Vous êtes sur la page 1sur 2

Exemple d'analyse d'une planche de BD

Je ne suis pas mort, Hiroshi Motomiya


M. Massard-Stang - 2012

Je vais présenter une analyse de deux planches extraites du manga. Je réalise l'analyse sans recourir à des
connaissances extérieures aux deux planches pour que vous voyez la richesse du travail des dessinateurs de manga et de
bandes dessinées en général. Je n'ai d'ailleurs pas encore eu le temps de lire ce manga.
Il faut d'abord faire attention au sens de lecture quand il s'agit d'un manga (cf. document joint). Ensuite, on
numérote les vignettes pour faciliter les renvois et on procède en deux temps : d'abord l'identification du cadrage, de
l'échelle, … ; ensuite, l'interprétation que l'on peut en tirer en justifiant avec des éléments concrets.

I) Première planche (correspond à la page de droite !)

V3 : plan moyen, en légère plongée pour souligner la douleur V1 : gros plan sur les doigts et l'aiguille.
et l'isolement du personnage. Focalisation sur le travail minutieux consistant à se percer soi-
Le lien entre les deux vignettes est établi par les même !
onomatopées : on note des onomatopées mimant la respiration
saccadée du personnage en plus de la reprise de la précédente
V2 : très gros plan (effet d'accentuation) qui permet de
onomatopée. Du sang coule.
souligner l'extrême difficulté et d'attirer l'attention sur la
douleur ressentie (cf. V3).
Une onomatopée vient mimer le bruit de l'aiguille transperçant
la peau.
V5 : très gros plan sur le fil et le chas de l'aiguille. V4 : gros plan sur le visage et la main tenant une sorte de fil
On souligne la difficulté consistant à rentrer le fil dans le chas (fibre végétale ?).
d'une aiguille. On peut percevoir la crispation du visage et distinguer des
gouttes de sueur, traduction de la douleur ressentie, mais
contenue du personnage.
V7 : le gros plan s'élargit un peu : on arrive à la fin de V6 : gros plan sur la blessure et le passage du fil dans le trou
l'opération, le plus dur est fait. On noue et on peut souffler un antérieurement percé dans la peau.
peu...

On voit qu'en ce qui concerne cette planche, le gros plan domine : l'opération nécessite de la minutie ; le lecteur
est souvent placé à la place du personnage (on pourrait parler de focalisation interne, sauf pour V3 et V4). Pas de
paroles, quelques onomatopées suffisent pour traduire la douleur, qu'il s'agit ici de contenir ; de toute façon, si le
personnage en est réduit à se recoudre lui-même, on peut en déduire qu'il est isolé, crier ne servirait donc à rien, si ce n'est
à gaspiller de l'énergie.
En ce qui concerne la taille des vignettes :
– V1, V2 et V5 sont de tailles identiques, relativement petites, mais il s'agit de traduire une focalisation sur un
travail minutieux ;
– V3 : il s'agit de la vignette la plus grande (elle équivaut à V1+V2), elle est plus haute que large ; ceci s'explique
d'abord par la plongée qui nécessite de la hauteur, on peut ensuite supposer que l'homme est adossé à un arbre (ce
qui nous sera confirmé par la planche suivante) d'où la concordance entre hauteur de l'image et hauteur du décor
(ici l'arbre) ;
– V4 est de même hauteur que V1, V2 et V5, mais elle est plus large : le personnage a besoin de recul pour réaliser
l'opération consistant à rentrer le fil dans le chas de l'aiguille, d'où l'augmentation en largeur ;
– enfin V6 et V7 sont de taille identique et séparent la dernière ligne de vignettes en deux ; stabilité du découpage
qui traduit le soulagement du personnage : l'opération s'est bien déroulée.
Exemple d'analyse d'une planche de BD
Je ne suis pas mort, Hiroshi Motomiya
M. Massard-Stang - 2012

II) Seconde planche (correspond à la page de gauche !)

V9 : gros plan sur le visage du personnage. V8 : plan moyen en forte plongée avec passage derrière le
La difficulté est perceptible avec la sueur et la crispation des personnage qui apparaît, coincé, contre le tronc (à gauche,
muscles. On notera l'alignement oreille-bouche-main et l'effet mais attention Manga!).
miroir : arrondi du front – arrondi du fil (parallélisme) Il est donc en situation de difficulté : le lecteur comprend qu'il
répète l'opération qui nous a été montrée en détail (cf. planche
précédente) pour recoudre toute la blessure (il n'avait réalisé
qu'un seul point lors de la planche précédente).
V11 : plan moyen (?) sur la lune. V10 : gros plan avec une forte plongée. Vignette très haute qui
Seule présence à qui se confier. Elle est d'ailleurs dans le accentue la plongée (on pourrait presque ne pas voir notre
prolongement de l'œil de V9. Toujours la solitude, le personnage). Difficulté et isolement.
personnage a d'ailleurs disparu. On peut noter qu'elle semble
prisonnière des arbres, comme notre personnage (métaphore),
qui apparaissent (effet de perspective ?) légèrement penchés et
qui semblent tomber sur elle (annonce de V13 ?) pour la
retenir (personnification).
V13 : plan moyen. Un tronc V12 : plan d'ensemble sur la
d'arbre sur la droite et des forêt recouvrant la montagne ;
feuilles apparaissent en insistance sur l'isolement.
ombre, signe d'une présence
malfaisante ?

En ce qui concerne les tailles des vignettes :


– le plus remarquable est évidemment V10, l'explication a déjà été donnée. On peut cependant ajouter que les trois
vignettes (V11, V12, V13) comprises dans l'espace dessinée par V10 voient disparaître le personnage et mettent
l'accent sur la nature.
– V8 et 9 présentent la même hauteur, mais V8 est plus large, sans doute cela traduit-il l'effort du personnage qui
s'appuie sur le tronc.
– V12 et V13 sont identiques, elles représentent toutes les deux la nature ; V11 reprend la largeur de ces deux
vignettes, la lune est donc mise en valeur (cf. possible confidente).

III) Remarque générale

Ces deux planches sont en noir et blanc, c'est caractéristique du manga. Ici, ce n'est absolument pas gênant,
puisque l'on comprend que l'on se situe, sinon en pleine nuit, du moins à la nuit tombante.
Peu de paroles, mais l'on voit ici que l'art de la mise en scène et du dessin suffisent à soutenir la narration.

Voici un exemple de lecture attentive de la bande dessinée qui vous permet de réutiliser le vocabulaire de l'analyse
de l'image et de créer des parallèles avec l'analyse littéraire (ici, l'effet de focalisation interne, la métaphore lune /
personnage, la personnification des arbres, …)

http://chroniques.bbactif.com/t256-19-shema-du-sens-de-lecture-d-un-manga

Vous aimerez peut-être aussi