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À LA DÉCOUVERTE DES MOULINS DU TRIÈVES

PARCOURS DES MOULINS DE CHÂTEAU-BERNARD


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La balade
balade des moulins de Château-
Château-Bernard, le long d’un torrent sur un
sentier de randonnée balisé, d’une durée d’une heure et demie, vous invite à
redécouvrir un univers aujourd’hui
aujourd’hui presque totalement disparu,
disparu, celui des
moulins
moulins de moyenne montagne.
A travers les vestiges qui subsistent le long du cours d’eau, revivez une
époque où l’utilisation
l’utilisation de l’eau vive était une condition primordiale à la survie
des communautés villageoises. Les hommes en charge des différents moulins,
très nombreux sur les torrents et ruisseaux du Trièves, occupaient une place
particulière dans les villages et hameaux du territoire : ils étaient responsables,
par leur savoir-faire technique, de l’élaboration d’une denrée indispensable à
l’alimentation, le pain.
Mais ces artifices (installations utilisant la force motrice de l’eau) ne se
limitaient pas aux moulins à grains : moulins à huile, scieries, ou encore
battoirs à chanvre étaient souvent couplés aux moulins principaux.
Très nombreux au début du XIXe siècle (plus d’une centaine dans le Trièves), la
plupart de ces moulins ont aujourd’hui disparu. Mais il en subsiste encore de
nombreuses traces, derniers témoins des pratiques très anciennes de ces
communautés villageoises.
villageoises Retraçons grâce à ces vestiges fragiles une part de
l’histoire de ces hommes face à leur environnement.

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Départ du circuit : Place de l’église
Dans la partie haute du village se trouvait au XVIIe siècle le moulin-
scierie du seigneur aux abords du ruisseau. Un canal de dérivation est
construit à la même période pour faire fonctionner la forge d’un atelier de
cloutier. Au début du XIXe siècle, un moulin à grains est édifié, en activité au
moins jusqu’ à la fin du XIXe siècle. Plus tard, un atelier de menuisier utilisait
la force de l’eau. Une turbine produisant de l’électricité a également été
installée.
On constate que le hameau principal a centralisé au plus près des
habitations un nombre important d’équipements utilisant la ressource
naturelle disponible, l’eau.
l’eau
Circuit : descendre
descendre la rue à gauche de la mairie-
mairie-école. Au niveau du cimetière
(emplacement de l’ancienne église), prendre la route qui descend à droite sur
200m. A l’embranchement des routes poteau randonnée direction La Cote et
Morinaire), prendre à gauche
gauche et descendre dans le vallon le long de la route
sur 150m
150m jusqu’au pont.

LES
LES COURS D’EAU
Les limites du Trièves sont matérialisées par les massifs qui le bordent,
Dévoluy et Vercors à l’est et à l’ouest, mais également par le principal cours
d’eau du territoire, le Drac. Il constitue une limite géographique, mais
également culturelle avec le plateau matheysin au nord.
Contrairement au Beaumont voisin, dont les rivières sont alimentées
toute l’année par les glaciers du Dévoluy,, le Trièves n’a que peu de cours d’eau
permanents.
permanents Les rivières les plus importantes, comme la Vanne et l’Hôte,
l’Ebron et l’Orbanne ou encore la Gresse, voient leurs lits s’assécher pendant la
saison d’été.
Par contre, de nombreux ruisseaux en jalonnent la surface.
surface Le débit impétueux
de ces torrents dévalant les pentes escarpées, les crues saisonnières souvent
violentes, la nature instable des terrains argileux, rendaient l’aménagement des
berges des cours d’eau particulièrement délicat.

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Moulin de Faucherand (actuel moulin Falquet) commune de Clelles

L’UTILISATION DE L’EAU

Précurseurs
Précurseurs dans l’utilisation de l’eau (thermes, aqueducs…), les romains ont
également été parmi les premiers à utiliser sa force motrice,
motrice, avec le principe
des moulins hydrauliques.
Au Moyen-
Moyen-âge et à l’époque moderne, ces moulins se sont multipliés et
constituaient une trame très dense dans cette région de moyenne montagne. En
1809, 62 roues de moulins étaient recensées dans la vallée de la Gresse et de
ses affluents (un moulin possédant souvent plusieurs roues).

