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Il semble que par mesure de clarté, il faille déjà dégager deux formes possibles de cette vente :

– 1) Première forme de ce type de vente : "Combien, cette voiture ? – 5000 €. – Et si je vous paie en
plusieurs échéances, par exemple que je vous fais 10 chèques, un à toucher par mois sur une période
de 10 mois ? – Ce sera alors à 6000 €. – Eh bien je prends et paie en plusieurs échéances, en 10
chèques, un par mois."

– 2) Seconde forme de ce type de vente : "Combien, cette voiture ? – Si vous payez comptant, ce sera
5000 €, et si vous payez en plusieurs échéances, ce sera 6000 €. – Je prends, et on verra dans 2 jours
si je vous paie comptant ou en plusieurs échéances."

– Par contre, selon les écoles hanafite, malikite, shafi'ite et hanbalite (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, p.
3461), le principe motivant l'interdiction, dans le Hadîth qui va être cité, est que le prix à payer n'a
pas été fixé au moment de la conclusion de la vente. Dès lors, poursuivent les ulémas de ces écoles, si
les deux personnes se sont mises d'accord sur un prix (soit comptant, soit par échéances), le principe
motivant l'interdiction est absent, et la vente devient permise. Aussi, selon eux, la seconde forme
citée plus haut est certes interdite parce qu'un flou demeure dans la vente, mais la première est, elle,
permise, car elle ne renferme rien d'interdit.

La réponse de ces autres savants aux arguments de ceux qui l'interdisent :

