Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
CCMP
G2080
La stratégie de Naïo
Technologies : des
robots pour une
agriculture durable et
moins pénible*
Auteurs :
Stéphan Pezé, Eric JOLIVET
Etablissement créateur :
TOULOUSE SCHOOL OF MANAGEMENT -
TSM
AUCUNE PARTIE DE CETTE PUBLICATION NE PEUT ETRE COPIÉE, STOCKÉE, TRANSMISE, TRADUITE, REPRODUITE OU DISTRIBUÉE SOUS
QUELQUE FORME OU SUPPORT QUE CE SOIT SANS L'AUTORISATION DE CCMP, PROPRIÉTAIRE DES DROITS D'AUTEUR.
NO PART OF THIS PUBLICATION MAY BE COPIED, STORED, TRANSMITTED, TRANSLATED, REPRODUCED OR DISTRIBUTED IN ANY FORM OR
MEDIUM WHATSOEVER WITHOUT THE PERMISSION OF CCMP, THE COPYRIGHT OWNER.
G
UR
O
SB
A
La stratégie de Naïo Technologies : des robots
pour une agriculture durable et moins pénible
TR
-S
A
SC
ES
PE
OU
© CCMP 2022 — G2080
Auteur(s) : Stéphan PEZE et Eric JOLIVET
Etablissement(s) créateur(s) : Toulouse School of Management
GR
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
SOMMAIRE
UR
I. L’agriculture contemporaine et ses défis ...................................................................... 3
II. Le robot agricole Oz, solution innovante de Naïo Technologies .......................... 5
III. L’entreprise Naïo Technologies .................................................................................. 7
O
IV. Le marché émergent de la robotique agricole ........................................................ 10
V. Sources ......................................................................................................................... 12
SB
A
TR
-S
A
SC
ES
PE
OU
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 2
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
La stratégie de Naïo Technologies : des robots
UR
pour une agriculture durable et moins pénible
Naïo Technologies a été créé en novembre 2011 par deux ingénieurs en robotique
diplômés de l’Institut Méditerranéen d’Études et Recherche en Informatique et
O
Robotique (IMERIR), Aymeric Barthes et Gaëtan Séverac, et opère dans le marché
émergent de la robotique agricole de précision. Le positionnement de l’entreprise
SB
tranche avec les grosses machines agricoles classiques (tracteurs, moissonneuses, etc.).
En effet, Naïo commercialise trois catégories de robots agricoles autonomes : le
premier robot conçu, Oz, destiné initialement au désherbage, est utilisé par les
maraîchers exploitant moins de 10 hectares (130 unités vendues en 2020 en France et
A
en Europe : Belgique, Danemark, Royaume‐Uni ou Allemagne) ; Dino, robot de
désherbage des salades et légumes à feuilles vertes plantées sur des exploitations de
plus de 50 hectares (20 unités vendues, notamment en Californie) ; et Ted pour la
TR
viticulture (depuis 2018, 25 unités en 2020), développés en partenariat avec le
laboratoire LAAS‐CNRS et l’Institut français de la vigne et du vin.
Après avoir développé un premier prototype dans le Fablab toulousain Artilect, les
-S
deux fondateurs ont réalisé plusieurs levées de fond entre 2012 et 2019 (pour un total
de plus de 22 millions d’euros). Ces capitaux leur ont permis de progresser sur trois
axes importants de leur développement : poursuivre les travaux de Recherche et
Développement (R&D) afin de conserver une longueur technologique d’avance,
industrialiser la production, et mettre en œuvre une stratégie d’expansion
A
internationale.
SC
Leur chiffre d’affaires a fortement progressé, passant de 135 000 euros en 2014 à un
objectif de 10 millions d’euros pour 2021 (dont la moitié à l’export). Cette dynamique
leur a notamment valu de décrocher le prestigieux Pass French Tech en 2018,
distinguant les start‐ups innovantes et à haut potentiel, gage de reconnaissance et de
ES
tout en produisant mieux, à la fois pour la planète et pour le consommateur (qui
souhaite manger plus sainement) sans toutefois que les prix s’envolent, et cela dans un
contexte de concurrence mondialisée.