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Le réseau des moulins était plus
important en montagne que dans
les vallées : l’habitat dispersé en de
nombreux hameaux nécessitait
des installations plus nombreuses
pour les besoins des populations
isolées. De plus, le débit plus
important des cours d’eau dans les
fonds de vallées explique que les
moulins, plus productifs, y soient
moins nombreux. En 1809,
Miribel et Château-Bernard
comptaient 725 habitants pour 8
roues, à Claix 1500 habitants se
partageaient 3 roues !

Moulin à Clelles

Au niveau du pont se trouvait


trouvait un moulin appartenant au domaine du seigneur.
A la révolution, moulin, bâtiment et terrain attenant sont vendus. En 1811, une
nouvelle vente mentionne à cet endroit un moulin « à bled »(blé), une
« béalière » (canal d’acheminement du ruisseau vers le moulin) ainsi qu’un
battoir à chanvre.
Continuer en longeant la route sur 200m jusqu’au poteau de randonnée à
droite direction La Cote et Les Moulins. Descendre le sentier sur 150m et
traverser le petit pont de pierre à la jonction des deux ruisseaux (observer
l’arche en vous retournant).
retournant).
Au niveau de la station d’épuration (tous les équipements liés à l’eau ne sont
pas des moulins !), prendre le sentier à droite du pont et du ruisseau qui coule
en contrebas. Passer la clôture et traverser le champ. Après
Après la jonction avec le
ruisseau,
ruisseau, le longer sur sa gauche sur 300m : Arrivée au moulin du « Bouchet »

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En 1828, il existe deux moulins dans le hameau du Bouchet, peut- peut-être
construits à la Révolution. Ils ne sont plus en fonctionnement en 1898.
1898.
On peut observer
observer les vestiges de deux bâtiments : dans la partie est du bâtiment
supérieur (qui mesurait environ 12x8m) subsiste une partie de la galerie
voutée où circulait l’eau. A l’emplacement du bâtiment inférieur, la meule
dormante d’un battoir (le « jas »). A côté,côté, une meule (peut-
(peut-être la meule
dormante du moulin). Sous le jas du battoir se trouve encore la chambre d’eau
du rouet, jouxtant le ruisseau.

PROPRIETAIRES ET EXPLOITANTS

Les moulins n’ont pratiquement jamais appartenu à ceux qui les exploitaient :
au Moyen-âge, ils étaient la propriété de la couronne delphinale. Aux siècles
suivants, ils ont été « albergés » (loués à très long terme) à des institutions
ecclésiastiques, à des familles nobles ou parfois à des bourgeois qui se
risquaient dans l’entreprise.
Le seigneur local était le maitre de l’eau. Le système des moulins banaux (sous
la juridiction du seigneur)) constituait,
constituait, avec le four, un élément important du
pouvoir féodal : les habitants avaient l’obligation de faire moudre leurs grains
au moulin du seigneur, moyennant une part de la récolte.. Mais c’était
également un service rendu à la population,
population qui pouvait disposer ainsi d’un
équipement indispensable dans ces hameaux isolés.
Après la Révolution Française, et une utilisation plus libre de l’eau, le réseau
des moulins a connu un développement important au début du XIXe siècle.
siècle
Nombreux étaient ceux qui ont tenté leur chance en croyant faire fortune.
Mais la multiplication des artifices sur un même cours d’eau, souvent à peu de
distance les uns des autres, et la faible rentabilité de la plupart de ces
installations, en a fait disparaitre un grand nombre au cours du siècle.

