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MASARYKOVA UNIVERZITA V BRNĚ

FILOZOFICKÁ FAKULTA
Ústav románských jazyků a literatur

La bestialité dans les romans d’Émile Zola


Bakalářská diplomová práce

Vedoucí práce: prof. PhDr. Petr Kyloušek, CSc.

Brno 2011 Linda Martausová


Prohlašuji, že jsem tuto práci vypracovala samostatně s použitím uvedených zdrojů a že
elektronická verze odpovídá verzi tištěné.

Brno 2011 …………………………………….

2
Ráda bych touto cestou poděkovala prof. PhDr. Petru Kylouškovi, CSc. za jeho cenné rady
a připomínky a ochotu při vedení mé bakalářské práce.

3
La table des matières :

I. INTRODUCTION………...…………………………………………………………………………………5
II. PARTIE METHODOLOGIQUE………………………………………………………………………….7
II. 1.1. Naturalisme, ses origines, ses objectifs et ses procédés................................................................. 7
II. 1.2. « Je serai savant ».......................................................................................................................... 8
II. 2.1. Corps et la toute puissance de son désir ........................................................................................ 9
II. 2.2. Tempéraments............................................................................................................................... 10
II. 2.3. Hérédité et la fêlure ..................................................................................................................... 11
II. 3.1. Images animales dans l’oeuvre de Zola ...................................................................................... 12
II. 3.2. Milieu des chemins de fer et l’humanisation des machines dans La Bête humaine...................... 13

III. ANALYSE DES RECITS ……………………………………………………………………………….16

III. 1.1. Motifs et manifestations de la bestialité dans La Bête humaine et dans Thérèse Raquin………...16
III. 1.2. Images et métaphores animales dans La Bête humaine et dans Thérèse Raquin ......................... 31

IV. CONCLUSION…………………………………………………………………………………………...36

V. BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………...38

4
I. Introduction

La littérature française compte un grand nombre d’écrivains renommés dont


les œuvres font partie de la littérature mondiale. C’est aussi le cas d’Émile Zola, un
romancier très populaire, dont les œuvres sont parmi les plus lues et les plus traduites dans
toutes les langues du monde et qui ont fait l’objet d’innombrables analyses.
Les romans de Zola sont des romains « vrais », ce qui est une des caractéristiques
essentielles préconisées par les partisans du mouvement du naturalisme dont Zola est,
ensemble avec Jules et Edmond de Goncourt, inventeur. Les romans naturalistes prennent
pour sujet toutes les classes sociales et s’appuient sur les découvertes en médecine et en
physiologie. Ils ont pour fonction d’analyser ce qui existe et d’en comprendre le
fonctionnement non seulement au niveau de la société mais surtout au niveau de l’individu.
Et pour comprendre le fonctionnement de ce dernier, c’est-à-dire le fonctionnement de
l’homme, Zola s’appuie justement sur la science, notamment sur les découvertes en
médecine et en physiologie. Ainsi, Zola devient un découvreur : du corps, de la maladie et
du désir; et c’est en quoi Zola est toujours moderne et pourquoi ses œuvres retiennent les
lecteurs contemporains.
Zola arrive à séduire les lecteurs par son œuvre, à les faire trembler pour les destins
de ses personnages, à faire revivre l’atmosphère du temps. Mais ce n’est pas seulement la
maîtrise du langage et le talent pour rédiger de grandes histoires qui nous mène à étudier
son œuvre. C’est avant tout le thème du fonctionnement de l’homme qui révèle des fois la
bestialité, autant manifestée dans les romans Thérèse Raquin et La Bête humaine. Nous
allons étudier ce thème justement à travers ces deux romans.
Mais avant de nous lancer dans cette étude, avant de fixer la problématique relative
au sujet de la bestialité, nous résumerons quelques mots sur le naturalisme, ses origines, ses
objectifs ainsi que sur ses procédés, ce qui nous aidera à mieux comprendre l’intention de
l’auteur. Ensuite j’aimerais rappeler la grande passion d’Émile Zola pour la science puisque
c’est justement la science sur laquelle Zola fonde son œuvre.
Quant au sujet même du présent mémoire, la question qui paraît intéressante à
aborder dans un premier temps, c’est de découvrir les motifs et les agents menant aux
manifestations de la bestialité. Par la suite nous ferons le point sur les images animales si
nombreuses dans les deux récits étudiés, en nous posant la question des traits et qualités que

5
Zola emprunte aux animaux. De même nous allons nous concentrer sur le milieu des
chemins de fer dans La Bête humaine qui, tout d’abord, sert de décor du livre mais dont les
locomotives humanisées nous font comprendre que le titre du roman n’illustre pas
uniquement la bestialité de l’homme.
Par la suite nous procéderons à l’analyse même des deux romans où nous
commencerons par découvrir les motifs ainsi que les manifestations de la bestialité
apparentes dans les deux récits afin de constater en quoi leurs personnages ressemblent et
en quoi ils diffèrent. Ensuite nous relèverons les exemples concrets des images animales
dans les deux romans de Zola en réfléchissant sur leur typologie et leur connotation. Et non
en dernier lieu nous essayerons de répondre quelle était l’intention de l’auteur et ce qu’il a
amené à mettre le sujet de la bestialité au centre de ses histoires.
Ainsi, comme ce sujet de la bestialité est suffisamment proche des romans La Bête
humaine et Thérèse Raquin qui, en même temps, nous procurent de nombreuses images
animales, c’est pourquoi notre mémoire s’appuiera justement de ces deux récits de Zola.

6
II. Partie méthodologique

II. 1.1. Naturalisme, ses origines, ses objectifs et ses procédés

Comme nous venons de le mentionner dans l’introduction du présent mémoire, à


l’origine du naturalisme développé en France à partir de 1865, il y a Zola avec Jules et
Edmond de Goncourt. Ce sont effectivement les frères Goncourt qui font paraître, en 1865,
le roman Germinie Lacerteux dont la préface1 est devenue un texte fondateur du
naturalisme. Dans cette préface, l’essentiel que les Goncourt annoncent aux lecteurs est le
fait qu’il ne s’agit pas d’un roman faux, à savoir de celui « en vogue », aimé par le public,
mais du roman vrai qui vient de la rue. D’où l’intérêt porté même aux basses classes de la
société: « Vivant au dix-neuvième siècle […] nous nous sommes demandés si ce qu’on
appelle « les basses classes » n’avait pas droit au Roman ; […]. Nous nous sommes
demandé s'il y avait encore pour l'écrivain et pour le lecteur, en ces années d'égalité où
nous sommes, des classes indignes, des malheurs trop bas, des drames mal embouchés, des
catastrophes d’une terreur trop peu noble. »
Selon Zola qui attribue à l’écrivain l’obligation de tout dépeindre pour tenter de tout
comprendre, l’homme est soumis à des lois et il faut trouver ces lois pour faire avancer la
connaissance de l’esprit humain. En 1881, Zola précise: « Les naturalistes reprennent
l’étude de la nature aux sources mêmes, remplacent l’homme métaphysique par l’homme
physiologique, et ne le séparent plus du milieu qui le détermine. » (« Le naturalisme »,
« Une campagne »)2
Le naturalisme implique la méthode analytique et expérimentale. Ainsi Zola procède
de façon à expérimenter, observer et analyser. Pour être précis, il établit des situations
particulières dans lesquelles il place ses personnages et observe ensuite les manifestations
de leur nature. De ce fait, Zola ne se fait pas seulement un observateur passif, mais il prend
aussi le rôle d’un expérimentateur ; il observe, il agit sur ses personnages, il les analyse.
A titre d’information, ce sont justement les mots clés « observation » et « analyse » que
Zola ne cesse pas de répéter et sur lesquels se fonde sa création romanesque. Tout ce

1
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k66336g.r=germinie+lacerteux+Goncourt.langFR.swf
2
BECKER, Colette, GOURDIN-SEVERINIERE, Gina: Dictionnaire d’Émile Zola. Paris : Éditions Robert
Laffont, S.A., 1993, p. 290

7
processus d’observation, d’expérimentation et d’analyse doit mener à la connaissance
approfondie du fonctionnement de l’homme.
Au fait, c’est même Gustave Flaubert qui a su, lui aussi, bien saisir l’intentionnalité
des romanciers naturalistes: « La beauté de l’œuvre n’est plus dans le grandissement d’un
personnage, qui cesse d’être un avare, un gourmand, un paillard, pour devenir l’avarice, la
gourmandise, la paillardise elles-mêmes; elle est dans la vérité indiscutable du document
humain, dans la réalité absolue des peintures […] »3

II. 1.2. « Je serai savant » (1864)

Il résulte des paragraphes précédents qu’Émile Zola porte une grande importance à
la science, et passionné de ses progrès, il fonde son esthétique justement sur celle-ci. La
méthode d’observation et d’analyse et les découvertes, notamment en physiologie, c’est ce
que Zola emprunte à la science. Zola en dit: « Ma grande affaire est d’être purement
naturaliste, purement physiologiste. […] Je me contenterai d’être savant, de dire ce qui est
en cherchant les raisons intimes.» (B.N., Ms, NAF 10345, fos 14-15) 4 A titre d’information,
la première grande œuvre de Zola « puisant » dans la science est le roman Thérèse Raquin
que l’on peut considérer comme une sorte d’expérience médicale. D’ailleurs, Zola confirme
son « objectif scientifique » qu’il porte à ce roman dans la préface de ce livre où il écrit:
« […] mon but a été un but scientifique avant tout ». (T.R., p. 21)
Zola s’appuie sur les théories de Darwin et sur les théories du docteur Prosper Lucas
sur l’hérédité qui disent que tout ce qui vit se transforme en fonction du milieu et suivant les
lois de l’hérédité naturelle.
Dans le contexte de ces « expériences médicales » entreprises par Zola, il est
intéressant de mentionner que Zola lui-même fait l’objet d’une étude. A ses 56 ans, Zola se
soumet à la recherche à la demande du docteur Toulouse, un médecin psychiatre, qui
cherche à vérifier l’idée que la supériorité intellectuelle s’expliquerait par des états
pathologiques et que le génie serait une névrose. A sa demande de se prêter à une telle
enquête, Zola répond: « Oui, pourquoi pas? Tout ce qui fait avancer la science, la vérité, la

3
BECKER, Colette, GOURDIN-SEVERINIERE, Gina: Dictionnaire d’Émile Zola. Paris : Éditions Robert
Laffont, S.A., 1993, p. 290
4
BECKER, Colette, GOURDIN-SEVERINIERE, Gina: Dictionnaire d’Émile Zola. Paris : Éditions Robert
Laffont, S.A., 1993, p. 389

8
connaissance de l’être humain m’intéresse et je suis tout prêt à vous servir de cobaye ».5
Ainsi, pendant un an, Zola subit des examens comme l’observation des mains, des yeux,
tests avec des taches d’encre, prise d’empreintes digitales…
Nous pouvons ajouter en rapport avec cette hypothèse du docteur Toulouse le fait
que Zola tient le journal de ses cauchemars. Ces quelques récits de rêves de Zola, trouvés
dans ses notes personnelles, ne sont pas destinés à la publication. Prenons pour exemple le
journal qu’il tient à ses dix-huit ans, pendant l’hiver 1858 – 1859. A cette époque-là, Zola
contracte une fièvre typhoïde avec délire. Ce délire, il le rétablit dans un texte qui est plus
tard étudié et édité par Philippe Bonnefis, le spécialiste de la littérature française des XIXe
et XXe siècles, sous le nom « Printemps. Journal d’un convalescent ». Il est intéressant de
noter que Zola, lui aussi, se sert de ce même texte pour la rédaction de son roman « La
Faute de l’abbé Mouret » où il prête ses propres visions délirantes à son héros.

