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Revue Sciences de Gestion, n° 72, p.

41 à 62

Structure de financement des PME


Françaises du secteur TIC

Ramzi Benkraiem
Professeur Assistant de comptabilité financière
Groupe Sup de Co Montpellier

Anthony Miloudi
Professeur associé de Finance
Groupe Sup de Co La Rochelle
CEREGE (Centre de Recherche en Gestion)

Les PME jouent un rôle crucial dans le développement des


innovations et la création d’emploi. Dès lors, leur financement
constitue un enjeu majeur. C’est dans cette perspective que cet article
vise à étudier la structure de financement des PME du secteur TIC.
L’analyse porte sur un échantillon de 539 PME-années étudiées de
2003 à 2006. Les résultats montrent que ces PME parviennent à
financer la croissance de leurs chiffres d’affaires et leurs opportunités
d’investissement par des dettes, notamment à long terme. Néanmoins,
elles paraissent rencontrer des difficultés à financer par ces mêmes
ressources leurs éléments d’actif.

Mots-clés : Structure du capital, Politique de financement, PME,


secteur TIC.
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

SMEs play a crucial role in innovation development and job


creation. Consequently, their financing constitutes a major stake. It is
from this standpoint that this article aims to study the financing
structure of SMEs in ICT industry. The analysis is based on a sample
of 539 SME-years studied from 2003 to 2006. The findings show that
these SMEs succeed to finance their turnover growth and investment
opportunities by debts, and especially those whose maturity is long-
term. Nevertheless, they appear to face difficulties of financing by
these same resources their assets.

Keywords: Capital structure, financing policy, SMEs, ICT industry.

Las pequeñas y medianas empresas desempeñan un papel crucial


en el desarrollo de las innovaciones y la creación de empleo. Desde
entonces, su financiamiento constituye una puesta superior. Es en esta
perspectiva que este artículo pretende estudiar la estructura de
financiamiento de las pequeñas y medianas empresas del sector de las
tecnologías de la información y de la comunicación. El análisis se
refiere a una muestra de 539 empresas estudiadas entre los años 2003
al 2006. Los resultados muestran que estas pequeñas y medianas
empresas llegan a financiar el crecimiento de sus volúmenes de
negocios y sus oportunidades de inversión por deudas,
particularmente a largo plazo. Sin embargo, aparecen encontrar
dificultades en financiar por estos mismos recursos sus elementos de
activo.

Palabras claves: Estructura del capital, Política de financiamiento,


pequeñas y medianas empresas, sector de las tecnologías de la
información y de la comunicación.

1. – Introduction

L’importance des PME dans la création de valeur et le soutien de


la croissance d’un pays n’est plus à établir. Selon des statistiques
récentes du gouvernement français ces entreprises créent plus des
deux-tiers de l’emploi salarié privé et engendrent 50% de la valeur
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 43

ajoutée1. On assiste depuis une vingtaine d’années dans les économies


occidentales à un développement croissant des PME dont le modèle
économique est fondé sur des actifs immatériels et sur la valorisation
du capital humain. C’est notamment le cas des PME du secteur des
Technologies de l’Information et des Communications (TIC). Ces
entreprises technologiques développent les produits et services
fondamentaux de la communication, des systèmes d’information, de la
connectique, des appareils de mesure et de contrôle, du matériel
informatique, etc. Les TIC constituent donc un facteur de productivité
et d’efficacité pour l’ensemble des entreprises du territoire. Une étude
du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie a montré
que les activités productrices des TIC représentent environ 5% du
produit intérieur brut français. En outre, près de 20% de
l’investissement en équipement des entreprises concernent les produits
et services fournis par les TIC.
Or, il semble que ces PME rencontrent des difficultés à trouver des
ressources financières nécessaires à la réalisation de leurs programmes
d’investissement. Deux principaux problèmes peuvent expliquer ces
difficultés. L’asymétrie d’information entre les dirigeants de PME et
les apporteurs de fonds paraît accru notamment lorsque les capitaux
doivent servir au financement de l’innovation. L’incertitude liée au
retour sur investissement fait naître un risque de faillite important.
Ainsi, les établissements de crédits sont réticents à financer de tels
projets. Les PME innovantes doivent alors se tourner, plus encore que
les autres, vers des modes de financement par fonds propres2. La
singularité de ce secteur d’activité impose une réflexion centrée sur
leur accession au crédit, c’est-à-dire sur leur possibilité de s’endetter
pour satisfaire leurs besoins de financement. Plus généralement,
l’étude des décisions en matière de politique d’endettement et des
modes de financement des entreprises a toujours constitué un axe
majeur de recherche tant sur le plan académique que professionnel.

1. Les lecteurs intéressés peuvent se référer au document du Ministère de l’Economie,


des Finances et de l’Industrie (MINEFI) intitulé : Les technologies de l’information et
de la communication : Industries, services et commerce de gros, Hors série Production
Industrielle, édition 2005.
2. L’objet de cette étude n’est pas de faire un état des lieux des modes de financement
par fonds propres. Il convient néanmoins de noter que l’explosion, durant les années 90,
des capitalisations boursières des valeurs technologiques a conduit à la constitution et à
l’éclatement d’une bulle spéculative, avec toutes les conséquences que nous avons
connues. Cet événement majeur a contribué à renforcer l’attrait du capital-
investissement (voir à ce propos le rapport de l’Association Française de
l’Investissement en Capital (2005)), même si ce mode de financement intervient surtout
à la création de la PME moins lors de sa phase de développement.
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Dans cette perspective, cet article étudie un ensemble de déterminants


