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et Vincenzo Cerami
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INEDIT
COLLECTION FOLIO
Roberto Benigni
Vincenzo Cerami
La vie
est belle
Traduit de Vitalien
par Philippe Di Meo
Gallimard
Titre original :
LA VITA È BELLA
© Roberto Benigni.
© Giulio Einaudi Editore spa} Turin, 1998.
© Éditions Gallimard, 1998, pour la traduction française.
PRESENTATION
8
a quelque chose qui résiste à tout, à quelque des-
truction que ce soit. C'est Trotski qui me vient aus-
sitôt à l'esprit, et tout ce qu'il a subi : enfermé dans
un bunker à Mexico, il attendait les hommes de main
de Staline, et, pourtant, tout en regardant sa femme
dans son jardin* il écrivait qu'en dépit de tout, la vie
est belle, digne d'être vécue.
Le rire noiïTsauve; voir l'autre côté des choses, le
côté surréel, amusant, ou parvenir à l'imaginer, nous
empêche de nous briser, d'être emportés comme des
fétus, nous aide à résister pour réussir à passer la nuit,
même lorsqu'elle paraît longue.
Et l'on peut, après tout, faire rire sans blesser per-
sonne il existe toute une tradition d'humour juif
:
10
un homme extraordinairement libre. Comme il arrive
dans les plus beaux romans, un jour il rencontre Dora
et il tombe amoureux d'elle. Elle est fiancée avec un
autre, un individu non antipathique, un petit bureau-
crate du régime qui veut faire carrière dans le fas-
cisme, mais qui n'a pas, disons, la puissance vitale de
Guido. Dans le film, non pas politiquement mais
physiquement, je suis un antifasciste. C'est précisé-
ment mon corps qui est antifasciste, mes oreilles,
mon nez, mon
regard sontantifascistes. Dora aime,
pour sa part, le côté /Ipancalj de mon physique, elle
comprend que je suis un peu particulier, hors les
normes de l'époque. J'aime prendre du bon temps,
faire l'amour, j'aime tout ce qui est en rapport avec
la vie. C'est ainsijiuldle tombe, elle aussi, amou-
reuse. Alors, )d l 'en|ève,] comme dans toutes les his-
toire^ contrêHirêês^ nous fai-
sons f amour a plusieurs reprises j et nous savons
comment il en va ae ces choses un enfant naît, Gio-:
suè.
11
Bien que n'étant pas juive elle-même, par amour.
Dora monte spontanément, de sa propre volonté,
dans le train qui transporte son mari et son fils au
loin. Je l'ai su> par-ta^uitej des cas de cette sorte
:
12
Le camp, les mœurs, les objets; dans le film, tout est
réinventé. Les horreurs ne sont pas décrites dans
leurs détails mais évoquées, suggérées pour en res-
sentir la douleur au-delà de l'effroyable.
13
sont bien là, demeurent aux marges de la
mais ils
erreurs.
Sait-on si un peu du regard de Giosuè parviendra
à pénétrer le spectateur : certaines choses, qui se sont
parfois un peu usées d'avoir été trop nommées,
comme justement les camps de concentration et
l'horreur de l'extermination des juifs, à travers ce
paradoxe, à travers ce jeu de l'irréalité, pourraient
recommencer à étonner beaucoup, faj3s£n£âll£j^a
recommencer, précisément, à paraître, justement,
impossibles.
Le film est un hymne au fait qui nous condamne
poétiquement, forcément, à aimer la vie car la vie :
est belle*.
Roberto Benigni
Produit par
Elda Ferri et Gianluca Braschi
pour la MELAMPO CINEMATOGRAFICA
17
.
18
ferruccio : Les freins ont lâché pour de
bon!
grimpantes.
19
Dare-brisfe est obscurci par de menus rameaux,
par desfeuilles^ Le pauvre Ferruccio doit désormais
conduire à'faveûgTette.)
FERRUCCIO
SCENE 2
20
De fait, au-delà du large virage, la route devient
rectiligne et traverse un petit bourg en fête, résonnant
d'une musique de fanfare, empli de fanions, de
drapeaux savoyards et de Figli délia Lupa 2 Dans
1
.
balai... du
balai! Du large, faites place... attention...
21
chauffeur du roi doit'se TrayerJle passage à coups de
klaxon parmi la foule quelque peu incrédule.
SCENE 3
22
Dis-moi, pourquoi ne déplaces-tu pas ton
pied?
VOIX DE guido : Où ?
voix de ferruccio : Sous la grande, et
passe-moi le/tournevisJ
se protéger du soleil.
23
J
24
eleonora : Eleonora.
eleonora : Le prince ?
guido C'est cela, je suis un prince Ici tout
: !
Il en prend six.
/ .
* "^
aimes-tu le chocolat?
eleonora : Beaucoup.
d'ironie.
25
petite poche. Il se penche eufait minefde la déterrer.
Il la donne à la fillette.
guido : Tiens.
eleonora : Quand?
guido : Maintenant!
On entend un cri.
voix de dora : Ah !
26
Guido. Elle perd l'équilibre et tombe dans les bras
de Guido, tan dis que les pig eons s'envolent en fai-
sant un bruit (assourdissa nt. Tous deux roulent au
sol, à même la paille. Tille se retrouve sur lui, elle
•
Sur ces entrefaites, elle se tourne de côté. Le voile
tombe de son visage.
Aïe!
7
Elle frotte ka cui sse juste au-dessus de son genou.
Guido est étendu auprès d'elle.
27
guido : Vous a-t-elle piquée quelque part
ailleurs ?
ici!
28
guido : Salut, Eleonora, ne bois pas de ce
café, hein !
guido : Princesse...
SCENE 4
29
voix de ferruccio Mais où : se trouve-t-elle
donc, cette maison?
