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En couverture :
© Daniel Stigefelt
EAN : 978-2-221-26436-2
Copyright
Dédicace
Exergue
Préface
Chapitre 1 - Lire dans les pensées ? - Qu'est-ce que ça veut dire au juste ?
Chapitre 4 - Les sens et les pensées - Comment nos impressions sensorielles déterminent nos pensées
Chapitre 6 - Il n'est jamais trop tard - Petit conte moral sur l'importance de savoir lire dans
les pensées des autres
Chapitre 8 - L'Art de la drague inconsciente - Comment les gens flirtent sans le savoir
Chapitre 9 - Regardez-moi bien dans les yeux ! - Comment suggérer des choses aux autres
et les influencer en toute discrétion ?
Chapitre 10 - Les ancres - Comment planter et déclencher des états émotionnels
Télépathie
Références
PRÉFACE
Pour que les choses soient tout à fait claires entre nous, je ne prétends pas
que le contenu de ce livre est objectivement « vrai », ou du moins plus vrai
que toute autre vision subjective du monde qui nous entoure. Il contient des
théories et des idées auxquelles croient bon nombre de personnes et qui
semblent tenir la route quand on les mesure et qu’on les teste. Mais nous
n’avons pas tous la même vision de la « vérité » et ces visions s’affrontent
parfois, par exemple dans le cas du christianisme, du bouddhisme et de la
science. Même si ce livre contient de nombreux outils, ce ne sont que des
métaphores – des modèles si vous préférez – pour décrire une certaine
réalité. Certaines personnes préfèrent utiliser d’autres modèles pour donner
un sens à leur réalité ; modèles qu’elles qualifient de « religieux », de
« philosophiques » ou encore de « scientifiques ». La catégorie dans
laquelle on peut placer les modèles de ce livre dépend donc énormément de
l’avis de chacun. Certains vous diront qu’ils sont scientifiques. D’autres
affirmeront que la psychologie et la psychophysiologie ne sont pas des
sciences. D’autres encore les critiqueront et diront que ce sont des
généralisations ultra-simplifiées de phénomènes complexes et qu’ils ne sont
donc pas dignes d’intérêt. Je ne suis pas du tout d’accord avec eux car ces
modèles se sont avérés étonnamment utiles pour comprendre et influencer
ses interlocuteurs. Cela ne veut pas dire qu’ils décrivent des phénomènes
tels qu’ils existent objectivement, « réellement ». En psychologie, tout
bouge constamment et les vérités d’aujourd’hui peuvent devenir les
mensonges de demain – et redevenir des vérités après-demain. Tout ce que
je peux vous garantir, c’est que si vous appliquez ce que je vais vous
apprendre, vous obtiendrez des résultats très – très – intéressants.
CHAPITRE 1
Où j’explique ce que j’entends par « lire dans les pensées » et où je
prétends que Descartes s’est trompé, avant de commencer ce
voyage avec vous.
Je crois en notre capacité à lire dans les pensées, entièrement et de tout mon
cœur. Pour moi, ce n’est pas plus mystérieux qu’arriver à comprendre ce
que dit quelqu’un quand il nous parle. En fait, c’est même peut-être un peu
moins mystérieux que ça. En ce qui me concerne, c’est un fait qui ne peut
pas être remis en question. C’est parfaitement naturel – c’est quelque chose
que l’on fait, tout le temps, sans s’en rendre compte. En revanche, on le fait
bien sûr avec plus ou moins de succès et plus ou moins consciemment.
Mais je suis convaincu que, quand on sait ce qu’on fait et comment on le
fait, on peut s’entraîner à le faire encore mieux. C’est là tout le sujet de ce
livre. Alors que fait-on réellement ? Qu’est-ce que j’entends par « lire dans
les pensées des autres » ? Que signifie vraiment « lire dans les pensées » ?
D’abord, laissez-moi vous expliquer ce que je ne veux pas dire. En
psychologie, ce qu’on appelle « lire dans les pensées » envoie beaucoup de
couples en thérapie car ils s’imaginent que l’autre peut deviner ce qu’il/elle
pense :
« S’il m’aime vraiment, il aurait dû savoir que je ne voulais pas aller à
cette fête, même si j’ai accepté d’y aller ! »
Ou :
« Il s’en fiche de moi sinon il aurait compris ce que je ressentais. »
Ce genre de raisonnement ressemble plus à une crise d’égocentrisme
qu’à autre chose. Croire qu’on peut lire dans les pensées des autres alors
qu’on se contente de projeter sur eux des attitudes et des valeurs mentales
peut aussi donner cela :
« Oh non, maintenant elle va me détester. »
Ou :
« Elle doit avoir une idée derrière la tête – sinon pourquoi sourirait-elle
tout le temps comme ça ? »
On appelle ça l’« erreur d’Othello ». Aucun de ces exemples n’est
comparable à la lecture de pensées telle que je vais vous l’expliquer. Ce
sont juste des idioties.
Le corps et l’esprit
Mais ce n’est pas tout. Non seulement toutes nos pensées influent sur notre
organisme, mais l’inverse est également vrai. Tout ce qui se passe dans
notre corps agit sur nos processus mentaux. C’est facile à vérifier. Essayez
par exemple :
de serrer les mâchoires ;
de froncer les sourcils ;
de fixer un point du regard, devant vous ;
de serrer les poings ;
et restez comme ça dix secondes.
Silencieux et inconscient
L’aspect mental et l’aspect biologique sont les deux faces d’un même
phénomène. Si vous comprenez ça, vous êtes bien parti pour devenir un
fantastique mentaliste. Lire dans les pensées consiste, en gros et tel que je le
conçois, à comprendre le processus mental d’autrui en observant ses
réactions et caractéristiques physiques. Bien sûr, on ne peut pas vraiment
« lire » ce qui se passe dans la tête des gens (pour commencer, cela voudrait
dire qu’on pense tous avec des mots, ce qui, comme nous allons le voir,
n’est pas toujours le cas). De toute façon, on n’est pas obligé de le faire car,
comme vous le savez maintenant, il suffit parfois d’observer ce qui se passe
à l’extérieur pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur. On retrouve
toujours plus ou moins les mêmes signes : réaction physique, posture, ton
de voix, etc. Pour autant, beaucoup d’éléments changent constamment
quand on parle à quelqu’un : notre langage corporel, le mouvement de nos
yeux, le rythme de notre diction, etc. Tout cela peut être considéré comme
de la communication « non verbale » ou silencieuse.
En fait, la quasi-totalité de la communication entre deux personnes est
silencieuse et ce qu’on exprime par des mots n’est qu’une fraction du
message. (Même quand on collabore pour résoudre un problème
mathématique, il faut un minimum de communication non verbale au moins
pour motiver les gens à se serrer les coudes.) Le reste passe par le corps et
la qualité de la voix. Pourtant, curieusement, on continue de penser qu’il
vaut mieux se concentrer sur ce que notre interlocuteur dit – autrement dit
sur les mots qu’il choisit d’utiliser – que se concentrer sur la façon dont il le
dit. Bref, la communication non verbale, qui représente une part
substantielle de la communication, n’est pas seulement silencieuse, elle est
aussi le plus souvent inconsciente 1.
Communiquer sans en avoir conscience ? Mais ce n’est pas possible !
Eh bien, si. Même lorsque nous regardons notre interlocuteur dans sa
globalité, nous nous concentrons presque toujours sur ce qu’il nous dit et
nous oublions d’observer le mouvement de ses yeux, les expressions de son
visage ou le reste de son corps, sauf dans des cas vraiment évidents (comme
quand il fait ce que nous venons de faire : froncer les sourcils, serrer les
mâchoires, regarder fixement avec les poings serrés). Malheureusement,
nous ne sommes pas non plus spécialement doués pour comprendre ce
qu’on nous dit avec des mots car nous sommes en permanence exposés à
des tas de suggestions cachées et d’insinuations ambiguës qui passent à
travers les mailles de notre esprit conscient. Par contre, ces suggestions et
insinuations vont titiller notre inconscient, une part absolument essentielle
de notre être, où sont stockés beaucoup de nos opinions, préjugés et idées
préconçues.
La vérité est que nous communiquons toujours avec tout notre corps,
que ce soit à travers des gestes enthousiastes de la main ou le changement
de taille de nos pupilles. Bien que nous rations souvent consciemment ces
détails, notre inconscient, lui, les capte. Toute la communication, qu’elle
passe par le langage corporel, les odeurs, le ton de la voix, les états
émotionnels ou les mots, est absorbée, analysée et interprétée par notre
inconscient qui envoie les réponses appropriées via les mêmes canaux
silencieux et inconscients. Donc, non seulement, notre esprit conscient
passe à côté de la majeure partie de ce qu’on nous dit, mais nous n’avons
pas non plus vraiment conscience de la façon dont nous y répondons. Pour
ne rien arranger, nos réponses inconscientes et silencieuses peuvent
facilement venir contredire les opinions que nous pensons avoir ou ce que
nous exprimons à travers des mots. Cette communication inconsciente a
bien évidemment un fort impact sur nous et explique pourquoi nous avons
parfois la désagréable impression que quelqu’un qui nous parle gentiment
ne nous aime pas. C’est juste que nous avons inconsciemment capté des
signes d’hostilité qui provoquent une sensation dont nous ne comprenons
pas l’origine.
Notre inconscient n’est pourtant pas parfait. Il a beaucoup à absorber,
comprendre et analyser – et tout cela en même temps sans que personne lui
ait appris à le faire. Alors il se trompe souvent. Nous ne voyons pas tout,
nous ratons des nuances, nous interprétons mal des signes. Nous sommes
parfois confrontés à des malentendus inutiles.
C’est pour cela que ce livre existe.
Vous lisez déjà dans les pensées mais vous pouvez vous
améliorer
1. Pour être précis, la voix est considérée comme une forme de communication intraverbale
alors que le langage corporel est non verbal. Pour me simplifier la vie et pour que ce livre ne
soit pas trop lourd à porter, j’ai décidé de les regrouper sous l’expression « communication non
verbale ».
CHAPITRE 2
Où je vous parle de cycles et où nous apprenons
à établir de bonnes relations avec une personne
que nous apprécions sans ouvrir la bouche.
LA CONNEXION
Si nous voulons connaître les pensées des autres, c’est pour une bonne
raison : cela nous aide à nous connecter à eux ou, selon les spécialistes de la
communication non verbale, à « établir un rapport ». Quand on fait la
connaissance de quelqu’un, on essaie toujours de se connecter à lui, que ce
soit dans le contexte commercial, comme lorsque l’on veut faire
comprendre une idée, ou dans un contexte plus personnel, comme lorsque
l’on veut capter l’attention du type canon à la caisse du supermarché sur
lequel on fantasmait un peu plus tôt. Dans les deux cas, pour réussir, il faut
se connecter à la personne concernée.
En anglais, le mot « rapport » signifie avoir une relation ou une
connexion avec quelqu’un ou quelque chose. Quand elle est bonne, on crée
une relation de confiance, de consentement, de coopération et d’intérêt
mutuel. Ça peut servir, non ?
La connexion est la base de toute bonne communication, du moins
quand on veut que notre interlocuteur nous écoute et s’intéresse à ce qu’on
dit. Quand on essaie de faire passer un message, comme simplement obtenir
de nos enfants qu’ils débarrassent le lave-vaisselle, il faut absolument
veiller à bien se connecter à eux. Sinon c’est fichu. On n’obtiendra pas gain
de cause. La connexion est aussi un prérequis pour des personnes qui
s’apprécient sur un plan plus personnel. Si on espère que cela devienne
encore plus personnel sans qu’il y ait cette fameuse connexion, c’est perdu
d’avance.
On établit en permanence de bonnes et de mauvaises connexions avec
les autres. Quand on sait comment ça marche, on peut apprendre à faire
pencher la balance du bon côté, même avec des gens avec qui on ne
s’entendrait pas en temps normal. Bizarrement, on les trouve souvent à des
postes où leur avis et leur comportement face à nos opinions et à nos idées
peuvent avoir de grandes conséquences sur notre avenir. Ce serait donc
super s’ils comprenaient enfin ce qu’on veut dire, non ?
Si vous ne comprenez pas le lien entre la connexion et la capacité à lire
dans les pensées des autres, permettez-moi d’insister. Ce que vous allez
apprendre pour mieux les observer et vous connecter à eux va aussi vous
indiquer leur état d’esprit, ce qu’ils comprennent, ce qu’ils pensent et ce
qu’ils ressentent. Le mentalisme commence comme ça. Et c’est essentiel
pour créer de bonnes relations.
1. Toutes ces techniques peuvent être utilisées en sens inverse, c’est-à-dire pour détruire une
relation (remarquez comment certaines personnes avec qui vous avez des rapports compliqués
excellent dans cet art). Pour avoir de mauvaises relations avec quelqu’un, il faut utiliser des
méthodes de communication aussi éloignées que possible des siennes. C’est très utile pour
mettre rapidement fin à un rendez-vous ou inciter des personnes ennuyeuses à nous laisser
tranquille. Ce faisant, on leur donne l’impression d’être trop compliqué ou trop désagréable
pour qu’elles aient envie de continuer à nous parler.
CHAPITRE 3
Où l’on va apprendre à utiliser le langage corporel
et d’autres méthodes non verbales pour parvenir
à nos fins, d’une façon complètement différente
de celle à laquelle vous pensez.
DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Maintenant, respirez profondément. Dans les pages qui suivent, je vais vous
bombarder de faits, de méthodes et de techniques qu’on peut utiliser pour se
connecter à quelqu’un. Je vais tout vous expliquer, du langage corporel au
ton de la voix, en passant par les niveaux d’énergie et les opinions
personnelles. Comme je fais tout cela pour que vous puissiez vous en servir
dans la vraie vie, plus vite vous commencerez à vous entraîner, mieux ce
sera. Mais ce n’est pas non plus une raison pour vous précipiter. Prenez
votre temps pour apprendre à tout maîtriser.
N’ayez pas peur d’être « repéré » quand vous vous exercerez à vous
connecter à quelqu’un. Je vous promets que personne ne se plaindra de
constater qu’il est plus facile de vous comprendre et plus agréable de vous
parler, ou même que vous savez brusquement lire dans les pensées. Même
si vous serez conscient de tout ce que vous ferez pendant un certain temps,
les gens autour de vous ne verront rien.
L’exercice « observation »
1. La prochaine fois que vous serez dans un restaurant, observez comment les gens
qui sont connectés entre eux se suivent et se guident. Cherchez un couple ou un
groupe d’amis qui semblent avoir des liens intimes, étroits et forts. Regardez-les
prendre tour à tour l’initiative ou la suite quand ils se parlent.
2. Essayez de repérer des personnes qui sont assises de la même façon que celle qui
est près d’elles dans la pièce.
3. Essayez de deviner qui se connaît ou qui ne se connaît pas dans un bus, un
tramway ou un métro plein. Petite astuce : repérez les gens qui sont assis ou qui
bougent de la même façon. Même s’ils ne sont pas à côté les uns des autres, ce sera
évident pour vous.
EXERCICES POUR LES TIMIDES
Faites ces exercices si le principe d’imiter la personne avec qui vous parlez vous
effraie un peu.
1. Regardez un talk-show ou un débat à la télévision. Asseyez-vous dans la même
position et bougez de la même façon que la personne qui parle. Vous allez remarquer
que vous savez plus ou moins ce qu’elle va dire avant qu’elle ouvre la bouche. Cela
n’a rien d’étonnant car, si elle se tient d’une certaine manière, c’est parce qu’elle
pense certaines choses. Si vous suivez ses mouvements et postures, vous allez
lancer des processus mentaux et créer en vous des humeurs similaires. Observez
comment vos émotions et votre perception de vous-même changent selon la posture
que vous adoptez.
2. Connectez-vous à quelqu’un qui se trouve loin de vous. Si vous êtes dans un lieu
public ou en société, choisissez quelqu’un avec qui vous n’êtes pas directement en
contact, quelqu’un qui se trouve à l’autre bout de la pièce, et commencez à suivre son
langage corporel. Ne soyez pas surpris si, rapidement, la personne vient vous
demander si vous vous connaissez. C’est simplement parce que, comme vous
l’imitez, vous lui paraissez familier ! Je vous conseille donc de choisir quelqu’un avec
qui vous êtes prêt à parler plutôt que quelqu’un que vous préféreriez éviter. C’est une
technique secrète pour draguer quelqu’un et pour qu’il s’intéresse à nous quand on
est trop timide pour lui parler directement.
3. Pour éviter que la personne vous « démasque », faites-la parler d’elle. Puis, sans
hésiter, commencez à reproduire son langage corporel en acquiesçant avec des
« hum, hum » et des « oui ». Elle ne remarquera rien car, quand on parle de nous (ou
qu’on est très en colère), on se coupe du reste du monde. On parle de nous à nous-
même, avec nous-même, sans vraiment remarquer ce que l’autre fait.
COMMENT PARLEZ-VOUS
VRAIMENT ?
Comment utiliser votre voix ?
La voix est un autre outil efficace pour se connecter à quelqu’un. Le
principe reste le même : on adapte notre voix à la façon dont notre
interlocuteur utilise la sienne. Là encore, il faut le faire graduellement et
discrètement. Et il ne faut pas non plus l’imiter parfaitement, comme quand
on reproduit le langage corporel de quelqu’un. En fait, même si on y
parvenait, cela ferait très bizarre. Mais la voix a diverses qualités auxquelles
on peut s’adapter et certaines caractéristiques dont on peut se rapprocher.
Écoutez et regardez comment la personne en face de vous parle et aidez-
vous de ce qui suit.
La tonalité
A-t-elle une voix grave ou aiguë ? Beaucoup d’hommes ont une voix grave
à cause de la structure de leur larynx. Et beaucoup de femmes parlent avec
une voix plus aiguë qu’elles ne le devraient en réalité. Si on agit ainsi, c’est
purement culturel. C’est parce qu’on croit que c’est un moyen d’accentuer
notre masculinité ou notre féminité.
La richesse de la voix
Est-ce une voix riche avec des timbres différents ou une voix fluette et
légère ? Dans notre culture, les voix pleines et riches sont considérées
comme étant puissantes, sérieuses et fiables, alors que les voix plus fluettes
sont associées à la féminité et à la séduction. Une voix légère peut aussi
faire puéril.
La mélodie
Est-ce une voix monocorde qui reste tout le temps sur la même note ? Ces
voix ne descendent généralement pas à la fin d’une proposition et ne
montent généralement pas à la fin d’une question. À cause de cela, il n’est
pas toujours facile de comprendre ce que la personne veut dire – si c’est une
question ou une affirmation. Ou même une blague ! À l’inverse, il y a les
voix mélodieuses qui utilisent de nombreuses tonalités. Les Scandinaves et
plus particulièrement les Norvégiens sont célèbres pour leur langue aussi
mélodique qu’une chanson.
Le rythme
Force et volume
S’adapter au volume de la voix de l’autre est une bonne tactique. Quelqu’un
qui parle doucement va apprécier qu’on en fasse autant. Et quelqu’un qui
parle avec véhémence nous respectera si on augmente le volume de notre
voix.
LANGAGE
Changez vos expressions
Même si ce dont nous allons parler maintenant ne relève pas exactement du
non-verbal, je tiens à le faire parce que cela permet aussi de se connecter
aux autres. Quand nous parlons, nous avons tous des préférences, des
touches personnelles et des tics de langage dont vous trouverez des
exemples ci-après. Quand on se connecte à quelqu’un, il est toujours utile
de savoir s’adapter à telle ou telle particularité. Pour que l’autre personne y
croie, il faut évidemment bien savoir à quoi elles font référence.
L’argot
Il est très difficile de s’adapter à l’argot car il varie selon les tendances, les
endroits et les groupes d’âge. Il change aussi constamment et une
expression très prisée aujourd’hui peut être ringarde demain. Si vous vous
sentez suffisamment habile pour reproduire l’argot utilisé par la personne
avec qui vous voulez vous connecter, allez-y ! Mais si vous ne savez pas
comment répondre à : « Il est chelou, ce bolos, non ? », laissez tomber pour
ne pas courir le risque de vivre un grand moment d’embarras. Comme
l’argot sert aussi à montrer qu’on appartient à un certain groupe ou à une
certaine tranche d’âge, par exemple, il faut encore se demander si on a des
chances d’être pris au sérieux si on fait semblant d’y appartenir. Si on vous
dit quelque chose en argot et que vous n’appartenez pas au bon groupe
d’âge pour l’utiliser, vous pouvez montrer que vous êtes assez branché pour
l’avoir compris et y répondre sans vous en servir tant qu’on ne vous
« autorisera » pas à le faire, c’est-à-dire tant qu’on ne vous considérera pas
comme un membre du groupe qui utilise ce genre de langage.
Le jargon
Souvent, dans les discussions, on utilise des expressions ou des termes qui
ne peuvent être utilisés que dans un cadre précis. Quand on parle de
bateaux, on utilise des termes de navigation. Quand on utilise le jargon dans
la même mesure que la personne qui nous fait face, on lui montre qu’on
connaît et qu’on maîtrise le sujet aussi bien qu’elle. Cela va dans les deux
sens. Si quelqu’un utilise plus de termes techniques que vous en temps
normal, mais que vous avez les connaissances suffisantes pour vous adapter
à ce qu’il dit, allez-y. À l’inverse, si quelqu’un utilise moins de termes
techniques que vous normalement, évitez de trop le faire. Par exemple, si
quelqu’un montre un écran et dit : « L’ordinateur est cassé », cela ne sert à
rien de lui demander combien il y a de partitions sur son disque dur.
Demandez-lui plutôt s’il a appuyé sur ON.
Bien que nous ayons passé beaucoup de temps à l’école, nous parlons
rarement comme les livres de grammaire nous l’ont appris. Nous avons
tendance à ajouter des mots superflus un peu partout, notamment, vous
savez, à la fin des phrases. Si vous entendez quelqu’un parler comme ça,
faites de même !