de la structure du capital des PME françaises du secteur des TIC.
Une littérature théorique et empirique abondante est consacrée à
l’examen des déterminants de la structure du capital. Les études
pionnières de Hirigoyen (1982) sur le comportement en matière de
décision de financement des PME familiales et de Pettit et Singer
(1985) ont étendu le champ d’investigation relatif aux déterminants de
la structure du capital. Par la suite, un ensemble de travaux empiriques
a été mené (Van Der Wijst (1989) pour les Pays-Bas, Chittenden et al
(1996), Jordan et al (1998), Michaelas et al. (1999) et Hall et al.
(2000) en Angleterre, Sogorb-Mira (2005) en Espagne, Cassar et
Holmes (2003) en Australie). D’autres ont prolongé ces travaux en
considérant les caractéristiques sectorielles. Holmes et Kent (1991)
exploitent une base de données d’entreprises australiennes du secteur
de la métallurgie. Plus récemment, Magri (2007) compare les
structures financières des grandes sociétés et des PME italiennes du
secteur des technologies.
Ces articles traitant de la structure du capital des PME sont fondés
principalement sur les préceptes de la théorie du financement
hiérarchisé (pecking order) et de la théorie du ratio d’endettement
optimal (static trade-off). A l’instar de cette littérature empirique, une
analyse de régression multivariée est déployée dans cet article, en
considérant d’une part, des variables à expliquer relatives à différents
niveaux d’endettement (endettement global, à long-terme et à court-
terme), et d’autre part, des variables explicatives, notamment la
croissance, la tangibilité, la taille, la volatilité. Ces variables découlent
des deux principales théories évoquées précédemment.
Cette recherche exploite un échantillon de 539 PME-années
examinées sur une période de 4 ans (2003-2006). Elle aboutit à des
résultats singuliers. En particulier, ces entreprises rencontrent des
difficultés à s’endetter même si la dette doit servir à financer des actifs
corporels. En revanche, l’accès au crédit devient possible lorsque la
croissance des résultats nets est avérée. Au final, les prédictions de la
théorie du financement hiérarchisé sont corroborées. En effet, les
dirigeants de ces entreprises ont massivement recours aux capitaux
propres peut-être plus par nécessité que par choix stratégique. Plus
généralement, ces résultats peuvent intéresser les chercheurs et les
professionnels de la scène financière en contribuant à une meilleure
compréhension de la politique de financement des PME du secteur
TIC. Ils peuvent également être utilisés par les autorités
gouvernementales dans une période ou le financement des PME revêt
une importance majeure pour l’Etat français (Aubier and Cherbonnier,
2007).
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 45

La suite de cet article est organisée comme suit : la section 2


rappelle, d’une part, les principaux fondements théoriques, et fait
d’autre part un état des lieux des principales études empiriques traitant
des déterminants de la structure du capital des PME. La section 3
présente les données utilisées ainsi que la méthodologie déployée dans
cette étude. La section 4 présente les résultats empiriques obtenus.
Enfin, la section 5 tient lieu de conclusion.
2. – Cadre théorique et Revue de la littérature

Les travaux antérieurs ont identifié plusieurs variables explicatives


de la structure du capital. Néanmoins, ces études ne se fondent pas sur
les mêmes cadres théoriques et par conséquent n’emploient pas les
mêmes méthodologies statistiques. En outre, elles portent notamment
sur des entreprises de taille et de forme juridique différentes
(entreprises cotées, entreprises familiales, PME). Il convient dès lors
de présenter les théories employées dans cet article, ainsi que les
principales études empiriques visant à caractériser les déterminants de
la structure du capital des PME dans leur ensemble et des PME du
secteur des TIC en particulier. On mobilise conjointement la théorie
du ratio d’endettement optimal et la théorie du financement
hiérarchisé, afin de déduire un ensemble de déterminants de la
structure du capital des PME du secteur TIC.

2.1. Les fondements théoriques

La théorie du ratio optimal d’endettement permet d’expliquer


comment les entreprises parviennent à maximiser la valeur
actionnariale par la détermination d’un ratio d’endettement optimal.
Cette théorie se fonde sur un arbitrage entre des coûts de faillite, des
coûts d’agence, et des gains procurés par le recours à la dette, sous la
forme de déductibilité fiscale des intérêts. Ainsi, cette théorie prend en
considération trois facteurs : les économies d’impôt, les coûts de
détresse financière et les coûts d’agence. Les coûts de détresse
financière incluent des coûts directs et indirects liés aux processus de
liquidation et de réorganisation lorsque l’entreprise se trouve dans une
procédure de redressement. Or, ces coûts peuvent être plus importants
pour les PME (Andrade et Kaplan, 1998). Ils varient en fonction du
secteur d’activité, de la taille, de la tangibilité des actifs présents dans
le bilan comptable de l’entreprise. D’une manière générale, les
entreprises à fort potentiel de croissance sont souvent exposées à des
coûts importants liés à la mise en place de processus de recherche et
développement (R&D). En outre, l’entreprise qui finance tout ou
partie de ses investissements par endettement fait face à des coûts
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d’agence plus ou moins élevés (Jensen et Meckling, 1976). Ces coûts


