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Classiques & Cie lycée • La Ferme des animaux • guide pédagogique

George Orwell,
La Ferme des animaux
GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Florian Pennanech

L’édition Classiques & Cie Lycée


 L’avant-texte…………………………………………………………………………………………………… 2

 Au fil du texte : « Des clés pour la lecture linéaire »……………………………… 2

 Le parcours « Contre-utopies et dystopies »…………………………………………… 2

 Le dossier Nouveau Bac…………………………………………………………………………………. 2

Exercices & sujets : les corrigés


 Des clés pour la lecture linéaire………………………………………………………………………… 3

 Les lectures d’images……………………………………………………………………………………………18

 Les sujets d’écrit et d’oral…………………………………………………………………………………..21

1 • Hatier © 2021
Classiques & Cie lycée • La Ferme des animaux • guide pédagogique

L’ÉDITION
Classiques & Cie Lycée
À l’occasion de la réforme du lycée et de la mise en place du Nouveau Bac
français, la collection Classiques & Cie a été entièrement repensée de manière
que chaque ouvrage offre aux enseignants une séquence complète sur l’œuvre
et le parcours associé, telle que définie dans les nouveaux programmes.
Cette édition de La Ferme des animaux comprend ainsi le texte du roman,
associé à une proposition de parcours « Contre-utopies et dystopies », ainsi qu’à
de nombreux autres enrichissements pédagogiques.
 L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte ? » et
« Pourquoi vous allez aimer ce récit », l’avant-texte permet d’amener l’élève
progressivement à la lecture du texte.
 Au fil du texte : « Des clés pour la lecture linéaire »
Soigneusement annoté, le texte du roman est enrichi, à intervalles réguliers, de
pages « Des clés pour la lecture linéaire », qui permettent d’interroger des
passages emblématiques de l’œuvre, selon les exigences de l’explication de texte
orale. Structuré en fonction de la progression du texte, le questionnaire comprend
une série de questions d’analyse littéraire, suivies d’une question de grammaire
et d’une proposition d’activité (écrit d’appropriation, approfondissement
documentaire, etc.). La plupart des questions sont associées à une aide
permettant à l’élève de travailler en autonomie.
 Un parcours « Contre-utopies et dystopies »
Ce parcours permet d’analyser, à travers plusieurs extraits de récits, la manière
dont la littérature invente des mondes idéaux ou terrifiants et de montrer
comment la fiction nourrit la réflexion politique, économique et sociale.
 Le dossier Nouveau Bac
Le dossier inclut des prolongements artistiques et culturels (adossés à un encart
photos), ainsi qu’une rubrique « Sujets de Bac » permettant de s’entraîner sur les
nouvelles épreuves du bac.
En annexe, des fiches de méthode sont proposées pour traiter les travaux
d’écriture ainsi que l’épreuve orale.

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EXERCICES & SUJETS


Les corrigés

Des clés pour la lecture linéaire

 Clés 1 ● Le discours de Major l’Ancien


Dans un discours éloquent, Major l’Ancien décrit la vie des animaux, misérable et
dépourvue de sens, et l’oppose à celle de l’homme, qui jouit de son existence sans
travailler. La dénonciation de cette injustice donnera lieu à la révolution au sein
de la ferme.

Le texte étape par étape


La vie des animaux (l. 81 à 101)
1. Comment Major l’Ancien se présente-t-il ?
Le discours de Major l’Ancien repose, sur le plan rhétorique, sur la construction
d’une certaine image de lui-même comme un être sage, ayant tiré de son
expérience un savoir qu’il ne prétend nullement imposer, mais simplement
partager. Le recours au pronom personnel « je » ancre le propos dans la réalité
empirique et non dans la théorie abstraite. Cet èthos (mot grec désignant le
caractère de l’orateur) s’oppose à la violence et au caractère hyperbolique du
propos qui va suivre.
2. Comment parvient-il à impliquer les autres animaux dans son discours ?
La récurrence du pronom « nous » permet d’intégrer l’auditoire au discours en
mettant tous les animaux à égalité. Cette fois Major fait appel à l’expérience des
autres et à leur émotion pour accentuer le pathétique de son propos (en termes
techniques, on dira qu’après une rhétorique fondée sur l’èthos, il passe à une
rhétorique fondée sur le pathos).
Cet élargissement de son cas personnel à la communauté des animaux permet
d’emporter l’adhésion des auditeurs et de jouer aussi bien sur le registre de la
rationalité (sagesse et expérience dans le premier paragraphe) que sur celui de
l’émotivité.
3. Comment Major l’Ancien rend-il son argumentation facilement compréhensible
pour ses auditeurs ?
La syntaxe de Major est destinée à rendre son propos extrêmement lisible. Les
procédés utilisés sont l’interrogation rhétorique (« Quelle est donc, camarades, la
nature de notre existence ? »), les formules lapidaires fondées sur un rythme

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ternaire (« nos vies sont brèves, laborieuses et misérables ») ou binaire (« le sens


de mots comme loisir ou bonheur », « misère et servitude ») et l’anaphore (« Il
n’est pas un animal… »).

Une autre vie possible (l. 102 à 118)


4. Comment Major l’Ancien donne-t-il de l’intensité dramatique à son discours ?
Major rend son discours dramatique d’abord en lui donnant l’allure d’un dialogue,
comme le montrent les deux premières phrases interrogatives auxquelles succède
le « non » catégorique, répété puis repris via la formule hyperbolique « mille fois
non ! ».
L’investissement affectif du locuteur dans son discours se manifeste dans la
multiplication des interrogations et exclamations (« Alors pourquoi poursuivons-
nous dans de telles conditions ? », « Elle tient en un mot, l’homme ! »), mais aussi
dans la présence de l’impératif final qui exhorte à l’action avec véhémence
(« Éliminez l’homme »). Le discours est ainsi saturé de modalités expressives,
qu’elles soient exclamatives, interrogatives ou jussives (injonctives).
5. Comment s’y prend-il pour convaincre ses auditeurs que l’homme est la cause
de tous les problèmes des animaux ?
Parmi les procédés rhétoriques les plus évidents, la répétition de « l’homme » en
fin de paragraphe permet d’apporter une explication aux absurdités évoquées
dans les phrases qui précèdent.
Ici encore, le discours prend les formes de la rationalité (« C’est là, camarades,
qu’est la réponse à tous nos problèmes. ») mais utilise des procédés oratoires qui
reposent sur un envoûtement de l’auditeur, plus attaché à la musique du discours
qu’au sens des mots. En termes techniques on observe d’abord une épiphore
(« Parce que la quasi-totalité de ce que nous produisons nous est volée par
l’homme. C’est là, camarades, qu’est la réponse à tous nos problèmes. Elle tient
en un mot, l’homme ! », « Éliminez l’homme ») et une anadiplose (« Elle tient en
un mot, l’homme ! L’homme est notre seul véritable ennemi »).

Le portrait de l’homme (l. 119 à 127)


6. De quelle manière Major l’Ancien souligne-t-il la souffrance causée par
l’homme ?
L’effet pathétique est créé par les accumulations, principalement dans deux
phrases produisant un effet de parallélisme : « Il ne donne pas de lait, il ne pond
pas d’œufs, il est trop faible pour tirer la charrue et il ne court pas assez vite pour
attraper un lapin. » et « C’est nous qui labourons, c’est nous qui fertilisons les sols
et il n’en est pas un parmi nous qui possède autre chose que la peau qu’il a sur les
os. »

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7. Comment l’absurdité du monde dans lequel vivent les animaux est-elle


exprimée ?
À l’accumulation des propositions négatives (« Il ne donne pas de lait, il ne pond
pas d’œufs, il est trop faible pour tirer la charrue et il ne court pas assez vite pour
attraper un lapin. ») répondent des phrases affirmatives (« Il est pourtant le maître
de tous les animaux. Il les oblige à travailler et ne leur donne en échange que le
minimum vital pour qu’ils ne meurent pas de faim. Le reste, il le garde pour lui »).
De même, à « c’est nous qui labourons, c’est nous qui fertilisons les sols » répond
« et il n’en est pas un parmi nous qui possède autre chose que la peau qu’il a sur
les os ». Ici encore, la rhétorique du discours repose sur le contraste entre les
éléments énumérés (l’improductivité de l’homme, la productivité de l’animal) et
la conclusion qui souligne cruellement la condition animale, faite de travail
acharné et de misère irréductible.

Conclusion
8. En quoi Major l’Ancien apparaît-il comme un orateur maîtrisant la rhétorique ?
Le mélange entre mise en scène de soi et implication d’autrui, les jeux sur les
rythmes, parallélismes et répétitions, la désignation d’un ennemi unique qui
permet de donner une explication universelle, tous ces procédés démontrent une
remarquable maîtrise de la rhétorique.
Orwell veut-il montrer que Major manipule la foule, ou bien au contraire prête-t-
il à l’animal sa propre verve pour exprimer ses convictions profondes ? Il est
difficile de trancher, surtout si l’on considère que Major est une figure de Marx
voire de Lénine, et qu’Orwell vise ici le stalinisme, corruption à ses yeux des idéaux
marxistes-léninistes. La présence de la rhétorique est donc ici ambivalente.
9. En quoi est-il aussi susceptible de toucher le lecteur ou la lectrice ?
La peinture pathétique du sort des animaux peut toucher le lecteur ou la lectrice
soit en suscitant de l’empathie pour les animaux réels, soit en l’amenant à décoder
l’allégorie et à l’appliquer aux êtres humains. Ces deux niveaux de lecture ne sont
pas incompatibles : on peut être sensible à l’exploitation animale et à
l’exploitation humaine. Ici encore le texte joue avec des niveaux de sens multiples.

La question de grammaire
10. Analysez la troisième phrase (l. 83 à 86) en identifiant les propositions
subordonnées.
• « qu’il me reste de longs mois à vivre auprès de vous » : subordonnée
conjonctive, COD du verbe « penser » ;
• « qu’il est de mon devoir de vous transmettre un peu de la sagesse que j’ai pu
acquérir » : subordonnée conjonctive, COD du verbe « croire » ;

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• « que j’ai pu acquérir » : subordonnée relative, épithète du nom « sagesse » (le


pronom « que » est COD du verbe « acquérir »).

 Clés 2 ● La libération des animaux


Ce n’est finalement pas en suivant un plan concerté et établi d’après les discours
de Major l’Ancien que les animaux se révoltent, mais par hasard, alors que le
fermier M. Jones a oublié de les nourrir. La scène qui raconte l’expulsion de
M. Jones, de ses quatre employés et de sa femme se déroule ainsi de façon aussi
rapide qu’imprévisible.

Le texte étape par étape


La révolte des animaux (l. 95 à 124)
1. Comment le récit montre-t-il la soudaineté et la brièveté de la révolte ?
Le récit se caractérise par la succession d’énoncés brefs, marqués par la rareté des
connecteurs, ce qui montre que la révolte n’a pas été préparée mais est le fruit
d’un concours de circonstances : « Ils ne purent finalement le supporter
davantage. L’une des vaches défonça d’un coup de corne la porte de la remise.
Bientôt, tous les animaux se servaient dans les coffres à récoltes. » La simplicité
du style d’Orwell est ici mise au service d’un récit vif, mimant les soubresauts
imprévisibles de l’Histoire.
2. Comment les humains sont-ils ridiculisés dans cette scène ?
La satire des humains passe par la mise en scène du fermier fainéant et de ses
hommes, qui habituellement maîtrisent la situation et dominent les animaux, et
se retrouvent ici à fuir piteusement sous l’effet d’une « peur bleue ». Le
renversement des rôles se poursuit lorsque le groupe d’hommes (qui ne sont plus
individualisés mais évoqués comme un troupeau d’animaux) est poursuivi par les
animaux de la ferme.