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LES TECHNIQUES
« En Provence et dans une bonne partie du Dauphiné, les moulins y sont d’une
grande simplicité, n’ayant qu’une roue horizontale, de six ou sept pieds de
diamètre, dont les aubes sont faites en cuillères, pour recevoir le choc de l’eau
qui coule ordinairement dans une auge. L’arbre qui répond à la meule
supérieure, est la seule pièce qui sert à lui communiquer le mouvement, et je
ne crois pas qu’il soit possible de faire un moulin à moindre frais. » ( BELIDOR,
Architecture hydraulique 1737)
Cette définition du début du XVIIIe siècle est restée très longtemps
valable dans la construction des moulins du Trièves. Le système de la roue
horizontale,
horizontale largement dominant dans les régions de montagne, est
particulièrement bien adapté aux débit des torrents.
Ces techniques d’utilisation de la force motrice de l’eau datant du Moyen-âge,
ont perduré sans changements majeurs jusqu’au XIXe siècle. Facile à construire
et à mettre en œuvre, ce type de moulin est également facile à réparer. En effet,
les dégâts aux installations et même aux bâtiments sont fréquents dans une
région où les crues des torrents se produisent régulièrement et sont
dévastatrices. Même si l’eau du ruisseau est acheminé par un canal (le béal ) et
n’est donc pas en contact direct avec le moulin, l’exploitant doit effectuer
régulièrement des réparations. Avant la Révolution, celles-ci sont à la charge
du propriétaire si elles excèdent plus d’une journée de travail.

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Croquis C.GAUTIER
LES MEULES
Les meules des moulins avaient une grande importance dans la fabrication du
pain,
pain aliment essentiel des populations rurales. D’un diamètre généralement
compris entre 1,5 et 2 mètres, de 30 à 50 centimètres d’épaisseur, elles
pesaient entre une et deux tonnes, jusqu’à 4 tonnes pour les plus imposantes.
Pendant une longue période, pour les moulins les plus modestes, les meules
étaient le plus souvent extraites des carrières locales, voire même taillées dans
des blocs erratiques aux abords des torrents. C’était encore le cas pour les
moulins de Château-Bernard au début du XIXe siècle, qui utilisaient des
meules « du pays ». Si elles avaient l’avantage de la proximité, elles étaient
pourtant de médiocre qualité. Ces meules devaient être fréquemment retaillées
par le meunier pour conserver leur capacité abrasive. La farine obtenue était
chargée de sable et de graviers, et causait une usure précoce des dents,
entrainant des problèmes de santé non négligeables.
C’est pourquoi les meuniers des bourgs importants, à Claix par exemple, se
tournèrent rapidement (dès le XVIIe siècle) vers les carrières régionales
réputées, notamment la célèbre « meulière » (carrière de meules) de Quaix-
Quaix-en-
en-
Chartreuse.
hartreuse
Ce souci de plus en plus
important de la qualité de la
farine supposait néanmoins
des investissements conséquents,
puisque le prix d’une meule
de la meulière de Quaix-en-
Chartreuse, auquel s’ajoutait
le coût du transport,
équivalait à celui d’une petite
maison ou d’une parcelle de
terre ! Cela explique que les
meules de Château-Bernard
la carrière de meules de Quaix-en-Chartreuse
aient continué à être taillées
dans le matériau local.

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Circuit : A droite du moulin, prendre le petit pont à la jonction des deux
ruisseaux, descendre le sentier sur 300m. Traverser
Traverser le lit d’un torrent. Sur cette
portion, on longe un ancien canal de dérivation parallèle au ruisseau. Au
poteau de randonnée, suivre « La Côte » sur quelques dizaines de mètres. a la
jonction avec le lit d’un ruisseau, prendre un petit sentier à droite du chemin
qui descend, jusqu’aux
jusqu’aux vestiges du moulin du hameau des Mazets : il subsiste
les pans de murs d’un bâtiment d’environ 8x5 m et une meule. Les ruines d’un
autre bâtiment ainsi que plusieurs meules ont récemment disparu.
A cet emplacement, plusieurs moulins se sont succédés, d’avant la Révolution
jusqu’au début du XXe siècle. En 1865, il existait deux bâtiments en toits de
chaume abritant un moulin à battre le blé et plusieurs à moudre le blé.

