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Armand Colin

POUR UN STATUT SÉMIOLOGIQUE DU PERSONNAGE


Author(s): Philippe Hamon
Source: Littérature, No. 6, LECTURES (MAI 1972), pp. 86-110
Published by: Armand Colin
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41704285 .
Accessed: 14/06/2014 22:32

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Philippe Hamon, Rennes.

POUR UN STATUT SÉMIOLOGIQUE DU PERSONNAGE

« Superstitions - j'appelleainsi toutes


littéraires
qui ontde commun
croyances l'oublide la condition
verbale
dela littérature
. Ainsiexistence
etpsychologie
despersonnages, cesvivants sansentrailles.»
P. Valéry,TelQuel.

Que le personnagesoit de roman,d'épopée, de théâtreou de poème, le


problèmedes modalitésde son analyse et de son statut constituel'un des
points de « fixation» traditionnelde la critique(ancienneet nouvelle) et
de toutethéoriede la littérature. Autourde ce lieu stratégiquela rhétorique
classique enregistrait commeunitésautonomes(non-tropes)des « figures»
ou des genrescommele portrait,le blason, l'allégorie,la prosopopèe,l'étho-
pée, etc., sans d'ailleursles distinguerou les définiravec précision.La
recherchedes « clés » (qui est Irène, qui est Phédon?) ou des « sources»
(quel futle modèlede la Nana de Zola?) restevivace, et les typologiesles
plus élaboréessont souventfondéessur une théoriedu personnage(héros
« problématique» ou non, d'identification ou de compensation,etc). La
vogue d'une critiquepsychanalytique plus ou moinsempiriquement menée
contribueà fairede ce problèmedu personnageun objet d'étude tellement
survalorisé(aidée en cela par les déclarationsde paternité,glorieusesou
douloureuses,toujoursnarcissiques,des romancierseux-mêmeseux aussi
« fixés» surce lieu) que l'on peutse demandersi cette« polarisation» privilé-
giée n'est pas une conséquencefatale de l'idéologiehumanisteet roman-
tique des analystesqui élisentet construisentleur objet à leur imageK
On est en effetfrappéde voirtant d'analyses,qui tententde mettresouvent
en œuvreune démarcheou une méthodologieexigeante,venirbuter,s'en-
ferrersur ce problèmedu personnageet y abdiquer toute rigueurpour
recourirau psychologismele plus banal (Julien Sorel est-il hypocrite?

1. Le « topos» le plusconnuest certainement celuidu personnage « qui prend


unevie de plusen plusautonome, qui se détachede plusen plus» de soncréateur-
démiurge. VoirBalzacappelant Bianchon, de certaines
etc.D'où les réactions écoles,
de Zolacontre Stendhal etles excèspsychologisantsdesstendhaliens,ou du Nouveau
Romaninaugurant l'èredusoupçon parunrefus dupersonnagetraditionnel« profond »
au profitde « figures platesd'unjeu de cartes» (Robbe-Grillet).
Pourunpointde vue
« classique» surla question, onpeutliresi l'onveut: leRomancier etses personnages,
de FrançoisMauriac,avec une préfaced'EdmondJaloux(Buchet-Chastel 1933).
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Quelle part en incombeà l'époque, quelle part à son propreprojet,quelle
partau séminaire?Commentexpliquerle coup de pistoletsurMmedeRénal?
On nage en pleine plaidoiriejudiciaire,exactementcomme si on parlait
d'être vivantsdont il faut justifierune conduiteincohérente) 2. Une des
premièrestâches d'une théorie littérairerigoureuse(« fonctionnelle » et
« immanente» pourreprendre des termesimposéspar les formalistes russes)
seraitdonc,sansvouloirpourcela « remplacer» les approchestraditionnelles
de la question(prioritén'est pas primauté),de faireprécédertoute exégèse
ou tout commentaired'un stade descriptifqui se déplaceraità l'intérieur
d'une stricteproblématiquesémiologique(ou sémiotique,comme on vou-
dra). Mais considérera priorile personnagecommeun signe, c'est-à-dire
choisirun « pointde vue » qui construit cet objet en l'intégrantau message
définilui-mêmecommecomposéde signeslinguistiques(au lieu de l'accep-
ter commedonnépar une traditioncritiqueet par une culturecentréesur
la notion de « personne» humaine), cela impliqueraque l'analyse reste
homogèneà son projetet acceptetoutesles conséquencesméthodologiques
qu'il implique.Il est notammentprobablequ'une sémiologiedu personnage
épouserales problèmeset les limitesactuellesde la sémiologie(tout court):
cette sémiologieest en effeten cours de constitutionet commenceseule-
ment à jeter les bases d'une théoriede l'agencementdiscursifdu sens à
l'intérieurdes énoncés,théoriedu récitou linguistiquedu discours3. Enfin,
il ne fautpas oublierque cettenotionde personnage:
a ) n'est pas une notionexclusivement« littéraire» : le problèmede la
littéralitéde la question (fonctionnement en énoncé d'une « unité» parti-
culière appelée « personnage», problème,si l'on veut, de « grammaire
textuelle») doit êtreprioritaireà celui de sa littérarité
(critèresculturelset
esthétiques);par exemplele président-directeur-général, la sociétéanonyme,
le législateur, le mandat,le dividendesontles « personnages» plus ou moins
anthropomorphes mis en scène par le texte de la loi sur les
et figuratifs
sociétés4; de mêmel'œuf,la farine,le beurre,le gaz sontles « personnages»

2. SelonRolandBarthes(l'Empiredessignes , Genève,Skira,1970,p. 15-16),


les Japonaisseraient à Yabride cetteillusionréférentielle : « Gomme beaucoupde
langues, le japonaisdistingue l'animé(humain et/ouanimal)del'inanimé, notamment
au niveaude sesverbesêtre;or,les personnages fictifs
qui sontintroduits dansune
histoire (du genre: il étaitunefoisun roi)sont affectésde la marquede l'inanimé;
alorsquetoutnotrearts'essouffle à décréterla " vie", la " réalité" desêtresroma-
nesques, la structure mêmedujaponaisramène ou retient ces êtresdansleursqualités
de" produits ", designescoupésdel'alibiréférentiel parexcellence : celuidela chose
vivante. »
3. Au sujetde la sémiologie, voirles lignesinaugurales et connuesde Saussure
(Coursdelinguistique générale, Payot,1965,p. 33,100,101).Dansunimportant article
(Semiotica, Mouton, La Haye,1969,I, 1 et I, 2) intitulé« Sémiologie de la langue,»
E. Benveniste définit deuxmodesde signifiance: celuipropre au signe(sémiotique)
et celuipropreau discours ( sémantique ), chacunmanipulant ses unitésspécifiques.
Nousreprendrons ici cetteterminologie. Le travailthéorique le plusconsidérable est
certainement, à l'heureactuelle(1971),celuid'A.-J.Greimas(Du sens , Paris,Éd.
du Seuil).
4. VoirAnalysesémiotique d'un discours juridique, par un groupede travail
dirigé parA.-J.Greimas (Documents detravailetprépublications duG.I.S.L.d'Urbino,
n° 7, sérieG, août1971,Urbino).Propp,danssa Morphologie du conte(Paris,Éd.
du Seuil,1970,p. 100) avaitégalement notéque des objetset des qualitésétaient
despersonnages à partentière : « Les êtresvivants, les objetset les qualitésdoivent
êtreconsidérés commedesvaleurséquivalentes du pointde vue d'unemorphologie
fondée surlesfonctions depersonnages. » Cecinenousempêchera pas,pourdesraisons
de commodité, de prendre dansleslignesqui suivent nosexemples presque exclusive-
mentdansle champde la littérature et de l'anthropomorphisé.
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mis en scène par le texte de la recettede cuisine;de mêmele microbe,le
virus,le globule,l'organe,sont les « personnages» du textequi narrentle
processusévolutifd'une maladie;
b) n'est pas lié à un systèmesémiotiqueexclusif: le mime,le théâtre,
le film,le rituel,la bande dessinée,mettenten scène des « personnages».
Une mise au point s'impose donc en ce domaine pour regrouperet
homogénéisersur des donnéessémiologiquesune série d'analyses diverses
déjà élaborées mais souvent dispersées(méthodologiquement et théma-
tiquement).
♦**

Peut-êtreest-ilbon de rappeler,pourlocaliseret ne pas méconnaîtreun


certainnombrede problèmesimportants, deux ou troisprincipesgénéraux;
pourque l'étuded'unphénomènerelèved'unesémiologie, il fautque celui-ci:
a) entre dans un processus intentionnel de communication,
b) manipule un petit nombre (flni) d'unités distinctives,de
signes(un lexique),
c) dont les modalités d'assemblage et de combinaisonsoient
définiespar un petit nombre(fini)de règles(une syntaxe),
d) indépendamment de l'infinitéet de la complexitédes messages
produitsou productibles5.
Une langue (naturelleou artificielle)répondà ces quatre conditions.
Cependant,on le sait,la linguistique(linguistiquedu signe,au sensrestreint)
définitet manipule des unités de dimensionsréduites(traitspertinents,
phonèmes,morphèmes,syntagmes...)alors qu'une théoriedu personnage
(intégréeau sein d'une linguistiquedu discours),devra sans doute éla-
borer,en plus, d'autrestypesd'unités(séquence,syntagmenarratif, texte,
actant...) 6. D'autre part, il n'est pas certainque le projet communicatif,
surtoutdans bon nombrede « textes» modernes,soit la conditionnéces-
saire et suffisante de la définitiond'un champ d'étude sémiologique;dans
ces « textes» l'expressionpeut l'emportersur la communication,l'idio-
matique sur l'informatif, et la participationludique sur la transmission
d'un signifié(d'où la question : tout phénomèneculturel- peinture,
mode...- relève-t-ilde la sémiologie?).Enfin la grande différencequi
existe entre un domaine comme la littérature (qui aussi, manipuledes
personnages)etun domainesémiologique, c'estque, commelenoteK. Togeby
(et outre le fait que des pratiques spécifiquescomme la commutation y
sont impraticables)code et message, dans le cas de l'œuvre littéraire,
coïncident: chaque œuvre-occurrence possède son code originalpropre,

5. Ces quatreprésupposés ontété exposéstrèsclairement par E. Benveniste


danssonarticle« Sémiologie de la langue» (art cit.).
6. D'où la distinction qui s'imposede plusen plusentresigneet discours (ou
texte,ou énoncé) : « Le sémiotique (le signe)doit êtrereconnu; le sémantique (le
discours)doitêtrecompris » (E. Benveniste,art. cit p. 134).RolandBarthesdéfinit
ainsile Texte: « Touteétenduefiniede parole,unifiée du pointde vue du contenu,
émiseetstructurée à desfinsdecommunication secondaire, pardesfacteurs
culturalisée
autresque ceuxde la langue» (article: « La linguistique du discours», in volume
collectif
: Signe, langage , La Haye,Mouton,
, culture 1970).Unetranslinguistique se
référeradoncavecprédilection auxlinguistes qui,comme Hjelmslev ou Harris,n'ont
pas voulufixer delimitesétroites, a priori, et ontreconnu
à la linguistique, le texte
commeuneunitéspécifique.