surviennent lorsque l’entreprise est confrontée à des conflits d’intérêts
entre ses différentes parties prenantes, principalement entre les
dirigeants et les apporteurs de capitaux. Lorsque la société s’endette,
un conflit d’intérêt peut se révéler dès lors que les décisions
d’investissement ont des conséquences différenciées sur la valeur des
capitaux propres et sur la valeur de la dette. Un tel conflit a plus de
chance de se réaliser si l’exposition au risque de faillite de l’entreprise
est élevée. Dans ce contexte, les dirigeants peuvent prendre des
décisions en faveur des actionnaires mais au détriment des créanciers.
En conséquence, les coûts d’agence s’accroissent avec l’augmentation
du risque de faillite. Dès lors l’existence de ces coûts peut affecter les
choix des modes de financement et donc la structure du capital.
La théorie du financement hiérarchisé développée par Myers
(1984) et Myers et Majluf (1984) prévoit que les entreprises disposent
d’un ordre de préférence dans le choix des modes de financement.
L’asymétrie d’information entre les différentes parties prenantes de
l’entreprise est au cœur de cette approche. En particulier, cette théorie
met en exergue le fait que le dirigeant possède plus d’informations
que les apporteurs de capitaux (créanciers et actionnaires) sur
l’ensemble des décisions financières qui touchent l’entreprise. En
conséquence, les entreprises doivent privilégier en premier lieu
l’autofinancement, puis la dette à court terme suivi de la dette à long
terme et enfin l’émission d’actions. Cette théorie permet d’expliquer
pourquoi les entreprises les moins profitables sont généralement les
plus endettées car elles ne disposent pas suffisamment de capitaux
propres. Au final, la théorie du financement hiérarchisé, contrairement
à la théorie du ratio d’endettement optimal, n’envisage pas l’existence
d’un niveau d’endettement requis.

2.2. Les déterminants de la structure du capital des PME

D’une manière générale, les PME présentent des caractéristiques


communes en matière d’accès au financement, tant au niveau de
l’importance des asymétries d’information entre les dirigeants et les
apporteurs de capitaux qu’au niveau du coût du capital. Ibbotson et al
(2001) montrent que l’emploi des théories du financement hiérarchisé
et du ratio d’endettement optimal paraît être les mieux adaptées à
l’étude des déterminants de la structure du capital des PME. Ainsi la
quasi-totalité des travaux empiriques réalisés à partir d’échantillons de
PME sont partis de déterminants de la structure du capital identifiés
par l’emploi conjoint de ces deux théories.
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 47

La théorie du ratio d’endettement optimal met en exergue


l’existence de coût de détresse financière découlant de l’exposition au
risque de faillite de l’entreprise. Dans cette perspective, Pettit et
Singer (1985) ont montré que les sociétés cotées ont des probabilités
de faillite plus faibles que les PME. Autrement dit, la taille de
l’entreprise semble être une variable explicative de la structure du
capital. En effet, des travaux plus récentes (Michaelas et al, 1999,
Sogorb-Mira, 2005) mettent en lumière une relation positive entre le
niveau d’endettement et la taille de l’entreprise. Par ailleurs, ce
résultat est renforcé par l’argument de Rajan et Zingales (1995) pour
lesquels la taille constitue une approximation de la qualité des
informations détenues par les pourvoyeurs de fonds. Ce qui corrobore
l’hypothèse selon laquelle les asymétries d’information sont beaucoup
plus importantes pour les PME que pour les grandes sociétés.
L’existence de telles asymétries donne naissance à des conflits
d’intérêt beaucoup plus sévères pour les PME. En effet, Van der Wijst
(1989) montre que l’accès au crédit des PME est directement lié aux
coûts d’agence. Par conséquent, les créanciers exigent des garanties
qui se matérialisent par des nantissements sur les actifs corporels de
l’entreprise (Harris et Raviv, 1990). Ces actifs pourront être cédés par
les créanciers en cas de liquidation de l’entreprise. De fait, on peut
supposer l’existence d’une relation positive entre la tangibilité des
actifs de l’entreprise et le niveau d’endettement (Michaelas et al,
1999, Cassar et Holmes, 2003, Sogorb-Mira, 2005).
Les PME avec des opportunités de croissance sont perçues comme
très risquées par les apporteurs de fonds. Elles peuvent dès lors
rencontrer un problème de sous-investissement dû au fait que les
créanciers voudront réduire leur offre de crédit à l’égard de ces
entreprises. Ainsi Myers (1977) pose l’hypothèse selon laquelle il
existe une relation négative entre les opportunités de croissance et le
niveau d’endettement. Or, Michaelas et al (1999) montrent que les
PME ont recours le plus souvent à de la dette à court terme, ce qui
résout de fait le problème de sous-investissement. Dès lors, au niveau
des PME, les auteurs observent une relation positive entre les
opportunités de croissance et la dette principalement à court terme. De
leur coté, Chittenden et al (1996) et Jordan et al (1998) obtiennent des
résultats plus mitigés. D’une manière générale, la maturité de la dette
doit être prise en considération dans l’étude de la structure du capital
des PME. En effet, contrairement aux grandes entreprises, les PME
ont beaucoup plus recours à de la dette à court terme. De sorte que les
études empiriques sont unanimes à démontrer une relation positive
entre l’endettement à long terme et la taille de l’entreprise
(Osteryoung et al, 1992, Chittenden et al, 1996 et Hall et al, 2000).
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

La théorie du financement hiérarchisé permet de mettre en


évidence une relation négative entre la profitabilité et le niveau
endettement. Cette formulation théorique peut aisément être appliquée
à l’univers des PME. Les dirigeants de PME, souvent confondus3 avec
les actionnaires, ne voulant pas perdre le contrôle de l’entreprise,
favoriseront l’autofinancement pour réaliser leurs nouveaux
programmes d’investissements (Wijst et Thurik, 1993, Chittenden et
al, 1996, Jordan et al, 1998, Mishra et McConaughy, 1999). Ceci sera
d’autant plus vrai pour les PME les plus profitables. Dans le cas, où
les cash flows disponibles sont insuffisants, le dirigeant préfèrera
financer ses nouveaux projets par de la dette à court terme, et son
pouvoir de décision restera intact (Holmes et Kent, 1991).