30
guidoferruccio : Oh Qu'y
! a-t-il ? Que se
passe-t-il ? Qui sont-ils ?
SCÈNE 5
31
qu'il accumule de façon désordonnée dans ces pièces
défraîchies qui lui appartiennent. Du plafond pen-
dent sixou sept lampadaires, mais un seul est allumé,
il illumine une commode et des meubles, presque
tous recouverts de chiffons et de couvertures.
32
l'oncle Vous pourrez rester ici aussi long-
:
l'oncle : La mairie
est située rue Sestani, à
droite colonnade, tu peux y aller
après la
demain matin. La salle de bains est ici, égale-
ment agrémentée de l'opportune invention de
monsieur Bidet.
33
Il sort.
SCÈNE 6
34
guido : Aimes-tu l'endroit?
'
la femme : Hein ?
ferruccio (il cric plus fort) : Combien de
bouti...
Guido l'arrête.
Maria..., la clef!
35
—
SCENE 7
*" —
36
Il lui montre un fauteuil.
... soyez
sages !
37
le tapissier : Que disiez-vous ?
guido : Au revoir !
SCENE 8
38
nant sur la rue quelques pots de fleurs sont alignés
:
immédiatement un dossier.
la secrétaire (regardant sa montre) : Main-
tenant? Il est presque une heure, nous fermons
sous peu... Revenez cet après-midi.
39
fallu de peu que je ne fasse véritablement une
omelette.
40
guido : Monsieur Rodolfo, une signature !
41
scène ;
-3 rr^IT ed'—
::s:u"e - ->
dui^ufer.ère du se::~d
i.izt e: 72 la tète de
r:e::se^:en: s'écraser, sur
Rodolfo, qui Tient tout juste de franchir le portail du
'zii~.z?.: ~"~^?' If --- ::uvere de :erre le :
43
Alors, rapide comme l'éclair, criant comme un for-
cené, malheureux se jette dans une course effrénée
le
à la poursuite des deux voleurs.
SCENE 10
guido Sait-on
: si un jour nous parviendrons
à nous rencontrer debout ! Excusez-moi, mais
je dois filer !
44
SCENE 11
l'oncle : Le poulet !
l'oncle : La langouste !
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Un vent de panique traverse les yeux de l'apprenti
serveur.
l'oncle : Continue !
46
l'oncle : Champagne !
47
Il s'incline profondément, se pliant littéralement en
deux.
48
Il lui donne affectueusement une petite tape sur la
tête. Puis il saisit la bouteille de Champagne et l'agite
l'oncle : Tu es engagé !
SCENE 12
49
meuble adossé à un mur et à bonne distance. Fer-
ruccio semble préoccupé, sa tête repose sur l'oreiller.
guido : Pourquoi?
guido : Ferruccio?
guido Comment,
: quelle heure est-il ? Nous
étions en train de parler, voici tout juste une
seconde... mais quoi, tu dormais?
50
ferruccio : Ilprétend que pour peu qu'on
ait de la volonté, on peut tout faire «Je suis ce :
je me suis endormi !
51
ferruccio : Qu'y a-t-il ? Quelle heure est-il ?
52
guido Non, rien... sans le dire, j'étais en
:
SCENE 13
53
ferruccio : Allons, sinon j'arriverai en
retard !
Et il hâte le pas.
SCENE 14
54
l'homme en bleu de travail : Maria... , la
clef!
guido : Aïe !
55
ferruccio Certes! Si elle publiait mes
:
lise.
56
guido : Madame Guicciardini ?
guicciardini : Oui?
guido (dans un sourire) : Bonjour !
guicciardini : Plaît-il?
57
Ferruccio arrive en effet à toutes jambes, langue
pendante, les mains vides, hélas. Il s'arrête auprès des
deux autres, prend appui sur une colonne des
arcades, tout en essayant désespérément de sourire,
mais il n'a pas suffisamment d'oxygène dans les pou-
mons. Il voudrait parler, mais il n'y parvient pas. Il
réussit seulement a souffler quelque chose a son ami.
FERRUCCIO : La clef...
guido : Hein?
ferruccio : La clef de la maison... C'est toi
qui l'as!
58
guicciardini : Pourquoi pas? Bien volon-
tiers... Au revoir!
ferruccioguido : Au revoir !
SCENE 15
ferruccio : Laquelle?
59
Il essaie de s'approcher des jeunes femmes lorsque,
60
ferruccio : Le voici !
61
elena (à Dora) Ah, c'est : lui qui a sucé le
dard fiché dans ta cuisse ?
SCENE 16
62
guido : Faisons le tour du bâtiment
Allez...
et réapparaissons devant elles à l'improviste...
elle aime ça !
gner.
63
Il fait demi-tour en s'élançant telle une furie,
SCENE 17
fait un
effort surhumain pour sourire et ouvrir la
bouche. C'est tout juste s'il parvient à agiter sa main.
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de l'école primaire. Avant de franchir le por-
l'entrée
tail, Dora
se retourne une dernière fois vers Guido.
Emplie de joie, elle sourit de le voir remettre son ami,
désormais sans connaissance, sur pied.
SCENE 18
« L'obscurité ! »
65
Guido pose le plateau sur la table.
Guido l'arrête.
66
Le capitaine regarde son plateau et fait la grimace.
le portier : Guido !
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tas de dossiers sous le bras, des lunettes sur le bout
du nez, l'air sévère, son imperméable et son chapeau
à la main. Guido va à sa rencontre et lui indique une
table du bar.
68
guido Bien... Un beau turbot bien gras, de
:
l'inspecteur : Du saumon.
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mon et salade, avez-vous dit, et un verre de vin
blanc.