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 3
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
Ces défis sont compliqués par l’incertitude climatique, amplifiée par les effets du
UR
réchauffement climatique : la quantité et la qualité des récoltes sont en effet très
dépendantes de l’ensoleillement et de l’amplitude thermique (gel, pic de chaleur, etc.),
mais également des pluies plus ou moins abondantes (causant déficit hydrique et
sécheresse). De plus, la concurrence internationale crée une pression sur les prix qui
O
varient d’une saison à l’autre, pénalisant les petites exploitations. Ces exploitations de
petite taille (aussi appelées micro‐exploitations) représentent moins de 3 exploitations
sur 10 et 5 % de la surface agricole française (en moyenne 12 hectares par exploitation),
SB
pour 10 % du temps de travail. En difficulté, elles disparaissent progressivement, faute
de rentabilité ou de repreneurs. Ces petites exploitations ont diminué de 31 % entre
2010 et 2020, passant de 477 000 exploitations en 1998 à moins de 110 000 en 2020. Dans
le même temps, le nombre de grandes exploitations (une exploitation sur cinq)
A
augmente légèrement (+ 3,4 % entre 2010 et 2020), tout comme la surface moyenne
cultivée par exploitation (69 ha en moyenne en 2020, contre 42 ha en 2000), témoignant
TR
d’une logique progressive de concentration.
Le modèle agroalimentaire est d’ores et déjà en transition. La conversion des
exploitations à l’agriculture biologique est en croissance (le nombre d’exploitations bio
-S
a progressé de 8,4 % entre 2010 et 2020 pour concerner plus de 12 % des exploitations
en 2020 (soit plus de 53 000 — il y en avait moins de 6 000 en 2008) et 9,5 % des surfaces
agricoles utiles françaises. Diverses aides des pouvoirs publics accompagnent ce
mouvement, comme le programme des « fermes Dephy » qui vise 3 000 fermes en 2025
ayant réduit de 50 % l’emploi des produits phytosanitaires. De plus en plus
A
d’exploitants ne visent plus le volume, mais la qualité, privilégiant les circuits courts,
du producteur au consommateur, dans une logique d’autonomie alimentaire des
SC
territoires. Enfin, comme l’illustre le débat autour de l’interdiction du glyphosate, les
pouvoirs publics légifèrent de plus en plus dans cette direction (interdiction de certains
produits phytosanitaires jugés dangereux, etc.). Enfin, les techniques agricoles elles‐
mêmes évoluent dans le sens d’un plus grand respect de la nature et des écosystèmes,
en appliquant par exemple les principes développés en permaculture et qui
ES
proscrivent le recours aux méthodes mécaniques et chimiques afin de préserver les
sols et plus généralement l’environnement et la biodiversité.
D’autres solutions à ces défis sont recherchées du côté de l’innovation numérique et
de la robotique agricole, permettant une agriculture de précision en exploitant les
PE
données géospatiales (ex : cartographie des parcelles pour identifier les plus fertiles),
météorologiques, sur les sols (ex. notamment pour identifier les quantités d’eau et
d’intrants — engrais, pesticides, etc. — à apporter) et issues de capteurs plus
spécifiques (ex. pour suivre la santé des cultures). Par exemple, des drones aériens
OU
équipés de logiciels de reconnaissance des cultures permettent de cartographier les
surfaces agricoles pour identifier la présence de maladies, d’adventices (les mauvaises
herbes) ou encore le besoin en eau (afin d’optimiser les traitements et l’irrigation). Les
données collectées par les capteurs de ces drones peuvent être croisées avec les
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 4
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
données météo pour identifier des niches d’optimisation et assister les exploitants
UR
agricoles dans la prise de décision. Les drones, ou d’autres robots sur le sol peuvent
ainsi pulvériser des traitements de manière très ciblée, limitant ainsi la quantité de
produits utilisés (réduisant le coût et la pollution potentielle) ; d’autres solutions
permettent d’optimiser l’irrigation (maîtrise de l’eau — et de la facture
O
correspondante). Une étude a montré que les vignerons espagnols qui utilisaient des
capteurs réduisaient de 20 % la quantité d’intrants1 utilisés.