2.3. Caractéristiques financières des PME du secteur TIC

Un préalable à l’application de ces deux théories aux PME du


secteur TIC concerne la prise en considération de leurs
caractéristiques. En effet, ces PME reflètent un certain nombre de
spécificités. En particulier, leur modèle économique se fonde sur
l’existence d’actifs intangibles et sur la valorisation du capital humain.
Ces éléments induisent une plus grande prise de risque pour les
pourvoyeurs de fonds due notamment à l’incertitude du retour sur
investissement. Cette attitude des créanciers vis-à-vis du risque des
PME innovantes s’explique en premier lieu par la probabilité de
faillite. En effet, les coûts directs et indirects de la faillite s’avèrent
très élevés. On observe notamment une forte dégradation des relations
clients et une démotivation des collaborateurs qui apportent la valeur
ajoutée à l’activité. En outre, l’appareil productif de ces entreprises est
principalement composé d’actifs immatériels, difficilement cessibles
en cas de liquidation de la société. Dans ce contexte, les dirigeants
voulant maximiser la valeur actionnariale seront incités à réaliser des
investissements plus risqués car potentiellement plus rentables. Dès
lors, les coûts d’agence s’aggravent entre les dirigeants - actionnaires
et les créanciers. Ainsi, la présence de coûts de détresse financière et
des coûts d’agence peut expliquer pourquoi certaines entreprises TIC
ont un faible niveau de dette. La disponibilité de la dette est donc
directement liée au risque. Cette notion de risque peut affecter les
prédictions à la fois de la théorie du ratio d’endettement optimal et de
la théorie du financement hiérarchisé par le biais de l’augmentation
des coûts de faillite et des coûts d’agence.

3. La structure de l’actionnariat des PME est composée le plus souvent des dirigeants,
de certains membres de leur famille et d’actionnaires dispersés.
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 49

D’un point de vue empirique, Hall (2002) observe que les PME
des secteurs technologiques ont le plus souvent recours à
l’autofinancement et très peu à la dette. Ce résultat est comparable à
celui de Magri (2007) pour laquelle, sur la période 1993-2000, les
PME italiennes innovantes utilisent en priorité les modes de
financement internes. Ce qui n’est pas le cas pour les entreprises
italiennes innovantes cotées en bourse qui ont beaucoup plus
facilement accès à la dette. L’étude de Nucci et al (2005) vient
enrichir ce débat. Ils obtiennent, à partir d’une base de données de
PME italiennes innovantes, une relation négative entre le niveau des
actifs intangibles et le niveau d’endettement. Ce qui est cohérent avec
les études citées précédemment (Michaelas et al, 1999, Cassar et
Holmes, 2003, Sogorb-Mira, 2005). D’une manière générale, l’accès
au crédit ne peut se faire que dans des conditions défavorables pour
les PME innovantes. Les créanciers renchérissent le coût de la dette
tout en diminuant son échéance. Ce résultat corrobore certaines
prédictions de la théorie du financement hiérarchisé.
Au final, les comportements des PME du secteur TIC en matière
de décision de financement peut a priori ne pas sembler très éloignés
de celui des PME d’autres secteurs d’activité. Néanmoins des
caractéristiques financières des entreprises TIC doit découler une
utilisation adaptée des différents modes de financement et notamment
du crédit. Les hypothèses concernant les relations entre les variables
explicatives retenues et les niveaux d’endettement total, à court et
long termes seront explicitées dans la section suivante.

3. – Méthodologie et Collecte des données

3.1. Collecte des données

Les informations comptables et financières utilisées dans le cadre


de ce travail proviennent de Diane. Cette base de données reprend les
états financiers des 10 dernières années de leur existence de près d’un
million de sociétés françaises. L’échantillon de départ est composé de
toutes les PME non financières ou assimilées disponibles durant la
période de 4 ans allant de 2003 à 2006. Les sociétés avec des données
manquantes sont exclues. Ensuite, les seules entreprises du secteur
TIC sont extraites. Une des questions cruciales à laquelle il convient
de répondre lorsque l’on s’intéresse à la structure du capital des
entreprises concerne la prise en compte d’une définition cohérente des
PME. Or, il n’existe pas de consensus dans la littérature. Jordan et al
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(1998) considèrent comme PME une entreprise de moins de 100


salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 15 millions d’euros.
De son coté, Michaelas et al (1999) place la barre à 200 salariés. A
l’instar de Sogorb-Mira (2005), il nous semble plus cohérent de retenir
les critères définis en 2005 par la commission européenne. Dès lors,
l’échantillon retenu est constitué de 539 observations de PME-années
qui emploient moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires
n’excède pas 50 millions d’euros. De plus, nous avons exclus toutes
les PME inscrites dans des procédures de redressement afin d’éviter la
présence de données dites aberrantes lors du traitement statistique.

