail maritime sur le
droit commun du travail dans le silence du législateur sera finalement affirmé avec l’arrêt Vendier du
7 mars 1997 qui consacrera la primauté du deuxième sur le premier. Finalement, de la même manière
que la CTM 2006 s’est voulu porteuse d’un désir de synthèse et d’actualisation du droit du travail
maritime international, le Code des Transport de 2010205 portera cette même volonté au niveau
national en s’assignant « pour première tâche de rationaliser la codification existante [avec
un] double objectif de contribuer au recentrage du code du travail sur ses dispositions génériques et

200
Le 3/04/2022, seuls 4 articles sur 134 sont encore en vigueur
201
Article 4§1 Code du travail maritime : Le contrat de louage de services conclu entre un armateur ou son représentant
et un marin est régi, en dehors des périodes d'embarquement du marin, par les dispositions du code du travail.
202
P. Chaumette, « Le contrat d’engagement maritime à la recherche de son identité », Dr. soc. 1991, 655 - Cass. soc., 14
janv. 1987, Bull. civ. V, no 24 - Cass. soc., 13 oct. 1988, Bull. civ. V, no 502 - Cass. soc., 12 janv. 1993, JCP G 1993, II,
22185, note M. Pierchon; Dr. soc. 1993, 444, note P. Chaumette - Cass. soc., 5 janv. 1995, Bride c/Sté armement R. Le
Coz, DMF 1995, p. 740 - Cass. soc. 3 novembre 2005, Sté Thaeron fils, Dr. soc. 2006, n° 2, pp. 218-221, DMF 2006
pp.595-600 n P. Chaumette - Cass. soc. 3 mai 2006, SNCM c/ M. Vialis, JCP-S 2006, 1523 note B. Boubli, Dr. soc.
2006, 805 n. P. Chaumette - Trib. Conflits 22 mai 2006, Bull. civ., n° 12, 5 mai 2008, n° 08-03.636 à 08-03.639, M. X. et
a. c/ Préfet des Pyrénées Atlantiques.
203
Liberté syndicale (1884), droit de la négociation collective (1919, 1936, 1950), représentation du personnel dans
l’entreprise (1936, 1945), droit de grève (1946,1950)
204
Patrick CHAUMETTE - Patrick Chaumette. De l’évolution du droit social des gens de mer. : Les marins sont-ils des
salariés comme les autres ? Spécificités, banalisation et imbrication des sources. . Annuaire de Droit Maritime et
Océanique , XXVII (27), CDMO, Université de Nantes, pp.471-499, 2009, Annuaire de Droit Maritime et Océanique,
1259-4962. ffhalshs-0148125
205
Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports

36
de faciliter l'accès des professionnels des transports au droit du travail qui leur est spécifique »206.
Ainsi il rassemblera les dispositions du code du travail maritime, du code des pensions de retraite des
marins français et des infractions prévues par le code disciplinaire et pénal de la marine marchande. Il
peut être regretté que cette ambition ne soit pas centrée sur le domaine du travail maritime mais sur
celui, beaucoup plus général, du transport. Cette dynamique de gestion des gens de mer comme priorité
de second plan se ressentira aussi dans la place de la marine marchande dans les différents
gouvernements dont la gestion ne fut plus jamais consacrée par un ministère dédié mais passant
successivement entre les mains de ministères ou de secrétariats d’Etat de la mer à caractère général,
de ministères multifonctions ou voir même d’aucune entité du pouvoir exécutif207. Aujourd’hui c’est
donc au sein du code des transports qu’il conviendra de chercher en premier la loi applicable pour le
droit social des gens de mer au commerce. Cependant, la particularité d’un navire reste celle de ne pas
être une portion du territoire national de son pavillon208. Dans le cadre d’un contrat de travail à bord
d’un navire, la loi applicable pourra alors varier avec la nationalité des contractants. Ainsi faut-il
encore des gens de mer au commerce français navigant sur des navires pavillon français pour espérer
voir appliquer les dispositions de ce code à l’international. La stratégie pavillonnaire nationale ne sera
néanmoins aucunement univoque dans sa volonté d’y faire appliquer pleinement le droit social
maritime français.

B- Le paradoxe du Registre International Français

21. Un pavillon de complaisance. « Il n'est ni exagéré de dire que le secteur économique de


la marine marchande s'est effondré en France, ni aventureux de prédire, au vu de l'évolution récente,
qu'à conditions inchangées il disparaîtra presque complètement »209. Sans son pavillon, l’Etat ne peut
imposer son droit social au titre de l’article 94 de la convention de Montego Bay 1982210. Evidemment
ce n’est pas la raison principale de l’interventionnisme d’Etat qui a eu lieu ces dernières années. Parmi
« les fondamentaux de la Marine marchande française »211 il pourrait être cité le fait qu’elle est un

206
Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie
législative du code des transports
207
https://www.ecologie.gouv.fr/lhistoire-des-ministeres
208
Considérant 33 de la Décision n° 2005-514 DC du 28 avril 2005 Loi relative à la création du registre international
français
209
Cons. const., 28 avril 2005 : Loi relative à la création du registre international français (Déc. no 2005-514 DC) – Note
5
210
Article 94-1 Convention de Montego Bay 1982 : Tout Etat exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les
domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon et article 94-2.b) : En particulier tout Etat ;
exerce sa juridiction conformément à son droit interne sur tout navire battant son pavillon, ainsi que sur le capitaine, les
officiers et l'équipage pour les questions d'ordre administratif, technique et social concernant le navire.
211
Armateurs de France – Plan stratégique pour la marine marchande française 27/08/20 p3

37
outil de cohésion entre les territoires de métropoles et d’Outre-mer et un mode multiséculaire qui
permet l’accès aux biens au plus grand nombre et au meilleur prix. Il s’agit en plus de services à haute
valeur ajoutée et d’une ressource stratégique de défense nationale212. L’Etat français s’emparera donc
du problème et y apportera une première solution en 1987 avec la création du registre Kerguelen213.
Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), servant de support à ce registre, disposaient
d’une autonomie juridique particulière lui permettant d’échapper à l’emprise de l’Union Européenne
par exemple214. Ce premier pavillon bis reposait alors sur la dérégularisation de l’emploi de main
d’œuvre à bord et des procédures administratives d’inscription au registre. En particulier, ce fut le
premier registre à fixer une proportion minimale par navire de 25% - par rapport à l’ effectif minimal
inscrit sur la fiche d’effectif du navire - de gens de mer au commerce issu de l’Europe élargie. Tous
les autres peuvent alors être employés et rémunérés aux conditions de leur pays tiers d’origine215. Pour
cette raison, en 1997 le pavillon Kerguelen entre sur la liste des pavillons de complaisance de l’ITF.
Même s’il ne sera jamais remis en cause devant les instances européennes, au contraire du registre
allemand216, et qu’il attire rapidement la plupart des quelques navires encore sous pavillon
métropolitain217, « le registre TAAF n'a pas enrayé le déclin »218. En 2002 le constat dressé est le
suivant : « le registre Kerguelen est à la fois fragile et non compétitif »219. A la recherche d’une
nouvelle orientation, il est intéressant de noter que le projet de refonte du pavillon bis français tiendra
compte des « mesures prises par l’Union Européenne pour développer les pavillons européens »40,
dans le cadre de sa stratégie maritime des années 90, « pour avoir un pavillon aussi attractif que les
autres pavillons européens »40. Le pavillon RIF actuel prendra sa suite en 2005220. Même s’il héritera
du statut de pavillon de complaisance du registre TAAF jusqu’aujourd’hui encore, il aura un impact
positif sur les droits sociaux des gens de mer y navigant.

212
Question écrite n° 12266 de M. Marc Lauriol (Yvelines - RPR) publiée dans le JO Sénat du 25/10/1990 - page 2297 -
Rôle national de la flotte marchande et loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992
213
Décret n°87-190 du 20 mars 1987 relatif à l'immatriculation et à l'armement des navires dans le territoire des Terres
australes et antarctiques françaises

214
Paul Meffre - Sous la direction de Maître Christian SCAPEL - Le Registre International Français - Mémoire de
Master 2 professionnel Droit Maritime et des Transports UNIVERSITE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DES
SCIENCES D’AIX-MARSEILLE - FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE -
Centre de Droit Maritime et des Transports - Année universitaire 2013-2014 p46
215
Article 1 - Arrêté du 20 mars 1987 pris pour l'application de l'article 4 du décret n° 87-190 du 20 mars 1987 relatif à
l'immatriculation et à l'armement des navires dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises
216
CJCE du 17 mars 1993 Solman Neptun
217
En 2003, les 221 navires immatriculés au TAAF représentaient 3,4 millions d’UMS soit 90% du tonnage sous
pavillon français.
218
Proposition de loi relative à la création du registre international français - Rapport n° 92 (2003-2004) de M. Henri de
RICHEMONT, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 3 décembre 2003
219
Rapport à Monsieur le Premier ministre - Un pavillon attractif, un cabotage crédible Deux atouts pour la France par
Henri de Richemont, sénateur de la Charente - octobre 2002 - mars 2003
220
Loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français

38
22. L’outil d’une redynamisation de l’emploi maritime. Il existe un pluralisme juridique
français en matière de registre d’immatriculation de navire. L’Etat Français compte en effet 5 registres
d’immatriculation sous sa tutelle en 2021221. Le pavillon RIF est aujourd’hui le pavillon dominant dans
la famille maritime française du transport222. La politique nationale de redynamisation de la flotte
gravitera en très grande partie autour du développement de l’attractivité du RIF. La raison principale
de la catégorisation en pavillon de complaisance reste malgré tout ce quota d’équipage basé sur la
nationalité223. Ainsi à bord d’un navire immatriculé au RIF, la loi du pavillon se différencie. Elle
s’applique entièrement aux marins résidant en Europe quand une partie restreinte des droits sociaux
français224 s’applique à l’ensemble de la communauté à bord. En pratique, cela a amené à une
disparition totale des ressortissants européens aux postes de personnel exécutant et partielles des postes
d’officiers juniors au profit de ressortissants extra-européens225. Le quota est bien souvent respecté
dans ses limites. Avec la disparition des gens de mer au commerce personnel exécutant français à
l’international, il ne reste aujourd’hui pratiquement que des marins officiers français à bord des navires
RIF. On pourra alors évoquer le sacrifice d’une catégorie de gens de mer français au profit d’une autre.
En effet ce profit est tangible dans la loi et dans les faits. Les marins français bénéficient d’avantages
sociaux supplémentaires à travers le rif : une exonération d’impôts sur le revenu, une filiation
maintenue avec le régime social des gens de mer ENIM largement financé par l’Etat ainsi qu’une
reconnaissance des temps de navigation conforme aux législations nationales226. Dans les faits : pour
les élèves diplômés de l’Ecole Nationale Supérieure maritime, ayant le monopole de la formation des
officiers de marine marchande en France, il s’agit d’une insertion professionnelle de 100% au bout de
6 mois et un salaire à l’embauche en augmentation de 15% ces 7 dernières années227, sur la même
période c’est une hausse de 25% du nombre de navire immatriculé RIF228. En 2012, 21% des marins
au commerce français naviguaient sous pavillon RIF. Cette statistique avait progressé de 24% depuis
sa création en 2005 avec une moyenne de +100 marins/an ajoutés à son effectif229. En 2021 ce sera
aussi l’annonce par le Président Emmanuel Macron du doublement du nombre d’officiers français

