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Brésil(s)

Sciences humaines et sociales 


22 | 2022
1822-2022 : musées et mémoires de la nation

« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara


Weiss et l’industrie de l’opérette entre l’Italie et
l’Amérique du Sud
« Italiana nell’arte, americana negli affari »: Clara Weiss e a indústria da
opereta entre a Itália e a América do Sul
« Italiana nell’arte, americana negli affari »: Clara Weiss and the Operetta
Industry between Italy and South America

Virgínia de Almeida Bessa
Traducteur : Marjorie Yerushalmi

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/bresils/13938
ISSN : 2425-231X

Éditeur
​Editions de la maison des sciences de l'homme

Édition imprimée
ISBN : 978-2-7351-2065-9
ISSN : 2257-0543

Ce document vous est offert par École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Référence électronique
Virgínia de Almeida Bessa, « « Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’industrie de
l’opérette entre l’Italie et l’Amérique du Sud », Brésil(s) [En ligne], 22 | 2022, mis en ligne le 30 novembre
2022, consulté le 08 décembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/bresils/13938

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 1

« Italiana nell’arte, americana negli


affari » : Clara Weiss et l’industrie de
l’opérette entre l’Italie et
l’Amérique du Sud
« Italiana nell’arte, americana negli affari »: Clara Weiss e a indústria da
opereta entre a Itália e a América do Sul
« Italiana nell’arte, americana negli affari »: Clara Weiss and the Operetta
Industry between Italy and South America

Virgínia de Almeida Bessa
Traduction : Marjorie Yerushalmi

NOTE DE L’ÉDITEUR
Article reçu pour publication en novembre 2020 ; approuvé en mars 2021.

Je remercie la Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo (Fapesp) pour la bourse
octroyée pour la réalisation de la présente recherche menée auprès du laboratoire Mondes
Américains – EHESS/CNRS (dossier Fapesp n° 2018/26001-7).
1  Ma rencontre avec Clara Weiss s’est faite en trois temps. Le premier entre 2007 et 2009,
au moment où j’ai examiné, de façon systématique, la presse quotidienne de São Paulo
pour recueillir des informations sur les représentations de théâtre musical réalisées
dans cette ville entre 1914 et 19342. À l’époque, j’avais été surprise par les références
répétées à la Compagnie italienne d’opérettes Clara Weiss. Weiss s’était produite avec
sa troupe à São Paulo presque chaque année entre 1919 et 1931, toujours avec un grand
succès selon les chroniqueurs d’alors. Fait intéressant, je n’ai presque rien trouvé dans
cette   même   presse   me   permettant   de   mieux   connaître   l’artiste   et   ses   compagnons.
Quelle   était   l’origine   de   Clara   Weiss ?   Comment   était-elle   entrée   dans   le   monde   de

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l’opérette ?   Cette   troupe   venait-elle   réellement   d’Italie   ou   s’était-elle   formée


localement   avec   des   artistes   italiens   résidant   en   Amérique   du   Sud ?   Mes   questions
restaient sans réponse. En revanche, il était fait constamment des allusions aux allées
et venues de la compagnie entre le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay.
2  En avril 2012, ignorant encore pratiquement tout de la biographie et des productions
artistiques de cette actrice-chanteuse qui avait brillé sur les scènes de São Paulo au
début du XXe siècle, je citai son nom au cours d’un entretien avec Salvador Pugliese,
dans l’une des dernières collectes de ma recherche doctorale soutenue quelques mois
plus tard. Né en 1910, dans le quartier de Brás à São Paulo, fils d’un immigré calabrais
et   d’une   Brésilienne   d’origine   vénéto-lombarde,   Pugliese   avait   non   seulement   vécu
intensément avec la communauté italienne de la ville, mais il avait aussi appartenu,
dans sa jeunesse, à des groupes musicaux amateurs avec lesquels il s’était produit dans
des spectacles de danse et de théâtre destinés à la colonie. Le choc de cet homme de
presque 102 ans au moment où il entendit le nom de l’artiste m’a fait comprendre à
quel point Clara Weiss frappait encore l’esprit des Paulistes qui avaient eu l’occasion de
l’écouter et de la voir sur scène.
3  Enfin, en 2019, lors de trois voyages de recherche en Italie, où j’ai pu consulter des
revues   consacrées   au   théâtre   des   premières   décennies   du   XXe  siècle,   j’ai   trouvé   de
nombreuses références à l’actrice-chanteuse dans le bulletin du Syndicat national des
artistes d’opérette, L’Argante Operettistico, ainsi que dans des revues spécialisées L’Opera
Comica, Messagero dell’Operetta et L’Arte Drammatica. La figure de Clara Weiss commençait
à prendre des contours mieux définis et une image gagnait en puissance : celle d’une
artiste en transit constant entre l’Italie et l’Amérique du Sud.
4  Les notes de la presse spécialisée ont attiré mon attention, d’une part, parce qu’elles
associaient Weiss et ses fréquentes excursions sud-américaines au projet de diffusion
de la culture et de l’art italiens à l’étranger et, d’autre part, parce qu’elles témoignaient
de  l’engagement   des rédacteurs  et   des  éditeurs de  ces publications  en  faveur de  la
consolidation d’une industrie de l’opérette made in Italy, un processus auquel le marché
théâtral sud-américain pouvait grandement contribuer (Lucca 2020). À ces deux aspects
s’ajoutaient de nombreuses prises de position sur les identités genrées et sur la place
qu’elles tenaient dans les coulisses de l’opérette3. À une époque où les artistes de ce
qu’on   appelait   la   piccola lirica  (ensemble   de   genres   dramatiques   musicaux   légers)
étaient appréciées presque exclusivement pour leur beauté physique ou leurs qualités
vocales,   on   mentionnait   surtout   Weiss   comme   une   courageuse   « capocomica 4 »,
défricheuse de nouveaux marchés. En 1926, lors d’un de ses voyages en Italie où elle
cherchait des artistes pour sa compagnie, le périodique italien Messaggero dell’opereta
brossait   un   portrait   de   l’artiste   à   mi-chemin   entre   l’art   lyrique   et   le   théâtre   léger,
l’italianità  artistique   et   l’esprit   d’entreprise   américain,   la   grâce   féminine   et   la
proactivité masculine :
Clara Weiss est une réalisatrice admirable, c’est une capocomica virile (mais quel bel
homme... ma gentille dame !), c’est un homme d’affaires en jupons, c’est une petite
Carelli5  de   l’opérette,   c’est   un   Lombardo   habillée   en   femme   (et   pourtant,   ainsi
vêtue, elle est sans doute plus belle que le commandeur Lombardo et c’est à elle que
va   notre   préférence !).   Elle   a   assimilé   le   rythme   américain   des   affaires :   elle
embauche, écrit, examine, dirige, oriente, conseille, corrige, on la voit sur scène,
dans l’orchestre, dans la loge, parmi les chœurs, au milieu des rouages actionnés
par   les   machinistes,   des   interrupteurs   des   lumières   électriques ;   elle   est
omniprésente,   omnisciente   comme   la   présence   de   Dieu.   Dans   son   appartement
milanais – à la veille de l’embauche – il n’y a pas une minute de répit. On assiste au

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défilé des nouvelles recrues – tous des noms chers et bien connus dans l’art – [Gina]
Vidach, [Guido] Agnoletti, Olimpo Gargano, [Roberto] Braconny ; on met la pression
sur   les   chefs   d’orchestre,   scénographes,   peintres,   journalistes,   écrivains,   tout   ce
monde   varié   et   multiple   qui   vit   de   la   scène   ou   des   coulisses.   [...]   L’admirable
régisseuse6 reçoit, discute, congédie, mène à bien, avec une grâce toute féminine,
l’activité   propre   au   sexe   fort,   et   règle   le   tout   avec   l’à-propos, la   fermeté   et   le
tranchant d’un homme d’affaires américain. Italienne dans l’art et américaine dans
les affaires, et elle a raison7.
5  Dans   cet   article   je   me   propose   de   tracer   une   première   esquisse   de   la   trajectoire
artistique de Clara Weiss et de sa compagnie, afin de comprendre leur rôle dans la
construction   d’une   circulation   de   l’opérette   entre   l’Italie   et   l’Amérique   du   Sud.   Je
montrerai ensuite certaines des vicissitudes rencontrées par une artiste de théâtre et
femme d’affaires dans un univers encore fortement dominé par les hommes. Ce faisant,
outre les informations recueillies dans des périodiques brésiliens et italiens, conservés
dans   des   hémérothèques   physiques   et   numérique8,   j’explorerai   également   la
documentation rassemblée dans l’Archivio Centrale di Stato 9 et dans l’Archivio Storico-
Diplomatico10,   tous   deux   situés   à   Rome.   Des   documents   compilés   dans   des   fonds
numérisés seront également signalés, notamment les listes des passagers des navires
étrangers transitant par les ports de Santos et de Rio de Janeiro 11, ainsi que les actes
d’état civil d’immigrés provenant de divers fichiers et rassemblés sur une plateforme
en ligne12. Contrairement au théâtre dramatique et à l’opéra, qui disposent de fonds et
de rubriques spécifiques dans les archives italiennes, l’opérette n’a pas bénéficié de
subventions publiques ou de politiques de conservation, en Italie comme au Brésil. D’où
une documentation lacunaire et clairsemée, nécessitant de la part du chercheur une
certaine sensibilité pour écouter le silence des sources et un effort systématique pour
croiser des informations d’origine variée.
 
