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Applications de la statistique de Bose-Einstein 1

Applications de la statistique
Première
Partie de Bose-Einstein (suite)

Prérequis

Bien que la définition d’un corps noir ainsi que le problème dit de la
« catastrophe ultraviolette » sont rappelés en introduction du présent chapitre
du cours, il est néanmoins utile de revenir au chapitre « corps noir » du cours de
troisième année, en particulier pour comprendre comment, historiquement (en
1901), l’hypothèse de Planck a pu répondre, dans un premier temps,
favorablement à la question qui nous intéressera, ici, en tant qu’application de
la statistique de Bose-Einstein.

Il conviendra aussi de savoir que lorsque que l’on parle de rayonnement, il s’agit
bien du rayonnement électromagnétique, qui de part la théorie quantique peut
être considéré comme un ensemble de photons. A ce propos, il sera utile de
revoir le cours du premier semestre concernant la quantification du champ
électromagnétique (du module « mécanique quantique approfondie ») ainsi que
la partie du cours de « théorie des champs classique » où il est question du
lagrangien de Maxwell, de l’Hamiltonien correspondant et des équations du
champ consécutives. Ceci permettra, d’une part (dans le formalisme
Hamiltonien), le comptage des degrés de libertés physiques du photon
(nécessaire pour définir complètement la distribution de Bose-Einstein pour un
ensemble de photons, et d’autre part (au travers des équations du champ) de
montrer, dans le contexte du rayonnement électromagnétique dans le vide,
qu’un ensemble de photons peut être considéré comme un gaz parfait.

Note : Comme d’habitude, les exercices de TD à faire seront mentionnés


contextuellement dans le texte, en couleur verte.

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2 N. Djeghloul

Chapitre 7. Rayonnement du corps noir

7
7.1 Le « problème » du corps noir
L’objectif est l’étude des propriétés du rayonnement en tant que gaz. Pour ce
faire il est nécessaire de concevoir une enceinte dans laquelle le rayonnement
pourra atteindre un équilibre thermique et donc, au vue du principe « zéro » de
la thermodynamique sera susceptible d’être l’objet de diverses mesures
expérimentales.

Cette enceinte devra, d’une part contenir le rayonnement (afin qu’il ne s’en
échappe pas, tout comme un gaz d’atomes ou de molécules dans une enceinte
fermée) et d’autre part être « étanche » aux rayonnements extérieurs. Dans le cas
contraire, il est évident qu’aucun état d’équilibre ne pourra être atteint. Ces
deux conditions sont assurées par des parois parfaitement réfléchissantes, à la
fois intérieures et extérieures au récipient. Enfin, comme pour un calorimètre,
ce récipient devra être isolé thermiquement. Un tel dispositif est considéré
comme un corps noir. Comprenez : « noir » pour le rayonnement qu’il
renferme.

La question qui nous intéressera pour ce cours sera la suivante : comment, à


l’équilibre, le spectre d’un rayonnement dépendra de son état thermique ?

Pour cela on considérera le dispositif expérimental schématisé dans la figure


suivante :

Figure 7.1. Schéma du dispositif de mesure de l’intensité spectrale d’un corps noir.

Une sonde thermique ainsi qu’un spectroscope sont « branchés » au corps noir.
Ainsi pour une température 𝑇 donnée, définissant un état d’équilibre donné, on
enregistre au travers du spectroscope (couplé à un photomètre), la densité de
radiation spectrale, c’est à dire l’énergie rayonnée par unité de fréquence (pour
chaque raie spectrale repérée par sa fréquence 𝜔), par unité de temps et par

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unité de surface, car rapporté au temps de détection et à la surface du détecteur.
Tous ces signaux peuvent être dirigés vers une interface qui donnera les tracés
de la densité de radiation spectrale paramétrée par la température, soit 𝑄(𝜔, 𝑇).
On obtient ainsi les courbes de la figure 7.2 connues dès la fin du 19ème siècle au
travers des travaux de Rayleigh, Jeans, Wien puis plus tard de Planck.

