Vous êtes sur la page 1sur 22

Quentin Ludwig

Sagesse
de l’islam

© Groupe Eyrolles, 2006, ISBN 2-7081-3589-9


PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION À LA
SAGESSE MUSULMANE
Pour cet ouvrage, j’aurais pu me contenter
d’un peu plus de 1000 citations, proverbes,
aphorismes, dictons ou citations en rapport avec
la sagesse musulmane. Le lecteur aurait ainsi eu
à sa disposition, pour une année complète, trois
pensées à méditer chaque jour ou à utiliser
comme prière (certaines des citations
extraites des livres sacrés sont utilisées dans
la commu- nauté musulmane comme prières). Il
m’a cepen- dant semblé qu’il n’était pas interdit
de s’instruire en méditant ; c’est la raison
pour laquelle cet ouvrage comprend
également quelques enca- drés consacrés au
monde musulman et quelques
10 Sagesse de
l’islam

notices décrivant des personnages importants


ou des écrits fondamentaux que tout
musul- man connaît. Notre ouvrage est ainsi
divisé en 3 parties.
Dans la première partie, il sera expliqué ce
qu’est la sagesse musulmane et quelles sont
ses parti- cularités.
La deuxième partie, la plus importante, comprend
les sentences, proverbes, citations, dits,
etc. Chaque fois que cela est possible, nous
avons donné avec précision la source d’où
provient le texte. Ceci permettra au lecteur de
se reporter à cette source pour retrouver la
citation dans son contexte. Le lecteur
comprendra que, pour ce qui concerne les
proverbes, il n’est pas possible
Introduction à la sagesse musulmane

d’indiquer l’origine : ces textes faisant, en


effet, partie du patrimoine commun et, bien
souvent, existant en différentes versions. Le
lecteur remarquera aussi que de nombreux
proverbes proviennent d’un fond commun
arabo-juif. Cela vient du fait que juifs et
arabes partagent de nombreuses références
tant dans leur vie quoti- dienne que dans leurs
rapports avec le sacré ; en outre, il fut un
temps béni où juifs et arabes vivaient en
bonne intelligence que ce soit à Cordoue au
12e siècle ou à Djerba au 19e. Enfin, en se
reportant aux sources, le lecteur ne s’éton- nera
pas, non plus, de trouver parfois un texte
légèrement différent de celui cité dans cet
ouvrage. Il existe, en effet, de très
nombreuses traductions des ouvrages de
12 Sagesse de
l’islam
référence (dont le
Introduction à la sagesse musulmane

Coran) et, selon le traducteur, le texte en langue


française peut varier sensiblement (c’est la
raison pour laquelle nous indiquons dans la
bibliogra- phie les ouvrages que nous avons
consultés).
Dans la troisième partie, nous proposons
quelques textes explicatifs concernant les
ouvrages utilisés pour assembler ces étincelles
de sagesse ainsi que quelques références bio-
graphiques concernant les personnages
cités dans notre ouvrage. Le lecteur
souhaitant en connaître davantage
concernant le monde musulman se
procurera l’ouvrage du même auteur, paru
chez le même éditeur, Comprendre l’islam.
14 Sagesse de
l’islam

Qu’est-ce que la sagesse ?


Le mot sagesse peut prendre divers sens,
lesquels recouvrent non seulement des compor-
tements différents mais des niveaux de
sagesse différents. Ainsi, on parlera de sagesse
aussi bien pour décrire le comportement «
éclairé » d’une personne dans sa vie
quotidienne (qu’il s’agisse de son
comportement financier, éthique, matri-
monial, etc.) que pour décrire un comportement,
plus exceptionnel, qui fait référence à une
tradi- tion, à une philosophie, à une religion. On
parlera également, parfois, de Sagesse pour
décrire le comportement de Dieu ou de son
Prophète. On constate ainsi qu’il existe
plusieurs niveaux de sagesse et que celle-ci
puise sa substance autant
Introduction à la sagesse musulmane

dans un savoir ancestral, une philosophie de vie,


une religion que dans un savoir quotidien ou,
parfois même, dans la connaissance d’une
pra- tique. Il sera question, ici, de toutes les
sagesses sans nous intéresser au niveau
concerné (Sagesse divine avec une lettre
majuscule ou sagesse au quotidien de l’artisan
ou de la mère de famille). Une question se
pose néanmoins : existe-t-il une sagesse
musulmane qui soit parti- culière, qui se
singularise, qui se différencie de la sagesse des
autres cultures ? S’agit-il d’une sagesse
particulière qui se limite ou se concentre sur un
domaine particulier ou s’agit-il d’une
expression de cette sagesse sous une forme
originale ?
16 Sagesse de
l’islam

