Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
C C
P RATIQUE
e
m
a
g a z i n
DIMENSIONNEMENT
DES STRUCTURES EN
BOIS 3e PARTIE : REPRISE DES
POUSSEES LATERALES
EXERCEES PAR LES CHAR-
Dans un premier volet de l’article, nous avons abordé le PENTES DE TOITURE
dimensionnement des structures de planchers en bois. Dans Laurent Lassoie, ing., conseiller
le second volet consacré aux structures de toitures en bois, principal, division des Avis techniques,
nous nous sommes attachés à expliciter la théorie permet- CSTC
tant de dimensionner les éléments en bois travaillant es-
sentiellement en flexion simple. Nous avons également proposé des tableaux dont
l’objectif principal était de fournir une aide au dimensionnement de ces structu-
res. Ce troisième et dernier volet est, quant à lui, exclusivement consacré à la
problématique de la reprise des poussées latérales au pied des structures portantes
de toitures inclinées. Nous avons en effet constaté que, dans de nombreux cas, la
reprise des poussées au vide n’avait pas été envisagée et qu’elle donnait parfois
lieu à l’apparition de défauts lorsque les pieds de charpente prennent appui sur des
maçonneries. Ces défauts se manifestent le plus souvent par l’apparition de fissu-
res d’allure horizontale dans les joints des maçonneries (fig. 1), par un déverse-
ment vers l’extérieur de ces dernières, par la présence de fissures verticales au
droit des liaisons avec les murs de refend (fig. 2) ou par des fissures inclinées dans
ces derniers.
1 PRINCIPES THEORIQUES
33 HIVER 2002
S T
C C
e
m
a
g a z i n
1 3
1. Arbalétrier
2. Panne posée perpendiculaire-
ment au plan du versant
3. Panne faîtière
4. Sablière
5. Chevrons
5 2
4
Fig. 3 Charpen-
te traditionnelle //
n ne
avec ferme pa
e
intermédiaire. ax nt
rsa
ve
panne placée
verticalement
FERMETTE EN FORME DE A
FERME "WW"
◆ des fermettes préfabriquées ou assemblées poussées s’exerçant entre les fermes et entre
sur chantier (voir fig. 4). ces dernières et les murs pignons (déformation
des pannes) ainsi que les poussées se dévelop-
Quel que soit leur principe constructif, les pant au droit des fermes si ces dernières ne
structures de toitures inclinées transmettent des sont pas entièrement triangulées (absence d’un
efforts horizontaux au droit de leurs appuis entrait au pied des fermes). Dans ce cas, nous
fixes. Ces efforts horizontaux peuvent être re- renvoyons aux commentaires ci-après concer-
pris par différents systèmes, notamment par nant les fermettes.
des tirants positionnés à la base des fermettes,
par une structure en béton armé sur laquelle Ci-après, nous considérerons essentiellement
sont fixées les sablières, etc. les cas les plus défavorables où, pour des rai-
sons pratiques (gain de place) et économiques,
Lorsque les pannes prennent appui sur une ou les sablières ont été positionnées sur une ma-
plusieurs fermes, il y a lieu de reprendre les çonnerie érigée sur un plancher (voir fig. 5).
34 HIVER 2002
S T
C C
P RATIQUE
e
m
a
g a z i n
Fig. 5 Sablière positionnée sur une maçonnerie nale totale Ra s’exerçant sur les chevrons.
érigée sur un plancher.
Cette incertitude relative aux liaisons (mouve-
ments dans les assemblages) entre les diffé-
rents éléments remet donc en question le fait
Chevron Panne que les composantes horizontales des forces
longitudinales s’annulent de part et d’autre de
la panne faîtière, et ce d’autant plus que les
versants peuvent être de pente et/ou de lon-
gueur différentes et que leur charge n’est pas
Sablière toujours simultanée et symétrique. La réaction
totale Ra peut être calculée à l’aide de la for-
mule suivante :
Maçonnerie portante
Ra = (1,35 x Gk x sin α + 1,50 x Sn x sin α x
Structure de plancher cos α) x lv
où α = l’angle de la pente du versant par
rapport à l’horizontale
lv = la longueur du versant (m)
Gk = les charges permanentes (N/m2)
Sn = la charge de neige (N/m2).