𝑇! 𝑇! > 𝑇! > 𝑇! > 𝑇! > 𝑇!

Courbes
de la théorie classique
𝑄(𝜔, 𝑇) 𝑇!
Courbes
expérimental
es
𝑇!

𝑇!

𝑇!
0
𝜔
Figure 7.2. Tracés comparatifs des densités de radiations spectrales du rayonnement du corps noir pour des
températures décroissantes. En trait plein : les courbes expérimentales. En trait discontinu : les courbes issues
de la théorie classique du rayonnement (Loi de Rayleigh-Jeans)

Ceci nous amène au cœur du problème. Des courbes expérimentales on observe


que, pour chaque température, la densité de radiation correspondante atteint un
maximum autour d’une valeur particulière de la fréquence puis diminue sans
discontinuer pour des fréquences de plus en plus grandes. Ce comportement, en
fonction de la fréquence, est en contradiction avec les prédictions issues de la
théorie classique du rayonnement qui stipule que1 la densité de radiation
spectrale du rayonnement est proportionnelle à la température multipliée par le
carré de la fréquence, soit 𝑄(𝜔, 𝑇) ∝ 𝑇×𝜔 ! qui par conséquent serait
représentée, pour chaque température, par une parabole (en traits discontinus
dans la figure 7.2).

Si, pour les basses fréquences il y a une bonne adéquation entre les prévisions de
la théorie classique et les courbes expérimentales, on observe bien qu’à mesure
où les fréquences augmentent (dans la direction des ultraviolets), la différence
de comportement devient flagrante et de plus en plus grande. C’est ce qui fut
qualifié par le physicien autrichien Paul Ehrenfest de « catastrophe
ultraviolette ».

Max Planck fut le premier à formuler l’hypothèse des quantas d’énergie afin de
répondre favorablement à ce problème dit du « corps noir » dans le contexte des


1
C’est, en substance, le comportement prédit par la loi de Rayleigh-Jeans, que nous aborderons et discuterons lors des
sections de ce cours.
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débuts de la physique statistique développée par Boltzmann, Maxwell, Gibbs et
d’autres. C’est précisément ce que nous allons voir dans la section suivante.

7.2 L’hypothèse de Planck : l’énergie du


rayonnement est quantifiée
Il convient de faire un point préliminaire sur l’état de la théorie classique du
rayonnement d’alors.

Suivant les travaux de Rayleigh et Jeans, la densité de radiation spectrale du


rayonnement est proportionnelle à la densité d’énergie multipliée par le carré de
la fréquence

𝐸!"! 𝜔 !
𝑄(𝜔, 𝑇) = (7.1)
𝑁 4𝜋 ! 𝑐 !
où la densité d’énergie 𝐸!"! /𝑁 est l’énergie totale rapportée au nombre total
d’unités de même fréquence composant le rayonnement. Si l’on se réfère au
théorème d’équipartition de l’énergie cinétique de Boltzmann, l’énergie totale
est dès lors proportionnelle à 𝑁𝑘𝑇, la proportionnalité étant définie par le
nombre de degrés de libertés des composants du système (ici des oscillateurs à
une dimension : 𝑘𝑇/2 pour la translation et 𝑘𝑇/2 pour la vibration). Ceci
!"
mènera à 𝑄 𝜔, 𝑇 = ×𝜔 ! et donc au problème du corps noir exposé
!!! ! !
plus haut. C’est ici qu’interviendra Planck et son hypothèse.

