chef de fronde aristocratique, le prince de Conti. Dans
la la lutte des classes de l'Ancien Régime finissant, Parle- ments et haute noblesse sont du même côté; ou plutôt ils sont la même classe. Si Laclos a marié son héroïne
vertueuse à un président à mortier, c'est qu'il la voulait
prude, et que dans cette partie de l'aristocratie les mœurs étaient demeurées plus austères. On regrette de devoir accueillir avec scepticisme les déclarations d'intention de sa préface. Laclos s'y pose en auteur, non pas moral au sens de Baudelaire, mais moralisant à la manière de Rousseau. Son ouvrage pré- senterait l'utilité de prévenir les jeunes personnes du sexe, et les moins jeunes, contre les mauvaises fréquenta- tions. N'a-t-il pas en son temps obtenu l'approbation de deux évêques? Qui contestera que les méchants finissent par y être punis? Mais punition pour une part imputable au hasard, incomplète en outre en ce que, le livre refermé, on garde le souvenir séduisant de cette Merteuil, de ce Valmont, si supérieurs aux honnêtes gens du récit. Comment oublier que les lettres les plus étincelantes du recueil sortent de la plume de ces deux libertins ? En eux Laclos a mis toutes ses complaisances d'écri- vain. Sous le nom de ses autres personnages il pastiche la fausse ingénue, le jeune homme « sentimentaire », l'ecclésiastique, le laquais, la mère de jeune fille à marier, la vieille dame, la femme passionnée. Seule sa Merteuil, son Valmont écrivent de son encre avec eux il trace ces :
d'une ironie qui fait mouche sans y toucher. Il va jusqu'à leur prêter ses dons de mimétisme : comme lui ils excellent à pasticher les lettres des autres, de ces " espèces » qu'ils méprisent. N'aurait-il pas choisi comme protago- nistes des libertins parce que ceux-ci seulement pou- vaient s'exprimer en ce style qu'il aime? A l'origine de l'œuvre il y eut, chez ce capitaine bel esprit vivant parmi une humanité grossière de soldats et de pêcheurs, le plaisir de bien écrire, et celui d'entrelacer, serré comme un plan de feux, le réseau de ces lettres dont chacune porte coup. Ce Rousseau déteste le pathos. Ce qui lui disciple de tient à cœur, il en creux. On pourrait s'étonner le laisse qn'il écarte si complètement de son roman ce qui était force vive en la société de son temps ces bourgeois, :
« philosophes sans le savoir bons pères, bons citoyens.