Le langage hypnotique
Je sais que vous commencez à vous dire que je vous en demande trop.
Comment réussir à écouter la manière dont quelqu’un utilise sa voix,
adapter la vôtre à la sienne, tout en cherchant et en suivant son langage
personnel – et en analysant de préférence sa syntaxe –, sans oublier ce que
vous vouliez dire ? Croyez-moi, ce n’est pas aussi compliqué que cela en a
l’air. Vous le faites déjà en partie, de la même façon que vous adaptez votre
langage corporel à celui de vos interlocuteurs.
Laissez-moi vous donner un exemple banal pour illustrer tout ça : je sais
qu’il vous est déjà arrivé, à la fin d’une conversation téléphonique, de vous
rendre compte que toutes les personnes autour de vous ont compris avec qui
vous parliez sans que vous ayez prononcé son nom ou que vous leur ayez
donné le moindre indice pendant votre conversation, et que quand vous leur
avez demandé comment elles le savaient, elles vous ont répondu que c’était
à votre façon de parler. Vous avez déjà vécu cette scène, non ? Elles ont
deviné qui était votre interlocuteur parce que vous parliez comme lui et que
vous avez adapté votre voix et votre langage aux siens. Souvenez-vous : on
veut être accepté et respecté. On veut avoir des interactions sociales. On
veut se connecter aux autres.
L’exercice « câlin »
Si vous connaissez quelqu’un à qui vous pouvez faire un câlin sans avoir à lui
expliquer que c’est dans le cadre d’un exercice pour apprendre à se connecter aux
autres – ça peut être votre partenaire –, faites-lui-en un de façon à bien percevoir sa
respiration. Commencez par remarquer l’immense différence entre vos deux façons
d’inspirer et d’expirer. Suivez sa respiration pendant environ une minute. Puis
changez doucement votre façon de respirer. Si votre partenaire vous suit
inconsciemment, cela veut dire que vous vous êtes connectés grâce à votre
respiration.
Les experts en hypnose Martin Nyrup et Ian Harling suggèrent de pratiquer cet
exercice nu. Si vous avez la chance de pouvoir câliner quelqu’un sans porter le
moindre vêtement, au moment de vous coucher par exemple, essayez de refaire cet
exercice à l’identique. Vous sentirez une différence claire et réelle entre, d’un côté,
une connexion totale et, de l’autre, le sentiment désagréable d’être coupé de la
personne qui est physiquement proche de vous.
L’OPINION AÏKIDO
L’art d’être d’accord avec les gens
Une autre astuce très efficace pour se connecter aux autres consiste à être
d’accord avec eux. Je sais que ça peut paraître hypocrite. Mais je persiste et
je signe. Voici comment faire : essayez de trouver une attitude ou une
opinion de votre interlocuteur que vous êtes prêt à accepter. C’est très
important si vous souhaitez le faire changer d’avis sur un sujet. Quand on
tente de faire comprendre quelque chose à quelqu’un, on peut rencontrer
pas mal de résistance si on lui dit qu’il a tort car il va se mettre sur la
défensive au lieu d’écouter. La pire chose à faire, c’est donc de l’affronter
directement. Pour se connecter à lui, il faut lui faire comprendre qu’on le
comprend, qu’on est comme lui, et qu’on a les mêmes opinions que lui.
Il y a bien sûr une limite à ne pas dépasser : trahir nos valeurs et nos
principes. Mais on trouve généralement toujours quelque chose sur lequel
être d’accord. Si vous devez négocier avec quelqu’un dont l’avis est
diamétralement opposé au vôtre, vous aimez peut-être au moins tous les
deux les bateaux. Ou la série The Witcher. Même si vous pensez que la
personne n’a absolument rien compris au problème ou est simplement folle
à lier, vous pouvez toujours admettre que si vous étiez à sa place (c’est-à-
dire si vous n’aviez rien compris mais bien sûr, inutile de le lui dire), vous
ressentiriez la même chose qu’elle. Même si vous avez affaire à un escroc,
vous pouvez toujours reconnaître : « Je ferais pareil si j’étais vous. » Le
simple fait de dire « Si j’étais vous, je réagirais exactement de la même
façon » peut agir miraculeusement sur votre relation. Quand on y réfléchit,
c’est évident que si on était l’autre personne, on agirait comme elle. Mais ce
n’est pas comme cela qu’elle le perçoit. Pour elle, c’est la preuve qu’on la
comprend.
Trouver un point sur lequel être d’accord et en partir est le genre de
principe qu’on pourrait utiliser en aïkido. En essayant de s’opposer à l’avis
de l’autre en disant : « Vous avez tort », on se lance dans un combat mental
qui finira par être épuisant et improductif à la fois pour nous et pour lui.
À l’inverse, en lui disant : « Je ressens la même chose que vous », on se
place à ses côtés et on se sert de son énergie – qu’on aurait tout fait pour
contenir autrement – pour se propulser ensemble dans une autre direction.
On se met dans la posture du suiveur au lieu de s’opposer à lui. Cela ne le
dérangera pas car on se met soudain à travailler avec lui pour atteindre un
objectif commun au lieu de le défier pour savoir qui a raison. On est
connectés. On est au même endroit et sur la même longueur d’onde. L’un
des principes de base de l’aïkido consiste donc à ne pas contrer l’élan de
l’adversaire mais à le rediriger, si nécessaire, contre lui.
Shakespeare président !
Notre réalité est constituée dans une large mesure, et peut-être même
entièrement, par ce qu’on pense être vrai. Manipuler les croyances de
quelqu’un revient donc à influencer sa réalité. Les bons politiciens le savent
depuis longtemps. Quand on est dans l’opposition, il vaut toujours mieux
commencer par dire qu’on est d’accord avec l’opinion la plus populaire
avant d’exprimer les changements qu’on voudrait y apporter pour
l’améliorer. Dans la pièce Jules César de Shakespeare, Brutus, l’homme le
plus proche du dictateur romain, est accusé – à juste titre – de l’avoir
assassiné. « Tu quoque mi fili ? » Mais lors de ses funérailles, Brutus
prononce un vibrant discours pour convaincre le peuple qu’il a fait une
bonne action. Concrètement, il lui explique que, malgré l’amour qu’il
éprouvait pour César, il a compris que son besoin de pouvoir menait le
peuple à sa perte et en a conclu, bien qu’il soit conscient des conséquences
de son acte, qu’il n’y avait pas d’autre solution. Bref, il prétend qu’il a
commis cet abominable crime parce qu’il aimait Rome et non parce qu’il
détestait César.
Comme on ne peut qu’aimer un gars comme ça, le peuple est prêt à lui
pardonner jusqu’à ce que Marc Antoine, qui attendait en coulisse, fasse lui
aussi un discours tout spécialement préparé pour l’occasion. Il a choisi de
parler après Brutus pour pouvoir réagir à ce qu’il dirait et le faire
condamner. Quand son tour arrive, il commence par une déclaration
étonnante : comme tout le monde, il trouve que Brutus est un homme
d’honneur. Puis, après s’être rallié l’opinion publique, place à la rhétorique.
Dans son discours, il utilise des arguments émotionnels intelligents pour
inciter l’audience à en conclure que le meurtre de César n’était pas justifié
et que son auteur doit être banni. S’il avait commencé par dire cela – par
exprimer sa véritable opinion –, personne ne l’aurait écouté. Alors, au lieu
de se mettre en travers de la route de Brutus et d’être un obstacle, il a
commencé par aller dans son sens et par endosser le rôle de suiveur. Marc
Antoine aurait été ceinture noire d’aïkido oral. Et Shakespeare, qui a écrit
tout ça, aurait dû faire de la politique.
Pour mémoire : il ne faut pas trahir ses valeurs et ses principes quand on fait
de l’aïkido oral. Et il ne faut pas non plus mentir. Toute « connexion » doit
être fondée sur la sincérité. On peut parfois facilement trouver un terrain
d’entente. Mais d’autres fois, c’est plus compliqué, comme lors de
négociations et de débats où les différentes parties sont censées avoir des
opinions contraires.
Quand on n’est vraiment pas d’accord sur l’objet de la discussion ou de
la négociation, il vaut mieux chercher un autre sujet sur lequel se retrouver.
S’il n’y a visiblement aucune valeur commune, ce qui peut arriver quand on
se dispute avec un fou furieux, on peut toujours dire : « À votre place, je
serais comme vous. Je serais furieux qu’on m’ait envoyé des ondes
électromagnétiques dans les dents », ce qui, naturellement, est vrai et le sera
toujours. Si vous étiez comme lui, vous penseriez comme lui.
Si quelqu’un fait irruption dans la pièce, un gros nuage de colère au-
dessus de la tête, et tape du poing sur la table en hurlant : « C’est
INACCEPTABLE ! », la meilleure chose à faire est de se lever, de poser ce
qu’on a dans la main – quel que soit l’objet – avec un grand bruit sur la
table et de hurler : « TOUT À FAIT D’ACCORD ! Je comprends
COMPLÈTEMENT pourquoi vous trouvez ça inacceptable ! À votre place,
je penserais la même chose ! » Bref, la meilleure solution consiste à faire de
l’aïkido oral en copiant son langage corporel, le ton de sa voix et son niveau
d’énergie. Puis, après avoir un peu baissé le volume, ralenti le rythme de
notre voix et nous être éventuellement assis sur un coin de table, on peut
ajouter : « Mais vous savez quoi ? On doit pouvoir arranger ça. » Ce faisant,
on le guide à la fois vers une humeur plus appropriée mais aussi vers une
nouvelle approche ou une idée qui pourrait peut-être changer sa vision de la
situation. En plus de poser des bases solides pour régler le problème
ensemble, c’est un excellent moyen pour calmer les gens qui s’énervent
rapidement. Une personne en colère cherche l’opposition, une bagarre, et
veut qu’on se mette en travers de son chemin pour diriger sa colère contre
nous. Quand on reconnaît la colère de quelqu’un, qu’on lui dit qu’il a le
droit d’être fâché et qu’on est d’accord avec lui, on peut rapidement le
calmer.
L’objectif, comme toujours lorsqu’on essaie de se connecter à
quelqu’un, est de lui montrer qu’on le comprend, qu’on ressent et qu’on
pense la même chose que lui, ce qui va l’aider à être plus réceptif à nos
suggestions. Quand on semble être sur la même longueur d’onde que son
interlocuteur, il est plus enclin à essayer d’apprécier nos idées pour pouvoir
maintenir cette connexion. « À votre place, je penserais pareil. » Tout est
dit.
L’OPINION KUNG-FU :
LE « ET » ACCROUPI ET LE « MAIS »
CACHÉ
Comment relier différentes propositions ?
Pour donner l’impression d’être d’accord avec les gens et les inciter à
accepter des arguments éventuellement douteux, on peut simplement
utiliser le mot « et » au lieu du mot « mais ». Le mot « mais » implique une
réserve alors que le mot « et » lie les phrases et les propositions entre elles.
La puissance de connexion de « et » est si forte qu’il peut faire cohabiter
deux propositions qui se contredisent sans que cela fasse aucune différence.
Les bons politiciens ont appris à utiliser le « et ». Comparez ces deux
situations dans lesquelles, Swift, l’homme politique, commence par
marquer rapidement des points en parlant d’un sujet que tout le monde
trouve important.
Première situation
Seconde situation
Hé… juste pour être sûre… c’est toujours bon pour vendredi ? Isa
Ne répondez pas ça :
Bonjour Samus,
Je me suis renseigné et j’en ai conclu qu’on aurait plus intérêt à
faire cette réunion dans l’après-midi. S’il te plaît, peux-tu me
contacter dès que possible pour me confirmer si tu es disponible à
ce moment-là ou pas ?
Meilleures salutations
Henrik Fexeus
UN VIEUX RACCOURCI
Incitez les gens à parler d’eux
Tous les grands sages vous le diront : le sujet de conversation préféré des
gens, c’est eux-mêmes. L’un des premiers spécialistes des relations
humaines, Dale Carnegie, a écrit en 1936 que, pour persuader les autres que
l’on est un excellent interlocuteur, il faut les faire parler d’eux. Il suffit
ensuite de s’asseoir, d’acquiescer et de faire des petits bruits pour les
encourager !
Faire parler quelqu’un de lui est aussi, bien entendu, une bonne astuce
pour qu’il ne se rende pas compte de ce qu’on fait, comme je l’ai expliqué
précédemment. C’est utile dans certaines situations, par exemple quand on
s’entraîne à reproduire le langage corporel d’une personne. Mais surtout,
faire parler quelqu’un de lui permet d’établir rapidement une connexion.
MISE EN PRATIQUE
Assurez-vous que le contact est établi
Il y a plusieurs façons de savoir si l’on est connecté à une personne. De la
même façon que quand on essaie de la guider, il faut commencer par
vérifier si ça marche. Alors changez un détail dans votre langage corporel
ou le rythme de votre voix et regardez si elle en fait autant. Si elle vous suit,
elle va faire pareil. Quand on est bien connecté à quelqu’un, on peut à la
fois le guider et le suivre. Si la personne à laquelle vous vous adressez ne
vous suit pas quand vous essayez de la guider, recommencez à la suivre
pour rétablir la connexion. Puis attendez qu’une occasion se présente pour
reprendre l’initiative. Dans la plupart des interactions, il faut constamment
savoir suivre et guider, faire un pas en arrière et un pas en avant, jusqu’à ce
que les deux parties tombent d’accord ou jusqu’à ce que la conversation soit
terminée.
Pour être sûr que notre interlocuteur s’intéresse à nous, il est aussi utile de
regarder où se dirige son attention. Il doit donc être assis confortablement,
de préférence avec les deux pieds par terre ou une jambe croisée sur l’autre,
ce qui montre qu’il ne rêve pas de partir ailleurs.
Si vous êtes debout, ses pieds devraient être pointés dans votre direction. La
pose macho, le plus souvent adoptée par les hommes, qui consiste à écarter
les jambes et peut-être même à glisser les pouces dans les poches de leur
pantalon, exprime la confiance en soi. Avoir les jambes parallèles est signe
de neutralité. Quand notre interlocuteur a les jambes croisées, c’est soit
qu’il a envie d’aller aux toilettes, soit qu’il se sent inférieur à nous. Mais
toutes ces positions montrent qu’il est disposé à nous écouter. La seule
différence, c’est l’endroit où il se trouve sur l’échelle sociale par rapport à
nous.
Par contre, une « posture de cow-boy » avec une jambe légèrement
pliée et le pied tourné sur un côté indique que la personne est mentalement
déjà partie ailleurs.
La quatrième photo ci-contre est un arrêt sur image d’une posture de taï-
chi. La personne a commencé à déplacer son poids sur une jambe pour
partir et s’est figée (à ne pas confondre avec la posture qui consiste à mettre
une jambe devant l’autre, que l’on prend souvent pour garder notre centre
de gravité vers l’arrière). Pour le moment, elle ne bouge pas, mais quand
son centre de gravité sera complètement vers l’avant, sa jambe se tendra et
elle partira. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle s’est lassée de notre
compagnie, même si c’est peut-être le cas. Cela peut vouloir simplement
dire que, quelque part dans sa tête, elle a commencé à penser à la suite. Elle
peut avoir un autre rendez-vous ou avoir aperçu quelqu’un avec qui elle
voudrait parler au moment où elle en a la possibilité, etc. Quelle que soit
son envie de continuer à nous écouter, elle est déjà ailleurs. La meilleure
chose à faire dans ce cas, c’est de lui rendre service en mettant fin à la
conversation le plus vite possible. De même, il ne faut jamais essayer de
placer une remarque importante à la fin de la conversation car elle ne s’en
souviendra certainement pas. Quand on a encore des choses importantes à
dire, il vaut mieux les garder pour la prochaine fois. En attendant, on
conclut vite et on reprend rendez-vous.
De même, pour être absolument sûr qu’on a toute l’attention de l’autre,
il vaut mieux qu’il nous regarde dans les yeux quand on lui parle plutôt
qu’à côté, observe nos oreilles ou scrute la pièce pour trouver une sortie de
secours (à la fois physique et psychologique). En position assise, une
personne intéressée va aussi se pencher légèrement vers nous.
Observez les pupilles
L’exercice « pupilles »
Commencez à parler de quelque chose de particulièrement barbant à quelqu’un
comme la panne de la photocopieuse au bureau. Remarquez la taille de ses pupilles.
C’est leur taille neutre, due à l’éclairage. Maintenant, changez de sujet et parlez de
quelque chose qui l’intéresse beaucoup : ses enfants ou son bateau, par exemple.
Remarquez comment ses pupilles se dilatent parce qu’il s’intéresse davantage à la
conversation. C’est comme une lentille d’appareil photo qui s’ouvre.
« Chaque fois que vous faites quelque chose et que vous voyez que ça ne marche
pas, arrêtez et changez de méthode » (Milton Erickson).
Pensez à des moments où vous n’avez pas progressé dans votre vie et demandez-
vous si ce n’est pas dû à votre entêtement à appliquer toujours et encore la même
technique qui ne fonctionne pas. Les solutions les plus simples sont souvent les plus
difficiles à trouver.
CHAPITRE 4
Où l’on va manger un citron, marcher sur la plage et comprendre
comment nos impressions sensorielles façonnent nos pensées et nos
comportements.
Vous savez désormais comment nos pensées, nos sentiments et nos états
d’esprit agissent sur notre corps, et que cela marche dans les deux sens.
Maintenant, nous devons retourner en arrière, au tout début de ce livre car,
pour être tout à fait honnête, nous avons commencé quelque part au milieu.
Quand on veut apprendre à lire dans les pensées des autres, on doit en effet
prendre le temps d’étudier ce que sont vraiment les pensées. Ne vous
inquiétez pas, nous n’allons pas aborder ce point d’une façon théorique ou
purement académique, mais sous un angle ultra-pratique, comme tout ce qui
se trouve dans ce livre.
Quand on pense, cela déclenche deux processus. Soit on se souvient de
quelque chose et on reproduit des pensées qu’on a déjà eues, soit on en
fabrique de nouvelles. Dans les deux cas, nos impressions sensorielles
jouent un grand rôle car nous avons besoin de nos sens (l’ouïe, la vue, le
toucher, le goût, l’odorat), non seulement pour naviguer dans notre
environnement mais sans aucun lien avec les sensations que l’on perçoit à
l’instant T. Pour penser, on utilise les souvenirs qu’on a gardés de nos
différentes impressions et expériences sensorielles. Quand on se remémore
un événement, comme des vacances qu’on a aimées, on le fait en les
visualisant, en imaginant les sons qu’on a entendus, peut-être même les
odeurs, etc. Et on recrée les impressions sensorielles qu’on a ressenties à ce
moment-là. Ces dernières jouent également un rôle important dans la
création de nouvelles pensées. Le texte suivant s’inspire d’une induction
hypnotique classique, une technique qui aide à intérioriser le processus de
pensée. Lisez-le en essayant de vous y immerger le plus possible (ne vous
inquiétez pas, vous ne serez pas hypnotisé !).
Imaginez que vous marchez sur une plage. Vous êtes pieds nus et
vous sentez le sable s’enfoncer sous vos pieds à chacun de vos pas.
C’est le soir. Le sable est agréablement frais entre vos orteils. Le
soleil est bas dans le ciel. Vous devez plisser les yeux quand vous
êtes face à lui. Le seul bruit que vous entendez est celui des vagues
qui vont et viennent et, de temps en temps, le cri d’une mouette qui
plane au-dessus de l’eau. Vous vous arrêtez un instant et respirez
profondément. Vous pouvez sentir l’odeur des algues dans l’air.
Vous voyez un coquillage sur le sable et le ramassez. Vous le tenez
dans votre main et touchez sa surface blanche et irrégulière avec le
pouce. Vous le mettez dans votre poche et recommencez à marcher.
Maintenant, vous commencez à entendre des voix murmurer, puis un
rire. Devant vous, dans la lumière, vous distinguez des silhouettes
assises à la table d’un restaurant en plein air. Vous sentez une odeur
de cuisine et prenez conscience que vous avez faim. Vous
commencez à saliver. Vous accélérez le pas et sentez que les odeurs
et les bruits se font plus forts.
Si vous êtes vraiment entré dans cette histoire, vous avez pratiquement dû
entendre le bruit des vagues, sentir le sable entre vos orteils et l’odeur des
algues. Vous avez même peut-être salivé à la fin. Tout cela malgré le fait
que vous n’avez jamais vécu un moment semblable en tout point à cette
description. Vous ne pouviez pas vous en souvenir, vous avez donc dû le
comprendre et le construire en assemblant des pièces d’autres souvenirs
similaires, comme pour faire un puzzle. Vous avez déjà tenu un coquillage
dans la main, vous savez ce que ça fait. Vous connaissez aussi l’odeur des
algues. Et si par hasard vous n’avez jamais marché sur une plage au
coucher du soleil et n’avez pas de souvenir similaire à utiliser, vous avez
créé cette histoire à partir d’images que vous avez vues, de récits d’autres
personnes, de scènes de films et d’autres impressions. D’une certaine façon,
vous avez créé dans votre esprit une nouvelle expérience qui est devenue
presque aussi réelle que si vous l’aviez vécue pour de vrai.
Nous utilisons toujours nos impressions sensorielles de cette manière
quand nous pensons. Parfois nous le faisons mentalement, de façon interne,
comme lors de cette promenade imaginaire. À d’autres moments, nos
perceptions sensorielles sont tournées vers l’extérieur, comme quand nous
sentons le monde autour de nous. Nous utilisons donc alternativement nos
sens de façon interne (dans notre esprit) et externe (quand nous ressentons
notre environnement). Plus on se concentre sur ce que notre interlocuteur
nous dit ou sur le contenu d’un texte qu’on lit, plus l’expérience est
intérieure. Par exemple, vous n’avez actuellement aucune idée de ce qui se
passe dans votre gros orteil gauche. Du moins jusqu’à ce que je vous en
parle et que vous vous concentriez automatiquement dessus, d’une façon
extérieure, pour vérifier. Gros orteil gauche ? Je m’en souviens, j’en ai un !