L’hypothèse de Planck (théorisée par la suite lors des développements de la


mécanique quantique appliquée à l’oscillateur harmonique) consiste en ce que le
rayonnement (électromagnétique, on ne parlait pas encore de photons à ce
moment) ne peut échanger (absorber ou émettre) d’énergie que par multiples
entiers de quantas élémentaires dépendant exclusivement de la fréquence
considérée. Ainsi une portion donnée du rayonnement indexé par sa fréquence
𝜔 est dotée d’une énergie définie par 𝐸! = 𝑛ℏ𝜔, où 𝑛 ∈ ℕ et
ℏ ≈ 1.054 10!!" J. s est la constante de Planck réduite. Ceci était alors
équivalent à considérer le rayonnement comme composé d’un grand nombre
d’oscillateurs harmoniques, chacun avec une énergie 𝐸! .

Dès lors, il suffisait d’appliquer les résultats de la statistique classique de


Boltzmann.

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Applications de la statistique de Bose-Einstein 5

Si l’on considère 𝑁! , le nombre d’ « oscillateurs » dans l’état fondamental
d’énergie 𝐸! = 0, alors selon la distribution de Maxwell-Boltzmann, le nombre
d’ « oscillateurs » 𝑁! dans un état d’énergie 𝐸! sera donné par
!ℏ!
𝑁! = 𝑁! 𝑒 ! !" !ℏ!
𝐸! = 𝑛ℏ𝜔 𝑁! = 𝑁! 𝑒 ! !" (7.2)
𝑁! = 𝑁! 𝑒 !
ℏ!
!" Comme schématisé dans la figure 7.3 ci-contre.
𝐸! = ℏ𝜔
𝑁!
𝐸! = 0 L’énergie totale de ce système d’oscillateurs sera alors donné par
ℏ! !ℏ! !ℏ!
!
= 𝑁! ℏ𝜔 0 + 𝑒 ! !" + 2𝑒 ! !" + ⋯ + 𝑛𝑒 ! !" + ⋯
Figu re 7.3. Occupation des
états quantifiés d’oscillateurs 𝐸!"! = !!! 𝑁! 𝐸! (7.3)
composant le rayonnement, ℏ!
selon la distribution de Maxwell- En posant 𝑥 = 𝑒 ! !" (0 < 𝑥 < 1), on obtient, pour la densité d’énergie
Boltzmann.

𝐸!"! 0 + 𝑥 + 2𝑥 ! + ⋯ + 𝑛𝑥 ! + ⋯
= ℏ𝜔 (7.4)
𝑁 1 + 𝑥 + 𝑥! + ⋯ + 𝑥! + ⋯
Par quelques manipulations, on peut montrer que le terme entre parenthèses est
bien convergent et calculer sa valeur. Pour cela remarquons d’une part le
développement limité suivant

1
= 1 + 𝑥 + 𝑥! + ⋯ + 𝑥! + ⋯
1−𝑥
Et posons

𝑓 𝑥 = 𝑥 + 2𝑥 ! + ⋯ + 𝑛𝑥 ! + ⋯
= 1 + 𝑥 + 𝑥 ! + ⋯ + 𝑥 ! + ⋯ − 1 + (𝑥 ! + 2𝑥 ! + ⋯ + (𝑛 − 1)𝑥 ! + ⋯ )

D’autre part. Des deux dernières équations, on obtient alors

1 𝑥
𝑓 𝑥 = − 1 + 𝑥𝑓 𝑥 ⇒ 𝑓 𝑥 =
1−𝑥 (1 − 𝑥)!
Enfin, en injectant ce résultat ainsi que le développement limité de 1/(1 − 𝑥)
dans l’expression de la densité d’énergie (7.4) et en substituant à 𝑥 sa valeur, on
obtient

𝐸!"! ℏ𝜔
= ℏ! (7.5)
𝑁
𝑒 !" − 1
qui, une fois substitué dans l’expression de la densité spectrale (7.1), donne

ℏ𝜔 !
𝑄(𝜔, 𝑇) = ℏ! (7.6)
4𝜋 ! 𝑐 ! 𝑒 !" − 1
Qui est en quelque sorte le premier résultat de la théorie quantique !

