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Tendinite de De Quervain, un nouveau concept de rééducation

Article  in  Kinésithérapie la Revue · February 2015


DOI: 10.1016/j.kine.2014.11.057

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Denis Gerlac
Activité libérale, Grenoble, France
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Savoirs / Contribution originale Kinesither Rev 2015;15(162):70–76

Ténosynovite de De Quervain :
une nouvelle approche rééducative !
De Quervain's tenosynovitis: A new approach of
physiotherapeutic treatment in rehabilitation!

5, allée Docteur-Calmette, 38130 Échirolles, France Denis Gerlac

Reçu le 10 décembre 2014 ; reçu sous la forme révisée le 28 février 2015 ; accepté le 3 mars 2015

RÉSUMÉ
Mots clés
Le pronator teres tendu depuis l'épicondyle médiale et le processus coronoïde jusqu'au tiers
moyen du radius (face latérale) présente une trajectoire oblique en bas et en dehors. Il est Attelle
pronateur de l'avant-bras et fléchisseur du coude. Outre ces deux actions, la force qu'il déve- De Quervain
loppe lors de sa contraction induit une traction ascendante du radius (lorsque le coude est en Kinésithérapie
extension) ainsi qu'une rotation en pronation sur lui-même. Si ce « déplacement » est avéré et Orthèse
non réduit, il entraîne une modification défavorable de l'angle formé par les tendons des muscles Physiothérapie
abductor pollicis longus et extensor pollicis brevis à l'entrée du premier compartiment du Rééducation
rétinaculum des extenseurs, de sorte que cet angle augmente. Il rend ainsi plus agressif la
paroi médiale du premier compartiment en majorant la pression et les frottements de ces deux Keywords
tendons lorsqu'ils coulissent contre cette poulie de réflexion. Il génère donc une inflammation. Splint
Voici une explication possible de l'origine des ténosynovites de De Quervain. Face à ce constat, De Quervain
un modèle rééducatif a été mis en place, tel qu'il est décrit dans cet article. Il est basé sur deux Orthopaedic brace
piliers. L'un est une orthèse de repos, le second est de la rééducation axée, d'une part, sur Physiotherapy
l'étirement du pronator teres pour « replacer » le radius et, d'autre part, sur le renforcement des Rehabilitation
muscles dont la physiologie est contraire à celles des muscles abductor pollicis longus et
extensor pollicis brevis.
Niveau de preuve. – Non adapté.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SUMMARY
The pronator teres muscle stretches from the medial epicondyle and coronoid process to the
lateral side of the mid-third of the radius, with an oblique downward and outward course. It is the
forearm pronator and elbow flexor. Moreover, its force in contraction induces upward traction of
the radius when the elbow is in extension, and rotation around itself in pronation. Displacement, if
not reduced, widens the angle between the abductor pollicis longus and extensor pollicis brevis
tendons at the entrance to the first compartment of the extensor retinaculum, increasing first
compartment medial wall aggression and the pressure and friction acting on the two tendons
when they slide against this reflection pulley, leading to inflammation. This is a possible etiology
for De Quervain's tenosynovitis. In the light of this, a rehabilitation scheme was devised, as
described in the present article, based on two pillars: a resting brace, and rehabilitation involving
stretching the pronator teres, so as to reposition the radius, and reinforcing the muscles that
physiologically counter the abductor pollicis longus and extensor pollicis brevis muscles.
Level of evidence. – Non-applicable. Adresses e-mail :
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. DENIS.GERLAC@BBOX.FR,
DENIS.GERLAC@GMAIL.
COM

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2015.03.006
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Kinesither Rev 2015;15(162):70–76
Savoirs / Contribution originale