Notre cerveau n’arrive pas très bien à savoir quand on utilise nos sens
d’une manière interne ou externe. Les zones qui s’activent sont donc plus
ou moins les mêmes dans les deux cas.
L’exercice « acidité » :
une hallucination bon marché
Imaginez que vous tenez un citron pelé. Sentez son poids, son moelleux dans votre
main. Il colle un peu à cause du jus. Sentez son odeur forte. Maintenant imaginez que
vous mordez dedans à pleines dents. Sentez son jus acide remplir votre bouche et
couler dans votre gorge.
Si vous l’avez vraiment imaginé, vous avez eu une réaction physique : votre bouche
s’est contractée et la production de salive a augmenté. Tout cela grâce à votre
imagination et à une impression sensorielle intérieure. Votre cerveau a réagi et a
envoyé les mêmes signaux dans votre corps (dans votre bouche en l’occurrence) que
s’il avait capté une impression sensorielle extérieure, comme si vous aviez vraiment
mordu dans un citron.
D’où cette question : si notre cerveau a tant de mal à faire la différence entre des
situations imaginaires et des expériences réelles, comment peut-on faire la différence
entre la vérité et une hallucination ? Et y a-t-il vraiment une différence ? Je vous laisse
y réfléchir.
LE REGARD
Les mouvements des yeux
et les impressions sensorielles
En neurosciences, on sait depuis un certain temps que, quand on pense, on
active différentes parties de notre cerveau qui, à leur tour, font bouger nos
yeux d’une manière spécifique pour chacune. Cette connexion a été
baptisée « mouvements oculaires de latéralité ». À la fin des années 1970,
l’étudiant en psychologie Richard Bandler et le linguiste John Grinder, qui
ont inventé la PNL, un programme neurolinguistique souvent controversé,
ont formulé une théorie sur ce qu’ils appellent les « accès oculaires ».
Comme ils avaient déjà compris que les impressions sensorielles jouent un
rôle très important dans le processus de la pensée, ils ont affirmé qu’on
pouvait voir lesquelles s’activent en observant le mouvement des yeux. Le
modèle des accès oculaires ressemble à cela :
Ce modèle a souvent été mal compris car beaucoup de gens ont cru que les
photos ou dessins qui l’illustraient s’appliquaient à tout le monde alors que
ce n’est pas le cas. Richard Bandler et John Grinder voulaient juste donner
un exemple, pas en faire un modèle universel. Dans leur livre Un cerveau
pour changer (Pocket, 2008), ils disent d’ailleurs : « Vous verrez des gens
organisés d’une étrange façon. Mais chaque organisation, aussi personnelle
soit-elle, est systémique ; leurs mouvements oculaires sont systémiques
pour chacun d’entre eux. »
Ceux qui ne suivent pas ce modèle auront toujours leur modèle
spécifique qui sera facile à décrypter grâce aux questions de contrôle. On en
reparle plus loin. Notez que j’utilise le mot « modèle » pour parler de ce
système, car c’est nécessairement une simplification et une généralisation.
Si, après lui avoir posé des questions de contrôle, vous remarquez que votre
interlocuteur ne semble pas le suivre, ne l’utilisez pas. Souvenez-vous des
paroles d’Erickson : « Chaque fois que […] vous voyez que ça ne marche
pas […] changez de méthode. » Le modèle des accès oculaires de Bandler
et Grinder semble pourtant fonctionner la plupart du temps. Ainsi, cette
histoire d’yeux qui seraient le reflet de l’âme, ou du moins celui de la
pensée, est peut-être vraie.
Voici donc ce que dit le modèle standard : les personnes visuelles
regardent en haut et à gauche quand elles se souviennent de quelque chose
et en haut et à droite quand elles fabriquent mentalement de nouvelles
images, par exemple quand on essaie d’imaginer la Joconde peinte par un
enfant de cinq ans. (Notez au passage que ce modèle va à l’encontre de la
croyance populaire et surgénéralisée selon laquelle on regarde vers la droite
quand on ment.) Quand on a des pensées auditives, on regarde
automatiquement sur les côtés : sur la gauche pour puiser dans nos
souvenirs (comme quand on pense à ce que quelqu’un nous a dit) ou sur la
droite pour trouver de nouvelles pensées (comme quand on imagine ce
qu’on aimerait que quelqu’un nous dise). Les sensations et les émotions
physiques se situent en bas, vers la droite, sans que rien puisse nous aider à
distinguer un souvenir d’une construction de pensée. Quand les personnes
qui raisonnent en interne (les neutres) se parlent à elles-mêmes pour
résoudre un problème logique, elles regardent en bas vers la gauche.
Si vous demandez à un ami comment se sont passées ses vacances et
qu’il commence par regarder en haut vers la gauche puis baisse rapidement
le regard vers la droite, c’est le signe qu’il essaie d’abord de s’en souvenir,
puis de confirmer cette impression en se remémorant ce qu’il a ressenti – si,
bien sûr, il suit le modèle dont je parle ici.
Si vous connaissez déjà un peu le modèle des accès oculaires, vous avez
peut-être entendu dire que c’est bidon. La vérité est un peu plus nuancée
que cela. Si ce modèle est très critiqué, c’est souvent parce que les gens ne
croient pas qu’on peut voir si quelqu’un ment en regardant ses yeux bouger,
ce que ses concepteurs n’ont jamais prétendu. Certains regrettent aussi que
ce modèle ne s’applique pas à tout le monde, ce que Bandler et Grinder
pourraient confirmer car ils ont axé leurs recherches sur le fait qu’on est
tous « systémiques » et donc pas tous organisés de la même façon. L’expert
en langage corporel Kevin Hogan a conclu, à la suite d’une étude, qu’on
n’est même peut-être pas du tout organisés naturellement. Cela ne l’a pas
empêché d’émettre lui-même des réserves sur sa méthodologie et d’indiquer
que son étude devait être refaite plusieurs fois avant de pouvoir en tirer des
conclusions. Des études neurologiques officielles ont aussi montré une
connexion entre les états mentaux et les mouvements des yeux, ce qui
semble corroborer les principes du modèle des accès oculaires. La seule
chose que je puisse faire, à mon niveau, c’est juger ce modèle d’après les
expériences que j’ai faites, expériences qui ont été plus que satisfaisantes.
À mon avis, c’est cela le plus important. Si ça marche pour vous, utilisez-
le !
L’exercice « Léonard de Vinci »
Testez le modèle des accès oculaires pour voir si ça marche… dès maintenant ! Fixez
un point, puis déplacez votre regard sur la gauche, et essayez de visualiser le célèbre
portrait de la Joconde. Vous l’avez vu à maintes reprises, sans peut-être jamais y
avoir prêté vraiment attention. Essayez d’y inclure autant de détails que possible. Le
visage, les vêtements, les couleurs, les détails de l’arrière-plan, etc. Faites-le pendant
vingt à trente secondes. C’est bon ? Maintenant effacez cette image de votre esprit.
Regardez en bas, puis à droite, et faites pareil. Essayez d’imaginer la Joconde.
Même si vous venez de vous la représenter mentalement et êtes donc censé refaire
cet exercice facilement, vous avez beaucoup plus de mal cette fois, n’est-ce pas ? Si
c’est le cas, c’est parce que la partie visuelle de votre cerveau ne s’active pas aussi
bien qu’auparavant. Ou plus simplement : vous ne conservez pas les images en bas
et à droite, mais en haut et à gauche.
Questions de contrôle
Pour être sûr que le modèle des accès oculaires peut s’appliquer à une
personne, on peut lui poser des questions de contrôle pour l’inciter à
réfléchir en se connectant à ses impressions sensorielles, et regarder le
mouvement de ses yeux quand elle nous répond. Voici quelques exemples
de questions et de remarques :
Mémoire visuelle
À quoi ressemble le tapis dans ton salon ?
De quelle couleur est ta voiture ?
Décris-moi ton (ta) meilleur(e) ami(e).
Construction visuelle
À quoi ressemblerais-tu si tu avais les cheveux longs (ou courts) ?
Imagine que tu repeins ta maison en faisant des rayures.
Comment écrirais-tu ton nom à l’envers ?
Mémoire auditive
Comment commence ta chanson préférée ?
Imagine que ton réveil sonne.
Te souviens-tu exactement de ce qu’il (elle) a dit avant de partir ?
Construction auditive
Imagine Barack Obama en train de parler avec une voix aiguë.
Te souviens-tu des voix de Laurel et Hardy ?
Comment serait la voix de Bruce Springsteen sous l’eau ?
Mémoire kinesthésique
Tu te souviens comme il faisait chaud l’été dernier ?
Que sent une paire de vieilles chaussettes pourries ?
Imagine que tu manges un citron.
PAROLE ET COMPRÉHENSION
Comment nos sens agissent sur notre
langage
Pour savoir quelles sont les impressions sensorielles préférées de
quelqu’un, on peut aussi l’écouter. Quand on parle de quelque chose, on
utilise toutes sortes d’affirmations, de mots qui décrivent des actions, de
métaphores, d’images et de comparaisons. Et si l’on en croit les auteurs
Joseph O’Connor et John Seymour, ces affirmations et ces mots sont
déterminés par notre impression sensorielle préférée.
Vocabulaire visuel
Une personne visuelle utilise des mots qui ont un sens dans des contextes
visuels. Elle préfère dire : regarder, se focaliser, s’imaginer, se représenter,
aperçu, brillant, visualiser, perspective, voir, prévoir, clarifier, illustrer,
révéler, illusion, montrer, vision, lumière…
Elle utilise des expressions comme :
– Il faut que je voie ça de près ;
– Je vois ce que vous voulez dire ;
– J’ai besoin de vous voir ;
– Montrez-moi ce que vous voulez dire ;
– Quand vous regarderez en arrière dans dix ans, vous en rirez ;
– L’avenir semble rose ;
– Il est haut en couleur ;
– Sans l’ombre d’un doute ;
– Cela a déteint sur lui ;
– Comme un éclair dans un ciel bleu.
Vocabulaire auditif
Quelqu’un d’auditif utilise des mots qui trouvent une certaine résonance en
lui : dire, accent, rythme, fort, ton, monotone, sourd, sonner, demander,
raconter, discuter, commenter, sonore, écouter, muet, criant, dissonant,
voix, harmonieux…
Il utilise des expressions comme :
– Écoutez ce que je veux dire ;
– Il exprime ses opinions ;
– Quelle couleur criarde ;
– On est sur la même longueur d’onde ;
– Vivre en harmonie avec la nature ;
– Ça sonne faux ;
– Mot pour mot ;
– Je n’ai jamais entendu quelque chose de la sorte ;
– Je pense parler pour nous tous ;
– Pour ainsi dire.
Vocabulaire kinesthésique
Vocabulaire neutre
Enfin, les personnes neutres qui préfèrent se parler à elles-mêmes avec des
mots qui ne sont pas reliés à leurs sens aiment employer : décider,
déterminer, penser, se souvenir, savoir, noter, comprendre, estimer, alerter,
processus, motiver, apprendre, changer, conscient, capable,
statistiquement, logiquement…
Je ne peux pas vous donner une liste d’expressions qu’elles utilisent, car
elles les évitent le plus possible. Pour faire simple, je dirais qu’elles parlent
plus ou moins comme un document officiel.
Le plus drôle, c’est qu’à force d’éviter d’être mal comprises, elles
obligent les autres à interpréter ce qu’elles disent. En effet, comme ceux qui
les écoutent se fondent souvent sur une impression sensorielle différente, ils
décryptent leur discours à leur façon, ce qui modifie souvent le message
initial. En évitant d’utiliser des mots associés à des impressions
sensorielles, les personnes « neutres » ont aussi tendance à rendre leurs
propres discours beaucoup plus abstraits et difficiles à comprendre. En
effet, si on utilise des mots sensoriels, connectés à la vue, au toucher ou à
l’ouïe, c’est justement pour mieux se faire comprendre.
Comme vous commencez sans doute à le comprendre, nos sens
primaires influent non seulement sur notre façon de parler mais aussi sur ce
qui capte notre attention et nous paraît important. Si une personne visuelle,
une personne auditive et une personne kinesthésique allaient voir un concert
ensemble et partageaient après leurs impressions, leur conversation
ressemblerait à ce qui suit. Devinez qui est qui !
– Ils ont réarrangé toutes les chansons. C’était génial. Ils ont une super
sono mais je me demande pourquoi ils ont joué si fort.
– Je n’ai pas tout bien vu mais j’ai adoré le show. La fin était
particulièrement éblouissante.
– J’ai trouvé qu’il y avait trop de monde et qu’il faisait trop chaud. Mais
ça a quand même été une super expérience qui m’a beaucoup plu.
– Et quand les autres lui demandent pourquoi il n’est pas venu, leur ami
neutre marmonne : Je me pose la même question.
Tout ce qui nous définit, même les choses les plus basiques comme nos
loisirs, dépend de notre sens primaire. Les architectes doivent être capables
de visualiser des modèles en 3D complexes, et donc d’avoir une perception
visuelle très développée. Presque tous les producteurs de musique sont des
personnes auditives. Un bon athlète doit être kinesthésique pour avoir
pleinement conscience de son corps. Les gens neutres ou internes font de
bons avocats. Des études portant sur les choix de carrière ont montré que ce
n’est pas qu’une théorie intéressante mais que c’est un fait.
Connaître le sens primaire de la personne avec qui on communique
permet d’adapter notre discours en conséquence. Certaines choses et
expériences peuvent avoir une très grande importance dans la vie d’une
personne visuelle et pas du tout dans celle d’une personne kinesthésique ou
auditive. Quand on trouve quel genre d’impressions sensorielles notre
interlocuteur préfère, il faut utiliser les mêmes mots que lui. À une personne
visuelle, on devrait demander si elle voit les avantages. Si elle est auditive,
on lui dirait d’écouter ce qu’on a à dire sur les bénéfices. Et si elle
kinesthésique, il faudrait la rassurer en lui disant qu’on sent que c’est juste.
Pour les métaphores et les descriptions, c’est pareil. Faites attention à parler
de choses qui, vous le savez, sont importantes pour elle, c’est-à-dire celles
sur lesquelles elle se focalise, celles qu’elle écoute et celles auxquelles elle
accorde de l’importance. Avec une personne visuelle, il faut parler en
images, en lui décrivant un bel avenir et en lui expliquant comment se
concentrer sur notre vision et ne pas la perdre de vue. Il ne sert à rien de
dire à quelqu’un de visuel qu’il a besoin de poser une base solide pour
éviter les écueils car c’est du vocabulaire kinesthésique qu’il ne comprendra
pas. Je suis sûr que cela vous est arrivé de vous disputer avec quelqu’un qui
avait vraiment l’air de vouloir dire la même chose que vous, sans que vous
arriviez à tomber d’accord. Ça se passe souvent comme ça :
IL Y A FOULE !
COMMENT SE CONNECTER À PLUSIEURS PERSONNES
EN MÊME TEMPS
Essayez dans la vraie vie ! Avant d’aller plus loin, posez ce livre, sortez de chez vous
ou de votre bureau et parlez à des gens. Essayez de trouver quel est leur sens
dominant et adaptez ce que vous dites en conséquence. La suite de ce livre vous
paraîtra beaucoup plus amusante ensuite.
Étonnant, non ?
LES ÉMOTIONS
Nos émotions sont une partie importante de nous, et nous les laissons
souvent prendre le contrôle de nos décisions et de nos actions. Autrement
dit, au lieu de faire quelque chose parce qu’il le faut, on agit parfois sous le
coup de l’émotion (ou, du moins, c’est comme cela qu’on se justifie après
coup). On n’a pas toujours conscience des émotions qui nous traversent.
Mais, et c’est une bonne nouvelle pour les mentalistes, on les montre tous et
toujours, même quand on n’en a pas conscience ou quand on veut les
cacher. Lorsqu’on comprend comment les gens filtrent ou interprètent ce
qu’ils expérimentent ou ressentent, on progresse énormément dans l’art de
lire dans les pensées. Pour ce faire, il faut notamment s’appuyer sur les sens
dominants mais aussi apprendre à voir dans quel état émotionnel ils se
trouvent.
ENCORE UNE FOIS, AVEC
DU SENTIMENT !
Qu’est-ce qu’une émotion, exactement ?
Tout le monde sait ce qu’est une émotion, jusqu’à ce que vous lui
demandiez de la définir.
Berveley Fehr et James Russell
Un mécanisme de survie
Les émotions sont d’abord des mécanismes automatiques qui activent le système
nerveux autonome sans qu’on ait besoin de réfléchir à ce qui se passe. Grâce à elles,
on a pu survivre et devenir un bipède myope, lent et à la peau fine.
Nous ne sommes pas tout le temps habités par des émotions. Elles vont et
viennent et parfois se succèdent. Et si certaines personnes sont plus
émotives que d’autres, il arrive aussi par moments qu’elles n’aient pas
d’émotions. Il y a une différence entre « émotion » et « humeur ». Une
émotion est plus courte et plus intense alors qu’une humeur peut durer toute
la vie et servir de « toile de fond » à nos émotions.
Avant que la psychologie devienne un sujet scientifique à part entière,
les émotions n’intéressaient pas grand monde. Darwin pensait d’ailleurs que
beaucoup de nos expressions émotionnelles n’étaient plus d’aucune utilité
car on continuait à les utiliser de la même façon que quand on se balançait
de branche en branche. Pour lui, elles n’étaient que le reliquat d’un moment
plus primitif. Pour la plupart des personnes qui écrivaient à l’époque sur le
sujet, elles étaient appelées à devenir moins importantes au fil du temps et
finiraient par disparaître au fur et à mesure de notre évolution. Plutôt
barbant, non ? Heureusement, la science moderne n’est pas du tout de cet
avis. Aujourd’hui, nous comprenons que nos émotions sont au centre de la
vie humaine car ce sont elles qui relient tout ce qui est important pour nous
aux autres, aux événements et au monde.
Quand une émotion nous envahit, on dit qu’on « ressent » quelque
chose. Ce qu’on « ressent » vraiment, ce sont les réactions physiques
qu’elle déclenche en nous. Ces changements peuvent être éprouvants et
désagréables, surtout ceux qui sollicitent beaucoup le corps. D’autres
changements sont bien plus plaisants et sont donc associés à des émotions
positives. Toutefois, l’expérience que l’on vit quand on « ressent » de la joie
ou de la colère est en fait la sensation que provoquent les réactions
biologiques automatiques qui ont lieu en nous. Si cela vous paraît un peu
sec ou prosaïque, je suis désolé d’avoir encore une fois démystifié un terme
vague. D’abord « mentalisme » et maintenant « émotions » ! Pourtant, si
vous y réfléchissez bien, cela ne les rend pas moins importants. Les
émotions (et la capacité de lire dans les pensées des autres) sont aussi
fantastiques et incroyables qu’avant car, même si on sait pourquoi notre
corps picote chaque fois qu’on voit un(e) ami(e) qu’on aime beaucoup
(c’est un effet secondaire d’une réaction biologique automatique), cela ne
change rien au fait qu’on sent vraiment cette délicieuse et douce sensation
un peu partout.
Bien sûr, nous n’avons plus à nous battre pour notre survie chaque fois
qu’une émotion nous traverse. Nos émotions se sont développées avec le
temps et sont devenues plus nombreuses et plus sophistiquées. Elles ne sont
pas toutes universelles : certaines ne sont partagées que par les personnes
d’une même culture. Elles peuvent aussi ne pas être déclenchées
automatiquement. Le célèbre psychologue Paul Ekman a étudié les effets de
différents états mentaux et la façon dont ils se traduisent dans notre corps et
sur notre visage. Il a identifié neuf façons de déclencher une émotion :
Aaaaah, un tigre ! Le plus souvent, une émotion se déclenche quand
on a détecté un signe qui y correspond dans notre environnement. Le
problème, c’est qu’on n’a pas le temps de se demander si elle nous fait
réagir correctement – après tout, on pourrait se tromper… peut-être que
le tigre n’est qu’un rocher. Et on jette notre meilleure lance vers lui.
Je me demande pourquoi elle a fait ça. On peut déclencher des
émotions en réfléchissant à ce qui est en train de se passer. Quand nous
y parvenons, cela active notre base de données émotionnelle et
déclenche un processus automatique. On fait moins d’erreurs, mais cela
prend plus de temps (« Aaaah, c’était bien un tigre ! Comme je le
pensais. Euh… maintenant il mange ma jambe »).
Vous souvenez-vous de la première fois où vous êtes tombé(e)
amoureux(se) ? Il est possible de faire ressurgir des émotions en se
remémorant des situations où elles étaient intenses. On peut alors soit
revivre la même sensation, soit en ressentir de nouvelles, en lien avec
celles de l’époque. On peut par exemple être déçu en se souvenant de la
colère qu’on a ressentie à cette occasion. C’est ce qu’on appelle une
« ancre ». On en parlera plus loin.
Ce serait chouette si… Notre imagination nous permet de fabriquer des
scènes et des pensées qui peuvent faire naître des émotions en nous. Il
est assez facile d’imaginer comment on se sentirait si, par exemple, on
était ridiculement amoureux. Essayez. Vous savez, quand c’est juste si
incroyable. Vous vous souvenez de ce sentiment ? Pouvez-vous le sentir
maintenant ? Je m’en doutais.
Je ne veux pas en parler. Ça va encore me faire souffrir. Parfois, il
suffit de s’asseoir et de raconter à quel point on était en colère pour
l’être à nouveau. Parler d’émotions qu’on a ressenties dans le passé peut
les faire ressurgir, même si on ne le désire pas.