Un monde débarrassé des êtres humains (l. 125 à 134)


3. Comment Mme Jones est-elle à son tour présentée de façon satirique ?
La satire des humains se poursuit avec Mme Jones dont la réaction est elle aussi
exprimée par des propositions brèves qui se succèdent rapidement :
« Mme Jones, qui avait observé par la fenêtre de la chambre ce qui se passait, jeta
quelques affaires dans un sac de toile et s’éclipsa en empruntant des chemins
détournés. » La manière dont ses actions sont décrites et l’image du corbeau qui
la suit produisent un effet de mécanisation comique (en effet, la présence du
corbeau suggère un dédoublement, qui prive Mme Jones de toute individualité et
la réduit à une suite de réactions, comme une machine).

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4. Quelle image de la révolution est donnée ici ?


L’affrontement entre les hommes et les animaux est narré de façon très rapide,
pour que le lecteur ou la lectrice ait l’impression d’une succession d’actions un peu
confuses. Finalement le récit insiste surtout sur le résultat : « ils avaient mené la
rébellion à son terme. Jones était expulsé, la ferme du manoir était à eux », créant
un effet de précipitation.

Les premières actions (l. 135 à 149)


5. En quoi les premières actions des animaux après la révolte sont-elles
symboliques ?
Les actions des animaux s’attachent d’abord aux objets symbolisant l’exploitation
animale : « Les mors, les mouchettes, les laisses, le couteau […] les rênes, les
licous, les œillères, la muselière […] les fouets […] les rubans ». L’énumération des
objets jetés au feu permet de montrer d’emblée l’importance qui ne va faire que
croître de la dimension symbolique de cette révolution, qui ne mettra pas fin
réellement à l’exploitation animale, mais uniquement à ses symboles.
6. Pourquoi peut-on dire que le texte nous donne le point de vue des animaux ?
L’évocation de cet autodafé passe par le recours à des adjectifs à la dimension
pathétique permettant d’épouser le point de vue animal : « le couteau cruel », « la
muselière humiliante ». Les outils sont chargés par métonymie de caractéristiques
morales propres aux humains, ce qui renvoie à la façon dont les animaux les
perçoivent.

Conclusion
7. En quoi l’auteur cherche-t-il à faire approuver la révolte par le lecteur ou la
lectrice ?
Le lecteur ou la lectrice s’identifie difficilement aux personnages humains, qui sont
animalisés ou mécanisés ; à l’inverse ce sont les animaux qui sont humanisés, et
tout est fait pour susciter l’empathie. Ce renversement des attributs des humains
et des animaux vise à susciter l’adhésion du lecteur ou de la lectrice.

8. Dans quelle mesure cependant cette révolte paraît-elle l’effet du hasard et non
de la volonté des animaux ?
Le récit présente un certain arbitraire : l’effacement des causes et motivations
prive la révolution d’intelligibilité.

La question de grammaire
9. Étudiez les temps des verbes dans les trois premières phrases (l. 95 à 99).
« vint », « se rendit », « fit », « fut » : passé simple/« tombait » : imparfait

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Il s’agit des temps traditionnels du récit, permettant de raconter des actions


successives pour le passé simple et d’indiquer un état de fait pour l’imparfait (cf.
Delphine Denis et Anne Sancier-Château, Grammaire du français : « L’imparfait,
opposé au passé simple, permet de présenter les circonstances, le décor, la toile
de fond sur lesquels vont se détacher les événements principaux relatés au passé
simple »).

 Clés 3 ● La bataille de l’Étable


Alors que tout semble aller pour le mieux à la ferme des animaux, les fermiers
alentour s’inquiètent à l’idée que les aspirations révolutionnaires se répandent.
C’est pourquoi le fermier Jones, épaulé par ses voisins Pilkington et Frederick,
décide de venir récupérer la ferme.

Le texte étape par étape


Le tableau de la bataille (l. 70 à 102)
1. Montrez que le texte commence par un tableau d’ensemble évoquant un récit
épique.
La dimension épique apparaît d’emblée grâce à la référence aux batailles de Jules
César, qui inscrivent le passage dans le sillage de batailles antiques. On retrouve
des éléments typiques du style épique : l’allusion au nombre de combattants
(trente-cinq pigeons), l’évocation de multitudes indifférenciées (les pigeons, les
oies, les moutons).
Les deux phases de la riposte constituent ainsi deux grands tableaux où se
détachent des figures héroïques individualisées : Muriel, Benjamin et finalement
Boule de Neige qui dirige les opérations.
2. Comment le texte mêle-t-il à cette tonalité épique une dimension comique ?
À la noblesse et au grandiose qu’on associe habituellement à l’épopée s’opposent
les détails scatologiques (la fiente des pigeons) ou renvoyant à des activités peu
nobles (les sabots, les ruades). Traditionnellement, dans l’épopée antique et
médiévale, le héros chevauche une monture qui par sa prestance contribue à
l’héroïsation ; ici on insiste au contraire sur des comportements qui rappellent
plutôt l’animal des champs que l’animal guerrier.

Des personnages héroïques (l. 103 à 124)


3. Dans quelle mesure Boule de Neige est-il présenté comme un héros épique ?
Les caractéristiques traditionnelles du héros sont ici représentées : la ruse
(l’embuscade planifiée par Boule de Neige), le courage (« Boule de Neige lui-même
courut droit sur Jones »), la force (« Boule de Neige se jeta de tout son poids »).

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L’image du héros qui continue à se battre malgré ses blessures est aussi très
importante (pensons à Roland dans La Chanson de Roland qui continue à faire un
carnage alors qu’il se vide de son sang…).
4. Comment Boxeur fait-il à son tour l’objet d’une héroïsation par le récit ?
On note que Boxeur est comparé à un cheval, mais cette fois ce n’est pas un simple
baudet qui donne des ruades, c’est un « étalon », l’animal noble de l’épopée par
excellence. Le cheval est donc anobli par cette comparaison (« à la manière d’un
étalon »). On remarque aussi qu’il porte des « coups de sabots ferrés » : il a pour
ainsi dire revêtu l’armure d’un héros épique.
Le caractère valeureux de Boxeur s’exprime aussi bien par les superlatifs (« le plus
terrifiant des spectacles ») que par la mise en scène d’une efficacité immédiate
(« son premier coup percuta le crâne d’un garçon d’écurie de Foxwood et
l’expédia, inerte, dans la boue »).

La débâcle finale (l. 125 à 135)


5. En quoi l’attaque finale des animaux est-elle spectaculaire ?
L’effet de foule est obtenu par le recours aux tournures passives : « Ils furent
encornés, frappés à coups de pattes, battus, piétinés ». L’effacement du
complément d’agent fait des animaux une sorte de force agissante indifférenciée,
invisible et toute-puissante, cet effet étant également obtenu grâce à
l’énumération des participes passés.
6. Quelle image finale est donnée des humains à l’issue de la bataille ?
Comme dans l’extrait précédent, où Moïse suivait Mme Jones, le fait d’être suivi
par des oies donne une dimension ridicule aux personnages, qui perdent leur
humanité et apparaissent comme des animaux, se comportant de façon instinctive
et mécanique.

Conclusion
7. Pourquoi cette bataille est-elle importante pour la visée politique du texte ?
La bataille de l’Étable va devenir un mythe fondateur du régime mis en place par
les animaux, avec deux figures héroïques, Boule de Neige et Boxeur. Dans les
régimes totalitaires, la propagande attache beaucoup d’importance aux figures
héroïques qui fournissent des modèles au peuple, qui veut leur ressembler et se
montre donc obéissant et zélé envers le pouvoir.
8. Quelle est la fonction du comique dans ce texte ?
Au-delà de la dimension divertissante, l’effet héroï-comique (qu’on peut
rapprocher d’autres batailles d’animaux par exemple « Le combat des rats et des
belettes » de La Fontaine) permet aussi de ridiculiser les ennemis du régime

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naissant. Ils symbolisent les pays qui ont réagi à la révolution russe lorsque celle-
ci n’en était qu’à ses débuts, autrement dit avant de basculer dans le totalitarisme
sanguinaire qui en constitue aux yeux d’Orwell la trahison.
On doit ici nuancer les idéaux pacifistes d’Orwell : pour lui, qui a notamment
combattu en Espagne auprès des Républicains contre les Franquistes, il existe des
guerres justes et des violences légitimes, pourvu qu’elles soient menées au nom
de l’égalité et de l’émancipation.

La question de grammaire
9. Étudiez l’accord sujet-verbe dans la première phrase (l. 70 à 73).
Le verbe s’accorde avec le sujet. Dans « un vol de pigeons », c’est le substantif
« vol », et non son complément déterminatif « de pigeons », qui donne ses
marques au verbe (troisième personne du singulier).
On pourrait toutefois faire un accord sylleptique (« par le sens »), à la troisième
personne du pluriel, si l’on considérait que le verbe devait plutôt s’accorder avec
« pigeons ».

 Clés 4 ● L’éviction de Boule de Neige


Napoléon, farouchement opposé au projet de moulin à vent conçu par Boule de
Neige pour alléger le travail des animaux, tâche d’éliminer celui qu’il voit comme
un rival. Finalement, il lance à sa poursuite les chiens qu’il a élevés en cachette et
qui constituent désormais sa garde rapprochée.

Le texte étape par étape


La fuite de Boule de Neige (l. 200 à 221)
1. Comment le texte exprime-t-il le caractère inattendu et brutal de l’événement ?
Ce passage reprend les techniques du récit d’aventure. Il commence par la mise
en place d’un mystère : « À ce moment-là, Napoléon se leva et, jetant à Boule de
Neige un regard de biais singulier, il émit un petit cri suraigu que personne ne
l’avait jamais entendu émettre auparavant. ». Le fait que cette phrase (dans la
traduction que nous utilisons) coïncide avec un paragraphe renforce l’effet
énigmatique.
Le passage au paragraphe suivant accentue l’effet de surprise, et ce d’autant plus
que le récit ne mentionne d’abord que les « aboiements », puis les « molosses »,
pour expliquer seulement ensuite, au paragraphe suivant, qu’il s’agit des chiots
adoptés par Napoléon.
Avant cette explication, le récit de la poursuite semble se dérouler sans que le
narrateur ait le temps d’expliquer de quoi il retourne, comme si les événements

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se passaient trop vite. Cela l’oblige à renoncer provisoirement à son omniscience


et à sa fonction informative pour suivre le récit.
2. Par quels procédés la monstruosité de l’événement est-elle représentée ?
Le caractère hyperbolique de la description (« furieux aboiements », « énormes
molosses ») se concentre rapidement sur un élément, les mâchoires, qualifiées
tour à tour de « terribles » et de « puissantes ». Le récit insiste sur la violence des
chiens, transformés progressivement en monstres par la réduction métonymique
aux mâchoires.