II. 2.1. Corps et la toute puissance de son désir

On peut dire de Zola qu’il est un romancier du corps. Cet intérêt zolien accordé au
corps humain, devenu son sujet de préférence, est de nouveau le résultat de son grand
intérêt porté à la science.
Mais quoique ce soit le sujet préféré de Zola, il ne l’est sûrement pas de ses
contemporains. N’ayant pas peur de dévoiler le corps humain et le soumettre à une étude,
Zola doit tenir tête à de nombreuses critiques et est même accusé d’obscénité. Zola s’y
oppose en disant: « Avouez qu’il est dur, quand on sort d’un pareil travail, tout entier
encore aux graves jouissances de la recherche du vrai, d’entendre des gens vous accuser
d’avoir pour unique but la peinture des tableaux obscènes.» (T.R., p.21) « […] mon but a
été un but scientifique avant tout. » (T.R., p.20)
Dans ses études, c’est le désir de la chair qui l’intéresse et qui finalement devient
tout puissant. Zola observe « le drame » qui se déroule à l’intérieur d’un être humain et on
s’aperçoit que dans cette lutte du désir charnel et de la raison, c’est justement ce désir
charnel qui sort victorieux de cette lutte puisque la raison n’arrive pas à le contrôler, à le
maîtriser. Cet état peut être comparé à une certaine dépossession de soi. Et c’est justement
cet état, cette dépossession de soi, qui a pour conséquence des actes fatals commis par des

5
Magazine littéraire, Zola l’autre visage, Paris, Octobre 2002, p. 22 (propos recueillis par Pierre-Marc de
Biasi)

9
personnages centraux des romans, qui sont dans les deux cas des meurtres ne manquant pas
de bestialité. Ainsi on s’aperçoit que le corps humain et son désir est en rapport étroit, voire
direct, avec la pulsion de la mort et avec la bestialité.

II. 2.2. Tempéraments

Mais il n’y a pas que le corps qui peut devenir le motif de la bestialité. Il y a d’autres
motifs et agents qui peuvent aboutir aux actes bestiaux. Dans Thérèse Raquin, Zola se
consacre à l’étude des tempéraments : « Dans Thérèse Raquin, j’ai voulu étudier des
tempéraments et non des caractères. » (T.R., p. 20) Ainsi, Zola assume le point de vu d’un
médecin et observe quel peut être le résultat de la coexistence, de la liaison et plus tard de la
conjuration même des tempéraments différents. Mais avant de se dire à quoi peut mener ce
« choc » des tempéraments, précisons l’acception du mot « tempérament » telle qu’elle
apparaît sous la plume de Zola. « Il envisage d’abord le tempérament, la complexion de
l’écrivain qu’il étudie; il se demande quel ressort agit surtout dans son organisme, les
nerfs, le sang ou la bile. De là il prétend déduire le caractère de l’homme presque à coup
sûr. Cette méthode […] nous paraît très ingénieuse; d’ailleurs, dans la plupart des cas, elle
amène des résultats vrais », écrit Zola dans le compte-rendu d’une conférence de
Deschanel.6 Émile Deschanel, tout comme Zola, insiste lui aussi sur le rôle du tempérament
et à titre d’information, c’est justement grâce à celui-ci que Zola prend la connaissance
complète des travaux des docteurs Lucas, Morel, Lélut, Teplat, Moreau de Tours, portant
sur l’hérédité physique et morale sur lesquels Zola fonde son œuvre.
Mais revenons aux tempéraments tels qu’ils sont représentés par Zola dans Thérèse
Raquin et répondons quel peut être ce rapport entre les tempéraments et la bestialité.
Apparemment, c’est justement la mise en contact des tempéraments différents qui peut
susciter la tendance à la bestialité: Thérèse dont le tempérament nerveux et solaire reste
enfermé, étouffé à côté de Camille, enfant fragile et maladif, se met en contact avec le
tempérament sanguin de Laurent. Maintenant il ne reste qu’à observer le développement et
la gradation de la liaison des tempéraments de Thérèse et de Laurent, menant à la
perpétration du meurtre.

6
BECKER, Colette, GOURDIN-SERVENIERE, Gina, LAVIELLE, Véronique : Dictionnaire d’Émile Zola.
Paris : Éditions Robert Laffont, S.A., 1993, p. 407

10
II. 2.3. Hérédité et la fêlure

Il appert des paragraphes précédents que Zola est passionné par l’hérédité et se
documente sur les travaux en cours portant sur cette problématique. Il applique la théorie de
l’hérédité à ses personnages, ou plutôt à leur tempérament, à leur nature. Dans ce contexte,
Zola est angoissé par la transmission des tares, par la dégradation physique et mentale.
L’hérédité, telle que Zola la voit, ce n’est pas la transmission de la couleur des cheveux ou
des yeux, de certains traits de caractère. C’est « la grande hérédité, la fêlure, […], la fêlure
cérébrale dans un corps vigoureux, la crevasse de la pensée, la mort, l’instinct de la mort
[…].» 7 En effet, cette fameuse fêlure zolienne, connue à travers l’œuvre La Bête humaine,
peut être comparée à un trou d’où surgit l’hérédité et qui éveille chez Jacques Lantier
l’avidité de tuer dont les victimes sont des femmes. C’est d’ailleurs le texte tiré de ce roman
qui explique tout: « La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure. Lui, à
certaines heures, la sentait bien, cette fêlure héréditaire. Non pas qu’il fût d’une santé
mauvaise, car l’appréhension et la honte de ses crises l’avaient seules maigri autrefois,
mais c’était, dans son être, de subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par
lesquels son moi lui échappait, au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait tout. »
(B.H., p. 43) Cette fêlure, héritée de la Tante Dide, représente alors toute l’hérédité qui est
transmise par un corps sain à un autre corps sain au sein de la famille des Rougon-
Macquart.
Contrairement à La Bête humaine, l’hérédité dans Thérèse Raquin ne se traduit pas
par la fêlure mais par le tempérament. Ceci peut bien démontrer le tempérament solaire de
Thérèse qu’elle tient de sa mère, une Algérienne : « […] la chère petite était née à Oran
[…] elle avait pour mère une femme indigène d’une grande beauté.» (T.R., p. 37)

7
BECKER, Colette, GOURDIN-SERVENIERE, Gina, LAVIELLE, Véronique : Dictionnaire d’Émile Zola.
Paris : Éditions Robert Laffont, S.A., 1993, p. 182 ; (Gilles Deleuze, « Zola et la fêlure », préface à La Bête
humaine)

11
II. 3.1. Images animales dans l’œuvre de Zola

L’attirance de Zola pour l’animal se manifeste à plusieurs reprises dans son œuvre.
La preuve en est la fréquence des images animales dans les récits de Zola. Il est intéressant
de noter que le nombre d’images augmente progressivement à travers son œuvre. A titre
d’information, quarante images animales apparaissent dans Thérèse Raquin et la faune se
multiplie et se diversifie surtout avec la rédaction des Rougon-Macquart. Sachez qu’avec
Assomoir Zola en atteint trois cent quarante.8
La question principale qui se pose dans ce contexte des images animales c’est de
savoir ce que Zola emprunte aux animaux. « La métaphore emprunte alors à l’animal ce
qu’il faut de griffes et de crocs pour illustrer expressivement ce jaillissement violent de la
vie au plus intime de l’homme. » 9 On reconnaît bien, à travers cette définition, le thème de
la bête humaine qui rassemble autour de lui les images brutales. Ainsi, dans le cas présent,
les images animales représentent le symptôme d’un déséquilibre quelconque par rapport à
l’harmonie naturelle, un certain divorce du corps et de l’esprit.
De plus, on peut bien remarquer l’obéissance des personnages de Zola à leur nature
animale. Ils sont tous en proie à leurs appétits, emportés par l’instinct, par la volonté
naturelle qui échappe au contrôle de la raison. Au fait, si ces personnages n’arrivent pas à
réprimer leurs instincts naturels, c’est la bête qui se réveille en eux et qui, à un moment
donné, répond aux appels que l’esprit ne comprend pas. Il en résulte l’idée ou la conviction
même de Zola que l’homme porte en lui, dans ses instincts primordiaux, une part de
bestialité et de disposition irrépressible.
Au fait, Zola ne cesse pas d’animaliser l’homme social tout au long de sa carrière.
Ainsi les images animales qui apparaissent dans les livres de Zola contribuent à créer un
répertoire des destinées et des intentions humaines qui se déroulent chacune dans un milieu
différent. C’est pourquoi on peut considérer ces images animales zoliennes comme un
certain moyen de transcription, comme une formulation adéquate pour démontrer le dessein
et le sort de ses personnages.

8
Europe (revue mensuelle) Zola. Europe et les Editeurs Français Réunis, 1968, p. 98 (Philippe Bonnefis)
9
Europe (revue mensuelle) Zola. Europe et les Editeurs Français Réunis, 1968, p. 99 (Philippe Bonnefis)

12
II. 3.2. Milieu des chemins de fer et l’humanisation des
machines dans La Bête humaine

Revenons encore à l’enquête entreprise par le docteur Toulouse en 1896 (cf.


chapitre II. 1.2) puisque c’est grâce à celle-ci qu’on a pu apprendre sur Zola qu’ « il aime
[…] beaucoup les bijoux et les machines à vapeur; c’est-à-dire le fini et la solidité du
travail » et qu’ « une machine à vapeur en diamant serait pour lui la plus belle des
choses. »10 Cette affection de Zola pour les machines à vapeur est probablement la raison
pour laquelle Zola choisit le milieu des chemins de fer pour son roman La Bête humaine.
Maintenant, la question qui se pose est de savoir quel est le rôle exact de ce milieu
des chemins de fer dans le présent roman. A-t-il pour unique fonction de former le décor du
roman ? Ou bien représente-t-il seulement le symbole du progrès technique, l’optimisme de
la science? Il paraît que cette décision de l’auteur de mettre les machines à vapeur au centre
de son histoire a encore été suscitée par une autre intention.
Pour expliciter cette hypothèse, il faut commencer la lecture du roman en cherchant
les vraies significations cachées derrière de nombreuses descriptions de ce milieu des
chemins de fer mis en scène par Zola. Déjà à la première page du roman, l’auteur écrit:
« Dans l’effacement confus des wagons et des machines encombrant les rails, un grand
signal rouge tachait le jour pâle. » (B.H., p.3) Il ne s’agit pas d’une simple description
« sans importance ». Ce « grand signal rouge » évoqué par Zola dès le début du livre
pronostique, pour le reste du roman, le meurtre prochain et inévitable. Le même présage de
la mort prochaine peut être observé à travers l’image du « triangle rouge » comparé à des
« blessures ouvertes » dans les extraits suivants : « On ne voyait de lui, saignant comme des
blessures ouvertes, que les trois feux de l’arrière, le triangle rouge. » (B.H., p. 27) « Déjà,
le train fuyait, se perdait vers la Croix-de-Maufras, en ne montrant plus de lui, dans les
ténèbres, que les trois feux de l’arrière, le triangle rouge. » (B.H., p. 46) « Le direct du
Havre apparut […] elle le regarda disparaître sous le pont, tandis que les trois feux de
l’arrière ensanglantaient la neige. » (B.H., p. 175)
Une autre image importante évoquant, elle aussi, la menace de la mort, est sans
doute l’image du tunnel dépeint comme la « gueule noire ». Et bien que Zola nous offre la