SB
Les agriculteurs sont culturellement prêts à franchir le cap : 79 % utilisent déjà internet
(soit plus que la moyenne française) et 62 % ont déjà installé au moins une « appli »
agricole professionnelle sur leur portable (le recours à ces applis a progressé de 110 %
entre 2013 et 2015). Mais cette innovation a un coût, entre 2 500 et 10 000 euros pour un
A
drone hélicoptère par exemple ou entre 20 000 et plus de 100 000 euros pour des robots
agricoles autonomes. Les spécialistes sont toutefois unanimes sur la rentabilité de tels
TR
investissements au vu des économies qu’ils permettent de réaliser. D’autant que les
pouvoirs publics, via FranceAgriMer, agence ayant pour mission d’appliquer la PAC
(Politique Agricole Commune), ont lancé un programme d’aide agricole appelé
« France 2030 » pour encourager les agriculteurs à réduire l’utilisation des produits
-S
phytosanitaires et engrais chimiques. Ce programme prévoit notamment de débloquer
une première enveloppe de 20 millions d’euros de subventions pour soutenir les
exploitants agricoles en prenant en charge de 20 % à 40 % des investissements en
matériels innovants.
A
l’agriculture avec ses produits et notamment avec Oz, assistant polyvalent autonome
et 100 % électrique, pour les petites exploitations maraîchères et horticoles (culture de
légumes et de certains fruits — tomates, oignons, poireaux, asperges, pommes de terre,
etc. — mais aussi de fines herbes ou de fleurs à usage alimentaire). Muni de quatre
ES
roues motrices, ce petit robot (1 mètre de long pour 40 cm de large et 60 cm de hauteur)
est capable de désherber mécaniquement en toute autonomie, sur une profondeur de
3 à 5 cm sans tasser ni perturber les sols. Selon la batterie embarquée (plomb ou
lithium). Il peut désherber durant trois à dix heures à une vitesse allant jusqu’à
1,8 km/h. En quatre heures, il peut ainsi assurer seul le désherbage de 48 rangées2 de
PE
100 mètres (soit l’équivalent de deux jours de travail manuel), envoyant un SMS à
l’agriculteur lorsqu’il a terminé (ou s’il rencontre un obstacle). Au‐delà du désherbage,
il peut biner, tracer des sillons, semer ou planter, mais aussi transporter des charges,
avec tout autant de précision. Selon l’un de ses créateurs, une fois l’agriculteur formé,
OU
le robot se programme aussi facilement qu’un lave‐linge ! L’agriculteur lui indique via
1 « On appelle intrants les produits appliqués aux terres et aux cultures pour améliorer leur rendement. Ces
produits ne sont donc pas naturellement présents dans le sol. » (source : Wikiagri.fr, consulté le 05/07/2022)
2 Une rangée est l’espace compris entre deux lignes de plantation de légumes, de fruits ou de fines herbes.
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 5
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
une télécommande la longueur et la largeur des rangées ainsi que l’épaisseur des
UR
cultures. Seule limite, les terrains agricoles doivent être plats (non pentus ou
accidentés).
