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Variations françaises sur les Mille et Une Nuits : quelles versions pour quels
effets ? sous la direction de Aboubakr Chraïbi et Ilaria Vitali

Book · November 2015

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69
Autunno 2015
Anno XXXV

Variations françaises sur les Mille et Une Nuits :


quelles versions pour quels effets ?
sous la direction de
Aboubakr Chraïbi et Ilaria Vitali
Sommaire / Indice p.

ABOUBAKR CHRAïBI, ILARIA VITALI, Les Mille et Une Nuits : variations françaises 3
ABDELFATTAH KILITO, Les Nuits et le Fataliste . . . . . . . . . . 15
JEAN-PAUL SERMAIN, Galland et les Mille et Une Nuits : un mythe, un
trésor, un genre, un texte . . . . . . . . . . . . . . . 21
RICHARD VAN LEEUWEN, Religion and oriental tales in the 18th century : the
emergence of the fantastic genre . . . . . . . . . . . . . 35
RAYMONDE ROBERT, La mise en scène du mal et des pouvoirs démoniaques
dans deux récits orientaux de la fin du XVIIIe siècle : Vathek et ses
épisodes (Beckford), Histoire de Maugraby (Cazotte) . . . . . 57
SVETLANA PANYUTA, Les Mille et Une Nuits et la deuxième vague des contes
des fées à la mode au XVIIIe siècle : le cas de l’abbé Voisenon . . . . 73
DOMINIQUE JULLIEN, Vautrin génie balzacien . . . . . . . . . . 83
ÉVANGHÉLIA STEAD, Joseph-Charles Mardrus : les riches heures d’un livre-
monument . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
ILARIA VITALI, « Traduire les spectacles du livre » : des Mille et Une Nuits
de Joseph-Charles Mardrus à Shéhérazade des Ballets russes . . 127
MARIE MOSSÉ, Sultans mélancoliques de Pierre Loti : Les Mille et Une Nuits
au chevet de « l’homme malade de l’Europe » ? . . . . . . . . 145
ANNA ZOPPELLARI, Shéhérazade veuve et symboliste : les réécritures d’Henri de
Régnier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
CYRILLE FRANÇOIS, Un « coup de baguette magique » : le mythe de
Shéhérazade par Jules Supervielle . . . . . . . . . . . . 169
ISABELLE BERNARD, WAËL RABADI, Mille et Une Nuits Théâtre de Bertrand
Raynaud : une variation pour la scène contemporaine . . . . . 181
YVES OUALLET, La cinquième saison. Albucius, les Mille et Une Nuits du
monde romain . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
ISABELLE BERNARD, Une variation originale sur les Mille et Une Nuits :
Schéhérazade (1995) de Florence Miailhe . . . . . . . . . . 215
RACHID MENDJELI, Shéhérazade dans le cinéma français. « Une belle
infidèle » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
GEORGES A. BERTRAND, Les Nuits en images . . . . . . . . . . 245
ULRICH MARZOLPH, Iznogoud and the Thousand and One Nights . . . . 261

Pubblicato con il contributo del Dipartimento di Lingue,


Letterature e Culture Moderne (LILEC) dell’Università di Bologna,
dell’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco),
dell’Università Italo-Francese (UIF/UFI) e dell’Institut Français Italia
LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

ABOUBAKR CHRAïBI, ILARIA VITALI

Celui qui a introduit les Mille et Une Nuits en France, Antoine


Galland, est mort en 1715. Aujourd’hui, en 2015, nous continuons
à faire vivre son travail. Plusieurs manifestations scientifiques lui ont
été consacrées en Europe et notamment à Paris, à l’Institut National
des Langues et Civilisations Orientales (Inalco) et à l’Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, institutions dont il fut membre. Son
héritage est conséquent. C’est par exemple le « conte oriental » du
XVIIIe siècle, et des contes emblématiques et très célèbres comme
Aladdin et Ali Baba, qui sont le résultat d’une collaboration avec le
syrien Hannâ Diyâb et qui ont fait plusieurs fois le tour du monde,
marquant des générations de lecteurs, d’auteurs, d’artistes, de pen-
seurs. Le tricentenaire 1715-2015 nous offre en effet la possibilité
de continuer à réfléchir, avec une profondeur historique renouvelée,
à l’étonnante vitalité des Mille et Une Nuits dans les champs litté-
raire et artistique, en prolongeant les réflexions faites lors d’un col-
loque qui a eu lieu à l’Université de Bologne en septembre 2014,
co-organisé avec l’Inalco, dans le cadre d’une coopération scienti-
fique entre les deux établissements d’enseignement et de recherche.
Explorer les configurations possibles de la traduction, de la réé-
criture, de la variation sur les Nuits dans le domaine français a été
le point de départ de la conférence bolonaise, qui a réuni certains
des plus grands spécialistes dans le domaine. Même si le recueil de
contes appartient aujourd’hui au patrimoine universel, il existe deux
espaces culturels ou linguistiques privilégiés, l’un arabe, l’autre fran-
çais, qui entretiennent avec les Nuits, chacun à sa manière, un rap-
port exclusif. Les liens avec le monde arabe sont en effet millénaires.
Ils se manifestent dès le IXe siècle par des textes manuscrits, source
première du livre, et s’inscrivent dans un mouvement littéraire as-
sez original, une littérature médiane, fortement créative, tout à fait
compréhensible dans l’espace proche-oriental et méditerranéen pré-