« Petite, menue, mais infiniment populaire » : le début
de la trajectoire de Clara Weiss
6  Née dans la ville toscane de Tavarnelle, près de Florence, le 5 août 1891 13, l’artiste fut
baptisée   Clara   Checcucci.   Elle   adopta   le   patronyme   artistique   de   Weiss,   sans   doute
inspirée par la mode des opérettes viennoises. Selon les informations assez floues de la
presse   brésilienne,   publiées   de   nombreuses   années   après   que   l’artiste   eut   quitté   la
scène   et   se   soit   installée   à   São   Paulo,   Clara   Weiss   serait   issue   d’une   « famille
traditionnelle de musiciens14 ». Elle aurait étudié le chant lyrique à Florence pendant
six ans et chanté douze opéras avant d’entrer dans le monde de l’opérette 15.
7  Sorte de cousine pauvre du genre lyrique, l’opérette gardait une certaine proximité
avec l’opéra, renforcée par le va-et-vient constant des artistes entre les deux genres. Il
n’était pas rare que des compositeurs d’opéras de renom s’aventurent sur la « piccola
lirica »,   comme   ce   fut   le   cas   de   Ruggero   Leoncavallo,   Pietro   Mascagni   et   Amilcare
Ponchielli   (Fiorentino 2006).   Avec   sa   nature   légère,   remplie   de   valses   et   d’airs   à   la
mélodie facile, l’opérette, ainsi que d’autres genres dramatiques musicaux légers, se
caractérisait par l’alternance de passages parlés et chantés – alors que l’opéra était
entièrement chanté. Elle se distinguait aussi par sa facette cosmopolite, adaptée à un
public   urbain   et   transnational,   formé   dans   le   contexte   des   colonisations   et   des
migrations européennes du XIXe siècle (Becker 2017).

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8  Weiss s’est faite connaître dans le monde de l’opérette italienne en 1912, lorsqu’elle a
rejoint la célèbre compagnie Città di Milano. À cette occasion, elle fut présentée par la
presse spécialisée de son pays comme « une soprano exquise, à la technique parfaite et
à la silhouette gracieuse16 ». Créée en 1906 par Suvini Zerboni, propriétaire du théâtre
Fossati de Milan et l’un des principaux éditeurs de musique italiens (Sanguinetti 1972,
204), Città di Milano fut, pendant huit ans environ, l’une des principales compagnies
d’opérettes d’Italie, se produisant dans différentes villes de la péninsule et à l’étranger.
Elle n’interrompit ses activités qu’en raison de la Grande Guerre. En 1913, la compagnie
passa sous le contrôle de l’entreprise La Teatral, fondée des années auparavant par
l’homme d’affaires italien Walter Mocchi, à l’époque l’un des principaux responsables
des relations musicales entre l’Italie et l’Amérique du Sud. Il était fréquemment associé
à l’opéra pour avoir participé à la création d’un trust théâtral destiné à exploiter le
marché de cet art outre-Atlantique et organisé d’innombrables saisons lyriques pour le
Teatro Colón de Buenos Aires et les théâtres municipaux de São Paulo, Rio de Janeiro et
Santiago   du   Chili   (Paoletti   2015).   Cependant   Mocchi   avait   également   joué   un   rôle
important dans l’exportation de l’opérette italienne. Avant de prendre le contrôle de
Città di Milano, son entreprise La Teatral avait déjà organisé la tournée sud-américaine
de la non moins célèbre compagnie d’opérettes dirigée par Giulio Marchetti, l’un des
directeurs de troupe les plus connus d’Italie, qui passa presque trois ans en tournée
dans toute l’Amérique du Sud.
9  C’est en tant que soprano de la compagnie Città di Milano, dirigée par Mocchi, que
Clara Weiss partit pour la première fois outre-Atlantique. La compagnie fit ses débuts à
Buenos Aires en février 1913. Elle y resta jusqu’en juin avant de se rendre à Santa Fé,
Montevideo, Rio de Janeiro et São Paulo. Elle ne rentra en Italie qu’en septembre. Clara
Weiss joua encore avec la même compagnie au Costanzi de Rome et au Fossati de Milan
avant   de   repartir,   seule,   en   Amérique   du   Sud   en   décembre   1913.   Selon   la   presse
italienne de l’époque, l’artiste aurait trouvé « son destin conjugal » sur le continent 17.
Aurait-elle épousé un Sud-Américain rencontré en tournée ? Si tel avait été le cas, cela
aurait été de manière informelle car, dans les documents officiels qui font référence à
Weiss à cette époque – y compris les listes de passagers des navires transatlantiques –,
elle apparaît comme célibataire. Ce qui est certain, c’est qu’en septembre 1914, dans la
ville   de   Buenos   Aires,   elle   devint   la   soprano   principale   d’une   troupe   d’opérette
nouvellement   montée   par   Pietro   Maresca,   un   baryton   italien   qui   s’était   installé   en
Amérique du Sud après avoir parcouru le continent au début du siècle avec l’entreprise
de   Rafaelle   Tomba18.   Le   directeur   de   la   compagnie   était   le   chef   d’orchestre   et
compositeur italien Paolo Lanzini, installé dans le sud du Brésil depuis la fin du XIX e
siècle19.   Ainsi   s’était   constituée   ce   que   l’on   peut   appeler   une troupe   italo-sud-
américaine, composée d’artistes européens basés dans le Nouveau Monde, chose très
courante entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
10  Rebaptisée Maresca-Weiss, la troupe fit une longue tournée dans tout le Brésil en 1916.
Elle se produisit dans des théâtres de São Paulo, Rio de Janeiro, Santos, ainsi que dans
les   villes   de   l’intérieur   pauliste   (Campinas,   Araraquara,   Ribeirão   Preto,   Limeira,
Piracicaba, Itu, etc.). La distribution de la compagnie comprenait, entre autres artistes,
la   soprano   Emma   Maresca,   épouse   de   l’homme   d’affaires   Pietro,   et   le   ténor   italo-
argentin Emilio Amoroso qui, des années plus tard, occupa le poste d’administrateur de
la future Compagnie Clara Weiss.

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11  Après presque un an de tournée à travers le Brésil, la compagnie Maresca-Weiss fut
dissoute   et   la   soubrette20  rentra   à   Buenos   Aires   au   début   de   1917.   Dans   la   capitale
argentine, Weiss entra dans une compagnie lyrique italo-argentine dirigée par Antonio
Marranti21 et participa aux productions de « La Traviata » et de « La Bohème » (Dillon &
Sala   1997,   164),   ce   qui   témoigne   de   sa   formation   lyrique   et   de   la   porosité   entre   le
monde   de   l’opéra   et   celui   de   l’opérette.   Toujours   en   1917,   elle   créa   l’éphémère
Compagnie Clara Weiss, qui, bien qu’elle porte son nom, continua d’être dirigée par
Maresca22. Toujours à Buenos Aires, elle fut engagée par des compagnies italiennes en
tournée en Argentine, comme la Scognamiglio Caramba et la Caracciolo (Dillon & Sala
1999, 203). Elle partit en tournée avec cette dernière lors de la seconde moitié de 1918 à
Montevideo   et   au   Brésil,   cette   fois   dans   les   villes   du   sud   (Porto   Alegre,   Pelotas),
rejointes par voie fluviale.
12  Ses débuts en tant que capocomica indépendante n’eurent lieu que l’année suivante,
lorsqu’elle créa sa propre compagnie, sans aucune ingérence ni d’un partenaire, ni d’un
entrepreneur. Composée d’artistes italiens établis en Amérique du Sud, la troupe fut
engagée à Buenos Aires, en mars 1919, par l’homme d’affaires brésilien José Gonçalves
pour   occuper   le   théâtre   Boa   Vista   à   São   Paulo,   mais   elle   continua   à   circuler   dans
plusieurs villes du Brésil, pour une longue tournée de près de deux ans.
13  Bien   que   dirigée   par   une   femme,   la   troupe   continuait   d’accorder   une   certaine
supériorité   aux   figures   masculines,   non   sans problèmes.   Certains   se   comportaient
parfois violemment, notamment vis-à-vis des choristes dont l’activité professionnelle
était associée, à l’époque, à la prostitution. Cette image est étayée par un article publié
dans la presse locale en 1919, selon lequel « dans une joyeuse pension » (euphémisme
pour maison de passes) de la ville de Campinas, où Clara Weiss était en tournée, une
choriste de sa compagnie fut « sauvagement battue par E. Amoroso 23 », administrateur
de la troupe. Bien que la victime ait porté plainte auprès de la police, la presse ne
rapporta pas la suite de l’affaire, ce qui laisse à penser que l’épisode n’avait pas suscité
la curiosité des lecteurs, peut-être parce que la pratique était jugée acceptable.
14  Au même moment, il était possible de lire dans les journaux que Weiss et Amoroso
formaient   « un   couple   charmant ».   Et   d’ajouter :   « Dommage   qu’il   soit si   grand   et
qu’elle soit haute comme trois pommes24 ! » Les références facétieuses à la petite taille
de l’artiste étaient constantes dans la presse de l’époque, tant au Brésil qu’en Italie 25,
son   aspect   menu   faisant   contraste   avec   la   puissance   de   sa   voix,   comme   si   les
caractéristiques   physiques   et   les   qualités   artistiques   ne   s’accordaient   pas 26.   Il   est
possible que le mot couple, utilisé par le journaliste, fasse référence au seul partenariat
artistique de nos deux protagonistes. En tout état de cause, les liens entre la capocomica
et le ténor étaient assez étroits, au point que Weiss accorda à Amoroso un « mandat
général » lui octroyant « d’amples pouvoirs, notamment pour administrer et disposer
des biens de la requérante, les grever, contracter des obligations, recevoir et donner
des décharges27 ». Obtenue à Milan en 1922, époque où Clara Weiss séjourna en Italie
pendant environ un an, cette procuration fut annulée suite à une requête rédigée à São
Paulo, le 5 juin 1929, la capocomica alléguant qu’il n’y avait plus « de raison pour que ce
mandat   reste   en   vigueur28 ».   Le   texte   désigne   l’artiste   comme   « Checucci   Clara,
italienne sui juris29 » – c’est-à-dire jouissant de tous ses droits, exempte de toute tutelle
et donc apte à décider par elle-même et à gérer ses propres affaires – une condition
refusée   aux   femmes   mariées   qui,   selon   le   code   civil   brésilien   de   l’époque,   étaient
légalement subordonnées à leurs maris.