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sa propre « grammaire» qui régit la combinabilitéd'unités pourvues de
dimensionset de valeurs spécifiques7.
Tout cela risque de compliquerà l'extrême,il seraitinutilede le nier,
la délimitationd'un champ spécifique(sémiologique)de l'étude du per-
sonnage.Entre autreschoses,cela pose le problèmede la distinctiond'un
champ « stylistique» (ou rhétorique,ou « de parole ») qui serait exclu de
l'analyse. Mais commentdistinguerce qui ressortde la littérarité et de la
du personnage; d'un fonctionnement
littéralité en « œuvre» et d'un fonc-
tionnementen « texte »?
Faudra-t-ilpar exempledistinguer un « personnage-signe» (/Napoléon/,
enregistrédans le dictionnaire),un « personnage-en-énoncé non littéraire»
(/Napoléon/et ses substituts,dans une conversation,dans un manuel
d'histoire,ou dans un article de journal), un « personnage-en-énoncé-
littéraire» (/Napoléon/dans Guerreet paix?)
On peut prévoirqu'il faudrasans doute distinguerplusieursdomaines
différents et plusieursniveaux d'analyse.

Un de ces domainessera vraisemblablement celui du « héros». Quel


est le hérosd'un récit?Peut-onparlerde hérosmêmeen cas d'énoncénon
littéraire?Quels sont les critèresqui différencient le héros du « traître»,
du « faux-héros» (Propp), ou des personnagessecondaires?Une sémiologie
strictosensu (fonctionnelle et immanenteà son objet) pourra ne pas se
sentirconcernéepar ce problème.Il s'agit là en effetd'un problèmed'em-
phase, de focalisation,de modalisationde l'énoncépar des facteursparti-
culiersqui mettentl'accent sur tel ou tel personnageà l'aide de divers
procédés.Soit la phrase:
que Paul a vuhieren passant.
, oui c'estPierrelui-même
C'estPierre
Ces procédéspeuventêtretactiques(antépositiondu C.O.D.), quanti-
tatifs(répétitiondu nompropre),graphiques(nompropresouligné),morpho-
ou prosodiques(accentd'insistance,hauteur,
logiques(c'est... que/lui-même)
intensité).Il s'agit donc de procédés essentiellement liés au
stylistiques
typede vecteurutilisé8.Cetteaccentuation,ence qui concernele personnage,
sera,de plus,plus ou moinspré-déterminée par une sériede codes culturels,

7. VoirK. Togeby, article« Littérature et linguistique»,in RevueRomane , n°2


numérospécial(Akadémisk Forlag,Copenhague, 1968).Voiraussi E. Benveniste,
(art.cit.,p. 129) : « On peutdistinguer les systèmes où la signi fianceestimprimée
parl'auteurà l'œuvre, etles systèmes où la signifiance estexprimée parles éléments
premiers à l'étatisolé,indépendamment desliaisonsqu'ilspeuvent contracter. Dans
lespremiers, la signifiancese dégagedesrelations qui organisent unmondeclos,dans
lesseconds elleestinhérente auxsigneseux-mêmes. »Uneœuvre «littéraire » estdonc
plusieursfoiscodée: en tantque langue;en tantqu'œuvre;en tantque littérature.
8. La peinture pourra élaborer desprocédés similaires ouoriginaux, tousfortement
pouraccentuer
culturalisés, unpersonnage au détriment d'autres: situation enpremier
plan(ussituation à l'arrière-plan),
grandeur (uspetitesse),couleurs chaudes (uscouleurs
froides),cerne(us flou),multiplication (us unicitéd'apparition; voir,par exemple,
lesscènesnarratives comme
démultipliées, lesillustrations de Botticellipourla Diuine
Comédie), nimbe(usabsencede nimbe, pourles hérosde l'Écriture ou de la légende),
personnage situéau lieude convergence desregards (ushors-convergence), placestra-
tégique,section d'or,(usplaceneutre), etc.Surl'emphase , voirJ.Duboiset F. Dubois-
Charlier,Éléments de linguistiquefrançaise, Paris,Larousse,1970,p. 179 et suiv.
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Très souvent,ce sera la participationà un espace moralprivilégié(culturel)
qui le distinguera9.
Par exempledans un schémadu type :

relationspermises relationsexclues
(culture) (nature)
relationsmatrimoniales relations« anormales
»
(prescrites) (interdites)
Cl ^ G2

" Cl
C2
relation, »
« normales relations
nonmatrimoniales
(noninterdites) (nonprescrites)
on aura par exemple:
Cl : amoursconjugales.
C2: inceste,
homosexualité.
C2 : adultère
del'homme.
Cl : adultère
dela femme.
où les pôles Cl et C2sontprivilégiés(dans notresociété), donc assumables
par le héros,alors que les autres(C2 et ëî) serontceux de Fanti-héroset
définiscommel'espace de la transgression (de la nature).Une autre école,
ou une autreépoque, valoriserainversement ce schéma(héroshomosexuel,
a-social, femmeadultère,etc., opposés à la platitude de la conformité
bourgeoise,etc.).
Nous retrouvonsici, directement, le problèmede la lisibilité
, de Yam-
biguïtéd'un texte. On peut dire qu'un texte est lisible (pour telle société
à telleépoque donnée)quand il y aura coïncidenceentrele héroset un espace
moralvalorisé .
D'où les distorsionstrès fréquentesdans les lectures,accentuées à
l'époque modernepar l'extensionet l'hétérogénéité du public,donc par la
pluralitédes codes culturelsde référence: pour tel lecteur,à telle époque,
Pantagruel,ou Horace, serontles héros;pourtel autrelecteur,à telleautre
époque, ce sera Panurge, ou Curiace. Un certainnombrede constantes
généralespeuventêtrenéanmoinsenregistrées, le hérosse différenciant par :
différentielle
1) Une qualification : le personnagesertde supportà un
certainnombrede qualificationsque ne possèdentpas, ou que possèdent
à un degrémoindre,les autrespersonnagesde l'œuvre10:

9. Tomachevski poseainsile problème : « le rapport émotionnel envers le héros


(sympathie-antipathie) est développé à partird'unebase morale.Les typespositifs
et négatifs sontunélément nécessaireà la construction dela fable(...) le personnage
qui reçoitla teinteémotionnelle la plusviveet la plusmarquée s'appellele héros»,
in Théorie de la littérature
(Paris,Éd. du Seuil,1965,p. 295).VoiraussiF. Rastier,
(art.cit.,p. 35).Onpeutconsidérer la culture comme unsystème devaleurs qui connote
euphoriquement (positivement)ou dysphoriquement (négativement) les pôlespositifs
etnégatifs dela structureélémentaire dela signification, égalementbinaire (a vsnon-a)
soussa forme la plusélémentaire (Prieto,Greimas).
10. Qualification s'opposeà fonction comme au variableet le faireà
l'invariant
l'êtredu personnage (voirPropp,Morphologie du conte , Paris, Éd. du Seuil,p. 29).
Surla notionde degré de qualification,
voirci-dessous.
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reçoitdesmarques
(ex : uneblessure) ne reçoitpas de marques
aprèsunexploit
ou antécédents
généalogie exprimés généalogieou antécédents
nonexprimés11

prénommé, nommé
surnommé, anonyme
décritphysiquement nondécrit
physiquement
héroïsmeexplicité héroïsme M
nonexplicité
motivé
psychologiquement non motivépsychologique-
ment
anthropomorphe(humain) nonanthropomorphe
participant de la fable
etnarrateur simple à la fable18
participant
leitmotiv 14
pas deleitmotiv
enrelation
amoureuseavecunperson- sans relationsamoureuses
nageféminincentral
(héroïne) déterminées
bavard muet
beau laid
riche pauvre
fort faible
jeune vieux
noble roturier etc.

2) Une distributiondifférentielle.
Il s'agit là d'un mode d'accentuation
purementquantitatifet tactiquejouant essentiellement sur :
aux moments
apparition marquésdu à un moment
apparition non
récit(début/findes séquences
et du marqué
récit)
apparition
fréquente uniqueou épiso-
apparition
dique
3) Une autonomiedifférentielle.Certains personnages apparaissent
toujoursen compagnied'un ou de plusieursautrespersonnages,en groupes
fixesà implicationbilatérale(P1 > P2 et P2 > P^, alors que le héros

11. La participation à uncyclefamilial défini, à unparadigme déjà constitué et


explicitéparuntitre (lesRougon-Macquart, lesThibault , etc.)permet deposerd'emblée
le hérosdèsla première mention de sonnom.Celapeutêtreredoublé parletitreparti-
culierd'undesvolumesde la série;par exemple, chezZola : SonExcellence Eugène
Rougon .
12. Le faitpar exemple, pourl'auteur,de l'appelersystématiquement « notre
héros» et d'appelerle traître« traître
».
13. Le hérosde nombreuses nouvelles de Maupassant estd'emblée défini comme
telparle faitqu'ilparticipeà uncontrat initial(«Racontez-nous votrehistoire - Soit!
Eh bienvoilà...») qui le posecomme narrateur d'unehistoire quiluiestarrivée.
14. Dans Son Excellence EugèneRougon, Eugèneesttoujours appelé« le grand
homme ».
15. La culture, définie commeensemble de valeursinstitutionnalisées, valorise
en généralautomatiquement un personnage qu'elledésignecommehéros.On peut
doncparlerde contraintes idéologiquesvenantpré-déterminer le romancier, en appa-
rencelibrepourtant. Dansunetellesociété, à telleépoque,unvassal,unouvrier, une
marâtre, unvieillard,nepourront êtrehérosouhéroïne. Surle héros à l'époqueclassique
au théâtre, voirJ. Scherer, la Dramaturgie classique en France , p. 19 à 50 (Paris,
Nizet,1970).En ce qui concerne de nombreux mythes sud-américains, Lévi-Strauss
a notéquele hérosétaiten général«maître » de la chasse,desrichesparures, du feu
qui réchauffeet qui cuit,et de l'eau destructrice (in VHomme nu, Paris,Pion1971,
p.345),etqu'ilétaitdéfiniparle mariage(acceptable ou inacceptable) qu'ilcontractait.
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apparaît seul, ou conjointavec n'importequel autre personnage16.Cette
autonomieest souvent soulignéepar le fait que le héros seul dispose du
monologue (stances),alorsque le personnagesecondaireest voué au dialogue
(voir dans théâtreclassique). De mêmel'apparitiond'un personnagepeut
êtreplus ou moinsrégiepar une mentionde milieu,ou par uneplace précise,
prévisibleet logiquementimpliquéepar l'apparitiond'un syntagmenarratif,
dans une suite de fonctionsorientée et ordonnancée.Propp en avait
déjà faitla remarque: « le conteurn'a pas la liberté,dans certainscas, de
choisircertainspersonnages en fonction
de leursattributs, s'il a besoind'une
fonctiondéterminée» ( Morphologiedu conte , op. cit., p. 139). Ainsi un
personnagede curéapparaîtraen positionfinaled'un syntagme:
projetde mariage > conduite dela femme ►résolution
deconquête du
mariage(à l'église)
entièrementdéduit,par conséquent,du rôle ponctuel(bénir un mariage)
qu'il doit jouer à un momentdonné.D'où l'opposition:
(régissant)
non-présupposé présupposé
(régi)
4) Une fonctionnalité différentielle.
Le hérosest ici, en quelque sorte,
enregistrécommetel à partird'un corpusdéterminé,et a posteriori;une
référenceà la globalitéde la narrationet à la sommeordonnancéedes pré-
dicats fonctionnelsdont il a été le support,et que la culturede l'époque
valorise,est nécessaire.Cette différenciation joue souvent(dans le conte
populaireet dans la littératureclassique occidentale)sur les oppositions
suivantes(dontle premiertermeest marqué):
personnagemédiateur(résoutles nonmédiateur
personnage
contradictions)
parunfaire
constitué parundire(person-
constitué
nagessimplement cités),ou
parun être sim-
(personnages
plementdécrits)
del'opposant
victorieux en échecdevantl'opposant
sujetréelet glorifié non-sujet
(ou sujetvirtuel)
reçoitdesinformations (savoir) ne reçoitpas d'informations
16. Témoinle hérospicaresque, qui traversedes nébuleuses de personnages qui
ne réapparaîtront plus,et qui n'existeront que le tempsde la rencontre. De même,
à l'inverse,le confidentou la suivante de théâtre,dontl'apparition esttoujours régie
parcelledumaître. Maislespôlesmarqués varient;onsaitparexemple, que de nom-
breusesfablesprivilégient uncouple (NisusetEuryale, lesDeuxAmisdeMaupassant...)
dontil estcurieux de noterqu'ilestsouvent enposition d'infériorité
finale, comme si
partager l'héroïsme étaitl'affaiblir fonctionnellement. Surles personnages-doublets,
voirparexemple, C. Lévi-Strauss, Mythologiques II, Du mielauxcendres , p. 138-139,
156(Paris,Pion,1968): Trèssouvent, uneduplication n'estque le camouflage d'une
structure dégradée. Trèssouvent aussi,elleestunefatalité de la série(du feuilleton,
du roman cyclique,ou à épisodes, dela bandedessinée hebdomadaire, etc.),leslecteurs
ayantbesoinde se reconnaître dansun doubledu héros(compagnon plusou moins
populaire etdésopilant,composite dequalitésetdedéfauts, animalfamilier participant
aux aventures...),doubleplus« humain » et moinsmonolithiquement parfait que le
héros.Notonsenfin que desfoules peuvent jouerle rôlede personnages-héros : foules
de Germinal de Zola, d'Octobre d'Eisenstein,etc. Le hérosest doncindépendant :
a) de touteanthropomorphisation, b) de touteindividuation.
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desadjuvants
réceptionne (pouvoir) ne réceptionne
pas d'adju-
vants
participeà uncontrat initial(vouloir) ne participe
pas au contrat
qui a sa résolution
à la findu récit initial17
liquidele manqueinitial ne liquide pas le manque
initial
le « héros» de Propp est définisur ce type de critèresfonctionnels, par sa
« sphèred'action». Mais il y a là un certainflottement dans les dénomina-
tions : ce que Propp définit,c'est (plutôt qu'une entité sémantique,un
actant-sujet,à l'intérieurd'un corpus bien délimité) davantage une
entitéculturelleet stylistique.Définitionfonctionnelle et définitionstylis-
tique, chez lui, ne sontpas toujoursclairementdistinguées,commedans ce
passage ( Morphologiedu Conte , op. cit.,p. 48) : « Si l'on enlève ou chasse
une jeune filleou un petit garçonet que le conte les suit sans s'intéresser
à ceux qui restent,le hérosdu conteestla jeune filleou le petitgarçonenlevé
ou chassé. Il n'y a pas de quêteurdans ces contes-là.Le personnageprinci-
pal peut y êtreappelé « hérosvictime» (soulignépar nous). Cettedifférence
entrehérosquêteuret hérosvictimeest préciséeplus loin (p. 62) : « Le héros
du contemerveilleuxest ou bien le personnagequi souffredirectement de
l'action de l'agresseurau momentoù se noue l'intrigue(ou qui ressentun
manque), ou bien le personnagequi accepte de réparerun malheurou de
répondreau besoin d'une autre personne.» Ce qui est définilà, c'est un
actantsujet (et/oubénéficiaire) plutôtqu'un héros.Si elle est trèsfréquente,
l'adéquation actant-sujet = héros n'est absolumentpas obligatoire.Le
héros n'est pas plus lié à la notion actantiellede sujet qu'à tout autre
(Opposant, Bénéficiaire,Destinateur,etc.). Voir le « roman de l'échec »
au xixe siècle, par exemple,où un personnagequi n'arrivejamais à se
constituercommesujet réelest pourtantle héros.