INTRODUCTION ÉTIOLOGIES POSSIBLES


La ténosynovite de De Quervain se caractérise par une dou- Pour expliquer cette pathologie dont on ne retrouve pas
leur mécanique, localisée sur le bord radial du poignet, au d'étiologie certaine, plusieurs causes possibles ont été
niveau de la styloïde [1]. Elle est générée par une souffrance avancées. Il ressort que deux facteurs anatomiques sont
des tendons abductor pollicis longus (APL) et extensor pollicis régulièrement incriminés. Le premier est lié à l'anatomie de
brevis (EPB) lorsqu'ils coulissent ensemble dans le premier l'APL, il est accusé de prendre plus de place que prévue
compartiment du rétinaculum des extenseurs (ancien ligament dans la coulisse du premier compartiment dorsal du fait
annulaire dorsal du carpe). Cette douleur, qui peut parfois être de duplications tendineuses régulièrement observées
très intense, se manifeste lors des mouvements actifs [4–7]. Le second correspond aux caractéristiques morpho-
d'abduction du pouce et du poignet, ou bien, des mouvements logiques propres de ce tunnel (premier compartiment du
soient actifs soient passifs d'adduction du pouce et du poignet. rétinaculum des extenseurs). Il présente parfois un septum
Aujourd'hui, on s'appuie sur le test de Finkelstein pour faire le médian qui le sépare en deux, et de ce fait en réduit l'espace
diagnostic. Ce test a été quelque peu modifié avec le temps. [7–9]. On reproche à ces deux particularités anatomiques
En effet, lors de la description princeps faite par le Dr. Fin- (déjà décrites en 1862 par J. Cruveilher [10]), d'augmenter
kelstein [2], ce test était effectué avec une manœuvre passive les frottements et de favoriser l'inflammation à l'intérieur de
qui déplaçait le pouce vers la base de l'auriculaire. Alors que ce tunnel.
de nos jours, il est généralement réalisé avec une manœuvre Des terrains prédisposés à cette tendinopathie sont égale-
active demandée au patient. Cette manœuvre qui correspond ment régulièrement énoncés en s'appuyant sur les statisti-
à la réalisation d'une inclinaison ulnaire du poignet, après avoir ques qui montrent, par exemple, que les femmes sont plus
placé le pouce en opposition dans la paume de la main (Fig. 1), souvent atteintes que les hommes [7,11], et que parmi les
est pathognomonique de cette pathologie et signe sa femmes atteintes, ce sont plus régulièrement des femmes
présence. enceintes [12] ou proches de la ménopause qui le sont
Jusqu'à ce jour, et ce depuis sa description en 1895 par le (on évoque un dérèglement hormonal !). D'autres causes
chirurgien suisse éponyme de cette maladie [1], aucun des sont envisagées, plus crédibles, comme la surcharge de
différents traitements proposés (kinésithérapiques, physiothé- travail manuel ou bien l'accumulation de gestes répétitifs
rapiques, médicaux ou chirurgicaux) ne permet d'obtenir un [7,13,14].
effet curatif rapide. On constate que quels que soient les Pour ma part, ce qui m'a mis sur la voie d'une origine plutôt
moyens employés, la guérison est souvent spontanée, après mécanique de cette pathologie, c'est le nombre important de
un long délai d'évolution. patients que j'ai eu à prendre en charge en rééducation pour
Lorsqu'on revisite, de façon non exhaustive, la littérature se une ténosynovite de De Quervain, alors qu'ils présentaient
rapportant à cette pathologie on remarque que les soins pro- tous dans le même temps, une caractéristique commune. Ils
digués, ainsi que leur chronologie, sont globalement identi- avaient à s'occuper ou prendre soin, d'un nouveau-né. Là où
ques sur tous les continents. En effet, il est consensuel de l'explication hormonale ne colle pas pour moi, c'est que parmi
commencer les soins par un traitement conservateur dont le ces patients, il y avait effectivement des mamans, mais éga-
pilier est formé par le port d'une attelle d'immobilisation du lement des papas et des grands-parents. Peut-être que le
poignet et du pouce, associé à la réalisation d'un programme dérèglement hormonal lié à la ménopause pourrait expliquer
de réhabilitation musculo-tendineux. Plus tard, si aucun résul- les ténosynovites chez les grand-mères mais pour les hom-
tat encourageant ne se manifeste, des injections de corticoï- mes (père ou grand-père) quel serait le rapport avec les
des seront proposées. Enfin, en dernier recours, si cela ne hormones ? C'est ce constat qui m'a poussé à chercher
donne toujours pas d'amélioration, on évoquera la chirurgie une autre piste.
mais sans garantir pour autant une guérison rapide [3].