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15  Le fait est que l’artiste ne s’est jamais mariée, comme l’indique son acte de décès dans
lequel elle figure comme célibataire. Le déclarant en fut Nello Brinatti, entrepreneur de
théâtre avec lequel l’artiste avait vécu pendant plusieurs années sans jamais officialiser
leur liaison. Sa position de capocomica était due, dans une certaine mesure, au refus de
se   marier.   Notons   que   de   nombreuses   vedettes   de   l’opérette   de   l’époque   avaient
abandonné leur carrière artistique après s’être mariées. Ce fut le cas de Lea Candini,
une Italienne qui, dans les années 1920 et 1930, partageait le marché de l’opérette sud-
américain avec Clara Weiss. En 1947, elle « troqua ses activités professionnelles pour les
joies du mariage », et finit deux ans plus tard par « signer Lea Frúgoli, pour raisons
maritales30 ».   Ce   passage   avait   également   marqué   la   trajectoire   d’importantes
chanteuses d’opérettes en Italie, comme Nella Regini, qui renonça à la célébrité après
avoir   épousé   un   industriel   (Massimini   1984,   277-278),   et   Inês   Lidelba   (1863-1961),
actrice, chanteuse et capocomica qui quitta la scène quelques années avant d’épouser le
comte   Giovanni   Esengrini   de   Milan   (Paganelli   2011,   99-100).   Selon   Laura   Mariani,
pionnière des études de genre dans le domaine du théâtre en Italie, la crise du teatro
capocomicale italien – qui après la Première Guerre mondiale commence à céder la place
au teatro di regia [théâtre de metteur-en-scène] – a particulièrement touché les femmes,
surtout après l’ascension de Mussolini, en 1922, alors que « l’exaltation fasciste de la
ménagère-épouse-mère » s’opposait à l’incongruité de la condition féminine dans la
microsociété théâtrale. Beaucoup d’entre elles abandonnèrent le capocomicato car s’il
était possible, voire souhaitable, que des femmes « différentes des autres » s’affichent
dans   des   spectacles,   « il   était   inacceptable   qu’elles   soient   effectivement   aux
commandes »   (Mariani   2019,   204).   Dans   ce   contexte,   les   femmes   engagées   dans   ces
responsabilités   pouvaient   imaginer   avoir   plus   de   possibilités   outre-Atlantique,   où
l’absence de liens familiaux et l’origine étrangère atténuaient (ou reconfiguraient) les
contraintes de genre. Rappelons que Clara Weiss était arrivée en Amérique du Sud dans
des conditions très différentes de celles des autres migrantes, pour la plupart pauvres,
quasi-analphabètes, venant des zones rurales et accompagnées de leurs parents ou de
leur mari (Bassanezi 2012).
16  Revenons à la compagnie créée par l’artiste en 1919. S’affirmant comme une femme
d’affaires   à   succès,   Weiss   fut   à   la   tête   de   la   troupe   de   manière   pratiquement
ininterrompue   jusqu’en   1931,   parcourant   le   Brésil,   l’Argentine   et   l’Uruguay,   sans
toutefois   couper les   ponts   avec   l’Italie.   Au   cours   de   ces   douze   années,   les
recompositions de la distribution, du répertoire et du public de la compagnie illustrent
les changements qui s’opéraient sur le marché de l’opérette en Amérique du Sud, tant
dans sa relation avec la communauté immigrée installée sur le continent qu’avec le
monde   théâtral   italien,   en   particulier   après   la   montée   du   fascisme.   Durant   cette
période, quatre étapes peuvent être distinguées. La première, entre 1919 et 1921, est
marquée   par   la   conquête   du   marché   théâtral   brésilien,   en   nette   expansion,   et   par
l’établissement de liens avec la communauté immigrée au Brésil. Dans la phase suivante
(1923-1925), Weiss reprend contact avec l’Italie d’où elle fait venir périodiquement de
nouveaux   artistes,   et   où   elle   puise   pour   le   renouvellement   de   son   répertoire.   Elle
effectue également des tournées en Argentine et en Uruguay. Entre 1926 et 1928, elle
réalise son coup le plus audacieux, emmenant en Amérique du Sud des chanteurs de
premier plan du monde de l’opérette, comme le ténor Guido Agnoletti et la soprano
Gina Vidach, recrutés en Italie. Enfin, à partir de 1929, la compagnie s’appuie à nouveau
presque exclusivement sur des artistes italiens déjà installés en Amérique du Sud. Dans
cette dernière phase, elle cesse d’apparaître sur les affiches des grands théâtres de São

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Paulo et de Rio de Janeiro – pendant plus d’une décennie, elle y avait été accueillie non
seulement   par   le   public   immigré   mais   aussi   par   la   classe moyenne   nationale –   et
commence à occuper les théâtres plus modestes d’autres États brésiliens, notamment
dans   le   sud   où   prédomine   le   public   immigré,   signe   avant-coureur   du   déclin   de
l’opérette durant les années 1930.
 
Périple brésilien
17  Le succès de la tournée brésilienne de la Compagnie italienne d’opérettes Clara Weiss
est lié à deux phénomènes parallèles. D’une part, le développement du marché théâtral
brésilien, avec la prolifération de salles de spectacle non seulement à Rio de Janeiro et à
São Paulo mais aussi, dans une moindre mesure, dans les capitales d’autres États du
Brésil et dans les villes de l’intérieur. Si une « société du spectacle » – pour reprendre
l’expression de Christophe Charle (2008) – avait déjà commencé à prendre forme dans
la capitale dès la seconde moitié du XIXe siècle (Rozeaux 2014), dans la ville de São
Paulo   elle   ne   se   structura   que   dans   la   première   décennie   du   XX e  siècle,   avec   la
formation d’un véritable système théâtral31. Il était complété par un ensemble de salles
à l’intérieur de l’État de São Paulo, formant un réseau interconnecté par la vaste grille
ferroviaire de cet État. Très utilisés par les mambembes32 qui circulaient de ville en ville,
les trains de la Companhia Paulista de Estradas de Ferro, de la Mogiana et de l’Estrada
de Ferro Araraquara reliaient la capitale pauliste à Santos, Campinas, Ribeirão Preto,
Rio Claro, Mococa, Piracicaba, Araraquara, etc. C’était également par le train que les
compagnies   théâtrales   atteignaient   les   États   du   Paraná,   de   Santa   Catarina,   de   Rio
Grande do Sul et de Minas Gerais, tandis que Rio de Janeiro et le Nordeste étaient
accessibles par voie maritime.
18  Ces salles étaient gérées par des entreprises théâtrales très capitalisées. En faisaient
notamment partie l’Italien Pascoal Segreto, opérant principalement à Rio de Janeiro
mais   avec   une   succursale   à   São   Paulo,   José   Gonçalves   qui   atteint   une   certaine
importance dans la capitale de l’État de São Paulo entre les années 1910 et 1920, ou
encore José Loureiro, l’un des principaux hommes d’affaires actifs au Brésil. Ce dernier,
Portugais de naissance, entretenant de solides relations d’affaires avec son pays natal –
 il était l’un des principaux organisateurs des tournées des troupes de revue portugaises
au Brésil –, contrôlait des théâtres de São Paulo (Cassino, Santana), de Rio de Janeiro
(Lírico, Palace Theatre, República), de Porto Alegre (São Pedro), de Salvador (Politeama)
et de Recife (Santa Isabel et Teatro do Parque).
19  Le succès de la Compagnie Clara Weiss était par ailleurs dû à l’évolution du mouvement
italien de l’opérette qui, depuis le milieu du XIXe siècle, reposait sur les tournées de
compagnies exploitant de nombreux théâtres, salles polyvalentes et cafés-concerts qui
proliféraient dans les principales villes du pays (Sorba 2006). Au tournant du XX e siècle,
bon nombre d’entre elles entreprirent des voyages transatlantiques en visant les pays
ayant   une   forte   émigration   italienne,   notamment   le   Brésil   et   l’Argentine 33.   Raffaele
Tomba, Giulio Marchetti et Ettore Vitale sont quelques-uns des noms qui, entre les
années 1890 et 1910, emmenèrent très fréquemment leur troupe en Amérique du Sud.
Beaucoup de ces artistes finissaient par rester en chemin et s’installer, au début du XX e
siècle, dans des centres théâtraux tels que Buenos Aires, São Paulo ou Porto Alegre.
Lorsqu’éclata la Première Guerre mondiale, le nombre de chanteurs italiens décidant
rester en Amérique du Sud augmenta considérablement. Certains d’entre eux, comme