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6 N. Djeghloul

Une rapide analyse mathématique de la fonction (7.6) montre qu’elle possède
bien un (et un seul) maximum (A faire, TD) et que son comportement reflète
bien celui des courbes expérimentales de la figure (7.2) issues des expérience sur
le corps noir.

La loi de Planck (7.6), réalise une victoire remarquable en rendant bien compte
des courbes expérimentales des résultats expérimentaux. Par contre, c’est sur le
plan ontologique que des efforts conceptuels sont encore à faire. En effet, est-il
possible de donner une réalité objective à ces « oscillateurs » composant le
rayonnement ? La question de ces oscillateurs pose le problème de l’origine de
cette « oscillation ». Y a-t-il un potentiel à son origine ? Auquel cas comment
considérer le système comme libre ou encore un gaz parfait ? Comment
concilier cette description avec la découverte du photon ?

Autant de questions qui trouveront des réponses satisfaisantes avec les


développements de la théorie quantique, celle principalement du champ
électromagnétique et de la découverte du photon et de ses caractéristiques pour
lesquels Albert Einstein aura eu des contributions décisives.

7.3 La loi statistique du rayonnement du corps noir


Nous allons maintenant appliquer la statistique de Bose-Einstein au
rayonnement, considéré comme un gaz parfait de photons.

La propriété (intrinsèque) fondamentale du photon qui sera nécessaire à


l’élaboration d’une formulation statistique complète du rayonnement du corps
noir est le nombre de ses degrés de liberté. Bien que le photon, particule
bosonique de spin 1 serait sensé avoir trois degrés de liberté (2s+1=3), c’est
uniquement deux2 degrés de liberté qui lui seront assignés, soit, dans
l’expression de la distribution de Bose-Einstein le remplacement de « 𝑔! » par sa
valeur : 2. Remarquons que la valeur du nombre de degrés de liberté, c’est à dire
des sous-états physiques du spin, ne dépendent pas de l’état d’énergie (et ne sont
donc plus indexés par l’indice 𝑘.

De plus, ajouter (ou enlever) un (ou plusieurs) photons à un système de


photons (ici, le rayonnement) ne changera en rien la fréquence 𝜔 (et donc
l’énergie (𝐸 = ℏ𝜔) observée. Il est alors possible de considérer le potentiel
chimique comme nul, soit 𝜇 = 0.


2
Ceci a été vu au cours de Mécanique Quantique Approfondie. Vous trouverez aussi dans le document intitulé
« Appendice A » tous les compléments nécessaires à ce sujet (disponible sur la plateforme TE de l’université).
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Applications de la statistique de Bose-Einstein 7

Les deux précédentes observations nous permettront d’écrire la distribution de
Bose-Einstein pour un ensemble de photons comme suit

2
𝑛 𝜔 = ℏ! (7.7)
𝑒 !" −1

où, au lieu d’indexer le nombre de photons par l’énergie, nous l’avons fait par la
fréquence, ce qui est équivalent de part 𝐸 = ℏ𝜔.

Le spectre du rayonnement du corps noir (photons libres) étant continu, il


faudra ici aussi passer à la limite continue. Nous avons déjà établi cette limite
pour un gaz parfait de bosons (équation (4.2) du cours précèdent)

4𝜋𝑉
𝑝 ! 𝑑𝑝
→ (7.8)
ℎ!
Afin de tout écrire en fonction de la fréquence 𝜔, il faudra substituer
l’impulsion 𝑝 du photon par son énergie3, soit 𝑝 = 𝐸/𝑐 = ℏ𝜔/𝑐. On
obtiendra

4𝜋𝑉 𝑉
!
𝑝 ! 𝑑𝑝 = 𝜔 ! 𝑑𝜔 (7.9)
ℎ 2𝜋 ! 𝑐 !
En utilisant (7.7), on calcul le nombre total de photons 𝑁