3.2. Méthodologie

L’étude de la structure de financement des PME du secteur TIC


constitue un prolongement des travaux existant. Notre choix s’est
porté sur l’utilisation d’estimateurs MCO, rendant ainsi comparables
les résultats de cet article à ceux d’études antérieures (Carpentier et
Suret, 1999, Cassar et Holmes, 2003, Sogorb-Mira, 2005 notamment).
Par ailleurs des tests de linéarité ainsi que des tests d’auto-corrélations
effectués sur les résidus des régressions indiquent qu’il n’est pas
nécessaire d’utiliser des estimateurs relevant de la méthode des
moments généralisés (MMG). Cette méthode a notamment été
employée en données de panel par Kremp et Stöss (2001) sur un
échantillon hétérogène d’entreprises industrielles allemandes et
françaises, et par Gaud et al (2005) sur des entreprises cotées suisses.
Au regard de l’homogénéité de notre échantillon et des propriétés
statistiques de nos données, nous retenons le modèle de régression
multiple suivant que nous estimons sur toute la période d’étude
(régression « poolée ») selon la méthode statistique des moindres
carrés ordinaires (MCO) :

Yit {DT, DL or DC} = α0 + α1 ATit + α2 PRit + α3 CRit + α4 TAit + α5 VOit + α6 OIit + εit

Ce modèle examine l’effet de plusieurs caractéristiques financières


(voir plus loin pour les définitions et mesure des variables). La
régression multiple permet au chercheur de déterminer jusqu’à quel
point les valeurs des variables indépendantes peuvent prédire la
valeur de la variable dépendante. Cela revient à chercher la
combinaison de poids des variables indépendantes qui amèneraient
les valeurs prédites de la variable dépendante (Y) près de celles
réellement observées. L’objectif est de minimiser au maximum les
écarts entre les valeurs prédites et celles observées. Trois variables
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 51

dépendantes sont utilisées. Ces variables sont, pour chaque firme i


relative à l’année t, définies comme suit :

 DT = Dettes totales de l’entreprise divisées par l’actif total ;


 DL = Dettes à long terme divisées par l’actif total ;
 DC = Dettes à court termes divisées par l’actif total.
Le ratio des dettes totales est utilisé comme principale mesure de
la structure du capital des entreprises. Comme spécifié par Drobetz
and Fix (2005), en dépit de l’absence d’une définition unanimement
acceptée, le ratio des dettes totales est le plus employé par la
littérature académique. Le ratio des dettes à long terme est pris en
considération parce que les composantes de l’endettement peuvent
être hétérogènes. Cassar and Holmes (2003, p. 131) précisent que «
indépendamment des différences évidentes de maturité et de durée, la
dette à long terme est plus fixe et délibérée [que celle à court
terme] ». Le ratio des dettes à court terme est utilisé dans cette analyse
dans la mesure où les pourvoyeurs de fonds qui veulent attribuer un
prêt à une entreprise ne vérifient pas seulement son niveau
d’endettement à long terme, mais aussi celui à court terme (Nguyen
and Ramachandran, 2006).

3.3. Déterminants de la structure du capital et cadre d’hypothèses

En ce qui concerne les variables indépendantes et dans la lignée de


plusieurs travaux antérieurs (Drobetz et Fix, 2005 ; Cassar and
Holmes, 2003, etc.), les théories du ratio d’endettement optimal et du
financement hiérarchisé sont mobilisées pour déduire des
déterminants de la structure du capital. Nous exploitons dans le cadre
de cet article l’ensemble de déterminants suivant : la taille de l’actif
total (AT), la profitabilité (PR), la croissance des ventes (CR), la
tangibilité de l’actif (TA), la volatilité des résultats nets (VO) et les
opportunités d’investissement (IO).

Les variables indépendantes sont, pour chaque firme i relative à


l’année t, définies comme suit :
 AT = Ln (actif comptable total) ;
 PR = ROA (return on assets), résultat net divisé par
l’actif total ;
 CR = Croissance des ventes ;
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 TA = Actifs non courants divisés par l’actif total ;


 VO = Coefficient de variation du résultat net ;
 IO = Le ratio Q de Tobin.

La taille de l’actif est susceptible de signifier une plus grande


stabilité et un moindre risque pour les pourvoyeurs de fonds. Une
relation positive est alors attendue entre la taille de l’actif et le niveau
d’endettement. Néanmoins, cette relation peut varier selon la maturité
de la dette. Des travaux antérieurs aboutissent à un lien positif pour les
dettes totales et à long terme et à un lien négatif pour les dettes à court
terme (Osteryoung et al., 1992; Chittenden et al., 1996 et Michaelas et
al., 1999).
La profitabilité peut permettre de faciliter l’accès à l’endettement
pour l’entreprise. Pourtant dans certains cas, les entreprises préfèrent
financer leurs projets d’investissement en utilisant leurs ressources
internes puisque les ressources externes sont plus couteuses en termes
de contrôle et d’indépendance. Ce raisonnement soutient un lien
négatif entre la profitabilité et l’endettement (Van der Wijst et Thurik,
1993; Chittenden et al., 1996; Jordan et al., 1998; Michaelas et al.,
1999 and Mishra et McConaugh, 1999).
La tangibilité de l’actif peut augmenter la valeur de liquidation de
l’entreprise et réduire par conséquent le risque pour les pourvoyeurs
de fonds. La tangibilité devrait donc être positivement reliée à
l’endettement de l’entreprise, en particulier les dettes totale et à long
terme (Jordan et al., 1998; Michaelas et al., 1999; Cassar et Holmes,
2003).
La volatilité des résultats peut accroître le risque d’insolvabilité
aux yeux des apporteurs de fonds. Elle peut aussi aggraver les
problèmes d’asymétrie d’information entre les dirigeants et les
préteurs puisque ces derniers auront du mal en cas de forte volatilité à
anticiper les résultats futurs (DeAngelo et Masulis, 1980). La volatilité
devrait donc être négativement associée à l’endettement de
l’entreprise.
Enfin, plusieurs recherches antérieures ont utilisé le ratio Q de
Tobin pour identifier les opportunités d’investissement (Gugler et al.,
2004; Blose et Sheih, 1997). Ce ratio, défini comme le rapport entre la
valeur du marché et la valeur comptable de l’entreprise, est utilisé
comme mesure des opportunités d’investissement. Une moyenne de ce
ratio supérieure à 1 signifie que l’entreprise affiche des opportunités
d’investissement profitables, et vice versa (Lang et Litzenberger,
1989). Un haut niveau de ce ratio peut révéler d’importants besoins de
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 53

financement. Par conséquent, ce ratio devrait être positivement corrélé


aux différentes mesures d’endettement.