221
Registre International Français, Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle Calédonie, Métropole DOM
222
Cf Annexe 10
223
Article L5612-1 CT
224
Dispositions de l’Article L5612-1, 2° CT
225
Conclusion tirée de l’expérience personnelle de l’auteur avec son vécu à bord.
226
http://www.rif.mer.developpement-durable.gouv.fr/les-avantages-du-rif-r101.html et
https://www.enim.eu/employeur/avantages-lies-au-rif
227
Enquête 2021 sur le devenir des diplômés de l’ENSM Diplôme d’OCQM-CM8000, Diplôme d’OCQPICapitaine
3000, DESMM - Diplôme d’ingénieur navigant, et Diplôme d’ingénieur génie maritime - Synthèse - Pour l’OFIP : Agnès
Binet, ingénieur de recherche – p2
228
Cf annexe 10 et 11
229
Direction des Affaires maritimes Sous-direction des Gens de mer et de l’Enseignement maritime Bureau de l’Emploi
et de la Formation maritimes – RAPPORT L’emploi et la formation maritimes en France - Mars 2012

39
diplômés d’ici à 2027, signe de la bonne santé du métier230. La stratégie de préférence nationale pour
les membres d’équipage sera jugée contraire au droit européen231, le critère de nationalité française
sera donc levé pour l’ensemble de l’équipage en 2008232. Cependant il sera transformé en une
obligation de « niveau de connaissance de la langue française et des matières juridiques permettant
la tenue des documents de bord et l'exercice des prérogatives de puissance publique dont le capitaine
est investi »233 pour le capitaine et son officier suppléant. En pratique seul un officier formé en France
pourra accéder au niveau ici demandé. Le brevet de capitaine et de second capitaine nécessitant des
temps minimaux de navigation en tant que lieutenant234, l’armateur avec un navire au RIF se doit
d’employer et de former des officiers juniors français en permanence afin de s’assurer la présence
minimale requise légalement d’officiers supérieurs français pour être en accord avec les normes du
pavillon. Ainsi l’emploi national d’officier est protégé et valorisé avec le succès du RIF lorsque celui
de personnel exécutant y disparait235. Cependant la France ne se contente pas de ce succès relatif en
matière de protection sociale. Elle va ainsi, comme de nombreuse fois dans son histoire, se porter
garante des droits de l’Homme avec la CTM 2006 comme support universel en mer.

II- La place de la France dans l’aube de la CTM 2006

L’OIT fut instituée en 1919, sous l’égide du Traité de Versailles qui mettait fin à la Première
Guerre mondiale. Il s’agit d’un texte rédigé en français, comme le seront tous les textes de l’OIT par
la suite236, avec l’anglais comme « seconde langue officielle »237 et le gouvernement français comme
dépositaire. Quant à sa Constitution, elle fut rédigée par la Commission du Travail formée des
représentants de neuf pays dont la France238 et son premier directeur, Albert Thomas, était lui-même

230
Dossier de presse - Assises de l’économie de la mer un bilan, deux ans après le discours de Montpellier - P10 –
septembre 2021
231
Cf Partie 1 – I- 7. Du présent mémoire
232
Projet de loi n° 415 (2006-2007) amenant à la LOI n° 2008-324 du 7 avril 2008 relative à la nationalité des équipages
de navires
233
Article 5§2 - Loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français
234
Article 10-10° et article 13-9° de l’Arrêté du 18 avril 2016 relatif à la délivrance du brevet de second capitaine et du
brevet de capitaine
235
Voir l’affaire du licenciement des 800 marins de P&O Ferries « remplacé par des navigants étrangers, embauchés à
moindre coût » - https://www.lavoixdunord.fr/1156383/article/2022-03-23/transmanche-chez-po-ferries-toujours-aucune-
date-de-reprise-precise
236
Article 29 du Règlement de la Conférence internationale du Travail
237
Jacques Leclerc - https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/versailles_1919.htm
238
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/history/lang--fr/index.htm

40
français. Dans son histoire 9 accords bilatéraux de coopération et de financement volontaire ont été
conclus entre la France et l’OIT ; le premier en date de mai 1999 et le dernier de mars 2020239.
Aujourd’hui l’OIT dispose d’un bureau pour la France à Paris240 et la France d’une délégation
gouvernementale permanente au Conseil d’administration241. Lors de la 109ème session de la
Conférence internationale du Travail en 2021242, 6 confédérations de syndicats français243 en tant que
délégation des travailleurs, 3 organisations patronales244 en tant que délégation des employeurs et 22
fonctionnaires en tant délégations gouvernementales ont représenté les intérêts de la France dans les
droits sociaux à tous ses niveaux. Il devient donc clair que la France et l’OIT sont, eux aussi, des
partenaires privilégiés de longue date245. Ce partenariat d’abord historique et informel se concrétisera
dans les années d’élaboration de la CTM 2006 qui sera un support privilégié de ces efforts de
coopérations (A). La France, diplomate, parviendra à faire porter sa voix dans ce texte international
universel consacré, cependant la France, administration nationale, trainera la patte pour le consacrer
localement (B).

A- La France à l’OIT : mécène, coordinatrice et rédactrice de la CTM 2006

23. Les prédispositions sociales françaises pour la Convention. Comme exposé auparavant,
le droit social maritime commence à se développer en France au XVIIème siècle246. La première grande
loi sociale du 22 mars 1841 interdit le travail des enfants de moins de 8 ans dans les manufactures et
limite le travail de nuit. Avec la révolution industrielle, le droit au travail pour tous est consacré par la
Constitution de la IIème République de 1848247 et la promotion étatique du droit social national est
établie à son article 13. La France connut par la suite une transformation de son paysage politique et
après le retour définitif de la République en 1870, la première codification du droit du travail du début
du XXème siècle puis les accords de Matignon du 7 juin 1936248 marqueront des avancées majeures
dans le droit social français. Bref les travailleurs français bénéficient d’une longue tradition de

239
https://www.ilo.org/paris/a-propos/WCMS_455730/lang--fr/index.htm
240
https://www.ilo.org/paris/lang--fr/index.htm
241
https://www.ilo.org/paris/a-propos/WCMS_455727/lang--fr/index.htm
242
Liste finale des délégations - Conférence internationale du Travail 109 e session, 2021 – International Labour
organisation
243
La CFDT, la CGT, la CGT-FO, la CFTC, la CFE-CGC et l’UNSA
244
L’UIMM, le MEDEF et la CPME
245
Cf Partie 1 – II – A- 10. Du présent mémoire
246
Cf Partie 2 – I – Chapô du présent mémoire
247
Préambule VIII de la Constitution de 1848 : La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa
religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l'instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit,
par une assistance fraternelle, assurer l'existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les
limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d'état de travailler.
248
Instauration du délégué du personnel et confirmation des libertés syndicales.

41
promotion étatique des droits sociaux communs au sein du 29ème pays sur 192 dans le monde en terme
de produit intérieur brut par habitant en parité de pouvoir d'achat249. L’alignement entre le droit social
maritime et terrestre finalisé dans les années 70 bénéficiera aussi au statut de marin français
relativement à l’international250. En effet, l’étude d’impact du projet de loi autorisant la ratification de
la convention du travail maritime251 établit que la CTM 2006 « ne bouleverse pas le droit social
maritime qui présente, en France, un niveau de garantie globalement supérieur » au moment où il est
en pleine refonte dans le code des transports252. Pour illustrer cette supériorité ; en 2016, un matelot
Malgache embarqué sur un pavillon RIF se blessant est payé son salaire de base jusqu’au 130ème jour
de prolongation durant son arrêt de travail, conformément aux conditions de la convention collective
mentionnée dans son contrat d’engagement maritime, soit 10 jours de plus que le minimum CTM
2006253. Il sera cependant intéressant de noter que l’article 5623-9 CT instaurant un salaire minimum
international maritime français fut fixé par arrêté ministériel en 2005254 et n’a pas été révisé depuis, à
tel point que le salaire de base recommandé par l’OIT en 2021 au titre du principe directeur B2.2.4 de
la CTM 2006 l’a aujourd’hui dépassé255. Une fois plus, le manque de tenue à jour du droit maritime
français a rendu celui-ci caduque. Pour revenir à l’étude d’impact, celle-ci mentionne aussi avec
confiance que « les navires français respectant d'ores et déjà les normes internationales du travail, la
mise en œuvre de la convention n'entraînera aucune charge supplémentaire significative pour les
armements français ». En effet, la Convention rassemblera alors 37 conventions de l’OIT dont 36 déjà
ratifiées par la France256. En y ajoutant la directives européennes257 reprenant « la quasi-totalité des
quatre premiers titres de la Convention » dont la procédure de transposition en droit interne a été
adoptée le 21 décembre 2010 par l’assemblée nationale258, on peut affirmer qu’avant la CTM 2006, la

249
World Economic Outlook database, October 2017, Gross domestic product per capita, current prices, Purchasing
power parity; international dollars, sur Fonds monétaire international, octobre 2017
250
Cf Partie 2 – I- A -20. Du présent mémoire
251
PROJET DE LOI autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du
travail NOR : MAEJ1133589L/Bleue-1 ----- ÉTUDE D’IMPACT - RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Ministère des affaires
étrangères et européennes 15 fevrier 2012
252
La partie règlementaire du CT ne sera codifiée qu’en 2014 avec le Décret 2014-530 du 22 mai 2014 relatif à certaines
dispositions de la partie réglementaire du code des transports
253
Corinne ARCHAMBAUD - Pascale BARBEDIENNE - Aurélie VIRION - La législation sociale des gens de mer Le
contentieux national et international du contrat d’engagement maritime – Les actes de la 4ème journée du droit du travail
maritime du mardi 19 septembre 2017 p29
254
Arrêté du 21 décembre 2005 portant application de l'article 13, dernier alinéa, de la loi n° 2005-412 du 3 mai 2005
relative à la création du registre international français et fixant les montants minimaux des rémunérations des navigants
255
https://www.obs-droits-marins.fr/modules/newsletter/index.php?idNewsletter=169
256
PROJET DE LOI autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du
travail NOR : MAEJ1133589L/Bleue-1 ----- ÉTUDE D’IMPACT - RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Ministère des affaires
étrangères et européennes 15 fevrier 2012
257
Cf Partie 1 – II – B – 13. Et Partie 1 – III – A du présent mémoire
258
Article 14-I.1° du TEXTE ADOPTÉ n° 579 - « Petite loi » - ASSEMBLÉE NATIONALE - CONSTITUTION DU 4
OCTOBRE 1958 - TREIZIÈME LÉGISLATURE - SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011 - 21 décembre 2010 -
PROPOSITION DE LOI portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne.

42
France disposait déjà de normes sociales minimales supérieures aux minimas introduits. Une fois le
texte adopté par l’OIT, l’OJ français était presque déjà totalement apte à en intégrer ses dispositions
avant même ratification. C’est donc avec la certitude d’une convention n’ayant qu’un impact très limité
sur son secteur du transport maritime que la France portera la convention sur la scène internationale.