Le désarroi des animaux (l. 222 à 231)


3. Comment le texte suggère-t-il l’incapacité à réagir des animaux ?
Les sujets désignant les animaux sont significatifs. Dans la première phrase nous
avons d’abord « les animaux », mais ensuite les pronoms « personne » et enfin
« on ». Progressivement les animaux deviennent une masse indifférenciée,
amorphe, incapable d’action et de réflexion.
Le lecteur ou la lectrice comprend exactement qui sont ces chiens, mais les
animaux se contentent de « remarquer » sans tirer la moindre conclusion. Il y a ici
un jeu sur la narration permettant au lecteur ou à la lectrice d’en savoir plus que
les personnages, ce qui permet d’observer leur aveuglement et leur caractère
manipulable.
4. En quoi le rapport entre humains et animaux est-il redéfini ici ?
Les chiens sont comparés à des animaux sauvages (« aussi féroces que des loups »)
et Napoléon à un humain (« comme l’avaient fait jadis les chiens de M. Jones pour
leur maître »).
Les chiens sont donc de purs animaux. Contrairement aux animaux de la ferme qui
sont humanisés, les chiens restent des chiens : ils ne parlent pas, ne pensent pas,
se comportent résolument comme de vrais chiens. Au contraire Napoléon est
encore plus humanisé que les autres animaux de la ferme. Il y a dans La Ferme des
animaux différents degrés entre l’animal et l’humain qui complexifient l’allégorie.

La reprise en main autoritaire de Napoléon (l. 232 à 242)


5. Comment le texte souligne-t-il l’arbitraire des décisions de Napoléon ?
Le style indirect libre apparaît à partir de « elles étaient inutiles et constituaient
une perte de temps. » jusqu’à la fin du paragraphe. Le narrateur se contente de
reprendre les discours de Napoléon concernant la suspension des assemblées,
présentés de façon péremptoire. La suppression des débats signale l’abolition du
dernier vestige de la révolution, du dernier simulacre d’égalité qu’il restait.

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6. Comment Napoléon se considère-t-il désormais par rapport aux autres


animaux ?
L’opposition entre « les cochons » d’une part (« un comité spécial constitué de
cochons ») et « les animaux » d’autre part (« les animaux continueraient à se
rassembler le dimanche matin ») souligne l’idée que les cochons ne sont plus
vraiment des animaux. Cette idée est déjà suggérée par le rapprochement entre
Napoléon et M. Jones plus haut, et ne fera que se confirmer dans la suite du récit.

Conclusion
7. En quoi ce passage constitue-t-il un tournant de l’histoire ?
La violence de l’extrait met en évidence le passage de la ferme des animaux à un
régime autoritaire : d’abord la violence physique spectaculaire avec l’apparition
des monstres quasi fantastiques ; puis la violence politique, plus feutrée, exprimée
grâce au style indirect libre qui en euphémise l’expression, mais qui est tout aussi
redoutable.
8. En quoi change-t-on résolument de ton ?
On passe d’une satire amusante, aux allures de récit enfantin, presque un conte
de fées (cf. le sous-titre de l’édition originelle) à une réflexion politique visiblement
destinée aux adultes, avec un caractère pathétique et terrifiant.

La question de grammaire
9. Étudiez la concordance des temps dans le dernier paragraphe (l. 232 à 242).
Le style indirect libre, introduit par le verbe « annonça » au passé simple, implique
le conditionnel « seraient suspendues ». Par la suite le style indirect libre continue
d’imposer le passage des verbes à l’imparfait (« elles étaient inutiles et
constituaient une perte de temps ») et au conditionnel (« à l’avenir, les questions
relatives au travail de la ferme seraient réglées par un comité spécial… »).

 Clés 5 ● La nostalgie d’Anthyllis


La désignation de Boule de Neige comme bouc émissaire ne suffisant bientôt plus,
Napoléon affirme que des traîtres se cachent parmi les animaux. Suite à des procès
dépourvus de toute justice, plusieurs d’entre eux sont tués par les molosses.
Anthyllis se demande comment les animaux ont pu en arriver là.

Le texte étape par étape


Un tableau bucolique (l. 314 à 326)
1. En quoi le début du texte constitue-t-il une pause descriptive ?

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Il y a pause descriptive parce qu’il y a interruption de l’action, ce qui se manifeste


par la présence systématique de l’imparfait (à valeur durative). On n’a plus une
succession d’actions mais la description d’une scène figée, comme si les animaux
étaient engourdis ou pétrifiés, dans un état de sidération après ce qui vient
d’arriver.
Le caractère descriptif se perçoit aussi dans l’énumération « le long pâturage qui
s’étirait jusqu’à la route, la prairie, le bosquet, la mare, les champs cultivés ».
2. En quoi peut-on dire que ce passage est poétique ?
On relève l’importance des notations visuelles (« le blé poussait, dense et vert, et
les toits rouges des bâtiments dont les cheminées laissaient échapper des spirales
de fumée… ») et l’évocation lyrique d’une nature célébrée comme une source de
vie (« c’était une claire soirée de printemps. L’herbe et les haies chargées de
jeunes pousses étaient dorées par les rayons du soleil couchant »).
L’attitude des animaux est contemplative. Elle tend même à une communion
mystique avec la nature idéalisée, qui représente une sorte de refuge à l’abri de la
violence, loin de la politique, loin de l’humanité en somme : « Jamais la ferme – et
les animaux se rappelèrent, non sans un certain étonnement, qu’elle était à eux,
que chaque pouce de terrain était leur propriété – ne leur était apparue aussi
attractive. »

Les idéaux d’Anthyllis (l. 327 à 339)


3. En quoi ce passage est-il pathétique ?
Le ton apparaît comme pathétique d’abord à travers le motif des larmes et plus
généralement à travers le thème élégiaque de la nostalgie, du contraste entre
l’idéal et la réalité.
4. En quoi le mode de narration choisi est-il particulièrement important ?
Le narrateur rapporte les pensées d’Anthyllis qu’elle-même n’arrive pas à
formuler : « Si elle avait pu mettre en mots ses pensées… » Ce passage corrobore
l’idée que les animaux repoussent instinctivement le régime totalitaire de
Napoléon, mais qu’il leur manque le discernement et la maîtrise du langage qui
permettraient de l’exprimer.

La résignation finale (l. 340 à 356)


5. En quoi le caractère résigné d’Anthyllis accentue-t-il l’émotion du passage ?
Les deux derniers paragraphes sont fondés sur un contraste. D’un côté, il y a la
violence éprouvée : « partout grondaient des chiens féroces et menaçants, et […]
l’on voyait des camarades se faire déchiqueter après avoir avoué des crimes
choquants ». De l’autre côté, la résignation accentue le pathétique : notamment
via la concession « quoi qu’il arrive » suivie de l’énumération « elle resterait fidèle,

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travaillerait dur, exécuterait les ordres qu’on lui donnerait et accepterait l’autorité
de Napoléon ». L’effet d’insistance marque ici un entêtement dans l’idée d’un
bonheur possible que le lecteur ou la lectrice sait pertinemment être illusoire.
6. Pourquoi peut-on dire que le personnage d’Anthyllis est aliéné ?
Le discours indirect libre indique la soumission d’Anthyllis et se conclut de façon
significative sur le nom de Napoléon : « elle resterait fidèle, travaillerait dur,
exécuterait les ordres qu’on lui donnerait et accepterait l’autorité de Napoléon ».

Conclusion
7. En quoi peut-on dire que ce texte est globalement lyrique ?
Les codes du lyrisme sont bien présents :
• la contemplation de la nature : « alors qu’elle contemplait les pentes de la
colline… » ;
• l’exaltation liée à un idéal, l’expansion de la phrase signalant l’élan lyrique :
Elle aurait décrit celle d’une société où les animaux, tous égaux, libérés
de la faim et du fouet, travailleraient selon leurs capacités, les forts
protégeant les faibles, comme elle l’avait fait, elle-même, en protégeant la
couvée de canetons égarés entre ses pattes, la nuit où Major l’Ancien avait fait
son discours.
• l’expression du regret élégiaque : « Malgré tout, ce n’était pas cela que les
animaux avaient espéré ni ce pour quoi ils s’étaient battus. Ce n’était pas pour ça
qu’ils avaient construit le moulin ou bravé les balles de Jones ».
8. Pourquoi Orwell a-t-il ménagé une telle pause lyrique au sein du récit ?
Le texte nous permet d’avoir une autre vision du peuple soumis au totalitarisme :
leur résignation n’est donc pas de l’ordre de la lâcheté ou du conformisme mais
plutôt de l’incapacité à penser leur situation. À travers ce choix de narration,
Orwell plaide pour un régime qui permette aux masses d’être éduquées et de
s’émanciper en accédant à la pensée critique.

La question de grammaire
9. Étudiez les propositions relatives dans la troisième phrase (l. 316 à 320).
On relève trois propositions relatives adjectives :
• « qui s’étirait jusqu’à la route » : épithète de « pâturage », « qui » est sujet du
verbe « s’étirait » ;
• « où le blé poussait, dense et vert » : épithète de « champs cultivés », « où » est
complément circonstanciel de lieu ;

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• « dont les cheminées laissaient échapper des spirales de fumée » : épithète de


« toits rouges », « dont » est complément déterminatif du nom « cheminées ».

 Clés 6 ● La mort de Boxeur


Boxeur, bien que blessé lors de la dernière bataille contre les humains, participe à
la reconstruction du moulin mais, épuisé, tombe malade. Napoléon commence par
vouloir le soigner, mais, finalement, un fourgon vient le chercher. Benjamin, qui
sait lire, comprend que Boxeur est emmené à l’abattoir.

Le texte étape par étape


La maladie de Boxeur (l. 234 à 254)
1. En quoi le personnage de Boxeur paraît-il dès le début du texte particulièrement
pathétique ?
Boxeur est pathétique pour les mêmes raisons qu’Anthyllis dans l’extrait
précédent : à la souffrance (cette fois physique et non psychologique) s’ajoute une
forme d’espoir que le lecteur ou la lectrice sait illusoire.
Cette manière de s’accrocher désespérément à un idéal à la fois humble et naturel
(« s’il parvenait à se rétablir, il pouvait encore vivre deux ou trois ans, et aspirait à
couler des jours tranquilles dans un coin de la grande prairie ») en fait un
personnage mêlant modestie et douceur, et le destin qui s’apprête à le frapper
n’en sera que plus pathétique.
2. Comment cette scène pathétique s’intègre-t-elle dans la dénonciation du
totalitarisme ?
Comme dans la scène avec Anthyllis, mais sans lyrisme, ce passage nous permet
une nouvelle fois de considérer l’existence du peuple, victime des tyrans, et suscite
la sympathie du lecteur ou de la lectrice.
Ici encore il est difficile de juger le peuple et son inaction face au totalitarisme et
à la barbarie, puisque la résignation nous est présentée dans toute sa dimension
pathétique.