70
sept derrière une dei 'est la soluti
ici. Celle devant est
Le t€ la
nu.
ifl^ il a tant la manie de* devi-
'I ou?
larpe tri( nu le cartable
l/ls-j'i/./i 1./' j
.'-/ moi.
<i\;\l)<) : .
rv 'IV . 1
j/j: .'\j'j-//j
ni d
• SPECTBUR :
heures et denj
Il m
vers le
71
guido (furtif) Mais qui est-ce? Un maire,
:
et demie...
72
guido : Je vais vous accompagner.
l'inspecteur Ah,
j'oubliais! Faites-moi
:
Et il s'en va.
SCENE 19
73
J
fabio : Où?
la directrice Au fond, là-bas
: ! Derrière !
74
Lorenzo est Eîîg hon à croque n blond, peigné au
savon 1
Et il ressort aussitôt.
la directrice : Debout !
75
la directrice : Bonjour, monsieur l'inspec-
teur, je suis la directrice.
guido : Enchanté !
l'instituteur : Certes.
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guido : Que faites-vous dimanche ?
dora : Hein?
dora : Offenbach...
la directrice Il :
—
et nous en sommes
honorés — nous démontrera que notre race est
une race supérieure, la meilleure de toutes!
Asseyez-vous, les enfants... (À Guido.) Je vous
en prie, monsieur l'inspecteur !
77
Et sur ces entrefaites, elle s'écarte. Un silence de
mort s'installe. Tous regardent Guido, qui ne sait
que faire. Dora est presque prise d'épouvante.
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font rire. Les cartilages français me dilatent la
rate. (Il hausse la voix, il crie presque.) Le
pavillon russe me dégoûte Je ne voulais pas
! le
SCENE 20
pecteur...
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l'appariteur s'écarte et le fait entrer. L'inspecteur
demeure paralysé sur le seuil de la porte d'entrée.
SCENE 21
ceps!
race!
80
Immobile sur le pas de porte, l'inspecteur n'en
croit pas ses yeux. Guido l'aperçoit et se précipite
pour ramasser ses vêtements posés sur le rebord de
la fenêtre.
SCENE 22
81
Mais tout le parterre n' a d'yeux que pour la scène
émouvante qui se dérouïg sous leurs yeux. Seul un
spectateur ne regarde pas la scène, il est tourné vers
une loge du premier étage. C'est Guido, ravi de pou-
voir fixer la très belle Dora. Ferruccio est assis auprès
de lui à sa g auche, il scrute le livret de l'opéra dans
/La pénombre^
Une dame dépourvue de beauté est assise à sa
droite, laquelle, voyant Guido se désintéresser du
spectacle et se pencher dans sa direction, se tourne
pour lui lancer un regard plein de dureté, interroga-
tif. Guido exhibe alors un large sourire et indique son
oreille gauche.
82
Guido se concentre alors davantage, il remue les
doigts plus rapidement.
SCENE 23
SCENE 24
83
parmi les fauteuils, les derniers spectateurs sont en
train de sortir lentement. Guido et Ferruccio avan-
cent laborieusement à petits pas.
D'une loge du troisième étage, quelqu'un appelle
Guido. C'est le capitaine allemand, en uniforme mili-
taire, cette fois.
SCENE 25
84
Sortis de leur loge, Dora et Rodolfo se mêlent aux
spectateurs et se dirigent vers l'escalier menant à la
sortie. Leurs amis les ont précédés.
dora : Pourquoi?
85
rodolfo : Dora, je ne te comprends pas. Si
cela ne te fait pas plaisir...
Échange de sourires.
86
le préfet (aussitôt) je vous
: ... Alors,
attends sous peu, n'est-ce pas? y aura égale- Il
rodolfo : Aïe !
le préfet : Plaît-il ?
SCENE 26
87
est bondé. Les spectateurs s'amassent devant les
portes. Ils attendent qu'il pleuve moins fort. Certains
sortent précipitamment.
pas.
88
guido : Un très beau spectacle ! Avez-vous
posé ce rideau vous-même?
guido : La voici...
ferruccio \k merveille !;
89
SCENE 27
|
Il pleut des hallebardes^ Dora et Rodolfo se tien-
rodolfo : Allez, on y va !
90
ferruccio : Les clefs de la voiture, mais tu
es fou ?
rue en passant
par l'autre sortie.
91
rodolfo : La pâtisserie Ghezzi? Elle se
trouve ici, rue de Rome !
ferruccio : Où donc?
rodolfo : Ici, rue de Rome !
j
II pass gJjL première /e t essaie de partir. Ferruccio
l'arrête encore, au risque de se faire renverser.
92
SCENE 28
93
Elle ôte ses chaussures et les vide de leur eau.
94
encore une fois en votre présence. J'arrête ma
voiture devant le théâtre, et, à l'improviste,
c'est vous qui montez...vous apparaissez de et
surcroît dans mes
Voulez-vous un peu
rêves.
me laisser tranquille? Vous avez un grand
béguin pour moi Mais. mais pourtant je vous
! . .
95
|
SCENE 29
96
L'automobile deux petites
est [encastrée/ entre
tT5ofne?) situées devant au sommet d'un
une église
grand escalier de marbre. En contrebas, une grande
place déserte et battue par la pluie. Bloquées par les
bornes, les portières ne s'ouvrent pas.
I pleut ég alement sur lesj êtes de Guido et de Dora
l
dora Vous
: et moi ? Quand donc ?
guido : Comment, quand? Lorsque l'auto-
mobile s'est encastrée, il vous ai
pleuvait..., je
fait un parapluie à l'aide du coussin, vous en
souvenez-vous ?
dora Ah,
: oui! Je me souviens... c'est vous
98
qui avez déployé le tapis pour que je ne me
mouille pas les pieds.
