Vous êtes sur la page 1sur 6

Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine

Module endocrinologie – Diabétologie


1
Cours : Les diabètes insipides
Benmohammed K.

Les diabètes insipides


I - Définition / Généralités
 Les diabètes insipides (DI) sont caractérisés par :
- une polyurie: excrétion d’une quantité élevée d’eau (>30-40 ml/kg/j) hypotonique (urines
diluées: osmolarité <250 mosm/kg d’eau)
- et une polydipsie équivalente.

Cette définition exclue la diurèse osmotique observée lors de la glucosurie du diabète sucré ou
suite à une perfusion de mannitol.

 La dénomination «diabète insipide» trouve son origine du mot grec «diabète» : passer à
travers en se référant à la polyurie et le mot latin «insipide» : sans goût, pour le différencier
du diabète sucré où les urines sont sucrées.
 Quatre causes sont responsables des DI :
1. Défaut de production hypothalamique de l’hormone antidiurétique (ADH ou AVP: arginine
vasopressine) également dit : DI central (DIC), DI neurogénique, neurohypophysaire ou
hypothalamique.
2. Insensibilité rénale totale ou partielle aux effets antidiurétiques de l’AVP = DI néphrogénique
(DIN)
3. Polydipsie primaire : prise initiale excessive d’eau qui est normalement éliminée par le rein.
4. Augmentation du catabolisme de la vasopressine pendant la fin de grossesse: DI
gestationnel.

II - Rappel physiologique
L’hormone antidiurétique (ADH), également appelée AVP (arginine-vasopressine), joue un rôle
essentiel dans l’homéostasie hydroélectrolytique. Elle est produite dans l’hypothalamus et sécrétée
dans le plasma par la neurohypophyse ou posthypophyse.
Dans les tubes collecteurs rénaux, l’ADH stimule la réabsorption d’eau libre en augmentant la
perméabilité à l’eau des cellules épithéliales.
Le stimulus principal de la sécrétion d’ADH est une augmentation de l’osmolalité plasmatique à plus
de 280 mosm/kg; Les stimuli non osmotiques sont l’hypotension et l’hypovolémie, de même que le
stress quelque soit son origine, telles que la survenue de nausées, de douleurs violentes ou même
lors de l’hypoglycémie.

III - Démarche diagnostique


La démarche diagnostique repose sur la confirmation du syndrome polyurodispsique (SPUD) et du
caractère hypotonique des urines suivies de l’enquête étiologique.
1-Confirmation de la polyurie : pour cela un recueil de l’intégralité des urines des 24 heures est
indispensable revenant supérieur à 30 - 40 ml/kg de poids corporel.
Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine
Module endocrinologie – Diabétologie
2
Cours : Les diabètes insipides
Benmohammed K.

2-Confirmation du caractère hypotonique des urines : osmolarité urinaire < 250 – 300 mosm / kg
H2O. C’est une polyurie non osmotique.
3-Elimination de la polyurie osmotique: La diurèse osmotique (excrétion de solutés > 60 mmol/h)
survient quand l’urine contient de grandes quantités de substances osmotiques endogènes (urée,
glucose) ou exogènes (glycérol, mannitol, produits de contraste radiologiques). Les diurétiques de
l’anse entrainent aussi une diurèse osmotique.
4-Rechercher le diagnostic étiologique de cette polyurie hypotonique en s’aidant de:
-L’interrogatoire : à la recherche d’antécédents de traumatisme crânien, neurochirurgie, prise
médicamenteuse…
-Préciser les caractéristiques du SPUD: début brutal ou progressif, fixe d’un jour à l’autre ou bien
variable, permanent ou intermittent, avec ou sans choix de la qualité de boisson.
-Le test de restriction hydrique (Tableau 1): Certains auteurs l’ont proposé comme dernier recours
soit dans les SPUD isolés sans autre atteinte des fonctions hypophysaires ni autre atteinte
systémique pouvant entrer dans le cadre d’une cause granulomateuse ou inflammatoire et dont
l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ne révèle aucune anomalie de la tige pituitaire ou de la
région hypothalamique.