5) Une prédésignation conventionnelle.Ici c'est le genrequi définit


a priorile héros.Le genrefonctionne commeun code,communà l'émetteur
et au récepteur,qui restreintet prédétermine l'attentede ce dernieren lui
imposantdes lignesde moindrerésistance(prévisibilitétotale). Ainsi dans
la Commediadell'arte,l'opéra, le feuilleton,le western,etc., l'emploi de
masques,de costumes,d'un type de phraséologie,de modalitésd'entréeen
scène, etc., fonctionnecomme autant de marques désignantd'emblée le
héros,pour qui possède le « grammaire» du genre.
Tous les procédésd'accentuationque nous venons de voir,notons-le,
peuventse recouper,entreren redondance(le hérosde tel feuilletonsera :
jeune -f apparaîtrafréquemment + régissant+ liquiderale manqueinitial,
etc.) seloncertainsfaisceauxde qualificationsprivilégiéespropresà telle ou
telle culture. Ils pourrontégalemententrerdans un jeu déceptifd'alter-
nancesou de contradictions entreYêtreet le paraîtredes héros.Dans le conte
populaire,par exemple,le hérosdoitsouventse fairereconnaître commetel,
pour démasquerun usurpateur(faux-héros)qui a pris sa place, et la fin
du récitest le lieu stratégiqueoù l'êtreet le paraîtredes personnagescoïn-
cident.Toutes sortesde procédésstylistiquesannexesde variationpeuvent
enfinvenir diversifier un faisceau trop rigide : tel personnagepeut être
hérosen permanence,ou épisodiquement;il peut cumulerplusieursdéfini-
17. Il s'agitlà du problème du déclenchementde la narration
par instauration
d'unsujetvirtuel dotéd'unvouloir etd'unprogramme (pourcesnotions,voirA.-J.Grei-
mas,Du sens , op.cit.,passim
).
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tionsactantielles(le hérosest par exemplesujet + bénéficiaire),en assurer
une seule, ou en endosseralternativement de différentes(tantôt sujet,
tantôt objet...). Certainsprocédés,certainsgenrescomme le roman par
lettres(Richardson,Laclos), les journauxintimescomplémentaires (Gide),
ou le romanpolyphonique(Dos Passos), en faisantvarierperpétuellement
la focalisationdu texte,changentperpétuellement de hérostout en main-
tenantle mêmeschémaactantielstable18.
L'étude du hérosfaitcertainement partiede ce que l'on pourraitappe-
ler le domaine d'une socio-stylistique du personnage,domaine fortement
tributairedes contraintesidéologiqueset des filtresculturels19.Reste à en
ébaucherune sémiologie proprement dite(ou du moinsà en déblayerl'aire!).

***
Rappelons ici encorequelques principestrès généraux.De même que
les sémiologuesreconnaissent souventtroissubdivisionsdans leur discipline
(une sémantique,une syntaxe,une pragmatique),on peut, très sommaire-
ment,distinguer troisgrandstypesde signes:
1. Les signesqui renvoientà une réalité du monde extérieur(table/
girafe/ Picasso/rivière...)ou à un concept(structure/ apocalypse/liberté...).
On peut les appeler,référentiels. Ils fonttous référence à un savoirinstitu-
tionnaliséou à un objet concretappris. (Sémantiqueplus ou moins« stable »
et permanente.)On reconnaîtde tels signes,ils sont définispar le diction-
naire.
2. Les signes qui renvoientà une instance d'énonciation,signes à
contenu« flottant» qui ne prennentsens que par rapportà une situation
concrètede discours(hic et nunc),que par rapportà un acte historiquede
parole déterminépar la contemporanéitéde ses composants(je/ tu/ici/
demain/ceci...). Ce sont les « circonstancielségocentriques» de Russell,
les a deïctiques», ou les v embrayeurs» de Jakobson20,non définis« séman-
tiquement» par le dictionnaire.
3. Les signesqui renvoientà un signedisjointdu mêmeénoncé,proche
18. Un « héros» est-ilnécessaire à la cohérence d'unrécit?Tomachevski écrivait
en1925: « Le hérosn'estguèrenécessaire à la fable.La fablecomme système demotifs
peutentièrement se passerdu héroset de sestraitscaractéristiques. Le hérosrésulte
dela transformation dumatériau ensujetetreprésente d'unepartunmoyen d'enchaî-
nement de motifs,et d'autrepartunemotivation personnifiéedulienentre lesmotifs.
L'anecdote représente en général uneforme réduite, vagueet fluctuante de fable,et
dansde nombreux cas se réduità n'êtreque l'intersection de deuxmotifs princi-
paux [...],construite uniquement surla doubleinterprétation d'unmot» (in Théorie
dela littérature
, op.cit.,p. 296-297). L'anecdote, en effet,
se passesouvent de l'accen-
tuationd'unpersonnage (« un homme rencontre unefemme et lui dit...», « un ami
rencontre un ami...», « un éléphant rencontre unesouris...») et joue souvent surun
jeu de mots(unsignifiant à doublesignifié). Maisne peut-on direque le personnage
« qui a le derniermot»,ou celuiqui parleendernier, estle héros?D'autrepart,même
sousforme de qualification stéréotypée, un personnage reçoitsouventun embryon
de qualification et d'accentuation différentielle (Mariusdevantun touriste allemand,
spirituel vsbalourd).
19. Aussine faut-ilpas s'étonner si la « mort» du personnage-héros, à l'époque
moderne, estun faitacquis,l'auteurprenant biensoinde ne privilégier aucunper-
sonnage (maisest-cepossible?). Celaintervient, desurcroît,à unmoment où se consti-
tue un publicde plusen plushétérogène (livrede poche,massmedia),où doncles
risquesde « distorsion » et de « brouillage » dansle décodagedu hérossontde plus
en plusévidents.
20. Voirlespagesclassiques d E. Benveniste, m Problème delinguistique ,
générale
p. 225et suiv.(Paris,Gallimard, 1966).
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ou lointain,soit antécédentdans la chaîneparlée- ou écrite- , soit pos-
térieur.Leur fonctionest essentiellement cohésive,substitutiveet écono-
mique. Ils abaissenten effetle coût du message,ainsi que sa longueur.On
peut les appelerglobalementanaphoriques(le nom propreet l'article dans
certainsde leurs emplois,la plupartdes pronoms,les substitutsdivers,le
verbe « vicaire» faire,etc.) 21.Leur contenu,lui aussi flottantet variable,
estuniquementfonctiondu contexteauquel ils renvoient.Ces signesforment
une catégorielinguistiquepriviligiéepour qui étudiele passage et les homo-
logies éventuellesentreune linguistiquedu signe et une linguistiquedu
discours(transphrastique), ou, pour reprendreles termesde Benveniste,le
passage d'une sémiotiqueà une sémantique.On quitteen effetles structures
d'ordreproche(échelle du syntagme)pour passer à des structuresd'ordre
lointain(échelledu texte). Une sémiologiedu personnagepourra,au moins
en un premiertemps,et pour débroussaillerson domaine,reprendrecette
tripledistinctionet définirnotamment:
a) Une catégoriede personnages-référentiels : personnageshistoriques
(Napoléon III dans les Rougon- M acquari, Richelieu chez A. Dumas...)
mythologiques (Vénus,Zeus...) allégoriques(l'Amour,la Haine...) ou sociaux
(l'ouvrier,le chevalier,le picaro...). Tous renvoientà un sens plein et fixe,
immobilisépar une culture,et leurlisibilitédépenddirectement du degréde
participationdu lecteurà cetteculture(ils doiventêtreappriset reconnus ).
Intégrésà un énoncé,ils serviront essentiellement« d'ancrage» référentielen
renvoyantau grandTexte de l'idéologie,des clichés,ou de la culture;ils
assurerontdonc ce que R. Barthes appelle ailleursun « effetde réel » 22
et, trèssouvent,participeront à la désignationautomatiquedu héros(quoi
qu'il fasse,le hérossera chevalierchez Chrétiende Troyes).
b) Une catégoriede personnages-embrayeurs. Ils sont les marques de
la présenceen texte de l'auteur,du lecteur,ou de leurs délégués: person-
nages « porte-parole», chœursde tragédiesantiques, interlocuteurs socra-
tiques,personnagesď Impromptus, conteurset auteursintervenant, Watson
à côté de SherlockHolmes, etc. Le problèmede leur repéragesera parfois
Là aussi, du fait que la communication
difficile. peut être différée
(textes
écrits),diverseffetsde brouillageou de masquagespeuventvenirperturber
le décodage immédiatdu « sens » de tels personnages(il est nécessairede
connaîtreles présupposés,le « contexte» : a priori,l'auteurpar exemplen'est
pas moinsprésentderrièreun « il » que derrièreun « je »).
c) Une catégoriede personnages-anaphores 23.Ici une référence au sys-
21. Surles substitutset surle phénomène linguistique de la substitution, voir
par exempleJ. Dubois,Grammaire dufrançais
structurale , t. 1, p. 91et suiv.(Paris,
Larousse, 1965),et pourle statutdesnomspropres , id.p. 155et suiv.Cettequestion
desnomspropres a étél'occasionde débatsinterminables d'unepartentrelogiciens,
d'autrepartentrelinguistes, les premiers donnant d'ailleursau « nompropre » une
acception trèsparticulière.Peut-être, pourresterrigoureux, devrait-on direqu'une
« sémiologie du personnage» coïncideavecle chapitre « Substituts et Substitution »
de n'importe quellegrammaire (analysefonctionnelle et distributionnelle d'unecaté-
goried'unitésappelée« substituts »),et que toutle resteseraitune« stylistique » du
personnage? Maisdansla mesure où le personnage apparaîtnonseulement dansles
matériaux du «texteinfini» dulinguiste, maisaussidansdesœuvres , il estprobable
qu'il faudras'orienterà travers unehiérarchie de codesau travailsimultanément.
22. Voirl'articledeR. Barthes, « L'Effetderéel»,parudansla revueCommunica-
, n° 11 (Paris,Éd. du Seuil,1968).
tions
23. Surcettenotion importante, etpriseiciau senslarge, voirL. Lonzi,« Anaphore
et récit»,in Communications, n° 16 (Paris,Éd. du Seuil,1970).
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téme proprede l'œuvre est seule indispensable.Ces personnagestissent
dans l'énoncé un réseau d'appels et de rappels à des segmentsd'énoncés
disjointset de longueurvariable(un syntagme,un mot,un paragraphe...);
élémentsà fonctionessentiellement organisatriceet cohésive,ils sont en
quelque sorteles signesmnémotechniques du lecteur: personnagesde prédi-
cateurs,personnagesdoués de mémoire,personnagesqui sèmentou inter-
prètentdes indices,etc. Le rêve prémonitoire, la scène d'aveu ou de confi-
dence,la prédiction,le souvenir,le flash-back,la citationdes ancêtres,la
lucidité,le projet,la fixationde programmesontles attributsou les figures
privilégiéesde ce type de personnage.Par eux, l'œuvrese cite elle-mêmeet
se construitcommetautologique24.
Ici deux remarques: Il est bien entenduqu'un personnagepeut faire
partie,simultanément ou en alternance,de plusieursde ces troiscatégories
sommaires: Toute unité se caractérisepar sa polyvalencefonctionnelle en
contexte.D'autre part il est évidentque c'est la dernièrecatégoriequi nous
intéresserasurtout,et qu'une théoriegénéraledu personnages'élaboreraà
partirdes notionsde substitutionet d'atiaphore.Si d'une part tout énoncé
se caractérisepar sa fortecohésioninterne,par sa redondance,par son
économie,si d'autre part l'énoncé « littéraire» possède et construitde
surcroîtson code propre,sa propreautonomieet sa propre« grammaire»,
cette grammairese caractériseraprobablementpar une certainehyper-
trophiede l'anaphoriquesurle référentiel et le dénotatif: nécessitéd'assurer
l'organisationdiscursive,la cohérencedes schémas narratifs,le balisage
mnémotechniqued'énoncésparfoislongs25. Par leur récurrence, par leur
renvoiperpétuelà une information déjà dite, par le réseau d'oppositions
et de ressemblances qui les lie,tousles personnagesd'un énoncéaurontdonc
en permanence une fonction anaphorique (économique, substitutive,
cohésive,mnémotechnique).
♦%
En tant qu'unité d'un système,le personnagepeut, en une première
approche,se définircommeune sorte de morphèmedoublementarticulé,
manifestépar un signifiantdiscontinu,renvoyantà un signifiédiscontinu,
et faisantpartied'un paradigmeoriginalconstruit
par le message(le système
propre des personnagesdu message). Soit, pour sérierles problèmes,la
nécessitéde le définirpar :
1. Son signifiant: Le personnageest représentésur la scènedu texte
par un signifiantdiscontinu: je/me/moi/,pour un personnage-narrateur
anonyme;il/ Julien Sorel/le jeune homme/notre héros/,etc., pour un
personnageordinairede roman.Ces constituantsferontpartie d'un para-
digme grammaticalement homogène(je/me/moi)ou hétérogène(Julien/
notrehéros...),sémiologiquementhomogène(uniquementdes signeslinguis-
tiques arbitrairesdoublementarticulés)ou hétérogène(combinaisonsde