35 HIVER 2002
S T
C C
e
m
a
g a z i n
Dans ce contexte, la norme NBN B 03-003 [2] vent éventuellement s’accompagner d’un
préconise de limiter la déformation horizonta- désaffleurement prononcé.
le des éléments verticaux à h/500, avec un
maximum de 6 mm, h correspondant à la hau- ❒ Une seconde possibilité est la reprise de la
teur de la maçonnerie. Il faut toutefois tenir composante horizontale s’exerçant au droit des
compte du fait que de telles valeurs de défor- pieds de versant par une poutre de ceinture en
mation ne permettent pas d’éviter l’apparition béton armé spécialement dimensionnée à cet
de fissures dans une maçonnerie ou entre cette effet. Etant donné que la largeur de cette pou-
dernière et la structure de plancher. tre est généralement assez réduite (14 ou
19 cm), il y a lieu de prévoir des retours à des
Nous examinerons ci-après les dispositions pré- intervalles réguliers dans les maçonneries de
ventives envisageables lorsque la structure de refend qui constitueront les appuis de la pou-
toiture (traditionnelle ou constituée de fermet- tre. Les longueurs d’ancrage de ces retours doi-
tes) est établie sur des parois érigées sur le vent permettre de reprendre les réactions d’ap-
plancher du grenier (fig. 5). Nous aborderons pui R de la poutre de ceinture (fig. 7).
également les éventuels remèdes lorsque les
poussées ont engendré des fissurations et/ou Les longueurs d’ancrage peuvent être détermi-
un déversement des maçonneries. nées en fonction de la réaction d’appui qui doit
être reprise par la résistance au cisaillement de
la liaison entre le béton et la maçonnerie. Une
2 DISPOSITIONS
PREVENTIVES
Au préalable, il faut préci-
ser qu’il existe un grand
première approximation permet de considérer
que cette résistance au cisaillement avoisine
celle de la maçonnerie ou du mortier. Dans ce
nombre de possibilités pour cas, la longueur d’ancrage peut être détermi-
reprendre les poussées horizontales qui se née par la formule suivante :
manifestent au pied des versants. Il est donc
γM ×R
impossible de les citer toutes dans le présent l≥
article. Nous examinerons ci-après les solu- b × fvk
tions le plus fréquemment préconisées. où γM = le coefficient de sécurité sur la ma-
çonnerie (2,5)
❒ L’idéal est évidemment de concevoir et de R = la réaction d’appui (N)
réaliser une paroi en béton armé encastrée à sa b = la largeur du retour de la poutre de
base ou, tout au moins, appuyée (retenue) au ceinture (mm)
niveau de la structure du plancher. En effet, fvk = la résistance caractéristique au ci-
comme explicité ci-avant, les parois situées au saillement de la maçonnerie (N/mm2).
pied des versants sont soumises à des sollicita-
tions de flexion horizontale et verticale. Si l’on fvk peut être déterminée par la formule sui-
dimensionne l’élément de sorte qu’il résiste vante :
uniquement à une flexion verticale, on ne fvk = fvk 0 + 0, 4 × σ d ( N mm 2 )
pourra exclure l’apparition de fissures dans la où fvk0 = la résistance caractéristique au ci-
paroi (paroi en maçonnerie armée, p. ex.) ou saillement de la maçonnerie pour une con-
au droit du plancher porteur, fissures qui peu- trainte de compression nulle (voir NBN
ENV 1996-1-1 [3]) (N/mm2)
armature
continue
R
b
36 HIVER 2002
S T
C C
P RATIQUE
e
m
a
g a z i n
σd = la contrainte de compression verti- ries armées dans les deux directions. En effet,
cale permanente s’exerçant sur le retour les poussées engendrées au pied du versant in-
de la poutre de ceinture (N/mm2). duisent des sollicitations en traction par flexion
perpendiculaire et parallèle aux joints horizon-
En guise d’exemple, on peut considérer une taux. Or, en cas de flexion perpendiculaire aux
poutre de 4 mètres de portée et une contrainte lits de pose, les armatures disposées horizon-
de compression nulle sur la maçonnerie de re- talement sont inopérantes (voir fig. 8).
fend. La résistance au cisaillement fvk0 est fonc-
tion des caractéristiques des matériaux (mor-
tier de pose et type de briques ou de blocs). Si LA RÉSISTANCE (fxk1) EST DÉPASSÉE : Fig. 8 Résistance
l’on considère que fvk0 est égale à 0,30 N/mm2 L’ARMATURE EST INOPÉRANTE en traction par
et que σd est négligeable, on constate que la flexion perpendi-
longueur minimum d’ancrage l sera de l’ordre fxk1 ≈ 0, 25 N / mm 2 culaire et parallèle
aux joints horizon-
de 1,20 mètre. Il est évident qu’une charge
taux.
permanente (poids propre des maçonneries) sur
le mur renfermant le retour en béton armé cons-
titue un élément susceptible de diminuer sen-
siblement la longueur d’ancrage, étant donné
qu’il influence directement la résistance au ci-
saillement de la maçonnerie (σd). FLEXION
PERPENDICULAIRE
En l’absence de murs de refend, on peut envisa- AUX JOINTS
ger la réalisation de “colonnettes” munies d’un HORIZONTAUX
retour vers l’intérieur du bâtiment et ancrées
dans la structure du plancher. Si cette dernière
disposition n’est pas possible, il y a lieu de
reporter les charges vers le plancher inférieur
de l’étage ou même jusqu’aux fondations.
