Les editions "La Colombe" se tournent resolument vers les choses
de 1'esprit. Elles nous ont revele Simone Weil. Et a 1'instant, j je re?ois leur derniere publication 2, un livre ou se trouvent exposees avec minutie les idees de 1'un des plus profonds penseurs de notre epoque, grandi a 1'ombre des doctrines orientales, particulierement attache à I'[sot[risme ?oufi. Converti a 1' Islam, Rene Gu[non - devenu le cheikh "Abd el-Wahid Yahya - epouse une musul- mane d'Egypte, mene une vie simple, dans un quartier retire du Caire, etudie, medite et 6crit, usqu'a sa mort, survenue le 9 janvier 1951. Et "ce representant autorise d'une France secrete", selon un mot de l'dcrivain allemand Leopold Ziegler, cet occidental, ennemi d'un Occident qui n'a jamais connu la "metaphysique totale", cet orientaliste "du dedans", pour employer ses propres termes, repose maintenant dans une salle etroite et nue, sur une cote brulante d'al-Mukattam. Et autour de son humble retraite retentit encore cet aveu d'Andre Gide: "Que serait-il advenu de moi, si j'avais rencontre les livres de Rene Guenon au temps de ma jeunesse ? ... A present il est trop tard". Trop tard, car dans les livres de Guenon s'ecroulent les limites de 1'individu, au profit d'une resorption dans 1'Etre eternel. Et pour y aboutir, une veri- table initiation s'impose, dont le point de depart est le mepris des idoles de la pensee moderne. Un retour a la sagesse orientale, un abandon aux inalterables lumieres de 1'esprit. Depuis les "Auteurs arabes", chrestomathie au champ limite du reste, parue dans la collection des "Pages choisies des grands ecrivains" 3, nous n'avons pas, en fran?ais, un recueil de textes 1 I vol., 559 pages, Éditions "La Colombe",Paris, 1951. 2 Paul Sérant, René Guénon, 186 p., Paris, 1953. 3 Paris, 1924. Traducteurs: Machuel,de Sacy, de Meynard, de Slane, de Lagrange, etc. _ Une "Histoire de la littérature arabe des originesà la fin du XIVe sièclede J.-C." 220
arabes. Je ne neglige pas la "Petite anthologie" qui complete
1'excellente "Breve histoire de la litt6rature Arabe" de J.-M. A b d el-Jalil 1. Emile Dermenghem a depuis longtemps approche la source des v6rit6s arabes-musulmanes. Sa "Vie de Mahomet", intelligem- ment exploitee par M. H. Haykal2, date de 1929. Des plongees dans la litterature contemporaine l'ont mis en presence de certains problemes actuels 3. Tourn6 vers les arcanes de la vie interieure, il alla explorer au coeur du temoignage islamique cette zone sup6- rieure de l'etre, pour nous donner deux etudes: "L'Instant chez les mystiques et chez quelques poetes" 4 et "Abou Bakr Chibli, poete mystique bagdadien 5. Enfin, il dirigea les "melanges" intitules "L'Islam et 1'Occident" s, ou fut tente, non sans bonheur, l'approfondissement des valeurs permanentes de la civilisation musulmane. Ainsi outille, Dermenghem, vivant de surcroit a Alger, comme pour recevoir au vif les impressions de 1'horizon oriental, a voulu offrir au lecteur d'Occident une gerbe de tons arabes, fraiche et variee. Le geste nous semble non seulement bien venu mais encore profitable, car 1'oeuvre est menee avec gout et sincerite tout ensemble. S'attelant lui-meme a la traduction, Dermenghem a fait aussi appel aux travaux de traducteurs divers: de Sacy, de Tassy, de Meynard, Fagnan, puis Massignon, Wiet, P6r6s, Canard ... et des arabophones, tels que S. Bencheneb, B. Messikh, A. Faraj et H. Achour 7. Apres un certain nombre de sondages, je puis avancer que les textes recemment traduits temoignent du souci de bien faire. Je
est en cours d'impression;le tome I vient de paraître, édit. Adrien-Maisonneuve,Paris,
1952; R. Blachère en est l'auteur. Nous lui sommesredevables déjàd'une scrupuleuse traduction du Coran, 3 volumes, Paris (édit. G.-P. Maisonneuve),1947-1951. 1 Paris, 1940 (non 1947: communicationde l'auteur), p. 255-295. 2 Hay�tMuhammad,lère édit., Le Caire, 1935. 3 E. Dermenghem, État présent de la littérature arabe, in revue "Le Mois", Paris, 1938,LXXXVII, p. 177-191. 4 In revue .,Mesures", Paris, 1938, III, p. 105-124. 5 In "Annales de l'Institut d'études orientales", Alger, 1949-1950,VIII, p. 253-264. - Et avant: al-Hirrâlî, un çoufidu XIIIe siècle ..., ibid., 1948,VII, p. 39-53. 6 Edit. "Les Cahiers du Sud", Marseille1947. Cf. compte rendu de Fr. Taeschner in WI, N. S. I, 1951,Nr. 4, p. 305-306. 7 Que l'on me permette ces retouches personnelles:le poème "Jour et nuit", p. 442, est traduit par le poète lui-même.-À la page 446,ligne34,lire: les impromptus,au lieu de : des impromptus; à la page 448, ligne 16, lire : faute, au lieu de : fraude.
Peintres français contemporains: Eugène Delacroix, Corot, Eugène Fromentin, Henri Regnault, Isodore Pils, Julles Bastien Lepage, Meissonier, Paul Baudry, François Millet