IV – Diagnostic étiologique de la polyurie hypotonique

1-Diabète insipide central :


Dans le DIC, il faut distinguer les formes primaires (1⁄3 des cas) des formes secondaires (2⁄3 des cas).
-Les formes primaires ou congénitales se manifestent souvent dans l’enfance.
Il existe des formes idiopathiques les plus fréquents (50%, en fait, on considère de plus en plus que
cette entité est la séquelle à long terme d’hypophysite ou de neuro-infundibulites), une forme
héréditaire autosomale dominante avec plus de 50 mutations hétérozygotes décrites du gène l’ADH-
neurophysine II et une forme récessive extrêmement rare.
Le syndrome de Wolfram ou DIDMOAD (Diabetes Insipidus, Diabetes Mellitus, Optic Atrophy,
sensorineural Deafness) est une maladie neurodégénérative avec diabète sucré par déficit en insuline
et atrophie optique ainsi qu’un diabète insipide en général partiel. Il est autosomique récessif
secondaire à des mutations du gène WFS1 qui code pour la wolframine, une protéine constitutive du
réticulum endoplasmique.
-DIC acquis ou formes secondaires: les étiologies pouvant entrainer un DIC sont :
-Chirurgie hypothalamohypophysaire (HT-HP), traumatisme crânien
-Tumeurs HT-HP : craniopharyngiomes, germinomes, , métastatses…
-Maladies infiltratives et infectieuse: sarcoïdose, histyocytose X, lymphocytes (hypophysite ou neuro-
infundibulite), tuberculose, syphilis, méningite
-Ischémie : syndrome de Sheehan, rupture d’anévrysme cérébral, état de choc
-Autres : arachnoïdocèle, malformation.

2-Diabète insipide néphrogénique : Il existe des formes congénitales et


acquises (Tableau2):
Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine
Module endocrinologie – Diabétologie
3
Cours : Les diabètes insipides
Benmohammed K.

-DIN congénital : Ce sont des formes familiales à révélation néonatale. Le pronostic vital est
immédiatement mis en jeu par le risque de mort par déshydratation ainsi que le risque de retard
mental (lié aux états de déshydratations méconnus ou traités tardivement). Le pronostic à long
terme dépend du retentissement rénal (risque d’insuffisance rénale).
Il existe des formes héréditaires liées à l’X (par mutation du gène du récepteur V2 de l’ADH, gène
appelé : AVPR2 situé sur la partie la plus distale du bras long du chromozome X, en Xq28), et des
formes autosomiques récessives et dominantes secondaires à des mutations du gène de
l’aquaporine 2 (AQP2, appartenant à la famille des canaux à l’eau, elle est exprimée au niveau de la
membrane apicale et des vésicules intracellulaires des cellules principales du tubule collecteur).
-DIN acquis : il est caractérisé principalement par une diminution de l’expression de l’AQP2 au niveau
des cellules principales du tubule collecteur. La cause la plus fréquente est l’administration chronique
de Lithium pour maladie psychiatrique.

3-Diabète insipide gestationnel : Un DI peut se manifester au cours d’une grossesse.


L’étiologie de cette entité clinique est la production placentaire d’une vasopressinase qui dégrade
l’hormone antidiurétique et provoque de ce fait une carence relative en ADH.

4-Polydipsie primaire : Une polyurie peut résulter d’un apport liquidien excessif sans
pathologie décelable dans la région hypothalamo-hypophysaire. Elle s’observe entre autres chez
certains patients souffrant de schizophrénie ou d’autres troubles psychiques. Des perturbations de la
sensation de soif s’observent rarement dans certaines pathologies du SNC (par ex.neurosarcoïdose),
entraînant également une polydipsie et un DI «dypsogène» sans aucune atteinte des neurones à
ADH.