Les bénéfices de l’utilisation d’Oz sont multiples. Tout d’abord, il remplace le
O
désherbage chimique. Il est en cela bien adapté à l’agriculture biologique ou aux
exploitations en conversion vers le bio. Pour les exploitations conventionnelles, il
permet de réduire la quantité d’intrants3 utilisés. En effet, chaque année en France,
SB
30 000 tonnes d’herbicides sont utilisées pour le désherbage. Outre le bénéfice pour
l’environnement, utiliser moins d’intrants est synonyme d’économies : si leur prix est
peu volatil et en diminution constante (en 2020 et 2021, il est en recul respectivement
de 1,9 % et de 0,8 % et globalement de ‐8 % entre 2012 et 2021), mais représente en
A
moyenne 20 % des charges d’exploitations dans les cultures de légumes (contre plus
de 11 % pour l’ensemble des productions agricoles). En 2022, en revanche, dans un
TR
contexte d’inflation, le prix des intrants est devenu plus volatil. Certaines estimations
évaluent à environ 20 % l’augmentation de leur prix (engrais, énergie, produits
phytosanitaires) pour l’année 2022 (Indice IPAMPA calculé par l’INSEE)4.
Ensuite, il remplace diverses tâches manuelles, dont le désherbage. Les tâches pénibles
-S
sont consommatrices de temps et d’énergie pour des agriculteurs qui ont déjà un
métier plus pénible que la moyenne (travail debout et dans des postures
contraignantes, travail dehors par tous les temps, fortes amplitudes horaires, etc.), ce
qui peut expliquer que le secteur souffre d’une pénurie de main‐d’œuvre agricole
A
(757 000 équivalents temps plein en 2010 contre 711.000 en 2016, incluant les
travailleurs saisonniers).
SC
Une des premières clientes explique ainsi que pour une rangée de 90 m, il faut quinze
heures pour désherber à la main là où Oz ne met que sept à dix minutes. Le robot
exerce également une influence sur les rendements. Toujours selon cette agricultrice :
« l’an dernier, mes poireaux pesaient 100 g pièce au désherbage à la main, contre 350 à
ES
600 g avec le travail d’Oz »5. Le risque d’erreur est limité : pour ne pas arracher par
erreur les semis cultivés, depuis 2020, Oz est doté d’un signal GPS ultraprécis (dit GPS
RTK) permettant de biner à quelques centimètres seulement des rangs de légumes
plantés.
PE
En outre, grâce à son fonctionnement électrique, Oz ne consomme que l’équivalent
d’un euro par hectare. Une bonne opération pour aider les agriculteurs à maîtriser
leurs coûts dans un secteur soumis à de très fortes incertitudes climatiques et où le
coût de la main‐d’œuvre représente près du quart des charges d’exploitation.
OU
3 Les intrants sont les différents produits apportés aux cultures (engrais, phytosanitaires — herbicides, insecticides
et fongicides – semences, etc.).
4 Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6206055 consulté le 05/07/2022.
5 Aujourd’hui en France (23 février 2017).
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 6
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
Néanmoins, certains clients potentiels sont réticents à utiliser un robot. Son coût (entre
UR
21 000 et 24 000 euros selon les options) est parfois difficile à supporter pour de petits
producteurs, même si l’entreprise propose un accompagnement pour monter un plan
de financement via des partenariats avec plusieurs banques ou via les subventions du
programme France 2030. De plus, certains maraîchers en agriculture biologique voient
O
d’un mauvais œil l’arrivée de robots dans leur profession et la destruction d’emplois
qu’il pourrait entraîner. Ce à quoi les dirigeants de l’entreprise répondent qu’outre le
fait d’offrir une solution à la pénurie de main‐d’œuvre, le but n’est pas de remplacer
SB
les hommes, mais de permettre aux agriculteurs, débordés, de dégager du temps pour
d’autres activités à plus forte valeur ajoutée.
A
L’entreprise a été fondée en 20116. La vision de ses dirigeants et co‐fondateurs,
TR
Aymeric Barthes et Gaëtan Séverac, est que d’ici à 2030, il y aura des robots dans tous
les champs, en Europe et Amérique du Nord.