Spécificités de la sagesse musulmane


En ce qui concerne les thèmes de la sagesse
musulmane, elle ne se distingue que fort peu de
la sagesse populaire des autres peuples à
l’exception, cependant, d’une bien plus
grande référence à la religion, au livre révélé
(le Coran) ou encore à tout ce qui concerne le
prophète Mahomet (récit de sa vie – ou Sîra
–, sentences de la Tradition – ou Sunnah – et
dits rapportés par des proches – ou hadîths).
Comme le lecteur le sait sans doute, pour le
musulman, il n’existe pas réellement de
domaine de la vie où la reli- gion n’intervient
pas : tout est du domaine du religieux, autant
la prière que la manière de s’habiller, de
déclarer la guerre, de se comporter
Introduction à la sagesse musulmane

avec l’autre sexe, les aliments autorisés


autant que les actes réputés licites ou illicites.
Ainsi, sous les talibans, la police dite des bonnes
mœurs qui avait tout pouvoir était, en réalité, si
la traduction était plus rigoureuse, la police «
du licite et de l’illicite », ce qui en droit musulman
est une expres- sion tout à fait habituelle. On ne
s’étonnera donc pas que de nombreux
proverbes, sentences, maximes concernant la
sagesse soient issus du Coran ou des dits du
prophète Mahomet (ou encore de son cousin
Alî, s’il s’agit de musulmans chiites). Cependant,
là où la liberté est restreinte, il existe une
grande place pour l’humour ; ce qui permet à
l’individu de souffler, de gagner d’une certaine
manière un espace de liberté. Cependant,
contrairement à l’humour juif (qui
18 Sagesse de
l’islam

remplit cependant la même fonction de liberté),


l’humour arabe est plus rarement constitué de
bons mots, de jeux de mots. Depuis
toujours, l’humour et la sagesse arabes
s’expriment au moyen d’anecdotes et de
petites histoires. Au fil du temps, ces histoires
ont eu pour personnage principal et
emblématique un individu mi-sage, mi-fou qui
se nomme, selon les pays, Nasredine Khodja
(ou Nasr Eddin Hodja), Chaa, etc. Ce
personnage intervient dans de courts récits où le
narrateur raconte sa rencontre avec le personnage
et l’aventure qui lui est arrivée en insistant
fortement sur les protagonistes en présence
et sur la sagesse de Khodja. Ce genre littéraire,
bien connu des sociétés orales, porte le nom
de makama. Outre la fonction libératoire dont
Introduction à la sagesse musulmane
nous
20 Sagesse de
l’islam

avons déjà parlé, le récit dans lequel intervient


le héros possède également une fonction
didac- tique, exemplative : c’est un véritable
message de sagesse que transmet le héros
lequel, comme le fou du roi, n’hésite pas à se
moquer, si néces- saire, même des choses les
plus sacrées dont il réinterprète la signification
pour donner du poids ou du sens à son histoire
(même la religion, échappant pourtant à toute
critique en terre d’islam, n’est pas à l’abri des
flèches du sage qui n’hésite pas à se moquer,
parfois très rudement, de ses « représentants
»). Bien entendu, l’organi- sation de cet
ouvrage, où nous avons favorisé les citations
courtes, ne nous permet pas de raconter
Introduction à la sagesse musulmane

ces récits de sagesse qui occupent souvent


plusieurs pages ; cependant, le lecteur intéressé
par les aventures de ces personnages mi-
sages mi-fous trouvera en bibliographie les
références de quelques ouvrages « classiques »
qu’il lira avec intérêt. Pour notre part, redisons-
le, nous avons privilégié les sentences,
aphorismes, proverbes courts qui peuvent être
compris immédiatement par un lecteur
occidental sans qu’il soit pour cela nécessaire de
connaître le Coran ou la Tradition du Prophète.
22 Sagesse de
l’islam

Makama (ou maqama)