10
DEZALAY, Auguste: Lectures de Zola. Paris: Armand Colin, 1973, p. 124

13
liste exhaustive des tunnels sous lesquels les trains sont obligés de passer pour assurer leur
trajet Paris-Le Havre, c’est particulièrement le tunnel de Malaunay, un long tunnel, qui joue
le rôle principal puisque c’est justement là et dans sa proximité immédiate, que se déroulent
les scènes de la mort. « […] en traversant Malaunay […] je compris: la chose se ferait
dans le tunnel, à un kilomètre de là… » (B.H., p. 183) « […] oui, dans le tunnel […] (B.H.,
p. 183) « Le corps a été jeté, presque au sortir du tunnel de Malaunay […] » (B.H., p. 64)
C’est aussi Flore qui trouve sa mort volontaire dans ce même tunnel: « […] ils lui contèrent
le suicide de la jeune fille, comment elle s’était fait couper, sous le tunnel. » (B.H., p. 251).
Pour la description des chemins de fer et de ses machines, Zola utilise une
comparaison métaphorique: « C’était comme un grand corps, un être géant couché en
travers de la terre, la tête à Paris, les vertèbres tout le long de la ligne, les membres
s’élargissant avec les embranchements, les pieds et les mains au Havre et dans les autres
villes d’arrivée » (B.H., p. 36). Cette image, n’évoque-t-elle pas l’idée d’un monstre ? De
plus, on peut remarquer que dans l’univers de Zola, les machines s’animent: « […] les
tronçons de train dormant sur les voies de garage; et, du fond de ce lac d’ombre, des bruits
arrivaient, des respirations géantes, haletantes de fièvre, […], des trompes lointaines
sonnant, lamentables […] » (B.H., p. 25); « […] l’haleine chaude […] de la machine […] »
(B.H., p. 49). On peut également se rendre compte, à travers cette humanisation des
machines, de la nature des trains, de leur indifférence vis-à-vis de tout être humain: « Et ça
passait, ça passait, mécanique […] dans l’ignorance volontaire de ce qu’il restait de
l’homme, aux deux bords, caché et toujours vivace […] » (B.H., p. 36) « Des trains encore
étaient passés […] Tous se croisaient […] en frôlant, sans y prendre garde, la tête coupée à
demi de cet homme, qu’un autre homme avait égorgé. » (B.H., p. 52) A ce moment-là on
peut se rendre compte qu’il ne s’agit pas uniquement des monstres qui sont des objets
purement matériels fabriqués de main d’homme, mais des monstres vivants qui, à travers
leur trajet, prennent une sorte de vie animale. Bref, ces machines sont aussi des bêtes
humaines. C’est néanmoins l’annonce de la tante Phasie qui nous fait comprendre la vraie
signification du train dans le récit: « Ah ! C’est une belle invention, il n’y a pas à dire. On
va vite, on est plus savant…Mais les bêtes sauvages restent des bêtes sauvages, et on aura
beau inventer des mécaniques meilleures encore, il y aura quand même des bêtes sauvages
dessous. » (B.H., p. 34). De ce fait, le train n’est pas seulement le symbole du progrès
technique et ne sert pas du simple décor. Il est aussi le symbole de la mort.
Mais encore quelques mots sur la Lison, la locomotive à vapeur dont le machiniste
est Jacques Lantier lui-même. La lecture du roman révèle qu’en comparaison avec d’autres

14
machines et leur vraie signification, la Lison prend un rôle différent. Elle est, elle aussi, un
monstre prenant une sorte de vie animale mais avant tout, elle est le substitut d’une femme
pour Jacques qui l’aime au point d’éprouver pour elle une vraie tendresse, un vrai
attachement sentimental et même une passion: « […] Jacques, par tendresse, en avait fait
un nom de femme, la Lison, comme il disait, avec une douceur caressante. » (B.H., p. 118)
« Et, c’était vrai, il l’aimait d’amour […] » (B.H., p. 119). « Il l’aimait donc en mâle
reconnaissant […] » (p. 119). Pour Jacques, la Lison avait, à part ses autres qualités,
quelque chose que d’autres machines n’avaient pas: « Il y avait l’âme […] » (B.H., p. 119)
Mais la Lison « […] dans la réparation des pistons et des tiroirs, elle avait perdu de son
âme […] » (B.H., p. 207). Et Jacques « il en souffrait […] convaincu que la Lison était très
malade […] » « Sa tendresse s’en décourageait: à quoi bon aimer, puisqu’il tuerait tout ce
qu’il aimerait? » (B.H., p. 207) « Elle était morte […] Alors Jacques, ayant compris que la
Lison n’était plus, referma les yeux avec le désir de mourir lui aussi […] et, de ses
paupières closes, des larmes lentes coulaient maintenant, inondant ses joues. » (B.H.,
p. 241)
Jacques, souffrant énormément de sa maladie, de ses pulsions meurtrières envers les
femmes, trouve refuge chez la Lison: « Il ne vivait tranquille, heureux, détaché du monde,
que sur sa machine. » (B.H., p. 59) « Et c’était pour cela qu’il aimait si fort sa machine, à
l’égal d’une maîtresse apaisante, dont il n’attendait que du bonheur. » (B.H., p. 60)
« Et il n’avait qu’un reproche à lui adresser, un trop grand besoin de graissage: les
cylindres surtout dévoraient des quantités de graisse déraisonnables, une faim continue,
une vraie débauche. Vainement, il avait tâché de la modérer. Mais elle s’essoufflait
aussitôt, il fallait ça à son tempérament. Il s’était résigné à lui tolérer cette passion
gloutonne, de même qu’on ferme les yeux sur un vice, chez les personnes qui sont, d’autre
part, pétries de qualités […] » (B.H., p. 119) Arrêtons-nous un moment sur cet extrait
relatif à la Lison. Au fait, cette « maladie » de la Lison, cette faim continue que Jacques
tente vainement de modérer, ne nous fait-elle pas penser à la maladie de Jacques où ce
dernier éprouve une faim continue de tuer qu’il essaie vainement de maîtriser?

15
III. Analyse des récits
III. 1.1. Motifs et manifestations de la bestialité dans les romans La
Bête humaine et Thérèse Raquin

Les deux romans révèlent la bestialité de l’homme et c’est par cet aspect qu’ils se
ressemblent. A travers la lecture on se rend compte peu à peu que la bête humaine n’est pas
seulement la qualification des personnages du roman du même nom mais que cette
appellation peut être aussi bien appliquée aux personnages principaux du roman Thérèse
Raquin. Quelles sont les manifestations de la bestialité qui font de ces gens des bêtes
humaines? Et qu’est qui est à l’origine de ces manifestations ? A savoir quels sont les
motifs et les agents qui poussent ces gens à agir bestialement ? Sont-ils les mêmes pour les
deux romans? Ou bien diffèrent-ils? Trouvons la réponse à cette question dans le chapitre
suivant.
Quant au roman La Bête humaine, celui-ci présente déjà plusieurs bêtes humaines. A
part Jacques Lantier, le personnage clé du roman, ce sont également Roubaud, Cabuche,
Misard mais aussi Flore et Séverine.
Roubaud, tout d’abord, qui trouve son motif dans la jalousie après avoir pris
connaissance du vrai passé de son épouse: « et lui, mordu de sa jalousie atroce […] »
(B.H., p. 18) C’est effectivement la jalousie qui éveille en lui la bête qui, jusque-là,
sommeillait: « Ce qui l’épouvantait, c’était de sentir l’animal, soupçonné par elle depuis
trois ans, à des grognements sourds, aujourd’hui déchaîné, enragé, prêt à mordre. » (B.H.,
p. 21) Et Roubaud, jaloux, frappe pour « […] apaiser la bête hurlante au fond de lui. »
(B.H., p. 21). C’est effectivement ce motif de la jalousie qui mène Roubaud à tuer le
président Grandmorin; à lui plonger un couteau dans la poitrine. Ensuite, c’est toujours ce
même motif qui a pour conséquence son comportement grossier à l’égard de Séverine, de
son épouse : « […] il la massacrait […] dans un emportement de brute, de l’homme aux
grosses mains qui, autrefois, avait poussé des wagons. » (B.H., p. 16) « Il lui empoigna la
tête, il la cogna contre un pied de la table. […] il la tira par les cheveux, au travers de la
pièce, bousculant les chaises. Chaque fois qu’elle faisait un effort pour se redresser, il la
rejetait sur le carreau d’un coup de poing. Et cela haletant, les dents serrées, un
acharnement sauvage et imbécile. » (B.H., p. 18)

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A part la perpétration du meurtre du président Grandmorin et à part la grossièreté envers sa
femme, il y a, dans le récit, d’autres manifestations de la bestialité de Roubaud. Celles-ci
sont peut-être moins visibles à première vue mais également importantes puisqu’elles
prouvent, elles aussi, son caractère bestial. On peut par exemple remarquer que Roubaud
appelle le meurtre de Grandmorin dont il est acteur « la bousculade » ce qui semble
dégrader la gravité de l’acte commis. Autrement dit, ce mot « bousculade » utilisé par
Roubaud, traduit-il suffisamment l’acte de meurtre? : « […] une bousculade en pleines
ténèbres […] (B.H., p. 55) A ceci s’ajoute le fait que Roubaud, après avoir commis le
meurtre, « […] vivait sans remords. » (B.H., p. 130) De plus, il se peut que Roubaud ait
encore envie d’un autre meurtre: « Et, jusqu’à l’aube souvent, il se promenait ainsi,
s’arrêtant dès qu’il croyait voir remuer la nuit, reprenant sa marche avec le vague regret
de n’avoir pas à faire le coup de feu […] » (B.H., p. 133). Et non en dernier lieu, Roubaud
et aussi brutal dans la sexualité « […] brutal aux premiers temps du mariage […] il l’avait
aimée sans délicatesse […] » (B.H., p. 129) « […] violentée plus tard par les appétits
brutaux de son mari […] » (B.H., p. 134)
Cabuche, ensuite, qui « vivait à l’état sauvage, sur la lisière de la forêt de Bécourt,
où son père lui avait laissé […] une masure faite de troncs d’arbres et de terre. » (B.H.,
p. 86). Cette sorte de vie, n’évoque-t-elle pas la vie des bêtes sauvages? De plus, il porte les
signes physiques d’animalité: « La face massive, le front bas disaient la violence de l’être
borné […] » (B.H., p. 92) Il a tué un homme dans une querelle mais après que ce dernier,
« il avait tapé le premier […] » (B.H., p. 93) Ainsi « […] Cabuche […] venait de faire cinq
ans de prison, pour avoir tué un homme dans un cabaret. » (B.H., p. 86) Paradoxalement,
c’est ce même Cabuche, « énorme et bestial » (B.H., p. 86) qui éprouve de la sensibilité et
de la tendresse dans le roman: Cabuche, un « […] être tendre et borné […] bon chien qui se
donne dès la première caresse. » (B.H., p. 251) Il tombe amoureux de Sévérine « Oui,
certainement, Cabuche l’aimait […] » (B.H., p. 254), mais il n’en n’a pas soufflé mot:
« Celui-là ne m’a jamais dit un mot. Mais je le vois bien qui se tord les bras, quand nous
nous embrassons. Il m’entend te tutoyer, il pleure dans les coins. Et puis, il me vole tout,
des affaires à moi […] qu’il emporte là–bas, dans sa caverne, comme des trésors… »
(B.H., p.256) Au fait, sa sensibilité et ses souffrances intérieures émeuvent les lecteurs.
Et lorsqu’il trouve Sévérine égorgée, il pousse « […] un terrible cri qui sortait de son cœur
déchiré » (B.H., p. 270).
Quant à Flore, elle est une « belle fille sauvage » (B.H., p.169) vivant en plein air :
« Je vis dehors, moi. » (B.H., p. 41) Son comportement dans la nature évoque celui des