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Raimondo   de   Angelis,   Alfredo   de   Torre   et   Carlo   Ciprandi   (ayant   respectivement


appartenu   aux   compagnies   Caracciolo,   Vitale   et   Scognamiglio   Caramba   qui   avaient
visité le Brésil pendant la guerre), ne sont retournés en Italie que dans les années 1920
ou   1930.   D’autres,   comme   Cesare   et   Iolanda   Fronzi   (parents   de   l’actrice   brésilienne
Renata   Fronzi),   Renato   Tignani   et   Mafalta   Vitteli   (tous   deux   anciens   de   la   troupe
Raffaele Viviani), Luigi dela Guardia (acteur entrepreneur qui commença à exploiter le
marché sud-américain dans le première décennie du XX e siècle et vécut sur le continent
dans   les   années   1910),   Mathilde   Bonnito   Franco   et   Carlo   Nunziata   (respectivement
vedette et directeur de la compagnie Città di Napoli), s’installèrent définitivement au
Brésil. Le fait est que cette pléthore d’artistes italiens basés en Amérique du Sud permit
la formation, sur le continent, des compagnies théâtrales italo-sud-américaines déjà
citées,   en   majorité   des   troupes   d’opérettes   s’ajoutant   à   celles   venues   d’Italie   pour
rencontrer   le   public   de   leurs   compatriotes   immigrés,   garantie   du   succès   de   leurs
saisons.
20  À mi-chemin entre les troupes péninsulaires et les troupes italo-sud-américaines, la
Compagnie Clara Weiss inaugurait un nouveau modèle qui alliait le réseau d’artistes
italiens déjà installés sur le continent à celui empruntant les routes transatlantiques.
Arrivée à Santos à bord du Tomaso di Savoia le 16 avril 1919, après avoir embauché
quelques Italiens à Buenos Aires, Weiss lança sa tournée trois jours plus tard au Teatro
Lírico de Rio de Janeiro, avant de rejoindre Santos puis São Paulo où elle resta jusqu’au
25 mai. Elle se produisit ensuite dans de plus petites localités à l’intérieur de l’État
pauliste (Araraquara, Ribeirão Preto, Campinas, Mococa), dans le Minas Gerais (Belo
Horizonte   et   Juiz   de   Fora)   et   dans   plusieurs   villes   du   Sud   (Curitiba,   Ponta   Grossa,
Paranaguá, Florianópolis, Porto Alegre, Pelotas).
21  Dans les centres urbains ayant des équipements théâtraux importants (Rio de Janeiro,
São   Paulo   et   Santos),   les   saisons   étaient   garanties   par   les   capitaux   des   grandes
entreprises contractantes, par exemple celles de José Gonçalves et de José Loureiro.
Dans l’intérieur pauliste et dans d’autres États brésiliens, les spectacles étaient souvent
proposés par abonnement : le public payait d’avance pour assister à un certain nombre
de représentations de la compagnie, couvrant ainsi les frais de transport et de location
du   théâtre.   Cela   permettait   d’éviter   les   saisons   déficitaires,   très   courantes   lorsqu’il
fallait   se   déplacer   avec   beaucoup   d’artistes   et   un   bagage   volumineux.   Pendant   ces
tournées à l’intérieur du pays, le secrétaire de la compagnie partait généralement en
éclaireur pour sonder le public et les théâtres de chaque ville, lançant les campagnes
d’abonnements, souvent infructueuses comme le révèlent plusieurs notes publiées dans
la presse lors de la tournée de Clara Weiss à São Paulo. La pratique qui consistait à
parcourir   de   nombreuses   petites   villes,   où   les   compagnies   d’opérettes   ne   restaient
parfois que trois ou quatre jours, passant souvent plus de temps en train ou en bateau
que sur les planches, révèle la précarité de bon nombre de tournées. Il n’était pas rare
que des troupes formées par des Italiens résidant en Amérique du Sud soient qualifiées
par la presse nationale de mambembes, en raison du caractère improvisé et indigent de
leurs   productions,   limitées   à   des   extraits   d’opérettes   célèbres   interprétés   par   une
distribution réduite et toujours avec le même scénario34. Ce n’était pas le cas de la
compagnie de Clara Weiss qui, en 1919, comptait 51 membres 35 et, à en juger par les
commentaires   de   la   presse,   se   présentait   avec   des   costumes   somptueux   et   une
scénographie riche. En dehors de son nomadisme, rien ne pouvait la rapprocher des
mambembes.

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Clara Weiss et le Syndicat national des artistes de
l’opérette
22  Au   milieu   de   l’année   1921,   à   São   Paulo,   après   deux   ans   de   tournées   au   Brésil,   la
compagnie   de   Clara   Weiss   fut   dissoute.   Au   début   de   l’année   suivante,   la   soprano
retourna en Italie où elle n’avait plus mis les pieds depuis 1913. Célébrée par la presse
locale qui se souvenait encore de sa performance avec la Città di Milano, elle rejoint
brièvement la compagnie d’opérettes d’Ettore Vitale, avec laquelle elle se produisit à la
Fenice de Venise au début de 192236. En août de la même année, elle se rendit à Milan, la
capitale italienne du théâtre, où elle pensait pouvoir réunir les principaux artistes de sa
nouvelle « formation américaine37 » pour retourner en Amérique du Sud au début de la
saison suivante. En effet, en février 1923, elle embarquait à Gênes à destination de
Santos, emmenant dans son bagage une distribution entièrement renouvelée.
23  La   deuxième   tournée   sud-américaine   de   Clara   Weiss,   organisée   par   José   Loureiro,
commença le 15 mars 1923 à São Paulo et se prolongea jusqu’en juillet 1925, date à
laquelle elle retourna à nouveau en Italie pour réorganiser sa distribution. Au cours de
cette période, la capocomica non seulement parcourut les principales villes brésiliennes
(Rio de Janeiro, Santos, São Paulo, Curitiba, Porto Alegre, Belo Horizonte, Juiz de Fora),
les localités de l’intérieur de São Paulo et du Paraná, le Nordeste (Recife et Bahia), mais
fut également à l’affiche du Coliseu de Buenos Aires et de l’Urquiza de Montevideo,
dans un partenariat entre José Loureiro et l’entreprise Seguin & Crodara. Outre les
artistes, Weiss avait également rapporté d’Italie de nouvelles opérettes, souvent encore
inconnues du public sud-américain, telles que « Scugnizza » de Giuseppe Pietri et Carlo
Lombardo ou « La Danza delle libellule » de Franz Lehar et Carlo Lombardo, toutes deux
représentées à São Paulo moins d’un an après leur première en Europe.
24  Le renouvellement de la distribution et du répertoire avait été le fruit des nouveaux
réseaux mis en place par l’artiste. C’est très probablement lors de son séjour milanais
que   la   capocomica  s’était   rapprochée   du   Syndicat   national   des   artistes   de   l’opérette
(Sindacato Nazionale fra gli artisti d’operette), une organisation d’abord formée dans la
capitale lombarde en 1919 sous le nom de Lega Artisti Operette. En octobre 1923, peu de
temps   après   l’ascension   au   pouvoir   de   Mussolini,   la   Ligue   adhéra   à   la   Corporation
nationale du théâtre, d’inspiration fasciste, et fut rebaptisée Syndicat des artistes de
l’opérette38. L’hypothèse selon laquelle Weiss se serait syndiquée lors de son séjour en
Italie est renforcée par le bulletin officiel de l’organisation, L’Argante Operettistico. Dès
son premier numéro, en octobre 1923, la publication classait la Compagnie Clara Weiss
dans la rubrique « Località (ove) si trovano i gruppi dei soci », qui comprenait une liste de
toutes   les   compagnies   italiennes   actives   dans   l’opérette   associées   au   syndicat,
indiquant   le   théâtre   et   la   ville   dans   laquelle   chacune   se   trouvait.   En   outre,   des
nouvelles   de   l’artiste   étaient   constamment   publiées   sous   la   rubrique   « Notizie
americane »   qui   donnait   des   informations   sur   les   spectacles,   tournées   et   artistes   de
l’opérette italienne à l’étranger.
25  Tout en assurant une médiation entre les artistes et les techniciens, d’une part, et les
entrepreneurs de théâtre et l’État, d’autre part, le syndicat revendiquait des avantages
pour   les   adhérents   (comme   la   création   d’une   caisse   d’assistance   et   de   retraite,
l’uniformisation des contrats, l’établissement de grilles salariales, l’octroi de réductions
pour les artistes dans les chemins de fer, etc.). L’organisation faisait également office