Ah, ah, ah, ah ! Il est toujours plus drôle de regarder une comédie avec
quelqu’un qui rit qu’avec quelqu’un qui fait la tête. On peut ressentir
des émotions par empathie, c’est-à-dire quand l’émotion vécue par
quelqu’un d’autre se diffuse en nous et nous procure la même sensation.
L’émotion de cette personne peut aussi en faire surgir d’autres en nous.
Par exemple, on peut réagir à la colère de quelqu’un par de la peur.
Non ! Méchant ! Pas touche au four ! Quand, dès notre plus jeune
âge, nos parents ou d’autres figures d’autorité nous disent de quoi il faut
avoir peur et ce qu’il faut aimer, on finit par réagir de la même manière
qu’eux en grandissant. Les enfants s’approprient des sentiments par
imitation, en voyant comment les adultes se comportent dans différentes
situations.
Eh, faites la queue comme tout le monde ! Les gens qui transgressent
les normes sociales provoquent de fortes émotions. Ces normes varient
d’une culture à l’autre, bien sûr, et ne pas en respecter une peut faire
ressentir tout un panel d’émotions allant du dégoût à la joie, en fonction
de la norme concernée et de la personne qui l’enfreint.
Ressaisis-toi ! Puisque les émotions ont des expressions physiques
évidentes, on peut aussi les revivre physiquement et mentalement en
utilisant consciemment nos muscles (surtout ceux du visage) comme si
on vivait réellement cette émotion, et donc la déclencher en nous. Vous
l’avez fait au début de ce livre quand vous avez essayé d’être en colère,
vous vous rappelez ? L’exercice « énergie » que vous avez fait aussi se
fonde sur le même principe, bien qu’il sollicite tout le corps.
INTERDICTION DE FAIRE
DES GRIMACES !
Nos expressions de visage inconscientes
Dans le film Le Prestige, le personnage de Rebecca Hall est marié à un
magicien, joué par Christian Bale, qui dit parfois la vérité quand il lui dit
qu’il l’aime, parfois pas. L’un des thèmes principaux du film est la capacité
de l’héroïne à savoir si c’est vrai (ou pas) en le regardant dans les yeux.
Quand on n’est pas sûr de ce que quelqu’un pense vraiment, on regarde
ses yeux. C’est quelque chose qu’on apprend à faire avant même de savoir
marcher même si, malgré ce que certains pensent, on a une image plus
globale que ça. En fait, on regarde attentivement tout le visage. Celui-ci est
constitué de plus de quarante muscles qui échappent, pour beaucoup, à
notre contrôle et qui nous servent à donner des informations très détaillées
sur ce qui se passe en nous. Cela signifie que malgré nos efforts, on finit
toujours par révéler ce qui se passe en nous. Il est d’ailleurs drôle qu’on ne
parvienne pas à mieux à les décrypter que ça.
Comme je l’ai dit, c’est bien de regarder les gens dans les yeux car, après
tout, toutes les expressions de notre visage reflètent la part d’humain qui est
en nous. Tout le monde sait maintenant que George Lucas a caché les yeux
et les visages des Stormtroopers de Star Wars avec des casques en plastique
pour les faire paraître moins humains. On peut désormais en croiser dans la
rue grâce à l’usage devenu courant du botox, un produit que de plus en plus
de personnes d’âge moyen s’injectent joyeusement, surtout dans le visage.
Le botox provoque des paralysies locales car c’est une toxine qui agit sur
les nerfs tout en effaçant les rides. Malheureusement, cela veut aussi dire
que ces personnes ne peuvent plus utiliser les muscles de leur visage et
qu’elles se retrouvent avec la peau et les expressions d’une poupée Barbie.
Un jour, le directeur d’un magasin à New York m’a expliqué que,
comme il passait beaucoup de temps à négocier et était donc censé
décrypter les réactions de ses interlocuteurs face à ses différentes
propositions, le botox devenait problématique pour lui car les expressions
de leur visage changeaient de façon trop minime pour qu’il parvienne à les
lire. Il m’a aussi avoué se sentir souvent mal à l’aise en leur présence car ils
avaient l’air artificiel, inhumain à cause de leur visage qui ne bougeait pas,
qu’ils soient en colère ou heureux.
Mon conseil : si vous voulez qu’on vous comprenne, évitez de vous
injecter de l’acide botulique dans le visage.
Quand on fait attention aux changements d’expression de quelqu’un, on
peut capter des informations non seulement sur les émotions qu’il ressent à
ce moment-là, mais aussi sur celles qu’il va bientôt ressentir. En effet,
comme les muscles réagissent plus vite que le cerveau (je vous explique ça
plus en détail dans un instant), on peut voir l’émotion qui commence à
poindre chez l’autre avant même qu’il en soit conscient, c’est-à-dire avant
qu’il commence à la « ressentir ». C’est pratique si c’est une émotion qui
n’est pas très utile à l’instant T, comme la colère ou la peur. Quand on voit
les signes avant-coureurs de ce genre d’émotions, on peut encore aider la
personne à l’éviter. Par contre, quand elle est installée, il est beaucoup plus
difficile, souvent même impossible, d’y remédier.
La faute d’Othello
Le souci, avec les émotions, c’est que, quand on en ressent une, on peut très
difficilement s’y soustraire. Cela illustre parfaitement l’expression « Être
esclaves de nos passions » car elles ne laissent plus passer que certains
souvenirs ou impressions. Quand nous sommes envahis par une émotion,
cela nous empêche de nous souvenir d’informations que nous connaissons
qui, bien que nous les connaissions, contrediraient cette émotion. De plus,
ce dont nous arrivons à nous souvenir dans ce cas est souvent déformé. De
la même façon, nous percevons le monde à travers le filtre de cette émotion.
Si elle est négative, nous ne voyons pas les possibilités qui s’offrent à nous,
ou les issues positives, alors que nous percevons très bien tout ce qui la
confirme. Nous nous souvenons soudain des choses que nous avons
oubliées depuis des années mais qui la renforcent : « Au fait, tu te souviens
de ce truc que tu as fait il y a huit ans ? » Ça vous parle ? Quand on a une
forte émotion, on n’essaie pas de la repousser. Au contraire, on veut la
renforcer et la conserver. C’est parfois utile, mais souvent, cela cause des
problèmes. Notre ami Paul Ekman appelle cela la « faute d’Othello », en
référence au personnage principal d’Othello, de William Shakespeare
(encore lui !) et à sa jalousie maladive.
Dans cette pièce, Othello est convaincu que sa bien-aimée, Desdémone,
le trompe et a une liaison avec un autre homme appelé Cassio, ce qui le
rend furieux. (Cassio est son meilleur ami, et toute cette histoire n’est qu’un
mensonge concocté par le méchant Iago, l’autre meilleur ami d’Othello –
preuve qu’Othello n’excelle pas dans l’art de choisir ses amis). Fou de
rage, Othello menace de tuer Desdémone. Celle-ci lui dit d’aller poser la
question à Cassio, qui lui répondrait par la négative, mais c’est trop tard car
Othello lui annonce qu’il l’a déjà tué. Quand Desdémone comprend qu’elle
n’a plus aucun moyen de prouver son innocence, elle commence à craindre
pour sa vie. Pour ne rien arranger, Othello, qui est bloqué dans sa colère et
qui a donc une vision extrêmement sélective de la situation, interprète mal
sa réaction. Il ne comprend pas que même quelqu’un d’innocent serait, dans
ce cas, stressé et terrifié. Et comme le barde d’Avon le dit : « Les gens en
rage frappent ceux à qui ils veulent le plus de bien. » Puisqu’il considère
que la réaction de Desdémone est la preuve qu’elle a quelque chose à
cacher, Othello l’étouffe avec un oreiller.
On peut facilement prendre Othello pour une brute ou un homme
devenu fou d’amour alors qu’en fait il est pris dans le piège dans lequel
nous tombons tous quand nous sommes en proie à une forte émotion car il
est alors extrêmement difficile de se voir et de voir ce que nous faisons
d’une façon objective. Il faut beaucoup s’entraîner pour y remédier. C’est
pourquoi je vous recommande d’apprendre à repérer le moment où
l’humeur de l’autre bascule pour pouvoir y remédier avant qu’il ne soit trop
tard.
Je vous ai expliqué plus haut comment mettre quelqu’un dans de
meilleures dispositions grâce au langage corporel. Vous vous souvenez ?
Quand on modifie l’humeur de quelqu’un, on l’aide aussi à remplacer sa
vision négative et sélective des choses par une vision plus positive, ou son
point de vue négatif par une approche plus positive, ce qui est très utile pour
comprendre ce qui se passe en nous et bien analyser une situation.
Les émotions peuvent déformer notre perception du monde. Celles qui sont négatives
nous coupent d’expériences potentiellement positives et font ressurgir des pensées
noires qu’on avait oubliées. Ne faites rien que vous puissiez regretter plus tard si vous
êtes l’objet d’une forte émotion. Essayez d’attendre qu’elle soit passée avant d’agir,
même si c’est difficile.
Enfin, n’oubliez pas que, lorsque l’on détecte une émotion, on ne sait pas ce
qui en est à l’origine. Comme il n’a pas tenu compte de cette information,
Othello a interprété ce qu’il voyait en fonction de l’émotion qu’il ressentait.
Si on peut dire de quelqu’un qu’il est en colère en voyant son visage, cela
ne signifie pas forcément qu’il l’est contre nous. Il est peut-être fâché contre
lui-même ou simplement en train de se rappeler un moment où il était en
colère, ce qui a déclenché en lui cette émotion, comme nous l’avons vu un
peu plus tôt dans ce chapitre avec les neuf déclencheurs émotionnels. Bref,
pour ne pas laisser les expressions émotionnelles des autres changer notre
comportement, il faut d’abord essayer d’en comprendre la cause. Le mieux,
dans ce cas, c’est de ne pas commenter ce qu’on a vu et d’attendre une
occasion d’utiliser cette information. Je vais vous parler plus en détail de la
manière dont Paul Ekman conseille d’aborder chaque émotion, en sachant
que la plupart de ses techniques impliquent de ne pas parler de ce que l’on a
capté en l’autre pour le laisser subtilement exprimer ce qu’il ressent au lieu
de l’affronter directement. « J’ai l’impression que tu ressens des choses
dont nous n’avons pas encore parlé. C’est vrai ? » Toutefois, il vaut parfois
mieux se taire.
La neutralité
La photo de moi, en page suivante, a été prise il y a quelques années, un
jour ordinaire de novembre. Mon visage est comme ça quand je suis
complètement détendu. Tous les visages sont différents et certains sont faits
de telle sorte qu’ils donnent l’impression d’exprimer une émotion alors que
ce n’est pas le cas. Comme vous pouvez le voir, j’ai des lèvres assez fines et
une bouche relativement petite. Et les coins de ma bouche tombent
légèrement vers le bas. Cela signifie que des gens qui ne me connaissent
pas peuvent croire que je suis en colère quand je suis tout simplement
détendu, car les lèvres fines sont l’un des attributs de la colère. À moins que
ce ne soit vraiment évident, il ne faut donc jamais penser que quelqu’un que
l’on vient à peine de rencontrer est de telle ou telle humeur. C’est peut-être
son aspect normal. Avant de pouvoir lire ses émotions, il faut savoir à quoi
il ressemble quand il est détendu pour avoir un modèle avec lequel
comparer ses expressions.
Neutralité : « Oh, regarde ! Une nouvelle saison de L’Incroyable famille
Kardashian. »
Chacune des sept émotions dont je vais vous parler maintenant est
accompagnée d’une photo montrant l’expression de visage correspondante,
la plus complète et la plus significative possible. Pour que ce soit bien clair,
cette expression est forte, souvent plus que dans la vraie vie. Puis nous la
décomposerons pour en étudier les différents composants.
La surprise
La surprise est l’émotion la plus brève que l’on peut sentir. Alors
commençons par là. Quand est-on surpris ? Quand quelque chose
d’inattendu se produit ou bien quand ce à quoi on s’attend se transforme
soudain en autre chose. Pour être surpris, on ne doit absolument pas se
douter de ce qui va se passer. La surprise ne dure que quelques secondes,
jusqu’à ce que l’on comprenne ce qui vient d’arriver. Elle cède alors la
place à une autre émotion qui en est la conséquence. À ce stade, on peut
dire : « Quelle bonne surprise ! » Mais en réalité, la surprise en elle-même
n’a aucune valeur. La joie est l’émotion qui nous envahit quand on a
compris ce qui se passe, comme quand quelqu’un passe nous voir à
l’improviste.
Les sourcils sont arqués vers le haut. On voit plus de peau dessous et
des rides horizontales apparaissent sur le front si l’on n’est plus très jeune.
Les rides déjà présentes vont se creuser et seront plus visibles. Quand
quelqu’un lève les sourcils comme je le fais sur la photo, sans que la bouche
et les yeux bougent, ce n’est plus une expression de surprise. Et si les
sourcils restent ainsi levés pendant un moment, cela veut dire qu’on doute,
qu’on se pose des questions ou qu’on s’étonne de ce qu’on entend. Cela
peut être une expression sérieuse ou pas, comme quand on n’arrive
simplement pas à croire ce qu’on nous dit. Ainsi que vous pouvez le voir
page suivante, tout mon visage semble exprimer ce genre d’interrogation
même si la seule différence est la position des sourcils. Cette photo est en
fait un ingénieux montage de mon expression neutre et de celle de totale
surprise. Les sourcils et le front viennent du cliché exprimant la surprise
alors que le reste vient de celui du visage neutre que vous avez vu
précédemment. Toutes les photos dans les pages suivantes ont été
construites de cette façon : en prenant la photo neutre comme base et en y
ajoutant les parties du visage concernées par l’expression. Comme vous
pouvez le voir, beaucoup d’expressions changent complètement (et
expriment des émotions très différentes) quand on modifie ne serait-ce
qu’un détail.
On s’est aussi rendu compte qu’une personne qui pose une question
dont elle connaît déjà la réponse ou qui pose une question rhétorique a
tendance à l’accentuer en levant les sourcils. Par contre, si elle ne connaît
pas la réponse, elle va baisser et contracter les sourcils en signe de
concentration (ce qu’on confond souvent à tort avec de la colère). Faites le
test. Demandez « Comment va-t-on régler ça ? » d’abord avec les sourcils
baissés, puis avec les sourcils levés. Remarquez comme votre ton change
quand vous passez d’une question ayant pour but de résoudre
collectivement un problème (avec les sourcils baissés) à une question plus
agressive (avec les sourcils levés).
Surprise : les yeux
Comme vous pouvez le voir sur la photo, mes yeux sont grands ouverts. Les
paupières supérieures sont levées et les inférieures, détendues. Le blanc des
yeux, au-dessus de l’iris (la membrane colorée qui entoure la pupille), est
parfaitement visible. Chez certaines personnes, on peut même voir le blanc
sous l’iris quand, par exemple, les yeux sont très enfoncés ou que la bouche
tire sur la peau située en dessous lorsqu’elle est ouverte.
Quand on ouvre les yeux en grand, on lève la plupart du temps les
sourcils et/ou on ouvre la bouche, même si on peut dissocier ces deux
mouvements. Cela s’insère dans une très brève expression qui montre un
intérêt croissant, comme devant quelque chose qui nous arrache un
« waouh ! ».
Surprise : la bouche
La tristesse
La colère
La peur
La peur est l’émotion qu’on connaît le mieux pour la simple raison qu’il est
facile de faire peur à des animaux au cours d’expériences. La peur se
déclenche quand on risque d’être blessé physiquement ou
psychologiquement. Parmi les exemples de déclencheurs de la peur, il y a
les objets qui se dirigent rapidement vers nous, ou bien les moments où on
perd l’équilibre et où on tombe, réellement ou métaphoriquement. L’idée de
la douleur, comme lorsqu’on va chez le dentiste, peut aussi déclencher la
peur. La plupart des gens ont aussi peur des serpents et des reptiles, ou de
tomber d’une grande hauteur.
D’un point de vue biologique, la peur nous prépare à nous cacher ou à
nous enfuir. Le sang se dirige vers les grands muscles de nos jambes pour
qu’elles puissent courir en cas de besoin. Si on ne fuit pas, on essaie de se
cacher. Les animaux font ça. Les daims qui se figent dans les phares d’une
voiture en sont un exemple.
Même si cette réaction peut paraître étonnante, elle s’explique par le fait
que les prédateurs ont une si mauvaise vue qu’ils n’arrivent pas à bien
distinguer leur proie si elle ne bouge pas. Quand on dit qu’on est « paralysé
par la peur », c’est vraiment pour se cacher.
Si on ne peut ni s’enfuir ni se cacher, il y a de fortes chances que notre
peur se transforme en colère. Autrement dit, si le message qui ordonne à
notre système nerveux de nous préparer à nous enfuir ou à nous cacher n’est
pas suivi d’effets, on en envoie un autre qui nous fait bouger. Pour faire face
à la situation, on se met alors en colère contre ce qui nous menace. Les
expressions de visage liées à la peur ont deux significations : « Il y a un
danger tout près, sois prudent » et « AU SECOUUUUUUURS ! SORTEZ-
MOI DE LÀ ! » Dans ce cas, il est utile d’avoir des expressions de visage
car, quand l’émotion est trop forte, on est souvent incapable de parler,
comme Porcinet dans Winnie l’Ourson quand il dit : « Au secours, au
secours ; un éféfé, un éfanfant, un éfélant ! »
Le dégoût
Faites comme suit : avalez un coup – maintenant – pour assécher votre
bouche. Attendez un peu jusqu’à ce que vous sentiez que vous avez
fabriqué suffisamment de salive. Ça va prendre un petit moment. Prêt ?
OK ? Maintenant, imaginez que vous crachez cette nouvelle salive dans un
verre.
Et puis buvez-la.
J’utilise cet exercice mental, inspiré du travail du psychologue Paul
Ekman quand je donne des conférences. Lorsque j’invite l’assistance à le
faire, les expressions de visage que je vois sont les mêmes que ci-après. Le
dégoût, ou la répugnance, apparaît généralement quand on ressent de la
répulsion pour quelque chose, comme le goût d’un liquide qu’on veut tout
de suite recracher. On peut aussi être dégoûté à la simple pensée de manger
quelque chose. Il en est de même pour certaines odeurs ou les textures
visqueuses. Certains gestes peuvent provoquer du dégoût comme quand
quelqu’un maltraite un animal ou fait du mal à un enfant. Parmi les
déclencheurs de dégoût les plus courants, on peut aussi citer les excrétions
corporelles : matières fécales, fluides, sang et vomi. L’émotion n’apparaît
que lorsqu’elles sortent de notre corps, comme la salive dans l’exemple
précédent. Tant que la salive est dans notre bouche, tout va bien. Quand je
vous ai demandé d’avaler votre salive la première fois, vous l’avez fait sans
problème, contrairement à la seconde fois, où vous l’avez sortie brièvement
de votre corps. Et voilà. Vous êtes dégoûté !
On ne commence à ressentir du dégoût que vers quatre ou cinq ans et, à
partir de là, cela nous fascine. C’est pour cette raison qu’on trouve du faux
vomi dans les magasins de farces et attrapes, qu’il y a des films comme
Dumb and Dumber et American Pie et que tant de gens inspectent leur
mouchoir après s’être mouchés.
Une fois adulte, on pense qu’on ressent essentiellement du dégoût pour
d’autres personnes : des gens qui commettent des actes immoraux, des
politiciens, des tyrans, etc., même si la notion d’« acte immoral » peut
varier d’une culture ou d’une mentalité à l’autre.
Le mépris
La joie
Émotions mélangées
Pour terminer, je vais vous montrer des photos d’émotions variées, c’est-à-
dire des visages présentant plusieurs expressions à la fois. Cela arrive très
souvent. Il faut pouvoir dire quelles parties du visage sont liées à telle ou
telle émotion, et le faire vite. Les photos ci-après comportent des éléments
de deux émotions différentes. Essayez de deviner desquelles il s’agit et
quelles parties du visage les expriment. Les réponses se trouvent ici. Mais
essayez d’abord tout seul, sans regarder la réponse !
BONNES RÉPONSES
a) Tristesse + Colère
Tristesse = sourcils, yeux. Colère = bouche.
b) Surprise + Peur
Surprise = front, sourcils, yeux. Colère = bouche.
c) Dégoût + Surprise
Dégoût = bouche, nez, paupières inférieures. Surprise = paupières supérieures,
sourcils, front.
d) Colère + Mépris
Colère = sourcils, yeux. Mépris = nez, bouche.
e) Tristesse + Peur
Tristesse = sourcils, yeux. Peur = bouche.
f) Dégoût + Peur
Dégoût = bouche, nez, paupières inférieures. Peur = paupières supérieures,
sourcils front.
g) Fausse joie
Joie = bouche. Neutre = reste du visage.
h) Hum… Colère ? Peur ? Grosse envie d’aller aux toilettes ? Reptilien ? Envoyez
vos suggestions à l’éditeur !
Petit rappel
D’AUTRE PART…
Comme d’habitude, c’est plus compliqué
qu’il n’y paraît
La façon dont je viens de décrire les émotions – comme des « étiquettes »
pour chaque réaction physique qu’elles entraînent avec, chaque fois (ou, au
moins, pour chaque émotion basique), une expression de visage
particulière – est souvent considérée comme la vision classique des
émotions. Si Paul Ekman, dont j’ai parlé plusieurs fois, ne l’a pas inventée,
il est l’un de ses principaux défenseurs dans l’histoire récente, ce qui l’a
d’ailleurs poussé à mener d’importants travaux de recherche pour mieux la
comprendre.
Il existe toutefois d’autres moyens de conceptualiser les émotions. La
professeure de psychologie Lisa Barrett a récemment publié des résultats
qui suggèrent que cette vision classique n’est peut-être pas si correcte que
cela. Beaucoup d’autres chercheurs vont dans ce sens – tout un mouvement
travaille en effet à changer notre perception des émotions.