LE PRONATOR TERES EST-IL LE COUPABLE ?


En observant de plus près l'anatomie et la physiologie du
poignet, il apparaît que les deux tendons, APL et EPB, forment
selon leur grand axe, un angle à l'entrée de la coulisse du
premier compartiment des extenseurs (Fig. 2). En allant plus
loin dans l'analyse biomécanique des mouvements de prono-
supination de l'avant-bras, on constate que l'ascension du
radius (par rapport à l'ulna) associée ou non à une rotation
en pronation sur lui-même du radius, majorent de façon défa-
vorable cette angulation à l'entrée de la coulisse. Si cette
modification d'angulation est avérée, elle est néfaste, puis-
qu'elle augmente les frottements des deux tendons lorsqu'ils
pénètrent dans le premier compartiment du rétinaculum des
extenseurs. Oui mais voilà. . . Qu'est-ce qui pourrait provoquer
une ascension et une rotation, pathologiques, du radius ?
C'est une nouvelle fois l'étude de l'anatomie qui nous apporte
Figure 1. Test de Finkelstein (modifié). une réponse possible.

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Savoirs / Contribution originale D. Gerlac

Figure 2. Photo permettant de voir l'angle formé par l'abductor


pollicis longus et l'extensor pollicis brevis au court de leur trajet
dans le rétinaculum. Cette photo permet également de comprendre
que si le radius est ascensionné ou (et) en pronation sur lui-même,
l'angle augmente.
Photo : Michel Boutan.

Le pronator teres, de par ses insertions d'origine et


terminale, ainsi que l'orientation de son trajet (oblique
en bas et en dehors), semble être le parfait coupable !

En effet, ses fibres musculaires et tendineuses sont orien-


tées de proximal à distal dans le sens médial à latéral. Donc,
chaque fois que le muscle se contracte, il développe, en
plus de la flexion et de la pronation du coude, une force
ascendante du radius (par rapport à l'ulna) et également une
force rotatoire du radius sur lui-même, de telle sorte qu'il
engendre une pronation de ce dernier selon son grand axe Figure 3. Anatomie du pronator teres, (oblique en bas et en dehors)
(Fig. 3). et les actions générées par sa contraction (ascension et rotation du
Grâce à une étude qui comptait 19 poignets présentant une radius).
ténosynovite de De Quervain, on a observé que lorsqu'on Dessin : D. Gerlac.
réalise un test de Finkelstein en maintenant pendant toute
la durée du test une traction dans le sens proximal à distal
du radius, la douleur présente lors du test initial (sans traction)
est largement diminuée voire absente. Cela renforce l'idée que APL ET EPB D'UN POINT DE VUE
peut-être une ascension du radius serait à l'origine de l'inflam- BIOMÉCANIQUE
mation (Fig. 4).
Une autre étude, réalisée et présentée par Yoheï Kawanishi Il est réaliste de penser que l'ascension prolongée, associée
lors du douzième congrès de l'IFSSH (Société internationale à une rotation en pronation du radius, engendre une modifica-
de chirurgie de la main), à Delhi en 2013 [15], montre que les tion de l'angle de pénétration de ces deux tendons, APL et
mouvements de pronation de l'avant-bras, entraînent une EPB, dans le tunnel du premier compartiment dorsal. De telle
ascension automatique du radius par rapport à l'ulna. sorte qu'elle augmente la compression et les frottements
Comme on l'a évoqué précédemment, cette ascension pour- lorsque ces deux muscles se contractent – Un peu comme
rait avoir pour conséquence d'augmenter l'angle formé par les ce que produit le décentrage de la tête humérale dans les
tendons des muscles APL et EPB dans la première coulisse du pathologies de la coiffe des rotateurs. Il génère des contraintes
rétinaculum des extenseurs, et ainsi augmenter les frotte- excessives sur le supra-pinatus qui finit par développer une
ments néfastes (Fig. 5). tendinopathie.
Une seconde observation, faite lors de l'étude des 19 poignets G.-B. Duchenne de Boulogne [16] nous a appris que la
douloureux, montre que la palpation de l'insertion terminale du contraction musculaire de l'APL (obtenue par stimulation élec-
tendon du pronator teres est souvent plus douloureuse du côté trique) ne provoque pas de supination de l'avant-bras comme
du membre pathologique que du côté sain, ceci dans 79 % des on pourrait le penser du fait de la direction de ses fibres. Mais,
cas (15 poignets sur 19). au contraire, il aurait une tendance à la pronation. Cet