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d’agence de recrutement en annonçant la disponibilité des adhérents et négociait leurs
conditions   contractuelles   par   le   biais   de   son   Ufficio di Collocamento [Bureau   de
placement].   Ce   fut   sans   doute   avec   l’aide   de   ce   bureau   que   l’actrice   reprit   le
capocomicato et choisit une distribution avec laquelle elle retourna en Amérique du Sud
en février 1923. En effet, la plupart des artistes qui embarquèrent avec elle à Gênes à
destination   de   Santos   (Rosana   Sanmarco,   Luigi   Consalvo,   Dante   Bernardi,   Angelo
Polisseni,   Silvio   del   Gesso,   Henry   Sarich,   etc.)   figuraient   parmi   les   adhérents   du
syndicat39. On se souvient que les premières compagnies dans lesquelles Clara Weiss
avait travaillé après s’être installée en Amérique du Sud (tant la compagnie de Pietro
Maresca que la sienne propre, créée en 1919) avaient été formées, pour la plupart, par
des artistes italiens déjà établis outre-Atlantique. À partir de 1923, Weiss sut mobiliser
un grand nombre d’artistes résidant en Italie mais désireux de traverser l’océan et
d’entreprendre de longs séjours à l’étranger.
26  S’il ne fait aucun doute que l’implication de Clara Weiss dans le syndicat italien fut
fondamentale dans la réorganisation de sa compagnie, son implication idéologique ou
son engagement politique sont loin d’être certains. Dans quelle mesure son approche
du   syndicat   révèle-t-elle   une   quelconque   sympathie   ou   un   quelconque   soutien   au
régime fasciste ? Cette implication aurait-elle influencé les artistes italo-sud-américains
avec lesquels elle était demeurée en contact en Amérique ? L’absence de documents
relatifs   au   syndicat   et   à   l’artiste   elle-même   ne   me   permet   pas   pour   l’instant   de
répondre   à   ces   questions.   Par   ailleurs,   certains   indices   me   portent   à   croire   que
l’adhésion   de   Weiss   et   d’autres   artistes   de   l’opérette   était   plus   pragmatique   que
programmatique. Ce fut le cas d’Henri Sarich, acteur comique qui rejoint la compagnie
en   1923,   lors   du   premier   voyage   de   la   capocomica  en   Italie.   Doté   d’une   formation
dramatique, acteur de théâtre et de cinéma, il débuta dans l’opérette en 1923 quand il
fut   recruté,   à   Milan,   pour   rejoindre   la   Compagnie   Clara   Weiss.   Alors   qu’il   jouait   à
Recife, au Teatro Santa Isabel, l’acteur déclara au Jornal Pequeno :
Le   théâtre   et   le   cinéma   en   Italie,   avec   les   troubles   politiques,   sont   tombés   en
décadence, en termes de compensation matérielle. Il n’y avait place que pour les
pulsions fascistes... J’ai quitté le théâtre. J’ai abandonné le cinéma. Et M me Clara
Weiss   est   venue   un   jour   me tirer   de   ma   torpeur   en   m’offrant   l’opportunité   de
devenir une star comique de l’opérette. J’ai fait mes débuts, au Brésil, à São Paulo,
et quand j’ai repris mes esprits, j’étais devenu un acteur d’opérette 40.
27  La position de Sarich, ouvertement contraire aux « pulsions fascistes » qui dominaient
le milieu théâtral italien après 1922, indique que l’affiliation syndicale ne présupposait
pas   l’adhésion   à   son   orientation   politique.   Au   terme   de   la   deuxième   tournée   sud-
américaine de Clara Weiss, en 1925, l’acteur retourna pour une courte période en Italie
mais,   peu   après,   il   tenta   à   nouveau   sa   chance   au   Brésil   où   il   rejoint,   en   1927,   la
compagnie brésilienne de revues Uó-Chin-Ton, avec Alda Garrido en vedette, lors de sa
saison à São Paulo. La même année, il entra dans la Compagnie italienne de revues
modernes,   formée   par   des   acteurs   italiens   établis   à   São   Paulo.   On   manque
d’information sur ses allées et venues les années suivantes, mais il est probable qu’il se
soit   installé   en   Amérique   du   Sud,   en   même   temps   que   d’autres   artistes   italiens
antifascistes, comme Italo Bertini par exemple41.
28  Un autre cas exemplaire qui révèle les relations quelque peu ambiguës entre les artistes
italiens   de   l’opérette,   le   syndicat   et   le   fascisme   est   celui   de   Lamberto   Baldi.
Compositeur et chef d’orchestre, il effectua une première tournée en Amérique du Sud
en 1924, avec la Compagnie Lombardo-Caramba, dont Inês Lidelba était la vedette. Deux

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ans plus tard, il fut engagé par Clara Weiss pour sa troisième tournée sud-américaine
dont il assura la direction. Quelques mois après l’arrivée de la troupe à São Paulo, le
bulletin   L’Argante Operettistico publiait   une   note   indiquant   que   la   quasi-totalité   des
artistes, menés par Dante Bernardi (un membre du syndicat), avaient adhéré, hormis
quelques-uns   d’entre   eux   établis   en   Amérique   du   Sud   de   façon   permanente.   En
revanche, le journal s’indignait de l’attitude du maestro Ernesto Mogavero, du choriste
Foggia et du maestro Baldi rappelant à ce dernier qu’il avait oublié que, s’il avait été
premier maestro avec Lideblba, c’était au syndicat qu’il le devait, et que s’il était en
tournée   avec   Weiss,   il   devait   le   mettre   au   crédit   de   « l’entregent »   de   l’association
corporatiste.   Et   d’ajouter :   « S’ils   devaient   un   jour   revenir   en   Italie,   ces   chers   amis
déambuleraient quelques mois durant dans la Galerie de Milan 42. » Quant aux artistes
italiens basés en Amérique du Sud, le périodique faisait observer que « rester en dehors
de   l’organisation »   n’était   pas   dans   leur   intérêt   car   « très   bientôt,   le   marché   sud-
américain serait lui aussi entre nos mains et alors soit [ces artistes] seraient de notre
côté, soit ils iraient ailleurs traîner leurs guêtres43 ».
29  En 1926, craignant peut-être que la promesse du syndicat ne se réalise, ou trouvant tout
simplement un climat plus favorable au développement de ses activités à São Paulo,
Baldi quitta la compagnie mais ne retourna pas en Italie. Il préféra s’installer dans la
capitale pauliste. Il y enseigna au Conservatoire dramatique et musical et assura la
direction   de   la   Société   des   concerts   symphoniques.   Le   musicien   italien,   proche   de
l’écrivain   et   musicologue   Mário   de   Andrade,   exerça   une   certaine   influence   sur   ce
dernier. Baldi accepta même d’enseigner, à sa demande, l’harmonie, le contrepoint,
l’orchestration   et   la   direction   d’orchestre   à   un   élève   du   poète,   Camargo   Guarnieri,
précurseur dans le domaine de la composition et du nationalisme musical andradien.
Fin   1931,   après   une   série   de   polémiques   impliquant   l’orchestre   de   la   Société   des
concerts   symphoniques44,   Baldi   émigra   à   Montevideo   où   il   prit   la   direction   de
l’orchestre symphonique du Service Officiel de Diffusion Radio Électrique. Il y resta
jusqu’à   la  fin   de   sa   vie.   Le   séjour   du   musicien  à  São   Paulo,   son  refus   d’adhérer   au
syndicat officiel fasciste et sa proximité avec le projet musical nationaliste de Mário de
Andrade éclairent d’un jour différent l’identité de la Compagnie Clara Weiss. Avec son
réseau   de   professionnels   italo-sud-américains   et   ses   liens   solides   avec   le   monde
syndical péninsulaire elle alla bien au-delà du simple univers de l’opérette.
 
« Un Lombardo en jupons »
30  Lors de son deuxième voyage d’affaires en Italie, entre août 1925 et mars 1926, Clara
Weiss   fit   l’objet   de   nombreux   commentaires   dans   la   presse   des   deux   côtés   de
l’Atlantique, tous faisant référence à ses qualités d’entrepreneur. La comparaison faite
par le périodique Messagero dell’Opereta, cité au début de cet article, entre la capocomica
et   Carlo   Lombardo   – qui,   en   plus   d’être   compositeur,   librettiste   et   entrepreneur   de
théâtre,   était   aussi   éditeur,   détenteur   des   droits   d’auteur   d’opérettes   italiennes   et
européennes, et exerçait un véritable monopole sur le monde de l’opérette en Italie –
révélait la position de pouvoir attribuée à Weiss. Le périodique soulignait également sa
condition de femme (un Lombardo « en jupons »), établissant une asymétrie entre les
deux éléments comparés.
31  Le bulletin L’Argante Operettistico félicita l’artiste pour son retour au pays et souligna
l’intention qui était la sienne d’acheter une voiture « pour que son séjour en Italie passe

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plus vite ». Le journaliste ajouta : « C’est un signe évident que la tournée précédente lui
a été très profitable45. » L’accent mis sur la voiture (« de luxe, cela va sans dire 46 »)
qu’elle fit embarquer avec elle à Gênes en retournant au Brésil, indique non seulement
sa   réussite   financière   mais   aussi   sa   liberté,   son   indépendance,   voire   une   certaine
masculinité associée à l’automobile (fig. n° 1).
 
Figure n° 1 – Photographie de Clara Weiss dans sa Fiat paru dans un article de la presse argentine
à l’occasion de la saison de l’artiste à Buenos Aires.

Source : Comoedia, 16 novembre 1926, p. 34.