Pour commencer, des études mesurant l’activation des muscles du
visage ont montré que les expressions que nous avons dans la vraie vie pour
exprimer différentes émotions ne sont pas aussi bien définies que celles des
photos avec lesquelles vous vous êtes exercé. Notre visage bouge
constamment et nous devons souvent comprendre le contexte dans lequel
une expression apparaît pour savoir à quelle émotion elle correspond.
Autrement dit, les clichés sur lesquels vous avez travaillé sont des
simplifications ou des stéréotypes. Les expressions que vous allez voir dans
la vraie vie sont beaucoup plus complexes que cela.
Lisa Barrett affirme que ni les expressions de notre visage, ni ce que
nous appelons nos « émotions » ne font partie de notre programme
biologique et que leur acquisition se fait par la suite, culturellement. Le fait
qu’une émotion puisse être exprimée de différences façons par le corps
(notre tension, par exemple, peut augmenter d’un coup dans une situation
qui nous met en colère et rester stable une autre fois) et que des expressions
physiques identiques puissent être interprétées de différentes façons en
fonction de leur contexte (une transpiration abondante peut être à la fois
signe qu’on a mal au ventre et qu’on est amoureux) le prouve.
Lisa Barrett suggère donc de parler de « catégories émotionnelles » et
non d’« émotions » parce qu’une émotion peut être exprimée ou ressentie
de différentes façons, contrairement à la vieille croyance selon laquelle les
émotions sont physiologiquement distinctes les unes des autres.
On appelle cela un point de vue « constructiviste » qui, s’il est correct,
m’a fait dépenser beaucoup d’encre pour rien dans ce chapitre car, d’après
ses partisans, on ne peut pas discuter, comprendre ou détecter des émotions
de la façon que je viens de vous décrire.
Même si beaucoup des critiques de Lisa Barrett à l’encontre de la vision
classique me semblent méritées, je ne suis pas plus convaincu par sa théorie
que par les autres. D’abord, à mon avis, il n’est pas vraiment grave que nos
expressions de visage ne soient pas uniques. J’ai d’ailleurs déjà dit qu’on
pouvait exprimer nos émotions très brièvement et souvent à travers un
mélange d’expressions. Mais si on veut apprendre à les distinguer, il faut
bien commencer quelque part. La simplification est un outil pratique et
essentiel pour apprendre – il suffit de se souvenir que ce qu’on apprend est
simplifié.
Lisa Barrett apporte aussi la « preuve » du constructivisme en faisant ce
genre de déclarations :
Il n’y a pas une seule différence entre la colère et la peur parce qu’il
n’y a pas une seule « colère » et une seule « peur » (physiquement
parlant).
La peur n’est pas un modèle corporel – tout comme le pain n’est
pas la farine – mais provient des interactions entre des systèmes
centraux (mentaux).
La tristesse
La colère
La peur
Quand on voit quelqu’un exprimer de la peur, on devrait commencer par le
rassurer pour qu’il se sente en sécurité. Par exemple, si on annonce une
mauvaise nouvelle à une employée et qu’elle commence à montrer des
signes de peur, on devrait lui assurer que son poste n’est pas en danger et lui
dire qu’on est très satisfait de son travail. Quand on déstabilise quelqu’un, il
faut le soutenir pour qu’il ne tombe pas.
Si la peur survient quand on parle à un(e) ami(e) proche, on peut être
plus direct : lui dire que quelque chose semble le (la) contrarier et lui
demander s’il (elle) veut en parler. Pour rassurer et soutenir quelqu’un, on
peut aussi se connecter à lui ou le toucher physiquement si on est très
proche de lui. Prendre quelqu’un dans ses bras fonctionne toujours bien (si
on le fait à bon escient – on en parlera dans le chapitre 10, sur les ancres),
ou son équivalent en paroles.
Le dégoût
Le dégoût est souvent pris à tort pour de la colère. Si quelqu’un commence
à montrer des signes de dégoût, comme une petite ride sur le nez, cela veut
sans doute dire que la sensation vient d’apparaître. Dans ce cas, il faut
essayer de réagir aussitôt, subtilement, sans mentionner ce qu’on a vu. On
peut lui demander s’il a eu l’impression d’avoir subi une injustice et si on
peut faire quelque chose pour y remédier, sans être sur la défensive pour
l’aider à contenir son dégoût. Avant d’argumenter, on devrait aussi attendre
qu’il ait fini de parler. Il est important de ne pas laisser le dégoût s’installer
et d’inverser la situation à tout prix. C’est difficile car les déclencheurs du
dégoût sont profondément enracinés en nous. Mais rappelez-vous les
recherches de John Gottman dans son Love Lab – quand on n’arrive pas à
éloigner le dégoût, la relation est condamnée.
Le mépris
Si quelqu’un montre des signes de mépris, cela peut vouloir dire qu’il se
méprise lui-même, qu’il ressent du mépris pour ce dont on lui parle ou qu’il
ressent du mépris pour nous. Quand on pense qu’on en est la cible, il vaut
mieux faire comme si de rien n’était. Il s’agit peut-être de ce bon vieux
mépris né d’un sentiment d’infériorité que certains employés ressentent
pour leurs patrons, les élèves, pour leurs professeurs, et les enfants, pour
leurs parents. Cela peut aussi vouloir dire que notre interlocuteur pense être
mieux informé que nous et donc qu’on se trompe complètement.
La personne qui montre du mépris se croit supérieure à nous. C’est une
situation malheureusement très difficile à retourner même quand on arrive à
se connecter à elle. La meilleure chose à faire dans ce cas est de l’éviter, si
c’est possible. Si on a des liens personnels avec elle, cela ne donnera rien de
bon pour nous. Si on a régulièrement affaire avec elle au travail ou ailleurs,
et que les décisions que nous prenons avec elle affectent notre travail, il
vaut mieux laisser quelqu’un d’autre proposer nos idées et nos suggestions
en réunion. On peut aussi essayer de trouver quelqu’un qui a un poste
équivalent et avec qui on peut communiquer directement pour obtenir le
résultat souhaité.
Entraînez-vous !
Vous avez déjà beaucoup appris sur le décryptage des pensées. Il est temps
de faire une pause pour tout digérer. Vous avez appris à identifier un large
éventail de signes de la communication non verbale et inconsciente. Vous
avez appris à vous adapter à la façon de communiquer de quelqu’un dans
différents domaines pour pouvoir bien vous connecter à lui. Vous avez
appris à utiliser cette connexion pour changer positivement le
comportement et l’attitude des autres. Vous avez appris à identifier les sens
primaires chez différentes personnes. Vous avez appris comment agissent
ces sens primaires sur la façon de penser, de parler et de comprendre votre
entourage. Vous avez appris à reconnaître les changements subtils dans les
muscles de leur visage, des changements qui montrent l’état émotionnel
apparaissant en elles et la façon dont cela va modifier leur ressenti par
rapport à votre conversation. Vous avez appris à détourner les émotions
négatives quand cela est nécessaire.
Vous avez appris tout cela, du moins en théorie.
Je vous suggère maintenant de vérifier que vous savez l’appliquer.
Posez ce livre, et sortez pour vous entraîner à lire dans les pensées des
autres. Et continuez à le faire !
Dans la seconde moitié de cet ouvrage, je pars du principe que vous
savez faire tout ce que je vous ai expliqué jusqu’à présent. Pour vous
motiver encore plus, je vais vous raconter une petite histoire tirée de mon
expérience qui, je l’espère, va vous permettre de comprendre à quel point le
fait de savoir utiliser ces techniques peut faire la différence.
DEVENEZ UN DÉTECTEUR
DE MENSONGES HUMAIN
Le visage
On dit souvent que le visage émet deux messages : ceux dont on veut
persuader l’autre et ceux que l’on pense vraiment. S’ils correspondent
parfois, ils sont souvent différents. Il est possible d’essayer de contrôler le
message qu’on envoie de trois façons :
la qualification. On confirme l’expression qu’on a déjà sur le visage en
en rajoutant une autre, comme lorsqu’on sourit alors qu’on est
malheureux, pour montrer qu’on va s’en sortir ;
la modulation. On modifie l’intensité de l’expression pour l’affaiblir ou
la renforcer en contrôlant les muscles concernés (comme lorsque les
expressions de notre visage sont partielles), l’intensité avec laquelle on
les utilise (lorsque l’expression de notre visage est complète mais
légère, donc de faible intensité) et le temps qu’on la garde ;
la falsification. On peut afficher une émotion même quand on ne
ressent rien (c’est de la simulation). On peut aussi essayer de ne rien
montrer alors qu’on ressent quelque chose (c’est de la neutralisation).
Et enfin, on peut cacher l’émotion qu’on ressent avec une autre qu’on
ne ressent pas (on dit alors qu’on la masque).
Pour pouvoir faire semblant de ressentir une émotion de façon
convaincante, on doit savoir comment l’exprimer, autrement dit quels
muscles actionner et comment les utiliser. Les enfants et les adolescents qui
s’exercent à le faire devant une glace finissent un jour par arrêter. Cela
explique pourquoi, une fois adulte, on ne sait pas très bien à quoi on
ressemble quand on exprime différentes émotions. De plus, comme on a
rarement le temps de se préparer, on doit se fonder sur ce qu’on ressent en
espérant obtenir un résultat suffisamment proche de la réalité.
Neutraliser une émotion, c’est-à-dire ne pas l’afficher, est aussi très
difficile à faire, surtout si elle concerne une chose à laquelle on tient
beaucoup et qui déclenche en nous une réaction forte qu’on veut cacher.
Dans ce cas, la plupart du temps, on se raidit tellement que tout le monde
peut deviner que l’on cache quelque chose, à défaut de savoir quoi. On opte
alors pour la solution la plus facile, c’est-à-dire masquer notre émotion en
faisant semblant d’en éprouver une autre. Quand on essaie de contrôler nos
expressions de visage, vous savez maintenant qu’on a souvent tendance à
n’utiliser que le bas du visage. Cela veut dire que la zone autour des yeux,
des sourcils et du front peut encore exprimer nos véritables émotions,
souvent à notre insu. Par exemple, même si on fait un effort pour sourire,
des rides de dégoût peuvent apparaître sur notre nez, entre autres choses.
Vous venez de lire le chapitre sur les émotions et d’apprendre ce que
signifient les signes qui apparaissent au niveau des yeux, des sourcils et du
front, quel que soit le message qu’on essaie de faire passer par la bouche, je
n’ai donc pas besoin de me répéter.
Le masque qu’on utilise le plus souvent pour cacher nos émotions est le
sourire. Darwin, qui a rédigé l’un des ouvrages précurseurs sur les muscles
du visage et le langage corporel, avait une théorie pour l’expliquer. Selon
lui, les émotions qu’on essaie de masquer étant généralement négatives, on
utilise logiquement l’expression qui en est le plus éloignée : le sourire.
ici, je vous ai montré comment faire la différence entre un faux sourire
et un vrai. Un vrai sourire est toujours symétrique : les deux coins de la
bouche se relèvent de la même façon. Il ne peut donc jamais être
asymétrique (sauf en cas de problème médical). Un faux sourire peut être
symétrique ou asymétrique et donc n’apparaître que sur un côté du visage.
Un sourire en coin peut vouloir dire qu’on essaie d’avoir l’air heureux (sans
y arriver) ou correspondre à une autre expression comme le dégoût ou le
mépris. Il actionne aussi les parties externes et internes du contour des
yeux, ce qui est pratiquement impossible à faire consciemment.
Les acteurs qui arrivent à sourire naturellement avec les yeux le font en
pensant à un bon souvenir, quelque chose qui les rend vraiment heureux. De
plus, les fausses expressions de joie se repèrent aussi quand elles arrivent au
mauvais moment, quand elles se forment un peu trop rapidement. Une
véritable expression de joie peut mettre un certain temps à apparaître. Et
une fausse a tendance à rester visible trop longtemps.
Des micro-expressions peuvent aussi apparaître dans ce genre de
situations. Personnellement, je trouve qu’elles aident beaucoup à analyser
les autres. Si on sent que quelqu’un ne nous aime pas même s’il est d’une
politesse rare en surface, c’est probablement parce qu’on a capté une
information dans son langage corporel ou d’autres messages inconscients.
Mais il se peut aussi qu’on ait remarqué une micro-expression qui nous dit
ce qu’il pense vraiment de nous. Si elle est trop rapide pour qu’on la
remarque consciemment, notre inconscient a, lui, tout le temps de le faire.
On peut se fier aux micro-expressions quand elles apparaissent. Mais
tout le monde n’en a pas, et certaines personnes en ont dans certaines
situations et pas dans d’autres. Quand on ne voit pas de micro-expressions
chez quelqu’un, cela ne veut pas dire qu’il ne tente pas de supprimer une
émotion, si c’est ce qu’on subodore. Dans ce cas, il faut chercher des signes
ailleurs.
Les yeux
Les mains
Plus on s’éloigne du visage, plus il est facile de mentir avec des messages
non verbaux car le reste du corps n’est pas aussi fortement connecté aux
centres émotionnels du cerveau, et est donc davantage sous notre contrôle.
Fort heureusement, beaucoup de gens oublient de s’en servir pour mentir.
Les mains sont quelque part au milieu. Même si on a relativement
conscience de leur présence car on peut les voir la plupart du temps, elles
peuvent émettre un nombre phénoménal de signes inconscients.
Desmond Morris qualifie certains gestes des mains d’« emblèmes ».
Ceux-ci fonctionnent exactement de la même façon que les mots : ce sont
des gestes spécifiques avec des significations spécifiques connues de tous
les membres d’une même culture. Pour vous donner un exemple, il y a le
geste que Winston Churchill a rendu célèbre, avec l’index et le majeur
tendus et la paume tournée vers l’extérieur qui, dans la plupart des cultures
occidentales, représente le V de la victoire. Ce n’est bien sûr pas un
problème de mentir en faisant ce genre de geste. Et ce n’est pas grave si
vous faites le signe de la victoire quand quelqu’un vous demande si votre
équipe a gagné alors qu’elle s’est fait battre à plate couture.
Mais on fait parfois ce genre de geste inconsciemment. Cette sorte de
langage corporel, qui équivaut à un lapsus freudien, révèle ce que la
personne ressent vraiment pour la simple raison qu’il est involontaire. Il
n’est pas toujours facile de repérer ces gestes car ils sont souvent effectués
dans des positions inhabituelles, comme le geste que Paul Ekman a vu
quand il a organisé des entretiens entre ses étudiants et un professeur
extrêmement antipathique. Plusieurs étudiants fermaient inconsciemment le
poing et tendaient le majeur. Bref, ils faisaient un doigt d’honneur. Mais au
lieu de lever la main comme ils l’auraient fait en temps normal, ils la
posaient sur le genou et pointaient le doigt vers le sol. C’était sans aucun
doute un signe de grande aversion, même si ceux qui le faisaient n’en
avaient absolument pas conscience.
Un autre signe inconscient est le haussement d’épaules que l’on fait
généralement consciemment pour montrer qu’on ignore quelque chose,
qu’on n’a pas d’avis ou qu’on s’en fiche complètement. Mais au lieu de
remonter les épaules, de lever les mains et de tourner les paumes vers
l’extérieur au niveau de la poitrine, quand on le fait involontairement, nos
bras pendent de chaque côté du corps, le mouvement des épaules est réduit
à son minimum et les traces d’emblèmes visibles sont les mains qui se
tournent vers le haut ou vers l’extérieur, au niveau de la taille.
On fait d’autres mouvements de main pour clarifier notre propos ou
illustrer un concept abstrait, comme quand on trace un carré dans l’air avec
le doigt et qu’on dit : « C’était complètement carré. » On utilise presque
tous nos mains quand on parle, même si on le fait plus souvent et plus
fréquemment dans certaines situations culturelles et personnelles. Les
habitants des pays nordiques n’utilisent pas beaucoup leurs mains quand ils
parlent alors que les Italiens excellent dans cet art. Mais presque tout le
monde utilise ses mains jusqu’à un certain point. Et elles comptent
énormément pour comprendre les autres même si on remarque rarement de
façon consciente qu’elles bougent.
On ne peut pas communiquer avec quelqu’un qui accompagne ses mots
de gestes inappropriés. Pour illustrer cela dans mes interventions, je regarde
quelqu’un droit dans les yeux et lui demande quelle heure il est tout en
montrant la fenêtre de la main. J’obtiens invariablement un « Euh…
Euh ? » même si la réponse à ma question est très simple. Dans certaines
occasions, on fait un usage minimal de nos mains : quand on est très
fatigué, quand on est très triste, quand on s’ennuie énormément ou quand
on doit réfléchir très fort à ce qu’on dit et quand on pense. Soigneusement.
À. Chaque. Mot. Qu’on. Dit. Comme quand on ment.
Construire de nouvelles pensées est un processus interne très éprouvant.
La concentration que cela demande limite les manifestations extérieures de
sentiments. Et, comme les gestes des mains sont très faciles à voir, on
remarque toujours leur absence.
Quand je demande comment on peut voir quand quelqu’un ment, il y a
toujours quelqu’un qui répond que les menteurs se grattent le nez. C’est vrai
qu’on porte plus les mains à notre visage quand on ment, mais le plus
souvent ce n’est pas pour se gratter le nez. Ça, ça vient ensuite. On
commence par se couvrir la bouche comme si on voulait empêcher le
mensonge d’en sortir ou comme si on avait honte de ce qu’on va dire. Les
autres gestes de la main vers le visage – ajuster ses lunettes, se tripoter le
lobe d’une oreille, se gratter le nez – découlent probablement de l’envie
d’avoir l’air moins suspect.
Les mains peuvent aussi bouger de cette manière quand on écoute
quelqu’un. On se couvre souvent la bouche quand on a un doute ou quand
on pense qu’on ne nous dit pas la vérité. Il est facile d’imaginer quelqu’un
penser sous le coup de la surprise : « Je n’y crois pas ! » en ouvrant de
grands yeux et en se couvrant la bouche avec la main. Si vous voyez votre
interlocuteur le faire, cela veut dire que vous devez essayer d’être plus clair
et de trouver de nouveaux arguments. Si vous dites la vérité, bien sûr…
Sinon, votre nez va peut-être vous gratter !
Comme tous les signes de mensonge, le fait que quelqu’un se gratte le
nez veut parfois juste dire que ça le gratte. Mais s’il le fait à maintes
reprises, cela vaut la peine de commencer à chercher d’autres signes de
mensonge ou d’émotion cachée.
Le reste du corps
Je vous conseille aussi de faire attention à la posture, aux bras et aux pieds.
Quand quelqu’un est intéressé, il a l’air alerte alors que quand il ne l’est pas
il se tasse légèrement. Si cela dure suffisamment longtemps, il peut finir par
s’appuyer contre un mur ou contre le coin d’une table jusqu’à ce qu’il
prenne conscience qu’il a l’air vraiment de s’ennuyer et tente d’y remédier
en toussant ou en ajustant sa posture d’une façon évidente.
On est souvent incapable de se souvenir des signaux qu’on émet avec
les jambes et les pieds. C’est probablement pour cela qu’on passe autant de
temps avec les jambes cachées sous des tables et qu’on n’a appris à regarder
que le visage de nos interlocuteurs en ignorant le reste.
Pour vous donner un exemple de signes contradictoires, imaginez un
agent de voyages qui a passé quarante minutes à vendre un séjour tout frais
compris à 900 dollars à un jeune couple d’amoureux, en pensant à tous les
autres séjours qu’il aurait pu vendre beaucoup plus cher s’il n’était pas resté
coincé si longtemps avec eux. Il manifeste alors son agressivité en donnant
inconsciemment des coups de pied vers eux sous la table. Sans parler de la
fille timide qui entortille ses jambes l’une autour de l’autre pour avoir l’air
détendu à un speed dating.
Souvenez-vous que les lapsus gestuels peuvent être complètement naturels. Comme
on ne peut pas évacuer discrètement notre trop-plein d’énergie dans de nombreuses
situations, il « se faufile à l’extérieur » via des gestes sans importance comme tapoter
quelque chose, se ronger les ongles ou jouer avec des bougies allumées. Il y a aussi
des moments dans la vie où on a un trop-plein d’énergie ou de frustration qu’on ne
peut pas soulager. Observez les lapsus gestuels d’un adolescent quand il doit rester
assis plus d’une fraction de seconde.
VOUS AVEZ L’AIR NERVEUX ?
QUELQUE CHOSE NE VA PAS ?
Les changements dans la voix
Même si on peut facilement choisir les mots qu’on utilise quand on parle,
on peut plus difficilement contrôler notre voix car notre état émotionnel agit
dessus. Et, en fait, on n’arrive pas à choisir nos mots aussi bien qu’on le
croit.
Le ton de la voix
Comme vous l’avez certainement remarqué, notre voix monte souvent dans
les aigus quand on est en colère. Son ton change. Son volume aussi, ainsi
que son rythme. Quand on est triste, c’est l’inverse. Notre voix vient du
fond de notre gorge et est plus grave. On parle lentement et beaucoup plus
calmement que d’habitude.
Certains prétendent que la voix change comme elle le fait sous le coup
de la colère quand on culpabilise parce qu’on ment. On se met à parler plus
vite, plus haut et plus fort. Si on a honte de devoir mentir, notre voix prend
les mêmes intonations – toujours en théorie – que quand on est triste. On
parle plus calmement, plus doucement et plus lentement. Si tout cela est
vrai, cela veut dire que, quand on remarque des changements dans la voix
de quelqu’un et qu’on ne voit pas ce qui peut l’avoir mis soudainement en
colère ou lui avoir fait de la peine, on peut envisager qu’il nous ment.