La découverte de Benjamin (l. 255 à 283)


3. En quoi ce passage constitue-t-il un coup de théâtre ?
Le départ de Boxeur est inattendu. Au début de l’extrait, l’action ralentit, le
personnage se laisse aller à la rêverie bucolique, et le lecteur ou la lectrice échappe
un instant à la violence du totalitarisme pour une scène champêtre qui contraste
avec le reste du récit. Mais immédiatement, la violence revient, marquée aussi

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bien par l’impétuosité inhabituelle de Benjamin, que par l’arrivée de nouveaux


personnages et par la découverte de l’identité de l’équarrisseur.
4. En quoi le pathétique est-il accentué au fur et à mesure du texte ?
La progression du texte est très étudiée. Les discours rapportés sont
particulièrement importants. C’est d’abord la scène de liesse avec la foule crédule
(« – Au revoir, Boxeur, criaient-ils en chœur, au revoir ! ») puis, après la question
de Benjamin, une interruption qui produit un effet de suspense (« Les animaux se
turent pour y réfléchir, le silence se fit. »)
Le récit est alors ralenti à l’extrême : « Muriel s’était mise à épeler les lettres, mais
Benjamin la poussa pour l’écarter, et dans un silence de mort, il lut ». Enfin la
révélation tombe implacablement : « Alfred Simmonds, abattage de chevaux et
fabrique de colles. Négociant en cuirs et engrais animal. Fourniture de chenils à
Willingdon. Vous comprenez, maintenant ? Ils emmènent Boxeur pour
l’abattre ! »
Au silence succèdent ensuite le désordre et l’agitation : cris, bruit du fouet,
poursuite du fourgon par les animaux. Le discours direct permet alors d’entendre
la voix d’Anthyllis : « – Boxeur ! cria-t-elle, Boxeur ! Boxeur ! Boxeur ! ». La
répétition du nom crée l’intensité dramatique du passage.

L’ultime apparition de Boxeur (l. 284 à 311)


5. En quoi peut-on dire que l’on bascule ici dans le tragique ?
Les animaux luttent ici en vain contre le destin inexorable de Boxeur emmené vers
la mort. On passe au tragique sans perdre le pathétique : la vision finale de Boxeur
affaibli tentant vainement de se délivrer du fourgon où il est emprisonné produit
un effet particulièrement saisissant.
6. Que peuvent symboliser les chevaux qui tirent le fourgon ?
Sur l’échelle des degrés d’animalité, ces chevaux qui ne parlent pas mais auxquels
on parle sans qu’ils comprennent symbolisent les masses totalement abruties, qui
ne font plus qu’obéir sans rien comprendre.

Conclusion
7. Quel peut être la fonction d’un passage aussi pathétique au sein du récit ?
Comme pour le passage avec Anthyllis, il s’agit ici de se placer du point de vue du
peuple. Le passage lyrique avec Anthyllis comme le passage tragique avec Boxeur
n’ont pas de signification précise au sein de l’allégorie que constitue La Ferme des
animaux. On ne peut pas rapporter la mort de Boxeur à la mort d’une des victimes
du régime soviétique en particulier. Il s’agit donc d’une vision générale du peuple
destinée à susciter l’empathie et l’adhésion du lecteur ou de la lectrice. Elle
permet d’ajouter à l’analyse rationnelle des mécanismes du totalitarisme une

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compréhension par l’émotion des ressorts psychologiques et moraux des


réactions du peuple.

La question de grammaire
8. Justifiez l’accord de « trouvée » dans la deuxième phrase (l. 234 à 237)
Dans la proposition relative adjective « qu’ils avaient trouvée dans une armoire de
la salle de bains » épithète de « une grande bouteille d’un médicament de couleur
rose », le pronom relatif « qu’» est COD du verbe « avait trouvée ».
L’antécédent étant féminin (« bouteille »), le COD antéposé devant un verbe
conjugué au passé composé avec l’auxiliaire « avoir » entraîne l’accord du
participe passé au féminin.

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Les lectures d’images

 Metropolis (1927)
1. Quelles sont les composantes de cette affiche ?
Il y a trois composantes : en haut, le titre dont les lettres prolongent le mouvement
vertical des gratte-ciel au centre, avec une ligne de symétrie que l’on retrouve
dans le visage de l’androïde en bas.
L’androïde au premier plan et la ville à l’arrière-plan apparaissent dans un halo de
lumière. Cela accentue l’aspect futuriste en suggérant la présence d’une énergie
diffuse dans la cité et dans le robot.
2. Quel effet produisent les lignes verticales et obliques ?
L’effet de la verticalité est d’abord une impression de hiérarchie : le film est, de
fait, fondé sur une opposition entre le haut et le bas, les riches et les pauvres. Tout
est fait pour empêcher que la hiérarchie sociale ne soit mise en cause.
La verticalité des gratte-ciel suggère ainsi l’écrasement de la population par le
pouvoir des plus riches, tandis que les lignes obliques donnent à l’ensemble un
caractère très géométrique : le but est de suggérer la déshumanisation de cette
cité du futur.
3. Que représente le robot situé au premier plan ?
Ce robot est un personnage essentiel de l’histoire mais symbolise surtout la perte
d’humanité au profit de la technologie et de l’innovation.

 1984 (1956)
1. Quelles sont les composantes de cette image ?
La composition est très géométrique : une ligne horizontale au centre qui sépare
le plan en deux parties, des lignes verticales dans la partie supérieure du plan, des
lignes obliques avec effet de perspective dans la partie inférieure ; le tout avec une
symétrie très prononcée par rapport à l’axe vertical du milieu (le nez de
Big Brother). Le caractère géométrique renvoie à la façon dont tout est contrôlé
dans ce monde totalitaire.
2. Que signifient les inscriptions figurant sous les écrans ?
« War is peace, freedom is slavery, ignorance is strength »
« La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force. »
Ces formules essentielles dans le roman renvoient à la subversion du langage par
le pouvoir totalitaire. Un mot peut désormais désigner son contraire, les termes
sont interchangeables, toute vérité a disparu au profit de la parole du Ministère

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de la Vérité qui tient lieu de réalité. La déconnexion entre les mots et les choses
rend toute contestation impossible.
3. Comment la manipulation de la foule est-elle mise en évidence ?
L’effet de profondeur suggère l’immensité de la foule : c’est bien la totalité de la
société qui est ici sommée d’obéir à Big Brother. En outre, la perspective très
marquée produit des lignes qui toutes concourent vers le visage de Big Brother au
centre. Là encore le caractère totalitaire de la société est suggéré : le dictateur est
au centre, tout est relié à lui.

 Soleil vert (1973)


1. Quelles sont les composantes de cette photographie ?
Cette image est à mettre en parallèle avec la précédente : même effet de foule,
même mise en scène de l’organe fondamental du totalitarisme, ici encore un engin
technologique (comme le télécran) qui assure l’ordre.
L’attention est attirée sur cet élément central dont la taille massive indique la
puissance, reléguant la foule impuissante en bas de l’image. L’effet de hiérarchie
sociale suggérée par la composition de l’image est comparable à celui que l’on a
pointé dans les deux images précédentes.
2. Quel effet produisent les couleurs ?
Le véhicule orange se détache nettement du reste de la photographie, dans les
tons verdâtres. Paradoxalement, les humains sont représentés avec des couleurs
froides, traditionnellement associées à la mort, tandis que le véhicule qui est là
pour réprimer une émeute en arrêtant les manifestants est associé à une couleur
chaude, symbole de vie.
On peut aussi rappeler que le vert est la couleur de la nourriture (le « soleil vert »
dont on apprend à la fin du film qu’il est fait à partir de cadavres humains).
3. Que symbolise la manière dont le véhicule soulève les humains ?
Le camion soulevant les manifestants évoque la force brute du régime qui réprime
les opposants et la technologie inhumaine mise au service du totalitarisme, à la
fois toute-puissante et meurtrière.

 Black Mirror, « White bear » (2013)


1. Quelle technique est utilisée dans la composition de l’image ?
On observe ici la présence d’un effet-miroir : les deux moitiés de la photographie
sont en effet la même image inversée. On ne perçoit pas forcément à première
vue cet effet, puisqu’on ne voit d’abord que la symétrie autour de l’axe central et
la ressemblance entre les personnages. Ce n’est que dans un deuxième temps que
l’on réalise qu’il s’agit en fait exactement des mêmes.

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2. Quel est l’effet produit par la multiplication des masques ?


La multiplication des masques suggère que tous les personnages sont les mêmes.
Il n’y a plus d’individualité dans ce monde : les humains ont perdu toute
subjectivité, toute originalité. Non seulement tous les visages sont identiques,
mais ce sont des masques inexpressifs, sans trace de pensée ou de conscience.
On retrouve ici encore l’effet de foule des trois images précédentes, et le visage
inhumain de la première image. Il semble que ce soit des motifs récurrents dans
la représentation visuelle des dystopies totalitaires.
3. Quel sens peut-on donner à la parfaite symétrie de l’image ?
La symétrie souligne le caractère interchangeable des êtres. Les humains ne sont
plus que des clones multipliables à l’infini.

 La Servante écarlate (2017)


1. Quels sont les différents plans sur cette photographie ?
On retrouve ici des composantes déjà observées précédemment : au premier plan
trois personnages représentant trois castes de la société décrite dans le roman ;
puis une foule de personnages identiques, et enfin, avec un effet de perspective,
la grande croix vers laquelle les lignes convergent et qui donne la verticalité à
l’ensemble.
2. Quel effet produit la multitude de robes rouges ?
On observe encore un effet de foule : la dystopie totalitaire est à nouveau
symbolisée par des personnages interchangeables, ce qui frappe l’œil
immédiatement du fait de la couleur de leur robe.
3. Que symbolise la croix que l’on aperçoit à l’arrière-plan ?
La croix symbolise l’emprise de la religion sur cette société totalitaire. La
perspective indique que tout converge vers elle et la verticalité qu’elle écrase les
individus.

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Les sujets d’écrit et d’oral

 Sujet de dissertation
Nombreux sont les romans qui mettent en scène un univers dystopique.
Pensez-vous que ce soit un moyen efficace pour critiquer la société ?
Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté, en vous
appuyant sur votre lecture de La Ferme des animaux de George Orwell et sur les
autres textes étudiés dans le cadre du parcours « Contre-utopies et dystopies ».

Introduction
• Un roman est un récit de fiction, qui repose sur la narration d’une histoire située
dans un monde au moins en partie imaginaire. Les dystopies, toutefois, nous font
découvrir des mondes plus ambivalents, qui d’une part son clairement imaginaires
(situés dans le futur, empruntant aux codes de la science-fiction, etc.) mais qui se
présentent comme une version possible de notre monde actuel, révélant des
tendances et des conflits latents de notre réalité.
• Il y a donc un paradoxe : la dystopie peut facilement être disqualifiée comme
pure fiction, imagination, fantaisie, parfaitement inopérante et inefficace pour
critiquer la société. En effet, la critique consiste à juger une chose en fonction
d’une norme ; la critique de la société peut se faire au nom de la justice, de l’égalité
ou de la liberté. Or juge rune chimère n’a aucun sens : le lecteur ou la lectrice
risque d’être emporté(e) par l’histoire ou ébloui par l’inventivité du monde
dystopique. Cependant, la dystopie peut aussi être efficace en utilisant les moyens
de la littérature, c’est-à-dire en agissant sur l’esprit du lecteur ou de la lectrice
comme un traité ou un discours politique ne pourraient pas le faire.
• Dans quelle mesure la dystopie, malgré sa dimension nettement imaginaire, est-
elle un instrument puissant pour agir sur l’esprit du lecteur ou de la lectrice et lui
faire réellement voir les dérives possibles du monde réel ?