24. Cespersonnages coïncident souvent aveccespersonnages dont


d'informateurs
Proppreconnaît l'importance (ouvr. cit.,p. 86 et stuv.)et qui servent à assurer,des
liaisonsentreles fonctions : entrel'enlèvement de la princesseet le départdu héros,
il fautqu'unpersonnage d'informateur ait apprisà ce dernier quecettedernière a été
enlevée.Ils forment les « organisateurs » du récit(R. Barthes).
25. Surcettenotionde cohérence textuelle, voirpar exempleI. Bellert,« On
a condition ofthecoherence oftext»,in Semiotica , II, 4, 1970,Mouton,La Haye
et M. A. K. Halliday,« thelinguistic studyoflitterary texts» in Proceedings
ofthe
NinthInternational Congress oflinguists(HoraceLunt,Mouton, 1964,p. 302et suiv.).
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signes linguistiqueset d'icônes, par exemple, dans le cas d'une bande
dessinée,ou d'un livre illustré).Ils s'intègrentsouventà des paradigmes
spécialisés,ceux de la parentépar exemple,où les prénoms(Jean,Gervaise,
etc.) jouent le rôle de « désinences» et le nom (Macquart) le rôle du « radi-
cal ». Ces diversconstituantsse caractériseront par leur ordred'apparition
dans le texte ainsi l'ordre: un chevalier le chevalier le chevalierà la
charrette -> Lancelot,dans le Chevalier à la charrette
de Chrétiende Troyes26;
leurdistribution pourraêtreégalementpertinente: quand Stendhalemploie-
t-il le jeune hommeet quand emploie-t-ilnotrehéros27? Ce signifiantse
caractériseen généralpar sa récurrence : le mot/Julien/ est très souvent
répété dans Le Rouge et le Noir. Par là même cette récurrenceet cette
permanencesontun facteurimportantde la cohésiondu texteen assurantla
conservationdu sens à traversune pluralitéd'emploisde signesdifférents 28.
Des procédés de substitutiondivers, synonymes,surnoms,leitmotivs,
périphrases,citations,allusions,pronoms,etc., du type : il = notrehéros
= Julien = JulienSorel = le jeune homme = M. Sorel,etc., renforcent
cela et assurentla permanencedes marques: un texteoù les « personnages»
changeraientà chaque séquence(par exemple: Paul est venu,/'ai mangé,
elles sont aimables,vous voilà bien attrapés,etc.) ne constitueraitpas un
récit.Ces substitutsdiversintègrentà un même paradigmedes segments
textuelsde longueurvariée qui formentune échellequi va du démonstratif
(celui-ci)à la description(c'était un jeune hommebrun...)en passant par le
nom propre(Julien). Ils peuvent introduireégalementune modalisation
stylistiqueintéressantede l'énoncé (connotationssociales ou affectivesde
l'appellation: M. Sorel vs le petit Sorel) 29.Mais la récurrenced'un nom
propre(André,Julien,Sorel...)peut êtreplus ou moinsambiguëselonqu'elle
renvoieou ne renvoiepas à un seul signifiédéjà déterminépar le contexte
antérieur;il n'y a pas d'ambiguïtés'il n'y a qu'un André,Julien,ou Sorel
et ambiguïtés'il y a plusieursAndré,Julien,ou Sorel,dans l'énoncéproche
ou lointain.Certainstextesmodernes,commele Bruitetla fureurde Faulk-
ner,jouerontsystématiquement sur cette polysémie: stabilitéd'un signi-
fiantet non-stabilité du signifiéauquel il renvoie30.Il y a doncune gromma -
ticalité du signifiant,une grammaticalitédu système anaphorique et
substitutifque le texte doit respectersous peine de compromettre sa lisi-
bilité,mais que peut venirbrouillerle jeu d'un code stylistiquebien défini
(proximitéou éloignementdes « antécédents» des substituts).

26. Lancelotne reçoitsonnomqu'aprèsses premiers exploits.Jusqu'alors il n'a


qu'unsurnom.
27. D'unpointde vuestylistique, l'auteurpourra jouersurl'attente oule retard
d'apparitiondespersonnages.
28. Cetterécurrence peutcontribuer, on l'a vu, à déterminer difïérentiellement
le hérosdu récitet à le distinguer des personnages épisodiques (moinsrécurrents),
sansque cela puisseconstituer uneloi.
29. En généralunemanifestation typographique stableet conventionnelle assure
la permanencetextuelleetla différenciationdusignifiant dupersonnage; c'estl'emploi
de majusculespourles nomset prénoms, voired'uneseulemajuscule : K. de Kafka,
le comteP... dansAdolphe , etc. Commedansle langagemathématique, une seule
lettre,un seulsymbole peutdoncsuffire.
30. Voiraussi,parexemple, lesinnombrables « BobbyWatson» de Ionescodans
la Cantatrice
chauve.Certains romanciers modernes (A. Robbe-Grillet, par exemple)
perturbent systématiquement cettestabilitéet cettegrammaticalité du signifiant
(du fonctionnement des substituts) en introduisant des variantesorthographiques
dansles nomspropres despersonnages et en brouillant le jeu de ces substituts. Voir
à ce sujetJ.Ricardou,Mortdupersonnage , in Pourunethéorie
fictif dunouveau roman
(Paris,Éd. du Seuil,1971,p. 235et suiv.).
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N°6
LITTÉRATURE 7