Il reste de marbre.
99
Il fait alors encore un pas vers elle.
que je ne me
souvenais pas que vous me les
aviez donnés... et vous me les avez rendus pour
que je m'en souvienne! C'était justement ici,
près de cette colonne.
dora Et maintenant?
:
100
SCENE 30
papa était un de
ceux-là. Oh, il était capable de
me faire faire ce qu'il voulait. Il me co mprenait,
il savait s'y prendre avec moi. Et moi ]je filais^
où l'homme en bleu de
fenêtre travail a l'habitude
d'appeler Maria pour qu'elle lui lance sa clef.
101
Et il regarde e ciel haut et l lointain, chargé de
nuages qui vont ^effilochant?
dora : Eh oui !
de son accompagnatrice.
102
:jo : Tôt ou tard je la trouverai!
n'y a personne.
SCENE 31
103
.
104
SCENE 32
guido :
J'y suis passé mille fois et je me suis
toujours demandé
mais qui donc habite ici,
:
dora : La librairie ?
105
.
106
Au même moment, le tapissier et son épouse pas-
sent dans cette rue, chacun sur sa bicyclette.
d'une main.
Et, tandis que le mari et la femme reprennent leur
107
.
guido : Au revoir. .
SCENE 33
108
derrière l'œuf qu'il porte et poursuit son chemin.
Accompagné d'un ami, Rodolfo s'arrête devant lui.
l'oncle : Doucement.
109
truche. (D'un ton ironique.) C'est ça l'Empire 1
.
guido : Plaît-il...
110
l'ami de rodolfo : Merci.
SCÈNE 34
111
Giorgia, la femm e de chambre, une tasse de thé à
la maintint sôus capeà
giorgia : Et voilà !
112
tendre. Il y a le maire, le préfet, Giulia Fossa
et sa nièce...
Elle se lève.
SCENE 35
113
apparaît derrière lui, accompagné d'un couple
d'amis.
Plus loin, près de l'entrée, Guido est appelé par
Ferruccio qui converse avec Guicciardini. IlMme
porte son costume du dimanche et tient un beau
cigare fumant à la main.
ferruccio : Guido !
guido : Oh!
guido : Bien.
guicciardini : Et la librairie ?
114
ferruccio aimé mes poèmes, peut-
: Elle a
Oh, je lui ai dit que c'est
être les publiera-t-elle.
moi qui payais l'addition ce soir..., ne me fais
pas de blagues !
ernesto : Guido...
guido : Où est-il?
115
SCENE 36
116
Il voudrait dire «par plaisanterie », mais son oncle
l'interrompt.
SCENE 37
117
... Arraché par la livrée du portier, un bouton se
détache de sa poche.
Elle glirbaigsef alors pour chercher le bouton, qui a
roulé dans le^salon. ^_ _
Dora entre ainsi, |à quatre pattes^ dans le salon,
cherchant le bouton qu'elle vient de perdre. La gêne
qu'elle suscite alentour est toute résumée par l'ex-
pression du portier, qui ne sait que faire.
À la recherche du bouton, Doraffinîfpar^ejaufi-
l er sous une tab lej
1. Titre honorifique.
118
dora : J'ai perdu un bouton...
laura : Ah, tu as perdu un bouton...
laura : Dora...
ton bouton?
dora : Non.
guido : Où?
ferruccio : Là!
119
guido (il tressaille) : Dora !
120
guido : Elles sont pour vous, pour votre
départ !
le capitaine : Merci.
121
Guido. «Si tu prononces mon nom, je n'y suis
plus...»
Il sort de l'hôtel.
122
mari et quelques instituteurs. Rodolfo est assis entre
Dora et Elena, l'amie de Dora, qu'on pourrait égale-
ment prendre pour sa fiancée.
Bruno,jun jeune et joyeux fasciste en uniforme,
quelque feeu aviné j s'arrête derrière Rodolfo, qui est
assis aux cotes de Dora, et lui met les mains devant
les yeux, tout en riant.
rodolfo : Bruno!
123
(
124
Z. '.
.T.:.:.tT"i.>'. Z. ?.. . 1 î. -TT.tT.V ':. *.'._: If:
-
!•;». Y.-.r. L.:- :.t r. ;-.: ; ... ; : :
anagne, on le
125
tourné, et ne s'en aperçoit pas. Rodolfo arrive et voit
legâteau.
126
fet et tous deux vont heurter un autre couple de dan-
seurs : le fasciste e t la directricejie récolejarimaire.
Doux et légers, les confettis tricolores tombent sur
tout un chacun.
L'oncle et vieux portier en livrée se tiennent l'un
auprès de l'autre, épaule contre épaule. L'oncle
regarde le mur peint à fresque, où des gens distin-
gués, des plus élégants, sont cristallisés dans les
dimensions de la peinture. Un sourire aux lèvres, le
portier observe, à l'inverse, la fête des gens de chair
et d'os.
127
.
Applaudissements.
128
toïïTsûnJong^ tel [urTcrapaud j
sans vie, parmi des
petits gâteaux, des tartelettes et des couverts répan-
dus sur le sol.
129
Il se relève et ramasse les objets tombés, tandis que
guido : Bien.
le joueur : Garçon...
Guido s'arrête.
guido : Plaît-il?
table.
130
le joueur : Bravo !
tuailles.
sous la table. T
le joueur : Mais...
132
Rodolfo se tient auprès d'elle, conversant avec l'un
de ses amis. En face d'eux, la mère de Dora s'entre-
tient avec la directrice de l'école primaire.
133
Puis elle se ref owiit d a petits pas repart dans la
direction opposée. E la s en aller, battant dis-
trait err.er.: les cartes, comme s'il devait commencer
une partie
Zrr.r rr.e-rr.: :
'.
