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Bijoux du Maroc
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ISBN 2-7449-0081-8
@Édisud, Aix-en-Provence, 1999. Tous droits réservés.
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M A R I E - R O S E RABATÉ
A N D R É GOLDENBERG
Avec la collaboration de
JEAN-LOUIS THAU
Bij o u x d u M a r o c
Du Haut Atlas à la Méditerranée.
Depuis le temps des juifs
jusqu'à la fin du XXe siècle
EDISUD/EDDIF
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N.B. La transcription adoptée pour les mots arabes ou berbères ne vise qu'à donner au lecteur une idée de la
prononciation, aussi proche que possible de la réalité ; les marques du pluriel ne sont en général pas indiquées.
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Introduction
e très nombreux visiteurs sillonnent chaque année en tous sens cette partie
du Maroc, de Tanger à Marrakech et Essaouira, de Casablanca à Fès...
La plupart ont choisi un voyage classique, qui privilégie les aspects monu-
mentaux de ces cités, et laisse peu de temps à l'exploration des rues étroites des
vieilles médinas. Mais certains se détournent des grandes villes pour s'enfoncer dans
la montagne; ils ont parfois la chance, après avoir traversé de vastes paysages peu
peuplés, de se retrouver dans la foule affairée d'un marché hebdomadaire - d'un
souk inopiné. De ces approches différentes résulteront des jugements contrastés sur
l'orfèvrerie du pays.
Dans les rues des villes, les femmes sont nombreuses; mais les longues jellabas
dont elles sont presque toutes revêtues, le foulard que beaucoup nouent sous leur
menton ne dévoilent pratiquement rien de leurs parures. À la faveur d'un geste de la
main, dans un magasin, dans une conversation devant une porte, on peut entrevoir
ici une bague, là l'éclat doré d'un bracelet sur un poignet. Mais c'est en parcourant,
parfois par hasard, le quartier des bijoutiers dans les vieilles villes, comme Tanger,
Salé ou Fès, que vient la révélation d'un monde dans lequel les bijoux doivent bien
évidemment tenir une place importante. Ces bijoux citadins sont en or, ou tout au
moins ils sont dorés; ils sont accumulés dans des vitrines resplendissantes. On parvient
assez rapidement à reconnaître les types principaux, parce qu'ils se répètent de bou-
tique en boutique, et que celles-ci se succèdent presque sans intervalle dans le même
quartier, ou la même rue, selon le principe de voisinage des commerces similaires
propre aux médinas.
Des bijoux ont servi
de messagers des traditions Un autre choc, une autre évidence attendent le voyageur qui, au sortir du quartier
artistiques marocaines. des bijoutiers, va visiter un musée. Tout d'abord, chaque musée du Maroc possède
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une salle consacrée aux bijoux; dans certains ne se trouvent que des bijoux d'argent, Vitrine actuelle de bijouterie
à Casablanca.
bijoux berbères provenant souvent du Sous, au sud-ouest du Haut Atlas. Mais
lorsque sont présentés de nombreux bijoux citadins, comme au musée des Oudaïas
de Rabat ou au musée Dar Jamaï de Meknès, ceux-ci n'ont à première vue aucune
ressemblance avec les bijoux vendus actuellement, alors qu'ils sont presque tous
datés du début du XXe siècle ou du XIXe siècle. Le seul point commun est le métal
généralement employé à leur confection, or ou vermeil. Cela suppose à la fois, en
ville, une permanence dans le goût pour l'orfèvrerie, et une grande aptitude à la
mutation dans son inspiration.