32  Malgré cette reconnaissance artistique et financière, Weiss n’était pas à l’abri d’ennuis
politiques. Peu après son arrivée à Milan, la Commission disciplinaire du capocomicato,
organe délibérant composé de différentes associations (auteurs, capocomici, prestataires
de services) et faisant partie de la Corporation nationale du théâtre, rejeta la demande
qu’elle avait formulée pour monter une compagnie qui effectuerait des tournées en
Amérique du Sud. Le prétexte fut que « Mme Clara Weiss [devait] tout d’abord prouver
qu’elle   n’[avait]   aucun   paiement   en   souffrance   auprès   de   la   Société   italienne   des
auteurs concernant sa compagnie américaine précédente47. » Ce refus laisse entrevoir
des   litiges   relatifs   au   paiement   des   droits   par   les   petites   compagnies   italiennes   en
tournée en Amérique du Sud qui n’allaient pas de soi depuis un pays étranger.
33  Dans   sa   réponse,   la   Commission   disciplinaire   ajouta   que   « conformément   aux
dispositions   en   vigueur   au   Commissariat pour   l’émigration,   elle   [Clara   Weiss]   doit
déposer la valeur du voyage de retour de tous les artistes qu’elle entend emmener en
Amérique48 ».   Lesdites   dispositions,   établies   en   1924   d’un   commun   accord   entre   les
ministères   de   l’Instruction   publique   et   des   Affaires   étrangères,   prévoyaient   que   les
entrepreneurs désireux d’emmener des distributions italiennes en tournée à l’étranger
devaient,   d’une   part,   verser   une   caution   pour   garantir   le   paiement   des   artistes   et,
d’autre part, fournir la preuve d’achat de tous leurs billets aller et retour, sous peine de

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se voir refuser le visa de sortie49. Cette mesure avait été prise après que le ministère des
Affaires   étrangères   eut   été   informé,   à   plusieurs   reprises,   que   « des   compagnies   qui
partaient à l’étranger avec l’illusion de gros gains finissaient par se rendre auprès des
autorités royales et des autorités de nos colonies pour obtenir un appui financier et
leur rapatriement car les gains attendus ne s’étaient pas matérialisés 50 ». Toujours selon
le même ministère, en plus d’imposer « de la souffrance à nos compatriotes », cette
situation   jetait,   à   l’étranger,   « un   indéniable   discrédit   sur   le   nom   et   sur   l’art   de
l’Italie51 ».
34  On voit ici qu’en dépit du succès financier de certaines tournées internationales de
compagnies   italiennes,   notamment   celle   de   Clara   Weiss,   le   gouvernement   fasciste
commençait à resserrer l’étau autour des innombrables petites troupes qui, attirées par
le   public   des   colonies   italiennes   éparses   dans   le   monde 52,   prenaient   des   risques
inconsidérés, ne trouvaient pas le succès et, finalement, « compromettaient l’image »
de l’Italie. Peu avant de quitter l’Europe, en septembre 1925, Clara Weiss endossa le
discours, ignorant qu’elle serait elle-même la cible de cette méfiance. À l’époque, dans
une interview accordée au journal pauliste Folha da Noite, elle aurait affirmé qu’elle ne
comprenait plus la manière de travailler « de ces compagnies d’opérettes que l’on voit
débarquer aujourd’hui en Amérique du Sud : distribution et répertoire échafaudés à la
dernière minute ; pas la moindre répétition, pourtant indispensable à la réussite d’un
spectacle ; montages plus ou moins adaptés… bref, le genre d’opérette facile, bassement
commerciale, ne visant que le profit53 ». Clara Weiss savait que ce « commerce théâtral
facile »   devenait   un   dangereux   miroir   aux   alouettes   pour   bon   nombre   d’hommes
d’affaires   et   elle   donnait   l’exemple   de   l’échec,   dans   cette   partie   de   l’Amérique,   de
certaines compagnies du genre en question.
35  Après   avoir   surmonté   les   obstacles   bureaucratiques   et   obtenu   les   autorisations
nécessaires, le 4 mars 1926, Clara Weiss embarqua à Gênes à destination de Santos,
emmenant sans doute avec elle la troupe la plus étoilée jamais réunie jusqu’alors : outre
Rossana   Sanmarco   et   Dante   Bernardi,   déjà   présents   les   saisons   précédentes,   la
Compagnie Clara Weiss pouvait compter avec le couple Maria et Roberto Braconny et
les ténors Guido Agnoletti et Olimpo Gargano. Elle emportait également avec elle une
série   d’opérettes   nouvelles   pour   l’Amérique   du   Sud,   parmi   lesquelles   « Paganini »,
« Katia   la   Ballerina »,   « L’Orloff »,   « Medi », du   répertoire   germanophone, et,   entre
autres nouveautés italiennes, « Silhouette ».
36  Malgré le succès du recrutement, la nouvelle formation sud-américaine fut de courte
durée. Après une saison réussie à São Paulo, entre le 26 mars et le 16 mai 1926, la
compagnie se rendit à Rio de Janeiro, visita l’intérieur du Brésil puis passa par Buenos
Aires et Montevideo, où elle fut dissoute. En février 1927, L’Argante Operettistico signala
des désaccords entre la capocomica et les membres de la compagnie qui affirmaient ne
pas avoir été payés. Les principaux noms de la distribution rentrèrent en Italie,
notamment   Agnoletti   et   Vidach,   mais   la   compagnie   survécut   en   se   produisant   à   la
séance et non plus sur abonnements, complétant la distribution par des artistes italiens
vivant déjà au Brésil. Les activités de Weiss furent encore mentionnées dans le bulletin
du syndicat tout au long de l’année 1927 mais plus du tout après 1928, alors que l’artiste
continuait à se produire en Amérique du Sud.
 

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La « reine de l’opérette »
37  Au début des années 1930, les activités de Clara Weiss se réduisirent fortement et, après
quelques tournées au Brésil en 1930 et en 1931, pour des saisons toujours très courtes,
sa compagnie fut définitivement dissoute. Les années suivantes, l’artiste se joignit à
plusieurs – et éphémères – compagnies d’opérettes formées en Amérique du Sud par
des Italiens vivant sur le continent. Ce fut le cas de la Weiss-Vignoli qu’elle créa en 1933
en partenariat avec Olga Vignoli et avec laquelle elle se produisit à São Paulo et à Rio de
Janeiro, avant de partir pour Porto Alegre et plusieurs villes du Rio Grande do Sul.
Entre la fin de 1934 et le début de 1935, elle participa, avec d’autres artistes du genre, à
une série d’émissions de la Rádio Diffusora pauliste, parrainées par le journal O Estado
de S. Paulo, où étaient présentés des résumés (chantés et parlés) des plus grands succès.
Elle fit également partie des compagnies italiennes d’opérettes Trucchi-Pancani (1935)
et Alba Regina-Franca Boni (1938), avant de retrouver Lea Candini – une autre artiste
italienne importante dans le monde de l’opérette et dont les activités en Amérique du
Sud   méritent   d’être   étudiées –   à   São   Paulo   dans   une   troupe   qui   donna   quelques
représentations   en   1941.   Elle   joua   aussi   brièvement   dans   des   compagnies   de   revue
nationales, celle de Margarida Max notamment, avec laquelle elle travailla à Rio de
Janeiro,   en   1930.   Sa   dernière   apparition   sur   scène   eut   lieu   en   1942.   Elle   chanta   en
portugais54  l’opérette   « A   Baiadera »,   de   Kalman,   avec   la   Companhia   Brasileira   de
Operetas.
38  Retirée de la scène et définitivement installée à São Paulo, Weiss continua à être perçue
comme   une   « gloire   du   passé »   liée   à   l’âge   d’or   de   l’opérette   au   Brésil.   Cette
représentation s’était forgée dès le début des années 1930, quand la presse pauliste lui
avait donné le surnom de « reine de l’opérette ». En 1936, à l’occasion d’une exposition,
le   Correio Paulistano soulignait   le   caractère   nostalgique   de   son   public.   Le   journal
confirmait qu’elle avait encore « de véritables foules d’admirateurs, incapables d’oublier
ses admirables interprétations du vieux répertoire dont les partitions avaient enchanté le
public de São José, Politeama, Casino, Apollon et les deux Sant’Anna 55 ».
39  Au début des années 1950, éloignée des planches depuis longtemps, l’artiste fut invitée
à participer, en tant qu’hôtesse, aux spectacles du Grupo Experimental de Operetas
Paranaense, à Curitiba. Cet événement la consacra comme mémoire vivante du théâtre
d’opérettes.   Rebaptisé   Companhia   Nacional   de   Operetas   do   Teatro   Experimental
Paranaense (plus tard Grupo Experimental do Teatro Guaíra), le groupe participa aux
célébrations du IVe Centenaire de la ville de São Paulo, dont Clara Weiss fut à la fois la
présentatrice et l’invitée d’honneur. L’émission « Desfile de Canções », diffusée par la
radio Eldorado le 13 novembre 1963, lui rendit hommage, trois ans avant sa mort qui
survint en 1966.
40  La   trajectoire   de   Clara   Weiss,   dont   cet   article   est   une   première   esquisse,   permet
d’entrevoir   les   différentes   forces   en   action   dans   l’industrie   de   l’opérette   italo-sud-
américaine. Si l’intérêt commercial a joué un rôle prépondérant, notamment après la
création de sociétés théâtrales à capital variable qui cherchaient à exploiter le circuit
effectué par des compagnies entre les deux continents, comme celle de Walter Mocchi,
les   facteurs   politiques   ont   également   beaucoup   pesé.   En   effet,   après   la   montée   du
fascisme en Italie, en 1922, et l’adhésion du Syndicat des artistes de l’opérette à la
Corporation   fasciste   l’année   suivante,   la   circulation   internationale   des   compagnies
d’opérettes italiennes apparut comme un moyen de propagande – reçu positivement ou

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négativement –   de   l’Italie   à   l’étranger.   Le   contrôle   du   marché   sud-américain   était


l’expression   de   la   force   économique   et   culturelle   du   pays.   Peut-être   peut-on   faire
l’hypothèse que la proximité entre les artistes italiens de l’opérette actifs à São Paulo et
l’État fasciste explique en partie le silence des modernistes paulistanos, notamment
celui   de   Mário   de   Andrade,   sur   ce   genre   artistique   et   sur   les   musiciens   qui   s’y
consacraient56. Dévoiler cet univers oublié, aspect fondamental pour comprendre la vie
culturelle   brésilienne   du   début   du   XXe  siècle,   est   une   tâche   qui   n’en   est   qu’à   ses
prémices.