24. Le rôle moteur des français dans la mise au monde du texte. En 2013, lorsque le
Gouvernement de la France dépose l’instrument de ratification de la CTM 2006 auprès du Bureau
International du Travail, son Directeur général , M. Guy Ryder, déclare que « la France […] a joué de
différentes façons un rôle très important dès 2001 dans l’élaboration, la négociation et l'adoption de
cette convention historique »259. Il est alors essentiel d’analyser à quel point cet engagement a été
important afin de comprendre l’attention que le pays des droit de l’Homme a porté au code du travail
maritime universel. Le partenariat entre la France et le BIT trouve sa pleine expression à partir de son
accord du 19 mai 1999 doublant les financements volontaires de la France avec plus de 3 millions
d'euros par an sur trois années auxquels s'ajoutèrent des mises à disposition d'experts et la recherche
systématique de synergies avec la coopération bilatérale " classique " de la France260. L’idée d’une
« convention-cadre unique » sera ensuite formulée en janvier 2001 par la Commission paritaire
maritime de l’OIT261. Jean-Marc Schindler, représentant du gouvernement français à l’OIT, sera
désigné président de la commission en charge d'élaborer la CTM 2006 et présidera toutes les réunions
tripartites de haut niveau pour ce faire. Le 21 novembre 2001, le premier accord sera reconduit,
doublant de nouveau les engagements volontaires de la France en les portant à 6 millions d’euros par
ans sur 3 ans en partie au bénéfice de la promotion du travail décent dans la marine marchande et en
faisant du BIT le plus important bénéficiaire des financements volontaires tant du Ministère des
Affaires étrangères que du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité262. De plus, bien qu’il soit très rare
que des travaux de l'OIT quittent Genève263, en janvier 2004 une 4ème session de travail du groupe de
haut niveau eut lieu à Nantes en tant que session supplémentaire, non prévue et financée par la France.
« Le nombre de délégation présentes a considérablement augmenté [et] en fin de semaine, les
spécialistes étaient convaincus que ce chantier irait jusqu’à son achèvement » 264. Fierté patriote ?

259
https://www.ilo.org/global/standards/maritime-labour-convention/WCMS_205837/lang--fr/index.htm
260
https://www.ilo.org/paris/a-propos/WCMS_455730/lang--fr/index.htm#1
261
Cf Partie 1 – II – B – 12. Du présent mémoire
262
https://www.ilo.org/paris/a-propos/WCMS_455730/lang--fr/index.htm#2
263
Patrick Chaumette - Droit social 2013 p.915 - La ratification et la transposition de la convention OIT du travail
maritime - Loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne
dans le domaine du développement durable, titre II, chapitre III(1)
264
Patrick Chaumette - La Convention OIT du travail maritime en mouvement - Neptunus, revue électronique, Centre de
Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, Vol. 17, 2011/3

43
Rapport d’expert ? En tous les cas le résultat final sera l’adoption à l’unanimité de la Convention le 7
février 2006. Au final, la France en aura été le soutien financier le plus important avec la Norvège85, y
aura mobilisé un représentant gouvernemental pour présider sa rédaction et aura organisé une réunion
de travail supplémentaire, apparemment la plus fructueuse, sur son territoire et à ses frais. Malgré tout,
il lui faudra 7 ans supplémentaires avant de déposer son instrument de ratification. Le paradoxe
maritime français se retrouvera de nouveau ici dans l’écart entre la volonté annoncée et la mise en
œuvre du projet.

B- L’intégration de la CTM 2006 à l’OJ national

25. Une ratification paradoxalement tardive. Le 28 février 2013, le Gouvernement de la


France a déposé auprès du Bureau international du Travail l'instrument de ratification de la CTM 2006
en devenant ainsi le 35ème Etat à ratifier la Convention. Elle ne fera donc pas partie des 30 premières
ratifications nécessaires à son entrée en vigueur, qui plus est, elle la ratifiera au cours du délai
s’achevant avec son entrée en vigueur universelle265. Une prise de risques assez limitée donc. De plus,
le délai de ratification conseillé par l’UE, « de préférence avant le 31 décembre 2010 » 266, ne sera pas
respecté. Pourtant les normes du travail maritime français sont supérieures aux minimas imposés par
la CTM 2006267 et son « élaboration et adoption ont été particulièrement soutenues par la France »268.
Tout ceci alors que la mise en place de la Convention revêt un caractère urgent, conscient de
l’accélération constante de l’évolution du commerce maritime dans le sens inverse des droits sociaux
rendant vétustes les nombreuses règles établies à une vitesse inégalée dans d’autres secteurs. L’article
52 de la Constitution énonce qu’il incombe au Président de la République de négocier et de ratifier les
traités. Cependant « les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale […] ne peuvent être
ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi »269. La procédure est calquée sur la procédure législative
ordinaire et l’initiative de sa première étape, le dépôt d’un projet de loi, relève d’un quasi-monopole
de l’exécutif270. Le projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de
l’Organisation internationale du travail n°376 ne sera déposé sur le Bureau du Senat que le 15 février
2012, à 8 jours des 6 ans d’existence de la CTM 2006. Environ une loi sur deux a pour objet d'autoriser

265
Cf Annexe 6
266
Article 2 - DÉCISION DU CONSEIL du 7 juin 2007 autorisant les États membres à ratifier, dans l’intérêt de la
Communauté européenne, la convention du travail maritime, 2006, de l’Organisation internationale du travail -
(2007/431/CE)
267
Cf Partie 2 – II – A – 23. Du présent mémoire
268
Compte rendu du Conseil des ministres du mercredi 15 février 2012 – Projets de loi – Organisation internationale du
travail
269
Article 53 de la Constitution
270
https://www.senat.fr/role/fiche/procedure_leg/procleg_accord.html

44
la ratification d'une convention internationale271, on pourrait donc s’imaginer un oubli grossier de la
part du gouvernement. Pourtant Jacques Chirac, au pouvoir durant la totalité du processus
d’élaboration de la Convention272 dont les travaux sont largement financés et organisés par la France,
déclare en 2004 que « la question sociale se trouve désormais au premier plan de la mondialisation »
dans une réunion organisée en collaboration avec l’Organisation Internationale du Travail273, après son
élocution « l’économie au service de l’homme » à la 83ème Conférence internationale du travail274.
Aucun projet de loi ne sera élaboré durant son année et demi de présidence où la CTM 2006 était
adoptée. Son successeur, Nicolas Sarkozy, se présentera ensuite en 2009 au Sommet de l’OIT sur la
crise mondiale de l’emploi et y déclarera : « la France [prend] l’engagement de ratifier à très bref
délai la convention sur le travail maritime »275. Du Grenelle de la mer la même année sortira
l’engagement 44.a. d’« inciter les Etats à ratifier la Convention sur le travail maritime de 2006 » et le
113.a de « procéder dans les meilleurs délais à la ratification des conventions internationales
maritimes en attente, et notamment la convention sur le travail maritime »276. Le Conseil Supérieur de
la Marine Marchande et les partenaires sociaux nationaux en ont donné un avis favorable et une étude
d’impact était en cours en 2010277. Deux ans et demi plus tard, le projet de loi autorisant la ratification
sera soumis au Sénat278. Une étude d’impact avait été menée par Henri de Richemont dans le cadre du
projet relatif à la création du RIF en 2003 dans un espace de 6 mois279 et avait mené à une proposition
de loi 8 mois après280. Ce projet d’Etat pourrait quant à lui trouver sa source dans la déclaration du 17
janvier 2000 de M Jean-Claude Gayssot alors ministre des transports281. On est donc face à deux projets
impactant les droits sociaux des gens de mer au commerce, l’un qui aura mis 3 ans avant d’aboutir
depuis la naissance de son idée et l’autre 11. Une fois élaborée, cette dernière proposition de ratification
ne fera d’ailleurs pas longtemps débat. Après son passage au Senat le 9 octobre et à l’Assemblée

271
https://www.senat.fr/role/fiche/procedure_leg/procleg_accord.html
272
1995-2007 pour Jacques Chirac et 2001-2006 pour la CTM 2006
273
https://news.un.org/fr/story/2004/09/59392
274
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_008107/lang--fr/index.htm
275
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/multimedia/audio/WCMS_108162/lang--fr/index.htm
276
Le Livre Bleu des engagements du Grenelle de la Mer 10 et 15 juillet 2009
277
Comité opérationnel formation, pluri-activités, social Groupe n°9 Rapport au 12 avril 2010 p38
278
Projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail,
adopté en 1ère lecture par le Sénat le 9 octobre 2012
279
D’octobre 2002 à mars 2003 - Rapport à Monsieur le Premier ministre Un pavillon attractif, un cabotage crédible
Deux atouts pour la France par Henri de Richemont, sénateur de la Charente remis le 1er mars 2003
280
Proposition de loi de M. Henri de Richemont, n° 47 (2003-2004), déposée le 30 octobre 2003
281
Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur la nécessité de
moderniser et non pas de supprimer les services et entreprises publiques, la lutte contre les pavillons de complaisance et
le renforcement de contrôle de sécurité des navires, la loi sur le renouvellement et la solidarité urbaine et sur la politique
de transport multimodale, Paris, le 17 janvier 2000.

45
nationale le 19 novembre282, elle sera finalement adoptée le 29 novembre 2012283. L’instrument de
ratification sera ensuite déposé 3 mois plus tard. Ce long délai de ratification à l’opposé des
nombreuses déclarations d’intentions et prédispositions française à la CTM 2006 ne sera cependant
pas un obstacle pour sa bonne transposition en droit interne.