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poignet (leur mobilité dans l'espace génère une valeur angu-


laire variable pour ces deux tendons). Alors que l'angle que
nous mettons en cause, dans cet article, n'est pas modifié par
les changements de position du pouce ou du poignet. En effet,
l'angle que nous incriminons est situé en amont du ligament,
à l'entrée du tunnel. L'angulation des deux tendons à l'entrée
du tunnel est structurelle. Elle est imposée par la paroi médiale
du premier compartiment du rétinaculum des extenseurs qui
dévie la trajectoire des deux tendons APL et EPB. Autrement
dit : L'angulation, générée par le premier compartiment, et qui
dévie la trajectoire des deux tendons, est fixe et stable. Elle ne
varie jamais sauf si le radius se retrouve « déplacé » (ascen-
sion, pronation. . .). Alors que l'angulation formée à la sortie de
la coulisse, liée à la position du poignet et du pouce, elle, varie
constamment, à chaque fois que le poignet ou le pouce chan-
gent de position. Ce qui nous écarte de l'idée que la ténosy-
novite provienne de l'angle formé à la sortie du tunnel, c'est
qu'on peut observer chez le muscle voisin extensor pollicis
longus à peu près le même schéma. Lui aussi décrit un angle
important à la sortie du troisième compartiment du rétinaculum
des extenseurs. Cependant, il ne développe que très rarement
une tendinopathie. Il faut croire que le corps humain a été bien
conçu, et que son concepteur avait prévu ces angulations à la
sortie des deux tunnels. Puisque, à l'état normal, ces angula-
tions ne génèrent pas de tendinopathie.
Edel Kelly, de son côté, a montré dans sa thèse [18], que la
course de l'EPB était approximativement de 14 à 15 mm au
niveau du poignet quand le pouce réalise un mouvement
complet de l'extension vers la flexion et, que la longueur de
cette course varie en fonction de la position du poignet de telle
sorte que le déplacement du tendon est maximum quand le
poignet est en position neutre. À l'inverse, il montre qu'elle est
diminuée de quelques millimètres quand le poignet est posi-
Figure 4. Prise et contre-prise qui permettent d'effectuer une tionné en flexion ou en extension.
traction sur le radius afin de diminuer l'angle formé par l'abductor
pollicis longus et l'extensor pollicis brevis dans le premier
compartiment du rétinaculum des extenseurs.
Photo : Denis Gerlac. ATTELLE DE REPOS
Ces analyses sont très intéressantes. Elles nous permettent
enseignement nous éclaire sur l'analyse d'un geste particulier, de comprendre une partie du traitement que l'on propose ici,
très fréquemment réalisé par les toutes fraîches mamans celle de la position du poignet et du pouce dans l'orthèse de
– C'est ce geste qui a orienté cette étude – Il correspond à aller repos. En effet, comme l'étiologie de la ténosynovite de De
chercher un bébé au sol en le prenant sous les aisselles. En Quervain reste inconnue à ce jour, la sagesse thérapeutique
position de départ, le coude est en extension, le poignet est en nous contraint à prendre en compte toutes les angulations des
pronation, le pouce en abduction, et la première commissure tendons à l'entrée ou (et) à la sortie de la coulisse du premier
est ouverte. Une fois que le nourrisson est saisi sous les compartiment. Le but étant de limiter les compressions et les
aisselles, le poignet réalise contre résistance, une supination frottements, provoqués par les mouvements dynamiques des
associée à une inclinaison radiale. Ce geste ne serait-il pas la deux tendons. Il est donc primordial, que la position du poignet
source d'une dysharmonie entre pronateurs et supinateurs ? et du pouce, à l'intérieur de l'orthèse, permette d'aligner le
Ou bien la source d'une dysharmonie entre travail en chaîne contenant avec le contenu, ceci, aussi bien dans le plan frontal
ouverte et chaîne fermée ? Plus précisément, ne serait-ce pas que dans le plan sagittal. Il est nécessaire également de
un dérèglement de la tension de l'APL (plutôt pronateur) alors bloquer le pouce jusqu'à la première phalange pour ne pas
pris en tenaille entre les actions non synergiques des prona- permettre à l'EPB de coulisser et de créer des frottements.
teurs et des supinateurs, avec une action plus importante du C'est ainsi que l'orthèse que l'on préconise (Fig. 6) doit être
pronator teres puisqu'il est également fléchisseur de l'avant- fabriquée sur mesure.
bras sur le bras ?
On retrouve, par ailleurs, deux articles publiés impliquant
L'orthèse doit placer le poignet non pas en extension
l'angulation de ces deux tendons dans l'étiologie de la tendi-
mais en très légère flexion de 08 à 108, avec une
nopathie. Mais, dans ces deux articles, c'est l'angulation que
inclinaison ulnaire d'environ 208.
ces deux tendons dessinent à la sortie du tunnel qui est mise
en cause. Ce n'est pas l'angle qu'ils forment à l'entrée de celui-
ci [14,17]. C'est-à-dire que ce qui est décrit comme néfaste Le pouce est placé en antépulsion, d'environ 208, associée
dans ces deux publications est lié à la position du pouce et du à une légère adduction qui doit être suffisante pour être