~ 3 ~
ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

moderne. Du côté français, la relation relève, elle, d’une métamor-


phose vivifiante : l’introduction à partir de 1704 d’une œuvre nou-
velle dans l’espace occidental, d’un genre nouveau, en dépit du
terme « conte » qui la qualifie, qui apporte des récits spécifiques,
une œuvre inédite donc qui possède sa personnalité propre et qui
ne cessera dès lors de se mouvoir, de se transformer, de susciter en
langue française ou à partir du français une production littéraire et
artistique d’une grande richesse.
Côté arabe, le projet MSFIMA de l’Agence Nationale de la Re-
cherche (Les Mille et Une Nuits : Sources et Fonctions dans l’Islam
Médiéval Arabe) s’est achevé en 2015. Il a eu pour objectif, comme
l’indique son intitulé, de réunir les sources manuscrites des Nuits
répertoriées par des spécialistes (H. Zotenberg, D. B. Macdonald,
M. Mahdi, H. Grotzfeld), en les complétant par un long travail de
prospection des catalogues des grandes bibliothèques du monde, de
Damas et Rabat à Berlin et Londres. Plus d’une centaine de manus-
crits ont été inventoriés, classés et associés au courant littéraire qui
les a portés tout au long de l’histoire de la littérature arabe prémo-
derne, relevant notamment le rôle clé du ‘ajab, c’est-à-dire de l’éton-
nant, au sein d’une catégorie narrative médiane et non pas popu-
laire. Surprendre le lecteur est en effet l’objectif central des récits
en langue arabe de ce type dont les Nuits font partie.
Côté français, le but que nous nous proposons ici est différent
et à la fois complémentaire : à partir de la diversité des sources, il
s’agit de considérer quels ont été les usages que les écrivains et ar-
tistes français ont fait des Nuits dès le XVIIIe siècle jusqu’à l’ex-
trême contemporain. Bien que les Nuits soient étudiées de plus en
plus – et à raison ! – dans une perspective transnationale,1 il de-
meure que le domaine français a été affecté très tôt et en profon-
deur et mérite une attention spécifique.
La première traduction occidentale du recueil, comme il a été
dit, a eu lieu en France, par Antoine Galland, de 1704 à 1717,2 à
partir principalement d’un manuscrit syrien du XVe siècle. On doit
aussi à Galland, comme l’indique son journal (1708),3 l’intégration

1
Voir, par exemple, A. CHRAÏBI (dir.), Les Mille et Une Nuits en partage,
Arles, Actes Sud, 2004 ; U. MARZOLPH (dir.), The Arabian Nights in Transnational
Perspective, Detroit, Wayne State University, 2007.
2
A. GALLAND, Les Mille et Une Nuits [1704-1717], présentation, dossiers et
annexes par A. Chraïbi et J.-P. Sermain, Paris, Flammarion, « GF », 2004, 3 vol.
3
Le journal d’Antoine Galland (1646-1715). La période parisienne, édité par

~ 4 ~
LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

dans le recueil de plusieurs contes nouveaux rapportés par le sy-


rien Hannâ Diyâb. La traduction française de Galland connaît un
succès d’une grande ampleur, dès le premier volume, et déclenche
un véritable engouement qui a eu pour effet, entre autres, de dis-
tendre et d’élargir le corpus même du recueil : Cazotte propose une
Suite des Mille et une nuits en 1788 ;4 Caussin de Perceval d’autres
Suites aux Mille et une nuits en 1806 ;5 Loiseleur Deslongchamps
réédite la traduction de Galland en 1838, l’augmentant d’une ma-
tière inédite, pour en faire un autre succès européen ;6 Gautier pro-
pose en 1842 une Mille et deuxième nuit.7 Et indépendamment de
Galland, s’appuyant sur une nouvelle famille de manuscrits, d’autres
traductions françaises vont paraître, comme celle perdue de Joseph
de Hammer, écrite en français et traduite en allemand, puis retra-
duite partiellement de l’allemand vers le français par Trébutien en
1828.8 À la fin du XIXe siècle, le « flambeau » français des Nuits
passe au docteur Mardrus,9 qui élargit encore l’univers des Nuits par
des ajouts inattendus, puisant dans des recueils français de contes
arabes (Artin Pacha, Spitta-Bey) et hindoustanis (Garcin de Tassy).10
Sa version fin-de-siècle est encore un succès et sa richesse visuelle
invite à l’illustration. Rééditées chez Piazza entre 1926 et 1932, Les
Mille nuits et une nuit de Mardrus seront illustrées par Léon Car-
ré et ornementées par Racim Mohamed. Mardrus présentera lui-
même le film d’animation de la cinéaste allemande Lotte Reiniger
(Les Aventures du prince Achmed, 1926, Comédie des Champs-Ely-