𝑉 𝜔 ! 𝑑𝜔
𝑁= (7.10)
𝜋 !𝑐! ℏ!
𝑒 !" − 1
Soit un nombre de photons par unité de fréquence

𝑑𝑁 𝑉 𝜔!
= ! ! ℏ! (7.11)
𝑑𝜔 𝜋 𝑐 !"
𝑒 −1
La densité de radiation spectrale, c’est à dire l’énergie rayonnée par unité de
fréquence, unité de temps et unité de surface, est donnée, par définition, par

𝑑!𝑁
𝑄 𝜔, 𝑇 = ℏ𝜔× (7.12)
𝑑𝜔𝑑𝑡𝑑𝑆

Restera donc à évaluer le nombre de photons par unité de temps et de surface.

Pour cela nous procéderons comme pour le cours concernant l’interprétation


statistique de la pression (par les chocs).


3
A partir de l’invariance de la norme du quadrivecteur énergie-impulsion 𝑚! 𝑐 ! = 𝐸 ! − 𝑝! 𝑐 ! on aura pour une
particule de masse nulle : 𝐸 = 𝑝𝑐.
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Considérons le détecteur de section 𝑆 orienté suivant l’axe (𝑜𝑧) comme illustré
dans la figure 7.4 ci-après.

Figure 7.4. Illustration de la détection des photons compris dans le volume « détectable » défini par le
temps de détection 𝑑𝑡 et la surface du détecteur 𝑆.

Pendant un temps 𝑑𝑡, seuls les photons appartenant au volume < 𝑣! > 𝑑𝑡×𝑑𝑆
seront détectés. Rapportés à la densité de photons de l’enceinte 𝑁/𝑉, le nombre
de photons détectés par unités de temps 𝑑𝑡 et de surface 𝑑𝑆 sera4

𝑑!𝑁 𝑁
= < 𝑣! > (7.13)
𝑑𝑡𝑑𝑆 𝑉
Pour terminer, il restera à calculer la valeur moyenne de 𝑣! . Comme les photons
sont libres, la condition d’isotropie est applicable, impliquant dès lors que la
distribution des vitesses 𝑓(𝑣) est à symétrie sphérique. Elle dépendra donc
uniquement du module de la vitesse, soit 𝑓(𝑣). On se positionnera dans le
système de coordonnées sphériques où l’élément de volume est
𝑣 ! sin 𝜃 𝑑𝑣𝑑𝜃𝑑𝜑 et la composante de la vitesse projetée sur l’axe (𝑜𝑧) est
𝑣! = 𝑣 cos 𝜃. Il faudra aussi faire attention au fait que seuls les photons du
volume « détectable » < 𝑣! > 𝑑𝑡×𝑑𝑆 qui se déplaceront dans la direction
positive de l’axe (𝑜𝑧) seront concernés par la mesure. Par conséquent
l’intégration des angles 𝜃 et 𝜑 se fera uniquement sur la demi-sphère orientée,
elle aussi, suivant la direction positive de l’axe (𝑜𝑧). Ceci fixera les bornes de
variation pour 𝜑 (de 0 à 2𝜋) et pour 𝜃 (de 0 à 𝜋/2). On aura alors5
!
!! !
!
< 𝑣! >≡ 𝑣! 𝑓 𝑣 𝑑 ! 𝑣 = sin 𝜃 cos 𝜃 𝑑𝜃 𝑑𝜑 𝑣 ! 𝑓(𝑣)𝑑𝑣
! ! ! (7.14)
!
1 1!
𝑐
= 𝑣𝑓 𝑣 4𝜋𝑣 𝑑𝑣 = < 𝑣 >=
4 ! 4 4


4
Une simple règle de trois permet d’y arriver : 𝑁 photons dans un volume 𝑉 : combien de photons dans un volume
< 𝑣! > 𝑑𝑡×𝑑𝑆 ?
5
Pour résoudre cette intégrale, remarquer que : sin 𝜃 cos 𝜃 𝑑𝜃 = sin 𝜃 𝑑(sin 𝜃) et faire le changement de variable
adéquat.
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où, bien évidemment, la valeur moyenne du module de la vitesse des photons
est strictement égale à la vitesse de la lumière dans le vide.