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Savoirs / Contribution originale D. Gerlac

Figure 5. Représentations schématiques de l'incidence d'une ascension et d'une rotation du radius (flèches jaunes).
Dessin : D. Gerlac.

efficace, mais pas trop prononcée pour permette aux doigts de peut trouver décrits dans la littérature [19–21] et qui étaient
se refermer dans la paume sans être gênés par le pouce. La déjà très performant pour l'antalgie. La différence vient du
MP du pouce est placée à 158 de flexion. On prend soin fait qu'aujourd'hui on place les tendons en légère position
d'évider l'attelle au niveau de la région styloïdienne pour ne d'étirement ! (Ceci semblait être une faute auparavant,
pas risquer d'augmenter la compression à l'endroit de la zone puisqu'on préconisait plutôt la détente des tendons en
de conflit. Cette orthèse n'a rien de révolutionnaire. Elle cor- cas de tendinopathie. . . ). Pourquoi placer les tendons en
respond à peu de chose près aux différents modèles que l'on position d'étirement, direz-vous ? La réponse, sans avoir
été vérifiée, est d'ordre mécanique. Toute structure tubulaire
qui est étirée voit son calibre s'affiné pour conserver le même
volume. Au contraire, lorsque cette structure tubulaire est
comprimée en même temps qu'elle est maintenue dans une
gaine, elle augmente son diamètre en gonflant.
Voici la raison pour laquelle nous plaçons les tendons en
légère position d'étirement dans l'attelle de repos.

RÉÉDUCATION
La seconde partie du traitement correspond à la rééducation
proprement dite.

Cette rééducation est axée sur la « descente » du


radius.