4. – Résultats empiriques

4.1. Statistiques descriptives

Un préalable à l’étude empirique consiste à établir les statistiques


descriptives à la fois des variables dépendantes et indépendantes
présentées ci-après dans le tableau 1. Le premier constat concerne les
dettes totales des entreprises durant la période 2003-2006. Elles
s’élèvent en moyenne (médiane) à 38% (32.3%) de l’actif total. Les
dettes à long terme sont en moyenne de 10,5% alors que celles à court
terme de 27,5%. Dans une étude similaire Cassar et Holmes (2003)
montrent que les dettes à long terme représentent 17% de la structure
du capital d’un échantillon de PME australiennes tout secteur
d’activité confondu. Il semblerait que les PME du secteur TIC
utilisent plus les dettes à court terme pour financer leurs opérations
que les PME d’autres secteurs.
En ce qui concerne les variables indépendantes, on constate que la
taille de l’actif comptable total s’élève à 9.368 millions d’euros. La
profitabilité mesurée par le ratio ROA (return on assets) s’élève quant
à elle en moyenne à 0,7%, ce qui veut dire que le résultat net des
entreprises françaises représente en moyenne moins de 1% de l’actif
total. La croissance des ventes atteint en moyenne 50,4%. Toutefois,
cette moyenne est de -5.2% pour le premier quartile et est de 40,9%
pour le troisième quartile. La tangibilité est en moyenne égale à 42%,
ce qui veut dire que l’actif total des sociétés françaises TIC est
constitué pour presque la moitié par des actifs non courants (actifs
immobilisés et stocks). La volatilité des résultats nets affiche une
valeur de l’ordre de 63%. Enfin, les opportunités d’investissement,
mesuré par le Q de Tobin, affichent une moyenne de 6,038. Ces ratios
sont largement supérieurs à 1, ce qui indique qu’en moyenne les
entreprises TIC ont de très grandes opportunités de croissance. Parmi
tous ces facteurs, celui relatif aux opportunités d’investissement
montre la ‘variabilité’ la plus importante puisque son écart type est le
plus élevé.
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

Tableau I : Statistiques descriptives

Moyenne Médiane Ecart-type Centiles


25 50 75

DT 0,380 0,323 0,266 0,201 0,323 0,498


DL 0,105 0,046 0,160 0,004 0,046 0,143
DC 0,275 0,236 0,190 0,139 0,236 0,374
AT 9,368 9,367 1,404 8,421 9,367 10,302
PR 0,007 0,020 0,167 -0,042 0,020 0,078
CR 0,504 0,126 2,363 -0,052 0,126 0,409
TA 0,420 0,384 0,242 0,214 0,384 0,608
VO 0,630 -0,278 22,853 -1,032 -0,278 0,800
OI 6,038 1,194 43,997 0,479 1,194 3,285

Le tableau 2 présente la matrice de corrélation de Pearson entre les


variables indépendantes. Ce tableau nous permet d’examiner un
possible degré de colinéarité entre les différentes variables
explicatives. Comme attendu, il montre certaines corrélations
statistiquement significatives. A titre d’exemple, la taille de l’actif
comptable est positivent corrélée à la tangibilité au seuil de 1%. Aussi,
la taille de l’actif est négativement reliée aux opportunités
d’investissement au même seuil de 1%, ce qui montre que les sociétés
dont la taille de l’actif est grande sont celles qui affichent les
opportunités d’investissement les moins importantes car on peut
penser que ces entreprises sont parvenues à leur phase de maturité.
Globalement et malgré certaines corrélations statistiquement
significatives entre des variables explicatives, les coefficients ne
semblent pas assez élevés (inférieurs au seuil de 0,5 selon Grace et
Koh, 2005) pour causer des problèmes de multi-colinéarité. A titre
de comparaison, les niveaux de corrélations obtenus sont
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 55

comparables à ceux de Sogorb-Mira (2005) et Cassar et Holmes


(2003).

Tableau II : Matrice de corrélation de Pearson

AT PR CR TA VO OI

AT 1 -0,128** -0,058 0,456** 0,033 -0,284**


(0,003) (0,184) (0,000) (0,454) (0,000)
PR 1 0,044 -0,219** -0,065 0,010
(0,315) (0,000) (0,137) (0,819)
CR 1 -0,071 0,068 0,015
(0,106) (0,120) (0,731)
TA 1 0,031 -0,117**
(0,483) (0,007)
VO 1 0,005
(0,903)
OI 1
**indique un niveau de significativité à 1% de marge d’erreur.