F. Bauden, R. Waller avec la collaboration de M. Asolati, A. Chraïbi, E. Famerie,


Leuven, Peeters, vol. I (1708-1710), 2011, vol. II (1710-1711), 2012.
4
J. CAZOTTE, Suite des Mille et Une Nuits, éd. établie par R. ROBERT, Paris,
Champion, « Bibliothèque des Génies et des Fées », 2012.
5
J.-J.-A. CAUSSIN DE PERCEVAL, Continuation des Mille et Une Nuits, Paris, Le
Normant, 1806.
6
A. GALLAND, Les Mille et Une Nuits, édition de A. LOISELEUR DESLONGCHAMPS,
Paris, Desrez, 1838.
7
Voir E. STEAD, Contes de la Mille et deuxième nuit : Théophile Gautier, Edgar
Allan Poe, Nicolae Davidescu, Grenoble, Million, 2011.
8
G. S. TRÉBUTIEN, Contes inédits des Mille et Une Nuits, ‪Paris, Dondey-
Dupré, 1828.
9
J.-C. MARDRUS, Le livre des Mille Nuits et Une Nuit, traduction littérale et
complète, Paris, Éditions de la Revue blanche (tomes I à XI) et Fasquelle (tomes
XII à XVI), 1899-1904. Édition courante : Paris, Laffont, « Bouquins », 1980, 2
vol., présentation de M. Fumaroli.
10
Voir à ce sujet S. LARZUL, Les Traductions françaises des Mille et Une Nuits :
étude des versions Galland, Trébutien et Mardrus, Paris, L’Harmattan, 1996.

~ 5 ~
ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

sées). Deux autres traductions françaises paraissent au XXe siècle :


celle de René Khawam (1965-1967),11 qui supprime le découpage en
nuits, et celle d’Armel Guerne (1966-1967),12 qui s’inspire d’autres
traductions, notamment celles de Burton et de Lane. La sixième et
dernière traduction française du recueil est celle que Jamel Eddine
Bencheikh et André Miquel publient entre 2005 et 2006 pour la Bi-
bliothèque de la Pléiade :13 elle aussi enrichit encore le corpus des
Nuits avec des récits qui appartiennent bien au substrat arabe mais
inconnus jusque-là en langue française. Bref, les lecteurs des Nuits
du XVIIIe siècle ont lu un autre recueil que ceux du XIXe siècle,
qui ont eu accès aux « suites » et aux éditions augmentées et qui
ont lu encore autre chose que ceux du XXe ou du XXIe siècle, qui
auront eu accès, eux, en plus, à Mardrus ou à Bencheikh et Miquel :
le corpus français des Nuits et son évolution représentent une pro-
blématique particulièrement intéressante.
Parallèlement à l’évolution et à l’élargissement du corpus, les
usages des Nuits se sont également diversifiés. Des auteurs de toutes
origines ont choisi la langue française pour écrire des œuvres forte-
ment liées aux Nuits, comme Beckford, qui publie en 1782 un ro-
man gothique à thème orientaliste, Vathek,14 ou Jan Potocki, qui se
sert des Nuits comme modèle du Manuscrit trouvé à Saragosse.15 Au
début du XIXe siècle, le roman-feuilleton fera des contes enchâssés
et suspendus de Shéhérazade son modèle, repris entre autres par
Balzac, qui déclare vouloir écrire, avec la Comédie humaine, « les
Mille et Une Nuits de l’Occident ». Aujourd’hui, une véritable co-
horte de réécritures et d’adaptations de toutes sortes s’offre au lec-
teur/spectateur. Non seulement des livres, mais aussi des pièces,
des films, des comédies musicales, des ballets, des dessins et des
dessins animés.