Leur mission s’articule autour de trois piliers : permettre aux exploitants agricoles du
maraîchage et de la vigne d’alléger leur charge de travail et de répondre aux pénuries
-S
de main‐d’œuvre, d’optimiser leur rentabilité tout en limitant leur impact
environnemental et en produisant une alimentation plus saine.
Cette pépite toulousaine peut se vanter d’avoir été pionnière en étant la première à
commercialiser des robots agricoles en environnement extérieur dans le monde. En
A
10 ans d’existence, Naïo a fortement progressé et était classée dans la liste du Financial
Times des 100 entreprises européennes à la croissance la plus rapide en 2019 (figure 1).
SC
Figure 1. Classement du Financial Times, « The FT 1000 » (March 2019)
ES
PE
Source : The FT 1000: third annual list of Europe’s fastest‐growing companies, Financial Time, Mars 2019
https://www.ft.com/content/238174d2‐3139‐11e9‐8744‐e7016697f225
OU
6 Pour découvrir en vidéo les coulisses de la naissance de l’aventure Naïo :
https://www.youtube.com/watch?v=85bRKDJPfpQ (« Plus je me plante et plus je pousse », du co‐fondateur de
Naïo, Gaëtan Séverac, conférence TEDx)
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 7
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
L’entreprise comptait plus de 70 salariés en 2020 (dont 10 basés en Californie), parmi
UR
lesquels des business développeurs, mais aussi et surtout des ingénieurs et techniciens
dans divers domaines (informatique, logiciel, robotique) chargés d’innover, de créer
les nouveaux robots (notamment via les prototypes développés dans leur Lab’O) et
d’améliorer les robots existants en fonction des besoins et retours d’expérience des
O
utilisateurs (pour un tiers des effectifs) ou encore de déployer les robots et de former
leurs utilisateurs (un autre tiers).
SB
Sur le site principal d’Escalquens, près de Toulouse, un véritable site
d’expérimentation de culture en plein champ permet de faire évoluer les prototypes et
robots en conditions réelles. De plus, l’une des singularités de Naïo est d’avoir très
rapidement travaillé en étroite relation avec ses premiers clients pour concevoir et
A
améliorer ses robots. Grâce à ces expertises, d’après un investisseur historique, Éric
Marty (DG de Demeter Ventures), l’entreprise a su allier « la maîtrise des différentes
TR
technologies de pointe liées à la robotique, et surtout la connaissance fine, acquise au
contact du terrain, du monde agricole et de ses besoins »7.
La recherche et le développement sont réalisés en partenariats avec des laboratoires
scientifiques et universitaires et avec les agriculteurs qui testent les prototypes de
-S
l’entreprise en plein champ, ce qui permet une adaptation de ceux‐ci à leurs besoins
concrets en conditions réelles. L’entreprise a ainsi établi de véritables réseaux de
coopération entre chercheurs et agriculteurs, combinant une multitude de
compétences complémentaires. Le fruit de ces partenariats a permis à Naïo
A
d’annoncer, fin 2021, le lancement de deux nouveaux robots : Jo, défini comme « robot
chenillard pensé pour les vignobles à haute densité »8 développé avec le Comité
SC
Interprofessionnel du Vin de Champagne ; et Orio, deuxième robot enjambeur après
Dino et destiné à de grandes cultures de légumes.
Afin de maintenir leur avance et tant que pionnier, Naïo dépose des brevets pour
protéger ses découvertes (3 brevets déposés en 2014, notamment concernant le système
ES
de pilotage des robots) et poursuit ses innovations. L’entreprise a ainsi lancé en 2021
un projet d’investissement de 1,2 million d’euros (aidé par l’état et la région à hauteur
de 328 000 euros) pour intégrer davantage d’intelligence artificielle au robot Dino afin
que celui‐ci puisse désherber au plus près des plants de salade ou d’épinards. En ligne
de mire à moyen terme, le développement accru de l’autonomie des robots et de leur
PE
capacité à travailler à plusieurs sur une même parcelle. D’après un expert, les défis
technologiques à relever sont encore très importants :
Pour que les robots soient efficaces en terrain ouvert, il y a encore des verrous à lever.