::r.
«ci
LE JOUEUR : Cf.
134
On applaudit.
Les askaris se dirigent vers la table des fiancés,
mais l'orchestre recommence à jouer, se tourne du
côté opposé et lentement s'immobilise.
Un homme qui était en train d'agiter une bouteille
de Champagne cesse son manège.
Un homme vêtu d'un smoking, monté sur un che-
val vert sauterelle, est en train d'entrer dans l'hôtel
par l'entrée principale vision surréelle. L'inscription
:
135
Guido de
finit faire le tour de la salle à cheval, et
il s'arrête devant les héros de la fête.
136
rodolfo (il a une illumination) : Mais c'est...
137
rodolfo : La pâtisserie?
rodolfo : Doraaa...
SCENE 38
138
guido : Non! Ferruccio... Les clefs de la
maison, c'est Ferruccio qui les a, nom de Dieu !
139
Giosuè sort finalement par la porte de la serre, pré-
cédé par un drôle de bruit de choses qui tombent par
terre. C'est un petit garçon de six ans, vif, très
maigre, il porte un np nralon court, u ne c hemise
immaculée et fTes bretelles!
j
À l'aide dfeneTîce ïP
traîne derrière lui un petit char d'assaut/deler-
II sort presque en courant. Il trébuche, tombe et se
relève en un clin d'œil.
SCENE 39
140
loin, on aperçoit un camion militaire allemand..., un
soldat à motocyclette. La
de ia petite bicyclette
famille Orefice roule joyeusement à grande vitesse;
bien que Dora proteste, Giosuè est tout excité.
D'abord une rue, puis une autre. Mais tout est si
différent d'avant. Les signes de la guerre apparais-
sent, tragiques et désolants.
X^s vi trines des m agasins sont protégées à l'aide
djun ruban adhésifl Les vitres d es fen êtres sont
recouvertes avec du papier servant à^ëmibalkiieiucre
ou avec des feuilles de journal.
On ne voit plus les monuments car ils_soj}l « empa-
quetés », protégés par de vieux matelas/ liéspvec des
cordes. Les sacs de sable sont amonceTesentre les
colonnes des arcades.
Sinistres, des affiches du régime exaltant la victoire
finale :représentations de casques, de crânes, de
mousquets et de svastikas.
Mais Guido, Dora et Giosuè passent à bicyclette
parmi tant d'horreur, un instant presque oublieux de
tout, joyeusement, comme s'ils étaient habitués à
coexister avec les précarités de la guerre.
141
SCENE 40
Jouant de
la sonnette, la bicyclette fait irruption sur
la place et prend la direction de l'entrée de l'école
primaire.
SCENE 41
142
groupe de soldats allemands les dépasse. Tous deux
s'arrêtent devant la pâtisserie Ghezzi.
Peu de gâteaux en vitrine, mais une belle pancarte
sur laquelle on peut lire « Entrée interdite aux juifs
:
et aux chiens. »
Giosuè s'arrête pour regarder...
... Une triste tarte au chocolat.
143
giosuè Mais nous, nous
: laissons entrer tout
le monde !
et aux Wisigoths. »
Et il hâte le pas.
SCENE 42
144
livres,mais également des cahiers, des équerres, des
compas, des crayons de couleur...
Un homme arrogant entre, cigajsite^rte bouche,
un autre demeure dehors. GuidoTaccueille Son client
le sourire aux lèvres il n'en croirpa$--seSyeux.
:
un homme : Bonjour.
——^J
il'écrasantjsur la vitrine.
145
rentre tout de suite. (À l'homme.) Cela ne pren-
dra pas beaucoup de temps, n'est-ce pas ?
guido : Bonjour!
SCENE 43
146
laura : Bonjour.
giosuè : Bonjour.
147
giosuè : Oui.
giosuè : Demain?
laura Oui, puisque c'est demain ton anni-
:
SCENE 44
148
dora (à Guido) : Quand reviendras-tu ?
dora Au : revoir !
SCÈNE 45
149
rentes autres pièces"HepâreïIïées\ de l'autre côté, le
salon.
Guido est en train de déplacer une table. Suivie par
Giosuè, Dora entre à la hâte. Elle porte un tableau
dans ses mains, qu'elle pose dans un coin. Elle se
tourne vers son fils.
150
giosuè : Je viens aussi.
tie.
dora : Giosuè?
151
L'oncle sort, il est en train de goûter une cuillerée
de soupe mise à réchauffer.
l'oncle : Non !
giosuè : Chuut...
152
'
- -
ai un
'..'.
'
j.~. -i * . ..1 1 nier z .. '
mer
aniesu la...
:-."Z : j^Il:: •
:; .1. _* .1 _,.* .: ;.: niir.
154
Giosuè essaie d'entrer dans la chambre à coucher,
mais Dora sort précisément à cet instant; elle le
prend dans ses bras, le soulève en l'air et lui donne
mille petits baisers.
rant.
155
l'oncle : Pinocchio.
l'oncle : Magnifique.
156
guido : Ah, une poule...
giosuè : Non !
SCENE 46
157
laura : Mais il sait déjà lire et écrire?
SCENE 47
^
ggeûrj harassés, \effaresl |'êpouvantésJ tenant leurs
bagages à la main. Ils sont assîFsïïrTes bancs, les plus
jeunes sur le plancher.
158
Guido Giosuè sont au fond, près de la cabine.
et
Face Au bout opposé des
à eux, taciturne, leur oncle.
bancs, vers l'extérieur, deux soldats allemands,
[mitraillette £ntre les jambes, casque à la main.
159
Giosuè fait non de la tête.
giosuè : Où va-t-on?
giosuè : Où?
giosuè : Hein?