11
R. KHAWAM, Les Mille et Une Nuits. Traduction nouvelle faite directement sur
les manuscrits, Paris, Albin Michel, 1965-1967, 4 vol. Nouvelle édition « entièrement
refondue », Paris, Phébus, 1986-1987, 4 vol.
12
A. GUERNE, Le livre des Mille et Une Nuits, Paris, Club français du livre,
1965-1967.
13
Les Mille et Une Nuits, éd. présentée, établie et traduite par J.-E. BENCHEIKH
et A. MIQUEL, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2005-2006, 3 vol.
14
W. BECKFORD, Vathek et ses épisodes, éd. établie par D. Girard, Paris, Corti,
2003.
15
Les deux versions, celle dite « de 1804 » et celle, plus achevée, dite « de
1810 », se trouvent dans J. POTOCKI, Manuscrit trouvé à Saragosse, éd. établie par
F. Rosset et D. Triaire, Paris, Corti, 2008.

~ 6 ~
LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

Si de nombreuses études ont déjà été consacrées à plusieurs as-


pects spécifiques, notamment le conte oriental au XVIIIe siècle,16
bien moins d’essais se penchent sur l’analyse organique de l’évolu-
tion de ces variations françaises dans le temps. Plusieurs lignes de
force traversent ce volume et sont interrogées par les auteurs : pri-
mo, la notion de source et d’usage, changeante selon les époques ;
secundo, la théorie et la pratique de la réécriture et de l’adaptation,
que chaque auteur décline à sa manière (cf. Kristeva et Genette) ;
tertio, l’impact de ces variations sur d’autres ouvrages et, plus en
général, sur le champ de l’imaginaire.
Le volume s’ouvre sur un hors-d’œuvre savoureux, signé Ab-
delfattah Kilito, qui met en résonance les Nuits et l’œuvre de Di-
derot. Ce ne sont pas Les bijoux indiscrets, maintes fois associés au
recueil oriental, qui attirent l’attention de l’écrivain et spécialiste,
mais Jacques le fataliste. Par une riche réflexion sur la mémoire et
l’oubli, Abdelfattah Kilito découvre un réseau d’étonnantes analo-
gies entre le récit-cadre des Nuits et le voyage de Jacques, héros, se-
lon l’auteur, d’un véritable road novel : « Avec Jacques le Fataliste,
il est possible de parler de road movie, plus exactement road novel,
un roman sur la route » (p. 16). L’interrogation des textes entre ré-
flexion critique et écriture créative, dont Kilito garde le secret, fait
surgir des pistes inédites à travers l’analyse de détails souvent né-
gligés et qui deviennent subitement visibles aux yeux du lecteur.
Bien entendu, tout prend sa source, ici, chez Galland, un mythe,
un trésor, un genre, un texte… C’est en ces termes que Jean-Paul
Sermain jette un regard expert sur la traduction française, tissant
un réseau de liens solides à l’échelle européenne d’abord : « il [Gal-
land] rattachait ainsi les Mille et Une Nuits à une tradition lettrée
de la nouvelle instaurée par le Décaméron de Boccace (vers 1350),
prolongée à la Renaissance avec des auteurs comme Bandello et
Marguerite de Navarre » (p. 22), pour ensuite donner à l’orienta-
liste toute sa dimension humaniste qui lui a permis « d’établir un
dialogue entre les deux mondes orientaux et occidentaux et de les
envisager dans des perspectives et selon des notions qui ont gardé
jusqu’à aujourd’hui leur pertinence (la responsabilité de l’individu,
l’esprit d’aventure, l’amour et la voix du peuple) » (p. 32).

16
L’ouvrage le plus récent à ce sujet est L’Orientale allégorie. Le conte oriental
au XVIIIe siècle en France (1704-1774) de J.-F. Perrin (Paris, Champion, 2015).
À celui-ci il faut ajouter les nombreuses études de Raymonde Robert, Jean-Paul
Sermain, Marie Louise Dufrenoy et Pierre Martino, entre autres.