26. La transposition de la CTM 2006 dans l’OJ français. L’article VIII-4. de la CTM 2006
prévoit qu’elle entre « en vigueur pour chaque Membre douze mois après la date de l’enregistrement
de sa ratification ». Elle l’est donc pour la France depuis le 28 février 2014. Le Décret n° 2014-615284
porte publication de la CTM 2006 au Journal officiel de la République. Sa transposition en droit interne
se fera d’abord par une adaptation au droit communautaire. En effet la directive 2009/13/CE qui
communautarise les quatre premiers titres de la CTM 2006 285 est en vigueur depuis le 20 août 2013 et
la France l’intègrera diligemment avec la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013286. Ainsi les normes de
travail maritimes françaises, intégrées dans la partie législative du CT codifiée en 2010287, seront
modifiées par 12 articles de la loi. Ils introduisent notamment les procédures de plaintes à bord288,
renforcent les exigences relatives à l'exercice de la profession de marin et en ce qui concerne les
conditions de sécurité à bord289, introduisent des dispositions nouvelles concernant la responsabilité
générale de l'armateur vis-à-vis de tous les gens de mer à bord, et sa responsabilité financière à cet
égard290, fixent les régimes juridiques applicables291 et définissent le délit d’abandon des gens de
mer292. En 2015 viendront ensuite un train de décrets relatifs aux droits sociaux maritimes293 dont l’un
d’entre eux, pris après avis des organisations les plus représentatives d'armateurs et de gens de mer

282
https://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/ratification_convention_travail_maritime_OIT.asp
283
LOI n° 2012-1320 du 29 novembre 2012 autorisant la ratification de la convention du travail maritime de
l'Organisation internationale du travail
284
Décret n° 2014-615 du 13 juin 2014 portant publication de la convention du travail maritime (ensemble quatre
annexes), adoptée à Genève le 7 février 2006 (1)
285
Patrick Chaumette - La ratification et la transposition de la convention OIT du travail maritime (MLC 2006) - Droit
social 2013 p.915
286
LOI n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le
domaine du développement durable
287
Dossier législatif de l'ordonnance n° 2010-1307.
288
Article L. 5534-1 CT et Article L. 5534-2 CT
289
Article 23 de la LOI n° 2013-619
290
Article 24 de la LOI n° 2013-619
291
Article 25 de la LOI n° 2013-619
292
Article 27 de la LOI n° 2013-619
293
Décret n° 2015-454 du 21 avril 2015 relatif à la qualification de gens de mer et de marins ; Décret n° 2015-1202 du 29
septembre 2015 relatif à l'indemnisation de la femme enceinte exerçant la profession de marin ne pouvant bénéficier d'un
reclassement à terre ; Décret n° 2015-680 du 17 juin 2015 relatif au remboursement par les gens de mer autres que
marins des dépenses liées aux soins consécutifs aux accidents ou maladies survenus en cours d'embarquement ; Décret n°
2015-1203 du 29 septembre 2015 modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du
régime d'assurance des marins

46
concernées, intéressera particulièrement le champs d’application de la CTM 2006 en France en
déterminant les catégories de personnels embarquée à laquelle elle ne s’applique pas : les gens de mer
non marins294, les agents privés de protection de navires295 et les personnels autres que gens de mer296.
La directive 2013/54/UE relative à certaines responsabilités de l'Etat du pavillon en ce qui concerne le
respect et la mise en application de la CTM 2006 sera quant à elle prise en compte dans le Décret n°
2017-209 et étendra le contrôle d’applicabilité de la convention à tous les marins engagés sur des
navires battant pavillon français297. Enfin, l’article 22 de la Constitution de l’OIT engage les membres
à transmettre « un rapport annuel sur les mesures prises par lui pour mettre à exécution les
conventions auxquelles il a adhéré ». Le cycle de présentation des rapports pour les conventions
fondamentales et celles relatives à la gouvernance est fixé à 3 ans et 5 pour les autres conventions298.
La CTM 2006 fait partie de cette dernière catégorie et 2 rapports du gouvernement français sur son
application donneront lieu à des Demandes directes de la Commission d'experts pour l'application des
conventions et recommandations en 2015 et en 2019299. Cette dernière en formulera 27 en 2015 tout
en notant « avec intérêt les efforts réalisés et les mesures prises, notamment au travers de l’adoption
de textes législatifs et réglementaires, pour la mise en œuvre de la convention » puis 20 en 2019. La
France n’est donc pas parfaite en matière de transposition mais elle reste diligente en la matière depuis
sa ratification en 2013. La France a donc repris son intérêt pour la Convention, mystérieusement
disparu les années suivant son adoption. Le droit socio-maritime français est en évolution ces dernières
années et les travaux qui en ressortent gravitent autour de la bonne application de la CTM 2006. La
France n’a cependant jamais vraiment été en retard dans ses normes sociales par rapport à
l’international. Il conviendra maintenant de rechercher les autres applications que le Gouvernement lui
trouve dans la réalité.

294
Article R 5511-3 CT
295
Article R 5511-4 CT
296
Article R 5511-5 CT
297
Décret n° 2017-209 du 20 février 2017 pris pour l'application de dispositions du code des transports fixant certaines
obligations des entités recourant aux services privés de recrutement et de placement des gens de mer
298
Conférence internationale du Travail, 104e session, 2015 - Application des normes internationales du travail, 2015 (I)
- Rapport de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations - RAPPORT III (Partie
1A) – point 31
299
https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:13100:0::NO::P13100_COMMENT_ID:3255317

47
III- L’implication nationale croissante dans la vie du texte

Le 6 juillet 2020 Annick Girardin est nommée ministre de la Mer300. C’est la deuxième fois
dans l’histoire de la 5ème République qu’un ministère dédié a sa place dans un gouvernement. Louis
Le Pensec, son unique prédécesseur entre 1981 et 1983, démissionne lorsque le Premier Ministre
Michel Rocard lui propose de devenir secrétaire d’Etat sous le ministre des Transport. Il déclarera : « Il
y a une différence fondamentale entre le fait d'être ministre rattaché au Premier ministre ou ministre-
délégué, rattaché à un autre ministre ou secrétaire d'Etat, et être ministre de plein exercice. Cela
change tout. Il n'y a pas les mêmes moyens »301. On comprend ainsi que, dans la houle de l’engagement
gouvernemental pour la mer, la dynamique actuelle est à l’ascendance. Si la CTM 2006 a pu être
oubliée après son adoption pendant 6 ans, elle fait aujourd’hui partie intégrante de l’arsenal politique
maritime français, lui-même exploité plus que jamais et consacré par son propre ministère. Dans
l’esprit de la déclaration du Président Sarkozy devant l’OIT en 2009 à propos de la ratification de la
CTM 2006 : « Quand on veut que les autres fassent la même chose que soi, mieux vaut faire soi-même
ce que l’on doit faire en temps et en heure »302, la France tentera de se placer en "élève modèle" pour
la bonne application de la Convention en tant qu’Etat du pavillon et qu’Etat du port (A). Avec
l’ascension du Ministère de la Mer, la politique socio-maritime nationale sera plus que jamais tournée
vers l’international dans une logique de nivellement par le haut étendue aux marins français (B).

A- La France : bras armé de la CTM 2006

27. Un pavillon français labélisé. Après avoir intégré les 4 premiers titres de la CTM 2006
majoritairement à travers en transposant la directive 2009/13/CE, il sera nécessaire de vérifier le
respect en amont de la convention par la France, Etat du pavillon303. Il est clair que le registre français
favori du gouvernement est aujourd’hui le RIF. L’article L5611-1 CT lui donne pour objet « de
développer l'emploi maritime et de renforcer la sécurité et la sûreté maritimes par la promotion du
pavillon français » et 84% en jauge brute de la flotte de transport française est immatriculée au RIF en
2021304. Depuis sa création en 2005, « les navires immatriculés au registre international français sont

300
Décret du 6 juillet 2020 relatif à la composition du Gouvernement
301
https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/saint-malo/ministere-mer-quelle-sera-sa-politique-que-
ce-ne-soit-pas-coquille-vide-louis-pensec-1851118.html
302
https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/multimedia/audio/WCMS_108162/lang--fr/index.htm
303
Règle 5.1 de la CTM 2006
304
Cf Annexe 10

48
soumis [à] la réglementation communautaire et [aux] engagements internationaux de la France »305,
ce qui reste le cas aujourd’hui. En effet, bien que le RIF soit l’hériter du TAAF en terme de pavillon
bis, il s’agit d’un registre indépendant dont les normes en vigueur sont régies par le CT306. Les navires
de commerce ne peuvent d’ailleurs plus être immatriculés au registre des TAAF depuis 2007307. La
première étape de conformité pour un pays avec la CTM 2006 sera qu’il « veille à ce que les navires
battant son pavillon soient en possession d’un certificat de travail maritime et d’une déclaration de
conformité du travail maritime » au titre de son article V. L’article L5611-4 CT dispose que le titre Ier
du livre V est applicable aux navires immatriculés au RIF. Le chapitre IV de ce titre porte quant à lui
sur la certification sociale des navires et son article L5514-1- CT dispose que « pour prendre la mer,
tout navire jaugeant 500 ou plus et effectuant des voyages internationaux […] est doté d'un certificat
de travail maritime en cours de validité [qui] atteste que les conditions de travail et de vie des gens de
mer à bord sont conformes aux dispositions de l'Etat du pavillon mettant en œuvre la convention du
travail maritime ». Le Décret n°84-810 donne compétence au Centre de sécurité des navires (CSN) du
port d’immatriculation308 pour la certification sociale des navires auquel est annexée la déclaration de
conformité du travail maritime. La délivrance de ce dernier est issue de la Division 130 intégrant
l’application de la norme A5.1.3 de la CTM 2006309. Ces certifications sont valables pour une durée
pouvant aller jusqu’à 5 ans310 et une visite intermédiaire est réalisée entre la 2ème et la 3ème année de
validité du certificat311. Les inspecteurs de la sécurité des navires et de la prévention des risques
professionnels maritimes sont affectés à cette mission312. La France dispose de 16 CSN313, services
spécialisés des Directions interrégionales de la Mer et des Directions de la Mer relevant du ministère
chargé de la mer et a effectué 10565 inspections en 2019 en tant qu’Etat du pavillon dont 840 contrôles
pour autoriser un navire neuf ou ayant subi une transformation importante à prendre la mer et 263
audits de grands navires de commerce314. En 2014, lorsque la CTM 2006 entre en vigueur en France
et que le système de certification sociale des navires est intégré aux contrôles de performance du MoU
de Paris, le pavillon RIF est 1er depuis 3 ans315. Il restera sur la liste blanche depuis mais son excellence

305
Article 4 Loi n° 2005-412 du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français
306
Livre VI : REGISTRE INTERNATIONAL FRANCAIS (Articles L5611-1 à L5642-2) du CT
307
Article L5795-11 CT
308
Article 130.6 de l’Arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires et à la prévention de la pollution
309
Article 1 – II et Article 5-5° du Décret n°84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à la
prévention de la pollution, à la sûreté et à la certification sociale des navires
310
Article 130.27 de l’Arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires et à la prévention de la pollution
311
https://www.mer.gouv.fr/certification-sociale-des-navires
312
Article 1 – II - 3 et Article 5-5° du Décret n°84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer,
à la prévention de la pollution, à la sûreté et à la certification sociale des navires
313
Article 130.4 de l’Arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires et à la prévention de la pollution
314
mer.gouv.fr/le-controle-de-la-securite-des-navires-francais
315
https://www.parismou.org/2014-performance-lists-paris-mou

49
dans le classement variera au fil des années316. L’International Chamber of Shipping317 a distingué
le pavillon français en 2021 et en 2019 sur les critères de qualité environnementale, de sécurité des
navires et de niveau de droit social318. La France en tant qu’Etat du pavillon bénéficie également du
label QUALSHIP 21 qui reconnait les navires de haute qualité en terme de respect des normes de
sécurités depuis 2001319. De plus, la flotte de transport française a une moyenne d’âge de 8,3 ans en
2021, plus de 7 ans de moins que la moyenne mondiale320. La qualité de vie à bord étant en corrélation
directe avec l’âge du navire et sa mise aux normes, il s’agit aussi là d’un gage de qualité en terme de
respect des droits sociaux des gens de mer. Ainsi la France recherche l’exemplarité sociale pour sa
flotte de commerce. Cette exemplarité ne peut cependant pas être reconnue si la médiocrité des autres
n’est pas décelée.