OU
Ils doivent agir en fonction de leur environnement et des tâches qui leur sont confiées.
7 Communiqué de presse de l’entreprise, « Naïo Technologies lève 2 millions d’euros pour son développement
industriel et grand export » (14 décembre 2017)
8 Site web de l’entreprise (actualité du 18 janvier 2022)
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 8
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
Ils doivent pouvoir reconnaître des situations dangereuses et adapter leur
UR
comportement en conséquence. C’est là que c’est difficile : le robot doit reconnaître
l’obstacle. Par exemple, ne pas tenir compte d’une branche qui dépasse dans une
rangée de vignes, mais s’arrêter si une personne est accroupie dans le champ. C’est
assez compliqué : il faut les capteurs adéquats, capables d’avoir les couleurs, la
O
géométrie, et de fonctionner dans n’importe quelle condition d’éclairage — y compris
la nuit… Il y a tout un tas de problématiques qui entrent en jeu.9
SB
En parallèle, des partenariats permettent d’explorer de nouveaux marchés. Ainsi, la
signature en avril 2020 d’un partenariat avec un centre de recherche (Fraunhofer
EZRT) et un semencier (Strube D&S GmbH, filiale du groupe Deleplanque) permet à
Naïo de développer une nouvelle solution de désherbage mécanique robotisée pour la
A
culture de la betterave sucrière.
Les robots sont conçus et assemblés par Naïo. Une fois le produit conçu, les pièces sont
TR
fabriquées par des sous‐traitants locaux (Montauban et Rodez pour les pièces
mécaniques et Castres pour l’électronique) puis assemblées dans les locaux
toulousains de l’entreprise. Un atelier de stockage et d’assemblage a également vu le
jour en Californie en 2020.
-S
Les robots sont proposés soit à la location, soit à la vente. La location repose sur le
modèle RAAS, Rent‐As‐A‐Service, dans lequel un technicien livre le robot et le met en
marche. L’exploitant est donc exempté de la recharge des batteries, de la maintenance
ou de la programmation. La commercialisation se fait soit en vente directe par Naïo,
A
soit par l’intermédiaire de distributeurs exclusifs implantés dans diverses régions du
globe.
SC
La commercialisation est un enjeu clé pour la croissance de l’entreprise et repose en
grande partie sur un réseau de distributeurs. Ceux‐ci s’engagent à vendre les robots
au même prix que Naïo (en prenant une marge d’environ 20 %), à en assurer le service
ES
après‐vente, la maintenance, le stockage des pièces détachées ainsi que la formation
des agriculteurs et l’organisation de démonstrations aux prospects. Par exemple,
l’entreprise Delta Sud, distributeur de matériel agricole généraliste français, distribue
les robots de Naïo pour le département du Lot‐et‐Garonne, une des plus importantes
régions maraîchères de France. Le distributeur apporte sa base de clients agriculteurs
PE
et sa force de vente. En contrepartie, Naïo cède au distributeur l’exclusivité de la vente
de ses robots sur le territoire couvert par le partenariat. Comme le dit un des
distributeurs, ils ne sont pas que de simples revendeurs : « Ce qu’il faut savoir, c’est
que distribuer des robots Naïo, c’est créer un véritable partenariat avec l’équipe de
OU
Naïo, mais également avec les maraîchers qui acquièrent un robot. Ces derniers nous
font des retours sur leurs besoins, en fonction de leur expérience et nous en faisons
9 Interview de Roland Lenain, directeur de recherche à l’INRAE (https://agriculture.gouv.fr/roland‐lenain‐la‐
robotique‐sera‐lun‐des‐leviers‐de‐lagroecologie, consulté le 05/07/2022).