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Sorba, Carlotta. 2006. « The Origins of the Entertainment Industry: The Operetta in Late
Nineteenth-Century Italy. » Journal of Modern Italian Studies 11 (3): 282-302. DOI:
10.1080/13545710600806730.

Souza, José Inacio de Melo. 2016. Salas de cinema e a história urbana de São Paulo (1895-1930). São


Paulo: Editora Senac São Paulo.

Williams, Carolyn. 2011. Gilbert and Sullivan: Gender, Genre, Parody. New York: Columbia University


Press.

NOTES
2. Tous les matériaux de cette recherche figurent dans la base de données « Teatro
musicado   em   São   Paulo   de   1914   a   1934 »,  disponible   à   l’adresse :
teatromusicadosp.com.br (consulté le 10 octobre 2022).
3. Les représentations de genre diffusées par le spectacle d’opérette donneraient lieu à
une étude à part, c’est pourquoi elles ne seront pas abordées ici. Je souligne simplement
que, dans la « société du spectacle » naissante (Charle 2008) qui, dans la seconde moitié
du   XIXe  siècle   apparaît   dans   les   capitales   d’Europe   et   s’étend   bientôt   à   toutes   les
grandes villes du monde occidental, le théâtre en général, et l’opérette en particulier,
montraient sur scène les transformations qui affectaient les identités de genre, pas
toujours de manière positive. À ce sujet, voir Williams (2011).
4. Apparue avec la Commedia dell’Arte, la figure du capocomico domine le théâtre italien
(et brésilien) jusqu’à la première moitié du XXe siècle, avant d’être remplacée par celle
du   metteur   en   scène   moderne.   Mélange   d’acteur,   d’imprésario   et   de   directeur
artistique,  le  capocomico  (pl.  masc.  capocomici, fém. capocomiche )  était   en  fait   le   chef
(capo)   d’une   troupe   de   théâtre   à   laquelle   il   prêtait   généralement   son   nom.   Il   était
chargé   de   la   distribution,   du   choix   des   textes   dramatiques   et   de   la   direction   des
productions, dans lesquelles il occupait souvent des rôles de premier plan. Bien que les
capocomiche aient gagné en visibilité depuis le XIX e siècle, à l’instar des grandes figures
du   théâtre   dramatique   comme   Adelaide   Ristori   et   Eleonora   Duse   (Mariani   2019),   la
fonction était remplie par des hommes dans la quasi-totalité des cas.

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 17

5.  Emma   Carelli   (1877-1928),   soprano   italienne   devenue   directrice   d’opéra.   Elle   fut
l’associée et l’épouse de Walter Mocchi, l’un des principaux responsables de l’industrie
de   l’opéra   entre   l’Italie   et   l’Amérique   du   Sud,   nous   en   reparlerons   plus   avant.   Sur
Mocchi et Carelli, voir Paoletti (2015).
6. En français dans le texte NdT.
7. Messaggero dell’Operetta, 15-30 mars 1926, p. 2.
8. Outre les périodiques numérisés appartenant à l’Hemeroteca Digital de la Biblioteca
Nacional   do   Rio   de   Janeiro   (www.memoria.bn.br   consulté   le   10   octobre   2022)   et   à
l’Hemeroteca Digitale Italiana (www.internetculturale.it consulté le 10 octobre 2022),
les   hémérothèques   suivantes   ont   été   consultées :   Biblioteca   Nazionale   Braidense   à
Milan (collection de microfilms de la revue L’Opera Comica et de quelques numéros d’Il
messaggero dell’operetta et de Battaglie teatrali), Biblioteca Nazionale di Firenze (collection
du bulletin L’Argante Operettistico et numéros de la revue L’Operetta) ; Biblioteca Nacional
Mariano Moreno à Buenos Aires (quelques numéros du journal La Patria degli italiani et
des revues Comoedia et Mundo Teatral).
9.  Fonds   du   ministère   italien   de   l’Intérieur   (départements   « Polizia   Politica »   et
« Casellario Politico » contenant des fiches sur des hommes d’affaires et des artistes de
théâtre   italiens)   et   du   ministère   italien   de   l’Éducation   publique   (département
« Antiquité et Beaux-Arts » qui offre des données sur la circulation internationale de
troupes italiennes, le financement des activités théâtrales, les politiques publiques en
faveur du théâtre italien, etc.).
10. Fonds du ministère italien de la Culture populaire, documentant l’utilisation de la
culture comme instrument de propagande par le gouvernement italien à l’étranger.
11.  Appartenant,   respectivement,   au   Museu   da   Imigração   do   Estado   de   São   Paulo
(disponible sur le site : www.inci.org.br/acervodigital/passageiros.php consulté le 10
octobre 2022) et à l’Arquivo Nacional (disponible à l’adresse : http://bases.an.gov.br/
rv/menu_externo/menu_externo.php consulté le 10 octobre 2022).
12. Disponible à l’adresse : www.familysearch.org (consulté le 10 octobre 2022).
13.  L’anniversaire   de   Clara   Weiss   (5   août)   était   régulièrement   signalé   dans   les
périodiques de São Paulo à partir du milieu des années 1930. Quant à l’année de sa
naissance, l’information est celle contenue dans l’acte de décès de l’artiste, enregistré le
27 juin 1966, soit un jour après sa disparition, et selon lequel elle avait 74 ans. Cette
information contredit les listes de passagers des navires qui ont enregistré son entrée à
Santos (le 21 mars 1916) et à Buenos Aires (le 10 octobre 1926), et selon lesquelles
l’actrice serait née en 1888.
14. Correio Braziliense, 11 août 1966, p. 7.
15. Correio Paulistano, 4 août 1957, p. 7.
16. L’Opera Comica, 7 décembre 1912, p. 2.
17. L’Opera Comica, 31 décembre 1913, p. 3.
18. Raffaele Tomba (Bologne, 1838 – Rio de Janeiro, 1902) était un homme d’affaires
italien d’opéra et d’opérette. Parmi les premiers à exploiter le marché du théâtre sud-
américain, il parcourut plusieurs villes brésiliennes, argentines et uruguayennes entre
la fin des années 1880 et le début du XXe siècle. Il mourut lors d’une tournée à Rio de
Janeiro en 1902, victime de la fièvre jaune (O Paiz, Rio de Janeiro, 19 mai 1902, p. 2).

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 18

19.  Paolo   Lanzini   (Bergame,   1868   –   Porto   Alegre,   19??),   compositeur   italien,   fut
directeur de la Compagnia sociale di operette. Il mit en musique des opérettes à succès,
dont   Don Pedro del Medina  en   1892,   et   voyagea   beaucoup,   dirigeant   et   composant
(Dell’Orto 2012, 118). Dans les années 1890, il se rendit souvent au Brésil.
20. Dans l’opérette, la « soubrette » (en français dans le texte) est, comme Clara Weiss,
une soprano à la voix claire et légère. (NdT)
21. Musicien napolitain basé à Buenos Aires, Antonio Marranti (1881-1959) a dirigé, au
début du XXe siècle, une compagnie lyrique qui portait son nom et avec laquelle il a
effectué des tournées dans plusieurs villes (Cetrangolo 2018).
22. La Patria degli italiani, 30 septembre 1917, p. 5.
23. Correio paulistano, 26 juillet 1919, p. 3.
24. O Furão, 13 mars 1920, p. 2.
25.  Le   périodique   italien   L’Opera Comica  (15   octobre   1920,   p. 1)   parle   d’elle   en   ces
termes : « piccola, minuta, ma venustissima » [petite, menue, mais infiniment populaire].
L’Arte Drammatica avait déjà déclaré que Weiss était « une artiste petite, petite, si petite,
mais tellement, tellement gracieuse (carina), qui a une belle voix, chante bien et récite
détestablement » (18 janvier 1913, fasc. 11, p. 7).
26. Les conventions théâtrales qui permettaient aux  comédiennes dramatiques « de
contourner   certaines   contraintes   physiques,   sociales   et   de   genre »   (Pontes   2009)
n’avaient pas la même validité dans le théâtre d’opérette qui exigeait de ses vedettes
non seulement la capacité de jouer, de réciter et de chanter, mais aussi d’être agréable
à regarder selon les canons de beauté en vigueur. Ceux-ci comprenaient non seulement
certaines caractéristiques et proportions physiques, mais aussi la jeunesse, ce qui, dans
certains cas, pouvait compenser l’absence d’autres attributs. Ceci explique peut-être la
courte carrière des actrices d’opérette, comparée, par exemple, à celle des chanteuses
d’opéra. 
27. Diário Oficial do Estado de São Paulo, 5 juin 1929, p. 5 216 (révocation de mandat).
28. Id., ibid.
29. Id., ibid.
30. Arquivo Público do Estado de São Paulo, Fundo Secretaria da Segurança Pública,
Delegacia Especializada em Ordem Política e Social, Vigilância de Estrangeiros, Cartões
de imigração, Cx-C09, 1938-1980.
31. Bien que São Paulo possédât déjà un opéra au milieu du XVIII e siècle et, qu’au XIX e
siècle, il disposât de deux théâtres qui proposaient des spectacles professionnels avec
une   certaine   régularité   (Azevedo   2004),   ce   n’est   qu’avec   l’apparition,   en   1907,   des
premières salles de cinéma fixes – dont beaucoup disposaient d’une scène et d’une fosse
d’orchestre pour les spectacles – qu’un réseau de salles de théâtre fut disponible dans la
ville. C’était un ensemble de salles articulées entre elles, qu’elles appartiennent à la
même entreprise ou qu’elles partagent une même programmation. À propos des ciné-
théâtres paulistes, voir Souza (2016) ; à propos du mouvement théâtral pauliste après la
Première Guerre mondiale, voir Bessa (2012).
32. Troupes de théâtre ambulantes, peu argentées, composées de comédiens amateurs,
parcourant l’intérieur du Brésil (NdT).
33. Bien qu’elle ait été une destination importante pour l’émigration italienne entre les
dernières décennies du XIXe siècle et le début du XX e, New York n’a pas accueilli les