~ 7 ~
ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

Mais il y a encore la religion, qui peut créer de terribles clivages,


mais aussi, curieusement, dans le domaine qui est le nôtre, en litté-
rature, faire jaillir l’étincelle d’un projet inédit, d’une belle et mons-
trueuse création. Ainsi Richard van Leeuwen analyse-t-il l’impact de
la traduction de Galland, des points de vue conjoints du religieux
et du littéraire, sur deux œuvres du XVIIIe siècle : Les aventures
d’Abdalla, de Jean-Paul Bignon (1712-1714) et la Suite des Mille et
une nuits, de Jacques Cazotte (1788-1989). En réalité, à travers ces
deux œuvres, qui se trouvent chacune à l’une des extrémités ou
presque du siècle, c’est l’ensemble du XVIIIe qui est concerné, avec
des observations proches de celles de Jean-Paul Sermain, et le relevé
d’un phénomène d’évolution, qui mêle religion et littérature : « It
rather shows a transition in Cazotte’s work, and perhaps in litera-
ture more generally, from the “true” Oriental story, represented by
Dom Chavis’ manuscript, to a rewritten Oriental story (“Simousta-
pha”, “Maugraby”), and finally to a kind of story in which the exo-
tic elements are made part of a psychological experience, an inner
experience rather than as an “external” adventure situated in the
Orient. This transition is shown still more clearly in Cazotte’s novel
Le diable amoureux, in which the Oriental exoticism is substituted
by an experience of occult forces, by a fractured vision of reality
which is considered characteristic of fantastic literature » (p. 49-50).
Pour Richard van Leeuwen, l’un des motifs les plus fréquents dans
cette évolution qui conduit au fantastique et le fonde, grâce au re-
ligieux, est le motif du rêve.
Poursuivons encore une fois avec la religion, qui est le champ
d’exercice par excellence du bien et du mal, et avec le travail de
Raymonde Robert sur les pouvoirs démoniaques dans deux récits
orientalisants de la fin du XVIIIe siècle : le Vathek de Beckford et,
de nouveau, de Cazotte, l’Histoire de Maugraby, dont il a été ques-
tion dans l’article précédent. Mais ici la perspective diffère, d’autant
plus que nous avons deux textes presque jumeaux et qui ont été
rarement étudiés comme tels. D’abord, une observation de fond de
Raymonde Robert : « les récits orientaux offrent un champ d’ana-
lyse exceptionnel aussi bien aux littéraires qu’aux historiens des
idées. Parce qu’ils sont libérés des codes et des normes qui pèsent
sur les genres traditionnels, ces récits jouissent d’une liberté et d’une
plasticité qui leur permettent d’aborder un sujet aussi fondamen-
tal et aussi inattendu que la relation de l’Homme à la Morale » (p.
69). De fait, cette relation à la Morale est si bien dévoyée et sou-

~ 8 ~
LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

mise à des impératifs esthétiques qu’elle fait de l’horreur un critère


du beau, du sublime plus exactement.
Parallèlement au conte orientalisant bien installé dans les enjeux
du genre, dans des variations très sérieuses voire tragiques, une veine
plus légère, plus plaisante, qui relève du pastiche, a également vu
le jour, comme le montre le travail de Svetlana Panyuta sur l’abbé
Voisenon. La palette des possibles narratifs au XVIIIe siècle s’en-
richit davantage. D’autant plus que l’on combine divers héritages.
Comme Svetlana Panyuta le souligne avec beaucoup de justesse :
« il ne s’agit pas ici d’un “pur” merveilleux oriental, puisque Voise-
non puise aussi dans le merveilleux français plus traditionnel et que
dans ses contes il est plutôt question d’une “fusion” de ces deux
types du merveilleux, de l’enrichissement de l’univers du conte de
fées » (p. 80).
La parodie va former dans le sillage de Voisenon son propre cou-
rant et se nuancer encore par l’introduction d’une « intention sati-
rique » ou bien d’une « dimension licencieuse », selon les termes
de l’auteur. Il est possible même, avec l’arrivée d’une littérature du
XIXe siècle et de nouvelles versions des Nuits, d’envisager désor-
mais la fresque sociale : ce sont des romanciers, poètes et nouvel-
listes alors, mais c’est aussi Honoré de Balzac (1799-1850). Et c’est
ce que nous allons découvrir avec Dominique Jullien et son « Vau-
trin génie balzacien ». Faut-il d’abord prendre au sérieux les réfé-
rences orientales de Balzac ? La réponse de Dominique Jullien à cet
égard est claire : «Balzac a cherché à se procurer diverses éditions
des contes, dont le recueil de Galland préfacé par Nodier en 1822,
la traduction de Trébutien, et d’autres, ainsi que les Mille et un jours
de Pétis de la Croix […] Les références orientales doivent donc
être prises au sérieux » (p. 83-84). Dominique Jullien va creuser sa-
vamment l’orientalisme balzacien, exhumant, selon ses termes « un
double réseau thématique qui prolonge le récit réaliste d’une ombre
surnaturelle : elles suggèrent soit une richesse et un luxe dignes du
conte, soit un fantasme de despotisme “asiatique”, qui s’exerce dans
le domaine social ou dans le domaine érotique » (ibid.).
Luxe et érotisme marqueront en effet de nombreux auteurs et
peintres du XIXe siècle et seront encore la marque de fabrique,
comme s’il avait été propulsé malgré lui dans cette direction, de
Joseph-Charles Mardrus et de sa traduction « fin de siècle » des
Nuits. Une nouvelle traduction donc, un nouvel objet d’abord et
surtout, comme l’exhibe avec finesse et érudition Evanghélia Stead
dans son « Joseph-Charles Mardrus : Les riches heures d’un livre-