I. La mise en scène des dérives de la société


• Dans la dystopie, la critique de la société est plus efficace car elle prend la forme
d’un récit permettant d’en démonter les mécanismes concrets, prenant leur
source dans le monde actuel. Ainsi dans La Machine à explorer le temps de Wells,
l’existence des Morlocks est la conséquence à long terme des inégalités du monde
actuel. L’opposition entre les Morlocks et les Eloïs reprend, en la dramatisant,
l’opposition entre bourgeois et prolétaires dans l’analyse marxiste. En effet,
l’humanité s’est scindée en deux populations physiquement dissemblables, et
c’est la transformation physique qui permet de mettre en évidence de façon
spectaculaire ce qui dans un traité philosophique comme Le capital demeure
simplement théorique. La critique de la société industrielle de la fin du XIXe siècle

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est donc efficace, et peut-être même encore plus efficace pour les lecteurs et
lectrices d’aujourd’hui qui constatent que certains phénomènes n’ont fait que
s’accentuer, par exemple la spécialisation des tâches de production industrielle,
ou bien la dégradation de l’environnement conduisant à un contraste de plus en
plus violent entre les conditions de vie des plus riches et des plus pauvres.
• Le genre de la dystopie peut ainsi entrer en résonance avec des inquiétudes de
plus en plus actuelles, devenant de plus en plus efficace au fil du temps. Certains
aspects de notre monde peuvent parfois donner le sentiment que nous vivons déjà
dans une dystopie. Ainsi, pour beaucoup, le développement d’Internet et des
réseaux sociaux donne corps au télécran imaginé par Orwell dans 1984. Pour
d’autres c’est la multiplication des caméras de surveillance, pour d’autres
l’instauration d’une censure insidieuse qui s’apparente à une police de la pensée.
Quoi qu’il en soit, le paradoxe demeure : une dystopie prouve son efficacité
quand elle n’est plus vue comme une dystopie mais comme la réalité même. La
meilleure preuve de l’efficacité de la dystopie est que la frontière entre fiction et
réalité disparaît, du moins aux yeux de certain(e)s lecteurs et lectrices.

II. L’appel à l’imagination du lecteur/de la lectrice


• À l’inverse, un univers dystopique peut paraître trop éloigné du lecteur ou de
la lectrice qui n’y verra qu’un monde imaginaire. Les dystopies de Swift dans les
Voyages de Gulliver sont considérées, à divers degrés, comme des contes plaisants
et divertissants, mais leur force subversive peut paraître plus ou moins importante
selon les récits, et selon l’époque à laquelle on les lit. L’île de Laputa, où l’utopie
d’un monde régi par les savants et les scientifiques tourne à la dystopie, ne nous
touche plus guère du fait de l’absence de pouvoir réel des savants (en tout cas des
mathématiciens, c’est évidemment différent si l’on pense aux généticiens ou aux
spécialistes du nucléaire) ; le pays des Houyhnhnms, chevaux aussi beaux que
sages, qui ont pour esclaves les Yahous, qui ne sont autres que des êtres humains,
n’a guère de portée, même d’un point de vue anti-spéciste (sur cette notion, voir
le texte de Vincent Message). Si Swift préfigure la dénonciation de l’uniformisation
qui sera au cœur des dystopies du XXe siècle, il n’a pas la même efficacité que des
récits moins marqués par le merveilleux.
• Ainsi, alors que certaines dystopies cessent pour ainsi d’être dystopies, perdent
leur dimension fictionnelle, comme 1984, d’autres au contraire restent
définitivement du côté de la fiction, ou basculent dans le champ de la pure
science-fiction, perdant leur capacité de dire quelque chose du monde dans lequel
nous vivons. Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, par exemple, repose sur la
métaphore des livres qui brûlent pour indiquer la manière dont les totalitarismes
empêchent toute pensée critique d’exister et de proliférer. Cette métaphore a un
fondement réel : les autodafés accomplis par exemple par les nazis. Mais cet
univers peut paraître trop métaphorique, par opposition par exemple à l’univers
d’une dystopie comme Le Meilleur des mondes où la manipulation génétique et

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l’eugénisme sont évoqués à travers une description précise d’une société


méticuleusement décrite. Ainsi, si l’image du feu frappe l’esprit, elle est moins
facile à mettre en rapport avec notre monde actuel que la construction d’un
monde à partir d’expériences scientifiques qui sont aujourd’hui pour nous sinon
courantes du moins existantes (comme le montrent les débats récents sur la loi de
bioéthique en France).

III. L’imagination au service de la critique du monde réel


• Il faut donc dépasser l’opposition entre critique de la société et imagination
fantaisiste et se demander en quoi la littérature possède des moyens spécifiques
pour fournir une critique de la société via un roman qui invente un monde de
toutes pièces. D’abord, la dystopie peut créer des émotions qui, loin de faire
obstacle à la critique de la société, la renforcent. Dans La Ferme des animaux, le
passage pathétique de la mort de Boxeur suscite un sentiment d’injustice qui
conduit le lecteur ou la lectrice à ressentir plus profondément l’iniquité du
système totalitaire.
• Ensuite, la dystopie a la particularité de nous permettre de nous identifier, par
exemple à Winston dans 1984, et de faire de ce monde imaginaire qui a priori ne
nous touche pas un monde dans lequel nous pourrions être amenés à vivre. Par
exemple, le thème romanesque par excellence de l’amour est très utile pour nous
amener à considérer Winston comme une version possible de nous-même. Son
amour pour Julia l’humanise, c’est-à-dire en fait une figure universelle de
l’humanité. C’est la raison pour laquelle les personnages centraux de dystopies
sont rarement tout à fait héroïques ou tout à fait anti-héroïques. Ils sont animés
par un sentiment de révolte, mais ont toujours besoin de personnages secondaires
vraiment héroïques pour agir.
• Copeau dans Un Bonheur insoutenable incarne la résistance face au désir de
contrôle et d’asservissement des États totalitaires auxquels ils sont confrontés.
Mais il doit rejoindre les « incurables » qui habitent dans des îles qui ne figurent
sur aucune carte. De même Montag, le héros de Fahrenheit 451 finit par rejoindre
un groupe de marginaux qui apprennent par cœur les textes pour les sauver de
l’oubli. Les héros de dystopies sont comme leurs lecteurs et lectrices : révoltés par
l’injustice mais trop lâches pour agir, sauf si on leur indique le chemin.
• On peut dire que les personnages comme les incurables figurent une critique de
la société qu’un traité philosophique délivrerait de façon directe ; mais le roman
permet de montrer comment un individu lambda a des difficultés à appliquer cette
vérité dogmatique, pris qu’il est dans un monde qui l’étouffe et l’écrase. La
dystopie ne fournit pas clé en main les normes au nom desquelles critiquer la
société, elle met en scène la façon dont un être humain tâche de bien que mal de
faire sienne ces normes. La dystopie est efficace pour critiquer la société car elle
montre les difficultés qu’il y a à la changer.

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Conclusion
La littérature possède des moyens propres pour critiquer la société, sans se
confondre avec un simple discours politique. Ce qui semble être a priori un
inconvénient (la nature imaginaire de la fiction dystopique) est en réalité un
avantage (car elle frappe l’esprit des lecteurs et lectrices).

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 Sujet de commentaire
Rabelais, Gargantua, chapitre LVII
◼ Introduction
• Les sept derniers chapitres de Gargantua sont consacrés à l’abbaye de Thélème :
la guerre contre Picrochole s’étant achevée, il s’agit à présent pour Grandgousier
de récompenser les « victeurs gargantuistes » en leur offrant « le parement de son
buffet », « douze cent mille écus comptant » de ses coffres, et à perpétuité « ses
châteaux, et terres voisines » : La Roche-Clermault à Ponocrates, Le Coudray à
Gymnaste, Montpensier à Eudemon, et ainsi de suite.
• Au début du chapitre LII, le récit s’attarde sur le cas de Frère Jean, qui refuse
successivement les abbayes de Seuilly, de Saint-Paul de Bourgueil, de Saumur, et
à qui revient finalement le droit de fonder une abbaye « à [s] on devis ».
• La fondation de l’abbaye de Thélème semble constituer ainsi l’ultime étape de
l’apprentissage humaniste de Gargantua, et s’inscrire dans le sillage des chapitres
sur l’éducation (chapitres XIV-XV, puis XXIII-XXIV). Rabelais délaisse la veine
comique (ou « carnavalesque ») au profit d’une conclusion sérieuse, venant
apporter la « substantifique moelle » d’une œuvre à laquelle Thélème donnerait
sens et perspective.
• La seule dimension humoristique qu’on puisse observer semble relever de la
continuation de la satire des moines cloîtrés et asservis à des pratiques religieuses
purement formelles. Au-delà de cette dimension, cet ensemble de chapitres paraît
construire un idéal politique, moral et spirituel : l’utopie rabelaisienne est d’abord
et avant tout un lieu de liberté où chacun, n’écoutant que sa volonté (c’est le sens
de thèlèma en grec) accomplit la volonté divine.
• Cependant, cette interprétation suppose d’accepter que l’œuvre perde ici toute
dimension ludique et parodique : une telle rupture de registre s’accorde assez mal
avec le fait que l’abbaye en question est celle de Frère Jean. En effet, le
personnage incarne depuis sa première apparition la trivialité carnavalesque et la
dérision généralisée. Le lecteur est donc amené à s’interroger, à douter de ce final
édifiant (qui cherche à édifier le lecteur en édifiant une abbaye).
• Comment faut-il donc comprendre ce passage qui paraît si incongru au regard
de l’épopée parfois franchement bouffonne que constitue Gargantua ? S’agit-il
d’une profession de foi profondément humaniste ou bien d’une nouvelle satire à
but d’abord et avant tout comique ?
• Il faudra repartir de la lecture courante de ce chapitre comme peinture de l’idéal
humaniste pour montrer que le texte est traversé de tensions dues à la rémanence
de la veine comique : comment le texte parvient-il à concilier l’expression sérieuse
d’un idéal social et l’éloge comique des plaisirs charnels ?