160
avec un doigt... Il tombe et après..., naturelle-
ment, ferment à quatre heures..., cependant,
ils
nous... Tu aimes?
Piqué
riq ue dans sa curiosité, l'enfant
l er hésite même s'il
guido Non,
je ne peux pas te le dire...
:
161
giosuè : Mais que fait l'homme à la son-
nette ?
guido : Bravo.
SCENE 48
162
sur les corps étendus, car pas le moindre centimètre
n'est libre. La lumière cadre une porte, au fond; le
soldat l'ouvre, il regarde à l'intérieur à l'aide de sa
torche.
SCENE 49
163
Dora marche d'un pas assuré vers l'entrée de la
main au bras, tandis que l'automobile
gare, son sac à
repait/en]5STîTînvërsê/
SCENE 50
164
giosuè : Non, c'est comment, c'est beau?
GUIDO
pris un.. .
165
guido (joyeux) : En route !
Dora se retourne.
166
^
y
il se mer amsinSr fl\i gnrde-a^vflus^
dora :
Je veux monter dans ce train.
dora :
]
: Faites-moi monter
dans ce train !
167
le soldat : Arrête, freine, freine !
168
SCENE 51
169
SCENE 52
170
des hommes, mais elle ne
trouve pas. Elle est épui-
le
SCENE 53
171
guido : Alors Giosuè, comment vas-tu ? Tu
es content, non? Regarde un peu quel endroit !
172
giosuè : Papa, dis-moi de quel jeu il s'agit.
173
guido : Je te le dirai après.
174
Et ils se dirigent vers un lit libre, le premier, sous
un lit superposé.
crient.
175
guido : Lorsque le jeu prendra fin.
bartolomeo : Bartolomeo.
176
Bartolomeo hausse les épaules.
I
CL Qu'un qui parle allemand Il va expliquer toutes
!
177
Et il regarde Guido qui traduit.
178
rons un écriteau sur lequel sera écrit «Âne»...,
là,dans le dos !
179
guido Il est facile d'être disqualifié à cause
:
guido : D'abricots !
180
guido : Elles sont pourtant bonnes.
guido : Mo i
T
par exempl e, hier, j'ai joué
181
Le caporal se dirige vers la sortie.
182
SCENE 54
183
la seconde auxiliaire : Allons, les filles,
184
une sentinelle armée dehors. Devant la porte, un long
passage entre de hauts murs de fil de fer barbelé.
Du haut de l'escalier, l'auxiliaire qui se tenait à la
Avancez !
SCENE 55
185
de lourds appareillages automoteurs. De la poussière,
r(3 e laTuig : un enfer.
186
guido : À moi ?
187
guido : Celle-là, au milieu, semble plus
petiote.
suit.
188
L'Allemand lui montre les enclumes.
SCENE 56
giosuè : Papa !
189
Respirant à grand-peine, Guido lui montre son
uniforme à rayures.
reux comme ça ?
190
guido : Giosuè, qu'y a-t-il, as-tu joué avec
les enfants aujourd'hui?
marqués aujourd'hui?
guido Moi, cinquante! Qu arante-hu it, on
:
191
Giosuè se jette sur le pain.
192
SCENE 57
guido : Vittorino...
193
Il est à bout de forces. Il appuie son front sur son
enclume.
Et il s'arrête.
194
guido : Oh, maintenant, lorsqu'on arrivera
là, ne la jette pas. Je vais t'expliquer comment
il faut faire... On on la glisse sous
la replie et
guido : Bravo !
accélère le pas.
195
Guido a un coup au cœur. Il s'arrête et pose l'en-
clume sur son genou.
giosuè : Non !
196
guido Oh, : Vittorino. . ., le prochain est pour
moi!
SCENE 58
SCENE 59
197
Muet et absent, l'oncle est en train de lentement
se déshabiller. Il ôte sa veste, qu'il pend à (un cloul
La précède la chambre à gaz est
très vaste pièce qui
illuminée par quelques lampes fixées aux murs. Des
auxiliaires et des femmes soldats des S S veillent à ce
que tous les vieux et tous les enfants se déshabillent.
198
SCENE 60
199
guido : Non, non! Je t'emmène avec moi,
ne te fais pas de soucis. C'est moi qui vais te
cacher! C'est le moment le plus difficile,
cependant si tu ne vois véritablement personne,
guido : Giosuè?
SCÈNE 61
200
porter sur de longues tables improvisées, faites de
planches posées sur des chevalets.
Elle accomplit sa tâche avec un respect religieux,
lecœur serré, car un moment ou à
ellerrefloutejqu'à
un autre quelque Giosuè ou de son oncle
trace de
finisse par se retrouver dans ses mains. Comme pour
chercher quelque chos e ou qu elqu'un, un petit chat
évolue parmi tous ce^ haillonj en miaulant.
SCENE 62
201
Ayant contourné {in vir age/ le groupe passe devant
une porte ouverte donnant sur une petite pièce illu-
minée. Un soldat allemand sort en courant et dispa-
raît au bout de la ruelle. Guido ralentit brusquement
parce qu'il aperçoit quelque chose qui excite son ima-
gination...
... Un
microphone est en effet posé sur la table, à
du bureau non gardé
l'intérieur !
guido : Giosuè?
lÂussitôtdit, aussitôt r\
deux pénètrent dans
fait^lt ous
202
Giosuè s'approche de lui, tout excité. Il ne tient
pas en place, comme s'il avait envie de faire pipi.
SCENE 63
203
sommes en tête ! Combien de points papa a-t-il
\faîIes]aujourd'hui ?
LA VOIX DE GIOSUÈ : OÙ ?
la voix de guido : Par là...