~ 9 ~
ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

monument ». Le programme qu’elle s’est fixée est fourni avec moult


détails qui relèvent de l’orfèvrerie : « On se penchera sur la typo-
graphie, les textes préfaciels, l’ample appareil des dédicaces, les jus-
tifications de tirage, éléments marqués d’un imaginaire singulier, et
travaillés avec précision et passion. Et l’on remontera par moments
au manuscrit autographe qui a servi à l’impression, conservé à la
Bibliothèque nationale de France » (p. 106). Le résultat de ces in-
vestigations est à la hauteur de la masse d’énergie investie, dont le
lecteur pourra se délecter comme d’une œuvre d’art, dans sa maté-
rialité : « Une fiction de livre intégral, idéal, modèle absolu dans les
deux langues, qui comble toutes les attentes, et trace sa route entre
deux mondes comme un objet unique, parfait, complet » (p. 109).
Puisant à la même source, faisant mouvoir les acteurs, sublimant
les corps, remplissant l’espace de la musique de Rimski-Korsakov,
précisément à la manière de Mardrus, les Ballets russes prennent
le relais dans le travail d’Ilaria Vitali. Bien entendu, à l’instar de la
plupart des belles mises en scène, les mots et les objets les plus ex-
posés servent à dissimuler d’autres mots et d’autres objets moins
avouables, mais dont on soupçonne vaguement l’existence et que
seules l’intelligence et la lucidité de l’analyse érudite révèlent pro-
gressivement : « Le nom de Shéhérazade, figura in absentia, fonc-
tionne ici comme une sorte d’appât pour le public et suffit, à lui
seul, à évoquer les Nuits et à les installer sur la scène parisienne.
Mais, au lieu de mettre en exergue le pouvoir thaumaturgique tra-
ditionnellement associé aux contes de la Sultane, le ballet préfère
insister sur le caractère érotique, parfois morbide du recueil, que
le public français découvre alors à travers la traduction de Mar-
drus » (p. 132). La traduction fin de siècle et le ballet parisien ne
s’accordent pas sur tout, le premier tire par exemple vers le monde
arabe, le second vers la Perse, mais ils s’accordent tout de même
sur l’essentiel, pour peu que l’on accepte que le superflu, dans cer-
taines circonstances, le devienne aussi, car il s’agit à peine d’un ins-
tant de la vie des Nuits parmi d’autres et, selon les mots de l’au-
teure, d’une « lecture fille d’une époque, d’un esprit, et qui visait,
pour reprendre les mots de Borges, non pas à traduire le livre des
Nuits, mais “les spectacles du livre” » (p. 139).
Mais y-a-t-il spectacle plus impressionnant et plus dramatique
que celui fournit par l’Histoire, et plus précisément par l’entrée en
déliquescence d’une dynastie, la chute finale d’un empire ? Marie
Mossé opère en effet le lien entre une histoire politique en cours,
terriblement malheureuse, et les déboires du pouvoir dans le récit-

~ 10 ~
LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

cadre des Mille et Une Nuits, grâce à deux écrits remarquables de


Pierre Loti (1850-1923). Elle écrit : « Pierre Loti est le témoin, le
chroniqueur du lent et douloureux déclin subi par l’Empire ottoman
à la veille du XXe siècle – et il n’a de cesse de prendre la défense
de cet ordre ancien qu’il sent menacé » (p. 145). Nous allons suivre
Pierre Loti à travers Istanbul, dans sa vaine tentative, en somme, de
rattacher la réalité de ce qu’il vit aux rêveries des contes des Mille et
Une Nuits : « Comment en effet ne pas associer celui que l’on appelle
le “Sultan Rouge” – titre que Loti va décliner régulièrement dans les
Suprêmes Visions d’Orient – aux frères Schahriar et Schahzenan, cruel
Janus des Mille et Une Nuits ? » (ibid.). Si les deux frères sont bien
là, il leur manque assurément la conteuse géniale, Shéhérazade, celle
qui a pu au risque de sa vie sauver le peuple et le royaume, mais Shé-
hérazade peut-elle poursuivre son activité sans se mettre encore plus
en danger elle-même ? Peut-elle survivre à une nouvelle expérience ?
Dans son papier, Anna Zoppellari évoque les réécritures de Henri
de Régnier (1864-1936) qui « se distinguent par leur caractère à la
fois traditionnel et novateur, par leur capacité à relire le mythe de la
femme-narratrice, à le faire revivre et à le brouiller en mélangeant des
éléments différents suivant une logique complexe parfois contradic-
toire » (p. 159). Shéhérazade n’est plus maîtresse d’elle-même à partir
du moment non pas où elle est confronté à un homme, que ce soit
un père, un mari ou même un roi (tout cela n’est rien), mais à par-
tir du moment où lui manque le verbe, la parole. C’est là le drame,
dans le silence. Anna Zopellari, après avoir évoqué la Shéhérazade
de Théophile Gautier qui va mourir parce qu’elle « n’a plus d’idées
pour ses histoires », nous rappelle « que le motif du silence est fon-
damental dans l’œuvre de Régnier », un motif qui ne peut convenir
à la conteuse. Cependant, au fond, nous le savons bien, il s’agit d’un
artifice de la prise de parole, d’un subterfuge, car seul le silence peut
prendre en charge le silence, comme l’avait malicieusement souligné
au IXe siècle Jâhiz.17 Plutôt que le silence alors, il y a la posture d’au-
diteur, l’écoute est le complément indispensable à la parole, que l’on
peut dès lors sauver : « renouveler le motif décadent de crise de la
parole poétique par le recours au motif de la régénération de la ca-
pacité d’écouter » (p. 168).
L’article suivant, de Cyrille François, s’attache également à la mise
en scène de la parole de Shéhérazade, en prose, en poésie et au