28. La prise de responsabilité en tant qu’Etat du port. La grande innovation de la CTM


2006 pour le droit social maritime reste la clause pas plus favorable321. Le rôle des Etats côtiers en tant
qu’Etat du port s’avère donc crucial pour l’universalité du code. La France ne représente que 0,4% du
tonnage mondial322 mais elle possède 20 000 km de côtes323. Elle contribue à la gestion de 3 dispositifs
de séparation du trafic maritime324, dont celui du détroit du Pas-de-Calais qui constitue la voie maritime
la plus fréquentée au monde325, et possède les 12ème et 15ème ports conteneurs européens en 2020326.
Concernant la CTM 2006, la Règle 5.2 du Titre 5 traite des responsabilités de l’Etat du port. L’article
L5241-4-3 CT dispose quant à lui que « les navires battant pavillon d'un Etat étranger qui font escale
dans un port ou un mouillage français sont susceptibles de faire l'objet d'inspections dans les
conditions précisées par décret en Conseil d'Etat ». De nouveau le Décret n°84-810 est étudié. Son
article Chapitre IV traite de l’inspection des navires battant pavillon d’un Etat étranger. Son article 41-
2 consacre les droits de l’inspecteur de la sécurité des navires et de la prévention des risques
professionnels maritimes au « libre accès à bord » afin d’effectué 3 niveaux d’inspections : initiale,

316
1er sur la liste 2018-2019 puis 4ème 2019-2020, 15ème en 2020-2021 et finalement 23ème en 2022.
317
ICS est une association professionnelle mondiale des armateurs et des opérateurs de marine marchande, représentant
les associations nationales d'armateurs du monde et plus de 80 % de la flotte marchande mondiale - https://www.ics-
shipping.org/about-ics/
318
International Chamber of Shipping - Shipping Industry Flag State Performance Table 2020/2021 (Including Port State
Control Data from 2019/2020)
319
Bien que les Etats Unis d’Amérique n’ai toujours pas ratifié la CTM 2006
320
https://www.mer.gouv.fr/la-marine-marchande-en-
france#:~:text=La%20flotte%20de%20commerce%20sous,services%20maritimes%20de%20233%20navires.
321
Cf Partie 2 - III - A- 16. Du présent mémoire
322
Ministère de la mer – Statistiques – Flotte de commerce sous pavillon français – juillet 2021
323
http://observatoires-littoral.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-r9.html
324
DST de Ouessant, DST des Casquets et DST du Pas de Calais
325
http://www.cross-grisnez.developpement-durable.gouv.fr/la-surveillance-de-la-navigation-maritime-r29.html
326
https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/mar_mg_am_pvh/default/table?lang=fr

50
détaillée et renforcée. Les procédures détaillées de ces inspections sont contenues dans la Division
150. Elle contient l’article 150-1.18bis spécifique pour le traitement à terre des réclamations des gens
de mer. Ainsi si « une réclamation […] alléguant un manquement aux prescriptions de la convention
du travail maritime 2006 » est déposée par un gens de mer auprès d’un inspecteur du CSN compétent
pour le port dans lequel le navire fait escale, une enquête initiale sur le navire devra être menée.
« L’inspecteur s’emploie à favoriser un règlement de la réclamation à bord du navire », mais si celle-
ci relève d’« un manquement grave ou répété aux prescriptions de la Convention du travail maritime,
2006, l’inspecteur fait en sorte que le navire soit immobilisé ou que l'exploitation au cours de laquelle
des anomalies ont été révélées soit arrêtée ». L’annexe 150-1.VII établit une liste non exhaustive des
anomalies dont le caractère de gravité est tel qu'il peut justifier l'immobilisation du navire concerné
dont 9 points relèvent du domaine de la CTM 2006327. Sans réclamation, l’inspection initiale d’un
navire devra examiner les Certificat de la Convention du Travail Maritime et Attestation de Conformité
Parties I et II328 et effectuera une visite du navire à la recherche d’anomalies. Comme exposé
auparavant329, la tache de contrôle est colossale et la solution envisagée par la France, comme par l’UE,
est la coordination régionale et la présélection des navires plutôt que l’inspection sans distinction de
tous les navires touchant terre en France, impossible à envisager aujourd’hui en France. L’article 150-
1.12 de la division 150 évoque la sélection des navires pour inspection sur la base d’un profil de risque.
Les éléments de ce dernier sont décrits à l’Annexe 150-1.I en combinant des paramètres génériques et
historiques en analysant la réputation et le passif de l’Etat du pavillon en matière de contrôle, des
organismes agréés délivrant les certificats, de la compagnie maritime et du navire en lui-même. Plus
un navire commet des infractions, plus il sera contrôlé lui et tous les autres lui étant affiliés. Ce modèle
tend donc à récompenser les acteurs maritimes respectant les normes en vigueur et à punir les autres.
Le moyen utilisé actuellement est la base de données européenne THETIS mis en place par la directive
2009/16/CE et hébergée par l’AESM330. Le résultat en 2019 est l’inspection de 1048 navires de
commerce étrangers en tant qu’Etat du port et la détention de 24 navires le temps d’être remis en
conformité331. Entre 2019 et 2022, la 3ème source d’anomalies détectées au seins du MoU de Paris était
liée à un abus dans le contrat d’engagement marin et 22194 anomalies liées à un manquement à
l’application de la CTM 2006 ont été enregistré332. La détection des "mauvais élèves" des droits socio-

327
Cf Annexe 12
328
Article 150-1.13 renvoyant à l’annexe 150-1.IV de la Division 150 renvoyant à l’Annexe 10 du protocole du
Memorandum d’entente de Paris
329
Partie 1 – III - B – 18. Du présent mémoire
330
Annexe 150-1.IX Fonctionnalités de la base de données des inspections (visées à l''article 150-1.24, § 1) de la
Division 150
331
https://www.mer.gouv.fr/le-controle-de-la-securite-des-navires-francais
332
https://www.parismou.org/inspection-search/inspection-results-deficiencies

51
maritime est donc en cours d’affinage et peut désormais se baser sur les critères d’une convention
universelle et d’un système de contrôle moderne. La première sanction à un manquement à la CTM
2006 pourra donc être l’immobilisation au titre de l’Article 41-8 du Décret n°84-810. Cette décision
permet d’abord de s’assurer que l’anomalie est rectifiée avant de reprendre la mer puis de punir le
fautif. D’une part les manquements, en particulier aux article 50 sur l’habitabilité et l’Hygiène, article
51 sur le service médical et article 51-1 sur la sécurité du travail maritime sont passibles de
contraventions de cinquième classe pour le capitaine au titre de l’article 57. D’autre part cela a un
impact sur la réputation des acteurs en lien avec le navire en plus d’un coût pécunier très important.
En effet pour des pétroliers, navires réputés présenter un risque plus élevé333, le prix d’utilisation à la
journée peut atteindre les centaines de milliers de dollars334. Dans le cas du Saoura en 2021335, la
détention dans un port français pour contrevenance à la CTM 2006 a duré 20 jours avant d’être résolue.
L’étape suivante dans les sanctions pour non-conformité sera l’interdiction d’accès aux ports et aux
mouillages sur l’ensemble du territoire national au titre de l’article 41-9. L’article 4 du MoU de Paris
précise qu’ « il est recommandé que chaque autorité refuse l’accès d’un navire de commerce étranger
à ses ports et ses mouillage » s’il a fait l’objet de plusieurs immobilisations en fonction du classement
de son pavillon dans une liste du MoU. Avec la directive 95/21/CE les EM de l’UE sont tenus de
respecter ces dispositions. Ainsi un des navires algériens immobilisé fin 2021336 s’est vu bannir
d’Europe et du Canada sur la base d’une immobilisation justifiée par des déficiences en particulier en
rapport avec la non-application de la CTM 2006337. Le code du travail maritime universel est donc
bien intégré au système de contrôle des navires étrangers en France et sa violation entraine de réelles
conséquences. Il n’est cependant pas parfait : « les ratifications de nombreux Etats de libre
immatriculation valorisent la Convention MLC, mais font de ses normes minimales, un standard que
certains armateurs ne souhaiteront pas dépasser »338. La compétition des normes sociales a désormais
un terrain à l’international.

333
ANNEXE 150-1.I ÉLEMENTS DU SYSTEME COMMUNAUTAIRES D'INSPECTION PAR L'ETAT DU PORT
de la Division 150
334
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/les-sanctions-americaines-ont-multiplie-par-huit-le-
cout-de-transport-du-petrole-1140361
335
Cf Introduction – 1. Du présent mémoire
336
Cf Introduction – 1. Du présent mémoire
337
https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/41666-un-navire-algerien-de-cnan-med-banni-trois-mois-
deurope-et-du
338
Patrick Chaumette - La convention du travail maritime consolidée et sa mise en œuvre 28 mai 2013 - Les enjeux de la
Convention du travail maritime (MLC 2006)

52
B- La Convention : outil national de prédilection pour le droit social maritime
aujourd’hui

29. Le retour de l’enjeu social dans la politique maritime du gouvernement. « Le pilier


social du développement durable de l’économie maritime doit être davantage mis en avant, au même
titre que la transition écologique » annonce la ministre de la mer en 2022339. Cette déclaration est
cohérente avec une PMI européenne où ce pilier s’efface derrière une stratégie sécuritaire et
écologique340. Comme vu précédemment341, le droit socio-maritime français a toujours été sujet à
fascination, grands projets et début de mise à jour. Cependant elle a aussi souffert de la girouette
politique maritime nationale. Qu’en est-il ces dernières années ? En décembre 2006, le Centre
d’analyse stratégique publie son rapport du groupe Poséidon « Une ambition maritime pour la
France ». Ce dernier fait état de « l’absence d’une politique maritime ambitieuse pour la France »,
notamment visible avec « les moyens consacrés ou mobilisés par la puissance publique […] forcément
limités ou difficilement coordonnés », expliqué par l’absence « de vision de moyen terme partagée,
[…] de mobilisation de l’opinion publique qui ignore une grande part des enjeux maritimes, [et]
d’observation de la façon dont la mer influe sur la vie quotidienne des Français ». Après ce constat
alarmant sera organisé en juillet 2009 le Grenelle de la Mer, démarche publique de réflexion et de
négociation qui réunira pour la première fois des représentants de l'État, des collectivités territoriales,
des grands acteurs de l’économie maritime et de la société civile pour « définir une feuille de route en
faveur de la mer, du littoral et de la promotion des activités maritimes dans une perspective de
développement durable ». Un livre Bleu des engagements du Grenelle de la Mer sortira de cet
évènement où il sera rappelé une nouvelle fois que « les mers et les océans ont été les grands oubliés
du XXe siècle » dans la préface du ministre Jean-Louis Borloo. Le 42ème point portera sur les initiatives
en matière sociale et propose déjà de « retenir systématiquement tout navire ne satisfaisant pas aux
conventions internationales de l'OIT » et de « lancer une initiative internationale contre les pavillons
de complaisance ». De cette initiative naitra alors la loi Grenelle II342 en 2010 qui instituera le Conseil
national de la mer et des littoraux lui-même organisateur des Assises de la mer et du littoral en 2013
où doit être élaborée une Stratégie nationale pour la mer et le littoral343. Elle ne sera finalement publiée
et adoptée par décret344 qu’en février 2017 mais portera comme 21ème action prioritaire « Lutter contre

339
https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/42616-annick-girardin-la-france-est-au-rendez-vous-de-ses-
engagements
340
Cf Partie 1 - III – chapô du présent mémoire
341
Cf Partie 2 – II – B – 25. Du présent mémoire
342
Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement
343
https://www.dirm.mediterranee.developpement-durable.gouv.fr/assises-de-la-mer-et-du-littoral-2013-r158.html
344
Décret n° 2017-222 du 23 février 2017 Stratégie nationale pour la mer et le littoral

53
le dumping social pour les marins dans l’espace maritime européen » tout en annonçant que l’« œuvre
de préservation et de consolidation des droits sociaux doit se poursuivre au niveau communautaire
afin d’assurer la pleine application des conventions internationales et de convaincre les partenaires
européens de lancer un chantier en vue d’un cadre social harmonisé " par le haut " ». Coïncidence ou
coup de génie, la présidence française du Conseil de l’UE se déroulera du 1er janvier au 30 juin 2022345,
alors que la France s’est dotée d’un Ministère de la Mer 2 ans auparavant. Cette présidence sera donc
l’occasion de concrétiser cet engagement pris en 2017 lors de l’organisation d’une Conférence sur
l’emploi et les compétences maritimes en février 2022 avec pour objectif de « dégager une ambition
commune pour l’Europe en matière d’emploi et de métiers maritimes, et de faire émerger des
propositions d’initiatives législatives en ce sens » 346. Les conditions de vie au travail des acteurs
maritimes sera le premier des 3 axes de conclusion de cette réunion347. Les enjeux socio-maritimes ont
donc une place de choix dans l’agenda politique du Ministère de la Mer. Alors que la directive
2009/13/CE n’a que peu été modifiée depuis son entrée en vigueur348, il faudra chercher l’action
française dans ce domaine à un autre niveau que celui communautaire.