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 9
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
part à Naïo qui peut alors améliorer le produit et les programmes. »10 Au fil des années,
UR
le réseau des distributeurs s’est enrichi et développé à l’international. Naïo a ainsi noué
des liens en Europe (par exemple en Pologne avec le distributeur Agrihandler ou
encore en Suisse avec Aebi) et plus largement, aux USA ou au Japon.
O
Enfin, l’entreprise réalise d’autres prestations pour un volume marginal (objectif de
10 % du CA en 2020) tel que du conseil agronomique, de l’aide à la décision et à
l’optimisation des rendements (sur la base des données collectées), etc.
SB
IV. Le marché émergent de la robotique agricole
La filière de la robotique agricole de précision est en pleine structuration. Naïo y joue
A
d’ailleurs un rôle clé. En 2016, l’entreprise a initié le FIRA (Forum International de la
Robotique Agricole), un salon qui se produit désormais chaque année avec un certain
succès (par exemple, 800 participants du monde entier pour l’édition en présentiel de
TR
2019). Au programme, expositions et démonstrations de robots, conférences sur toutes
les facettes de l’agriculture robotique et rencontre des acteurs (agriculteurs,
associations professionnelles, scientifiques, start‐ups de l’agritech, firmes établies de
l’agroalimentaire et de la mécanique agricole, pouvoirs publics et investisseurs). En
-S
2019, Naïo a également cofondé le GOFAR (Global Organization for Agricultural
Robotics) pour « structurer la promotion de la filière robotique agricole, pour donner
un coup d’accélérateur à son développement et ainsi accompagner la transition
agricole et écologique à l’international »11. C’est l’un des cofondateurs de Naïo, Gaëtan
A
Séverac, qui est l’actuel Président de cette association. Naïo est également membre de
RobAgri, association créée en 2017 pour représenter la filière robotique agricole
française et qui regroupe des start‐ups et industriels, laboratoires de recherche, pôles
SC
de compétitivité et structures de production agricole.
Cette structuration de la filière permet d’envisager des actions collectives, par exemple
pour tenter de lever des obstacles juridiques au développement des robots autonomes.
ES
Par exemple, dans le milieu agricole et au‐delà, les machines existantes sont soumises
à une règlementation qui impose, pour des raisons de sécurité (pour éviter les
accidents), soit le pilotage par un humain (sur l’engin ou à distance), soit la
surveillance permanente des équipements en mouvement. Les robots roulants n’ont
pas non plus le droit « de traverser, même ponctuellement, une route entre deux
PE
parcelles. Cela complique le développement et l’expérimentation, sans même parler
de la commercialisation. »12. Cette situation n’est pas sans rappeler les obstacles qui
pèsent sur le développement de véhicules autonomes de façon plus générale dont une
OU
10 Site web de Naïo Technologies.
Communiqué de presse de l’entreprise, « GOFAR, une association pour la promotion et le rayonnement de la
11
robotique agricole » (6 mai 2020)
12 Interview de Roland Lenain (opus cité)
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 10
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
des conséquences et de forcer les start‐ups à proposer des innovations technologiques
UR
garantissant la sécurité des utilisateurs évoluant à proximité des robots.
Toutefois, pour Naïo, l’envers de cette structuration est le dynamisme des acteurs
existants et entrants, comme le résume un de ses partenaires financiers : « Naïo à sa
O
création était en avance par rapport aux autres projets de recherche. Elle conserve
aujourd’hui un peu de son avance, mais fait face à un univers très concurrentiel,
extrêmement agressif et ce n’est pas toujours facile quand on est une petite société. »13.