En combinant les résultats (7.14), (7.13), (7.12) et (7.11), on obtient


finalement

𝑑 𝑑!𝑁 𝑐 𝑑𝑁 ℏ 𝜔!
𝑄 𝜔, 𝑇 = ℏ𝜔 = ℏ𝜔 = (7.15)
𝑑𝜔 𝑑𝑡𝑑𝑆 4𝑉 𝑑𝜔 4𝜋 ! 𝑐 ! !" ℏ!
𝑒 −1
où l’on retrouve bien la loi du rayonnement du corps noir en accord avec les
courbes expérimentales, cette fois-ci à partir de la statistique de Bose-Einstein
appliquée au rayonnement considéré comme un gaz parfait de photons (plus
besoins donc d’hypothétiques oscillateurs).

Il est alors possible de retrouver les prédictions de la théorie classiques (Loi de


Rayleigh-Jeans) en considérant, comme pour les résultats des cours précédent, la
limite aux hautes températures. En effet, la loi (7.15) considérée pour 𝑘𝑇 ≫
ℏ𝜔 admet en approximation, la valeur suivante (faire le développement limité
ℏ!
ℏ!
𝑒 !" ≈ 1 + + ⋯)
!"

𝑘𝑇
𝑄 𝜔, 𝑇 ≈ 𝜔! (7.16)
4𝜋 ! 𝑐 !

Cette approximation peut être interprétée de la façon suivante. A l’échelle des


énergies « classiques » 𝑘𝑇 très grandes devant ℏ𝜔, le quantum d’énergie ℏ𝜔
apparaît négligeable et par conséquent de même pour l’influence des aspects
quantiques. Rien d’étonnant donc à retrouver les prédictions de la théorie
classique. Par contre pour des échelles d’énergie 𝑘𝑇 de l’ordre du quantum
d’énergie ℏ𝜔 (et plus petites), les effets quantiques ne sont plus négligeables et
deviennent même prépondérants. C’est, comme nous l’avons montré pour les
cours précédents (voir le phénomène de condensation de Bose-Einstein, ou
encore la capacité calorifique d’un gaz parfait de bosons), le comportement
nouveau, radicalement différent des prévisions classiques, que l’on rencontre
aux basses températures. Pour ces basses températures, ou de façon équivalente,
pour de hautes fréquences, on peut au travers de 𝑘𝑇 ≪ ℏ𝜔 aboutir à
l’approximation suivante de (7.15)

ℏ ℏ!
! ! !"
𝑄 𝜔, 𝑇 ≈ 𝜔 𝑒 (7.17)
4𝜋 ! 𝑐 !
Clairement décroissante, tel qu’observé expérimentalement. Cette loi fut prédite
empiriquement par Wien avant que Planck ne présente ses travaux théoriques
sur la question du problème du corps noir.

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Nous pouvons enfin calculer, de façon exacte, l’énergie totale rayonnée, en
intégrant (7.15) pour tout le spectre des fréquences 𝜔, soit
! !
𝑘𝑇 ! 𝑥!
𝑄!"! 𝑇 = 𝑄 𝜔, 𝑇 𝑑𝜔 = 𝑑𝑥 (7.18)
! 4𝜋 ! ℏ! 𝑐 ! ! 𝑒! − 1

où le changement de variable 𝑥 = ℏ𝜔/𝑘𝑇 a été fait. La dernière intégrale peut


être rapportée à la fonction spéciale6 𝑔! (1) et donc à la fonction zêta de
Riemann 𝜁(4).