17
AL-JÂHIZ, Rasâ’il, <al.waraq.net>, recherche sur « al-samt al-kalâm »,
consulté le 22 décembre 2015.

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ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

théâtre (une comédie), les trois textes étudiés étant de la plume de


Jules Supervielle (1907-1960). C’est dire la place que le personnage
phare des Nuits a pris chez cet auteur, comme le souligne Cyrille
François : « Ces trois réécritures sont centrées sur le personnage de
Shéhérazade, et semblent chercher dans sa parole un modèle de la
démarche poétique – au-delà, donc, du simple intérêt pour le sur-
naturel ». (p. 169) L’analyse menée conduit en effet vers d’autres
territoires que le merveilleux, l’érotique ou le démoniaque. Super-
vielle s’éloigne de la rhétorique flamboyante de Mardrus et se rap-
proche de l’humanisme discret de Galland. L’homme est à la re-
cherche de sagesse : « Les derniers vers en reviennent à la lecture
“sapientiale” des contes porteurs d’une expérience humaine dont il
faut tirer les enseignements » (p. 177).
Autre performance théâtrale, bien distincte de celle de Super-
vielle, mais qui montre, comme nous l’avons constaté à plusieurs
reprises, l’extraordinaire plasticité du personnage de la conteuse :
les « Mille et Une Nuits Théâtre » de Bertrand Raynaud. Isabelle
Bernard et Waël Rabadi nous proposent dans cet article à quatre
mains d’identifier trois éléments de l’œuvre de Bertrand Raynaud :
« d’abord son esthétique du tressage à la fois textuel et intertex-
tuel, ensuite sa thématique centrale, le féminin, et enfin sa dyna-
mique verbale ». (p. 182) Et à travers le mode d’expression de la
conteuse, c’est finalement le mode d’expression du théâtre et de la
scène que le dramaturge entend renouveler : « La variation de Ray-
naud sur les Mille et Une Nuits est d’abord une singulière et pas-
sionnante exploration […] du langage scénique » (p. 193).
Encore le langage, mais du côté de l’allusion, or rien n’est plus
difficile à traiter que l’allusion, et plus encore lorsque l’allusion ren-
voie, sans autres précision, vers les Mille et Une Nuits, c’est-à-dire
une nébuleuse, comme les désigne à juste titre Claude Bremond,18
composée des sources les plus diverses, d’éditions inédites, de tra-
ductions véritables et controuvées, d’adaptations, pour tous les lec-
teurs et tous les âges. Plus précisément, l’allusion qu’Yves Ouallet
va examiner avec une extrême attention a été faite par Pascal Qui-
gnard, qui rattache l’un de ses ouvrages situé à l’époque de César
aux Nuits, pourtant, comme Yves Ouallet le dit : « Il n’y a aucun
rapport apparent entre les Mille et Une Nuits et le petit livre que

18
C. BREMOND, A. CHRAÏBI, A. LARUE, M. SIRONVAL, « La nébuleuse du conte.
Essai sur les premiers contes de Galland », dans A. MIQUEL, Les dames de Bagdad.
Conte des Mille et Une Nuits, Paris, Desjonquères, 1991.