4.1. Analyse multivarié

Le tableau 3 présente les résultats empiriques du modèle de


régression multiple proposé. Les trois spécifications de ce modèle
présentent des coefficients de détermination ajustés (R2 Ajustés :
pouvoirs explicatifs) allant de 18,4% à 37,3%. Il faut noter que la
majorité des coefficients sont statistiquement significatifs au seuil
de 1% à l’exception de ceux relatifs à la variable explicative (VO).
Il n’existe donc pas de relation entre la volatilité des résultats et le
niveau d’endettement et ce quel que soit la maturité de la dette.
D’une manière générale, les différents modèles mettent en évidence
une qualité d’ajustement satisfaisante, comme le montre les niveaux
atteints par la statistique de Fisher.
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

En outre, l’examen de différents tests statistiques4, notamment de


linéarité des résidus des régressions et d’auto-corrélation, nous
permet de nous assurer du respect des hypothèses sous-jacentes à
l’estimation par les moindres carrés ordinaires (M.C.O.). En effet, la
valeur de l’écart type des variables dépendantes excède celle de son
résidu ce qui confirme la linéarité des régressions (Grace et Koh,
2005). En effet, les variables explicatives doivent être linéairement
indépendantes c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas expliquer la même
chose, auquel cas il serait inutile de toutes les considérer. Le test de
cette hypothèse est assuré par l'examen de la tolérance et du facteur
d'inflation de la variance (VIF). Nous obtenons des paramètres (VIF)
inférieurs à 4 et les valeurs de tolérance sont supérieurs à 0,25 ce qui
indique l’absence de problème de multi-colinéarité. Les valeurs du
test de Durbin-Watson (D-W)5 tendent vers 2 ce qui montre
l’absence de problème d’auto-corrélation des termes d’erreur des
différentes spécifications du modèle d’analyse.
La taille de l’actif total6 est négativement reliée aux dettes totales.
En distinguant les dettes en fonction de leur maturité, cette même
variable est positivement reliée aux dettes à long terme et
négativement reliée aux dettes à court terme. Seul le dernier
coefficient de corrélation est statistiquement significatif au seuil de
1%. Ces résultats semblent montrer que les PME françaises du secteur
TIC font face à des difficultés pour financer leurs actifs par des dettes.
En particulier le lien négatif entre la taille de l’actif et les dettes à
court terme signifie que le volume de ces dettes évolue en proportions
moindres que celui de l’actif total. Ce constat peut s’expliquer par des
restrictions de durée d’endettement imposées par les pourvoyeurs de
fonds aux PME du secteur TIC puisque celles-ci sont généralement
considérées comme plus risquées. La singularité de ce résultat tient au

4. Pour des raisons de concision, les résultats de certains tests ne sont pas reportés. Ils
sont néanmoins disponibles sur demande aux auteurs.
5. La statistique de Durbin-Watson (D-W) teste l’auto-corrélation des résidus en mettant
à l’épreuve les deux hypothèses alternatives suivantes ;
H0 : Il n’y pas d’auto-corrélation des résidus.
H1 : Il y a une auto-corrélation positive ou négative des résidus.
Trois types de résultats peuvent être obtenus :
1) Le D-W tend vers 2 : Il n’y a pas d’autocorrélation.
2) Le D-W < 2 et tend vers 0 : Il y a autocorrélation positive.
3) Le D-W > 2 et tend vers 4 : Il y a autocorrélation négative.
Ainsi, la statistique D-W est comprise entre 0 et 4 (0 ≤ D-W ≤ 4).
6. L’utilisation de l’actif total à la fois comme dénominateur pour la variable
dépendante et variable explicative peut soulever la question d’une possible inférence
statistique. Il est à signaler que nous avons reproduit les mêmes analyses en remplaçant
l’actif total (pour la variable indépendante) par la taille de la capitalisation boursière.
Les résultats sont sensiblement similaires.
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 57

fait que les structures de capital des entreprises TIC sont surpondérées
en capitaux propres, eu égard aux niveaux d’endettement total moyen
(38% dont 10,5% à long terme) très inférieur à la moyenne des PME
d’autres secteurs d’activité. En effet, Cassar et Holmes (2003)
obtiennent un endettement total moyen de 57% sur leur échantillon de
PME australiennes, tandis que celui de Sogorb-Mira (2005) s’établit à
61% à partir d’un échantillon de PME espagnols. Il vient que le sens
des relations entre la taille et les différents niveaux d’endettement
qu’ils obtiennent ne corroborent pas ceux que nous obtenons.
De façon cohérente avec les arguments de la théorie du
financement hiérarchisé, la profitabilité de l’entreprise est
négativement reliée aux différentes mesures d’endettement. La
relation est statistiquement négative au seuil de 1% pour les dettes
totales et les dettes à long terme. Globalement ces résultats sont
unanimement obtenus dans la littérature (Chittenden et al., 1996;
Jordan et al., 1998; Michaelas et al., 1999 and Mishra et McConaugh,
1999). Ils suggèrent que les dirigeants des sociétés hautement
profitables semblent préférer les ressources internes aux moyens de
financement externes. Ainsi, ils paraissent privilégier les sources de
financement qui ne réduisent pas leur niveau de propriété et de
contrôle.
La variable croissance des résultats nets est positivement et
significativement corrélée aux dettes totales et à long terme. Cette
corrélation est nulle et non significative pour les dettes à court terme.
Ce résultat indique que les PME du secteur TIC parviennent à financer
la croissance par des dettes et en particulier des dettes à long terme.
Les créanciers consentent à accorder des crédits à long terme dès lors
que la croissance est avérée, autrement lorsque les investissements ont
permis une augmentation du chiffre d’affaires qui se traduit par une
élévation du bénéfice net.
La tangibilité de l’actif affecte également la structure du capital
des entreprises. En effet, la tangibilité est négativement et
significativement corrélée aux dettes totales et à court terme. Par
contre, elle est non significativement corrélée aux dettes à long terme.
La corrélation négative entre la tangibilité et les dettes totales
contredit les prédictions de la théorie du ratio d’endettement optimal.
Ce résultat inattendu semble soulever un problème structurel. Ils
mettent en évidence les difficultés rencontrées par les PME du secteur
TIC à financer leurs éléments d’actif tangible au moyen du crédit.
La volatilité des résultats nets ne semble pas influencer les dettes
totales et à court terme des PME du secteur TIC. Ce résultat, assez
surprenant, peut notamment s’expliquer par le fait que les pourvoyeurs
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