Quand on ment, la façon dont on parle peut changer ainsi que la qualité de
notre voix. Par exemple, on se met à faire des pauses, et elles sont trop
longues ou trop courtes par rapport à d’habitude. On s’arrête soudain à un
endroit où on ne s’arrêterait pas en temps normal, comme au milieu d’une
phrase ou avant de répondre à une question à laquelle on devrait pouvoir
répondre immédiatement. On essaie de gagner du temps en faisant traîner
les voyelles, en faisant « Euhhh… » ou « Emmm » pendant qu’on essaie
désespérément de trouver quoi dire. Sous le coup de la nervosité, on peut
aussi se mettre à bégayer alors qu’on ne bégaie jamais.
On fait également des répétitions qui nous permettent de ne jamais nous
arrêter, de dire encore et encore la même chose, sans laisser la moindre
place aux autres. On aime soudain prononcer des longues phrases, des
phrases interminables qui semblent ne jamais finir, comme si on avait peur
de ce qui pourrait arriver si on laissait quelqu’un intervenir.
Ou on fait l’inverse. On. Se. Met. Soudain. À. faire. Des. Phrases. Très.
Courtes. Comme. Si. On. Avait. Peur. De. Faire. Un. Lapsus. Ou d’en dire
trop.
Tous ces changements nous avertissent qu’il se passe quelque chose et
qu’on devrait se mettre à chercher d’autres signes au niveau du visage et du
corps.
PRUDENCE, PRUDENCE
Évitez de sauter trop vite aux conclusions
Avant de terminer ce chapitre, j’aimerais répéter des choses importantes
qu’il faut savoir quand on essaie de deviner si quelqu’un ment (ou s’il
essaie de cacher ses vraies émotions). Repérer un des signes décrits ci-avant
ne suffit pas. Si vous en voyez un, cela veut juste dire que vous devez en
chercher d’autres. Ils doivent aussi trancher avec le comportement habituel
de la personne. S’ils étaient là dès le début, on ne peut pas savoir s’ils sont
apparus parce qu’elle ment ou si cela fait juste partie de son comportement
habituel.
N’oubliez pas non plus que les signes que vous allez repérer ne vous
diront pas si vous êtes face à un mensonge (vocal) ou à une émotion
réprimée. Seul le contexte vous le dira. Comme dans le cas des émotions
masquées, ces signes peuvent aussi être causés par quelque chose qui n’a
aucun rapport avec la situation dans laquelle vous vous trouvez. Si vous
parlez à un homme d’affaires qui a peur de prendre l’avion, vous vous
tromperiez en pensant que ses lapsus gestuels signifient qu’il vous ment
(sauf, bien sûr, si vous parlez de voyages en avion).
Si les signes que vous détectez indiquent clairement que quelque chose
ne va pas, soyez prudent. Donnez la possibilité à votre interlocuteur de
modifier ou de compléter son propos. Ne dites pas : « Ah, ah ! Pris en
flagrant délit de mensonge ! » Dites plutôt quelque chose comme : « J’ai
l’impression que vous pensez autre chose, que vous ne m’avez pas tout dit »
ou « Vous pouvez clarifier ça ? Il y a peut-être quelque chose que vous
voudriez expliquer autrement pour m’aider à mieux comprendre ».
Souvenez-vous de l’opinion aïkido. Quand on affronte directement le
prétendu menteur et qu’on l’accuse de mentir, on n’en tire généralement
rien si ce n’est de la résistance et du déni. Faites preuve de compréhension.
Essayez de vous connecter à lui, de trouver ce qui est vraiment en train de
se passer. Et enfin, si vous avez encore un doute, partez toujours du principe
que la personne est sincère.
Évitez aussi de penser que tout le monde vous ment car c’est tout sauf
constructif. Même s’il est utile d’avoir les outils que vous venez d’acquérir,
vous vivrez mieux si vous pensez que vous n’avez pas besoin de les utiliser.
La vie est très, très chouette quand on trouve quelqu’un de chouette avec
qui en partager un brin (de vie, bien sûr). C’est ce qu’on fait. Tout le temps.
Malheureusement, comme on remarque rarement consciemment les signes
qui prouvent que quelqu’un s’intéresse à nous (et vice-versa), on passe
constamment les uns à côté des autres. Le prochain chapitre va nous aider à
y remédier.
Certaines personnes émettent plus ou moins tous les signes classiques du mensonge
quand elles se conduisent normalement. Je connais quelqu’un comme ça qui a vécu
des moments terribles avec sa compagne jusqu’à ce qu’elle comprenne ce qui se
passe.
Souvenez-vous qu’on doit savoir comment quelqu’un agit normalement avant de
pouvoir noter d’éventuels changements dans son comportement.
1. Le polygraphe est parfois fiable. Le problème, c’est qu’il faut toujours que quelqu’un
interprète ses résultats. Et c’est là que le bât blesse car une interprétation n’est ni plus ni moins
qu’un avis personnel. Le polygraphe est parfait pour tracer des pics. Encore faut-il savoir ce que
ces pics sont censés vouloir dire.
2. NDT : raisonnement dans lequel la conclusion n’a aucun lien logique avec ce qui précède.
CHAPITRE 8
Où l’on va rougir jusqu’aux oreilles en prenant conscience du
comportement scandaleux qu’on a eu à la pause-café et où l’on va
partir dans les Caraïbes pour fêter ça.
L’ART DE LA DRAGUE
INCONSCIENTE
Commençons par une évidence : s’il est un moment où il est vraiment utile
de pouvoir lire le langage corporel de ceux qui nous entourent et de
contrôler le sien, c’est quand quelqu’un nous plaît ou qu’on s’intéresse à
lui. Quand notre inconscient est dans ces dispositions, on peut puiser dans
une bibliothèque entière de communication non verbale et inconsciente. Si,
en lisant ça, vous culpabilisez et vous vous dites : « Mais j’ai déjà
quelqu’un » ou « Ça ne sert à rien que je lise ce chapitre, je suis marié et
heureux de l’être », sachez que cela n’a aucune importance. Les êtres
humains sont des animaux sociaux qui ont besoin de reconnaissance – et
doivent pouvoir apprécier les autres membres du groupe – pour se sentir
bien. Comme dans le cas des émotions, la reconnaissance est un mécanisme
important pour bien faire fonctionner les structures sociales et nous
permettre d’aimer nos vies. Flirter, être un peu apprécié des autres, peut être
très discret et très innocent. Bien sûr, cela peut se terminer sous la couette et
par la perpétuation de l’espèce mais, au début, c’est une autre sorte de
connexion, une forme de reconnaissance.
Je pense aussi que ceux qui sont dans une relation stable peuvent avoir
particulièrement besoin de réinjecter un peu de drague dans leur vie pour
pimenter leurs relations de couple. D’ailleurs, même si vous n’avez envie
de flirter avec personne d’autre que votre partenaire, le fait de savoir que
quelqu’un s’intéresse à vous, seulement en le regardant, peut booster
agréablement votre confiance en vous. Ou, si vous êtes célibataire,
comment montrer à quelqu’un qu’il vous intéresse sans que cela soit trop
évident ? Ou encore, si l’objet de votre attention vient vous parler, comment
allez-vous continuer à l’intéresser pour qu’il ne reparte pas et ne disparaisse
pas à tout jamais ? Et quelle est la meilleure façon d’éconduire quelqu’un ?
Je sais qu’il existe des formations pour apprendre des choses comme
« caresser du regard » et se lécher sensuellement les lèvres, mais là n’est
pas mon propos. Ce dont je veux vous parler, c’est plutôt de toutes ces
choses qu’on fait déjà, inconsciemment et sans parler. Voyons ça de plus
près !
Imaginez que vous êtes dans un lieu très fréquenté, comme à un réveillon
chez des amis, à une avant-première ou un mariage. Cela peut aussi être
dans le hall d’une gare, à la sortie de la crèche ou à la cantine au travail.
Imaginez que vous êtes avec des amis et que vous leur parlez. Soudain
votre inconscient voit quelqu’un à quelques mètres sur votre droite,
quelqu’un qui vous plaît. Pour commencer, vous allez inconsciemment vous
connecter à lui (elle) de loin comme expliqué dans le chapitre 3, c’est-à-dire
que vous vous adaptez à son langage corporel et à son rythme. Vous allez
inconsciemment veiller à garder votre corps « ouvert » en retirant tous ce
qui se dresse entre vous : verre, casque de moto ou quoi que ce soit que
vous tenez dans la main droite pour qu’il n’y ait pas d’obstacle entre lui et
vous. Votre inconscient se charge de tout ça pour vous. Il se peut d’ailleurs
que vous n’ayez pas encore remarqué cette personne. Vous avez lancé un
processus de communication, sans en avoir forcément conscience.
Maintenant, vous allez l’observer discrètement en lui jetant un regard de
côté de temps en temps, juste assez pour lui montrer votre intérêt. En termes
purement mécaniques, cela consiste à le (la) regarder jusqu’à ce qu’il (elle)
vous regarde. Puis vous le (la) fixez une ou deux secondes avant de
détourner le regard, tout cela sans bouger votre tête, qui fait toujours face
aux personnes qui vous accompagnent. Seuls vos yeux bougent. C’est là
que les femmes peuvent dégainer une arme puissante. Souvent, quand elles
détournent le regard après l’avoir planté dans celui d’un homme, elles
regardent par terre pendant un bref instant. C’est ce qu’on appelle un
« regard furtif ».
L’exercice « drague »
Si vous êtes une femme, faites ce petit test. Imaginez que vous trouvez un homme
attirant à l’autre bout de la pièce. Jetez-lui un regard en coin, puis déplacez les yeux
pour regarder de l’autre côté. Regardez-le de nouveau. Mais cette fois, au moment de
détourner le regard, regardez d’abord par terre. Avez-vous remarqué une différence ?
Cela vous a-t-il semblé familier ? Je m’en doutais.
Regarder vers le bas est une invitation. C’est un signe de soumission, un
signe qui dit : « Je ne te veux pas de mal » ou même « Je peux/veux être
conquise ». Je suis bien conscient des réactions qu’une telle affirmation
peut provoquer dans notre monde post-#MeToo. Mais malheureusement
pour notre esprit rationnel et éveillé, nos flirts inconscients sont la
conséquence d’une programmation très ancienne qui remonte bien avant
l’époque où nous étions des êtres humains, époque à laquelle les femelles se
soumettaient souvent aux mâles. Même si cela n’est pas très politiquement
correct ou de bon goût sur le plan de l’égalité des sexes, c’est comme ça
que ça marche depuis la nuit des temps. Et nous sommes loin d’être les
seules créatures à nous comporter ainsi. La plupart des rituels
d’accouplement dans le monde animal comportent des scènes de
soumission de la part des femelles – et l’espèce humaine ne fait pas
exception à la règle. Sinon, les hommes n’auraient tout simplement pas le
courage d’aborder les femmes.
Lancez-vous
Maintenant, place à la pratique. Vous montrez votre intérêt en examinant la
personne ou plus précisément en la regardant en coin et en inclinant la tête.
Vous lui jetez des coups d’œil. Si vous êtes un homme comme moi, c’est
pratiquement tout ce que vous avez dans votre arsenal. Si rien ne se passe,
vous décidez alors volontairement de vous diriger vers la personne que vous
observiez inconsciemment.
Les femmes disposent d’une autre arme aussi épouvantablement simple
qu’épouvantablement mortelle. Là encore, si vous êtes une femme, vous
pouvez essayer de reproduire ce qui suit pour comprendre exactement ce
que je dis. Pour commencer, placez votre tête et vos yeux dans la posture
d’observation indiquée plus haut. Puis, lancez des regards en coin et
penchez légèrement la tête. Placez une main sur une hanche et basculez le
bassin vers le haut. C’est ça. Maintenant, vous n’êtes plus soumise mais
vous lancez au contraire un vrai défi car cette posture veut dire : « Tu
m’intéresses mais je me demande si tu vas avoir le courage de venir jusqu’à
moi. » C’est aussi direct que ça.
Souvenez-vous que, là encore, vous vous servez de techniques qui sont
inconscientes au départ. Sans avoir forcément cherché à l’encourager à le
faire, vous allez soudain voir la personne se tenir juste devant vous, prête à
engager la conversation. Et vous n’avez aucune idée de la manière dont
c’est arrivé. Il se peut également qu’elle vous demande si vous vous
connaissez car vous lui semblez familière. Vous savez à qui vous lui faites
penser ? À elle-même, bien sûr, car vous avez reproduit son langage
corporel !
Un truc sensuel
Histoire vraie
Si vous avez du mal à croire que le comportement que je viens de décrire
est encore inconscient, je vous comprends tout à fait. Jamais vous ne
rateriez des signes aussi évidents de séduction, n’est-ce pas ? Ce serait
probablement le cas si vous observiez votre interlocuteur sans rien dire.
Mais souvenez-vous que vous êtes occupé à lui parler, à l’écouter, à avoir
l’air intelligent et à vous montrer sous votre meilleur jour. Vous n’avez
simplement pas le temps de penser à guetter consciemment ces signes,
surtout si vous n’êtes pas vraiment sûr de pouvoir les décrypter.
Je vais vous raconter une histoire pour vous montrer à quel point tout
cela se fait sans qu’on en ait la moindre idée.
Il y a environ un an, je donnais une conférence dans une résidence
hôtelière de luxe dans les Caraïbes. Comme il faisait très chaud, on était
habillés de façon décontractée, parfois minimaliste, même lors de situations
formelles. Un soir, on a dîné sur la terrasse d’un restaurant. Un homme que
tout le monde avait repéré à cause de sa taille et de son physique
impressionnant est arrivé et s’est assis. Comme personne ne pouvait ignorer
sa présence, qui était évidente, on lui a tous lancé un regard avant de se
remettre à manger.
Environ une minute plus tard, une jeune femme s’est dirigée vers lui.
Elle avait les cheveux longs et décolorés, avait environ vingt-cinq ans et
portait un débardeur très décolleté, un petit short et des sandales. À défaut
de pouvoir entendre leur conversation parce que j’étais assis trop loin, j’ai
observé leurs faits et gestes. Il a décalé sa chaise par rapport à la table pour
lui faire face, ce qui, à mon sens, était sympa et disait qu’il était prêt à lui
consacrer du temps et de l’attention. (Bien sûr, en raison de sa taille, ce
changement de position ne pouvait pas le faire paraître faible ou vulnérable
aux yeux de la jeune femme. En revanche, et c’est plus important, en restant
assis alors qu’elle était debout, il lui montrait qu’il ne représentait pas une
menace pour elle.) Ils ont parlé pendant deux ou trois minutes.
Voici ce qu’elle a fait pendant tout ce temps. D’abord, elle a posé une
main sur la table à côté de laquelle elle se tenait. Comme elle était assez
basse, cela l’obligeait à se pencher sur un côté et à s’appuyer sur un bras, ce
qui faisait remonter et ressortir sa poitrine. Vingt secondes plus tard, elle a
avancé un peu sa main sur la table et s’est donc penchée légèrement en
avant, ce qui a mis son sillon mammaire directement dans la ligne de mire
de l’homme assis en face d’elle. Vingt secondes plus tard, elle a commencé
à se toucher le cou, mais pas d’une façon nerveuse. Elle le faisait d’une
manière sensuelle : elle faisait négligemment glisser son doigt le long de
son collier et de l’encolure de son débardeur. Elle l’a fait trente secondes
avant d’enlever sa sandale droite et de commencer à frotter son pied nu le
long de sa jambe gauche. Vers le haut… et vers le bas. Vers le haut… et
vers le bas.
J’ai failli m’étouffer avec ma salade. Comment l’homme allait-il
réagir ? Eh bien, il a fait exactement l’inverse de ce qu’elle faisait. Il
regardait partout sans la regarder elle, il répondait brièvement à ses
questions (je pouvais le voir, même sans rien entendre), il tapait du pied par
terre et il n’arrêtait pas de bouger les mains. Au bout d’un moment, elle a
fini par renoncer et est retournée à sa table.
Quand leur conversation a pris fin, je n’ai pas pu résister. Je suis allée
voir la jeune femme dès que j’ai pu pour lui demander de quoi ils avaient
parlé. Pour elle, cela n’avait été qu’une conversation de travail. Elle m’a
expliqué qu’il lui avait acheté un produit l’année précédente et qu’elle
voulait juste savoir ce qu’il en avait pensé. Elle a été profondément choquée
quand je lui ai décrit son attitude et à quel point elle semblait le trouver
attirant. Elle m’a certifié ne se souvenir d’aucun des comportements que je
lui ai décrits et a eu peur de lui avoir donné une mauvaise impression. Je
l’ai crue.
J’ai aussi rapidement parlé à l’homme. J’ai commencé par lui dire que
ça devait lui arriver constamment et qu’il devait trouver ça pénible. Après
avoir admis que c’était en effet le cas, il m’a dit qu’il s’efforçait d’accorder
à chacun le temps nécessaire et d’être gentil et poli avec tout le monde.
Quand je lui ai décrit la façon dont il s’était comporté avec la jeune femme,
il a été aussi mortifié qu’elle. Craignant de lui avoir manqué de respect et
d’avoir été antipathique, il m’a demandé si, à mon avis, il devait aller lui
présenter ses excuses. Je lui ai répondu que ce n’était sans doute pas
nécessaire puisque, comme lui, elle n’avait pas eu conscience de ce qu’elle
faisait – ni de ce qu’il faisait d’ailleurs.
Cette scène illustre parfaitement ce que vous avez lu jusque-là, sans que
ses deux protagonistes en aient eu la moindre idée. Au moins
consciemment. Si j’étais allé questionner leur inconscient, j’aurais
probablement obtenu des réponses très différentes. Mais, sur le plan
conscient, ils étaient tous les deux persuadés qu’ils avaient juste parlé
brièvement affaires. Gardez cela à l’esprit si vous avez peur de suivre le
langage corporel de quelqu’un : vous pouvez vous en sortir beaucoup mieux
que vous ne le pensez.
Retour sur le canapé (ou les deux chaises). Si, à ce stade, vous vous êtes
lassé de parler à la personne et que vous voulez arrêter, je suis sûr que vous
savez comment cela va se passer physiquement. Vous allez simplement
commencer à briser la connexion. Vous allez ériger des barrières : remettre
vos lunettes, commencer à croiser les bras devant vous (en tenant, par
exemple, des objets), croiser les jambes sous votre chaise, ce qui va décoller
vos pieds du sol ou croiser les cuisses. Vous allez vous tendre. Vous allez
arrêter de regarder votre interlocuteur dans les yeux. Beaucoup de
personnes se mettent aussi souvent à chasser de la poussière invisible ou à
frotter des taches imaginaires sur leurs vêtements. Très vite, votre
interlocuteur va se lever, vous dire qu’il vient de voir quelqu’un avec qui il
doit parler, s’excuser et partir. Quand vous rejoindrez vos amis et qu’ils
vous demanderont où vous étiez, vous leur direz que vous parliez avec
un(e) inconnu(e). C’est tout. Vous ne vous souviendrez absolument pas
d’être passé du mode sexy – au mode pas sexy.
Tout ce que je viens de décrire a eu lieu sans qu’aucune parole ait été
prononcée. Comme vous pouvez le deviner, il est assez facile d’avoir ce
genre de comportement, sans être particulièrement subtil, tout en ayant une
conversation complètement banale en apparence. Alors pensez à ce qui se
passerait si nos paroles concordaient avec nos actions ! On peut devenir
dangereusement irrésistible si on s’entraîne à se connecter aux autres et à
communiquer sans parler.
Dans l’exemple précédent, j’ai décrit un ensemble de comportements
que nous pouvons adopter, l’un après l’autre, lors d’une seule et même
rencontre. Mais cela peut bien sûr durer plus longtemps ou même n’inclure
qu’un ou quelques signes à la fois. Comme deux collègues au travail : ils
ont beau le nier, tout le monde sait qu’il y a anguille sous roche rien qu’à les
voir à la photocopieuse exposer constamment leurs poignets, s’humidifier
les lèvres (s’humidifier, pas se lécher) et se faire face directement. Si rien
de plus n’arrive, la situation pourra durer indéfiniment.
Les êtres humains sont des animaux sociaux. Ils ont besoin de
reconnaissance et d’avoir le droit d’apprécier d’autres membres du groupe
pour se sentir bien. Cela n’a pas besoin d’aller plus loin sauf si, bien sûr, ils
le souhaitent.
Jusqu’à présent, je vous ai appris à observer les signes inconscients de
votre entourage et à connaître les vôtres. Même si vous avez appliqué ces
connaissances de différentes façons, la base reste toujours la même.
Maintenant, vous êtes prêt à découvrir une nouvelle approche. Dans les
deux prochains chapitres, vous allez apprendre comment influencer
réellement les autres, comme quand vous vous connectez à quelqu’un, ce
qui est un exemple d’influence passive. Mais avant, vous allez apprendre à
influer activement sur les opinions, les idées et les émotions des autres –
autant de choses qu’un bon mentaliste doit savoir faire.
Beaucoup de ces techniques comme les commandes cachées du
chapitre 9 ou les ancres du chapitre 10 peuvent servir à améliorer l’état
d’esprit de ceux qui vous entourent. J’ai aussi inclus des techniques pour
vous aider à vous protéger quand vous subirez, comme souvent, un flux
constant d’astuces sophistiquées utilisées pour accéder à vos pensées,
généralement à des fins commerciales ou politiques.
1. Ce que vous allez lire s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes car on utilise
généralement les mêmes techniques quand on drague. Lorsque les méthodes diffèrent, je vous le
dirai.
CHAPITRE 9
Où l’on va apprendre comment on peut influer directement sur les
pensées des autres
et passer un marché avec Spider-Man.
PROPOSITIONS SUBTILES
Suggestions pour l’inconscient
Faire des suggestions veut dire planter des opinions, des images et des
pensées dans la tête des gens sans qu’ils s’en aperçoivent. Bien qu’ils
pensent avoir eu spontanément ces nouvelles idées, ils ont en fait été
manipulés. Les médias en général, et les publicitaires en particulier,
faussent ainsi très souvent notre perception de la réalité. C’est ce qu’ont
fait, volontairement et pendant des années, les responsables d’un quotidien
en utilisant le slogan « Qui a forgé vos opinions ? » dans leur publicité.