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LES MILLE ET UNE NUITS : VARIATIONS FRANÇAISES

Pascal Quignard fit paraître en 1990, consacré à un rhéteur romain


contemporain de César et d’Auguste, nommé Caius Albucius Si-
lus » (p. 199). L’article est très prometteur. L’enquête d’Yves Oual-
let va se révéler passionnante. Son postulat : « dans les Mille et Une
Nuits, l’essentiel est de traquer l’universel » (p. 200). À partir de
cet instant en effet, le mode d’expression n’est qu’un habit parmi
d’autres, une apparence à laquelle il ne faut pas se fier, car autant
se fier aux déguisements de Hârûn al-Rashîd.
Le mode d’expression qui permet de créer l’illusion parfaite
d’authenticité ou de vérité, voire simplement de familiarité avec
l’univers d’une fiction textuelle est le cinéma. C’est vers le ciné-
ma que les deux articles suivants nous entraînent. D’abord Isabelle
Bernard avec une analyse fouillée de Schéhérazade (1995), un court
métrage d’animation de Florence Miailhe sur un scénario de Marie
Despelechin. Sur le plan technique, Isabelle Bernard reconnaît le
tour de force derrière le court métrage, « fait main » par Florence
Miailhe, chaque image étant un dessin qui sera retouché pour for-
mer l’image suivante. Son analyse proprement dite décrira d’abord
« une œuvre éminemment féminine apte à redire certaines des re-
vendications féministes, ensuite explorera la technique picturale sin-
gulière de Miailhe et enfin retracera les liens entre l’œuvre filmique,
scénarisée par une romancière actuelle, et son puissant modèle lit-
téraire appréhendé d’après les traductions de Galland et, pour une
moindre part, de René Khawam » (p. 215). Elle relève, au bout,
un cinéma résolument féministe, sensuel, « orientaliste » et esthé-
tiquement réussi.
Le deuxième article sur le cinéma, de Rachid Mendjeli, traite
deux films français grands publics, plus exactement, il tente « une
approche des représentations du personnage de Shéhérazade
qu’offrent les versions de deux cinéastes français : la première, Shé-
hérazade (1962) du réalisateur Pierre Gaspart-Huit, et la seconde,
Les Mille et Une Nuits (1990) de Philippe de Broca » (p. 231). Les
deux films, en tant que documents « historiques » sur les usages
possibles des Mille et Une Nuits, sont assez fascinants. Notons sim-
plement ces deux éléments : le mélange avec le film de cape et
d’épée qui s’opère à travers un motif standard du genre : l’écharpe
bleue de la jeune femme (Shéhérazade) transportée par le vent du
désert vers l’élu de son cœur, désormais un chevalier de Charle-
magne naturellement ; puis, dans le film plus récent de Philippe de
Broca, la télévision qui supplante la lampe en tant qu’objet merveil-
leux capable de faire apparaître le génie, la télévision donc comme

~ 13 ~
ABOUBAKR CHRAÏBI, ILARIA VITALI

objet de rêve ou objet magique pourrait même finalement représen-


ter l’anti-Shéhérazade et mettre en échec le mythe. Au lecteur de
se faire une opinion.
Les deux derniers articles sont consacrés à l’image. Le titre exact
choisi par Georges Bertrand est « Les Nuits en images ». De grands
noms viennent étayer l’exposé : Gustave Doré qui fait des planches
pour un Sindbad le marin destiné aux jeunes lecteurs. Puis une évolution
est esquissée, qui concerne d’abord les différentes représentations de
Shéhérazade, dont il faut choisir de mettre en relief le corps ou l’esprit.
Une autre évolution sensible concerne la représentation des djinns et
des démons ailés, mais aussi la scène du crime, le contexte, le décor
oriental ou à l’oriental ne signifie pas nécessairement le monde arabe,
mais des éléments persans qui peuvent très bien provenir du musée
du Louvre. L’image reflète en effet un imaginaire parfois éloigné de
ses sources et rapproché de la culture du destinataire. Le dernier
article, s’il concerne lui aussi l’image, il lui adjoint le texte : nous nous
trouvons enfin dans l’univers de la bande dessinée. Ulrich Marzolph,
qui connaît parfaitement son sujet, a choisi les aventures d’Iznogoud,
le vizir qui rêve, qui espère, qui veut, qui exige devenir calife à la place
du calife, qui complote à cette fin sans succès du premier au dernier
album. L’idée de ce personnage très attachant remonte aux Vacances
du petit Nicolas (1962). Le premier album date de 1966 et le dernier,
le trentième, de 2015. Fort sagement, afin de garantir une bonne
unité à son corpus, Ulrich Marzolph a limité son propos aux treize
premiers volumes dont on doit le scénario à Goscinny. L’allusion et
le jeu de mot forment la matière première de cette analyse et ceux-ci
renvoient souvent vers les « usual suspects » des Nuits : Shéhérazade,
Aladdin, Ali Baba, Sindbad et d’une certaine manière, le calife Hârûn
al-Rashîd (dissimulé derrière Haroun El Poussah). En outre Ulrich
Marzolph est très attentif à la charge idéologique du texte dont les
créateurs, Tabary et Goscinny, avaient fait un objet ouvert sur le
monde : « an overambitious character who rather than belonging to
any specific historical or cultural context illustrates common human
vices and foibles » (p. 284). Le texte d’Ulrich Marzolph est tout à
fait réjouissant. Galland l’est aussi, Mardrus également. Au delà de
l’étude critique, de l’analyse érudite, cet aspect ressort nettement de
l’ensemble des articles. Il est donc naturel que ce volume se termine
ainsi.

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