L'objectif de cette manœuvre est de faire diminuer l'angle que


forment ces deux tendons (APL et EPB) à l'entrée de la
première coulisse du rétinaculum des extenseurs. Ceci dans
le but diminuer les contraintes de frottements et de compres-
sion. Cette manœuvre est très simple à mettre en œuvre et il
suffit de très peu de matériel. Trois étapes la constituent :
Figure 6. Orthèse poignet-pouce pour ténosynovite de De Quervain  la première étape consiste à réaliser un massage de l'avant-
(réalisée sur mesure). Elle positionne l'abductor pollicis longus et bras sous forme de pétrissage. Le but de ce massage est
l'extensor pollicis brevis en rectitude. de détendre l'ensemble des muscles des trois loges de

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Savoirs / Contribution originale

l'avant-bras, mais plus particulièrement le pronator teres et à l'horizontale avec son extrémité ulnaire toujours dirigée vers
les deux muscles impliqués dans la ténosynovite de De le coude. Sa direction devient oblique en avant et transversale
Quervain (APL et EPB) ; (en dehors), on réalise ainsi un étirement du pronator teres. Le
 la deuxième étape est consacrée à étirer le pronator teres en dernier temps correspond au retour à la position de départ. À
utilisant la technique des contractés-relâchés ; chaque temps, on maintient la position une à deux secondes.
 enfin, la dernière correspond au renforcement des muscles On effectue deux à cinq séries de dix mouvements.
dont la physiologie est opposée à celle des muscles qui Le résultat de ce protocole est assez surprenant, et ce
réalisent la pronation et l'inclinaison radiale du poignet, ainsi à plusieurs points de vue. D'une part, son efficacité est plus
que l'abduction du pouce. que rapide puisque, dès la fin de la première séance de
Ceci est réalisé par l'intermédiaire d'un exercice unique, très rééducation, le test de Finkelstein devient beaucoup moins
simple (Fig. 7). Il est décomposable en trois temps à partir de la douloureux voire indolore. Il est important de rajouter que ce
position de départ, qui est : le patient maintient son bras tendu résultat sur la douleur est indépendant du délai écoulé entre le
à l'horizontale devant lui. L'avant-bras est en position neutre, début d'apparition de la pathologie et la première séance de
de telle sorte que le bord radial du poignet regarde le zénith. Le rééducation. En effet, sur les 19 poignets que nous avons pu
patient tient dans sa main une barre de 2 kilos par l'une de ses étudier, le résultat sur la douleur a été aussi efficace à la fin de
deux extrémités (la barre est donc maintenue verticalement et la première séance, quelle que soit l'ancienneté d'apparition
elle dépasse largement la main, du côté ulnaire). Le premier de la symptomatologie (de 5 jours à 8 mois). Ce bénéfice sur la
temps consiste à réaliser une inclinaison ulnaire du poignet douleur est également stable dans le temps, puisque lors de la
contre la résistance du poids pour amener l'extrémité infé- deuxième séance, aucun de nos patients n'est revenu avec
rieure de la barre vers le coude (la contraction des muscles une douleur, d'intensité égale à celle de la première. Tous nos
extensor carpi ulnaris et flexor carpi ulnaris génère, grâce patients ont conservé l'acquis obtenu par les soins de la
à l'innervation réciproque décrite par Sherrington, un relâche- première séance. D'autre part, il est à signaler que ce dernier
ment des muscles abducteurs du pouce et du poignet, donc exercice de musculation proposé dans ce protocole de réédu-
génère une possible redescente du radius). À partir de là, le cation est parfaitement indolore, alors qu'il serait légitime de
deuxième temps s'enchaîne, on demande au patient de réa- penser le contraire. Car, il ressemble à quelque chose prêt à un
liser une supination de l'avant-bras pour amener la barre test de Finkelstein (Fig. 7b) !

Figure 7. Travail concentrique des muscles antagonistes de l'abductor pollicis longus et de l'extensor pollicis brevis.
Photo : D. Gerlac.