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◼ 1. Utopie sociale et éducation humaniste : la dimension sérieuse


• La structure du texte, fondée sur l’énumération des activités des habitants de
l’abbaye, fait apparaître le thème principal : la liberté. Thélème est une anti-
abbaye, comme le montre le fait qu’elle est définie négativement : « Toute leur
vie était organisée non par des lois, des statuts ou des règles » ; « nul ne les
éveillait, nul ne les forçait ni à boire ni à manger, ni à faire autre chose ».
• La négation uniceptive « en leur règle n’était que cette clause » renforce ce
caractère d’anti-abbaye, fondée sur une règle qui n’est pas une règle. « Fais ce que
voudras » prend la forme paradoxale d’une injonction à la liberté (avec l’impératif
« fais »).
• On notera que de toute façon les Thélémites sont déjà des gens « libres », mais
aussi « bien nés » (ce qui signifie : ayant une bonne nature, et non pas aristocrate,
même si, de fait, les Thélémites sont des aristocrates qui ne semblent voués qu’à
l’oisiveté dans cette abbaye). Ils sont surtout « bien instruits », conformément aux
principes d’éducation humanistes : « Ils étaient si noblement instruits qu’il n’y en
avait aucun qui ne sût lire, écrire, chanter, jouer d’instruments de musique, parler
cinq ou six langues et composer en ces langues autant en vers qu’en prose ».
• L’idéalisation des habitants au sein de cette utopie humaniste et chrétienne tient
à l’harmonie immédiate qui s’établit entre eux, et qui se manifeste par le recours
systématique aux « ils ». Les Thélémites deviennent rapidement une sorte de
pluriel collectif indifférencié, comme dans toute utopie, et certains critiques ont
vu dans l’abbaye de Thélème une préfiguration des dystopies totalitaires (tout
comme dans Utopia ou d’autres textes du parcours). Tous les Thélémites font les
mêmes actions au même moment. Les discours rapportés qui se font écho
soulignent par un jeu de symétrie cette harmonie collective : « Si l’un ou l’une
d’entre eux disait : « Buvons », tous buvaient ; s’il disait : « Jouons », tous
jouaient. »
• S’ensuit une description d’activités aristocratiques qui évoquent le roman
médiéval et ses personnages idéalisés : chevaliers « preux » maniant les armes et
dames « élégantes » s’adonnant à la broderie, qui finissent par se marier. L’abbaye
ne fait que révéler la vertu naturellement présente dans l’être humain, ou certains
individus choisis. Ceux qui ont reçu une éducation similaire à celle qui été donnée
à Gargantua par Ponocrates peuvent faire ce qu’ils veulent, car leur inclination
naturelle à la vertu les mène instinctivement vers le bien.

◼ 2. Plaisirs charnels et jeux textuels : la dimension comique


• L’évocation des plaisirs charnels introduit dans l’espace sérieux de Thélème une
thématique renouant avec la veine comique qui caractérise le texte de Rabelais
par ailleurs. Les exclamations des Thélémites, « jouons » et « buvons », renvoient
aux activités favorites d’un personnage comme Frère Jean, ou du jeune Gargantua
(avant qu’il reçoive l’éducation humaniste de Ponocrates) et même du narrateur

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Alcofribas Nasier. Une trace de la dimension joyeuse et ludique du désordre


carnavalesque apparaît ainsi au sein de Thélème. Les plaisirs de l’amour sont
également évoqués de façon étonnamment chaste mais ils permettent de
réintroduire là aussi des préoccupations qui éloignent de l’austérité de Thélème.
• La description de l’abbaye revêt donc aussi une dimension comique, surtout si
on la met en perspective avec le reste du roman. Ainsi, tout le début de Gargantua
a été consacré à parodier le roman de chevalerie : on comprend mal pourquoi
soudainement les « preux chevaliers » deviendraient les symboles du raffinement
et de la sagesse. On peut donc soupçonner la présence d’une forme de satire
discrète qui empêche de prendre le texte tout à fait au sérieux.
• François Rigolot (Les Langages de Rabelais, Droz, 1996, p. 94) résume ainsi
l’ambiguïté de ce passage : pour lui l’épisode de Thélème nous fait hésiter entre
deux aspects de l’oeuvre de Rabelais, le versant humaniste d’une part, le versant
comique de l’autre. Pour ceux qui privilégient le contenu humaniste, l’utopie
finale manque de clarté et échoue à rendre compte explicitement de l’idéal
rabelaisien. Pour ceux qui privilégient la forme, le jeu avec le langage, ces
chapitres sont au contraire trop clairs, trop longs, trop didactiques. C’est
pourquoi toute la richesse du texte consiste dans la difficulté où il nous place de
réconcilier le mythe de Thélème et la philosophie joyeuse incarnée par
Gargantua au début de l’oeuvre et frère Jean par la suite. Comme l’écrit Rigolot :
« Le pantagruélisme serait-il l’antidote du thélémisme ? »

• Sans reprendre le jugement de valeur qui désavoue le thélémisme et prône le


pantagruélisme, force est de constater que l’ambivalence de l’extrait peut
s’analyser comme la rencontre entre ces deux « philosophies », et surtout ces
deux styles.

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 Sujet de contraction
Effectuez la contraction du texte ci-dessous au quart de sa longueur, soit
en 270 mots.
Une tolérance de +/–10 % est admise : votre travail comptera au moins 243 et au
plus 297 mots. Vous placerez un repère dans votre résumé tous les 50 mots et
indiquerez à la fin le nombre total de mots.

Proposition de corrigé en 270 mots

Aujourd’hui on emploie très souvent l’adjectif « orwellien » pour désigner


l’omniprésence des systèmes de surveillance. Les références à Orwell sont légion,
que ce soit suite aux révélations d’Edward Snowden sur la CIA ou la proposition de
Joseph Cannataci de légiférer sur le droit des internautes. Mais vivons/-nous
vraiment dans un monde semblable à celui que dépeint 1984 ? Il faut pour le savoir
se pencher sur le rapport entre l’État et l’individu. Il ne s’agit pas seulement d’une
dystopie imaginaire : Orwell a abondamment observé le monde qui l’entourait.
Il semble donc qu’/ Orwell ait annoncé le monde dans lequel nous vivons, parce
qu’il a méthodiquement observé le sien. Il a en particulier saisi l’importance du
développement des technologies et le rôle essentiel de la manipulation de la vérité
lors de la guerre d’Espagne. Anticapitaliste, Orwell a observé les dérives
du/stalinisme, rendue possible par une technologie de plus en plus précise
permettant une surveillance de plus en plus étroite et une manipulation de plus
en plus insidieuse de la pensée. Le totalitarisme redéfinit la vérité et élimine tous
les citoyens dissidents qui s’opposent à cette pensée unique, comme/Winston
dans 1984.
Mais notre monde actuel est en fait encore plus terrible que ne le prophétisait
l’écrivain : nous sommes tous connectés et nous nous surveillons mutuellement.
Le télécran de 1984 est désormais partout sous la forme d’objets connectés. Le
traitement des données permet de récolter des informations sur tout/le monde
sans que quiconque ait jamais le sentiment d’être véritablement sous la coupe
d’un État particulièrement autoritaire.

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 Sujet d’essai
Pensez-vous que la littérature puisse nous apprendre ce qu’est la
démocratie ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en
prenant appui sur La Ferme des animaux, d’Orwell, sur le texte de l’exercice de la
contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année dans le cadre du
parcours « Contre-utopies et dystopies ». Vous pourrez aussi faire appel à vos
lectures et à votre culture personnelle.

Introduction
• Le mot « démocratie » nous est si familier que tout ce qu’on peut en dire paraît
tenir dans son étymologie transparente : la démocratie (démos + cratein), c’est le
pouvoir du peuple, et pluq précisément, selon la formule d’Abraham Lincoln,
seizième président des États-Unis, le pouvoir du peuple, par le peuple pour le
peuple (discours de Gettysburg en 1863).

• Cependant la démocratie est en réalité une chose complexe qui n’est pas donnée
immédiatement mais qu’il faut « apprendre » la démocratie ; autrement dit
signifie qu’elle n’est pas donnée une fois pour toutes mais s’acquiert au fil du
temps. Il faut en particulier apprendre que la démocratie a, par rapport aux autres
régimes (la monarchie, l’aristocratie), la particularité d’être un régime toujours
menacé. Cette menace est éventuellement extérieure (un tyran peut déclarer la
guerre à une démocratie) mais aussi intérieure (la démocratie elle-même peut
dériver en tyrannie ou en anarchie). C’est pourquoi il ne suffit pas d’avoir des
institutions démocratiques : il faut que les citoyen(ne)s aient intériorisé les valeurs
démocratiques pour se prémunir des dangers et des dérives.

• Dans ce cadre le rôle de la littérature est de nous permettre de comprendre


intimement la manière dont la démocratie repose sur le discernement et la
vigilance des citoyens. Elle peut donc représenter la façon dont la démocratie peut
disparaître. Mais ce n’est pas tout : la littérature est aussi en elle-même
démocratique car elle nous apprend à nous confronter à différents points de vue
et à ne pas devenir des tyrans intellectuels en nous enfermant dans nos opinions
et nos certitudes et en refusant tout ce qui ne s’y conforme pas. Mais au fond la
littérature est d’abord un art du langage, et la démocratie également (depuis
l’agora des grecs jusqu’aux forums sur Internet) : c’est parce qu’elle nous apprend
quelque chose sur le langage que la littérature peut nous dire quelque chose de la
démocratie.

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I. La littérature met en scène la démocratie, ses dérives possibles,


les dangers qui la menace
• La littérature met souvent en scène des problèmes politiques. Le genre de la
dystopie s’illustre souvent par une réflexion sur les rouages du totalitarisme et
surtout sur le passage de la démocratie au totalitarisme. 1984 nous permet de
comprendre à quel point le totalitarisme annihile notre humanité et comment il
importe de lutter pour préserver la démocratie. On peut aussi penser au Complot
contre l’Amérique qui est une uchronie : c’est-à-dire une œuvre qui imagine ce qui
aurait pu se passer à un moment donné, en l’occurrence si l’aviateur Charles
Lindbergh, qui avait des sympathies pour le régime hitlérien, avait été élu à la place
de Roosevelt.

• Comme la dystopie, l’uchronie nous montre un monde possible, mais encore


plus proche du nôtre puisqu’il s’insère dans notre univers, mais qui ne pourra pas
se réaliser puisqu’il est dans notre passé/L’uchronie dit ce qui aurait pu se passer
dans le passé, la dystopie dit ce qui pourrait encore se passer dans le futur,
chacune à sa façon nous mettant en garde pour le présent. Il faut aussi souligner
ce que peut la fiction que ne peuvent ni le traité philosophique ni le compte rendu
historique : nous faire accéder à l’intériorité des personnages, par exemple dans
La Ferme des animaux pour comprendre comment le totalitarisme opère sur ses
victimes. Ainsi le passage où nous accédons aux pensées d’Anthyllis utilise la
puissance de la littérature (en jouant sur les effets lyriques et pathétiques) pour
nous permettre de concevoir la résignation du peuple face aux tyrans. Nous
pouvons nous y identifier et comprendre que le totalitarisme peut s’installer
demain avec notre assentiment.

• À l’inverse certaines œuvres se concentrent sur les dignitaires et les employés


des régimes, par exemple du régime nazi, comme Robert Merle dans La Mort est
mon métier (1958) ou plus récemment Jonathan Littel dans Les Bienveillantes. On
a reproché à ces œuvres d’humaniser les bourreaux et de banaliser le mal. Mais
justement c’est le rôle de la littérature de nous apprendre que les bourreaux ne
sont pas des créatures sorties de nulle part, mais des humains, et que le mal n’est
une chose surgie d’on ne sait où mais une chose banale dont malheureusement
chacun€ est capable. À la réflexion politique s’ajoute la réflexion morale. La
littérature nous montre comment nous sommes tous et toutes concerné(e)s par
le basculement toujours possible de la démocratie dans la terreur, en explorant
l’humain sous toutes ses facettes, même les plus inquiétantes.