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2. Le signifiédu personnage.Nous avons provisoirement définile
personnagecomme une sorte de morphèmediscontinu31. Les principaux
conceptsd'une morphologie(allomorphes,amalgame,discontinuité, redon-
dance, etc.) serontdonc probablementopératoires.Cependant,à la diffé-
rence du morphème- ou monème- de la langue (-ons, -teur,cheval,
-s, ...) qui est d'emblée reconnu,la déterminationde 1' « information »
du personnage,représentésur la scène du texte par un nom propreet ses
substituts,se faiten généralprogressivement. La premièreapparitiond'un
nom propre(non historique)introduitdans le texte une sortede « blanc »
sémantique: qui est ce « je » qui prendla parole? qui est ce « Julien» qui
apparaît à la premièrepage? On a affaireà un « asémantème» (Guillaume)
qui va se chargerprogressivement de sens,et en général,dans la littérature
classique, assez rapidement32. Ainsi le prénom,à la différence du nom
propre,est déjà porteurd'informationsur le sexe du personnage(André
/Andrée)voiresur sa nationalité(Marius- Natacha - John).De mêmele
sexe d'un personnagenon déterminéa priori(Claude/Dominique/le « je »
d'un narrateur)sera trahi (révélé) par le premieraccord d'adjectifou de
participe passé (je fus surpris /je fus surprise)33. Morphème« vide » à
l'origine,le personnagene prendradonc son « sens » définitifque petit à
31. « Les acteurset les événements narratifs sontdes lexèmes(= morphèmes,
au sensaméricain), analysables en sémèmes (acceptions ou « sens» desmots)qui se
trouvent organisés, à l'aidederelations syntaxiques, enénoncés univoques »(A.-J.Grei-
mas,in Du sens , op. cit.,p. 188-189). PourPropp,onle sait,l'étudedespersonnages
n'entre pas dansle domained'unepureet stricte« morphologie », car seulel'étude
desfonctions estpertinente : «la question desavoircequefontlespersonnages estseule
importante; quifaitquelquechose,et comment il le fait,sontdesquestions qui nese
posentqu'accessoirement » (Morphologie duConte , op.cit.,p. 29); [on]« nedoitjamais
tenircomptedu personnage-exécutant » (id. p. 30). Dans un articleimportant, La
structureetla forme (in Cahiers deVInstitut de Science économique appliquée, sérieM,
n°7, Paris,mars1960),C. Lévi-Strauss s'opposesurce pointà Proppet souligne que
le personnage estaccessible à uneanalyserigoureuse, que c'estmêmele seuldomaine
où l'on atteigne le « contenu » de l'énoncé, que ce contenu estlui-même structuré et
qu'il n'estpas un « résidu» amorphe et accessoire (les « accessoires attributifs» de
Propp).Aussiécrit-ilque « chaquepersonnage n'estpas donnésousla forme d'un
élémentopaquedevantquoi l'analysestructurale doives'arrêter ». Mêmesi, dans
le récit,«le personnage [y] estcomparable à un motrencontré dansun document,
maisqui ne figure pas au dictionnaire, ou encoreà un nompropre, c'est-à-direun
termedépourvu de contexte [...],il estle supportd'ununiversdu conteanalysable
en pairesd'oppositions diversement combinées au seinde chaquepersonnage, lequel,
loinde constituer uneentité, est,à la manière du phonème telquele conçoit Roman
Jakobson, un « faisceaud'éléments différentiels » (p. 25-26).Lévi-Strauss emploieun
peuplusloin(p. 34)l'expression de « paquetd'éléments différentiels»,etdansVHomme
nu (op.cit.,p. 68,482,500)le concept de « zoème».
32. L'analysedu récitqui définit celui-cicommeunecombinatoire orientée de
classeslogiquescomplémentaires, pourraitaisémentreprendre de trèsnombreux
concepts guillaumiens qui ressortent, onle sait,d'unelinguistique de position plutôt
que d*oppositions. Voirl'articlede C. Todorov, La hiérarchie desliensdanslerécit ,
in Semiotica III, 2, 1971.
33. Trèsrapidement, le nompropre etsessubstituts vontrenvoyer à une« infor-
mation cumulée » (voirJ.Dubois,op.cit.,p. 158).Surle problème identique de1'amal-
game»,voirA. Martinet, Éléments delinguistique générale, Paris,A. Colin,1960,p. 97
et suiv.Cetteinformation cumulée renvoie à uneinformation précédente discontinue
(ce qu'ona ditdupersonnage, ce qu'ila ditoufait).PourWelleketWarren (la Théorie
Paris,Éd. du Seuil,1971,p. 208): « Unpersonnage
littéraire, deroman naîtseulement
desunitésde sens,n'estfaitque de phrases prononcées parlui ou surlui. » De même
pourlesformalistes russes(Théorie dela littérature, op.cit.,p. 293),le personnage n'est
qu'un « support » de « motifs ». PourA.-J.Greimas(Sémantique structurale, Paris,
Larousse, 1966,p. 185),lepersonnage est« unsémème construit »,un«lieudefixation ».

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» ďun personnage(et ici nous opposonssens à
petit. Mais la « signification
, un
signification peu comme Saussureoppose sens à valeur ), ne se constitue
pas tant par répétition (récurrencede marques) ou par accumulation (ďun
moins déterminéà un plus déterminé)34,que par différence vis-à-visdes
signes de même niveau du même système,que par son insertiondans le
système global de l'œuvre. C'est donc différentiellement, vis-à-vis des
autres personnagesde l'énoncé que se définiraavant tout un personnage.
Il faut bien remarquer,à l'heureactuelle,que les analyses portantsur le
systèmedes personnagesde tel ou tel romann'existentpratiquementpas.
sont grandes,commetoutescellesqui se pré-
Il faut dire que les difficultés
sentent quand on se propose d'analyser des objets sémantiquesmani-
festéssous formediscursive35.
Ce qui différencieun personnagePx d'un personnageP2, c'est son mode
de relationavec les autrespersonnagesde l'œuvre,c'est-à-direun jeu de
ressemblancesou de différences sémantiques.Ces ressemblanceset ces
différencesse mettenten place par rapportà uncertainnombred'axesséman-
tiques distinctifs, caractériséspar leur récurrence,et auxquels renvoient,
ou ne renvoientpas, les personnages;par exemple,pour un feuilleton:
la beauté,la richesse,la jeunesse,l'amour,etc. Ces axes simples(« motifs»)
sont repérésaprès segmentationde l'énoncé et constitutionde paradigmes
de prédicatsfonctionnels, de « sphèresd'action » au sens proppien,ou par
des « misesen tableau » et des vlecturesverticales» tellesque les pratique
C. Lévi-Strauss36. Du point de vue qui nous intéresse(établirle système
des personnagesd'un récitdonné),le premierproblèmeà résoudreseracelui

34. Ou rinverse,dans de nombreux textesmodernes (Beckett,par exemple)


qui détruisent, au furet à mesure quele récitse déroule, la stabilité sémantique du
personnage.
35. T. Todorov, dansPoétique dela prose(Paris,Éd. du Seuil,1971,p. 15)définit
ainsile programme d'unesémiologie du personnage : « Le premier pas danscettevoie
consisterait à étudierles personnages d'unrécitet leursrapports. Les nombreuses
indications desauteurs, oumême unregard superficiel surn'importe quelrécitmontrent
que tel personnage s'opposeà tel autre.Cependant une opposition immédiate des
personnages simplifierait ces rapports sansrapprocher notrebut. Il vaudraitmieux
décomposer chaqueimageentraitsdistinctifs, etmettre ceux-ci enrapport d'opposition
ou d'identité avec les traitsdistinctifs des autrespersonnages du mêmerécit.On
obtiendrait ainsiunnombre réduitd'axesd'opposition dontles diverses combinaisons
regrouperaient ces traitsen faisceaux représentatifs des personnages. » Saussure,lui
aussi,onle sait,s'étaitfortement intéressé auxlégendes (Niebelungen) età unpossible
traitement sémiologique du problème du personnage : « La légende se compose d'une
sériedesymboles, dansunsensà préciser. Cessymboles, sansqu'ilss'endoutent, sont
soumisauxmêmes vicissitudes et auxmêmes loisquetoutesles autressériesde sym-
boles,parexemple les symboles qui sontles motsde la langue.Ils fonttouspartie
dela sémiologie [...]. Chacundespersonnages estunsymbole dontonpeutvoirvarier
- exactement commepourla rime- a) le nom,b) la position vis-à-visdesautres,
c) le caractère,d) la fonction, lesactes.» CitéparJ.Starobinski, inle Textedansletexte
( TelQuel, n°37,Paris,Éd. duSeuil,1929,p. 5). Parmilespremières étudesquitraitent
d'unpointdevuesémiologique ce problème dupersonnage, citonsdeuxarticles impor-
tants: S. Alexandrescu, « A project inthesemantic analysis ofthecharacters inWilliam
Faulkner's work» (Semiotica IV, 1, 1971)et F. Rastier,« Les niveauxd'ambiguïté
desstructures narratives » (étudedu Don Juande Molière), (Semiotica III, 4, 1971).
36. Le terme de «lecture verticale» se trouvechezPropp(Morphologie du Conte
,
op. cit.,p. 174).Voiraussil'analysedu mythed'Œdipepar C. Lévi-Strauss dans
Anthropologie structurale «
(op.cit.,p. 235et suiv.)où l'ordrede succession chronolo-
giquese résorbe dansunestructure matricielle a-temporelle » (la Structureetla forme
,
op. cit.,p. 29), et R. Barthes(« Introduction à l'analysestructurale du récit», in
Communications, n° 8, Paris,Éd. du Seuil,1966,p. 6) : « Le sensn'estpas au bout
du récit,il le traverse. »
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de définirquels sont les axes sémantiquespertinents.Par exemple,si un
récit met en scène un roi et une bergère(pour reprendreun exemplede
C. Lévi-Strauss),il faudra savoir si l'on retiendral'axe du sexe (mase. vs
féminin),de l'âge (âgé us jeune), ou celui de la hiérarchiesociale (haut vs
bas), ou plusieursde ces axes à la fois. Un texte pourrajouer sur une ou
plusieurs« isotopies» (simultanéesou alternées),se présentercommeuni-
voque ou « pluriel» (R. Barthes),utiliserou non des « embrayeursd'iso-
topies» (Greimas).
Le second problème,ensuite,sera d'établir une hiérarchieentre ces
axes sémantiques.De même qu'en phonologietous les « axes » n'ont pas
le même « rendement» (la durée- pâte vs patte, servantpar exempleà
discriminer beaucoup moinsde motsque la sonorisation ou la nasalisation
),
de mêmeil faudraclasserles axes sémantiquesselon qu'ils serventà diffé-
renciertousles personnagesdu récitou simplement quelques-uns.Supposons
par exemple que l'analyse d'un feuilletondécouvre comme axes séman-
tiquesrécurrents : le physique,l'originesociale,la richesse.Le personnagePx
sera alors différencié du personnageP8 ou Pn commedéfinipar plus d'axes
que ces derniers,commecela peut ressortird'un tableau (le signe0 men-
tionnantl'absence d'information sur l'axe en question):

' Axes
P„^r,"œ «y*» Ä
nages n.

Pi -fc- + +
' 0
P* + +
P, + 0 0
Pi 0 + +
P8 0 0 +
Pn... 0 0 +

On verraitainsi se formerdes « classes » de personnages-types, définies


par le mêmenombred'axes sémantiques.Ainsi,dans le tableau ci-dessus,
P6 et Pn... feraientpartie de la même classe. Cette mise en tableau des
qualificationsdes personnages-acteurs sera confrontéecomplémentaire-
mentavec une miseen tableau de leursfonctions, c'est-à-diredes différents
typesd'actionsqu'ils assumenttout au long du récit(voir tableau suivant).
Gela livreraégalementdes hiérarchies: le personnage et P2 seront
rangésdans la même classe de personnages-types (ils assumentles mêmes
fonctions,et les plus nombreuses).P1? P2 et P3 serontplus * agissants»
que P5, etc. A l'analyse ensuitede comparerdes classes entreelles. Ces
classificationslivrerontdes critèrespour distinguerles personnages« prin-
cipaux » (ex. : Pv moins « schématique», plus « complexe» que P3 ou P5)
des personnages« secondaires» ou des simples« rôles» (définispar une seule
fonction,ou une seule qualification).
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lions Réception
' ' tFonc" P .. „
Mande- tat.on Ré?,epti0n
AT1" d'une Réception Lutte
. ment d un informa- £ .
PersonK
X adjuvant . . .. bien rieuse
nages X auJ^v<ul contrat tion

Pi + + + + + +
P2 + + + + + +
P3 + + + + 00
P4 + + 0000
Pg + 0 0 0 + 0
P. +00 + + +
Pn...