MOULINS, LIEUX DE SOCIABILITE


Même si les moulins peuvent aujourd’hui parfois sembler isolés le long des
cours d’eau, à l’écart des habitations, ils n’en constituaient pas moins, avec
également le four à pain, des lieux de sociabilité importants pour les
communautés villageoises. Lieux de passage obligés pour venir y faire moudre
son grain, « aller au moulin », « faire moudre » faisaient partie des activités qui
rythmaient la vie des hameaux et villages. Les anecdotes sont nombreuses qui
nous présentent les exploitants de moulins comme des personnages accueillant
volontiers les personnes de passage « avec un pot à vin ». Le « tic-tac » de la
roue du moulin, signe que tout fonctionnait bien, marquait le rythme des lieux.
Pourtant, les exploitants n’ont
pas toujours eu les honneurs de
cette sociabilité villageoise.
villageoise S’ils
étaient des personnages
relativement aisés au Moyen-
âge, ils se sont progressivement
paupérisés. Souvent suspectés de
voler leurs clients, ils étaient

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parfois mal intégrés dans la communauté villageoise. En réalité, ils semblent
avoir fait les frais d’une modernisation des installations : les propriétaires, en
charge des travaux, ont répercuté le montant des loyers sur les exploitants.
L’activité de meunier n’était pas une occupation à plein temps,
temps et les revenus
tirés du moulin étaient presque toujours complétés par ceux tirés d’un champ
ou de la possession de quelques têtes de bétail.

Circuit : Remonter jusqu’au


jusqu’au moulin du Bouchet. Au poteau de randonnée,
monter le sentier direction Le Mas Roux sur 500m (90m de dénivelé). Le
sentier débouche dans un champ, le longer sur sa gauche, traverser un petit
sous-
sous-bois. Dix mètres après une jonction avec un chemin rejoignant rejoignant un
champ, on peut observer les ruines d’un bâtiment en contrebas à droite.
Suivant la toponymie du lieu (« Les Battandiers »), il devait s’agir d’un moulin-
moulin-
battoir. En continuant le sentier, on longe un possible canal de dérivation et on
rejoint le
le lit d’un torrent à sec, qui pouvait être l’approvisionnement du battoir.
A la jonction avec la route, prendre à droite pour rejoindre le point de départ
(1.2km sur le plat). En bordure de route, on contourne un promontoire planté
de grands sapins, qui abrite
abrite les vestiges du château féodal.
La traversée du hameau de Mazetaire est l’occasion d’observer les nombreux
lavoirs et fontaines à proximité des fermes, également témoins des anciens
usages de l’eau.

L’EXODE RURAL
Château-
Château-Bernard fut particulièrement
particulièrement touché par un phénomène national qui
a changé profondément la physionomie des campagnes françaises à partir du
milieu du XIXe siècle, l’exode rural.
Le désenclavement de zones rurales avec le développement des voies de
communication (routes carrossables, chemin de fer…), et l’industrialisation ont
été les moteurs d’une hémorragie des forces vives des zones rurales..
Beaucoup de ces villages et hameaux jusque-
jusque-là isolés, ont perdu jusqu’à la
moitié de leur population.
population De 449 habitants en 1851, Château-Bernard n’en
comptait plus que 108 à la fin des années 1960 !

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Une enquête de 1909 décrit tristement la situation : « Des ruines s’étalaient
partout. Dans les décombres des maisons jadis habitées par des familles
nombreuses, la couleuvre a élu domicile au milieu des plantes sauvages. »

Ce dépeuplement a eu évidemment
un impact très important sur les
sociétés rurales, dont les habitants
vivaient jusque là dans une grande
autonomie.
Les anciens modes de production
du monde paysan, et les activités
annexes, dont celui de la meunerie,
en ont été profondément
bouleversés.

En 1908 eut lieu à Château-Bernard une


initiative originale, dont le but était de limiter
l’exode rural en organisant un évènement
destiné à valoriser l’artisanat paysan, le
« Concours des industries familiales ». A
l’initiative d’un notable local, Jean Garnier,
cette manifestation a rencontré un succès
ponctuel, qui n’a bien sûr pas pu inverser le
mouvement inexorable de dépeuplement du
village.

Par contre, la création de la station de ski du col de l’Arlezier


l’Arlezier a permis une
diversification d’activités et a grandement contribué à ce que Château-Bernard
retrouve un dynamisme certain.
Aujourd’hui, les activités traditionnelles comme celles des moulins ont presque
disparu. Il en reste néanmoins des vestiges qui témoignent d’anciennes
pratiques communautaires, où l’homme avait su s’adapter à des conditions
naturelles souvent difficiles.

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Document réalisé par Frédéric DUMOLARD stagiaire à la CDC TRIEVES
avec l’aimable collaboration des Amis du Musée du Trièves (Juin 2012)

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