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PRÉFACE 9

du duc d'Orléans n'installèrent pas ce prince sur le trône


vacant, mais le conduisirent lui-même en prison, à deux
doigts de la guillotine. Il laissa inachevé un traité sur
V Education des femmes, esquissa à peine l'idée d'un second
roman. AValmy, il joua un rôle important, mais en cou-
lisse; ses expériences sur le boulet creux » (l'obus) ne lui
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valurent pas la gloire, et il mourut à Tarente, général


obscur en dépit de la faveur de Bonaparte.
Mais il était l'auteur des Liaisons dangereuses. C'est à
cause de ce livre que Stendhal sous-lieutenant lui « fit
sa cour », dans la loge de l'État-Major, à la Scala de Milan.
Contre ce roman, le comte de Tilly, émigré, naguère
émule de Valmont, s'emporte « un de ces météores
:

désastreux qui ont apparu sous un ciel enflammé ->,

note-t-il en ses Mémoires. Non qu'un tel ouvrage fût


à son époque insolite : les Crébillon fils, les Dorât, et bien
d'autres, avaient multipUé les scènes de la vie libertine.
Mais il est vrai qu'au firmament du siècle nul astre ne
brilla d'un plus vif éclat de scandale.
On se récria contre les mœurs dépeintes en ce livre : elles
n'étaient que trop vraies. Laclos s'est-il inspiré, comme le
lui fait dire Tilly, de telle ou telle anecdote appartenant
à la chronique scandaleuse de Grenoble, où il fut en gar-
nison pendant six ans ? Il est certain, en tout cas, qu'il put
connaître autour de lui des épisodes plus ou moins ana-
logues à ceux de son roman. Il dénonçait un monde qui
ne le lui pardonna pas. Le scandale se répercutera jus-
qu'à nos jours, par l'adaptation cinématographique :

nous avons vu, dans le film de Vadim et Vailland, les


marquises et vicomtes de Laclos devenir actionnaires des
« Laminoirs de Moselle », des « Affréteurs réunis »,
et chargés de mission à l'O. N. U., sans pour autant chan-
ger de mœurs. Quiconque détaille ainsi les vices de
certaine " bonne société » doit s'attendre à des réactions
de colère : on l'accusera de se complaire dans l'immora-
lité.
Au fait, dessein de Laclos? Pervertir ses
quel était le
lecteurs par des peintures libertines ? Écrire le roman du
Mal ? Ou un roman de lutte des classes ?
Ce militaire romancier a un tour d'imagination galant.
Les exploits d'alcôve n'ont rien qui lui répugne. Tel livre,
tel homme? Après le scandale des Liaisons, il fera scan-
dale à La Rochelle en séduisant et engrossant Mlle Du-
perré, jeune fille de bonne famille. Mais l'analogie avec
Valmont s'arrête là non seulement Laclos refuse de
:

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