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bêtes sauvages « […] toujours à battre les champs dès qu’elle était libre, cherchant les
coins perdus, se couchant au fond des trous, les yeux en l’air, muette, immobile. » (B.H.,
p. 39) Flore, amoureuse de Jacques Lantier, le guette depuis les broussailles, comme un
animal : « […] je t’ai vu passer […] de ces broussailles, là bas, où j’étais assise. » (B.H.,
p. 41). Son comportement vis-à-vis de Sévérine, la maîtresse de Jacques, prouve également
les manifestations de l’animalité: « […] il y avait ce besoin de l’approcher, de la dévisager,
de la toucher, afin de savoir. » (B.H., p. 164)
Par ailleurs, l’apparence physique de Flore, sa force qui sort de l’ordinaire, ses actes,
font penser à une héroïne d’épopée: « Elle était vierge et guerrière […] » (B.H., p. 40)
« […] son air […] hardi de grande sauvagesse blonde. » (B.H., p. 163) « Elle avait relevé
sa tête puissante […] (B.H., p. 39) « […] brave et forte comme un garçon […]» (B.H.,
p. 161) « Déjà une légende se formait sur elle, dans le pays. On contait des histoires, des
sauvetages […] » (B.H., p. 39) Et c’est justement par cette force que Flore provoque
l’accident de la Lison où des gens innocents sont morts et gravement blessés. Tout cela dans
le but du tuer Jacques et Séverine et ayant trouvé le motif dans un amour malheureux et
dans la jalousie.
Une autre bête humaine est également Misard dont l’apparence chétive ne ferait pas
penser qu’il tente intensément d’empoisonner sa femme pour gagner de l’argent, les dix
mille francs que son épouse avait hérités de son père: « […] Misard […] qui osait lui aussi,
tuant le plus tranquillement du monde, à coups de drogue. » (B.H., p. 50) et qui, finalement,
y réussit: « […] elle était sur le dos, finie, réduite à rien […] » « Il en était fier, il en
ricanait comme d’une bonne histoire […] » (B.H., p. 222)
Après, c’est Séverine. Au fait, c’est à elle que vient l’idée de tuer Roubaud, son
mari, afin de pouvoir continuer la relation libre avec Jacques : « […] elle songea que, s’il
était mort, elle serait libre […] » (B.H., p. 210). Ayant enfin pris connaissance de la passion
et d’un amour véritable, elle ressent « […] un besoin grandissant d’avoir Jacques à elle,
tout à elle, de vivre ensemble, les jours, les nuits, sans jamais plus se quitter » (B.H.,
p. 210) A ceci s’ajoute le fait que « [s]on exécration pour son mari s’aggravait, la simple
présence de cet homme la jetait dans une excitation maladive, intolérable. » (B.H., p. 210)
Il se fait alors que Séverine, décidée de ne plus tolérer la vie de son mari, commence à
suggérer à Jacques l’idée du meurtre: « […] si j’étais libre, si mon mari n’était plus là! »
(B.H., p. 195) « Oui, s’il était mort. » (B.H., p. 211) Elle agit sur Jacques doucement,
patiemment, avec roublardise mais avec une intention claire qu’« […] elle voulait qu’il tuât
l’autre. » (B.H., p. 213) « […] elle ne voyait plus d’autre dénouement possible, sa

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résolution était prise absolue […] » (B.H., p. 212) Et même si Jacques, ayant finalement
cédé à sa volonté, n’y parvient pas, elle ne renonce pas à son dessein et recommence à lui
inculquer l’idée de tuer, en recourant au chantage affectif: « Oh! mon chéri, si tu avais pu,
que nous aurions été heureux, là-bas!...Non, non, je ne te demande plus de faire ce que tu
ne peux pas faire; seulement je regrette tant notre rêve!... » (B.H., p. 258) « Ah! mon chéri
[…] des nuits et des nuits encore, toutes pareilles à celle-ci, des nuits sans fin […] Mais tu
ne peux pas, je le sais. Si je t’en parle, ce n’est pas pour te faire de la peine, c’est parce que
ça me sort du cœur, malgré moi. » (B.H., p. 259) Et de nouveau Jacques cède, résolu de
trouver de la force pour tuer. Cependant c’est Séverine qui planifie le scénario cruel du
meurtre de son mari : « Mais, elle, très réfléchie, pesait chaque détail; et, au fur et à
mesure, que le plan se développait dans sa tête, elle le discutait et l’améliorait. » (B.H.,
p. 260) « Dis donc, c’est une idée! Si, par exemple, il avait ça au cou, nous n’aurions qu’à
le prendre et à le porter, à nous deux, là, en travers de la voie. […] nous lui mettrions le
cou sur un rail, de manière à ce que le premier train le décapitât. On pourrait chercher
ensuite, quand il aurait tout ça écrasé: plus de trou, plus rien! » (B.H., p. 260) Et après
avoir inventé ce plan féroce, « […] elle était presque gaie et fière d’avoir l’imagination. »
(B.H., p. 260) Il s’ensuit que « […] cette petite femme, si frêle […] » (B.H., p. 110) sait être
cruelle et impitoyable dans la recherche de son propre bonheur.
De plus, il est intéressant de remarquer que Séverine représente la femme fatale du
récit. Séverine, « […] la belle Séverine […] » (B.H., p. 53) qui « […] à la regarder, elle
séduisait par le charme, l’étrangeté de ses larges yeux bleus, sous son épaisse chevelure
noire. » (B.H., p. 7) elle est désirée par presque tous les hommes. Et c’est justement ce désir
qui est à l’origine des idées de meurtre. Que se soit le meurtre commis de Grandmorin ou
bien celui planifié de Roubaud.
Une autre manifestation de la bestialité est aussi celle qui est commune à Séverine et
à Roubaud. Après avoir tué Grandmorin, ceux-ci vivent sans remords. La seule chose qui
les préoccupe, ce sont tout d’abord des conséquences éventuelles: « Roubaud, cependant,
vivait sans remords. Il avait eu seulement peur des suites, avant que l’affaire fût classée
[…] » (B.H., p. 130). Et ensuite, comme ils ont caché la montre et les dix mille francs pris
sur le corps de Grandmorin sous un parquet de chêne de la salle à manger, c’est la peur et
parfois la folie même du cadavre qui prend l’image d’un fantôme: « […] c’était comme un
charnier, un trou d’épouvante et de mort, où des spectres l’attendaient. » (B.H.,
p. 128) […] ce vieux dont le spectre sanglant la hantait […] » (B.H., p. 134) « […] et ce
malaise était d’autant plus singulier, qu’ils ne souffraient nullement du couteau, le beau

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couteau neuf acheté par la femme, et que le mari avait planté dans la gorge de
l’amant. Simplement lavé, il traînait au fond d’un tiroir, il servait parfois à la mère Simon,
pour couper le pain.» (B.H., p. 128)
Et Jacques enfin, le personnage le plus représentatif du roman, prend, lui aussi, les
signes physiques d’animalité: « […] beau garçon au visage rond et régulier, mais que
gâtaient des mâchoires trop fortes. Ses cheveux, plantés drus, frisaient, ainsi que ses
moustaches, si épaisses, si noires […] » (B.H., p. 29) « […] ses yeux semés de points d’or
[…] » (B.H., p. 112) Il est la victime de l’hérédité, de la fatalité biologique; au fait, il est le
porteur de la fêlure qui représente l’instinct de la mort et se traduit par « […] de subites
pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait […] »
( B.H. p. 43) Ainsi, cette fêlure qui se manifeste par des douleurs qui lui traversent le crâne
aboutit à un état de dépossession de soi lors duquel Jacques est accablé de pulsions
meurtrières à l’égard des femmes et devient la bête humaine: « Il ne s’appartenait plus, il
obéissait à ses muscles, à la bête enragée. » (B.H., p. 43)
« Tuer une femme, tuer une femme! cela sonnait à ses oreilles, du fond de sa
jeunesse […] » (B.H., p. 42) Toutefois, la question qui se pose est de savoir si la victime
doit être nécessairement une femme? Nous pouvons remarquer que quand Jacques trouve
Grandmorin mort, il le regarde fasciné, avec une curiosité morbide, et peu importe qu’il
s’agisse du cadavre d’un homme. Il y avait « […] le besoin de voir ça, la soif inextinguible
de se rassasier les yeux de cette loque humaine, du pantin cassé, de la chiffe molle, qu’un
coup de couteau faisait d’une créature. » (B.H., p. 49) « L’idée de voir la blessure le
piquait d’un aiguillon si vif, que sa chair en brûlait. Voir comment c’était fait et ce qui
avait coulé, voir le trou rouge! » (B.H., p. 50) « Oh! donner un coup de couteau pareil,
contenter ce lointain désir, savoir ce qu’on éprouve, goûter cette minute où l’on vit
davantage que dans toute une existence! » (B.H., p. 188) Ou bien un autre exemple
prouvant cette hypothèse: « Lui, qui, dès l’enfance voulait tuer, qui était ravagé jusqu’à la
torture par l’horreur de cette idée fixe, pourquoi donc ne tuait-il pas Roubaud? Peut-être,
sur cette victime choisie, assouvirait-il à jamais son besoin de meurtre; et, de la sorte, il ne
ferait pas seulement une bonne affaire, il serait en outre guéri. » (B.H., p. 213)
Mais supposant que le sexe ne soit pas important dans son avidité de tuer, pourquoi
ce sont alors des femmes qui servent de cible aux crises de Jacques ? Au fait, nous pouvons
nous apercevoir de la mention de la vengeance, répétée plusieurs fois dans le texte qui serait
la vengeance des offenses très anciennes dues aux femmes et ayant ses débuts dans la
tromperie: « […] une soif toujours renaissante de venger des offenses très anciennes, dont

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il aurait perdu l’exacte mémoire. Cela venait-il donc de si loin, du mal que les femmes
avaient fait à sa race, de la rancune amassée de mâle en mâle, depuis la première
tromperie au fond des cavernes. » (B.H., p. 44) A ceci s’ajoute le besoin d’humilier la
femelle et démontrer ainsi la souveraineté masculine. « Et il sentait aussi, dans son accès,
une nécessité de bataille et la dompter […] » (B.H., p. 44) « Il en éprouvait une surprise
d’orgueil, un grandissement de sa souveraineté de mâle. » (B.H., p. 268) Mais il est à noter
que ce besoin de démontrer sa souveraineté, il ne l’éprouve pas seulement vis-à-vis des
femmes, mais aussi vis-à-vis des « autres de sa race ». « […] le besoin perverti de la jeter
morte sur son dos, ainsi qu’une proie qu’on arrache aux autres, à jamais. » (B.H., p. 44)
Et quels indices physiques pouvons-nous observer lors de la mutation de Jacques en
bête humaine? Tout d’abord, ce sont les yeux de Jacques qui nous donnent le premier signe
de retour du mal. On peut remarquer que ses yeux, « ses yeux bruns diamantés d’or » (B.H.,
p. 265) deviennent aussitôt troublés d’une fumée: « […] ses yeux, qu’il avait larges et
noires, semés de points d’or, s’étaient comme troublés d’une fumée, qui les pâlissait. »
(B.H., p. 29) « En passant près d’elle […] l’éclat de ses yeux s’était terni d’une fumée
rousse. » (B.H., p. 265) Après, Séverine s’aperçoit qu’« [i]l avait sa tête ronde de beau
garçon […] mais sa mâchoire inférieure avançait tellement, dans une sorte de coup de
gueule, qu’il s’en trouvait défiguré. » (B.H., p. 265)
Quant à ses indices intérieurs, nous apprenons qu’« [i]l grelottait de fièvre […] »
(B.H., p. 190) « [...] repris […] du frisson abominable […] » (B.H., p. 263) « Il entendait
en lui le labeur décuplé du cerveau, un grondement de toute la machine » (B.H., p. 188)
« Etranglé, il ne soufflait plus. Une clameur de foule, dans son crâne, l’empêchait
d’entendre; tandis que des morsures de feu, derrière les oreilles, lui trouaient la tête,
gagnaient ses bras, ses jambes, le chassaient de son propre corps, sous le galop de l’autre,
la bête envahissante. » (B.H., p. 266). C’est également la tante Phasie, la marraine de
Jacques, qui est au courant des difficultés observées sur Jacques depuis sa jeunesse, et qui
sait donc bien les décrire: « […] cette douleur qui te trouait le crâne, derrière les oreilles,
et les coups de fièvre brusques, et ces accès de tristesse qui te faisaient te cacher comme
une bête, au fond d’un trou. » (B.H., p. 35) Il s’est même passé qu’ « […] il marchait en
somnambule, sans mémoire du passé, sans prévoyance de l’avenir, tout à l’obsession de son
besoin. Dans son corps qui allait, la personnalité était absente. » (B.H., 191) Et encore un
témoignage de l’animalité propre à Jacques. Au moment où celui-ci satisfait son désir de
longue date et ose tuer, il « […] s’étonna. Il entendait un reniflement de bête, grognement