II. Mais la littérature en elle-même donne une leçon de pluralisme


démocratique
• Mais la littérature, même quand elle ne parle pas de sujets politiques, donne
accès à d’autres opinions que la sienne. Elle permet ainsi d’apprendre le
pluralisme démocratique. Par exemple Césaire, dans le Discours sur le
colonialisme, fait entendre la voix des colonisés et détourne le discours des

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colonisateurs pour mieux le subvertir de l’intérieur (voir le groupement dans notre


édition).

• Plus fondamentalement, la littérature, tout particulièrement le roman, joue


souvent sur le mélange des points de vue et la polyphonie des voix, montrant la
complexité des débats. Par exemple Quatrevingt-treize de Victor Hugo peint une
France coupée en deux, voire en trois, avec des personnages aux logiques
inconciliables, Lantenac, prince breton, fidèle aux traditions de l’ancienne France,
Cimourdain, ancien prêtre, partisan de la Terreur, Gauvain (dont Cimourdain avait
été le précepteur, ce qui fait de Gauvain le seul être qu’il ait jamais aimé),
républicain idéaliste. Cimourdain est nommé délégué du Comité de salut public,
disposant des pleins pouvoirs, il devra mener Lantenac, nouveau chef des
Vendéens, à la guillotine ; il sera délégué auprès d’un jeune homme plein de
qualités, mais ayant pour défaut la clémence : le vicomte Gauvain. Toute l’intrigue
dépend du sort des trois enfants, Gros-Alain, René-Jean et Georgette : pris en
otage, ils sont sauvés par Lantenac, qui est ensuite capturé par les républicains
menés par Cimourdain. S’ensuit un débat moral au terme duquel Gauvain choisit
de libérer Lantenac, après un monologue délibératif intitulé « Gauvain pensif ».
C’est un roman démonstratif, très didactiques, mais qui ne cesse de nous obliger
à suspendre notre jugement. Ce qui déjoue les certitudes morales c’est ici encore
l’émotion que permet la représentation de personnages par la fiction
romanesque.

• Il faut enfin considérer que face à un texte littéraire, nous sommes dans
l’impossibilité de répondre. Certes cela peut paraître anti-démocratique puisqu’il
n’y a pas de dialogue, mais en même temps cela permet de découvrir une pensée
différente de la nôtre dans tous ses méandres, ses complexités, ses subtilités,
toutes ces choses qui disparaîtraient dans un dialogue oral ou un débat public.
Seule la littérature nous permet d’être vraiment confronté(e) à la pensée
d’autrui, à l’altérité. Même lorsqu’elle donne la parole à des auteurs anti-
démocratiques comme Céline, la littérature fait encore œuvre démocratique
puisque la démocratie se définit fondamentalement comme le seul régime qui
permet sa contestation, et même qui l’encourage, car elle est un régime qui vit de
sa remise en cause et de sa rénovation permanente.

III. C’est surtout comme art du langage que la littérature se


confronte au cœur de la démocratie
• La littérature, parce qu’elle est un art qui utilise le langage, permet aussi
d’apprendre à se méfier de la propagande et de la démagogie (discours qui
cherchent à flatter l’opinion). Les personnages de démagogues comme le
personnage de Cafteur dans La Ferme des animaux sont donc souvent des
personnages à la rhétorique efficace, et seule la littérature nous apprend à déjouer
cette fausse rhétorique en la mettant en scène et en la confrontant à la réalité,

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comme lors de la mort de Boxeur. Dès l’Antiquité, un dramaturge comme


Aristophane montrait dans sa pièce Les Cavaliers comment la démocratie était
toujours mise en danger par les démagogues. Cette comédie avait pour avantage
de montrer que la démocratie a une dimension théâtrale, puisque dès la Grèce
antique la démocratie s’accomplit par la parole publique. Mais il existe de bon(ne)s
comédien(ne)s qui pratiquent le double langage et parviennent à leurs fins aux
dépens du bien commun.

• En tant qu’art du langage, la littérature a surtout pour particularité de pouvoir


introduire le langage du peuple, donne une voix à ceux qui ne sont pas
représentés (comme dans Les Misérables de Victor Hugo par exemple). Elle oblige
le lecteur à prendre en considération ceux qui sont habituellement exclus. Au
XIXe siècle, nombreux sont les romans à intégrer les parlers populaires, l’argot des
rues, les patois locaux (par exemple normand chez Maupassant) la littérature
prend en charge le principe même de la démocratie : étendre les droits des
minorées opprimées, jusque-là ignorées, pour les intégrer dans la cité et faire en
sorte qu’elles soient représentées. Ce thème est évidemment particulièrement
actuel puisque la question de la représentation dans les arts de personnes exclues
au nom de leur couleur, de leur genre, de leur orientation sexuelle… est une
préoccupation majeure de nos démocraties actuelles.

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 Sujet d’oral n° 1
La Ferme des animaux, chapitre 10, pages 155-157, l. 285-350
◼ Pour démarrer

Situer le texte
• Nous sommes à la toute fin du roman, les idéaux de Major l’Ancien ont été
progressivement trahis, la révolution a été oubliée.
• Les animaux observent, par la fenêtre, Napoléon qui reçoit les fermiers des
environs, dont son ancien ennemi Pilkington, avec qui il semble manifestement
chercher à se réconcilier.
Le caractériser, mettre en évidence la problématique
• Il s’agit de la dernière scène du roman, Orwell entend parachever son allégorie.
Il faut donc se demander ce que signifie cette rencontre finale entre Napoléon et
Pilkington.
• Il faut aussi être attentif à la construction narrative : Orwell veut finir sur un effet
de chute, un final à la fois inattendu, créant la surprise, mais parfaitement
prévisible, car démontrant la logique du totalitarisme.
• Comment ce coup de théâtre final vient-il parachever l’allégorie du
totalitarisme ?
Dégager les objectifs de l’explication
• Montrer la façon dont cet explicit conclut le roman sur le plan formel aussi bien
qu’idéologique.
• Déceler les sens multiples et les discours à double entente pour faire émerger
l’ironie grinçante de ce dernier moment de la satire orwellienne.

◼ Explication linéaire
 § 1 : langue de bois et hypocrisie
• Le texte insiste d’abord sur les qualités d’orateur de Napoléon : brièveté et
efficacité. Le récit reprend ce discours au style indirect libre (introduit au départ
par une incise « dit-il »). La phraséologie de Napoléon contraste avec les idéaux
révolutionnaires exprimés par Major l’Ancien, Boule de Neige et les autres : « Lui
aussi, dit-il, était heureux que la période d’incompréhension soit terminée. » On
reconnaît ici la « langue de bois » qui appelle « incompréhension » ce qui était en
réalité un conflit ouvert.
• La désignation d’un ennemi extérieur (« un ennemi malveillant » qui aurait
propagé les rumeurs) permet la réconciliation générale : c’est le schéma bien
connu du bouc émissaire, qui permet d’apaiser la violence entre deux personnes
en la retournant contre une tierce.

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• Les principes de Napoléon sont désormais aux antipodes des valeurs originelles
de la ferme des animaux. On observe un mélange d’idéaux nobles comme le
pacifisme et de pragmatisme économique « Leur unique désir, à présent comme
par le passé, était de vivre en paix et d’entretenir des relations d’affaires normales
avec leurs voisins. » Il y a dans cette phrase un effet de chute et de contraste
produit par la différence entre la noblesse de l’idéal pacifique et le caractère
purement mercantile du désir d’argent.
• La ferme est désormais entièrement convertie au capitalisme, sous la forme
néanmoins d’une « entreprise coopérative », ce qui est une version très abâtardie
de l’idée d’abolition de la propriété visant l’égalité universelle. Plus exactement,
c’est la seule forme de collectivisme imaginable dans un cadre capitalisme, et sa
mention souligne brutalement comment, graduellement, l’idéal originel s’est
perdu.
 § 2 et 3 : effacement du passé révolutionnaire
• Toujours au style indirect libre, qui permet à la narration de prendre ses
distances et de montrer l’intention satirique d’Orwell, le texte continue de signaler
les diverses trahisons par rapport à l’idéal révolutionnaire.
• Le fait de s’appeler « camarades » est présenté comme une « coutume
ridicule » bientôt abolie et le salut du dimanche matin au crâne de Major l’Ancien
comme une « habitude étrange » qui sera elle aussi bientôt supprimée. Napoléon
entend ainsi effacer le passé : le nom même de Major l’Ancien n’est plus prononcé,
il devient « un vieux verrat » (on peut penser à la pratique stalinienne consistant
à effacer sur les photographies officielles du régime les dignitaires du parti tombés
en disgrâce).
• Il s’agit donc de priver les objets de toute dimension symbolique, c’est-à-dire
exactement l’inverse de ce qui se passait au moment de la révolution, avec
l’autodafé des objets symbolisant l’exploitation animale. Ainsi le drapeau vert
orné du sabot et de la corne est réduit à un simple objet dépourvu de signification,
dont on peut retirer indifféremment le sabot et la corne pour n’avoir qu’un
morceau de tissu vert.
• La fin du paragraphe permet d’atteindre le point culminant de cet effacement
des symboles, puisque la ferme des animaux redevient ferme du manoir.
Napoléon tire argument du fait qu’il s’agit de son « nom d’origine », mais c’est
surtout un nom renvoyant à l’exploitation des animaux par le fermier Jones.
L’effacement du passé révolutionnaire se solde par le retour au passé
prérévolutionnaire, ce qui prépare le terrain à la chute finale, où Napoléon
apparaît comme un nouveau M. Jones.
 § 4 : changement de focalisation et révélation de la monstruosité
• Une fois le toast de Napoléon porté, le récit change de focalisation : désormais
nous percevons la scène à travers les yeux des animaux (on pourrait comparer cela

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à un travelling arrière au cinéma). Ce changement de focalisation permet de


prendre du recul : nous passons du point de vue de Napoléon (dans lequel nous
étions plongés grâce au discours indirect libre) à un point de vue plus global sur la
scène. On pourrait aussi faire une comparaison avec le théâtre : nous voyons
désormais les personnages qui sont spectateurs de ce qui vient de nous être
raconté.
• Le changement de focalisation permet d’observer l’altération du visage des
cochons ; le texte insiste d’ailleurs en parlant des « yeux fatigués d’Anthyllis » sur
cette perception visuelle : après les mensonges de la parole entendue, la vérité
des corps observés. Ici encore les cochons sont assimilés à des monstres, non pas
effrayants mais plutôt dégoûtants (l’insistance sur le triple, quadruple, quintuple
menton crée une surenchère dans la monstruosité). Les cochons sont non
seulement devenus très gras, mais ressemblent aussi à des humains (il faut se
rappeler en effet que les animaux, contrairement à l’homme, n’ont pas de
menton… à l’exception de l’éléphant ! Il est peu probable qu’Orwell ait songé à ce
trait zoologique mais il n’est pas inintéressant de souligner qu’il mentionne,
consciemment ou pas, un caractère physique proprement humain !)
 § 5 et 6 : indifférenciation entre homme et animaux, entre
capitalisme et totalitarisme
• On suit toujours les animaux, qui se sont éloignés de la ferme, c’est donc cette
fois leur perception auditive qui nous est d’abord donnée, créant un effet de
suspense, qui se poursuit pendant la longue énumération (« cris, coups martelés
sur la table, regards acérés et soupçonneux, dénégations furieuses »). Il ne se
résout que lorsque l’explication est finalement donnée : la partie de cartes se
solde par une accusation de tricherie.
• Il s’agit là d’un élément allégorique : entre stalinisme et capitalisme, derrière
l’apparence de bonne entente, c’est un jeu de dupes qui est orchestré. On notera
qu’on ne sait qui a triché : Pilkington et Napoléon ont posé un as de pique, ce qui
signifie qu’ils ont joué la même carte… Cela introduit l’idée que capitalisme et
stalinisme sont finalement similaires, idée renforcée ensuite par le fait que les
douze voix sont « toutes semblables ».
• Cette fois la perception visuelle va confirmer l’impression auditive : « les yeux
des animaux allaient du cochon à l’homme et de l’homme au cochon, et encore
du cochon à l’homme », avec un jeu de répétition (on peut par exemple dire qu’il
y a deux chiasmes successifs et imbriqués l’un dans l’autre : AB/BA/AB). La formule
finale « qui était qui » où les deux pronoms relatifs sont exactement identiques
(c’est la même chose dans le texte original : « which was which ») exprime cette
identité parfaite entre le cochon et l’homme, entre le dictateur communiste et
l’exploiteur capitaliste.