37 HIVER 2002
S T
C C
e
m
a
g a z i n
ration au droit de la liaison avec le plancher, Msd = le moment de flexion résultant des
voire dans un joint de la maçonnerie. Tout charges latérales (Nmm)
comme les poutres de ceinture en béton armé, γs = le coefficient de sécurité applicable à
les éléments de retour doivent être prolongés l’acier (1,15)
dans des murs de refend à intervalle régulier fyk = la résistance caractéristique en trac-
(voir fig. 9). En l’absence de murs de refend, tion de l’acier (N/mm2)
la réalisation de colonnettes en béton armé tel- z = le bras de levier (voir [3]) (mm).
le que proposée ci-avant pourrait technique-
ment être envisagée. Les cas où cette façon de procéder est possible
sont toutefois relativement limités, étant don-
né que les calculs mènent à des pourcentages
Fig. 9 Poutre de ceinture avec armatures
horizontales préfabriquées. d’armature assez élevés. A titre d’exemple,
pour des efforts horizontaux de 10 kN/m et
une distance entre appuis de 4 mètres, il y aurait
lieu de prévoir, en zone tendue, une section
d’armature d’approximativement 300 mm2 par
mètre courant de hauteur de maçonnerie. Si
l’on considère cinq lits de blocs sur cette hau-
teur de 1 mètre, on pourrait utiliser théorique-
ment des armatures de plus de 9 mm de diamè-
tre. Or, les armatures préfabriquées dites “ar-
matures à treillis” ont habituellement des dia-
mètres de 4 ou 5 mm.
38 HIVER 2002
S T
C C
P RATIQUE
e
m
a
g a z i n
Fig. 11 Fermette Faux-entrait long terme de la structure du plancher (plan-
complètement cher en bois, p. ex.).
triangulée.
❒ Une pratique de plus en plus courante con-
Entrait
siste à “suspendre” les fermettes en forme de
Arbalétrier A à une poutre faîtière de grande inertie, ce
Arbalétrier
qui, théoriquement, empêche dans une large
mesure les poussées de se manifester au pied
du versant. En effet, en l’absence de déforma-
ce habitable réduit. Les fermettes sans entrait tion de la poutre faîtière et en présence d’un
(fermette en forme de A, p. ex.) ne devraient assemblage rigide des arbalétriers à cette der-
être prévues que lorsque le support est suscep- nière, les composantes horizontales des forces
tible de reprendre des poussées latérales (struc- agissant dans le plan des versants s’annulent
ture en béton armé, p. ex.). La présence d’un théoriquement (fig. 13).
faux-entrait, bien que bénéfique, ne permet pas
de supprimer entièrement les poussées hori- Fig. 13 Assemblage de demi-
zontales au pied du versant. Une pratique cou- Composantes horizonta-
fermettes de part et d’autre les des forces qui
rante consiste à transmettre une partie des for- d’une poutre en treillis. s’annulent
ces s’exerçant au pied des charpentes directe-
ment à la structure de plancher via des jambes
de force (voir fig. 12).
39 HIVER 2002
S T
C C
e
3
m
a
g a z i n
REMEDES Il est toujours très délicat pas destiné à des locaux d’habitation ou que
de préconiser l’un ou l'autre les éléments métalliques puissent être dissi-
remède envisageable. Chaque situation est par- mulés dans l’épaisseur du plancher. Le posi-
ticulière et nécessite donc une étude spécifi- tionnement d’un câble tous les 2 mètres suffit
que. D’une manière générale, il convient dans à éviter d’éventuels désagréments. Il convient
un premier temps d’étudier la stabilité de la toutefois de prévoir l’utilisation de tendeurs
charpente et de contrôler l’évolution de ses dé- qui seront, si nécessaire, ajustés régulièrement
placements. Si ces derniers sont stables et que et qui devront dès lors rester accessibles. Cette
le déplacement des maçonneries reste limité solution peut également s’envisager (éventuel-
(≤ 6 mm), on peut éventuellement envisager lement à titre provisoire) pour reprendre les
de laisser la situation telle quelle et de mas- poussées s’exerçant au pied des fermes.
quer les fissures et les déformations.