Ceux qui ont parcouru les régions montagneuses auront vu peu de femmes ; leur
mise simple s'accompagne parfois de modestes parures, comme de minces bracelets
d'argent. Parmi les commerçants des souks, les vendeurs de bijoux sont rares. Il est
fréquent qu'il n'y en ait pas du tout! Ici ou là, cependant, une boutique recèle
quelques exemplaires de bijoux neufs en argent doré, ou bien, si l'on a beaucoup de
chance, on trouve un éventaire rudimentaire, à même le sol, où est présenté un
maigre lot de bijoux d'argent patinés par l'usage. Ces étalages, il n'y a pas un quart
de siècle, se rencontraient partout en zone rurale et jusqu'aux abords d'une ville
comme Salé. Ils étaient souvent plutôt bien achalandés et permettaient de se faire une
idée, tout au moins dans une certaine mesure, des bijoux possédés par les femmes de
la région. Mais à l'heure actuelle, on peut parcourir en tous sens ce qui fut le domaine
des bijoux d'argent sans se douter de leur importance ancienne. Il y a là une évolution
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irréversible, dans laquelle sont intervenus différents facteurs; aussi est-il urgent, en
cette fin de siècle, de recenser ces parures, de les situer le plus exactement possible,
p o u r leur d o n n e r leur juste place dans l'histoire des traditions marocaines.
Entre le H a u t Atlas et la Méditerranée, le relief du Maroc c o m p o r t e une chaîne
puissante, le M o y e n Atlas, au sud de Taza, Fès et Meknès. Le nord du pays est occupé
p a r le massif du Rif. Ces zones montagneuses sont habitées par des groupes de p o p u -
lations berbères chez lesquelles, au M a r o c c o m m e dans les autres pays du Maghreb,
l'argent a été choisi de tout temps p o u r la réalisation des bijoux, à l'exclusion de l'or.
Dans les vastes territoires qui séparent les massifs montagneux p r é c é d e m m e n t cités
de l'océan Atlantique, rien ne p e r m e t actuellement d'imaginer ce qu'aurait pu être la
parure rurale traditionnelle. Ce n'est pas le cas en pays berbère, même si, le plus souvent,
les bijoux d'autrefois o n t été a b a n d o n n é s p a r les groupes qui en avaient fait leur
spécificité; il y a des formes et des décors propres à telle ou telle région, q u ' o n retrouve
dans les musées, les collections, les rares textes qui leur ont été consacrés, les p h o t o -
graphies prises il y a quelques dizaines d'années. Les difficultés d'accès des montagnes
o n t longtemps joué u n rôle de sauvegarde, t o u t c o m m e l'attachement des Berbères à
leurs traditions, les deux choses étant sans doute liées. A u n o r d de l'Atlas, la richesse
en bijoux d'argent et la diversité des modèles et des techniques n ' o n t jamais dû
atteindre celles d ' u n e province c o m m e le Sous; mais des parures originales, voire
imposantes, o n t été j u s q u ' à une é p o q u e plus ou moins p r o c h e l'apanage de certains
groupes, et méritent q u ' o n cherche à illustrer leur mémoire.
Des bijoux qui font ou o n t fait partie intégrante de la vie féminine d ' u n pays, qui
sont marqués d ' u n e personnalité aux multiples facettes, sont aussi en principe indis-
solublement liés aux artisans qui les o n t reproduits avec u n e insistante patience, ou
o n t créé les modèles n o u v e a u x l a r g e m e n t a d o p t é s à travers villes ou campagnes.