L'analyse peut certainementaller plus loin. Une notion simple,un


»
axe sémantiquedonné,peut se laisser décomposeren « traits distinctifs
du type :
pertinents,
riche vs nonriche
socialiste vs nonsocialiste
sexué vs nonsexué etc.
De même que le phonèmese définitcommefaisceau de traitspertinents
simultanés(/D/ : occlusif+ sonore,etc., vs /T/: occlusif+ sourd,etc.),
de mêmele personnagesera décriten pareilstermes,comme« support» de
traits sémantiques simultanés37, présents ou absents. Il pourra être
intéressantde classer ensuite ces traits distinctifsretenusselon certains
modèles(du typehexagonelogiquepar exemple)définispar leurisotopie38:

sexué
masculin féminin
nonféminin ■ - nonmasculin
asexué
Il sera ainsi aisé de voir :
a) quels sont les pôles logiques préférentiellement
occupés par
les personnagesdu récit,
b) quels sont les axes oppositionnelspréférentiellement
utilisés,
c) quels sont les rapportsentreplusieursschémaslogiques,

37. VoirC. Lévi-Strauss (la Structure


etla forme
, op. cit.,p. 26. Voirci-dessus
note25).
38. Surl'importance des pôlesneutres(ni... ni...) ou complexes (et... et/ou...
ou) pour« générer » des personnages de médiateursou d'êtresambigus(tricksters,
etc.),voirC. Lévi-Strauss,
arbitres, structurale
Anthropologie (p. 248etsuiv.).A.-J.Grei-
masdéfinit ainsile concept d'isotopie: « Unensembleredondant de catégories séman-
tiquesqui rendpossiblela lecture uniforme durécit»,inDu sens , p. 188.
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d) quels sontles trajetsdialectiquesaccomplisd'un pôle à l'autre
par les personnagessupportsde ces qualifications39.
Un autre problème,quantitatifet non plus seulementqualitatif,
risque de se poser en cas de ressemblancetotale entredeux personnages
« synonymes» (deux personnagescoléreux, ou socialistes,ou sexués...),
deux héros qui accomplissentles mêmesactions,etc. Il pourra être utile
de mettresur pied à l'intérieurd'un mêmeaxe sémantique,une échellede
graduation(du type: moinscoléreux-*» plus coléreux)qui viennecompléter
les structures du typecoléreuxvsnoncoléreux40.La princi-
oppositionnelles
pale difficulté sera de constituerles paramètresqui distingueront les degrés
de qualificationdes personnages.Un personnagecité une seule foiscomme
« coléreux» peut l'être beaucoup plus qu'un personnage« coléreux» appa-
raissantplusieursfois et plusieursfois décritcommetel. Il faudra donc,
sans doute,retenirdes critèresquantitatifs des critèresquali-
(la répétition),
tatifs,et des critèresfonctionnels(actions déterminantespour l'action,
au sens Proppien).Par exemple,pour un personnage« sexué » :
a ) une qualification(directe ou indirecte)unique 41,
b) une qualification(directe ou indirecte)récurrente,
cj un acte fonctionnel unique 42(un viol ou une tentativede viol
par exemple),
d) un acte fonctionnelréitéré(plusieursviols ou tentativesde
viol).
On classera ensuiteles diverspersonnages(P1? P2> Pn-..) selon qu'ils
ont été « informés» par un, deux, troisou quatre de ces modesde détermi-
nation; le personnagedéterminépar les deux paramètresfonctionnels
(c et d) sera en généralplus qualifiéqu'un personnagedéterminé simplement
par les deux paramètresqualificatifs (a et b). On aboutira à des tableaux
du type ci-dessous(voirpage suivante).

D'après ce tableau :
P8seraconsidéré
commeplus« sexué» queP8
Pi - - - P»
P* - - - P8
P7 - - - P8
P» - - - P4
Pn - - - P8
39. C'est la notiond'orientation des structures logiques.Voir A.-J.Greimas
(Du sens , p. 165).
40. Surla différence entrestructure scalaireet structure oppositionnelle, voir
R. Blanché,Structures , Paris,Vrin,1969,p. 107et suiv.
intellectuelles
41. Pourla notionde qualification indirecte,voirci-dessous § 6. Le textedira
parexemplele personnage est « coureur de jupons».
42. Pourla définition de la fonction, voirPropp(Morphologie du Conte , p. 31 :
« Par fonction, nousentendons l'actiond'unpersonnage définiedu pointde vue de
sa significationdansle déroulement del'intrigue.» Touteanalysedurécitestobligée,
à unmoment ou à unautre,dedistinguer entrefonction , énoncé
et qualification narratif
et énoncé descriptif
(ou attributif). VoirA.-J.Greimas, Du sens , p. 167et suiv.et
Cl. Brémond « Observations surla grammaire du décameron »,in Poétique n° 6, Paris,
Éd. du Seuil,1971,p. 207et suiv.L'énoncédescriptif /attributifa trèssouvent une
fonction démarcative,sonapparition fonctionnantcomme ouverture ou clôture d'une
séquence narrative où il y a entransformation : dired'unpersonnage qu'il estriche,
celaapparaît soitaprèsunprocessus d'enrichissement,soitavantunprocessus d'appau-
vrissement. Le récitestun processus qui conserve des supports (les personnages) et
permute les attributions.
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Modesde
N. caracté- .. .
b c d
' risationqualification acte acte
Per- ' ™lq"c qualification fonctionnel fonctionnel
réltérée réitéré
sonnages' (dl"ctet,
ou indirecte) unique
de l'œuvre '

Pi + + + +
Pí + + + a

P« + + 0 0
/
P* +000
Ps 0 0 0 0

P¿ +00 0

P7 0 + + +
Pg 0 0 + +
P» 0 0 0 +
Pia. 0 0 0 0

Pn... 0 + + 0

P5 et P10ne sontpas « sexués », etc. Ainsise constitueraune hiérarchie


qui pourraêtreégalementune base de départpour différencier les person-
nages-héros(« principaux») des personnages« secondaires». Il ne faut pas
oubliercependantque l'auteur peut introduiredans son récit toute une
sériede leurresdestinésà égarerle lecteur,et qui ne se révéleront
commetels
qu'à la findu récit. De tels tableaux n'ont donc, a priori,qu'une valeur
indicativequi ne préjugeen rienla fonctionnalité des personnages43.
3. Homologué à un signe, le personnagese définirapar son statut
d'intégrantet de composé . Ceci faitappel à la notionde niveauxde descrip-
tion,qui est,on le sait,fondamentale en linguistique44.Tout signese définit
43. Dansla VieillefilledeBalzacle personnage sexuén'estpas,malgré uneinfor-
mationabondante et de nombreux indicesquile présentent comme tel,véritablement
sexué,etinversement. En général «
chezle traître »,êtreet paraître
necoïncident pas.
Le termede leurreest employé par R. Barthesdanssonanalysede la nouvellede
BalzacSarrasine (S/Z, Paris,Éd. du Seuil,1970,voirnotamment p. 92,215,passim).
Ces leurress'intègrent à ce que R. Barthesappellele codeherméneutique du texte
(système de leurres, de blocages,d'indices,de suspens,d'équivoques, de réponses
suspendues,etc.,qui servent à brouiller
ou à retarder unevérité).
44. Voirl'articleclassiqued'E. Benveniste, « Les niveauxde l'analyselinguis-
tique»,inProblèmes delinguistique . Nousretrouvons
générale cettenotionchezC. Lévi-
Strauss(distinction code/armature /message, in Mythologiques I. Le Cruet le cuit,
p. 205),chezT. Todorov(plansémantique, plansyntaxique, planverbal)danssa
GrammaireduDécameron (la Haye,Mouton, 1969),ou chezGreimas (Du sens
, p. 166
et passim).
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par les constituantssimultanésou concaténésqui le composentet par
l'unitéplus haute dans laquelle il s'intègre,en plus,bien sûr de ses rapports
avec les unitésde mêmeniveau. Un mot,par exemple,se définirapar les
morphèmesqui le composent,leur ordonnancement, et par la place qu'il
peut occuperdans le syntagme;un phonèmese définitcommefaisceaude
traitspertinentssimultanéset par la place qu'il peut occuperdans la syl-
labe, etc. En tant que « morphèmediscontinu» le personnagese définira:
a) Par la somme,l'ordred'apparition,et la distribution des segments
et des substitutsqui composentson support-signifiant discontinu(voir
ci-dessus1).
b) Par un signifiédiscontinu, faisceaude traitssémantiquessimultanés,
auquel il renvoit(voirci-dessus2).
c) Par son mode de relation,enfin,avec un lexique de personnages-
types beaucoup plus généraux,les actants.Ceux-ciformentun petit para-
digmeclos, d'un niveau supérieurd'abstraction (Sujet - Objet - Desti-
nateur - Destinataire - Adjuvant - Opposant), et la plupart des
systèmesactantielsélaboréssoitintuitivement (Souriau),soit à partird'une
analyse fonctionnelle d'un corpus(Propp),soit à partirde problèmessyn-
taxiques spécifiques(Tesnière,Greimas,Fillmore...)se recoupentde façon
sensible. Ce niveau est hiérarchiquement supérieurau niveau (sémiolo-
gique) des personnagesproprement dits,au sens « d'acteurs» individualisés
par une sériede « traits» pertinents, et engagésdans l'histoired'une œuvre
particulière.L'analyse définiradonc des niveaux d'abstraction,ou de
« figuration », du plus « profond» au plus « superficiel », qui ne serontpas
isomorphes: plusieursdes personnages-acteurs peuventreleverde la même
unité actantielle(il peut y avoir plusieursincarnationsde l'actant-sujet
dans un récit),un seul personnagepeut cumulerplusieursdéfinitions actan-
tielles(Ivan, dans le contepopulairerusse,est à la foissujet et bénéficiaire
- et héros)4ß,enfinun pôle actantielpeut être absent. Pour une œuvre
donnée,l'analyse devra donc définirpar quels personnages(acteurs) sont
occupésles pôles actantiels,mais le récitétantune combinatoire orientéede
classes logiques complémentaires, elle devra égalementtenir compte du
découpage en séquencesde l'énoncé.Elle aboutiradonc à des propositions
du type : le pôle actantiel objet est occupé par les personnages-acteurs
a, b, c, n... dans la séquenceS définiepar sa positionP (car le récitpermute
perpétuellement la détermination des personnages).Du pointde vue « syn-
taxique »,à l'intérieur d'une séquencedonnée,ces acteurspeuventconstituer
telle figurepropre générale(la confrontation, l'épreuve,le contrat,etc.)
qui constituentles invariantssyntagmatiquesdu récit. D'où l'ambiguïté
de ce termemêmede « personnage»,plus ou moins« à cheval » surplusieurs
niveaux non isomorphes,donton se serten généralpour définirun procédé
indispensableà l'établissementde tout systèmediscursifcohérent(cohésion,
mémorisation,économie,substitution) 46. On aurait donc probablement
intérêtà en réserverl'emploipour le niveau anthropomorphe et figuratif
de la signification (tel personnagenomméet individualiséà l'échelleà*une
45. VoirPropp,op.cit.,p. 96 et suiv.
4b. Des notionssimplessémantiques commecellesde sujet, a objet,etc.,se
retrouvent aussibienau niveausyntaxique (unephrase)qu'au niveaude l'énoncé
global(toutle récit).Il estparticulièrement
intéressant d'explorer toutesles analogies
qui existent entrela phraseet l'énoncéet de considérer le récitcommeune« grande
phrase» démultipliée. Voir,par exemple, Cl. Brémond, art.cit.,avectoutessescaté-
gories(le temps, la voix,etc.): « Le modèleactantiel
le mode,l'aspect, est,en premier
lieu,l'extrapolation de la structuresyntaxique » (A.-J.Greimas, Sémantique struc-
turale, p. 185).
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œuvreparticulière), à le remplacerpar le termeacteur, et à utiliserla notion
ď octantquand on se trouvedéjà à un certainniveau plus général;on appel-
lerait personnages-types (voir ci-dessus 2) les personnagescommunsà
plusieursséquences et définispar un même nombred'axes sémantiques
simples (sans préjuger leur fonctionnalitédifférentielle). Par exemple,
chez Zola, le « bâtisseur» 1'«intrus», etc., chez Lévi-Strauss: « la fille
folle de miel », le « dénicheurd'oiseau », la « grand-mèrelibertine», etc.
( Mythologiques , passim), chez Faulkner le «pauvre blanc», 1'«intellec-
tuel » 47, etc. On emploieraitenfinla notion de héros(voir ci-dessus)
quand on se trouveau niveau cultureldes faits« de parole » (focalisation,
emphase)du récit.On peut essayerde récapitulertout cela en un tableau :