Une troisième possibilité consiste à réduire la
Nous examinerons ci-après deux cas particu- portée des pannes en plaçant au droit de leur
liers fréquemment rencontrés en pratique, en fibre neutre un câble suspendu de part et
précisant les remèdes généraux envisageables d’autre de la panne faîtière (voir fig. 16).
afin de réduire l’ampleur des déplacements ho- Toutefois, cette pratique ne devrait s’envisa-
rizontaux et ce, en considérant que la stabilité ger que quand les versants opposés sont de
des structures aux efforts verticaux est assu- pente et de longueur similaires et que la panne
rée. Toutes les solutions proposées devraient faîtière peut reprendre les efforts verticaux
faire l’objet d’un calcul de dimensionnement supplémentaires (voir fig. 13).
par une personne compétente en la matière.
Les deux cas envisagés sont :
Fig. 16 Pose d'un
◆ une charpente traditionnelle composée de câble tendu de part
pannes et de chevrons Câble tendu et d'autre de la
◆ des fermettes ou fermes en forme de A. panne faîtière.
40 HIVER 2002
S T
C C
P RATIQUE
e
m
a
g a z i n
3.2 FERMETTES ET/OU FERMES EN
FORME DE A C ONCLUSION Pour des rai-
sons économi-
ques, la reprise
Dans ce cas, il est possible de stabiliser le phé- des poussées au vide est rarement envisagée au
nomène de déplacement du pied de la charpente moment de la conception. Or, lorsque la structu-
en munissant ces éléments de jambes de force re de toiture s’appuie au pied des versants sur
d’une manière similaire à ce qui est envisagé au des maçonneries, ces dernières sont sollicitées
§ 2. Toutefois, la mise en œuvre in situ de ces en flexion horizontale et verticale, ce qui peut
jambes de force n’autorise pas la pose de con- donner lieu à une fissuration d’allure horizon-
necteurs métalliques au moyen d’une presse. Un tale dans un joint de la maçonnerie, d’allure
certain mouvement risque donc d’apparaître dans verticale au droit des liaisons avec des murs de
ces assemblages, ce qui limitera, dans un pre- refend, voire d’allure inclinée dans ces derniers.
mier temps du moins, la reprise des poussées
horizontales. La reprise de ces poussées par une poutre de
ceinture en béton armé ou une maçonnerie
Lorsqu’il s’agit de fermettes et qu’une possi- renforcée par des armatures “treillis” disposées
bilité d’appuis intermédiaires existe, on peut dans les joints horizontaux est une solution
envisager de réduire la déformation des arbalé- envisageable, mais n’exclut pas la formation de
triers en plaçant une ou plusieurs pannes in- fissures horizontales entre les appuis. Il faut de
termédiaires. plus tenir compte du fait que le domaine d’ap-
plication des maçonneries armées reste limité
Lorsque les fermettes sont suspendues à une pan- aux faibles portées.
ne faîtière, il est possible d’atténuer le phénomè-
ne en réduisant la déformation de celle-ci. La L’idéal consiste toujours à concevoir une struc-
pratique la plus courante consiste à réduire sa ture complètement triangulée où les poussées
portée. En effet, la déformation d’une poutre repo- au vide sont reprises à la base des versants.
sant simplement sur deux appuis et soumise à Ceci conduit toutefois souvent à une exploita-
une charge uniformément répartie est propor- tion moindre des combles. Les remèdes con-
tionnelle à la quatrième puissance de sa portée. sistent en général à stabiliser le phénomène et
En la réduisant de moitié, on réduit donc les à masquer par la suite les fissurations qui pour-
déformations potentielles d’un facteur 16. Il faut raient se manifester. ■
toutefois veiller à ce que les arbalétriers soient
très solidement fixés à la panne faîtière. Si aucu-
ne possibilité de placer un appui intermédiaire
n’existe et qu’il s’agit d’une poutre en treillis, on
peut envisager de positionner un câble (voir Poulie fixée au centre de la poutre Fig. 17 Position-
fig. 17). Toutefois, dans ce cas, la membrure su- nement d’un câble
périeure sera soumise à un effort de compression dans une poutre
supplémentaire, ce qui augmentera le risque de en treillis.
déversement de cet élément. Câble tendu
BIBLIOGRAPHIE
4 Dimensionnement des structures en bois.
Lassoie L.
2
Institut Belge de Normalisation nées. Bruxelles, CSTC-Magazine, hiver 2001.
NBN B 03-003 Déformation des structures.
Valeurs limites de déformation. Bâtiments. Bruxel-
les, IBN, 2001. 6 Schaerlaekens S. & Vyncke J.
ère
La maçonnerie armée. 1 partie : matériaux
et mise en œuvre. Bruxelles, CSTC-Magazine, prin-
41 HIVER 2002