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de sanglier, rugissement de lion; et il se tranquillisa, c’était lui qui soufflait. » (B.H., p.
268)
De toute façon, Jacques souffre énormément de son mal, de ses états au cours
desquels son moi lui échappe, et accuse les générations précédentes, les générations
d’ivrognes dont il est issu, de le ramener à l’homme mangeur de femmes: « […] il payait
pour les autres, les pères, les grands pères, qui avaient bu, les générations d’ivrognes dont
il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups
mangeurs de femmes, au fond des bois. » (B.H., p. 43)
Ses crises qui réapparaissent au moment où il se croit guéri le désespèrent et il
comprend que sa volonté n’est pour rien: « Mon Dieu! Il était donc revenu, ce mal
abominable dont il se croyait guéri? Voilà qu’il avait voulu la tuer, cette fille! » (B.H.,
p. 42) Mais il paraît que même à ces moments-là où ses crises reviennent et où il devient la
bête enragée, il tente, probablement grâce au reste de la conscience, d’éviter le mal, ne pas
tuer. Alors, malgré un vain effort, il essaie de fuir ses crises: « Son unique pensée était
d’aller tout droit, plus loin, pour se fuir, pour fuir l’autre, la bête enragée qu’il sentait en
lui. Mais il l’emportait, elle galopait aussi fort. » (B.H., p. 46) On peut remarquer que lors
de sa fuite, il adopte le comportement des bêtes sauvages: « Que faisait-il là, dans l’herbe
[…] » (B.H., p. 45) « Alors, de nouveau, pendant une demi heure, il galopa au travers de la
campagne noire […] il monta des côtes, il dévala dans des gorges étroites. » (B.H., p. 45)
Aussi, il cherche à maîtriser ses crises: « […] ce tressaillement involontaire, qu’il tâchait
de maîtriser […] » (B.H., p. 29) « La peur le prit de ses mains, et il les rentra, les joignit
d’abord sur son ventre, finit par les glisser, par les écraser sous ses fesses, les
emprisonnant là […] » (B.H., p. 188) mais « […] il les sentait bien qui s’agitaient,
révoltées, plus fortes que son vouloir. » (B.H., p. 189) « Des mains qui lui viendraient d’un
autre, des mains léguées par quelque ancêtre, au temps où l’homme, dans les bois,
étranglait les bêtes! » (B.H., p.189) Et enfin, pour ne donner aucune occasion à son mal, il
détourne les regards des femmes et il fuit devant elles: « […] les yeux se détournèrent, dans
[…] un malaise allant jusqu’à la souffrance. » (B.H., p. 29) « Lui, fuyait les femmes […] »
(B.H., p. 45) « […] il s’était écarté d’elle comme des autres, dans sa peur maladive. »
(B.H., p. 71)
Mais il se fait que malgré ces « précautions », Jacques entame la relation avec
Séverine Roubaud, ayant cédé, lui aussi, à son charme. Et c’est là où il commence à croire
en sa guérison et plus tard, il en est même persuadé puisque à côté de Séverine, il ne sent
pas: « […] cet effrayant frisson qui l’agitait, près d’une femme, à l’idée de sa possession.»

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(B.H., p. 114) Heureux, il commence à sentir « […] la lassitude heureuse des
convalescences. » (B.H., p. 114) Et ultérieurement, après avoir possédé Séverine, il se croit
même absolument guéri: « Alors, c’était fait? Il avait possédé Séverine et il n’avait pas pris
ce marteau pour lui casser le crâne. Elle était à lui sans bataille, sans cette envie instinctive
de la jeter sur son dos, morte, ainsi qu’une proie qu’on arrache aux autres. Il ne sentait
plus sa soif de venger des offenses très anciennes dont il aurait perdu l’exacte mémoire,
cette rancune amassée de mâle en mâle, depuis la première tromperie au fond des
cavernes. » (B.H., p. 139) « Lui, n’en doutait plus, avait trouvé la guérison de son affreux
mal héréditaire. » (B.H., p. 142) Et pourquoi, avec Séverine, ne ressent-il plus cette
obsession de tuer? La raison est simple: « […] il la voyait autre […] » B.H., p. 139).
Pour terminer je dirais que malgré les visibles manifestations de la bestialité chez
Jacques, il se montre le personnage le plus sensible parmi les autres bêtes humaines dont on
fait la connaissance à travers la lecture. Jacques souffre énormément de son mal qui signifie
pour lui le désespoir sans limites et la honte. Sa conviction d’être guéri s’avère illusoire et
Jacques se rend compte qu’il n’y a pas de remède pour son mal. Ni la mort de Séverine, sa
femme aimée, ne l’a pas guéri. Son avidité de tuer persiste. Mais contrairement aux autres
bêtes humaines qui n’osent tuer que par calcul et par intérêt, lui il tue sous l’attaque de son
mal contre lequel sa volonté est impuissante. C’est néanmoins l’extrait suivant portant sur le
meurtre planifié de Roubaud, qui le prouve: « Tuer cet homme, mon Dieu! En avait-il le
droit? […] Non, non, il ne frapperait pas! Cela lui paraissait monstrueux, inexécutable,
impossible. » (B.H., p. 214) « Oui, tuer dans un besoin, dans un emportement de l’instinct!
Mais tuer en le voulant, par calcul et par intérêt, non, jamais, jamais il ne pourrait. »
(B.H., p. 215)

Concentrons-nous maintenant sur les motifs et les manifestations de la bestialité


visibles dans le roman Thérèse Raquin et commençons justement par le personnage
éponyme du roman, Thérèse. Il faut commencer l’étude de ce personnage par la prise de
conscience de son tempérament qui, tout d’abord, est un tempérament nerveux: « […] le
menton court et nerveux […] » (T.R., p. 32) « Ses lèvres seules avaient alors de petits
mouvements imperceptibles. » (T.R., p. 40) « Depuis l’âge de dix ans, cette femme était
troublée par des désordres nerveux […] » (T.R., p. 177) En même temps, Thérèse est d’un
tempérament « solaire » qu’elle tient de sa mère, une Algérienne : « […] la chère petite
était née à Oran […] elle avait pour mère une femme indigène d’une grande beauté.» (T.R.,

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p. 37) C’est très probablement son tempérament solaire qui provoque chez Thérèse qu’elle
déborde d’énergie vitale et de passion: « […] on sentait en elle […] toute une énergie, toute
une passion qui dormaient dans sa chair assoupie. » (T.R., p. 38) « […] ma mère était fille
d’un chef de tribu, en Afrique; […] j’ai compris que je lui appartenais par le sang et les
instincts […] » (T.R., p. 67)
Thérèse, qui est alors d’un tempérament nerveux et solaire, est élevée par sa tante,
Mme Raquin, et passe son enfance à côté de son cousin Camille, un enfant fragile et
toujours maladif : « L’enfant eut coup sur coup toutes les fièvres, toutes les maladies
imaginables. » (T.R., p. 35) Et Thérèse, quoiqu’elle regorge de santé, « […] elle fut soignée
comme une enfant chétive, partageant les médicaments que prenait son cousin, tenue dans
l’air chaud de la chambre occupée par le petit malade. » (T.R., p. 37) Sur les instances de
Mme Raquin, Thérèse apprend à avoir auprès de cet enfant maladif « […] des mouvements
adoucis, des silences, des placidités, des paroles bégayées de vieille femme […] » (T.R.,
p. 38) mais intérieurement, « […] elle vécut […] une existence brûlante et emportée. »
(T.R., p. 39) « […] elle tenait soigneusement cachées, au fond d’elle, toutes les fougues de
sa nature. » (T.R., p. 38) Contrairement à Thérèse, « Camille, dont la maladie avait
appauvri le sang, ignorait les âpres désirs de l’adolescence. » (T.R., p. 40) Il embrassait
Thérèse comme « […] il embrassait sa mère […] » (T.R., p. 40) Et « quand il jouait avec
elle, qu’il la tenait dans ses bras […] sa chair n’avait pas un frémissement. Et jamais, il ne
lui était venu la pensée […] de baiser les lèvres chaudes de Thérèse, qui se débattait en
riant d’un rire nerveux. » (T.R., p. 40) Cependant, les enfants s’épousent. Telle est la
décision de Mme Raquin. Ainsi Thérèse, dont l’énergie et la passion découlant de son
tempérament solaire restent étouffées à côté de Camille, est destinée à devenir sa femme et
son « ange de garde » (T.R., p. 39)
Dans cette union conjugale imposée, Thérèse éprouve vis-à-vis de Camille « […]
une indifférence dédaigneuse. » (T.R., p. 34) et elle se résigne à sa vie « […] amenant
chaque soir la même couche froide et chaque matin la même journée vide. » (T.R., p. 47)
Mais un jour, Camille amène chez les Raquin son ancien ami, Laurent, fils de paysan.
Laurent est « […] un grand gaillard, carré des épaules […] » (T.R., p. 52) Il a « […] sa
face régulière, d’une beauté sanguine […] » (T.R., p. 53) Quoique « au fond, c’était un
paresseux, ayant des appétits sanguins, des désirs très arrêtés de jouissances faciles et
durables. » (T.R., p. 55) Thérèse, sans dire un mot, contemple avec curiosité ce nouveau
venu. Jusque là, « elle n’avait jamais vu un homme. » (T.R., p. 53) et elle ressent « […] de
petits frissons lorsque ses yeux rencontraient son cou de taureau. » (T.R., p. 53) De même

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« la nature sanguine de ce garçon, sa voix pleine, ses rires gras, les senteurs âcres et
puissantes qui s’échappaient de sa personne troublaient la jeune femme et la jetaient dans
une sorte d’angoisse nerveuse. » (T.R., p. 58) Bref, ce nouveau venu éveille dans Thérèse
cette passion longtemps étouffée ainsi que le désir charnel. Laurent, qui se rend compte de
cet intérêt de Thérèse, se lance, par calcul, dans l’aventure avec elle : « Thérèse, il est vrai,
était laide, et il ne l’aimait pas; mais, en somme, elle ne lui coûterait rien; les femmes qu’il
achetait à bas prix n’étaient certes, ni plus belles ni plus aimées. L’économie lui conseillait
déjà de prendre la femme de son ami. D’autre part, depuis longtemps, il n’avait pas
contenté ses appétits; l’argent étant rare, il sevrait sa chair, et il ne voulait point laisser
échapper l’occasion de la repaître un peu. » (T.R., p. 61) Il se fait alors que sous peu,
cette « […] femme, nerveuse et hypocrite […] » et cet « […] homme, sanguin et vivant en
brute […] » (T.R., p. 75) deviennent des amants pour éprouver ensemble la passion,
assouvir leur désir charnel et devenir un seul corps: « L’amant donnait de son sang,
l’amante de ses nerfs, et ils vivaient l’un dans l’autre […] » (T.R., p. 174) Donc c’est par
l’union des tempéraments de Thérèse et de Laurent que naît le désir charnel, le désir bestial,
l’instinct primaire.
Thérèse, « elle s’éveillait comme d’un songe, elle naissait à la passion. Elle passait
des bras débiles de Camille dans les bras vigoureux de Laurent, et cette approche d’un
homme puissant […] la tirait du sommeil de la chair. » (T.R., p. 65) « […] le sang de sa
mère, ce sang africain qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son
corps maigre, presque vierge encore. » (T.R., p. 65) De plus, cette nouvelle relation de
Thérèse et de Laurent nous dévoile la haine de Thérèse envers Mme Raquin et Camille :
« Je suis restée là toute douce, toute silencieuse, rêvant de frapper et de mordre. » (T.R.,
p. 68) Au surplus, elle exprime sa répulsion à l’égard de Camille: « Il était aussi frêle, aussi
plaintif, et il avait toujours cette odeur fade d’enfant malade qui me répugnait tant jadis. »
(T.R., p. 68) « […] Thérèse regarda longtemps cette face blafarde qui reposait bêtement
sur l’oreiller, la bouche ouverte. Elle s’écartait de lui, elle avait des envies d’enfoncer son
poing fermé dans sa bouche ouverte. » (T.R., p. 85) C’est pourquoi Thérèse, « […] elle
trouvait une volupté amère à tromper Camille et Mme Raquin […] » (T.R., p. 75) « […] au
fond d’elle, il y avait des rires sauvages; tout son être raillait […] » (T.R., p. 75) « Ah!
comme elle trompait ces bonnes gens […] » (T.R., p. 76)
Laurent, calculateur, est aussi parfaitement content : « […] il était devenu l’amant
de la femme, l’ami du mari, l’enfant gâté de la mère. Jamais il n’avait vécu dans un pareil
assouvissement de ses appétits. » (T.R., p. 74) Et « […] il se serait parfaitement moqué de