On pourrait dire qu’une suggestion est une proposition à l’inconscient.
Généralement, c’est notre esprit conscient qui les reçoit, qui y réfléchit et
qui nous aide à nous faire un avis dessus. Elles sont là pour nous faire
adopter un certain comportement, valider une certaine opinion, etc. Si on
obtient des résultats beaucoup plus efficaces quand on s’adresse
directement à l’inconscient, c’est parce qu’il n’analyse pas ce qu’on nous
dit comme le fait notre esprit conscient.
Si quelqu’un fait une proposition à notre esprit conscient, on filtre cette
information, on en analyse le contenu et on prend une décision. Soit on
l’approuve : « Je veux vraiment aller manger avec elle », soit on la rejette –
« Non, je n’ai pas faim ». Ou alors, on demande un complément
d’information avant de donner une réponse : « Ça dépend s’il y a des
saucisses. » À l’inverse, parce qu’une suggestion à notre inconscient
contourne notre esprit conscient, nous ne sommes pas obligés de nous
forger une opinion sur l’information qui nous parvient. Notre inconscient
prend tout ce qui lui arrive pour des vérités absolues. Si quelqu’un nous dit :
« Les oranges sont bonnes », notre esprit conscient peut décider s’il est
d’accord, ou pas, avec cette affirmation. Mais si cette suggestion s’adresse à
notre inconscient, il va la considérer comme un fait. On va penser que c’est
vrai. Les oranges sont bonnes !
En plus d’être bombardés de suggestions par les médias et la publicité,
on les utilise aussi dans nos rapports quotidiens avec les autres. Comme
nous l’avons vu dans le chapitre 8 sur la drague, nous faisons constamment
des suggestions avec notre corps. Celles cachées dans nos propos peuvent
aussi être extrêmement efficaces. Nous allons voir ça de plus près car, il
faut bien l’admettre, il est beaucoup plus facile de lire dans les pensées de
quelqu’un quand on a déjà décidé ce qu’on va y mettre.
NE PENSEZ PAS ÇA !
Les négations, les « ne… pas » et le déni
Une méthode très courante pour planter de nouvelles idées dans la tête de
quelqu’un est de prétendre que quelque chose n’est pas car, avant de
pouvoir « ne pas faire » quelque chose, on doit pouvoir imaginer ce qui
arrive après le « ne… pas ».
« Ne pensez pas à un ours polaire bleu. » Pour comprendre cette phrase,
il faut être certain de comprendre ce qu’« ours polaire bleu » veut dire pour
ensuite pouvoir appliquer la consigne « ne… pas ». À ce moment-là, il est
déjà trop tard. On a déjà pensé à un ours polaire bleu.
Si on voit un gros titre qui dit « Ryan Reynolds nie avoir une liaison
avec Emma Stone », on comprend d’abord : « Emma Stone – liaison – Ryan
Reynolds », sans tenir d’abord compte de la négation, c’est-à-dire du fait
que ce n’est pas le cas. Même si ce gros titre ne nous apprend rien de
nouveau sur le monde, notre esprit contient une nouvelle pensée qui n’était
pas là avant. Et comme tous ceux qui ont ou qui ont eu de jeunes enfants le
savent, les « ne… pas » ont beaucoup moins d’impact que tout le reste.
Ryan Reynolds ? Qui aurait cru…
Le déni injustifié
Une suggestion dans laquelle se trouve la négation « ne… pas » est d’autant
plus forte qu’elle est inattendue. Quand on dit qu’on fait ou qu’on ne fait
pas quelque chose, on dit aussi indirectement quelque chose sur les autres.
Si Nixon s’était exprimé autrement et avait dit « Je ne suis pas un escroc »
au lieu de « Je ne suis pas un escroc », cela aurait indirectement sous-
entendu que tous les autres l’étaient.
Dénoncer quelque chose ou se dédouaner brusquement permet de faire
habilement passer un message. Un homme politique qui dit « Notre parti
n’est pas xénophobe » affirme implicitement que les autres le sont.
Vraiment ? En fait, il n’a rien dit de tel. Pourtant, c’est ce que tout le monde
pense parce que, si son parti n’est pas xénophobe, cela veut dire qu’un autre
l’est, n’est-ce pas ? Et maintenant, je sais pour qui je vais voter lors des
prochaines élections… jusqu’à ce que je lise un nouveau gros titre et que
j’oublie complètement cette histoire que j’essaie bien sûr de ne pas oublier.
À VOUS, MAINTENANT
Parlez sur plusieurs niveaux
Il existe d’autres techniques pour cacher des suggestions ou des
propositions à l’inconscient. Quand on parle à quelqu’un ou quand
quelqu’un nous parle, le message ne passe pas toujours très bien. Il peut être
interprété de plusieurs façons. Si on se contente d’écouter ce qu’on nous dit,
on peut souvent se tromper. Mais quand on fait attention au ton de la voix,
au langage corporel et au contexte, on arrive à mieux comprendre les
propos de notre interlocuteur. On choisit alors la meilleure interprétation et
on lui répond en conséquence.
Comme notre inconscient enregistre toutes les différentes interprétations
possibles des mots, cela veut dire qu’on peut parler sur plusieurs niveaux en
même temps. Le premier, c’est ce que notre esprit conscient interprète (et
qu’on pense être correct). Mais on peut aussi – et c’est le deuxième
niveau – s’exprimer d’une façon susceptible de donner lieu à une autre
interprétation qui sera captée par notre inconscient. Et si on entend sans
cesse ce message « caché », il va finir par réagir.
Je sais que cela peut paraître compliqué, mais restez avec moi, vous
comprendrez tout dans un moment. Voici un exemple simple. Imaginez que
quelqu’un me dise : « Je commence à me sentir mal, Henrik. » Mon esprit
conscient va alors me dire qu’il commence à se sentir mal et qu’il veut que
je le sache. Mais il y a un autre sens, un message caché derrière tout ça. « Je
commence à me sentir mal, Henrik. » C’est ce qu’on appelle une
commande intégrée. Seule, elle n’est pas très efficace. Mais si la personne
qui nous parle l’utilise suffisamment, je vais commencer à y réagir et à me
sentir mal – sans savoir pourquoi.
« Je commence à me sentir mal, Henrik. J’ai mal au ventre et j’ai envie
de vomir. Tu connais cette sensation… »
Je vous déconseille de lire ces lignes de trop nombreuses fois !
Quand on veut utiliser des suggestions de cette manière, on peut
augmenter leur impact en insistant soigneusement dessus : on change de
ton, on regarde notre interlocuteur droit dans les yeux… Faites cela pour
toutes vos suggestions. Pour atteindre l’inconscient de la personne que vous
voulez influencer, parlez d’une voix légèrement plus basse, comme si ce
que vous dites était un secret. Les exemples utilisant la négation « ne…
pas » que je vous ai donnés plus haut contiennent aussi des commandes
cachées (« perdre le fil », « tu… bois… ») qui peuvent être renforcées par le
ton de la voix.
Si, à ce stade, vous vous dites que c’est presque de l’hypnose, vous
n’êtes pas très loin de la vérité car bien que cela n’en soit pas, cela exploite
aussi la façon dont on comprend ce qu’on nous dit. Quand ils nous parlent,
les hypnotiseurs utilisent des commandes cachées car l’hypnose, comme
beaucoup d’autres formes de thérapies, joue sur le fait que nous avons
différents niveaux de compréhension. On peut ainsi utiliser des suggestions
à des fins thérapeutiques pour soigner l’inconscient des patients sans qu’ils
le remarquent. Le père de l’hypnose moderne, Milton Erickson, dont j’ai
déjà parlé plusieurs fois dans ce livre, n’avait pas son pareil pour
communiquer sur deux plans en même temps.
Chaque mot ou expression peut être une suggestion car notre inconscient
scanne les interprétations et les différents messages qu’il reçoit chaque jour
et en fait toutes les associations possibles. La prochaine fois que vous
entendrez ou verrez une publicité à la radio ou à la télévision, essayez
d’écouter les différents mots et phrases qu’elle contient. Si elle est bonne,
chaque mot sera soigneusement choisi et aura l’effet souhaité sur vous. Les
suggestions cachées peuvent déclencher des associations auxquelles on ne
s’attend pas. Quand on sait bien les utiliser, on peut presque lier toutes les
associations que l’on souhaite à n’importe quel produit.
La symbolique sexuelle cachée de la glace qu’on lèche est si courante
dans la publicité qu’elle est devenue un cliché. Mais, hormis sa signification
purement freudienne, le lien entre les glaces et le sexe a été inventé de
toutes pièces. C’est l’œuvre de quelqu’un dans une agence, probablement
pressurisé par un analyste comme Ernest Dichter ou Louis Cheskin, qui
s’est dit que ça devrait marcher. Mais cette symbolique a peut-être une
origine très différente.
Dans la publicité, que ce soit sur les écrans ou à la radio, on utilise des
mots spécifiques pour mettre le consommateur dans un état mental et
émotionnel particulier qu’on associe ensuite au produit ou au logo de
l’entreprise. Des mots comme « chaud », « doux », « propre », « puissant »
et « plus grand » nous mettent dans un état et nous font vivre une
expérience complètement différente que les mots « tendu », « inquiet »,
« effrayé » et « faible ». La meilleure façon de faire ressentir quelque chose
à quelqu’un est donc de lui en parler. Je ne sais pas vous, mais ma gorge me
gratte un peu en ce moment. Et la vôtre ? Elle ne vous gratte pas un peu
maintenant ?
Je m’en doutais.
Cela me fait penser à cette publicité que j’ai vue chez un marchand de
journaux à l’aéroport et qui disait : « Vous souvenez-vous de la dernière fois
où vous avez eu soif en avion ? » Comme par hasard, cette publicité est
apparue au moment où de nouvelles mesures de sécurité avaient été prises
dans les aéroports, des mesures qui interdisaient d’emporter une bouteille
d’eau dans l’avion sauf si on l’achetait après être passé au contrôle de
sécurité – ou, plus précisément, si on l’achetait à cet endroit.
Chaque mot, expression, émotion ou image que l’on utilise quand on
parle à quelqu’un va le mettre dans un état émotionnel particulier et lui faire
vivre une expérience spécifique, comme la communication non verbale.
C’est pourquoi il faut s’assurer que l’endroit où l’on amène la personne
concernée est bien celui où l’on veut aller.
L’exercice « attention »
1. Trouvez dix phrases ordinaires qui contiennent des suggestions cachées comme
des « affirmations ne… pas », des « termes répétant des valeurs » ou des
commandes cachées. Pensez à ce que vous entendez dire et à ce que les autres
disent.
2. Prenez un journal et essayez d’y trouver des suggestions cachées comme des
« affirmations ne… pas », des « termes répétant des valeurs » ou des commandes
cachées. Commencez par regarder les éditoriaux. Puis voyez combien vous pouvez
en repérer dans un article censé donner des informations objectives.
Oubliez l’information
Les formules sur les produits industriels dans les supermarchés montrent
parfaitement comment on peut mettre de côté certaines informations. Je suis
justement en train de décongeler du saumon fumé. Sur la boîte, il est écrit :
« Maintenant, nous utilisons notre propre bouillon dans la sauce pour la
rendre meilleure et lui donner plus de profondeur… » Encore récemment, il
semblait y avoir une règle qui obligeait les fabricants à écrire ce genre de
choses sur leurs boîtes ou leurs bouteilles :
Pour faire des suggestions par implication (ou insinuation), on peut aussi
utiliser le principe des généralisations. Généraliser, c’est affirmer que tout
ce qui entre dans une certaine catégorie a un trait commun. Si on dit que
tous les Écossais sont avares, on fait une généralisation qui englobe tous les
habitants de l’Écosse. Parmi les mots qu’on utilise souvent pour faire des
généralisations, il y a notamment « tout », « aucun », « toujours », « tout le
temps », « jamais », « partout », etc. (À noter que des mots apparemment
spécifiques comme « immigrants » ou « enfants » sont aussi une forme de
généralisation.) Quand on utilise ces mots, on efface toutes les différences
évidentes ou subtiles qu’ils contiennent pour en obtenir une version très
simplifiée.
Au quotidien, il nous arrive très souvent de généraliser. Dans les médias
aussi, comme dans les journaux suédois qui contiennent des tas de phrases
comme « face aux critiques croissantes », « dans un sondage
téléphonique », ou « indignation publique », qui est ma préférée. Mais
qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Jusqu’où la critique doit-elle grandir
pour qu’on puisse dire qu’elle est croissante ? Parce que honnêtement, pour
que ce soit vrai, il suffirait qu’un e-mail de contestation arrive le lundi et
qu’un autre arrive le mardi. Combien de personnes doit-on appeler pour
faire un sondage ? Deux cents ? Vingt ? Deux ?
Vous pensez peut-être que j’exagère. Mais non. Un jour, un journaliste
m’a affirmé que, dans son journal, il fallait avoir trois ou quatre personnes
indignées pour pouvoir utiliser le terme « indignation publique » dans un
article. Si je ne peux pas garantir la véracité de cette information, elle ne me
paraît pas farfelue, surtout lorsqu’on sait que, quand l’expert de la
propagande Martin Borgs travaillait dans un journal, il disait qu’il fallait
avoir reçu dix lettres de protestation de la part de lecteurs pour parler
d’« indignation ».
Alors quel est le problème ? Le problème, c’est que, quand on fait des
généralisations, on laisse croire qu’il y a un consensus alors que ce n’est
peut-être absolument pas le cas. Même si on n’y réagit pas consciemment –
en fait, on les entend à peine –, cela ne les empêche pas de nous convaincre
que d’autres le pensent. Peut-être même presque tout le monde, étant donné
que c’est une « indignation ».
C’est ainsi que se créent les opinions publiques : à partir de rien.
Comme on ne veut pas avoir l’air stupide, on évite de prendre des risques et
on a tendance à penser comme tout le monde. Si les journaux affirment
qu’une chose fait vraiment l’objet de « critiques croissantes », je devrais
peut-être envisager de m’y opposer et de rejoindre les rangs de ceux que
cela dérange, non ? Utiliser des généralisations qui impliquent que la
plupart des gens le pensent alors qu’ils ne sont qu’une poignée – peut-être
pas plus de dix – est une bonne manière d’influencer l’opinion publique et
de faire croire aux gens ce qu’on veut.
Le message ne pouvait pas être plus clair. Le médecin n’a pas vu un homme
malade et faible, mais un homme plein d’énergie et en bonne santé. Martin
est sorti le jour même.
Pensez à votre langage corporel, à la façon dont vous parlez, à vos
vêtements, à la façon dont vous vous comportez. Quelles suggestions faites-
vous aux gens ? Et quelles suggestions voudriez-vous leur faire ?
Les méthodes d’influence décrites dans ce chapitre le sont
essentiellement pour influencer les pensées des autres. Mais on peut aussi
influencer leurs émotions. C’est ce que je vais vous apprendre à faire dans
le prochain chapitre, à l’aide d’ancres, pour faire surgir rapidement et
précisément l’émotion souhaitée chez les autres et en vous-même.
Souvenez-vous de tout ce que vous avez déjà appris sur la façon dont nos
émotions contrôlent nos actions car vous allez maintenant découvrir le
pouvoir de ce phénomène. Mais auparavant, je veux que vous me
promettiez de ne pas manipuler les gens comme des marionnettes et de
renoncer à toutes vos envies de dominer le monde.
CHAPITRE 10
Où l’on va se connecter à nos sentiments
et à ceux des autres, éviter un câlin
et arrêter d’avoir peur des requins.
LES ANCRES
Comme vous le savez, on peut agir sur les états émotionnels de notre
entourage grâce à la connexion et aux suggestions. Mais le résultat est
souvent un peu imprécis (par exemple, comment faire passer quelqu’un en
mode « excité et content » et non en mode « heureux et créatif » ?) et on
peut aussi avoir du mal à obtenir des réactions émotionnelles fortes. Il
existe une technique plus efficace pour influer sur les émotions, et donc
déclencher l’émotion qu’on veut chez qui on veut quand on veut. Cette
technique est celle des ancres.
Ancres = empreintes
Les ancres les plus puissantes sont souvent les impressions sensorielles
auxquelles on pense le moins : les goûts et les odeurs. L’une des ancres les
plus célèbres de la culture humaine est celle décrite par Marcel Proust dans
À la recherche du temps perdu, roman dans lequel le personnage principal
mange une madeleine qu’il a trempée dans sa tasse de thé et dont le goût lui
évoque subitement toute son enfance :
Les ancres qui nous intéressent ne sont pas comme celles dont parle Proust,
qui provoquent différents états émotionnels chez nos interlocuteurs. Il serait
bien sûr très pratique de savoir exactement quelles ancres se cachent dans
notre inconscient et dans celui des autres pour pouvoir les activer à volonté.
Un peu fatigué ? Déclenchez votre ancre « énergie » et BOUM !! Vous
voilà transformé en lapin Duracell en un claquement de doigts. On pourrait
ainsi agir sur nous-même et sur les autres pour être toujours le plus heureux
possible et être toujours dans un état d’esprit créatif et excitant.
Malheureusement, les ancres étant cachées dans l’inconscient, il est très
difficile de les connaître. Mais pas question de jeter l’éponge. Et il est trop
tôt pour cela car on peut vraiment créer facilement de nouvelles ancres en
nous et chez les autres. Et comme on le fait constamment sans en avoir
conscience, autant apprendre à le faire efficacement. L’avantage qu’il y a à
créer de nouvelles ancres, c’est qu’on sait toujours exactement quelle
émotion surgit et ce qu’il faut faire pour la déclencher.
Voilà comment ça fonctionne : tout ce qu’on dit ou fait quand on est
avec quelqu’un qui ressent une forte émotion va lier cette émotion au
souvenir et devenir notre ancre. Plus tard, quand on lui redira ou refera ce
qu’on a dit ou fait ce jour-là, cela stimulera l’état émotionnel dans lequel il
était quand on a planté l’ancre en lui. La façon dont l’émotion va se
réveiller et sa force (aussi puissante que ce jour-là ou plus faible) dépendent
de la façon dont on a planté l’ancre en premier lieu.
Quand on prend conscience de la façon dont se créent les ancres, on
perçoit également mieux celles qu’on plante dans les autres
involontairement. Il en est de même pour les ancres qu’on se plante en soi
comme celle que mon amie a failli se planter dans son lit. Et bien sûr, on
peut aussi plus facilement remarquer les ancres que les autres plantent en
nous, volontairement ou pas, car elles sont souvent mal utilisées, comme
c’est le cas, notamment, des suggestions.
L’IMPORTANCE DU TOUCHER
Comment planter une ancre ?
L’ancre que l’on choisit (un geste, un mot, toucher la personne ou autre
chose) dépend de notre objectif et de ce que la situation permet. Comme je
l’ai dit précédemment, le toucher est une ancre forte pour la plupart d’entre
nous. Malheureusement, dans certaines situations, on ne peut pas aller plus
loin qu’une poignée de main parce que notre interlocuteur est trop loin pour
qu’on puisse le toucher d’une façon naturelle. Dans ce genre de situation,
on peut obtenir de bons résultats en prononçant un mot et en faisant un
geste clair et accentué, un geste qu’on ne fait pas normalement, comme
taper dans nos mains, tambouriner avec les doigts, se taper le front ou avoir
une expression de visage très marquée.
L’intérêt de l’ancre « mot » est qu’on peut la « cacher » dans ce qu’on
dit quand on veut la déclencher. Le mot utilisé pour l’activer n’a d’ailleurs
pas toujours besoin d’être le même que celui qu’on a utilisé pour la planter.
L’essentiel, c’est qu’ils se ressemblent et qu’ils aient la même intonation.
Voici comment utiliser des mots et des gestes pour créer une ancre.
Pour créer l’ancre, faites un geste particulier ou touchez la personne en
lui disant (sur le terrain de golf, par exemple) : « Quel super swing ! », en
insistant sur le mot « super ».
Pour la déclencher à une autre occasion, lors d’une réunion par
exemple, faites le même geste ou touchez la personne de la même façon en
disant : « Je suis sûr que ça va être une super solution pour vous. Vous en
pensez quoi ? » Insistez sur le mot « super » comme vous l’avez fait quand
vous avez planté l’ancre.
Autre exemple avec deux mots similaires cette fois :
Plantez l’ancre en disant : « Beau travail. »
Déclenchez l’ancre en disant : « Let’s go ! »
Donnez la même intonation à « beau » et « go », et dites-les en faisant
le même geste ou en touchant la personne de la même façon que lorsque
vous avez planté l’ancre.
Vous vous souvenez du vendeur de voitures ? Quand il dit, par exemple,
à son client : « Je suis sûr que c’est bien pour vous. Vous en pensez quoi ? »
(ou, d’une façon plus directe : « Affaire conclue ? Bien ! ») en lui tapant
légèrement sur l’épaule, il lui fait ressentir la même chose que lorsqu’il a
planté le mot « bien » en le tapant sur l’épaule et en lui racontant une
anecdote amusante pour qu’il ne s’aperçoive de rien. Maintenant, le voilà
dans le même état émotionnel. Et il comprend mieux pourquoi il a intérêt à
signer tout de suite.
On peut, de la même manière, utiliser des ancres pour associer des
émotions positives à des suggestions et des idées, des émotions qui leur
correspondent, bien entendu, car on ne devrait jamais déclencher des états
émotionnels inappropriés chez les autres.