On trouve finalement la loi de Stefan-Boltzmann

𝑄!"! 𝑇 = 𝜎𝑇 ! (7.19)
!! ! !
où la constante de Stefan 𝜎 = ≈ 5.67 10!! watt. m!! . K !!
!"ℏ! ! !

Il conviendra de refaire intégralement la démonstration de (7.18) ainsi que le


calcul numérique (et unité) de la constante de Stefan comme exercice de TD.

7.4 La température à la surface d’une étoile


Outre sont application au corps noir, la relation (7.15) est en particulier utilisée
en astrophysique afin de mesurer la température à la surface des étoiles.

Etant isolée thermiquement par le vide qui l’entoure et tant que l’étoile émet du
rayonnement en régime permanent (l’étoile est stable), la portion d’espace
compris entre sa surface et un observateur distant peut être considérée comme
une enceinte contenant un rayonnement en équilibre. La loi du rayonnement
du corps noir (7.15) est alors applicable. Insistons sur le fait que seule la
température de la surface peut être déterminée de cette manière. En effet, au
cœur d’une étoile, les désintégrations (interaction faible) et les réactions
nucléaires (interaction forte) sont telles qu’à peine émis, les photons sont
aussitôt réabsorbés. Ces derniers n’auront aucune chance d’être détectés par un
observateur distant. C’est donc uniquement les photons émis en surface qui,
libres, arriveront jusqu’à l’observateur et donc au détecteur.

On remarque que pour une température donnée, l’énergie de radiation du


rayonnement est concentrée autour d’une fréquence particulière 𝜔! . En effet, il
est aisé de montrer que 𝑄 𝜔, 𝑇 possède un unique maximum pour une unique


6
Revoir à ce propos les fonctions intégrales 𝑔𝛼 (𝑧) vu au premier cours sur l’application de la statistique de Bose-
! !!
Einstein à un gaz parfait de bosons. On trouve explicitement ! ! ! !!
𝑑𝑥 = Γ 4 𝑔4 1 = 6𝜁 4 = 𝜋4 /15.
Physique Statistique
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valeur 𝜔! (𝑇) de la fréquence dépendante de la température. Il conviendra de
démontrer cela comme exercice de TD7.

Cette fréquence 𝜔! sera obtenue comme suit

𝑑𝑄 𝜔, 𝑇 ℏ!!
= 0 ⟹ 3𝑘𝑇 − ℏ𝜔! 𝑒 ! !" − 3𝑘𝑇 = 0 (7.20)
𝑑𝜔 !!

Qui admet deux solutions, la première, triviale, 𝜔! = 0 ne correspond pas à un


maximum (mais un minimum, à faire), et la seconde (celle qui nous intéresse)
que l’on peut calculer exactement en utilisant la fonction de Lambert 𝑊(𝑥).
Elle sera donnée par

𝑘𝑇 𝑘𝑇
𝜔! = 𝑊 −3𝑒 !! + 3 ≈ 2.8214 (7.21)
ℏ ℏ

Ainsi en observant le spectre du rayonnement émis par la surface d’une étoile


distante, il suffit de repérer la fréquence pour laquelle le maximum de radiation
est émise pour en déduire directement la température. Par exemple, pour le
Soleil, le maximum d’émission est concentré autour de la raie verte du spectre
visible, de longueur d’onde 𝜆 = 504 nm, soit une température (à la surface) de
𝑇 = 5800 𝐾. En outre, selon (7.21), si la température baisse en dessous de
2000 𝐾, le maximum d’émission est atteint pour les infrarouges, ne laissant
qu’une faible proportion du rayonnement dans le visible. Ainsi, en dessous de
cette température (de surface), l’astre ne nous apparaitra plus à l’œil nu.