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la douleur de Camille et de sa mère. Il n’avait point conscience de ce que la découverte de
sa liaison pourrait amener. Il croyait agir simplement, comme tout le monde aurait agi à sa
place, en homme pauvre et affamé. » (T.R., p. 74) « Laurent, repu, choyé, engraissé encore,
avait la seule crainte de voir cesser cette belle existence. » (T.R., p. 77)
Ainsi, au fur et à mesure et sans s’en rendre compte, le désir charnel devient pour le
couple le premier besoin vital. Mais au regret des amants, le supérieur de Laurent interdit à
ce dernier de quitter le bureau lors de la journée sous la menace de licenciement. Cette
décision arrache aux amants toute possibilité de se voir seuls et d’assouvir leurs désirs
charnels dans un accès de passion. Pour Thérèse, qui peut enfin lâcher la bonde à son
tempérament solaire, est cette résolution brutale inacceptable: « Exaspérée, ne voulant pas
admettre qu’on pût troubler ses voluptés […] » (T.R., p. 78) Même Laurent se rend compte
« […] combien cette femme lui était devenue nécessaire; l’habitude de la volupté lui avait
créé des appétits nouveaux […] » (T.R., p. 79) « Il ne s’appartenais plus, sa maîtresse […]
s’était glissée peu à peu dans chacune des fibres de son corps. Il avait besoin de cette
femme pour vivre, comme on a besoin de boire et de manger. ». (T.R., p. 79) C’est alors ce
besoin d’assouvir les désirs charnels et de pouvoir persévérer dans la volupté, qui devient
pour les amants le motif du meurtre de Camille.
Laurent: « Je ne lui en veux pas, dit-il enfin sans le nommer; mais vraiment il nous gêne
trop… Est-ce que tu ne pourrais pas nous en débarrasser, l’envoyer en voyage, quelque
part, bien loin? » (T.R., p. 81)
Thérèse: « Il n’y a qu’un voyage dont on ne revient pas…Mais il nous enterrera tous; ces
gens qui n’ont que le souffle ne meurent jamais. » (T.R., p. 81)
Laurent : « Ah! si ton mari mourait… » (B.H., p. 82)
« Si mon mari mourait…répéta lentement Thérèse. » (T.R., p. 82)
C’est à partir de ce moment que Laurent « […] s’était mis à rêver l’assassinat dans
les emportements de l’adultère. » (T.R., p. 83) Mais il est à noter que pour Laurent, l’idée
de la volupté durable n’est pas le seul motif pour tuer Camille. Il voit d’autres avantages
résultant de son tempérament sanguin reflétant son égocentrisme brutal et son aspiration à
la vie insoucieuse : « Tous ses intérêts le poussaient au crime. Il se disait que son père, le
paysan de Jeufosse, ne se décidait pas à mourir; il lui faudrait peut-être rester encore dix
ans employé […]. Cette idée l’exaspérait. Au contraire, Camille mort, il épousait Thérèse,
il héritait de Mme Raquin, il donnait sa démission et flânait au soleil. Alors il se plût à
rêver cette vie de paresseux; il se voyait déjà oisif, mangeant et dormant, attendant avec
patience la mort de son père. » (T.R., p. 84) « Laurent voulait Thérèse; […] il l’aurait bien

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enlevée, emportée quelque part, mais alors ils seraient morts de faim tous deux. Il risquait
moins en tuant le mari […] pour se mettre à sa place. Dans sa logique brutale de paysan, il
trouvait ce moyen excellent et naturel. » (T.R., p. 84) « Il était trop lâche, trop voluptueux,
pour risquer sa tranquillité. Il tuait afin de vivre calme et heureux. » (T.R., p. 85)
Néanmoins la bestialité des amants ne consiste pas uniquement dans l’idée du
meurtre mais aussi dans sa réalisation. Lorsque Laurent, Thérèse et Camille partent
à l’excursion, Laurent contemple avec répulsion Camille dormant: « Le pauvre être, le
corps déjeté, montrant sa maigreur, ronflait légèrement […] » (T.R., p. 93). Et soudain
Laurent « […] leva le talon, d’un mouvement brusque. Il allait, d’un coup, lui écraser sa
face. » Et […] pendant quelques secondes, resta, le talon en l’air, au-dessus du visage de
Camille endormi. » (T.R., p. 94) Et la seule raison pour laquelle il renonce à cette idée, est
le fait que « cette bête broyée lui aurait mis toute la police sur les bras » (T.R., p. 94). C’est
pourquoi il replie la jambe et se met à inventer un autre plan de meurtre, sûr, qui n’est pas
moins bestial. Comme « la vérité était que le commis avait une peur horrible de l’eau »
(T.R., p. 97), à Laurent vient l’idée de louer une barque. Et c’est lors de cette promenade en
barque où, à un moment donné, « Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps […] » ;
« Camille se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute convulsionnée. […] Il voulut
crier et sentit une main rude qui le serrait à la gorge. Avec l’instinct d’une bête qui se
défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au bord de la barque. Il lutta ainsi
pendant quelques secondes. » (T.R., p. 99) Ses efforts vains, Laurent finit par le lancer à la
rivière.
Mais ni la perpétration du crime ne met pas fin à la bestialité des deux amants.
Laurent « […] était presque certain de l’impunité. Une joie lourde et anxieuse, la joie du
crime accompli, l’emplissait.» (T.R., p.102). Il seulement « […] craignait de ne pas jouer
son rôle avec assez de larmes; puis la douleur de cette mère lui était pesante, bien qu’il
s’en souciât médiocrement au fond. » (T.R., p. 102) « […] il avait des satisfactions de brute
[…] » (T.R., p. 107)
Et puis arrive le besoin même de voir la mort de près. Chaque jour, Laurent passe à
la morgue afin d’être sûr que le corps de Camille a été retrouvé. Au début, ce ne sont que
des noyés qui l’intéressent: « […] quand il y avait plusieurs cadavres gonflés et bleuis par
l’eau, il les regardait avidement, cherchant à reconnaître Camille. » (T.R., p. 111) Mais
bientôt Laurent devient « […] un simple curieux, il prenait un plaisir étrange à regarder la
mort violente en face, dans ses attitudes lugubrement bizarres et grotesques. Ce spectacle
l’amusait, surtout lorsqu’il y avait des femmes étalant leur gorge nue. Ces nudités

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brutalement étendues, tachées de sang, trouées par endroits, l’attiraient et le retenaient. Il
vit, une fois, une jeune femme de vingt ans, une fille du peuple, large et forte […] on aurait
dit une courtisane vautrée […]. Laurent la regarda longtemps, promenant ses regards sur
sa chair, absorbé dans une sorte de désir peureux. » (T.R., p. 112) Après quinze jours,
Laurent trouve le cadavre de Camille et se dit qu’ « il n’avait pas encore vu un noyé si
épouvantable. […] On aurait deviné que c’était là un employé à douze cents francs, bête et
maladif, que sa mère avait nourri de tisanes. Ce pauvre corps, grandi entre des couvertures
chaudes, grelottait sur la dalle froide. » (T.R., p. 115). Et Laurent est content de son
travail : « Voilà ce que j’en ai fait. Il est ignoble. » (T.R., p. 115)
Mais le spectre de Camille gâte la joie du crime accompli. Et quoique Laurent et
Thérèse tuent, avec le meurtre de Camille, leur passion, ils se promettent de « […] hâter le
moment où ils pourraient s’unir contre le noyé. » (T.R., p. 137) C’est alors qu’ils se lancent
dans une comédie cruelle devant Mme Raquin afin donner à cette dernière l’idée de leur
mariage. Cependant, ni le mariage ne les sauve du noyé. Celui-ci s’interpose entre les
amants: « Les meurtriers avaient voulu être deux, la nuit, pour se défendre contre le noyé,
et, par un étrange effet, depuis qu’ils se trouvaient ensemble, ils frissonnaient davantage. »
(T.R., p. 174) « La nuit, ils appartenaient à la douleur et à la crainte. » (T.R., p. 178) « La
lassitude les écrasa bientôt à tel point qu’ils se décidèrent, un soir, à se coucher sur le lit.
[…] Thérèse montait la première et allait se mettre au fond, contre le mur. Laurent
attendait qu’elle se fût bien étendue; alors il se risquait à s’étendre lui-même sur le devant
du lit, tout au bord. Il y avait entre eux une large place. Là couchait le cadavre de
Camille. » (T.R., p. 179) « Thérèse n’était pas veuve, Laurent se trouvait être l’époux d’une
femme qui avait déjà pour mari un noyé. » (T.R., p. 181) Ceci entraîne que les meurtriers
entament une nouvelle étape bestiale. La présence du spectre de Camille a pour effet que
Laurent et Thérèse, « […] éprouvaient un véritable malaise à être enfermés ensemble, à
respirer le même air; ils auraient voulu qu’il y eût là quelqu’un pour rompre leur tête-à-
tête […] » (T.R., p. 172) Malheureusement « ce quelqu’un » qui doit s’interposer à la place
de Camille entre les deux meurtriers et calmer « leurs nerfs épouvantés » (T.R., p. 184) est
Mme Raquin. Mais comme la paralysie gagne peu à peu Mme Raquin, de nouveaux soucis
arrivent au couple. Toutefois Thérèse et Laurent ne s’inquiètent pas pour la santé de la
vieille femme. Ils s’inquiètent pour eux-mêmes puisqu’ils « […] voyaient avec effroi s’en
aller cet être qui les séparait encore et dont la voix les tirait de leurs mauvais rêves. Quand
l’intelligence aurait abandonné l’ancienne mercière et qu’elle resterait muette et roidie au
fond de son fauteuil, ils se trouveraient seuls; le soir, ils ne pourraient plus échapper à un