SCENE 64
204
Giosuè regarde. Le garçonnet est enchanté de voir
une locomotive entamer sa marche arrière.
205
giosuè (pris d'épouvante) : Tu m'as fait peur,
papa!
giosuè : Qui?
guido : Celui qui nous regardait.
guido : Oui!
206
Le train siffle et franchit, en marche arrière, l'ar-
cade marquant l'entrée du camp.
SCENE 65
guido : Habille-toi.
207
La porte située derrière Guido s'ouvre tout à
coup..
... La mine sombre, tout mouillés par la pluie,
SCENE 66
208
eux, un médecin officier en blouse^jËn^jildVine
auxiliaire,eU^ussi^ejiJikuise, et d'un soldat, prêt à
intervenir u moindre gestç des détenus, un revolver
r
209
prisonnier, le premier qu'il regarde droit dans les
yeux.
guido : « Le silence ! »
scrute ce visage.
SCENE 67
210
Guido entre dans la chambrée, il est ruisselant de
pluie. referme la porte derrièr e lui. Bartolomeo
Il
guido : Giosuè?
guido : Giosuè!
211
Et il se baisse et l'aperçoit. Le garçonnet est sous
le lit, il a de grands yeux emplis d'épouvante.
guido : Sors de là !
guido Hein? Je
: suis... je te l'ai dit, je devais
finir cette partie de briscola 1
.
^cmr^
giosuè : Ils vont tous nous brûler dansile
^
guido : Mais qui te l'a dit?
1. Sorte de belote.
212
les ils vont faire des boutons, c'est
gens...,
cela...,ave^ les Russes des ceintures et avec les
Polonais Vies bretelles! (Il sourit,) Des boutons
et du savon... Hein, demain matin, je me lave
les mains avec Bartolomeo, je me boutonne
avec Francesco et je me peigne avec Claudio...
213
guido Quand? D'accord,
: si tu veux rentrer
à la maison, allons-y !
giosuè : Et où sont-ils ?
214
:
Je ne comprends rien à ce jeu. Mais
::bien de RVOOS-IKH
pleut.
dos.
Gi". trop
lou: jlle-là me tue vraiment!
215
Il se retourne tout à coup, l'enclume en main et
une grimace de fatigue sur son visage.
giosuè : Oh !
guido : Giosuè !
SCENE 68
216
De certaines fenêtres de la résidence des officiers
pendent des hampes et des étendards à croix gam-
mée. Tout autour, les bâtiments du camp de
sinistres
concentration et des traces de pluie, de
la boue.
compte.
217
tandis que d'autres garçonnets se montrent, cachés
ça et là, prêts à bondir.
SCENE 69
verture.
giosuè : Qui?
guido : Un enfant
giosuè : Non !
218
guido : Putain de... Il s'est de nouveau
enfui. Cependant, peut-être que j'ai compris.
Viens ici, ne te fais par voir.
SCENE 70
f aux bond :
219
taille d'une table de nuit, où se trouvent peut-être les
robinets d'eau.
giosuè : Oui!
dit!Tous cachés.
giosuè : Mais où se cachent-ils ?
220
guido : Je te l'ai dit, partout!
enfants ?
giosuè : Papa !
guido : Vu Vu Vu
! ! !
221
la femme soudât (en allemand) Holà, mon
:
guido : Jure-le !
222
à nous. C'est l'assemblée des classés premiers,
le jeu du silence !
pour...
guido : Je le jure !
SCENE 71
223
Le repas desofficiers allemands, de leurs épouses
et de leurs enfants a commence. C'est une dizaine de
couples et une douzaine d'enfants de dix à douze ans.
Les lieux se composent de deux salles mitoyennes
communiquant par une large porte grande ouverte.
En deçà, à une longue table, les adultes...
Au-delà, à une table ronde, les enfants. Quelques-
uns sont silencieux, d'autres hurlent.
Avec des gestes élégants. Guide sert à la table des
parents. Le capitaine Lessing ne le regarde même
pas.
Transforme provisoirement en salle à manger, le
bureau est meuble de chaises, de fauteuils et de
divans pas vraiment neufs.
Dérange par les hurlements joyeux des enfants, un
major en uniforme se lève et fait un pas vers l'autre
pièce.
selle...
... Que r Allemand pose devant les entants silen-
cieux Mais lorsqu'il sert lîiosuè, une pente voix se
tau entendre!
%
qiosuè (d une voix forte) i Grosie* f
sue.
I J bouche
'entant rcsic'bouche cousue
C0U8UC /
italien
22S
le soldat-ordonnance (en allemand) :
226
allemand) : Et vous, les petits, mangez en
silence.
le capitaine : Ah !
227
jours silencieusement. Giosuè a la bouche pleine à ras
bord, il n'arrive pas à avaler.
Sous un prétexte quelconque, son père se baisse
derrière lui.
228
Le capitaine jette encore un regard circulaire alen-
tour, pour la dernière fois. Puis...
far...
229
Il fait un demi-pas pour se rapprocher davantage
encore de Guido.
Le palindrome, Une
double césure en
rien!
charade... rien Je songe toujours au vilain petit
!
230
SCENE 72
SCENE 73
231
seconde dans le reflet jaune des pièces des étages
supérieurs.
Et ils disparaissent.
LeJjrouillard s e-dissipe, ils r éapparai ssent, tandis
que fre phare blanc\ des gardes Ibalai^ les baraque-
""
menwr^ *—
guido : Certes!
232
guido : Ce sont des dattes. Tu n'as pris que
ça?
233
Il erre sans but. Le visage endormi de Giosuè est
posé sur son épaule.
SCENE 74
234
Devant la vitre de la fenêtre, à l'extérieur, le
guido : Bartolomeo...
Ils écoutent.
Silence.