SB
En effet, de nombreuses start‐ups lèvent des fonds pour développer des modèles de
robots pour des usages variés et reposants sur des technologies différentes (voir
Annexe 1). Ainsi, une start‐up suisse, Ecorobotix, a levé 3 millions d’euros pour
commercialiser son robot de désherbage pour culture de betteraves qui fonctionne sur
A
panneaux solaires et permet un désherbage chimique de grande précision. Le vendéen
Carré a travaillé avec le groupe Bonduelle et un bureau d’étude (filiale de l’université
TR
de Nantes) au développement d’un robot de désherbage mécanique nommé Anatis
(concurrent de Dino). L’entreprise lettone WeedBot propose quant à elle un robot de
haute précision faisant la différence entre les cultures et les mauvaises herbes et qui
détruit ces dernières à l’aide d’un puissant laser. De nombreuses autres start‐ups
-S
concurrentes proposent des modèles de robots autonomes de précision et d’assistance
aux agriculteurs14 et les grands groupes de matériel agricole (Bucher Industries, Deere
& Company, Agco, Claas, Kubota, etc.), aux moyens financiers et commerciaux
conséquents, s’intéressent de très près à ce marché prometteur.
A
De nouveaux défis se présentent donc à l’entreprise Naïo. Après une première phase
de développement réussie, celle‐ci va devoir s’adapter à un environnement mouvant,
SC
à une course à l’innovation, à de puissants concurrents potentiels, tout en poursuivant
un travail de développement de partenariats et de structuration de la filière en
cherchant de nouveaux alliés.
ES
PE
OU
13 La Tribune (2 avril 2016)
Liste non exhaustive : Traxx de Exxact Robotics ; E‐tract de Elatec ; Titan de FarmWise ; Bakus de Vitibot ;
14
Trektor de Sitia ; CEOL de AgreenCulture ; Robotti de Agrointelli ; Claws de Earth Rover ; Nexus de Nexus
Robotics ; Weta de INESC TEC ; RoamIO de Korechi Innivations ; Bobot One de PixelFarming Robotics ; Dahlia
de Dahlia Robotics ; Romi de SONY CSL ; Zilus de Sabi Agri (source : www.fira‐agtech.com)
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 11
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG
G
V. Sources
UR
Site web de l’entreprise (https://www.naio‐technologies.com)
Site web du FIRA (https://www.fira‐agtech.com)
Site web de l’association RobAgri (https://www.robagri.fr/)
O
Sites web spécialisés (https://www.agrinovateur.fr ; https://www.terre‐net.fr/)
Page web du projet de financement Wiseed de l’entreprise en 2017
SB
(https://www.wiseed.com/projet/17861417/details)
Articles de presse : La Tribune (30 septembre 2014, 2 avril 2016, 14 avril 2015, 7 juin
2016, 18 mai 2017, 5 octobre 2017, 15 décembre 2017, 10 mars 2018, 3 août 2018,
A
22 décembre 2018, 11 janvier 2020, 29 mai 2020, 6 janvier 2022) ; Les Echos
(4 septembre 2013, 12 mai 2015, 26 mai 2015, 14 mars 2016, 2 janvier 2017, 25 avril
TR
2017, 2 juin 2017, 19 décembre 2017, 7 novembre 2018, 8 mars 2019, 15 janvier
2020) ; Le Monde (8 décembre 2014, 27 février 2017) ; Aujourd’hui en France
(22 février 2016, 23 février 2017) ; La Croix (16 novembre 2015, 25 mars 2016) ;
Libération (1er juillet 2013) ; L’usine digitale (5 mars 2021)
-S
Données du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (Agreste,
https://agreste.agriculture.gouv.fr/ ; magazine Alim’agri)
A
SC
ES
PE
OU
GR
© CCMP 2022 – G2080 – La stratégie de Naïo Technologies : des robots pour une agriculture durable et moins
pénible – Stéphan PEZE, Eric JOLIVET – Toulouse School of Management 12
Copyright CCMP : Tous droits réservés / All rights reserved - Licence d'utilisation accordée à / Licence to use granted to : GROUPE
ESSCA - STRASBOURG