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tête-à-tête redoutable. » (T.R., p. 193) Et c’est pour cette unique raison que « tous leurs
efforts tendirent à conserver à Mme Raquin une santé qui leur était si précieuse. » (T.R.,
p. 193) Un soir, malgré les soins ardents des époux, la paralysie gagne Mme Raquin : « […]
elle resta, au milieu d’une phrase, la bouche béante […] » (T.R., p. 204) Cette crise
chagrine profondément le couple mais en réalité « […] ils se souciaient peu des douleurs
de la paralytique, ils pleuraient sur eux, qui vivraient désormais dans un éternel tête-à-
tête. » (T.R., p. 204) Et « s’ils la gardaient, s’ils ne se débarrassaient pas d’elle, c’est que
ses yeux vivaient encore et qu’ils éprouvaient parfois quelque soulagement à les voir se
mouvoir et briller. » (T.R., p. 205) Et « lorsque Mme Raquin se laissait aller au sommeil et
baissait les paupières […] Thérèse et Laurent, qui ne sentaient plus personne avec eux,
faisaient du bruit jusqu’à ce que la paralytique eût relevé les paupières et les eût regardés.
Ils l’obligeaient ainsi à rester éveillée. » (T.R., p. 205) « […] ils la faisaient assister à leur
repas, à toutes leurs entrevues. » (T.R., p. 206) Au fait, « elle n’était bonne qu’à rompre
leur tête-à-tête, elle n’avait pas le droit de vivre à part. » (T.R., p. 206)
Mais des fois, les meurtriers, dans leur peur maladive de voir le spectre de Camille,
oublient la présence de la paralytique et leur hystérie soudaine fait comprendre à la vieille la
vérité cruelle : « Jamais désespoir n’était tombé plus rudement dans un être. […] Ses
sensations ressemblaient à celles d’un homme tombé en léthargie qu’on enterrerait et qui,
bâillonné par les liens de sa chair, entendrait sur sa tête le bruit sourd des pelletées de
sable. » (T.R., p. 210, 211) « Le voile qui se déchirait lui montrait, au-delà des amours et
des amitiés qu’elle avait cru voir, un spectacle effroyable de sang et de honte. » (T.R.,
p. 211) Et « elle se répétait: ce sont mes enfants qui ont tué mon enfant » (T.R., p. 212)
Après ce dévoilement douloureux quand Laurent déplace la paralytique dans sa chambre,
celle-ci le regarde d’un air épouvanté. « Va, va, regarde-moi bien, murmura-t-il, tes yeux ne
me mangeront pas…Et il la jeta brutalement sur le lit. » (T.R., p. 213) Peu après, lorsque la
paralytique s’efforce, en compagnie des invités, d’écrire les noms des meurtriers, « Laurent
s’était levé violemment, se demandant s’il n’allait pas se précipiter sur la paralytique et lui
briser le bras. » (T.R., p. 217)
Bientôt la vie commune de Thérèse et de Laurent devient insupportable. Ils
deviennent des ennemis « […] qui feraient de vains efforts pour se soustraire à cet
embrassement forcé […] » (T.R., p. 221). Leur répugnance mutuelle qui grandit avec
chaque nouveau jour entraîne la brutalité même au sein de ce couple: « C’étaient des scènes
atroces, des étouffements, des coups, des cris ignobles, des brutalités honteuses. » (T.R.,

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p. 222) « Ils redoutaient de s’assommer l’un l’autre, s’ils n’avaient plus entre eux ce
cadavre à demi vivant. » (T.R., p. 224)
Mais c’est sans doute la comédie du remords jouée par Thérèse qui offre aux
lecteurs les scènes les plus atroces du livre. Thérèse, dans son hystérie, dans son désespoir,
provoque des remords par calcul « […] se disant que c’était sans doute le meilleur moyen
d’apaiser et de contenter Camille. » (T.R., p. 229) Quand ce dernier « […] n’avait pas cédé
devant ses irritations, céderait-il devant ses pleurs. » (T.R., p. 228) Il se fait alors que
Thérèse « […] accabla Mme Raquin de son désespoir larmoyant. La paralytique lui devint
d’un usage journalier; elle-lui servait en quelque sort de prie-Dieu, de meuble devant
lequel elle pouvait sans crainte avouer et en demander le pardon.» Thérèse ne songeait
jamais que ses larmes et l’étalage de son repentir devaient imposer à sa tante des angoisses
indicibles. […] si l’on avait cherché à inventer un supplice pour torturer Mme Raquin, on
n’en aurait pas à coup sûr trouvé de plus effroyable que la comédie du remords jouée par
sa nièce. » (T.R., p. 230) Et bientôt, Thérèse se montre encore plus impitoyable envers
Mme Raquin quand elle ose embrasser sa tante. Un jour, elle a la fausse impression de voir
la miséricorde dans les yeux de la vieille et « […] elle baisa le front et les joues de la
pauvre vieille, qui ne peut rejeter la tête en arrière. » (T.R., p. 231) Ainsi la vieille « […]
était obligée de subir les caresses immondes de la misérable qui avait trahi et tué son fils;
elle ne pouvait même essuyer de la main les baisers que cette femme laissait sur ses joues. »
(T.R., p. 232) Et quand Mme Raquin commence à refuser toute nourriture pour mettre fin à
sa souffrance, Thérèse « […] se demandait au pied de quelle borne elle irait pleurer et se
repentir, quand sa tante ne serait plus là […] ouvrant les mâchoires de la paralytique
comme on ouvre celles d’un animale qui résiste. » (T.R., p. 239) Et Laurent, de peur de
rester tout seul avec le spectre de Camille, « […] aurait voulu se repentir, lui aussi, jouer
tout au moins la comédie du remords, pour essayer; mais il ne pouvait trouver les sanglots
et les mots nécessaires […] » (T.R., p. 234) On s’aperçoit alors que ni la torture de Mme
Raquin ne soulage les meurtriers.
Tout ce drame cruel se finit par le point culminant de la bestialité entre les époux :
« Cinq moins environ après son mariage, Thérèse eut une épouvante. […] elle était
enceinte. La pensée d’avoir un enfant de Laurent lui paraissait monstrueuse […]. Elle avait
vaguement peur d’accoucher d’un noyé. […] Elle ne dit rien à son mari et, un jour, après
l’avoir cruellement provoqué, comme il levait le pied contre elle, elle présenta le ventre.
Elle se laissa frapper ainsi à en mourir. Le lendemain, elle faisait une fausse couche. »
(T.R., p. 243) Il se fait alors que jusqu’au moment où la bestialité de Thérèse et de Laurent

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forme un seul corps, elle agit contre les autres. Mais au moment où celle-ci « diverge », elle
ne peut aboutir qu’à la destruction des anciens alliés. Et quoique Laurent et Thérèse
ourdissent les plans comment se débarrasser l’un de l’autre, ils trouvent la mort commune
qui devient la seule et unique issue de leur souffrance insupportable : « […] Laurent enleva
la carafe des mains de sa femme et remplit un verre d’eau. Puis, se tournant à demi, il y
vida le petit flacon de grès, en y mettant un morceau de sucre. Pendant ce temps, Thérèse
s’était accroupie devant le buffet; elle avait pris le couteau de cuisine et cherchait à le
glisser dans une des grandes poches qui pendaient à sa ceinture. […] ils échangèrent un
dernier regard, un regard de remerciement, en face du couteau et du verre de poison.
Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent, qui l’acheva d’un trait. Ce fut
un éclair. Ils tombèrent l’un sur l’autre, foudroyés, trouvant enfin une consolation dans la
mort. » (T.R., p. 264)

III. 1.3. Images et métaphores animales dans La Bête humaine et dans


Thérèse Raquin

Nous pouvons remarquer que les romans de Zola comptent un grand nombre
d’images et de métaphores animales. Zola emprunte aux animaux leurs propriétés
respectives afin d’exprimer non seulement les qualités de ses personnages mais aussi leur
manière d’agir et leur dessein. Pour le faire, il se sert de toute une gamme de figures
animales, passant par des fourmis, de la vermine, des serpents, des rongeurs, du chien, du
cheval, du carnassier, etc., afin de trouver une formulation adéquate. C’est pourquoi dans
cette partie de l’analyse nous relèverons quelques exemples de ces métaphores et images
mises en page par Zola dans La Bête humaine et dans Thérèse Raquin et nous essayerons de
deviner leur sens particulier caché.
Lorsque Séverine décrit le scenario du meurtre du président Grandmorin à Jacques,
« Jacques n’avait pas bougé, inerte, réfléchissant, entre ces bras de femme qui se
resserraient à son cou, à ses reins, ainsi que des nœuds de couleuvres vives. » (B.H., p.
180) Tout d’abord cette comparaison peut signifier le désir de Séverine envers Jacques.
Ensuite elle peut également renvoyer au comportement « invertébré » de Séverine; celle-ci
ayant participé au meurtre de Grandmorin et planifiant également le meurtre de son mari.
Et il se peut aussi que Séverine, par sa confession, espère « entourer » Jacques à jamais.
Autrement dit, elle croit que son aveu les unira à jamais.

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Une autre métaphore animale où apparaît l’image de la couleuvre est la suivante:
« […] cette blonde de trente ans, déjà fanée, silencieuse et mince, d’une souplesse de
couleuvre. […] Et impossible de la surprendre, tellement elle se glissait sans bruit, à
travers les fentes les plus étroites.» (B.H., p. 63) La présente métaphore décèle la prudence
et la roublardise de Mlle Guichon que guette incessamment la potinière de maison, Mme
Lebleu.
Ensuite la tante Phasie éprouve devant Misard « […] la peur du colosse devant
l’insecte dont il se sent mangé. » (B.H., p. 33) « Elle était devenue livide, en proie à cette
terreur involontaire des colosses devant l’insecte qui les ronge […] » (B.H., p. 166)
« Ce Misard, il ne se laissait pas de le regarder, cet être chétif, doux et blême,
continuellement secoué d’une petite toux mauvaise, et qui avait empoisonné sa femme, et
qui était venu à bout de cette gaillarde, en insecte rongeur, entêté à sa passion. » (B.H.,
253) « […] il l’avait mangé […] cette grande et belle femme, comme l’insecte mange le
chêne. » (B.H., p. 222) Nous pouvons remarquer que l’image de l’insecte utilisée dans les
présentes métaphores et images révèle avant tout l’importunité, le caractère insidieux, la
persévérance et l’acharnement dans la réalisation de son but. Elles témoignent que l’insecte
peut devenir importun et persévérant au point de fatiguer « le défenseur » qui cesse d’être
suffisamment vigilant. Mais il est encore à noter que cette image de l’insecte révèle la
lâcheté. Ceci prouve notamment la dernière métaphore citée qui est ce contraste utilisé entre
l’insecte et le chêne où ce dernier, représentant la tante Phasie, est donc comblé de la
vigueur et de la beauté.
Et encore une métaphore animale relative à Misard: « […] qui le croirait ? un
avorton pareil, un bout d’homme qu’on mettrait dans sa poche, ça finirait par venir à bout
d’une grosse femme comme moi, si on le laisserait faire, avec ses dents de rat! » (B.H.
p. 166) Ces « dents de rats » dénotent la fourberie de Misard et comme dans les cas
précédents, la persévérance.
Philomène après, qui avait « […] son grand corps brûlé de maigre cavale […] »
(B.H., p. 205) « […] Philomène s’en alla, de son pas allongée de cavale […] » (B.H., p. 61)
Dans le premier cas la métaphore dévoile la beauté et l’attirance tandis que dans le second
cas la métaphore signifie l’harmonie des mouvements.
Jacques « La semaine précédente, il s’était laissé aller aux bras de la maîtresse du
camarade, cette terrible Philomène, qui, depuis longtemps, se frottait à lui, comme une
maigre chatte amoureuse. » (B.H., p. 271). La présente comparaison qui se sert de l’image
de la chatte révèle l’importunité, les manières patelines, et non en dernier lieu la fausseté.