235
guido As-tu compris quelque chose
: d'autre
en allemand?
236
Des mitraillades lointaines. Des aboiements de
chiens.
SCENE 75
guido Giosuè...,
: cette fois, ils sont vrai-
ment noirs de rage...
giosuè : Quoi, qui?
237
trainde tout^mëgre sens dessus de ssous\rien
que pour toi lis" regardent jusque sous les
! . . .
Baisse-toi, arrête!...
Il s'accroupit brusquement.
giosuè : Mille !
238
où tu aurais froid... Je reviens sous peu!... Je
vais les fourvoyer! Allez... Un, deux, trois...
Cours, Giosuè !
SCENE 76
et des militaires.
Il revient sur ses pas à vive allure.
SCENE 77
239
blanc est sur le point de le cadrer. Puis il reprend son
chemin.
Il s'arrête cependant dans un recoin d'où il aper-
çoit la grue et sa sinistre main métallique qui pend
dans le vide. Il fait mine de s'avancer, il quitte le
recoin où il mais il s'arrête au bord d'une
se trouve,
grande fosse aux pourtours jonchés de déblais de ter-
rassement. Sur les déblais, une rangée de déportés,
une trentaine en tout, sur le point d'être fauchés par
les fusils mitrailleurs d'une dizaine de nazis.
Guido détourne la tête, puis s'enfuit...
... Il trébuche sur quelque chose, peut-être un
SCENE 78
giosuè : Non.
240
guido : Alors donne-moi également ta
veste... Je vais la jeter sur un arbre, je vais les
fourvoyer.
Il prend sa veste.
ait
giosuè Je ne
personne
:
!
^ —
sors pas, \usq u^à ce qu'il n'y
241
se trouve celui-ci.Le soldat échange rapidement
quelques mots avec ses deux compagnons en armes.
Guido blêmit. Il ne sait que faire.
SCENE 79
242
bâtiment, la petite veste de Giosuè autour de sa tête
forme un couvre-chef féminin. Il recule brusquement
car l'œil-de-bœuf fouillant le camp traverse la ruelle
où il se trouve.
La lumière partie, Guido sort de sa cachette, il fait
quelques pas et grimpe à toute allure sur une fenêtre.
Il s'agrippe à une tige de fer dépassant d'un mur.
SCENE 80
243
Après un instant
SCÈNE 81
244
C'est une autre Dora, une jeune fille pâlichonne,
quelques cheveux clairs et des yeux bleus.
245
Il la tire et la renoue autour de sa taille, comme il
le peut, sous le regard très dur d'un soldat allemand
qui, mitraillette à la main, Ta rejoint.
Du canon de sa mitraillette, le soldat fouille sous
lacouverture qui enveloppe Guido pour apercevoir
lepantalon remonté et des jambes d'homme. Il fait
un pas en arrière, comme pour faire feu sur lui.
Guido ferme les yeux, se recroqueville sur lui-
même. Mais une voix arrête l'action.
SCENE 82
246
en armes : il a compris qu'il n'a aucune échappatoire,
il jette un regard circulaire alentour comme pour
chercher une solution in extremis. Une motocyclette
passe, Guido un petit
fait écart auquel le soldat met
aussitôt fin par un ordre.
du garçonnet.
De l'autre côté du judas, les petits yeux de Giosuè
s'allument dans les ténèbres de l'édicule. Ils voient...
Guido, comiquement habillé en femme, qui
...
247
Le soleil s'est levé au-dessus de l'horizon. Le vent
continue à souffler. Un camion survient, mais cette
fois il est chargé de soldats allemands. Il ralentit.
Deux autres soldats montent en marche, jetant leurs
mitraillettes dans le véhicule.
Suivi par deux motocyclistes et par une automo-
bile militaire, lecamion quitte le camp.
Le soleil est plus haut sur l'horizon. Le vent com-
mence à faiblir. La dernière centaine de détenus
quitte péniblement le camp par la porte principale.
Ce sont les plus faibles. Ils s'aident les uns les autres.
Et lorsque le dernier prisonnier est sorti du camp...,
voici le petit édicule où Giosuè est caché.
Quelques secondes de silence absolu...
... Et la porte s'ouvre tout doucement. Giosuè sort
248
jeeps et des motos. On entend quelques mots en
anglais.
La tourelle du char d'assaut s'ouvre, un jeune sol-
dat américain fait son apparition, il voit l'enfant et
sourit. Il scrute le camp désert, puis il pose de nou-
veau les yeux sur Giosuè.
le tankiste : Hi boy!
SCENE 83
249
lines. Les survivants du camp sont en train de mar-
cher vers cette route où ceux qui les ont précédés
s'éloignent. Sans ordre, ils s'éparpillent sur leurs
jambes vacillantes. Ils sont trop harassés pour exul-
ter. Les véhicules de l'armée américaine se fraient un
chemin parmi eux des motocyclistes, des militaires
:
en jeep.
Le panorama est vu d'un char d'assaut qui lente-
ment descend.
Sur le char, auprès de la tourelle, collé au tankiste
américain, il y a Giosuè, excité, enchanté, qui fourre
son dernier carré de chocolat dans sa bouche.
Le char dépasse les malheureux; fatigués, nombre
d'entre eux s'assoient de loin en loin sur l'herbe afin
de reprendre leur souffle. Soudainement, l'enfant se
retourne le char d'assaut est passé près de quelqu'un
:
qu'il connaît.
dora : Giosuè !
250
giosuè : Nous avons gagné !
Le rire nous sauve; voir l'autre côté des choses, le côté sur-
Le film La vie est belle de Roberto Benigni a reçu le Grand Prix du Jury à
Cannes en 1998.
fcfo o
Texte intégral ISBN 2-07-040623-7
9 782070"406234