30. L’amendement comme voie d’évolution du droit social maritime français. Le but de la
CTM 2006 est d’être un texte pragmatique, efficace et ancré dans l’ère du temps. Au titre de l’article
19 de la Constitution de l’OIT, toute proposition peut être formulée pour adoption à la Conférence du
travail par vote de l’assemblée. C’est aussi le cas pour la CTM 2006 qui le rappelle à son article XIV.
Il est intéressant de noter que les nations ne l’ayant pas ratifié ne disposent pas du droit de vote sur ces
questions et que dans les conditions visées par l’article XIV-9., sa ratification future se fera telle
qu’amendée349. Ce fut le cas pour les ratifications du Sierra Leone, d’Oman et de Saint-Marin le 31
mars 2022, qui amènent 101 EM de l’OIT sur 187 et 91% de la jauge brute de la flotte marchande
mondiale à être parties à la CTM 2006. Une autre de ses grandes innovations est alors de se doter de
sa propre Commission tripartite spéciale (CTS) chargée du suivi permanent de la Convention. Deux
représentants de chaque gouvernement l’ayant ratifié et des représentants des armateurs et des gens de
mer désignés après consultation de la Commission paritaire maritime la composent. Tout l’intérêt de
cette commission est l’application de l’article XV qui prévoit une procédure alternative d’amendement.

345
DÉCISION (UE) 2016/1316 DU CONSEIL du 26 juillet 2016 modifiant la décision 2009/908/UE, établissant les
mesures d'application de la décision du Conseil européen relative à l'exercice de la présidence du Conseil, et concernant
la présidence des instances préparatoires du Conseil
346
https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/evenements/conference-sur-l-emploi-et-les-competences-
maritimes-fevrier-2022/
347
https://mer.gouv.fr/pfue-une-dynamique-en-faveur-de-lemploi-et-des-competences-dans-le-secteur-maritime-europeen
348
Que par la DIRECTIVE (UE) 2018/131 DU CONSEIL
349
Article XV-12. CTM 2006

54
N’importe quel acteur de la CTS peut alors directement proposer un amendement au Directeur général
du Bureau s’il est « appuyé par au moins cinq gouvernements de Membres ayant ratifié la convention
ou par le groupe des représentants des armateurs ou des gens de mer »350. Cette proposition amènera
alors à son examen lors d’une réunion de la CTS qui l’adoptera ou non en vue d’une présentation à la
Conférence pour vote final. Les amendements approuvés entreront alors en vigueur après un délai
minimum de 2 ans et six mois351. A ce jour, 3 amendements à la CTM 2006 ont été apportés et sont
entrés en vigueur352. Ce processus a désormais sa place dans la politique maritime française. En effet,
le 11 octobre 2021, la France a déposé pour la première fois une proposition d’amendement auprès du
Bureau353. Elle vise à mettre en place une durée maximale d’embarquement de 11 mois, d’encadrer
plus strictement les exceptions à celle-ci et à relever fermement son niveau de contrôle. La force que
présente ici la France est sa position au sein de l’UE. En effet le critère de validité de la proposition
est facilement atteint avec le soutien des 25 EM parties à la CTM 2006. La réunion se tiendra du 25 au
29 avril 2022 et pourrait bien être la preuve du grand retour de la France dans ce texte auquel elle avait
déjà tant apporté.

350
Article XV-2. CTM 2006
351
Article XV-6. et Article XV-8. CTM 2006
352
http://www.oit.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:91:::NO:91::
353
https://mer.gouv.fr/duree-maximale-dembarquement-des-gens-de-mer-la-france-agit-afin-dameliorer-les-conditions-
de

55
CONCLUSION

La France est une nation maritime. 1 français sur 8 vit sur son littoral354, 1113 navires
composent la flotte de commerce sous contrôle français355 et 16 000 navigants français les
exploitent356. Elle présente néanmoins un rapport historique tumultueux avec les droits socio-
maritimes. Cette histoire débute au XVIIème siècle avec l’ordonnance de la marine de Colbert,. Elle
connaitra une période d’autonomie particulariste, avec une construction en parallèle des droits sociaux
terrestres, puis une intégration et un alignement progressif faute d’investissements. Cette position
néanmoins équivoque pourra se ressentir aussi à travers l’élaboration et l’investissement important
dans son pavillon RIF qui joue à la fois dans le terrain de la complaisance et dans celui de la
redynamisation de l’emploi national.

Alors que l’idée d’un code du travail maritime universel voit le jour, la France est au rendez-
vous. Par ses prédispositions historiques à la coopération avec l’OIT et son droit social national déjà
très avancé, elle financera et participera activement à la rédaction de la CTM 2006 depuis 2001. Elle
ne tiendra cependant pas le cap. Une fois le projet adopté et malgré de multiples déclarations
d’intentions, la France attendra 7 ans avant de ratifier cet outil qu’elle a aidé à mettre au monde.
Finalement la transposition s’effectuera diligemment au sein du CT avec le support de directives
européennes.

Aujourd’hui, l’Hexagone se revendique bras armé de la CTM 2006. Les dispositions de


certification sociale et de contrôle des navires arborant son pavillon ainsi que les moyens d’Etat
apportés à leur mise en œuvre lui permettent d’être reconnu comme pavillon d’excellence à
l’international. En tant qu’Etat du port, la France intègrera la Convention au dispositif de contrôle des
navires étrangers qui continue son développement au niveau régional à travers la coordination de l’UE.
L’intérêt politique national pour les droits socio-maritimes est croissant depuis 10 ans. Il semble ainsi
que la France a décidé de reprendre une stratégie de normalisation par le haut dans ce domaine et le
fait aujourd’hui à travers l’amendement du code du travail maritime universel.

354
http://observatoires-littoral.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-r9.html
355
https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/40785-flotte-francaise-1-113-navires-recenses
356
Rapport annuel 2019/2020 d’Armateurs de France

56
Comment peut-on alors conclure que la CTM 2006 est l’instrument de la politique maritime
d’une Europe des Nations ? L’Europe des Nations s’oppose à l’Europe fédérale. Il s’agit de deux
courants politiques contraires dans leur vision de la construction européenne. La dernière prône une
souveraineté nationale déportée aux instances de l’Union. L’organisation de la CJUE est un exemple
souvent rattaché au fédéralisme européen. En effet elle dispose de l’autorité de la chose jugée et ses
décisions s’imposent aux Etats membres en tant qu’instance supranationale357. La première, en y
excluant l’europhobie, prône quant à elle une coopération entre Etat en faisant de l’UE une plateforme
de coordination intergouvernemental volontaire. Il a été montré ici que l’UE a développé sa propre
politique maritime intégrée et que lorsqu’elle a pris la voie du fédéralisme dans la constitution d’un
pavillon communautaire unique, cela s’est soldé par un échec. Le projet de loi visant la ratification de
la CTM 2006 par la France énonce qu’ « en contribuant au renforcement de la lutte contre les navires
sous-normes, la convention contribuera au maintien de navires sous pavillon français et européens et
de l'emploi dans ce secteur »358. Toutes les nations maritimes européennes sont victimes de ce
phénomène. Seule, elles ne font pas le poids dans la mondialisation. La France l’a tenté dans les années
80 avec le registre Kerguelen mais a constaté son échec à la fin du millénaire. Elle s’est alors penché
sur l’OIT et la CTM 2006 en même temps que l’UE. Les actions de coordinations de l’UE ont ainsi
bénéficié à un projet soutenu par la France de manière non-négligeable. Finalement c’est à travers la
voie de directive que l’UE proposera un nouveau modèle socio-maritime en Europe. La mise en
conformité de la France avec la CTM 2006 passera par le support de ces directives. Aujourd’hui le
Gouvernement prend une initiative nationale pour l’amendement de la Convention mais bénéficie du
soutien de 25 Etats maritimes grâce à la plateforme de coopération de l’UE. Ainsi peut-il être conclu
que, dans le domaine socio-maritime, les Nations européennes font front à l’international pour
bénéficier à leur pavillon dans la concurrence mondiale à travers le support de l’UE. Malgré cela, la
concurrence au sein de l’UE suit toujours son cours359 et l’axe socio-maritime principal de l’UE reste
la coordination d’un système de contrôle régional des navires sous-normes et non le transfert de
souveraineté maritime vers un pavillon communautaire.