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Savoirs / Contribution originale D. Gerlac

tendon, associated with stenosing tendovaginitis. J Bone Joint


DISCUSSION Surg 1951;33:347–50.
L'efficacité du traitement que l'on propose ici pour soigner les [6] Le Viet D. Ténosynovites du poignet : traitement chirurgical.
ténosynovites de De Quervain est indéniable. Mais par contre, Maitrise Orthop 2002;114.
on ne peut malheureusement pas dire la même chose de [7] Kirkpatrick W. De Quervain's disease. In: Rehabilitation of the
l'étiologie que l'on met en avant. . . Si l'origine des ténosyno- hand: surgery and therapy (Hunter, Schneider, Mackin, Callahan)
vites de De Quervain était une simple « mal position » du 3rd ed. Mosby editor; 1990.
radius par rapport à l'ulna, alors pourquoi n'arrive-t-on pas [8] Inhyeok R, Chaeik C, Bo Gun S, Kyungchul K. The incidence of
à recréer des ténosynovites en laboratoire ? Par exemple, separate septum and variant of the number of slips of APL in De
en recréant la symptomatologie à partir d'exercices musculai- Quervain's disease and the usefulness of the 1,2 ICSRA in
res intenses et « offensifs » du pronator teres. Ceci, dans le identification of the first extensor compartment. J Korean Soc
but de générer une ascension du radius par rapport à l'ulna. Surg Hand 2008;13:1.
Cette approche semble crédibilisée, par les associations des [9] Gousheh J, Yavari M, Arasteh E. Division of the first dorsal
ténosynovites de De Quervain chez des patients victimes compartment of the hand into two separated canals: rule or
d'une fracture-tassement de l'extrémité inférieure du radius. exception? Arch Iran Med 2009;12:52–4.
La position du rétinaculum des extenseurs est modifiée et par [10] Cruveilher J. 4e ed. Traité d'anatomie descriptive, tome 1, 4e ed.
conséquent l'angle que font les tendons des muscles APL et Paris: Éditeur J. Asselin; 1871.
EPB dans le premier compartiment de ce ligament augmente. [11] Katana B, Jaganjac A, Bojičić S, Mačak-Hadžiomerović A,
Pecar M. Effectiveness of physical treatment at De Quervain4s
disease. J Health Sci 2012;2(1):80–4.
[12] Schumacher Jr HR, Dorwart BB, Korzeniowski OM. Occurrence
CONCLUSION of De Quervain's tendinitis during pregnancy. Arch Intern Med
1985;145(11):2083–4.
Malgré l'étiologie hasardeuse que nous avançons pour expli- [13] Bourbonnais D, Piotte F, Forget N, Bestaven E, Harris P,
quer la ténosynovite de De Quervain, le traitement rééducatif Fournier K, et al. Force et mobilité du pouce chez le travailleur
que nous employons et qui découle de cette étiologie est avec une maladie de De Querva : évaluation et impact sur la
efficace. Il est basé sur deux piliers. Le premier correspond performance de la main. Études et recherches/Rapport R-493.
au port d'une orthèse de repos qui place les tendons APL et Montréal: IRSST; 2007 [64 p.].
EPB dans une position de moindre contrainte. Le second [14] Totten P. Therapist's management of De Quervain disease. In:
s'appuie sur une rééducation très simple ne nécessitant que Rehabilitation of the hand: surgery and therapy (Hunter, Schnei-
de peu de matériel. Cette rééducation consiste dans un pre- der, Mackin, Callahan) 3rd ed. St. Louis, Missouri, USA: Mosby
mier temps à « replacer » le radius et, dans un second temps, editor; 1990.
à renforcer les muscles dont la physiologie est contraire de [15] Kawanishi Y, Moritomo H, Kataoka T, Omori S, Murase T. Three-
celle des muscles APL et EPB. dimensional measurements of ulnar variance during forearm
rotation. In: 12th Triennal Congress of the IFSSH; 2013.
Déclaration d'intérêts [16] Duchenne de Boulogne GB. Physiologie des mouvements
L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet démontrée à l'aide de l'expérimentation électrique et de l'obser-
article. vation clinique. Paris: Éditeur Baillière et fils; 1867.
[17] Sachdev A, Kashyap N, Tamaria S. Mobilization with movement
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