Le paradoxe de l'orfèvrerie marocaine du XXe siècle est d'avoir vu u n changement
radical dans la c o r p o r a t i o n des orfèvres, sans q u ' o n puisse établir u n strict lien de
cause à effet entre les mutations intervenues dans la p a r u r e et celles de la p o p u l a t i o n
qui avait traditionnellement en charge le travail des métaux précieux. Cette spécialité
avait en effet appartenu p e n d a n t des siècles, au n o r d de l'Atlas, p r e s q u e exclusive-
m e n t aux juifs installés dans les cités et les bourgades. Il y avait dans t o u t le M a g h r e b
des professions prioritairement exercées p a r les juifs. E n ce qui concerne les emplois
en r a p p o r t avec l ' o r et l'argent, o n dit que les sultans auraient conféré d ' a b o r d aux
juifs le m o n o p o l e de la frappe de la monnaie, parce que cette tâche était liée à la pra-
tique de l'usure, que l'islam interdit; de là aurait découlé l ' a d o p t i o n p a r b e a u c o u p de
juifs du métier d'orfèvre. Cette explication ne rend pas c o m p t e de l'extension beau-
coup plus large du lien des juifs et des métiers concernant les métaux précieux, qui
est sans d o u t e à r a p p o r t e r à une tradition p r o p r e m e n t juive. Dans la plupart des
villes, depuis le XVe siècle à Fès et u n peu plus tard ailleurs, les juifs habitaient u n
quartier bien déterminé, appelé le mellah, où du même coup se trouvaient regroupées
les activités d ' o r f è v r e r i e . D e petites c o m m u n a u t é s étaient aussi p a r s e m é e s
Paire de boucles d'oreilles anciennes dans les régions rurales et montagneuses, et comptaient souvent quelques bijoutiers.
en or décorées depierreries Ce m o n o p o l e de fait impose de rechercher dans l'histoire des juifs du Maroc les ori-
(émeraudes, saphirs, rubis, roses) ; gines de l'existence du savoir technique d o n t ils étaient les détenteurs.
la paroi postérieure ajourée peut
s'ouvrir et devait permettre Ces artisans travaillaient p o u r réaliser les parures des femmes juives et celles des
d'inclure dans lependant des femmes musulmanes, bien plus nombreuses. Certains bijoux étaient sans d o u t e des-
substances parfumées. tinés u n i q u e m e n t aux femmes juives, mais il semble que beaucoup de modèles aient
Hauteur : 12 cm.
Musée national des arts d'Afrique été appréciés par les femmes des deux c o m m u n a u t é s ; il y a là u n fait assez étonnant,
et d'Océanie, Paris. et qui pose des questions délicates. C o m m e n t ces groupes humains séparés p a r les
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L'idée qui vient la première à l'esprit est de se tourner vers les détentrices de ce
qu'on a tendance à appeler des "bijoux de famille", ceux qui ont été donnés à une
grand-mère lors de son mariage, ou plus tard, par une tendre attention de son époux,
et se sont transmis aux filles et petites-filles. En fait ce patrimoine n'est pas systéma-
tiquement l'objet au Maroc d'une vénération conservatrice, et l'on entend souvent
dire que des bijoux anciens démodés avaient été confiés à l'orfèvre pour qu'il les
fonde et tire de la matière première une parure au goût du jour. Parfois la plaque
décorée d'une ancienne boucle d'oreille est transformée en broche ou intégrée dans
un bracelet, plus portable, les pierres sont extraites d'un vieux bijou pour être montées
autrement.
Dans d'autres cas, par exemple, le diadème de l'aïeule a été porté par ses petites-
filles à leur mariage; mais le décès de la vieille dame a fait tomber l'objet dans une
succession qui reste interminablement à régler. Des raisons peuvent obliger à se
cacher d'avoir conservé une pièce précieuse. D'une manière générale, personne ne
souhaite vraiment faire état de ce qu'il possède, ni avoir à reconnaître qu'il a dû se
dessaisir de tel ou tel objet. Ce goût du secret est fréquent chez les gens aisés, ceux
qui par leur situation de fortune ont dû justement avoir parmi leurs ascendants des
possesseurs de parures d'or, enrichies de pierreries, comme en mentionnent quelques
rares textes dithyrambiques. Les familles dépositaires de bijoux anciens échappent à
l'analyse, et aussi à toute estimation sûre de ce qui en subsiste actuellement.
Heureusement, quelques-unes des pièces dont elles se sont défaites à un moment ou
un autre ont été acquises par des collectionneurs conscients de leur valeur esthétique
et historique.