◼ Question de grammaire

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Repérez et analysez les propositions subordonnées dans les phrases suivantes :


« Cette ferme, qu’il avait l’honneur de diriger, ajouta-t-il, était une entreprise
coopérative. Les titres de propriété qu’il détenait appartenaient conjointement à
tous les cochons. » (l. 296-299)
• « qu’il avait l’honneur de diriger » : relative adjective apposée à « ferme », le
pronom « qu’» est COD de « diriger » ;
• « qu’il détenait » : relative adjective épithète de « titres de propriété », le
pronom « qu’» est COD de « détenait ».

 Sujet d’oral n° 2
Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs
texte 11, pages 187-189
◼ Pour démarrer

Situer le texte
• Il s’agit d’une analyse générale qui constitue une pause au sein de l’action. Le
but de l’auteur est ici d’engager une réflexion didactique : le récit tend à se muer
en essai.
Le caractériser, mettre en évidence la problématique
• Le discours rationnel du narrateur se mêle à l’évocation pathétique du sort des
animaux.
• Le sort désormais réservé aux humains est présenté de façon froide comme la
conséquence logique de leurs exactions passées. Une justice immanente
s’accomplit dans cette transformation des anciens bourreaux en victimes.
• Le texte rappelle ainsi les horreurs commises par les humains dans un monde
révolu pour le narrateur, qui est aussi le monde actuel pour le lecteur ou la lectrice
d’aujourd’hui.
Dégager les objectifs de l’explication
• Montrer la façon dont la science-fiction d’anticipation permet de tenir un
discours sur le monde d’aujourd’hui.
• Observer l’efficacité argumentative du dispositif consistant à remplacer les
animaux par des humains sous le regard d’êtres venant d’un autre monde.
• Montrer comment l’alliance de ces deux procédés (renversement du monde et
regard extérieur) permet un discours à la fois ironique et pathétique.

◼ Explication linéaire
 § 1 : la dystopie future, contrepartie de la dystopie présente

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• D’emblée, la façon dont les humains sont traités est présentée comme « une
manière de réplique, ou peut-être de revanche ». Le mot « réplique » insiste sur
le caractère de réciprocité (c’est la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent)
entre la façon dont les hommes traitaient les animaux et la façon dont ils sont
traités désormais. Le terme « revanche » introduit une intention plus manifeste,
et suggère même un certain plaisir pris dans l’accomplissement de ce qui est vu
comme une juste rétribution.
• Le narrateur s’adresse ensuite au narrataire, qui est censé être comme lui, un
extraterrestre du futur (et non pas un humain d’aujourd’hui), comme l’atteste le
pronom « nous » : « Les hommes ne nous ont rien fait, me direz-vous ? Mais si.
Bien sûr que si. » La figure ici utilisée est une sermocination, procédé rhétorique
consistant à anticiper et à formuler les objections d’autrui. L’oralité de ce passage
semble témoigner d’une certaine impatience face au refus de considérer les
exactions des humains.
• S’ensuit un discours qui s’inscrit dans une longue tradition littéraire, celle de la
dénonciation de l’orgueil humain, à cause duquel l’homme se croit au-dessus des
animaux et s’arroge ainsi une place à part au sein de la création. Ce thème
traditionnel est ici revivifié par la conscience écologique, beaucoup plus récente.
Grâce au procédé du regard extérieur, les lieux communs sont soudainement plus
saisissants : « Ils ont tout de même rendu pénible à habiter ce monde qui par
nature était pourtant, d’après notre expérience, l’un des plus accueillants que
l’univers abrite. » Le point de vue extraterrestre donne plus de force à la
dénonciation des actions destructrices de l’homme sur l’environnement en en
faisant un constat objectif fondé sur une connaissance bien plus vaste que celle
des humains.
• On retrouve donc le thème de l’hubris de l’être humain qui existe depuis les
premiers mythes : c’est ici la dimension prométhéenne de l’homme, le fait qu’il se
prenne pour un dieu qui peut disposer de l’ensemble de la création, qui est
critiquée : « En se félicitant constamment de leur intelligence, de l’ampleur de
leurs actions, de la vitesse de leurs progrès, ils ont transformé peu à peu le havre
de grâce en enfer. »
• La critique du progrès, lequel était au cœur de la pensée des Lumières, est un
thème constant depuis le Romantisme, il accompagne l’avancée scientifique et
technique d’une déploration de ses effets. Encore une fois la perception
extraterrestre apporte un point de vue original : la Terre est désormais invivable
et condamne le narrateur et ses semblables à l’errance.
• L’essentiel est ici que tout ce discours est tenu de façon rationnelle, comme une
observation clinique. La litote « tout cela n’est pas rien » souligne une volonté de
mesure et de retenue dans un discours qui, s’il était tenu par un humain
d’aujourd’hui, tournerait rapidement au pathétique ou au lyrique, et qui, dans la
bouche d’un extraterrestre, reste descriptif et objectif, ce qui lui donne bien plus
de force argumentative.

37 • Hatier © 2021
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• Cependant le discours se fait ensuite plus nettement pathétique en décrivant


précisément les actions passées :
[…] ces hommes qui écornaient les bœufs, qui épointaient les becs des
poules, broyaient les poussins mâles, coupaient les queues des porcelets,
séparaient les veaux de leurs mères, et parlaient de quotas de perte lorsque
chaque matin ils trouvaient dans les stalles des bêtes malades à en crever ou
des bêtes déjà, mortes.
• L’énumération permet de mettre en évidence l’amoncellement des violences, et
d’énoncer ensuite la loi du talion : « Ceux qui souffrent aujourd’hui sont les
anciens bourreaux ». Ici la voix du narrateur se fait porteuse d’un contenu
didactique conforme à ce qu’on peut savoir par ailleurs des convictions de l’auteur
(Vincent Message se réclame du véganisme et de l’antispécisme, qui refuse les
discriminations fondées sur l’espèce).
• La fin du paragraphe fait apparaître une dimension solennelle, une certaine
emphase oratoire pour stigmatiser « ceux qui s’indignaient bruyamment d’autres
violences extrêmes mais qui acceptaient que celle-là soit dissimulée, et sa
méconnaissance organisée ». Dès lors, la dystopie future (ce que les
extraterrestres font subir aux hommes) révèle ce que nous vivons déjà sans le
savoir dans une dystopie (ce que les hommes font subir aux animaux).
 § 2 : les ambiguïtés du discours du narrateur
• La posture de justicier endossée par le narrateur dont le peuple a « renversé la
donne » est donc aussi une posture humiliante (au sens étymologique : qui
rabaisse) pour l’homme, forcé de réintégrer « ce règne animal dont ils voulaient à
tout prix s’excepter ».
• Le narrateur cependant introduit des nuances dans son discours : la jubilation
propre au sentiment de vengeance suscite le doute sur le bien-fondé de la loi du
talion. Le narrateur prend conscience du caractère irrationnel, passionnel de la
vengeance, et de la complaisance avec laquelle les nouveaux maîtres ont pris la
place des anciens : « la domination », note-t-il, a « son charme ».
• Le discours du narrateur paraît donc plus subtil, avançant en s’auto-nuançant,
en mettant en avant ses propres ambiguïtés. En réalité, il s’agit de montrer
comment l’exploitation des humains, qui n’était pas dans les habitudes des
extraterrestres et paraît inconcevable au lecteur ou à la lectrice d’aujourd’hui, a
fini par paraître naturelle :
Il a suffi de deux générations pour que l’esclavage et l’élevage des
hommes s’inscrivent dans les structures de la société que nous avons créée,
dans notre droit, dans notre morale, dans nos croyances et dans les gestes
que nous répétons ici au quotidien.

• Sur le plan argumentatif, il s’agit de montrer que si une chose aussi peu naturelle
a fini par paraître parfaitement normale, sous l’effet de la coutume, il en va de

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Classiques & Cie lycée • La Ferme des animaux • guide pédagogique

même pour l’exploitation des animaux dans notre monde. Nous pensons que c’est
une chose naturelle, alors que c’est une habitude dont on pourrait, aux yeux des
antispécistes, se débarrasser.
• Le narrateur, dont le propos rejoint ici de nouveau les convictions de l’auteur,
fournit alors une explication qui concerne aussi bien les extraterrestres du futur
que les hommes d’aujourd’hui. Il fait de l’exploitation un phénomène
fondamentalement culturel : « c’est là où on sort de l’utile, c’est quand on entre
dans le gratuit et dans l’apparemment absurde que la culture commence. » Ce qui
est utile, explicable, rationalisable relève de la nature, mais ce qui est inutile,
inexplicable relève de la culture.
• Il prend ainsi l’exemple de la consommation de produits animaux, rejoignant les
préoccupations du mouvement végan. Celle-ci n’est pas seulement un processus
naturel (manger pour survivre), elle comporte une dimension fondamentalement
culturelle (manger pour dire qui l’on est), ce que le narrateur exprime par une
sentence générale : « Manger de tout, comme nous mettons souvent un point
d’honneur à le faire, c’est se placer au sommet et regarder les autres d’en haut. »
• Le propos une nouvelle fois devient emphatique en fin de paragraphe, comme
le montre l’anaphore en « nous sommes » qui se conclut par une référence
intertextuelle à Descartes donnant au discours sa généralité philosophique et sa
gravité comminatoire.

◼ Question de grammaire
Relevez et analysez les modes des verbes dans la première phrase : « Dans les
choix que nous avons faits nous, il est probable qu’il y ait, sans que nous osions
nous l’avouer, une manière de réplique, ou peut-être de revanche. » (l. 1 à 3)
• Modes personnels : indicatif (passé composé « avons faits », présent « est »),
subjonctif (présent : « ait », « osions »)
• Mode impersonnel : infinitif (« avouer »)

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