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Flore, qui est une amie de Ozil, « […] aimait à lui rendre ainsi des visites
imprévues, à travers le tunnel, en chèvre échappée de sa montagne. » (B.H., p. 227) Cette
similitude renvoie probablement à la sauvagerie de Flore et à son énergie vitale.
Par la suite, les propriétés comme dévouement, obéissance, fidélité et affection sont
propres aux images des chiens dans le récit. Pecqueux, tout d’abord, qui éprouve pour son
chef « […] un dévouement de bon chien […] » (B.H., p. 120) « […] et il l’aimait
davantage, dans son dévouement de bon chien […] » (B.H., p. 137) Jacques, ensuite, qui a
conclu que Séverine « […] devait aimer comme un bon chien fidèle […] » (B.H., p. 111)
Cabuche, après, qui servait Séverine « […] en chien fidèle, les yeux fixés sur les siens […] »
(B.H., p. 249)
La métaphore animale peut aussi devenir un instrument de la satire comme c’est le
cas de l’extrait suivant. Nous pouvons remarquer que la collision des deux propriétés
empruntées au chien, telles que la clairvoyance et l’obéissance, ont pour effet la
ridiculisation de M. Denizet, le juge d’instruction à Rouen, chargé de l’affaire Grandmorin.
« Puis le policier reparaissait, le nez au vent, comme un bon chien. Il était emporté par le
besoin de trouver la vraie piste, par la gloire d’être le premier à l’avoir flairée, quitte à
l’abandonner, si on lui en donnait l’ordre.» (B.H., p. 74)
Jacques, après avoir tué Séverine « […] s’étonna. Il entendait un reniflement de
bête, grognement de sanglier, rugissement de lion; et il se tranquillisa, c’était lui qui
soufflait. » (B.H., p. 268) La présente métaphore montre la deshumanisation momentanée
de Jacques, le dédoublement de sa personnalité entre l’homme et la bête.
A l’accident de la Lison, Zola compare l’équipe des travailleurs enlevant les ruines
de la locomotive à des « […] insectes réparant les ravages […] dans leur fourmilière. »
(B.H., p. 243) ce qui montre à la coordination du travail des ouvriers et à leur esprit
infatigable.
Et lorsque la Lison échoue dans la neige, ses passagers « snob » qui trouvent l’asile
dans la maison de Misard, rentrent ainsi qu’ « […] une troupe en déroute, se bousculant,
s’abandonnant, ayant perdu jusqu’à l’instinct de la propreté. » (B.H. p. 171) Cette
métaphore, ne nous fait-elle pas ressentir un certain malaise social ?

Thérèse, « […] lorsqu’elle levait un bras, lorsqu’elle avançait un pied, on sentait en


elle des souplesses félines, des muscles courts et puissants, toute une énergie, toute une
passion qui dormaient dans sa chair assoupie. » (T.R., p. 38) Cette image du chat dont Zola
se sert démontre justement l’énergie de Thérèse, la souplesse de son corps, de ses muscles.

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Ensuite, Thérèse apprend à se tenir tranquille à côté de Camille maladif, mais
« quand elle était seule, dans l’herbe, au bord de l’eau, elle se couchait à plat ventre
comme une bête, les yeux noirs et agrandis, le corps tordu, près de bondir. Et elle restait là
[…] mordue par le soleil, heureuse d’enfoncer ses doigts dans la terre. […] elle regardait
avec défi la rivière qui grondait, elle s’imaginait que l’eau allait se jeter sur elle et
l’attaquer; alors elle se roidissait, elle se préparait à la défense, elle se questionnait avec
colère pour savoir comment elle pourrait vaincre les flots. » (T.R., p. 39) La présente
comparaison nous fait penser au comportement du fauve et nous dévoile ainsi la sauvagerie
de Thérèse, son intrépidité et sa vivacité.
Par la suite, Thérèse « […] songeait à son amant comme à un chien qui l’eût gardée
et protégée; sa peau fraîche et calme n’avait pas un frisson de désir. » (T.R., p. 123) Ce
déclassement de l’amant à un chien révèle la disparition de la passion entre les deux amants
où Laurent ne signifie plus pour Thérèse l’objet désiré. Celui-ci doit seulement la garder et
la protéger devant le spectre de Camille.
Thérèse éprouve « […] de petits frissons lorsque ses yeux rencontraient son cou de
taureau. » (T.R., p. 53) Le présente métaphore démontre la vigueur de Laurent, sa figure
musclée. Quant à Laurent, celui-ci « […] se trouva cependant à l’aise dans son métier
d’employé; il vivait très bien en brute, il aimait cette besogne du jour au jour qui ne le
fatiguait pas et qui endormait son esprit. » (T.R., p. 56) Cette similitude montre à la paresse
de Laurent, à son besoin de bien dormir et de bien manger en exerçant une activité
minimale qui ne le fatiguerait pas.
Avant de faire la connaissance de Thérèse, Laurent « dormait, mangeait, buvait en
brute. » (T.R., p. 175) L’auteur veut exprimer par cette similitude qu’avant rencontrer
Thérèse qui fait pousser dans son corps un système nerveux, Laurent menait une vie calme
et insoucieuse, se limitant uniquement aux premiers besoins vitaux.
Lorsque Thérèse refuse de baiser la morsure de Camille sur le cou de Laurent, ce
dernier « […] tout d’un coup, avec une étreinte de bête fauve, lui prit la tête dans ses larges
mains, et, de force, lui appliqua les lèvres sur son cou […] » (T.R., p. 168) Cette image
animale dévoile la prédominance de Laurent et sa brutalité.
Ensuite, Mme Raquin désespère de la mort de son fils qui « […] mourait loin d’elle
[…] dans l’eau froide et sale, comme un chien. » (T.R., p. 104) Cette comparaison veut
montrer que la mort de Camille manquait de dignité.
Nous pouvons nous apercevoir, à travers les présentes lignes, de l’obsession de Zola
pour l’animal. Tout d’abord, Zola se sert des propriétés respectives des animaux pour

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approcher aux lecteurs les qualités de ses personnages, leur caractère, leurs intentions, etc.
Ensuite, Zola emprunte aux animaux cette énergie par laquelle se manifeste la vie. De plus,
ce sont les instincts. Ses personnages, obéissant dans de nombreux cas à leur volonté
naturelle, portent en eux une part de la bestialité, de la disposition irrépressible. Après, c’est
toujours à travers ces images animales que Zola nous dévoile le désir charnel, les
tempéraments de ses personnages et non en dernier lieu le symptôme d’un déséquilibre, qui
sont tous à l’origine des actes bestiaux. C’est pareil pour les manifestations de la bestialité
où Zola emprunte aux animaux des signes physiques d’animalité, l’insensibilité, la fureur,
la brutalité. Nous pouvons donc constater que les images et les métaphores animales
participent considérablement à ce sujet de la bestialité et l’illustrent abondamment.

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IV. Conclusion

Les deux romans prouvent la passion d’Émile Zola pour la science et ses découvertes les
plus récentes notamment en médecine et en physiologie, dans lesquelles Zola puise de
l’inspiration pour sa création romanesque.
Le roman La Bête humaine aussi bien que le roman Thérèse Raquin dévoilent
l’intérêt d’Émile Zola porté au corps humain qu’il soumet à une étude. Dans cette étude,
c’est le désir de la chair qui l’intéresse, cette envie instinctive qui amène de la volupté et qui
devient le motif commun de la bestialité dans les deux romans. Au fait, pour que Thérèse et
Laurent dans Thérèse Raquin ainsi que Séverine et Jacques dans La Bête humaine puissent
persévérer dans la volupté dans un accès de passion, ils doivent être libres. Et rien ne paraît
plus facile et plus logique que le meurtre des maris des deux femmes.
C’est dans Thérèse Raquin que Zola regarde le corps humain encore d’un autre point
de vue. De point de vue des tempéraments. Il montre quel « ressort » agit surtout dans le
corps de ses personnages : les nerfs, le sang ou la bile. Et nous apercevons que dans le cas
présent, c’est justement l’union des tempéraments de Laurent et de Thérèse qui est à
l’origine du désir charnel et donc à l’origine du meurtre de Camille.
Quant aux tempéraments, il est intéressant de noter que ce ne sont pas uniquement
des êtres humains qui portent un tempérament respectif dans ces deux romans de Zola. Ce
sont également les locomotives, quoique humanisées, dans La Bête humaine auxquelles
Zola attribue le tempérament.
Zola, dans sa passion pour l’hérédité, se documente sur les travaux en cours portant
sur cette problématique et applique la théorie de l’hérédité à ses personnages. Dans ce
contexte, Zola est angoissé par la transmission des tares, par la dégradation mentale, qui
devient la fameuse fêlure zolienne chez Jacques Lantier ; un trou d’où surgit l’hérédité et
qui éveille chez ce dernier l’avidité de tuer.
Nous pouvons donc constater que ce sont principalement le corps, la maladie et le
désir qui sont à l’origine des actes bestiaux mis en scène par Zola dans ses deux romans La
Bête humaine et Thérèse Raquin.
A part la passion d’Émile Zola pour la science, nous remarquons la passion, ou
l’obsession même, de l’écrivain pour l’animal. Les métaphores et images animales qui
apparaissent fréquemment dans les deux récits servent à Zola de moyen utile puisqu’il
trouve dans celles-ci une formulation adéquate pour approcher aux lecteurs non seulement

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les qualités de ses personnages, leur caractère ou bien leur intention, mais avant tout, elles
soulignent considérablement le sujet de la bestialité dans le sens où elles dévoilent le désir
charnel, les tempéraments et non en dernier lieu la crevasse de la pensée chez Jacques
Lantier, qui deviennent tous les motifs et les agents des crimes commis. De plus, comme
Zola emprunte aux animaux les signes physiques, le comportement sauvage, l’obéissance
aux instincts, à la volonté naturelle, ainsi que l’insensibilité, les accès de fureur et la
brutalité, nous nous rendons compte que ces images animales illustrent abondamment la
bestialité manifestée par les personnages de Zola.
Restant toujours dans ce contexte des manifestations apparentes dans les deux récits,
nous remarquons que celles-ci se ressemblent dans de nombreux cas. Tout d’abord, les
meurtriers ne se rendent pas compte de la gravité de l’acte commis. Nous nous apercevons
de l’absence de remords chez ces personnages. Bien au contraire. Il y en a qui éprouvent de
la joie du crime accompli. Ils ne s’inquiètent que pour eux-mêmes; pour des conséquences
éventuelles et pour la peur et l’hystérie même du spectre de leurs victimes. Ils n’hésitent
pas à assassiner par calcul, par intérêt, dans leur égocentrisme brutal, avec une intention
claire de tuer. De plus, c’est la curiosité morbide de voir la mort de près qui apparaît dans
les deux récits.
Tous comptes faits, le présent mémoire montre la conviction de Zola que l’homme
porte en lui une part de la bestialité, de la disposition irrépressible. Mais est-ce la seule
raison pour laquelle Zola met le sujet de la bestialité au centre de ses histoires. Ne trouve-t-
il pas en même temps dans cette interpénétration de la vie des animaux et des êtres humains
un moyen esthétique efficace par lequel il diffère des autres auteurs ? N’est-ce pas la raison
pourquoi ses œuvres retiennent toujours un si grand nombre de lecteurs ?

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V. Bibliographie

ZOLA, Émile: Thérèse Raquin. Éditions Rencontre Lausanne.


Dans le présent mémoire on utilisera, pour les citations extraites de ce roman, l’abréviation
T.R.

ZOLA, Émile: La bête humaine.1890 www.ebooksgratuits.com


Dans le présent mémoire on utilisera, pour les citations extraites de ce roman, l’abréviation
B.H.

BECKER, Colette, GOURDIN-SERVENIERE, Gina, LAVIELLE, Véronique :


Dictionnaire d’Émile Zola. Paris : Éditions Robert Laffont, S.A., 1993

MITERRAND, Henri: Que sais-je ? Zola et le naturalisme. Paris : Presses universitaires de


France, 1986

DEZALAY, Auguste: Lectures de Zola. Paris: Armand Colin, 1973

LAPP, John C: Les racines du naturalisme. Paris : Collection Études Bordas, 1972

COUTY, Daniel: Histoire de la littérature française, Larousse-Bordas, Manchecourt, 1988

Europe (revue mensuelle) Zola. Europe et les Editeurs Français Réunis, 1968

Magazine littéraire, Zola l’autre visage, Paris, Octobre 2002

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