Niveaux Typesde Types Niveaux


ďanalyse structures d'unités defiguration

hors- manifestation /nianthro-


nifiguratif
etschémas
taxinomies
logiques logiquesfondamen-
(hors-œuvre) structures pomorphe
taux(achroniques)
structuresséman- syntagmes narratifs-
tiques (unités de types/ Actants-►
l'énoncé) loin-personnages
(ordre - types 48
figuratif
tain),le récit -> acteurs-> rôles
manifestation
(échelle
d'uneœuvre structures
paiticu- sémiologi-
pronoms, substituts,
en ques(si8"eslin«uis-nomspropres,
lièremanifestée ana-
teisystème
sémiolo-tiques)(ordreproche)
phores...
anthropomorpheet /
giqUe) structuresculturelles oufiguratif
et stylistiques
d'em-
phase(codesconno- «héros»
tatifs)

4. Tout signe se définitpar des restrictions , c'est-à-direl'en-


sélectives
sembledes règlesqui limitentses possibilitésde combinaisonavec les autres
signes.Ces règlespeuventêtre de plusieurssortes: linguistiques(liées au
47. Chaqueséquenced'un récit« offre[...] une certainedistribution d'acteurs
(unitéslexicalisées) à partird'actants (unitéssémantiques de l'armature du récit)»
(A.-J.Greimas, inDu sensp. 253).L'analysepeutd'ailleurs s'étendre : « Aulieud'avoir
recours à l'actantconsidéré commeun archi-acteur, il estpossible[...] de chercher à
dégager desunitéssémantiques pluspetites, dessortesde sous-acteurs , et [...] essayer
de définir [...] le concept de rôle[...] le contenu sémantique minimal du rôleest,par
conséquent, identique à celuidel'acteur, à l'exception toutefoisdusèmeď individuation
qu'ilnecomporte pas: le rôleestuneentitéfigurative animée, maisanonyme etsociale;
l'acteur,en retour, estun individu intégrant et assumant un ou plusieurs rôles» (Du
sens,p. 256).Nousavonsdoncla hiérarchie : Actant > Personnage-type►Per-
sonnage (Acteur) > rôle.ChezF. Rastieret S. Alexandrescu, nousavonsplutôtla
hiérarchie : Actant >-rôle >■acteur.Peu importent les dénominations, et la
terminologie : ce qui importe, c'estde distinguer desniveaux spécifiques dansla des-
cription (et construire autantde modèles).
48. Nousinversons dansce tableaules notionsde figuratif et d'anthropomorphe
parrapport aux niveauxoù ellesapparaissent chezA.-J.Greimas (Du sens, p. 166).
La notionde figuratif nousparaîtplusgénérale que celled'anthropomorphe, comme
cela estle cas parexemple en peinture.

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choix du supportlinguistique: par exemplela linéaritéd'apparitiondes
signifiants49), logiques(toutrécitse caractérisepar une prévisibilité plus ou
moins forte,plus ou moins acceptée, de certains « trajets» obligatoires
étant donnéstel ou tel contenude départ ou idéologiques : filtragede
certainscodes culturels,commele vraisemblable,la bienséance,etc., qui
viennentlimiterla « capacité » théoriquedu modèleet imposerau narrateur
une sériede contraintes préalables.
Si l'on admet que le sens d'un signedans un énoncéest régipar tout
le contexteprécédentqui sélectionneet actualise une signification parmi
plusieursthéoriquementpossibles,on peut essayerd'élargircette notion
de contexteà tout le texte de l'Histoire et de la Culture.Par exemple,
l'apparitiond'un personnagehistorique(NapoléonIer) ou mythique(Phèdre
définiecommefillede Minos et de Pasiphaé) viendracertainement rendre
éminemment prévisibleleurrôle dans le récit,dans la mesureoù ce rôleest
déjà prédéterminé dans ses grandeslignespar une Histoirepréalable déjà
écrite et fixée.En tant que fillede Gervaiseet de Coupeau, en tant que
Macquart(donc définiea prioripar une hérédité),la finmisérablede Nana
est déjà « programmée », sa « sphèred'action» est déjà fortementdéter-
minéepar la seulementiondu nompropre51.
Mais l'œuvre,on Ta vu, construitson proprecode, et par conséquent
élabore ses propresrestrictionsinternes.Celles-ci,repéréespar l'analyse,
définiront l'œuvre spécifiquement. Il s'agira par exemplede voir si l'appa-
ritiond'un personnagePx impliquel'apparitiond'un personnage si cette
implicationest bilatérale(Pt P2 et P2 ^ Pj) ou unilatérale(Pj^ > P2
mais P2 H > P2). On remarquerachez Zola par exemple,dans de trèsnom-
breux romans,que l'apparitiond'un personnagede curéimpliquecelled'un
docteur.On classeraensuiteles personnagessur la base de leur autonomie
relative; le sommetde la hiérarchie,souvent,coïncideraavec « l'emploi»
de héros (voir ci-dessus); on classera ensuite les personnagespar leur
place d'apparition qui est souvent,comme l'a montréPropp, elle aussi
déterminéepar le rôle actantielqu'ils assument52.
49. Parexemple aussile rôlede « suggestion » de personnages que peuvent jouer
certainsparadigmes lexicaux,grammaticaux, ou culturels - par exemplela liste
des couleurs, des vertus, despéchés,etc.(voirJ. Batany,« Paradigmes lexicauxet
structures littérairesau Moyen Age»,in Revued'Histoire dela France
littéraire , Paris,
A. Colin,sept.-déc. 1970).Ou certaines figures de rhétorique (voirG. Genette, « Méto-
nymie chezProust, oula naissance durécit»,inPoétique n°2,Paris,Éd. duSeuil,1970).
Il y auraittouteune« narratologie génétique » à constituer. Le langageporteeneffet
en lui,dansses constituants les plushumbles (lexique,paradigmes grammaticaux...)
oulesplusfossilisés parl'usage(la locution, le cliché,la métaphore usée...),lesgermes
de toutrécitpossible, dessuggestions implicites pourunearticulation discursive du
senset pourdesanthropomorphi sationsqui créeront despersonnages. PourC. Lévi-
Strauss lespersonnages, entantque « mythèmes »,sontdeséléments fortement « pré-
contraints ».
50. VoirA.-J.Greimas, « Les jeux des contraintes sémiotiques »,in Du sens,
p. 135etsuiv.).Surlescontraintes quipèsent surle conteur, voirPropp, op.cit.,p. 139)
et ci-dessus, II, 3. Proppavaitégalement remarqué que «le peuplen'apasproduit
toutesles formes mathématiquement possibles ».
51. VoirL. Spitzer, Etudesde style(Paris,Gallimard, 1970,p. 222) : « Le nom
est en quelquesortel'impératif catégorique du personnage. » Maisceciestvraipour
toutrécitet toutpersonnage (historique ou non): plusunrécits'allonge, plusle per-
sonnage estprédéterminé partoutce quele lecteur saitdéjàdelui.D'oùla possibilité
pourl'auteurde ménager touteunesériede « déceptions » danscetteattente.
52. On retrouvera là la notionde « distribution » de la linguistique,que Propp
avaitreprise à soncompte: « on peutconsidérer cettedistribution (despersonnages)
commela norme du conte» (p. 103).
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5. Le signe linguistiquese définitpar son arbitraire;mais le degré
d'arbitraired'un signe peut être variable, dans la langue même, et dans
d'autres systèmessémiologiques.On peut retrouvercette notion si l'on
examinela relationqui existeentrele nom du personnage(son signifiant:
noms propres,communs,et substitutsdivers qui lui serventde support
discontinu)et la sommed'information à laquelle il renvoie(son signifié).
Cetterelationest très fréquemment « motivée». On connaîtle souci quasi
maniaque de la plupartdes romancierspour choisirle nom ou le prénomde
leurs personnages.Avant de s'arrêtersur Rougon et sur Macquart,Zola a
noirciplusieurspages de listesde nomspropres.On connaîtles rêveriesde
Proustsur le nom des Guermantesou sur le nom des localitésbretonnes63.
Cette motivationpeut être : a) visuelle(graphique): la lettreO évoquant
une idée de rondeur,la lettre I une idée de maigreur,etc.; b) acoustique
(auditive) : les onomatopéesproprement dites; c) articulatoire
(musculaire):
la racineT.K., par exemple,imaged'un mouvementbrusquedes organesde
la parole,et formantun champmorphosémantique cohérentassocié à l'idée
de coup 54;d) étymologique pour certainsnomsqui restent
et dérivationnelle,
morphologiquement « clairs», car faits de constituantsimmédiatement
identifiables 55: morphèmesà sens fixe(préfixeset suffixes divers),suffixes
et radicaux divers, souvent de dérivationpopulaire, comme les suffixes
-ard,-et,-ouille(ex : M. Fenouillard,maîtreBafouillet,etc.,chezChristophe)
qui sontchargésde sens et de connotationspar analogieà des sériescomme
capitulard/revanchard/vantard/...fripouille/ Gribouille/nouille/trouille/
bouille..., etc. L'article (La Berma) la particule (M. de.../ Mmede...), le
titre (le comte de...), le redoublementexpressif(Tintin/Toto...), certains
prénoms(Philippe, Anne...) ou noms (M. de Saint-N...) culturellement
valorisésfonctionnent commeautant de morphèmesà sens fixerenvoyant
à tel ou tel contenustéréotypé(la noblessed'esprit,la familiarité, la bas-
sesse, etc.) 56.Dans la Faute de l'abbé Mouretde Zola, la pure jeune fille
s'appelle Albine (Blanche, dans la premièreébauche du roman),le prêtre
asservi par la religions'appelle Serge, le curé fanatique défenseurde la
lettrese nommeArchangias,etc. 57.L'instinctétymologique,et l'analogie,