Le diagnostic de la polydipsie primitive est difficile à poser car avec un apport liquidien excessif
chronique le pouvoir de concentration du rein diminue et peut donner fonctionnellement un DI
néphrogénique partiel problème abordée dans le chapitre des diagnostics différentiels.

V - Prise en charge thérapeutique : Elle dépend de l’étiologie


1-DIC : DDAVP = Desmopressine = Minirin® : possède une action antidiurétique prolongée, est
administré par voie nasale ou per os : 10 à 20 µg une à deux fois par jours.
2-DIN:
-régime pauvre en sel
-diurétiques : qui réalisent une contraction du volume extracellulaire et ramène le moins de volume
urinaire au niveau du tubule collecteur où l’anomalie d’absorption d’eau est présente.
-les inhibiteurs des prostaglandines : pris pendant de courtes durées (quelques semaines) peuvent
eux aussi diminuer la filtration glomérulaire.
L’hydrochlorothiazide (1 à 2 mg/kg/j) + indométacine (1,5 à 3 mg/ kg/j) peuvent diminuer de 30 à
50% le débit urinaire.
Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine
Module endocrinologie – Diabétologie
4
Cours : Les diabètes insipides
Benmohammed K.
Tableau 1 : Test de restriction hydrique

Epreuve de restriction hydrique


Indication : Diagnostic étiologique d’un syndrome polyuropolydipsique après avoir éliminé les autres causes évidentes (diabète sucré, hypercalcémie, hypokaliémie…) et
ce, afin de distinguer un déficit de production (diabète insipide central) ou d’action (diabète insipide néphrogénique) de l’ADH (l’hormone antidiurétique)

Principe : Ce test permet d’évaluer les capacités de concentration des urines (augmentation de l’osmolarité urinaire et diminution de la diurèse) sous l’action de l’ADH
- Lors de la restriction hydrique :
 En cas de potomanie (prise de boisson importante initiale avec diurèse de compensation secondaire) les reins vont réussir à concentrer les urines.
 En cas de diabète insipide central ou nephrogénique: Il n’y aura pas de concentration des urines, une diurèse qui va se poursuivre avec un risque de
déshydratation. La distinction entre les déficits de production ou le défaut d’action de l’ADH se fait en injectant de l’ADH recombinante (Minirin®) : En
cas de déficit en ADH, le minirin® va permettre la concentration des urines, ce qui n’est pas le cas s’il s’agit d’un défaut de sensibilité à l’ADH ( il n’y aura
pas de concentration des urines).

Contre indication: Natrémie ≥ 150 mmol/l


Précautions
- Le patient doit être hospitalisé avec une surveillance stricte vu le risque de déshydratation
- Les prélèvements d’ADH (si on peut les réaliser) doivent être mis immédiatement dans de la glace et centrifugés.

Modalités
- Le patient est à jeun, les boissons sont arrêtées depuis minuit la veille en cas de syndrome polyuropolydispsique (SPP) modérée (moins de 3 mictions nocturnes)
ou depuis 7 heures du matin en cas de SPP plus sévère (plus de 3 mictions nocturnes).
- Prélèvements sanguins avant le début de la restriction hydrique pour la mesure de l’osmolarité plasmatique + ADH si le dosage est disponible.
- Mesure chaque heure de la diurèse horaire, la densité, l’osmolarité et l’ionogramme urinaires jusqu’à la fin du test.
- Prélèvements sanguins de l’osmolarité, l’ionogramme, la créatinine à 7, 9, 11, 13, 15, 16 et 17 heures.
- La surveillance horaire de 7 à 17 heures : pouls, pression artérielle, poids
- Dosage sanguins de l’ADH à 7h et 15h (selon la fin de l’épreuve)
- Si le test est bien toléré (voir les critères d’arrêt plus bas), il est poursuivi jusqu’à 15 heures. A la fin de l’épreuve on réalise le test au Minirin® (voir infra).
Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine
Module endocrinologie – Diabétologie
5
Cours : Les diabètes insipides
Tableau 1 : Test de restriction hydrique (suite) Benmohammed K.