Il s’agit d’un genre littéraire typiquement arabe
dont la traduction habituelle est « séance
» ou
« saynète ». Ce genre – qui aurait été initié au
10e siècle par al-Hamadhani puis par al-Hariri –
désigne un discours particulièrement édifiant
tenu devant une assemblée de notables ou, plus
commu- nément, un discours instructif et
didactique tenu devant quelques auditeurs
avides d’entendre des nouvelles du monde
extérieur (rappelons le rôle primordial du discours
dans les sociétés orales ; celui-ci, contrairement à
l’écrit, avait la réputation de ne pou- voir être
modifié : il était donc réputé plus
« véridique » que l’écrit). Dans les makamas, le
conteur est généralement un mendiant, un
vagabond ou un
Introduction à la sagesse musulmane

truand, car ces trois personnages ont la particularité


de beaucoup se déplacer, d’aller de ville en ville,
d’entendre ce qui se passe même dans les endroits
peu accessibles et de pouvoir ainsi colporter les
nouvelles. Encore aujourd’hui, dans les pays arabes,
lorsque le conteur arrive dans un village, tous se
réunissent autour de lui pour entendre les dernières
nouvelles présentées sous forme d’anecdotes édi-
fiantes. Ainsi que nous l’avons déjà dit, par la suite,
beaucoup de ces histoires – aussi bien dans les pays
arabes qu’en Perse – sont rapportées à un person-
nage emblématique (Nasr Eddin Hodja, Chaar, etc.).
Signalons, pour terminer, non seulement l’aspect
théâtral des makamas mais aussi la dissonance
entre l’aspect extérieur du personnage, générale-
2 Sagesse de

ment vêtu de haillons, et sa grande sagesse qui


en démontre aux plus grands. Enfin, notons
encore que ce genre a été habilement imité
par de nombreux auteurs, y compris juifs, qui
n’hésitèrent pas à utili- ser des citations
bibliques pour argumenter les pro- pos du
héros. Dans le monde roman, citons son
influence dans les récits picaresques.
Introduction à la sagesse musulmane

Mots nécessitant une définition


Les mots ci-après sont régulièrement utilisés dans
ce petit ouvrage car ils font partie du
bagage minimal de quiconque s’intéresse
au monde musulman. Cet ouvrage ne
s’adressant pas aux initiés, il nous a semblé
préférable de les définir, même très
sommairement.

Califes de droiture : on désigne sous ce nom


les quatre premiers califes, c’est-à-dire les
quatre premiers successeurs de Mahomet.
L’un de ces successeurs fut Alî, le cousin et beau-
fils de Mahomet (il épousa sa fille Fatima). Ce
cousin occupe un rôle très important dans
l’histoire du monde musulman
2 Sagesse de

car non seulement il fut le quatrième calife


(après Abou Bakr, Umar et Uthman), mais après
sa mort, le monde religieux musulman se
déchira en deux branches principales : les
sunnites et les chiites.

Chiites : ils représentent aujourd’hui environ 10 %


des musulmans. Pour les chiites, le calife (ou
imam) doit être un descendant d’Alî. Ce
mouvement reli- gieux est beaucoup plus
mystique que les sunnites et possède ses
propres rites, croyances et lieux saints. Les
chiites disposent également de leurs propres
livres des dits (ou hadîths) du Prophète et font
souvent référence aux paroles de l’imam Alî.
Signalons, pour expliquer certains antagonismes
historiques manifestes aujourd’hui encore, qu’au
sein des chiites, il existe également une
différence
Introduction à la sagesse musulmane

importante entre les chiites perses (ceux d’Iran) et


les chiites arabes (comme ceux d’Irak).

Hadîths : ce sont les paroles du Prophète


Mahomet telles qu’elles ont été rapportées par des
personnes dignes de foi (les transmetteurs). Il
existe plusieurs collections des dits du Prophète
mais la plus célèbre, la plus digne de foi, est
celle de Bukhari (que nous utiliserons pour cet
ouvrage). Pour chaque dit, on indique
habituellement le transmet- teur principal et parfois
même la chaîne des trans- metteurs.

Hikam : mot arabe pour désigner la sapience,


c’est- à-dire la sagesse qui s’appuie sur un
savoir. Les Sapiences (hikam) font partie du
trésor des confré-
2 Sagesse de

ries soufies et furent l’objet d’un enseignement dans


les grandes universités islamiques.

Rubâiyât : c’est le mot arabe pour désigner un


quatrain. De nombreux mystiques (principalement
des soufis) ont rédigé des quatrains mystiques. Il
est de tradition de désigner ceux-ci sous le nom de
leur auteur : Rubâiyat de Omar Khayyam (poète
et mathématicien persan du 11e siècle),
Rubâiyat de Rûmî (Djalal al-Din Rûmî est un
poète mystique soufi du 13e siècle), etc.

Salat : mot arabe pour désigner la prière. Le


musulman, rappelons-le, prie plusieurs fois par
jour, le corps tourné vers La Mecque.

Vous aimerez peut-être aussi