357
https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/38557-europe-des-regions-des-nations-federale-ou-confederale
358
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Ministère des affaires étrangères et européennes PROJET DE LOI autorisant la
ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail NOR :
MAEJ1133589L/Bleue-1 ----- ÉTUDE D’IMPACT
359
LA CONCURRENCE DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS MARITIMES Le marché entre concentration et
complaisance Fabrice Riem Association internationale de droit économique | « Revue internationale de droit économique
» 2012/1 t. XXVI | pages 31 à 56 ISSN 1010-8831 ISBN 9782804170127 DOI 10.3917/ride.255.0031

57
Nemo censetur ignorare lege – Nul n’est censé ignorer la Loi. Dans le cas du Saoura360,
l’inspection d’un navire faisant escale à Brest après une panne de bouilleur a révélé des salaires
impayés depuis 5 mois. Il serait déraisonnable de croire que les gens de mer impayés à bord ne s’en
soient pas rendu compte et qu’ils n’auraient pas cherché à le revendiquer. Penser qu’ils auraient accepté
cette situation, qu’ils l’auraient même cachée parait improbable puisque ce problème fut détecté lors
d’une simple inspection initiale. De plus il n’existe pas de navire n’ayant aucun contact avec des
autorités portuaires 5 mois durant. La réponse se trouve certainement dans l’ignorance des marins. La
Norme A5.1.3-12. énonce qu’ « un exemplaire valide et à jour du certificat de travail maritime et de
la déclaration de conformité du travail maritime, et leur traduction en anglais lorsque l’original n’est
pas dans cette langue, doit être conservé à bord et une copie doit être affichée bien en vue à un endroit
accessible aux gens de mer ». Cependant l’Annexe 10 du protocole du MoU de Paris allonge une liste
de 84 certificats et documents dont la présence et la conformité doivent être vérifiées à bord lors d’une
inspection. L’OMI, quant à elle, a élaboré 30 conventions maritimes internationales auxquelles les
navires doivent se conformer. L’adage cité ci-dessus est aujourd’hui fréquemment évoqué pour
regretter l'absence de sécurité juridique face à la multiplication des normes et la perte de qualité des
lois361. Ce sens est totalement adapté au secteur du transport maritime. Comment y répondre alors ?
Par une simplification et une hiérarchisation des normes maritimes. La Convention internationale sur
les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille de 1978, ratifiée par
166 pays représentant 98,88% de la jauge brute mondiale362, ne mentionne malheureusement pas la
CTM 2006 comme point d’attention particulier lors de la formation à la connaissance du droit maritime
international. Les navires autonomes ne sont pas près de remplacer les 74 000 navires "traditionnels"
composant la flotte marchande mondiale363. Il faut donc développer et rationaliser d’avantage la
formation des marins, premiers acteurs de l’exercice de leurs droits.

360
Cf Introduction – 1. du présent mémoire
361
https://www.vie-publique.fr/fiches/23898-que-signifie-nul-nest-cense-ignorer-la-loi
362
https://wwwcdn.imo.org/localresources/en/About/Conventions/StatusOfConventions/StatusOfTreaties.pdf
363
https://www.journalmarinemarchande.eu/filinfo/la-flotte-mondiale-augmentera-de-64-ces-cinq-prochaines-
annees#:~:text=En%20d%C3%A9but%20d'ann%C3%A9e%2C%20les,%C3%A0%20la%20fin%20de%202025.

58
LISTE DES ANNEXES

- ANNEXE 1 - Evolution de la flotte marchande mondiale


- ANNEXE 2 - Evolution du nombre de marin à l'échelle mondiale
- ANNEXE 3 - Période de récession de la flotte marchande française
- ANNEXE 4 - Rapport Flotte immatriculée / Flotte contrôlée en 2007
- ANNEXE 5 - Article L5522-1 du Code des Transports
- ANNEXE 6 - Ratification de la CTM 2006 pour son entrée en vigueur conformément à
son article VIII
- ANNEXE 7 - Localisation des navires relevés dans les mers du monde en 2019
- ANNEXE 8 - Nombre de navires inspecté individuellement par nombre d’inspection par
navires entre 2007 et 2020
- ANNEXE 9 - Pavillons à la fois classés Pavillon de complaisance par l’ITF et classés
dans une liste du MoU de Paris
- ANNEXE 10 - Répartition de la flotte marchande de transport sous pavillon français en
2021
- ANNEXE 11 – Répartition de la flotte marchande de transport sous pavillon français en
2016
- ANNEXE 12 - Liste non exhaustive des anomalies dont le caractère de gravité est tel qu'il
peut justifier l'immobilisation du navire en France métropolitaine

59
ANNEXES

ANNEXE 1 - Evolution de la flotte marchande mondiale

ANNEXE 2 - Evolution du nombre de marin à l'échelle mondiale

60
ANNEXE 3 - Période de récession de la flotte marchande française
Source : Bernard Cassagnou - LES GRANDES MUTATIONS DE LA MARINE
MARCHANDE FRANÇAISE (1945-1995). VOLUME II - Troisième partie. Récession
et stabilisation (1979-1995) - Chapitre XVI. La deuxième grande mutation de la flotte de
commerce dans le contexte d’un désengagement progressif de l’État - Institut de la
gestion publique et du développement économique - 15 février 2013

ANNEXE 4 - Rapport Flotte immatriculée / Flotte contrôlée en 2007

ANNEXE 5 - Article L5522-1 du Code des Transports

61
ANNEXE 6 - Ratification de la CTM 2006 pour son entrée en vigueur conformément à son article
VIII
Source : Jean-Baptiste Clément 2022

62
ANNEXE 7 – Localisation des navires relevés dans les mers du monde en
2019
Source : The 2019 World Fleet Report Statistics from Equasis - Graph 21 - Ship
Sightings: total distinct number of ships sighted by geographical area – 2019 –
p19

ANNEXE 8 – Nombre de navires inspecté individuellement par nombre d’inspection par navires
entre 2007 et 2020
Source : The 2020 World Fleet Report Statistics from Equasis – Table 113 - Total number of individual ships
inspected, by number of inspections per ship – 2007-2020

63
ANNEXE 9 – Pavillons à la fois classés Pavillon de complaisance par l’ITF et classés
dans une liste du MoU de Paris
Source : Jean-Baptiste Clément 2022

64
ANNEXE 10 – Répartition de la flotte marchande de transport sous pavillon français en 2021
Source : Ministère de la Mer – Statistiques Flotte de commerce sous pavillon français juillet 2021

65
ANNEXE 11 – Répartition de la flotte marchande de transport sous pavillon français en 2016
Source : Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer Direction des Affaires
maritimes Mission de la Flotte de Commerce – Statistiques - Flotte de commerce sous pavillon français
Janvier 2016

66
ANNEXE 12 – Liste non exhaustive des anomalies dont le caractère de gravité est tel qu'il peut
justifier l'immobilisation du navire en France métropolitaine
Source : Division 150 CONTRÔLE DES NAVIRES ÉTRANGERS PAR L’ÉTAT DU PORT en France
métropolitaine - Annexe 150-1.VII Critères pour l'immobilisation des navires (visés à l'article 150-1.19, § 3)

67
BIBLIOGRAPHIE

Livres :
CHAUMETTE Patrick, Droits maritimes 4ème édition, Dalloz, Dalloz Action, 2021, 1900 pages
MONTAS Arnaud, Droit maritime 3ème édition, Vuibert, Vuibert Sup Droit, 2021, 304 pages
BAATZ Yvonne, Maritime law Fifth Edition, Routledge, 2020, 738 pages
DENIS Laurence, Travail maritime – Droit du travail, Editions du Puits Fleuri, Gestion et organisation,
2019, 588 pages
DELHER Cyril - COTE Jean-Pierre – VANDEVENNE Mathias, L’aide-mémoire du Capitaine -
Réglementation, cotnetieux et rapport de mer, Infomer, Marine marchande, 2015, 360 pages
CHAUMETTE Patrick, Le contrat d’engagement maritime Droit social des gens de mer, CNRS Edition,
CNRS Droit, 1993, 314 pages

Mémoires, thèses :
ALONSO Loana, Le contrôle du respect de la convention du travail maritime en France, ffdumas-01626025,
Droit, 2014, 93 pages
CLOSTERMANN Jean-Pierre, Les facteurs humains au cœur de la sécurité maritime : La gestion des
ressources en passerelle de navire, Psychologie, Université de Bretagne Sud, 2014.
DERUDDER Cathlyne, La qualité du Marin, Mémoire de Master 2 professionnel Droit maritime et des
transports, Faculté de Droit et de Sciences politiques d’Aix-Marseille III Centre de Droit maritime et des
transports, Année universitaire 2010-2011, 69 pages
CHARBONNEAU Alexandre, Marché international du travail maritime - Un cadre juridique en formation,
tel-01652177 -version 1, Droit. Université de Nantes, 2008, 685 pages

Conventions internationales :
Directeur général du Bureau international du Travail, Convention du travail maritime, Genève 7 février 2006,
MLC C186, 116 pages
Organisation des Nations Unies, Convention des Nations Unies sur les conditions d'immatriculation des
navires, Genève 7 février 1986
Organisation Internationale du Travail , C147 - Convention (n° 147) sur la marine marchande (normes
minima), Genève 13 octobre 1976
Organisation des Nations Unies, Convention des Nations unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 1982
Organisation Internationale du Travail, Charte internationale des gens de mer, Londres 1944
Gouvernement Français, Traité de paix entre les Alliés et les Puissances associées et l'Allemagne, Versailles
28 juin 1919
Organisation Internationale du Travail, Constitution de l’OIT, Versailles 28 juin 1919
Organisation Internationale du Travail, Charte internationale des gens de mer, Londres 1944

68
Législations européens :
Parlement et Conseil européen, Directive (UE) 2015/1794 du 6 octobre 2015 modifiant les directives
2008/94/CE, 2009/38/CE et 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, et les directives 98/59/CE et
2001/23/CE du Conseil, en ce qui concerne les gens de mer, 2015
Parlement et Conseil européen, Règlement (UE) n° 508/2014 du 15 mai 2014 relatif au Fonds européen pour
les affaires maritimes et la pêche, 2014
Parlement et Conseil européen, Directive 2013/54/UE du 20 novembre 2013 relative à certaines
responsabilités de l’État du pavillon en ce qui concerne le respect et la mise en application de la convention
du travail maritime, 2006, 2013
Parlement et Conseil européen, Directive 2013/38/UE du 12 août 2013 portant modification de la directive
2009/16/CE relative au contrôle par l’État du port, 2013
Parlement et Conseil européen, Directive 2009/21/CE du 23 avril 2009 concernant le respect des obligations
des États du pavillon, 2009
Parlement et Conseil européen, Directive 2009/15/CE du 23 avril 2009 établissant des règles et normes
communes concernant les organismes habilités à effectuer l'inspection et la visite des navires et les activités
pertinentes des administrations maritimes, 2009
Conseil européen, Directive 2009/13/CE 16 février 2009 mise en œuvre de la convention du travail maritime,
2006, 2009
Conseil européen, Directive 1999/63/CE du 21 juin 1999, concernant l'accord relatif à l'organisation du
temps de travail des gens de mer, 1999
Conseil européen, Directive 92/29/CEE du 31 mars 1992, concernant les prescriptions minimales de sécurité
et de santé pour promouvoir une meilleure assistance médicale à bord des navires, 1992
Conseil européen, Règlement (CEE) no 613/91 du 4 mars 1991 relatif au changement de registre des navires
à l'intérieur de la Communauté, 1991
Etats membres de l’Union Européenne, Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), Rome,
1er janvier 1958

Législations nationales :
Code des Transports, Partie législative, Cinquième partie, Transport et navigation maritimes, Livre V : Les
gens de mer, Articles L5511-1 à L5581-1
Premier Ministre, Décret n° 2020-480 portant mesures d'urgence en matière d'encadrement des activités et
professions maritimes, 27 avril 2020
Ministère des affaires étrangères et du développement international, Décret no 2014-615 du 13 juin 2014
portant publication de la convention du travail maritime (ensemble quatre annexes), adoptée à Genève le 7
février 2006, MAEJ1410260D, 2014, 66 pages
Président de la République, Loi n° 2013-619 transpose la directive n° 2009/13 du 16 février 2009 qui «
communautarise » les 4 premiers titres de la CTM, 16 juillet 2013
Président de la République, Loi n° 2012-1320 autorisant la ratification de la convention du travail maritime,
29 novembre 2012
Ministère des affaires étrangères et européennes, Projet de loi autorisant la ratification de la convention du
travail maritime de l'organisation internationale du travail, MAEJ1133589L/Bleue-1, 2012, 50 pages
Président de la République, Loi n° 2006-10 obligation de rapatriement et le champ de compétence de
l'inspection du travail à bord, 6 janvier 2006
Grande ordonnance de la marine d'août 1681, 31 juillet 1681