Test au minirin®
Continuer la restriction hydrique.
A la fin du test, on effectue de nouveaux prélèvements sanguins pour mesurer l’osmolarité plasmatique et l’ADH, puis on injecte en sous-cutané ½ ampoule à 4µg de
Desmopressine (minirin®) et on mesure ensuite le volume et l’osmolarité urinaire toutes les 30 minutes pendant 2 heures, toujours sous surveillance du pouls, de la TA
et du poids.

Les critères d’arrêt de l’épreuve sont :


- Soit en cas de déshydratation (perte de poids supérieure à 3 – 5 % de la valeur basale), hypotension (pression artérielle systolique ≤ 90 mmHg)
- Soit lorsque l’osmolarité urinaire se stabilise (n’augmentant pas de plus de 30 mosmol/kg pendant 2 heures consécutives).

Interprétation
1-Chez le sujet normal et en cas de potomanie:
- Il existe une bonne tolérance clinique
- Diminution de la diurèse < 30 ml/h (0,5 ml/mn)
- Concentration des urines avec une augmentation de l’osmolarité urinaire >600 mosmol/kg
- L’osmolalité plasmatique reste normale (< 300 mosmol/kg).
A noter qu’une potomanie ancienne et importante peut s’accompagner d’une absence de concentration des urines au premier test de restriction hydrique (une polyurie
chronique diminue le pouvoir de concentration du rein et l’absorption chronique d’un volume important de boisson diminue la sécrétion d’ADH stimulée par
l’osmolarité) d’où la nécessité de répéter le test après déconditionnement au préalable du patient en diminuant progressivement ses apports hydriques.
2-En cas de diabète insipide central ou nephrogénique:
- Apparition possible de déshydratation
- La diurèse reste élevée
- Persistance d’urines hypotoniques avec une osmolarité urinaire ≤ 600 mosmol/kg.
- L’effet de l’injection de Minirin permet de différencier le diabète insipide central par déficit en ADH (correction des anomalies : les urines se concentrent et
l’osmolarité plasmatique se normalise) du diabète insipide néphrogénique (pas de correction des anomalies).
L’interprétation du test en cas de diabète insipide partiel est très difficile.
Université Mentouri de Constantine / Faculté de Médecine
Module endocrinologie – Diabétologie
6
Cours : Les diabètes insipides
Benmohammed K.

Tableau 2 : Etiologies des Diabètes Insipides Néphrogéniques (DIN)

DIN dans sa définition restreinte : La perméabilité à l’eau du canal


collecteur rénal n’est pas augmentée par l’ADH :
- Héréditaire :
DIN lié à l’X (mutation du gène du récepteur V2 de l’AVP)
DIN autosomique récessif ou dominant (mutation du gène de l’aquaporine2)
- Hypercalcémie
- Hypokaliémie
- Médicaments :
Lithium, antagonistes non peptidiques des recepteurs V2 de l’ADH,
Démeclocycline, amphotéricine B, méthoxyflurane, diphénylhydantoïne, nicotine,
alcool.

DIN dans sa définition élargie : impossibilité d’établir un gradient


corticomédullaire rénal :
- Héréditaire :
Polyurie et tubulopathies héréditaires avec perte de sel et de potassium
- Insuffisance rénale : aigue et chronique (surtout néphrite interstitielle et
polykystose rénale)
- Uropathie obstructive
- Altération de la médullaire rénale :
Anémie falciforme
Amyloïdose
Syndrome de Sjõgren
Sarcoïdose
Hypercalcémie
Hypokaliémie
Malnutrition protéique
cystinose

Vous aimerez peut-être aussi