Il conviendra de faire attention au fait que la fréquence 𝜔! est mesurée par un


observateur distant de l’étoile qui peut être en mouvement relatif par rapport à
lui. Il faudra alors corriger la valeur de cette fréquence en tenant compte de
l’effet Doppler (relativiste). En effet, c’est la valeur de la fréquence du
rayonnement émis par la surface de l’étoile qu’il faut remplacer dans l’expression
qui relie 𝜔! à 𝑇.

Dans certaines situations plus complexes, les étoiles dont on observe le


rayonnement sont soit très massives, soit dans des régions de l’espace où le
champ gravitationnel est très intense (comme par exemple à proximité d’un
trou noir). Dans ces cas-là, il faudra aussi tenir compte du décalage spectral
gravitationnel tel que prédit par la relativité générale.


7
Pour cela il suffit de démontrer qu’il existe une seule valeur 𝜔! tel que 𝑑𝑄 𝜔, 𝑇 /𝑑𝜔 !! = 0. Attention, il faudra aussi
montrer que l’extremum obtenu pour 𝜔! est aussi un maximum !
Physique Statistique
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Enfin, pour les objets lumineux les plus éloignés (tels que les quasars) les effets
de l’expansion de l’Univers doivent aussi être intégrés dans le calcul de la valeur
de 𝜔! à considérer dans l’évaluation de la température.

7.5 Le fond diffus cosmologique


Depuis le début des années 19608, nous savons que tout l’espace est baigné d’un
rayonnement électromagnétique émettant principalement dans les fréquences
correspondantes au domaine des micro-ondes. En effet, dans n’importe quelle
direction où l’on pointe un radiotélescope, on détecte un rayonnement
correspondant, selon (7.21), à une température moyenne de 2.78 𝐾.

Si l’on met cette découverte en perspective d’un autre résultat issu de la


relativité générale d’Einstein (dans le contexte cosmologique) : celui de
l’expansion de l’Univers et son corolaire, le Big Bang, on peut alors attribuer ce
rayonnement aux premiers photons qui ont pu se libérer dès que les
recombinaisons des électrons et des protons (et neutrons) se sont faites, donc
dès la constitution des premiers atomes de l’Univers9.

Cette période que l’on appelle phase de transparence (c’est la première fois que
de la lumière a pu circuler librement dans l’Univers) est située vers 380 000 ans
après le Big Bang. Ceci représente très peu de temps comparativement aux
débuts de l’Univers (il y environ 13,7 milliards d’années). En considérant l’effet
de l’expansion de l’Univers du au décalage spectral des fréquences (une sorte
d’effet Doppler cosmologique que vous verrez en M2), il est alors possible de
remonter à la fréquence (ou longueur d’onde) au moment de l’émission de ces
photons et donc à la température moyenne de l’Univers au même moment,
environ 3000 𝐾. Cette température, relativement froide, aura permis le
ralentissement des atomes et la constitution des premiers agrégats de matière,
principalement sous forme de gaz.

Il faudra enfin noter que la température actuelle du rayonnement fossile


cosmologique (Cosmic Microwave Background ou CMB) est une température
moyenne, car selon la direction où l’on pointe le radiotélescope nous
enregistrons de petites variations (de l’ordre de 10!! à 10!! ) qui bien que
petites, sont plus grande que la précision permise par les observations (comme
par exemple la mission COBE, lancé en 1989, résultats publiés en 1992,
WMAP, 2001 ou encore la mission Planck, 2009). L’origine de ces anisotropies


8
Observation faite pour la première fois par A. A. Penzias et R. H. Wilson en 1964.
9
En effet, tant qu’il subsiste des charges libres, les photons sont sans cesses émis et réabsorbés de sorte à ce qu’ils ne
soient jamais libres.
Physique Statistique
Applications de la statistique de Bose-Einstein 13

manifestes font encore l’objet de recherches, aussi bien théoriques
qu’observationnelles.

Figure 7.5. Le fond diffus cosmologique et ses anisotropies telles qu’enregistrées


par le télescope spatial Planck, 2009.

Physique Statistique

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