53. « Pourla penséeindigène, le nompropreconstitue une métaphore de la


personne », C. Lévi-Strauss,in Mythologiques II, Du mielaux cendres , p. 234 (Paris,
Pion,1968).VoiraussiThéorie dela littérature , op. cit., p. 294.
54. VoirP. Guiraud, Structures étymologiques dulexique français(Paris,Larousse,
1967,p. 65etsuiv.).Trèssouvent la simpleeuphonie joue,le coupleeuphonie /cacopho-
nie doublant et corroborant
l'opposition bon/méchant ou héros /traître.
55. Sur cettequestionde la « transparence » morphologique, voir Saussure,
Coursde linguistique générale,op. cit.,p. 180et suiv.,et J. Dubois,« Les problèmes
du vocabulaire technique»,in Cahiers de lexicologie, 1966,n° 9.
56. Les formalistes russes( Théorie de la littérature, op. cit.,p. ¿82 et suiv.)ont
reprisetélargicettenotionde « motivation ». Les auteurs etnaturalistes,
réalistes qui
voulaient systématiquement « banaliser » et « prosaïser » leurshéros,onttrèssouvent
donnéà leursromans, comme titres, desnomspropres qui connotaient cettebanalité:
MadameBovary, GerminieLacerteux, Madeleine Férat,Thérèse Raquin,etc.
57. Les cas les plusintéressants sontceuxoù nousvoyons, dansun énoncé,un
personnage s'inventerunnompropre, ou se fairebaptiser. Parexemple dansla Curée,
de Zola,nousvoyonsle financier Aristide Rougonse choisirun nom« de guerre »:
« SaccardI... avecdeuxc... HeinIII y a del'argent dansce nom-là;ondiraitquel'on
comptedespiècesde centsous...unnomà allerau bagneou à gagner desmillions »
(lesRougon-Macquart, Bibliothèque dela Pléiade,Paris,Gallimard, 1960,t. I, p. 364).
Zola,danslesRomanciers naturalistes, raconte également l'anecdote deFlaubert venant
le supplier de ne pas prendre le nomde BouvardpourSonExcellence EugèneRougon,
et deleluilaisserpoursonlivre.L'histoire littéraire estpleined'anecdotes dece genre.
D'un autrecôté,onconnaît l'intérêt que C. Lévi-Strauss porteà l'étymologie du nom
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jouent ici à fond,et plus le récits'adresseà un publicvaste et hétérogène,
plus ces diversestendancesserontutiliséescar il fautassurerla communica-
tion en faisantréférenceau plus grandnombrede codes stéréotypéspos-
sibles.
6. Tout énoncése caractérisepar la redondance des marquesgrammati-
cales. La communicationest à ce prix. Cette redondance,plus ou moins
régieà échellesyntagmatique(phénomènesd'accord,de rection),est aléa-
toireà grandeéchelle,à échellede l'énoncé,et demanderaà se « fixer» sur
certainssupportsparticuliers. Le personnageestun de ces lieux et un de ces
centresprivilégias.Au simple niveau signifiant,les récurrencesdu nom
propreet le jeu des substitutsen sontdéjà un facteurde redondance.Sur le
plan du signifié,l'œuvre, culturellement et structurellement centréesur
les supportsde la narrationque sontles personnages,et traditionnellement
anthropomorphe en littérature,va employertoute une série de procédés
convergentspour renforcer l'informationvéhiculéepar et pour les person-
nages, qui sont les supportsde la conservation et de la transformation du
sens. C'est ce que les formalistesrussesappelaientles procédésde « caracté-
risationindirecte58»,procédéstrèsdiversqu'il s'agitde repéreret de classer.
Nous avons déjà vu que le nom proprepouvait être,par sa motivation,un
élément de réduplicationsémantique (annonce et redoublementde sa
« psychologie», voire annonce de son destin général). Un autre procédé
trèsemployéest celui du décor(milieu)« en accord» (ou en désaccord)avec
les sentimentsou les pensées des personnages: personnageheureuxsitué
dans un « locus amoenus60», personnagemalheureuxdans un lieu angois-
sant, etc. Nous avons là, à grandeéchelle,une sortede « métonymienarra-
tive » : le tout pour la partie,le décorpour le personnage,l'habitat pour
l'habitant,qui est peut-êtrepropre,en général,aux auteurs« réalistes60».
Tout ceci pose d'ailleursle problèmede la description, de son statut,de son

despersonnages de mythes (voirsonanalysedu mythe d'ŒdipedansVAnthropologie


structurale).D'où le problème que posentsouvent les nomspropres quandon traduit
un récitd'unelangueenuneautre.Or,engénéral, il n'estpas traduit,ce qui entraîne
une perte(ou un appauvrissement) de son «information ».
58. VoirTomachevski (in Théorie de la littérature, op. cit.,p. 294). L'analyse
pourradonc« réduire» les segments descriptifs : « Il serafacilede les convertir en
propositions dontle véritable sujet(dupointdevuenarratif) estunepersonne (...). On
perçoitintuitivement, etonvérifie empiriquement quecetypederéduction estpresque
toujours possible», Cl. Brémond (Poétique , n° 6).
59. Surle toposdulocusamoenus, voirE. R. Curtius, la littérature
européenne et
le MögenAgelatin(Paris,P.U.F.,1956,p. 226et suiv.).Ce toposfonctionne comme
un énoncéattributif (qualificatif)simple,et se retrouvera doncsouventaux démar-
cationsstratégiques de l'énoncé: débutet findu récit,débutet finde séquence, etc.
Propp(iouvr . cit.,p. 37-38)avaitdéjànotéque ce toposétaitsouvent placé en début
de conte.Toutcecin'estpas propre, biensûr,au conteou au récitfaitde signeslin-
guistiques. En peinture, trèssouvent, le fonddesportraits fonctionne noncomme un
décorréaliste,maiscommeun attribut symbolique du personnage représenté. Voir
parexemple les estampes japonaises(signeet brevetde la modernité à l'époque)sur
le fonddu portrait de Zola parManet.
60. Proppclassesanshésiter P « habitat» parmiles « attributs » fondamentaux
du personnage ( Morphologie du conte, p. 107).PourJakobson (Essais de linguistique
, Paris,Éd. de Minuit,
générale p. 63) : « L'auteurréaliste opèredesdigressions méto-
nymiques de l'intrigue à l'atmosphère et des personnages au cadrespatio-temporel.
Il estfriand de détailssynecdochiques. » Voirégalement Welleket Warren (la Théorie
, op. cit.,p. 309) : « Le décor,c'estle milieu;et toutmilieu,notamment
littéraire un
intérieur domestique, peutêtreconsidéré comme l'expérience métonymique ou méta-
phorique d'unpersonnage. »

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fonctionnement interne,et de ses rapportsavec la narrationdans laquelle
elle est insérée61.On peut notammentremarquerque la descriptionest le
lieu privilégiéde la métaphore: un bouleau est « flexiblecommeune jeune
fille», un arbre « se dresse commeun colosse solitaire», etc., c'est-à-dire
l'endroit où le récit se connote euphoriquementou dysphoriquement.
D'autre part on peut remarquer que ces métaphoressont en général
anthropomorphiques (comme une jeune fille/comme un colosse...), c'est-
à-direqu'elles corroborent et accentuentle centragedu récitsur le person-
nage. Enfin, la descriptionutilise volontiersdes tours « dynamisants»
comme le pronominal(se dresser/secreuser,s'étendre,se dérouler...)le
gérondif(tout en...) ou des organisateursempruntésau récit(tandis que...
pendant que... d'abord venait... ensuite... etc.) 62. Tout cela a pour effet
d'accentuerl'anthropocentrisme du récitet la circulationsémantiqueentre
la descriptionet la narration,donc de déterminer indirectementl'informa-
tion sur les personnages,voirede créerune « philosophie» spécifique,celle
de l'interactionmilieu-vivantdont on sait par exemple qu'elle fut la
doctrinede l'école naturaliste63.
Plusieursautresprocédéssimilaires(stylistiques)peuventveniraccen-
tuerla redondanceglobalede l'énoncéet accentuerla prévisibilitédu récit,
donc la détermination des personnages.Ce sont :
a) Les descriptionsdu physique, du vêtement,la phraséologie(les
clichés d'Homais), l'exposé des motivationspsychologiques,etc. Ces der-
nièresne sont souventlà que pour justifierla cohérencepsychologiquedu
personnageou l'apparitiond'un acte important.
b) Les auxiliaires(adjuvants) du personnagene sontbien souventque
la concrétisationde certainesde ses qualités psychologiques,morales,ou
physiques(massue d'Hercule,lion d'Yvain...).
c) La référence à certaineshistoiresconnues(déjà écritesdans l'extra-
texte global de la culture) fonctionnecomme une restrictiondu champ
de la libertédes personnages,commeune prédétermination de leur destin.
Ainsi la référenceà Phèdredans la Curée, à la Genèse dans la Faute de
l'abbé Mouret , etc. 64.
d) Le texte peut se répétersoi-même,« en abyme», en insérantdans
son parcoursun fragment (paragraphe,scène,petitrécit,histoireexemplaire
plus ou moins autonome,etc.) qui, en une sorte de réduplicationséman-
tique, fonctionnera commeune sortede « maquette», de modèleréduitde
l'œuvre tout entière,et où des personnagesreproduiront à échelleréduite
le systèmeglobal des personnagesde l'œuvre dans son ensemble.Par là,
l'œuvre se cite elle-même,se refermesur elle-même,et se rapprochede la
tautologie, ou de la constructionanagrammatique.Bien souventce sont des
peintures,des tableaux, qui sont mentionnéspar l'œuvre et qui y fonc-
tionnentcommeses symboles65.
61. Voirnotrearticle: « Qu'est-cequ'unedescription? » à paraîtredansla revue
Poétique en 1972.
62. Pourtousces tours,dontcertains ontétéprivilégiés systématiquement par
les écrivains impressionnistesdu xixe siècleet leur- nombreuse - descendance,
voirJ.Dubois,lesRomanciers del'instantané
français au XIXe siècle(Bruxelles, 1963).
ainsile personnage
63. Zola définit : « organismecomplexe qui fonctionnesous
l'influenced'uncertainmilieu» (in lesRomanciers naturalistes
).
64. Touscesprocédés accentuent durécit: multiplier
le prévisibilité lesallusions
à la Genèsedansla Fautedel'abbéMouret équivautà laisserprévoir, pourles deux
personnages-héros,unefinidentique à celled'Adamet Ève.
65. Voirlesprocédés
duthéâtre surle théâtre ), dutableaudansle tableau
( Hamlet
(le peintreet sonmodèle), du filmdansle film, du récitdansle récit,etc.Voiraussi
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e) Des actions itérativesnon fonctionnelles.Celles-ci peuvent être
reverséespar l'analyse dans la catégoriedes qualificationspermanentesdu
personnage,elles ne fonten généralque l'illustrer,sans mettreen jeu de
transformation. Nous avons là un procédé stylistiqueparfoisproche de
l'hyperbole: dired'un pauvrebûcheron« qu'il allait couperdu bois tous les
jours dans la forêt» ne faitque le définircommetrèspauvre (et trèsbûche-
ron) 66.
Concluons: Les lignesqui précèdentn'avaient d'autre ambitionque
de circonscrire au sein d'une sémiologiede
un projet,celui d'homogénéiser,
l'œuvre,le problèmede la descriptiondu personnage: distribution,niveaux
de description,arbitraireet motivation,rapportsà l'ensembledu système,
variationsstylistiques,éliminationde la redondance,mise sur pied d'une
théorie,ces conceptset ces programmessont a prioricommunsà toute
sémiologie.Ils doiventdonc être garantsde la spécificitéd'une sémiologie
du personnage,et permettrede distinguercelle-cide l'approchehistorique,
psychologique,psychanalytiqueou sociologique.

Propp(ouvr . cit., p. 95) : « Comme toutce qui vit,le conten'engendre quedesenfants


qui lui ressemblent. Si unecellulede cetorganisme se transformeenpetitcontedans
le conte,celui-cise construit [...] selonles mêmes loisque n'importe quelautreconte
merveilleux. »
66. Touterépétition d'unitéestimportante, maispeutavoirune(ou plusieurs)
fonction(s)variable(s): fonction dilatoire(retarder un dénouement), hyperbolique,
décorative, démarcative (souligner les divisionsde l'énoncé),etc. Il peutsouventy
avoirrépétition + transformation (modulation,variation) du motif répété;C. Lévi-
Straussa remarqué que le mythe utilisaitsouvent à des finsstructurelles
(accentuer
unecohésion interne, annoncer unévénement ultérieur,camoufleruneopposition, etc.)
la réduplication d'uneséquence: « La répétition a unefonction propre, qui est de
rendre manifeste la structure dumythe (in Anthropologie , p. 254.Voiraussi
structurale
Mythologiques /,le Cruetle cuit , p. 119).
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