de fonds anticipent une forte volatilité des résultats pour cette


catégorie particulière d’entreprises.
La variable opportunités d’investissement est positivement liée
aussi bien aux dettes totales qu’aux dettes à long terme. Dans les deux
cas, la relation est statistiquement significative au seuil de 1%. Ces
résultats montrent que les PME du secteur TIC arrivent à financer
leurs opportunistes d’investissement par des dettes, et en particulier
celles dont la maturité est à long terme.
Tableau III : Résultats de régression
Panel A : Panel B : Panel c :
Dettes totales Dettes à long terme Dettes à court terme

AT -0,040** 0,002 -0,042**


[-4,661] [0,387] [-7,431]
(0,000) (0,699) (0,000)
PR -0,388** -0,352** -0,036
[-6,432] [-9,017] [-0,897]
(0,000) (0,000) (0,370)
CR 0,009* 0,009** 0,000
[2,248] [3,502] [-0,030]
(0,025) (0,001) (0,976)
TA -0,350** -0,042 -0,308**
[-7,789] [-1,453] [-10,360]
(0,000) (0,147) (0,000)
VO 0,000 0,000 0,000
[0,442] [0,553] [0,127]
(0,658) (0,580) (0,899)
OI 0,005** 0,004** 0,001
[4,146] [5,552] [0,833]
(0,000) (0,000) (0,405)
Constante 0,883** 0,082 0,800**
[11,211] [1,617] [15,377]
(0,000) (0,107) (0,000)
STRUCTURE DE FINANCEMENT DES PME FRANÇAISES DU SECTEUR TIC 59

R2 Aj. 29,20% 18,40% 37,30%


F. 37,043 20,723 53,077
P. < 1% < 1% < 1%
D-W 1,966 2,010 1,950
Note : Le tableau présente les coefficients de corrélation, statistiques [t] et valeurs (P).
**indique un niveau de significativité à 1% de marge d’erreur. *indique un niveau de
significativité à 5% de marge d’erreur.
5. – Conclusion

Le financement des PME est d’une importance capitale pour


l’économie française, car ce sont elles, plus encore que les grands
groupes, les vecteurs les plus puissants de l’innovation et de l’emploi.
Partant de ce constat, ce papier s’est donné comme objectif d’étudier
un ensemble de déterminants de la structure du capital des PME
françaises du secteur des TIC. Ce travail s’est fondé sur la théorie du
financement hiérarchisé et la théorie du ratio d’endettement optimal.
L’analyse empirique a porté sur un échantillon de 539 PME-années
examinées sur une période de 4 ans (2003-2006). Plusieurs résultats
singuliers sont à mettre en perspectives. Les PME françaises du
secteur TIC ont des difficultés en matière d’accès au crédit. Les
relations entre la taille de l’actif et les dettes totales et à court terme
sont négatives. Ce qui signifie que le volume de ces dettes évolue en
proportions moindres que celui de l’actif total. Au vu de l’importance
relative des dettes à court terme, les créanciers semblent imposer des
restrictions de durée d’endettement. Par ailleurs, ces derniers adoptent
un autre comportement dès lors que la croissance des résultats nets et
les opportunités de croissance sont avérées. Dans ce contexte, ils
consentent à leur accorder des crédits. Au final, ces résultats sont en
accord avec les prédictions de la théorie du financement hiérarchisé.
Les dirigeants des PME du secteur TIC financent leurs
investissements en grande majorité par des capitaux propres comme
en témoigne le faible niveau moyen d’endettement à long terme
(10,5%). Ils conservent ainsi leur pouvoir de contrôle sur l’entreprise
même si la question se pose de savoir si ces choix en matière de
décision de financement ne sont pas plus contraints que voulus.
L’incapacité des PME du secteur TIC à réaliser la totalité de leurs
programmes d’investissement en ayant recours à l’endettement est un
constat préoccupant. Il n’est d’ailleurs pas nouveau et nombreux sont
les observateurs (professionnels et législateurs) à avoir identifié cette
difficulté. Les législateurs conscients de l’importance des politiques
de soutien à la création et au développement de ces entreprises,
signent le 1er décembre 2004 le « Pacte PME » avec 12 grandes
Ramzi BENKRAIEM & Anthony MILOUDI

entreprises françaises. Ce pacte prévoit notamment un volet


financement de la R&D, en faisant intervenir des institutions
publiques (OSEO, Comité Richelieu) et des investisseurs privés
(capital-investissement)7. Sur ce dernier point, Savignac (2006)
soulignent les limites de l’intervention des banquiers traditionnels et
prônent le recours aux investisseurs privés qui apportent aux PME, les
capitaux nécessaires à leur démarrage, à leur développement et à leur
transmission. Ainsi, le capital-investissement peut-être perçu comme
un moyen alternatif de financement par fonds propres des PME
innovantes en général et des PME du secteur TIC en particulier.

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