69
Articles :
CHAUMETTE Patrick, Convention du travail maritime OIT de 2006 : Déclaration de conformité et rapports
nationaux, Neptunus revue éléctronique, Centre de Droit Maritime et Océanique Université de Nantes Vol 21
2015/2, 11 pages
GRARD Loïc, Chronique Droit européen des transports - Conditions de travail des marins : mise aux normes
internationales, RTD Eur., 2014, p219
CHARBONNEAU Alexandre – CHAUMETTE Patrick, Premiers amendements à la convention du travail
maritime de l'OIT de 2006, Droit social, Dalloz, 2014, p802
CHAUMETTE Patrick, La ratification et la transposition de la convention OIT du travail maritime (MLC
2006), Droit social, Dalloz, 2013, p915
GOEBBELS Marie-Laure, Histoire du droit social de la marine, Revista crítica de historia de las relaciones
laborales y de la política social, n.os 162, 2011, p12-28
CHAUMETTE Patrick, De l’évolution du droit social des gens de mer. : Les marins sont-ils des salariés
comme les autres ? Spécificités, banalisation et imbrication des sources, ffhalshs-01481254, Annuaire de
Droit Maritime et Océanique, Centre de Droit Maritime et Océanique Université de Nantes, 2009, 26 pages
CHARBONNEAU Alexandre – MARIN Marie, Les apports de la Convention du travail maritime (CTM)
2006, Neptunus revue éléctronique, Centre de Droit Maritime et Océanique Université de Nantes Vol 14
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Publication :
Bureau international du Travail, Propositions d’amendement au code de la convention du travail maritime,
2006, telle qu’amendée, conformément à l’article XV de la convention), Organisation internationale du
Travail, Publication en ligne ILO, 2021, 21 pages
Département des normes internationales du travail (NORMES)/ Département des politiques sectorielles
(SECTOR), Note d’information – Questions relatives au travail maritime et au coronavirus (COVID-19),
Organisation internationale du Travail, Publication en ligne ILO, 2021, 26 pages
Département des normes internationales du travail (NORMES)/ Département des politiques sectorielles
(SECTOR), Rapport final de Quatrième réunion de la Commission tripartite spéciale créée en vertu de
l’article XIII de la convention du travail maritime, 2006, telle qu’amendée, Organisation internationale du
Travail, Publication en ligne ILO, 2021, 68 pages
Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations (CEACR), Observation
générale sur des questions découlant de l’application de la convention du travail maritime, 2006, telle
qu’amendée (MLC, 2006), pendant la pandémie de COVID-19, Organisation internationale du Travail,
Publication en ligne ILO, 2020, 8 pages
Armateur de France, La Convention maritime internationale (MLC), Publication en ligne Armateur de
France, 2017, 2 pages
Bureau international du Travail, Compilation des instruments sur le travail maritime Deuxième édition,
Publication en ligne Organisation internationale du Travail, 2015, 412 pages

Lien web :
La montée des pavillons maritimes de complaisance - l'internationale de la négligence
: https://www.lemonde.fr/archives/article/1975/08/04/la-montee-des-pavillons-maritimes-de-complaisance-l-
internationale-de-la-negligence_3100017_1819218.html
A propos de l'OIT: https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/lang--fr/index.htm
Vaccination des marins français : un accès prioritaire accordé :
https://www.armateursdefrance.org/actualite/vaccination-marins-francais-acces-prioritaire-
accorde?fbclid=IwAR2eNXjAEMCiAryW7CffI9F4DH9MDEoXbX53HUNY_tDKzh1jwzukxi9SLmw

70
TABLES DES MATIERES

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................... 2
SOMMAIRE ......................................................................................................................................... 3
LISTE DES ABREVIATIONS .......................................................................................................... 4
INTRODUCTION................................................................................................................................ 5
1. Détresse sociale : le cas des abandons de marin. ................................................................................. 5
2. La notion de norme sociale maritime. ................................................................................................. 6
3. Les enjeux d’une Convention du travail maritime universelle. ........................................................... 7
4. La hiérarchie des normes dans le domaine du travail maritime. ......................................................... 9
PARTIE 1 : LA MARQUE D’UNE POLITIQUE MARITIME EUROPEENNE EN
EXPANSION ...................................................................................................................................... 10
I- EVOLUTION DE LA PLACE DU DROIT COMMUNAUTAIRE DANS LE DOMAINE DU TRAVAIL MARITIME
.......................................................................................................................................................... 10
A- Les réticences nationales à une coopération européenne ....................................................... 11
5. Le phénomène de complaisance : les nations européennes du mauvais côté de la balance. ............. 11
6. Les premiers pas de l’Europe maritime contournés par les pays européens. .................................... 12
7. La préférence nationale en obstacle avec les principes fondamentaux de l’UE. ............................... 12
B- Différentes approches pour une harmonisation du droit des Etats membres.......................... 13
8. L’échec d’une unification pavillonnaire européenne. ....................................................................... 13
9. Le retour à « l’Europe des petits pas » ; la construction d’une politique maritime effective. ........... 14
II- LA CTM 2006 DANS LE DROIT COMMUNAUTAIRE : CONSECRATION D’UNE POLITIQUE SOCIALE
MARITIME INTERNATIONALE ............................................................................................................. 15
A- L’Europe et l’OIT ; une coopération de longue date .............................................................. 16
10. Un partenaire historique de l’Europe............................................................................................... 16
11. L’élaboration d’une stratégie de soutien effective aux textes de l’OIT. .......................................... 17
B- Le poids de l’UE dans l’adoption et l’intégration de la CTM 2006 ........................................ 19
12. La construction de la Convention avec l’UE. .................................................................................. 19
13. La Directive 2009/13/CE du 16 février 2009. ................................................................................. 20
14. L’UE ambassadrice de la ratification. ............................................................................................. 21
III- LA COORDINATION DE LA CTM 2006 AVEC LA PMI DE L’UE : UNE CONVENTION EFFECTIVE EN
EUROPE ............................................................................................................................................. 22
A- La responsabilisation des Etats communautaires dans un socle commun de contrôle ........... 23
15. Les responsabilités de l’Etat du pavillon européen. ........................................................................ 23
16. Les responsabilités de l’Etat du port européen. ............................................................................... 25
B- L’investissement de l’UE dans les acteurs de la PMI ............................................................. 26
17. La coordination d’un système de contrôle régional. ........................................................................ 26
18. Vers un guichet unique européen efficace pour la CTM 2006. ....................................................... 28
CONCLUSION DE LA PARTIE 1 – LA CONVENTION DU TRAVAIL MARITIME 2006 : INSTRUMENT DE LA
POLITIQUE MARITIME DE L’EUROPE ................................................................................................... 30

PARTIE 2 : LES SIGNES D’UNE STRATEGIE MARITIME FRANÇAISE TOURNEE VERS


L’INTERNATIONAL. ...................................................................................................................... 33
I- EVOLUTION DE LA PLACE DES GENS DE MER DANS LE DROIT SOCIAL FRANÇAIS ............................. 33

71
A- Autonomisation puis abandon de particularisme du droit social des gens de mer français ... 34
19. Le droit social a d’abord été maritime. ............................................................................................ 34
20. Un déclin d’intérêt national pour la situation des marins. ............................................................... 36
B- Le paradoxe du Registre International Français .................................................................... 37
21. Un pavillon de complaisance........................................................................................................... 37
22. L’outil d’une redynamisation de l’emploi maritime. ....................................................................... 39
II- LA PLACE DE LA FRANCE DANS L’AUBE DE LA CTM 2006 ........................................................... 40
A- La France à l’OIT : mécène, coordinatrice et rédactrice de la CTM 2006 ............................ 41
23. Les prédispositions sociales françaises pour la Convention. ........................................................... 41
24. Le rôle moteur des français dans la mise au monde du texte. ......................................................... 43
B- L’intégration de la CTM 2006 à l’OJ national........................................................................ 44
25. Une ratification paradoxalement tardive. ........................................................................................ 44
26. La transposition de la CTM 2006 dans l’OJ français. ..................................................................... 46
III- L’IMPLICATION NATIONALE CROISSANTE DANS LA VIE DU TEXTE ............................................... 48
A- La France : bras armé de la CTM 2006 .................................................................................. 48
27. Un pavillon français labélisé. .......................................................................................................... 48
28. La prise de responsabilité en tant qu’Etat du port. .......................................................................... 50
B- La Convention : outil national de prédilection pour le droit social maritime aujourd’hui .... 53
29. Le retour de l’enjeu social dans la politique maritime du gouvernement. ....................................... 53
30. L’amendement comme voie d’évolution du droit social maritime français. ................................... 54
CONCLUSION .................................................................................................................................. 56
LISTE DES ANNEXES ..................................................................................................................... 59
ANNEXES .......................................................................................................................................... 60
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................. 68
TABLES DES MATIERES............................................................................................................... 71
RESUME .......................................................................................................................................... 733
MOTS CLES ...................................................................................................................................... 73

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RESUME

Plus de 1,5 million de marins dont au moins 16000 français permettent le transport maritime
de biens et de personnes ainsi que de multiples services essentiels à l’économie, à la recherche ou à la
protection de la biodiversité et des personnes en mer. La Convention du Travail Maritime 2006 de
l’Organisation Internationale du Travail, aussi connue en tant que code du travail maritime universel,
apporte les normes sociales internationales minimales applicables dans ce métier si particulier.
Aujourd’hui ratifiée par 101 Etats représentant 96,6% de la jauge brute de la flotte marchande
mondiale ; son élaboration, son entrée en vigueur et sa bonne application n’ont jamais profité d’une
mer calme. Ce mémoire porte sur l’étude de la vie de cette convention maritime internationale en se
focalisant sur le plan régional de l’Union Européenne puis national de la France. Il sera ainsi montré
qu’elle se coordonne parfaitement avec la politique maritime européenne du 21ème siècle, réagissant
aux dégâts de la complaisance internationale en construisant un arsenal juridique dans l’optique du
succès de la convention. L’attitude de la France et sa politique maritime propre fera ensuite l’objet
d’une analyse afin de comprendre comment elle est arrivée à se positionner leader européen d’un
amendement à la convention en 2022, forte de ses cinq siècles d’histoire de réglementation maritime.
En aucun cas politisé, ce mémoire vise à étudier la place d’une convention internationale, aujourd’hui
un des piliers du droit maritime international, dans la stratégie maritime de la France et de l’Union
Européenne.

MOTS CLES

Droit social maritime ; Convention du travail maritime ; CTM 2006 ; MLC 2006 ; Politique
Maritime Intégrée de l’Union Européenne ; Complaisance maritime internationale ; Etat du pavillon ;
Etat du port ; Etat fournisseur de main d’œuvre ; Transposition de directive européenne ; Ratification
de convention internationale ; Histoire maritime ; Europe des Nations ; Organisation Internationale du
Travail ; Engagements français à l’international

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