1) Le Hadîth rapporté par at-Tirmidhî et disant : "Le Prophète a interdit deux ventes en une vente" ne
mentionne que l'interdiction, et pas le principe de cette interdiction, qui peut faire l'objet d'un ijtihâd.
Quant au second Hadîth, celui rapporté par Abû Dâoûd (n° 3431) et qui dit : "Celui qui a procédé à
deux ventes en une vente aura droit au plus faible des deux prix, sinon ce sera de l'intérêt", certes il
mentionne explicitement, comme principe motivant l'interdiction, la présence d'intérêt. Cependant,
l'authenticité de ce second Hadîth ne fait pas l'unanimité. En effet, si al-Albânî pense que ce Hadîth
est authentique, al-Mubârakpûrî souligne qu'il n'est rapporté, avec la mention du principe, que par
Muhammad ibn Amr ibn 'Alqama ibn Waqqâs, lequel transmetteur ne fait pas l'unanimité quant à sa
fiabilité ("wa qad takallama fîhi ghayr wâhid"). (Dhakarahû Ibn Hibban fi-th-thiqât wa qâl : "yukhti'".)
Al-Mubârakfûrî écrit : "Il apparaît que ce Hadîth rapporté avec cette mention [de la présence
d'intérêt] ne peut pas servir de fondement pour en déduire quelque chose. Wallâhu A'lam" (Tuhfat
ul-ahwadhî). Ne pouvant pas se fonder sur ce Hadîth pour établir si la vente à tempérament contient
de l'intérêt, peut-on se fonder pour cela sur le raisonnement par analogie (qiyâs) fait sur la base des
formes reconnues dans les sources de l'islam comme contenant de l'intérêt ? Non, disent ces ulémas,
car il ne s'agit pas de la même chose. En effet, dans les formes reconnues à l'unanimité par les
savants musulmans comme contenant de l'intérêt (riba-lqurûdh), l'augmentation de la somme à
payer est une pure contrepartie du délai : l'argent prêté par la Banque de Tombouctou fait face à
l'argent remboursé par Djuneïd, et la différence de la somme à payer entre l'argent prêté et l'argent
remboursé est une pure contrepartie du délai accordé. Par contre, dans la vente à tempérament,
l'acheteur ne remet pas l'argent en contrepartie de l'argent mais en contrepartie de la marchandise
qu'il achète, et l'augmentation de la somme d'argent qu'il paiera n'est donc pas une pure
contrepartie du délai. De même, dans le cas sus-cité de Zayd et de Bakr, la dette était fixée à 6000 €,
et c'est ensuite, parce que Bakr n'avait pas pu payer en fin d'échéance que Zayd avait augmenté la
somme de la dette : il s'agit donc bien, dans ce cas aussi, d'une augmentation qui est une pure
contrepartie du délai accordé. Or, ici, la somme à payer est fixée une fois pour toutes au moment de
la conclusion de l'affaire, et il n'y aura ensuite aucune possibilité de l'augmenter par la suite en cas de
non-paiement. La vente à tempérament – dans sa deuxième forme – reste donc licite car ne
contenant rien de contraire aux principes établis de l'islam. 2) Contrairement à ce qui a été dit, on
peut imaginer que la vente soit conclue avec un flou à propos de la formule qu'a choisie l'acheteur. En
effet, il se peut que les deux personnes concluent la vente mais que l'acheteur dise : "Je verrai dans
deux jours si je te paie le prix comptant ou si je te paie une des échéances." Dans le cas où ce flou
aurait été gardé, le vendeur n'aurait droit qu'à la plus faible des deux sommes, conformément à ce
que le Prophète a dit dans le Hadîth cité. - Et même à supposer qu'il soit effectivement peu probable
que "l'interdiction de deux ventes en une" ait comme principe le flou qui subsiste dans la vente, de
toute façon la formule "deux ventes en une" ne désigne pas à l'unanimité "la vente à tempérament"
(comme le pense alAlbânî). En effet, le Hadîth : "Le Prophète a interdit deux ventes en une vente" fait
l'objet en tout de 4 interprétations différentes chez les ulémas : – a) Il y a certes l'interprétation sur
laquelle s'est fondé al-Albânî, qui est celle de Simâk, anNassâ'ï, Ibn Hibbân, selon lesquels faire "deux
ventes en une", c'est bien dire : "Ce produit est à 10 pièces d'argent s'il est payé comptant, et à 20
pièces d'argent s'il est payé à crédit, avec échelonnement". At-Tirmidhî, citant cette interprétation, dit
qu'il s'agit de celle de "certains ulémas" (cf. Sunan ut-Tirmidhî). – b) Selon ash-Shâfi'î, ce Hadîth peut
également signifier autre chose : faire "deux ventes en une", ce peut être aussi dire : "Je te vends ma
maison pour tel prix à condition que tu me vendes ta monture pour tel prix". At-Tirmidhî a également
cité cette autre interprétation (cf. Sunan ut-Tirmidhî). c) Selon d'autres ulémas encore, faire "deux
ventes en une", c'est faire comme suit… D'abord on fait une vente à terme : "une pièce d'or contre
100 kilos de blé, livrables un mois plus tard". Puis, à la fin de l'échéance, ne pouvant pas livrer les 100
kilos de blé, on dit à la personne : "Revends-moi les 100 kilos de blé que je te dois, en échange de 200
kilos de blé que je te donnerai dans deux mois". C'est cela que le Hadîth sus-cité entend interdire
d'après ces ulémas (cf. Tuhfat ul-ahwadhî, al-Mubârakpûrî). d) Selon Ibn ul-Qayyim, faire "deux ventes
en une", c'est faire une double vente avec comme condition le retour au premier propriétaire et une
modification du prix : "Je te vends cette maison à 6000 crédit, à condition que tu me la revendes
ensuite à 5000 comptant". C'est donc l'équivalent d'une "bay' ul-'înah" (cf. Tah'dhîb Sunan Abî
Dâoûd). On voit bien qu'il serait précipité de dire des ulémas qui n'ont pas, à propos de la vente à
tempérament, le même avis que celui de al-Albânî, qu'ils ne suivent pas la Sunna du Prophète ! En
effet, on vient de voir que, au sein même de l'authenticité sunnite, il y a plusieurs interprétations de
la formule "deux ventes en une", et qu'il n'est donc pas certain qu'elle désigne absolument "la vente
à tempérament" (bay' bi-t-taqsît).

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