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 19

compagnies italiennes d’opérette aussi fréquemment que Buenos Aires ou São Paulo.
C’est ce que révèle la presse spécialisée dans ce genre, qui a rarement annoncé des
tournées aux États-Unis. On ne voit pas non plus s’établir de circuit d’opérettes au
niveau   hémisphérique   entre   les   deux   sous-continents   américains,   les   rares   troupes
italiennes qui se sont installées à New York, comme la Migliaccio, n’ayant jamais joué
en Amérique du Sud, et vice versa.
34. C’est ainsi que le chroniqueur de théâtre Carlos da Maia décrivit la saison de La
Variatissima, composée d’anciens membres des compagnies Città di Milano, Vitale et
Caramba, à Santos (A Gazeta, 6 juillet 1921, p. 1).
35. Liste de passagers du bateau à vapeur Itaperuna, avec lequel la compagnie a voyagé
de Rio de Janeiro à Santos, où elle a accosté le 9 mai 1919. Arquivo Público do Estado de
São Paulo ; Acervo Digital do Museu da Imigração do Estado de São Paulo. Disponible
sur :  http://www.inci.org.br/acervodigital/upload/listas/BR_APESP_MI_LP_009998.pdf
(consulté le 29 novembre. 2022).
36. L’Opera Comica, 15 janvier 1922, p. 2-3.
37. L’Opera Comica, 1er août 1922, p. 2.
38. À l’origine, la Liga faisait partie de la Confédération nationale des travailleurs du
théâtre, officiellement apolitique, mais d’orientation socialiste dans la pratique. Avec
l’arrivée   au   pouvoir   de   Mussolini,   en   1922,   de   nombreux   syndicats   italiens   furent
réorganisés dans la perspective de l’État fasciste. Ils furent regroupés en corporations,
par branches d’activité (Industrie, Commerce, Agriculture, etc.), dans ce qu’on appela
des corporations syndicales. Outre le Syndicat des artistes de l’opérette, la Corporation
nationale   du   théâtre   regroupait   aussi   l’Association   des   capocomici  de   l’opérette,   la
Société des auteurs, l’Association des propriétaires de théâtres, le Syndicat des artistes
dramatiques, etc. (Pedullà 2009).
39.  La   syndicalisation   des   artistes   est   attestée   par   la   consultation   du   bulletin   du
syndicat, qui publiait des nouvelles de ses adhérents et notait leurs noms sur les listes
comptables des cotisations annuelles.
40. Jornal Pequeno, Recife, 10 octobre 1923, p. 2.
41. Italo Bertini (Rome 1882 – São Paulo 1950) connut un grand succès en Amérique du
Sud   à   la   fin   des   années   1910   durant   lesquelles   il   figurait   à   la   distribution   de   la
compagnie Ettore Vitale, ainsi qu’au début des années 1920 lorsqu’il commença à faire
des tournées sur le continent partageant la vedette avec la soubrette Pina Gioana. Après
avoir passé des années en Italie, il retourna en Amérique du Sud en 1937. On ne connaît
pas   exactement   ses   liens   avec   les   mouvements   antifascistes   de   l’époque,   mais   son
dossier à la police politique du gouvernement de Mussolini, ouvert huit mois après son
émigration en Amérique du Sud, précise que l’artiste « a toujours mené une campagne
antifasciste farouche, donnant même des interviews à des journalistes, disant du mal de
notre régime ». (Archives centrales de l’État, Fonds du ministère de l’Intérieur, Division
Police politique, Personnel, dossier Italo Bertini).
42. L’Argante Operettistico, 1er octobre 1926, p. 3. Le bulletin fait référence à la Galleria
Vittorio Emanuele II, une galerie commerçante du centre de Milan, où se promenaient
les oisifs.
43. Id., ibid.
44. À la fin des années 1920, la Sociedade de Concertos Sinfônicos fut prise dans le
différend entre son président, le chef d’orchestre et compositeur Armando Belardi, et le

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 20

nationaliste   Mário   de   Andrade.   Sur   la   corrélation   entre   ce   conflit,   le   mouvement


théâtral pauliste et la forte présence immigrée à São Paulo, voir Bessa (2020).
45. L’Argante Operettistico, 1er septembre 1925, fasc. 13, p. 3.
46. L’Argante Operettistico, 16 septembre 1925, fasc. 14, p. 2.
47. XXIX Riunione della sottocommissione per il disciplinamento dell’Arte Drammatica
e dell’Operetta. L’Arte Drammatica, 19 septembre 1925, p. 1.
48. Id., ibid.
49. Archivio Centrale dello Stato di Roma, Fondo Ministero della Pubblica Istruzione,
Divisione Generale Antichità e Belle Arti, - Div. III (1927-1929), busta 137, Circolare del
Ministero degli Affari Esteri n° 18 del 4 marzo 1925.
50. Id., ibid. 
51. Id., ibid.
52. Des documents de l’Archivo Centrale dello Stato di Roma (Fondo Ministero della
Pubblica Istruzione, Div. Gen. Antichità e Belle Arte, Div. III (1927-1929), busta 137,
Compagnie italiane all’estero), montrent qu’au-delà des capitales d’Amérique du Sud
(São Paulo, Rio de Janeiro, Buenos Aires, Montevideo), les tournées des compagnies
d’opérettes   italiennes   avaient   comme   destination   des   villes   d’Europe   (plus
particulièrement Madrid, Barcelone, Porto et Lisbonne), d’Afrique (Tripoli, Alexandrie,
Port-Saïd, Le Caire) et d’Asie (Manille).
53. Folha da Manhã, 21 octobre 1925, p. 7.
54. Rappelons qu’en 1942, lors de son entrée dans la Seconde Guerre mondiale pour
combattre   les   forces   de   l’Axe,   le   gouvernement   brésilien   avait   interdit   les
représentations en italien. Entre 1942 et 1945, la disparition des compagnies chantant
en italien découle également de cette interdiction. Elles n’ont rejoué qu’en 1946.
55. Correio Paulistano, 6 août 1936, p. 9.
56. J’ai analysé le changement de positionnement du moderniste à l’égard du théâtre
musical pendant la transition des années 1920 aux années 1930 dans un autre article
(Bessa 2020).

RÉSUMÉS
Entre   la   dernière   décennie   du   XIXe  siècle   et   les   premières   du   XX e,   un   grand   nombre   de
compagnies d’opérettes italiennes ont traversé l’Atlantique afin d’exploiter le marché théâtral
sud-américain, formé en grande partie par un public immigré. Au cours de ces tournées, de
nombreux artistes ont fini par s’installer dans le Nouveau Monde. C’est le cas de Clara Weiss, une
comédienne-chanteuse italienne devenue capocomica (directrice de troupe) en Amérique du Sud
qui, tout en restant étroitement liée au monde de l’opérette italienne, a établi un pont entre les
deux univers.

Entre a última década do século XIX e as primeiras do XX, um grande número companhias de
opereta italianas cruzaram o Atlântico para explorar o mercado teatral sul-americano, formado

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« Italiana nell’arte, americana negli affari » : Clara Weiss et l’i... 21

em grande parte por um público imigrante. Nessas excursões, muitos artistas acabaram por se
fixar no Novo Mundo. É o caso de Clara Weiss, atriz-cantora italiana que se tornou capocômica na
América   do   Sul,   mas   permaneceu   estreitamente   vinculada   ao   mundo   operetístico   italiano,
estabelecendo uma ponte entre os dois universos.

Between the last decade of the 19th century and the first ones of the 20 th century, a large number
of Italian operetta companies crossed the Atlantic to explore the South American theatre market,
formed largely by an immigrant audience. On these tours, many artists ended up settling in the
New World. This was the case for Clara Weiss, an Italian actress-singer who became capocomica in
South America, but remained closely linked to the Italian operettistic world, establishing a bridge
between the two universes.

INDEX
Mots-clés : Clara Weiss, opérette, Italie, Amérique du Sud, immigration italienne, Brésil,
Argentine, Uruguay, XIXe siècle, XXe siècle
Keywords : Clara Weiss, operetta, Italy, South America, Italian immigration, Brazil, Argentina,
Uruguay, 19th century, 20th century
Palavras-chave : Clara Weiss, opereta, Itália, América do Sul, imigração italiana, Brasil,
Argentina, Uruguay, século XIX, século XX

AUTEURS
VIRGÍNIA DE ALMEIDA BESSA 
Virgínia de Almeida Bessa est enseignante associée à l’Institut d’Arts de l’Université de l’État de
São Paulo à Campinas (IA-Unicamp) et membre de l’axe de recherche Littérature, humanisme et
cosmopolitisme du Centre d’études globales de l’Université ouverte de Lisbonne.
ORCID : https://orcid.org/0000-0002-5439-9972.

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