Techniques d'orfèvrerie
Les pièces de monnaies en argent ont aussi de longue date servi de matière première,
à cause de la garantie de leur titre, et de l'abondance des réserves, qui ne sont plus
qu'un souvenir. Pendant très longtemps on a ainsi utilisé les douros hassanis, pièces
coulées par la Monnaie française pour le sultan Moulay Hassan il y a un peu plus
d'un siècle, ainsi que des monnaies étrangères diverses.
Si beaucoup ont été fondues, d'autres, une fois percées ou munies d'une attache,
ont été employées telles quelles. Il ne s'agit pas seulement des pièces de petite taille
utilisées comme pendeloques, mais de monnaies plus grandes disposées côte à côte
sur des bandeaux ou associées sur plusieurs rangs pour former un pectoral. Ce type
de parures semble avoir remplacé, dans le Moyen Atlas notamment, des bijoux plus
élaborés qui ne se fabriquaient plus, tout en conservant la valeur objective de l'argent.
Dans l'ancienne zone du protectorat espagnol, les pièces de 5 pesetas des années
1869-70 affichent en toutes lettres une teneur de 900 millièmes d'argent, et un
nombre de 40 pièces par kilogramme; pour ce poids on aura 100 pièces de 2 pesetas.
Même écrites en espagnol, de telles précisions manquent un peu de discrétion, mais
on comprend que ces pièces aient eu la faveur des femmes qui, dans le Rif, les suspen-
daient sous l'arc des boucles d'oreilles, aux fils des colliers, ou encore les cousaient sur
des bandeaux.
Les bijoux les plus simples à fabriquer sont les bijoux moulés. Le métal en fusion
est coulé directement dans un moule portant en creux l'empreinte de l'objet qu'on
désire obtenir. Cette technique est encore employée pour les bijoux d'argent au sud-est
du Haut Atlas mais a été utilisée très largement autrefois au nord de ce massif; un
modèle en métal non précieux, ou le bijou qu'on veut reproduire, est pressé entre
deux masses de sable humide maintenues dans des cadres de fer. Une fois le modèle
enlevé, il suffit de couler à sa place le métal en fusion. Mais le moule constitué par les
masses de sable rapprochées ne peut guère servir qu'une fois. Les artisans des régions
du Nord ont adopté aussi pour certains objets des moules réalisés en bronze, formés
de deux pièces portant en creux l'ornementation qui apparaîtra ensuite en relief. Ces
deux parties étroitement accolées délimitent un puits de coulage pour le métal
fondu; une fois celui-ci refroidi, il suffit de les écarter pour récupérer l'objet moulé.
Cette technique, qui donne des produits d'un beau fini, a été utilisée pour des bijoux
d'argent parmi les plus courants, comme les fibules dont le corps et l'anneau sont
naturellement faits séparément.
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Modèle en bronze
utilisé dans la réalisation
d'un moule à bijou en sable.
Hauteur : 12,5 cm.
Coll. Didier-Granier.
Demi-moule en bronze
pour fibule rifaine.
Hauteur : 15,5 cm. Coll. Thau.
Moule en bronze
pour anneau defibule.
Longueur : 6 cm.
Coll. Thau.
Femme du Rif
(vallée de Tarhzout)
dans sa tenue de tous lesjours ;
elle porte de robustes bijoux moulés,
fibules et bracelets.
Les pendentifs anciens, par exemple, témoignent de la façon dont le métal a été
plané pour présenter la plus grande surface possible. Un lingot de forme simple,
assez épais, préalablement coulé, a été longuement martelé sur une enclume jusqu'à
l'obtention d'une plaque de l'épaisseur souhaitée; la grande malléabilité des métaux
précieux a évité qu'on y voie des brisures, et l'habileté de l'artisan lui a donné la
régularité de son épaisseur. Mais, de nos jours, les quartiers d'artisans bijoutiers
possèdent tous un ou plusieurs ateliers de laminage, qui débitent au mètre des
bandes de métal à l'épaisseur désirée. Celles-ci passent entre les robustes rouleaux
de volumineux laminoirs.
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