Parmi les secteurs d’activité dont les professionnels sont devenus des
experts dans l’art de planter des ancres, il y a la publicité. Regarder des
publicités est un bon moyen de s’exercer à identifier des ancres auxquelles
on ne pense pas, mais qui agissent sur la plupart des gens. Vous
remarquerez ainsi que les publicités ne se contentent pas de faire des
suggestions. Elles utilisent aussi souvent des éléments déclencheurs
culturels et sociaux, comme des symboles, des couleurs et des sons, pour
nous mettre dans un état émotionnel particulier et nous les faire associer
aux émotions qu’on ressent par rapport au produit qu’elles veulent nous
vendre. Dans ce cas, l’ancre de l’état émotionnel est le produit lui-même.
S’arranger pour que les gens se sentent heureux en voyant le logo de Coca-
Cola n’est pas si terrible que ça. Mais on ne peut pas en dire autant du fait
de planter une envie d’acheter qui se déclenche chaque fois qu’on voit la
dernière paire de Nike.
Quand on regarde les publicités, on se rend compte que certaines
personnes n’ont jamais entendu le conseil de l’oncle Ben.
Créer des ancres chez les gens est un art qui demande de la pratique pour
être efficace. Il faut surtout prendre l’habitude de le faire – et au bon
moment, c’est-à-dire quand les sentiments sont à leur maximum pour que
l’ancre soit la plus forte possible. On peut facilement s’entraîner à le faire
comme lorsque l’on veut apprendre à se connecter aux autres. L’important,
c’est de le faire chaque fois que c’est possible pour que ça devienne
automatique comme dans le cas de la connexion. D’ailleurs, c’est
automatique. Le seul petit plus, c’est qu’on se donne la capacité de créer
des ancres positives et non pas négatives, et de choisir leur forme.
Planter des ancres devrait être amusant et simple, et il n’y a pas lieu
d’utiliser des tas d’ancres différentes pour différentes personnes. Il suffit
d’en avoir des standards et d’utiliser toujours la même pour la joie ou la
détermination, par exemple, afin de ne pas devoir se souvenir de trop de
choses. Vous devriez aussi prendre l’habitude d’utiliser votre ancre de la
joie (une certaine façon de toucher combinée à un mot particulier, dit d’une
certaine manière) quand quelqu’un est très heureux, qui qu’il soit. Vous
planterez ainsi les mêmes ancres de joie dans la plupart de ceux qui vous
entourent et comme vous utiliserez toujours la même, vous saurez toujours
comment la déclencher sans avoir à vous demander ce que vous avez fait
pour cette personne en particulier. D’ailleurs, si vous utilisez toujours la
même ancre pour la même émotion, quelle que soit la personne, que se
passera-t-il d’après vous si vous la déclenchez dans une pièce où se
trouvent plusieurs de vos « cibles » ? Eh oui : vous démultiplierez son effet.
Quelle belle surprise !
Vous trouvez peut-être encore cette histoire d’ancre bizarre ou
irrationnelle. Dans ce cas, je pense que vous avez sauté le dernier exercice
car son principe est très simple : on associe volontairement un
comportement (l’ancre) à une émotion à l’intérieur de nous ou de quelqu’un
d’autre. C’est tout. Je ne peux pas dire mieux. Pour comprendre à quel point
cela fonctionne, il faut sortir de chez soi et l’expérimenter.
Souvenez-vous aussi qu’il n’y a pas de réel risque d’obtenir un résultat
« négatif » comme lorsque vous vous êtes exercé à vous connecter à
quelqu’un. Le pire qui puisse vous arriver, c’est de ne pas réussir à bien
planter l’ancre et de n’obtenir aucun résultat quand vous la déclenchez.
Vous devez juste vous accrocher jusqu’à ce que vous preniez le coup.
Quand cela fonctionnera, vous vous rendrez et vous rendrez les autres plus
heureux, plus créatifs, sans parler de toutes les émotions positives que vous
aurez ancrées en eux comme tout bon manipulateur de pensées.
Votre entraînement pour apprendre à lire dans les pensées est presque
terminé. Maintenant que vous connaissez les bases de la connexion, des
sens dominants et des expressions émotionnelles subtiles, vous avez
conscience de ce que les gens vous disent, de ce qu’ils pensent et de ce
qu’ils ressentent vraiment. Vous voyez quand quelqu’un essaie de cacher
qu’il est sous pression ou ne dit pas la vérité. Vous pouvez facilement
interpréter ou répondre aux signes de reconnaissance et d’intérêt que vous
captez chez les autres. Vous maîtrisez aussi maintenant les techniques qui
permettent de planter des idées, des opinions, des valeurs et des pensées
dans la tête des gens et, pour cette même raison, vous êtes plus vigilant
quand quelqu’un le fait sur vous. Vous savez comment utiliser les ancres
pour vous mettre dans l’état émotionnel dans lequel vous souhaitez être et
vous pouvez le faire autour de vous.
Mais il vous manque quelque chose.
Vous ne pourrez pas prétendre savoir lire dans les pensées des autres
tant que vous n’arriverez pas à le prouver. Pour terminer, je vais donc vous
apprendre à faire des tours de mentalisme pour impressionner les gens.
Alors préparez votre regard hypnotique, mettez de la musique dramatique et
allumez des lumières rouges. La scène est à vous.
CHAPITRE 11
Où vous allez apprendre des super tours pour lire
dans les pensées des autres, impressionner vos amis
et semer la peur et la panique sur votre passage.
EN PISTE, MAINTENANT !
Lire dans les pensées pour divertir les autres diffère un peu de ce qu’on fait
au quotidien. Mais pour une fois, il n’y a pas beaucoup de nouvelles
techniques à apprendre car tous les tours et les exercices suivants se fondent
sur les méthodes (et leurs variations) que vous avez apprises dans ce livre.
La seule différence, c’est qu’on les présente différemment et qu’elles
donnent des résultats beaucoup plus spectaculaires. Comme pour tout le
reste, vous allez devoir vous entraîner pour que ça marche. N’essayez pas
de tout maîtriser parfaitement dès la première fois. Rien n’est gratuit dans la
vie. Mais avec un peu de patience, vous allez y arriver. En fait, vous avez
déjà commencé à vous entraîner sans vous en rendre compte.
Souvenez-vous seulement que ces démonstrations et autres tours de
passe-passe peuvent avoir un très fort impact sur les personnes concernées.
Si vous savez ce que vous pouvez faire et ne pouvez pas faire, soyez aussi
conscient que les personnes qui vont se porter volontaires ne connaissent
pas la véritable limite de vos « pouvoirs ». N’hésitez pas à leur dire que
vous ne pouvez pas voir directement dans leur esprit ni les manipuler à
volonté – pas tout à fait. Ces trucs et exercices peuvent vous rendre très
populaire ou très solitaire, selon la façon dont vous allez faire face à la
réaction de vos amis et de votre famille.
Regardez maintenant s’il bouge les yeux d’une façon particulière, par
exemple vers le haut et la gauche. N’importe quel mouvement va
fonctionner tant qu’il est clair et régulier.
Cherchez un signe distinct (et différent) pour le bruit : par exemple, ses
yeux partent sur un côté et peut-être sa tête aussi. Si vous n’obtenez rien de
clair, c’est peut-être parce que votre volontaire n’est pas très sensible aux
sons. Dans ce cas, posez-lui une question kinesthésique comme si de rien
n’était. Souvenez-vous qu’il n’a pas la moindre idée de ce qui se passe,
comme le reste de l’assistance.
Maintenant que vous avez noté les mouvements de ses yeux pour au moins
deux des trois sens, vous pouvez demander à votre volontaire de repenser à
ces trois expériences sensorielles si vous le désirez, pour être sûr qu’il
bouge toujours les yeux de la même façon. Si vous n’obtenez pas les
mêmes signes, dites-lui qu’il faut qu’il voie la pièce clairement et qu’il
sente vraiment l’eau sur sa peau (ou la sensation choisie) pour que les
expériences sensorielles que vous l’avez invité à vivre ne changent pas
subitement. Par contre, si vous avez repéré des mouvements très clairs des
yeux, vous pouvez continuer.
CACHE-CACHE
Devinez dans quelle main quelqu’un tient
un objet
un objet
Cette fois, vous allez devoir deviner dans quelle main votre volontaire
cache un petit objet. Je vais vous expliquer trois façons de faire. Je vous
recommande de faire ces tours dans l’ordre et de changer la méthode à
chaque nouvelle démonstration. Plus vous ferez cet exercice, plus il sera
impressionnant. En plus, vous avez cinquante pour cent de chances de le
réussir du premier coup !
Si vous le faites trois fois de suite, vous pouvez vous tromper une fois
sans que cela vous soit préjudiciable. Après tout, lire dans les esprits est un
art difficile ! En plus de montrer que vous savez lire dans la tête des gens,
vous allez aussi prouver que vous pouvez les influencer et les contrôler.
Votre volontaire va se retrouver complètement à votre merci, ce qui le
frustrera un peu mais comblera l’assistance de joie.
Pour commencer, demandez à quelqu’un de cacher un petit objet dans
l’une de ses mains (quelque chose qui tient bien dedans comme une bague,
une pièce de monnaie, un caillou ou une pièce d’un jeu de société) et de
mettre ses mains derrière son dos. Expliquez-lui qu’il peut le passer d’une
main à l’autre autant de fois qu’il le souhaite jusqu’à ce qu’il décide où le
mettre. Quand il a fait son choix, demandez-lui de fermer les mains derrière
son dos, et de les ramener devant lui. Maintenant, à vous de jouer !
Premier tour
Ce tour est idéal pour commencer car il est si simple que c’en est
embarrassant. Tout ce que vous devez faire, c’est utiliser votre capacité à
observer les changements physiques subtils chez les autres. Quand votre
volontaire tient ses mains derrière lui et repasse l’objet de l’une à l’autre,
tournez-lui le dos. Demandez-lui ensuite de tendre sa main vide devant lui
et de porter la main contenant l’objet à sa tempe.
On dit cela pour brouiller les pistes car le but de la manœuvre, c’est de lui
faire tenir la main près de sa tempe pendant cinq à sept secondes.
Deuxième tour
Cette fois, demandez à votre volontaire de rester immobile pour rendre le
tour encore plus impressionnant, en sachant que, pour le réussir, il faut
savoir encore mieux observer. Demandez-lui de tenir les bras tendus devant
lui et de regarder droit devant lui. Assurez-vous qu’il tienne les bras
suffisamment haut et suffisamment près l’un de l’autre pour qu’ils soient
bien dans son champ visuel. Maintenant, demandez-lui de se concentrer
complètement sur la main qui tient la pièce de monnaie (ou un autre objet)
sans rien laisser paraître. Attendez quelques secondes.
Si vous avez de la chance, vous avez peut-être déjà vu qu’il tournait
légèrement la tête ou qu’il a lancé un bref regard vers la main qui tient
l’objet, même si c’est parfois très subtil.
Un autre truc : regardez si le bout de son nez pointe dans l’une ou
l’autre direction. Si c’est le cas, vous pouvez arrêter le tour dès maintenant
et révéler dans quelle main se trouve l’objet. Sinon, continuez en lui
demandant de créer l’image de sa main dans son esprit et de la visualiser
clairement en face de lui. Il ne pourra pas résister à l’envie de jeter un bref
regard, presque indétectable, à la bonne main, qui se trouve à la périphérie
de son champ visuel. La tentation sera trop grande. Il le fera
inconsciemment et vous permettra ainsi de lire dans ses pensées. Ou alors il
va se rendre compte que vous l’avez incité à le faire, ce qui n’est pas grave
car, après tout, cet exercice combine la lecture dans les pensées et
l’influence.
Demandez-lui de remettre les mains derrière son dos et de recommencer
à passer l’objet d’une main à l’autre. Quand il a choisi dans quelle main le
garder, demandez-lui de tendre les bras, les poings fermés, et continuez
comme précédemment.
Troisième tour
Les spectateurs qui seront à un ou deux mètres de vous pourront jurer qu’ils
n’ont pas vu la main bouger. Mais, comme c’est le dernier tour, vous
pouvez aussi le rendre plus spectaculaire en continuant ainsi :
Continuez à rendre l’une de ses mains plus lourde et l’autre plus légère.
À la fin, votre volontaire aura un bras vers le bas et l’autre vers le haut,
comme pour former un « K ». La distance qui les sépare peut varier d’une
personne à l’autre, mais il est rare qu’elle soit trop faible pour être
indétectable.
Garde les yeux fermés encore un moment. As-tu senti tes bras
bouger ?
Garde les yeux fermés et reste immobile [pour que ses mains ne se
mettent pas à bouger trop tôt]. Si tu tiens vraiment l’objet dans ta
main droite, et comme tu n’as pas bougé les bras, cela veut dire que
toutes les personnes ici présentes lisent aussi dans les pensées.
N’est-ce pas ? Ouvre les yeux.
Votre volontaire sera surpris de voir que ses mains pointent dans deux
directions complètement opposées au lieu d’être pile devant lui. Faites un
salut et n’oubliez pas de remercier l’assistance pour son aide !
LE VA-ET-VIENT
Un tour classique surnaturel avec
une explication naturelle
J’ai beaucoup réfléchi, et longtemps, avant de me décider à terminer par ce
tour. J’avais peur que vous le trouviez absurde, qu’il détruise la crédibilité
de mon livre et vous donne envie de le jeter par la fenêtre la plus proche.
Mais je me suis dit que si vous êtes en train de lire ces lignes, vous avez les
connaissances nécessaires pour comprendre que ce n’est pas plus étrange
que le reste, et que cela fonctionne sur le même principe que tout ce que je
vous ai déjà expliqué. Je parle des… pendules.
Oui, des pendules.
Ces cristaux rattachés à une ficelle que des gens sentant le patchouli,
aux cheveux teints au henné, utilisent pour prédire l’avenir.
Les pendules.
En fait, ils fonctionnent sur le principe psychophysiologique qui veut
que toutes nos pensées ont un effet ou un autre sur notre corps. Avant de
lever les yeux au ciel, je voudrais que vous essayiez au moins une fois ce
tour pour avoir une idée de ce que c’est vraiment car, non, ce n’est pas de la
superstition. Je comprends que vous ayez des doutes et que vous soyez
sceptique. Mais, s’il vous plaît, faites-moi confiance.
Oui, ça marche !
Trouvez un bout de ficelle d’environ 20 centimètres de long et attachez
une bague ou un objet similaire à l’une de ses extrémités. L’important, c’est
que l’objet en question pèse assez lourd car, s’il est trop léger, le pendule ne
fonctionnera pas correctement. Dessinez ensuite un cercle d’environ
15 centimètres de diamètre sur une feuille de papier. Tracez une ligne
verticale qui passe au milieu du cercle et écrivez « OUI » à côté. Puis tracez
une ligne horizontale qui passe au milieu et écrivez « NON » à côté. Ou
utilisez le cercle ci-après.
Tenez le bout libre de la ficelle entre le pouce et l’index. Posez le pendule à
l’endroit où les lignes se croisent, au milieu du cercle. C’est votre point de
départ. Maintenant, soulevez le pendule et faites-le pendre juste au-dessus
de la croix. Concentrez-vous sur la ligne OUI. Dites « OUIOUIOUIOUI »
dans votre tête, d’une voix forte et nette. Le pendule va se mettre à aller et
venir au-dessus de la ligne OUI ! Essayez vraiment de ne pas bouger la
main, quitte à la soutenir avec l’autre pour la stabiliser. Eh non, cela ne
change rien ! Le pendule continue d’osciller au-dessus de la ligne OUI.
Maintenant, passez à la ligne NON. Concentrez-vous dessus et pensez :
« NONNONNONNON. » Le pendule va changer de direction sans que
vous bougiez consciemment la main ! Maintenant, il va et vient au-dessus
de la ligne NON. Là encore, ne bougez surtout pas la main. À présent,
pensez « CERCLE » et observez la façon dont le pendule commence à
tourner au-dessus du papier. Alternez les OUI, les NON et les CERCLES
jusqu’à ce que vous soyez convaincu.
Ce que vous venez d’expérimenter s’explique par ce qu’on appelle les
« réponses idéomotrices ». Quand on pense à quelque chose, on crée
inconsciemment des petites réactions musculaires que l’œil humain ne peut
pas détecter. Mais quand ces réactions musculaires sont amplifiées par un
bout de ficelle et le poids d’un objet, elles deviennent soudain visibles.
Le pendule a l’air d’être « magique » parce qu’on le voit bouger même
si la personne qui le tient jure ne rien faire et si sa main paraît
complètement immobile. Si on attribue ses mouvements aux esprits, c’est
pour leur trouver un sens. Dans les livres sur les pendules, on tombe vite sur
des concepts excitants comme l’« ange gardien » ou la « force magique du
pendule ». Même si je n’ai pas pour ambition de rendre le monde moins
intéressant en affirmant que rien de tout cela n’est vrai, je pense qu’il n’est
pas nécessaire de chercher d’autres explications que la physiologie. La
meilleure que j’ai pu lire à ce sujet a été écrite par Greg Nielson et Joseph
Polansky, des vétérans du pendule :
OK, je l’admets, il n’est pas non plus évident de croire que l’inconscient est
une intelligence supérieure. Mais, comme nos deux experts le disent, il s’en
rapproche assez. Tout ça pour dire que, si on ne voit que le pendule bouger
et pas la main, c’est parce qu’il amplifie les petits mouvements
indétectables de la main et les réactions musculaires incontrôlables, trop
légères pour qu’on puisse les remarquer. Le principe de réponse
idéomotrice n’est pas neuf. Il est apparu pour la première fois en 1852 dans
la bouche du psychologue William Carpenter, qui a aussi inventé
l’expression « action idéomotrice », principe précisé en 1890 par le célèbre
philosophe et psychologue William James dont j’ai parlé plus tôt :
Interlude
1. Mon éditeur m’a fait remarquer que si vous aviez jeté mon livre par la fenêtre, vous n’auriez
pas lu la suite et vous n’auriez pas pu aller le récupérer. Il a bien sûr raison. Vous ne devriez
jamais jeter ce livre nulle part, quoi que je dise.
CHAPITRE 12
Où vous allez découvrir que vous êtes
un mentaliste qualifié et où l’auteur va vous faire part
de ses déceptions concernant l’avenir.
Et c’est là que notre voyage se termine.
ULTIMES PENSÉES
SUR CE QUE VOUS AVEZ APPRIS
Nous voilà enfin arrivés à destination. Si vous avez vraiment fait tous les
exercices de ce livre et pris le temps de les maîtriser avant de passer à la
suite, il vous a sans doute fallu des mois pour y arriver. Si, à l’inverse, vous
avez fait ce que j’ai tendance à faire, c’est-à-dire lu cet ouvrage du début à
la fin sans vous arrêter sur les exercices, ça va aussi. L’un des grands
avantages des livres, c’est qu’on peut passer d’une page à une autre comme
on veut sans que cela change quoi que ce soit aux exercices et aux
méthodes qu’ils contiennent. Peu importe que vous ayez commencé à lire
dans les pensées des autres ou que vous vous apprêtiez à le faire. Dans les
deux cas, j’espère vous avoir convaincu d’une chose : ON PEUT
VRAIMENT LIRE DANS LES PENSÉES. CE N’EST PAS UN MYTHE.
C’est juste un peu différent de ce que pensent la plupart des gens. Lire est,
par définition, une action que l’on fait avec les yeux (même si certains le
font avec le bout des doigts). Ensuite, on doit être capable de voir ce qu’on
lit. Et ce qu’on peut voir dans le cas qui nous intéresse, c’est la façon dont
le processus de pensées agit sur le corps et le comportement. Mais ce n’est
pas tout. Puisque Descartes avait tort, ce que nous voyons fait également
partie intégrante du processus de pensée de notre interlocuteur, ce qui nous
permet de deviner le reste relativement facilement.
On me demande souvent ce que nous deviendrons quand tout le monde
saura lire dans les pensées. Ce serait en effet bizarre si on pouvait tous
analyser consciemment les autres à tout moment. « Enchanté de vous
rencontrer. Vous voulez commencer par suivre mon langage corporel ou
c’est moi qui le fais ? » Mais, comme je vous l’ai dit à maintes reprises, ces
compétences ne servent à rien tant qu’on ne les utilise pas inconsciemment.
Une fois qu’on aura tous appris toutes ces techniques, il va se passer
quoi ? Eh bien, je pense que nous serons de meilleures personnes pour la
simple raison que nous ferons plus attention aux autres, au lieu de ne penser
qu’à nous. Nous avancerons dans la vie de façon plus fluide et nous nous
amuserons davantage. Il y aura toujours des différences d’opinions, mais les
conflits pourront être réglés à un stade plus précoce au cours de réunions
plaisantes et respectueuses. Nous arriverons probablement à éviter qu’une
ou deux guerres éclatent. (En même temps, je pense que, dans le futur, nous
porterons tous des combinaisons argentées et que nous vivrons en colonies
sur Mars. Je me demande d’ailleurs depuis un certain temps si les
magazines que je lisais quand j’étais jeune n’étaient pas bourrés de
mensonges…) Le problème, à mon avis, c’est que cela n’arrivera jamais. Il
y aura toujours des gens qui ne voudront pas se connecter aux autres, qui
aimeront batailler dans la vie en utilisant des méthodes de domination
cachées. Heureusement, on peut leur résister et réussir sans eux une fois
qu’on sait ce qu’on pense et ce qu’on exprime vraiment quand on
communique avec les autres.
Avec la boîte à outils que je vous ai donnée, vous pouvez en quelques
secondes obtenir énormément d’informations sur une personne que vous
rencontrez pour la première fois. Vous savez quelles impressions
sensorielles elle utilise pour comprendre le monde et donc quels genres
d’expériences sont importants pour elle.
Vous pouvez deviner ses centres d’intérêt ou sa profession. Si vous
arrivez à remarquer ce qui se passe sur son visage, vous verrez ce qu’elle
ressent et la façon dont son état émotionnel se modifie. Quand ses pensées
changeront, vous le détecterez immédiatement à travers les changements de
son langage corporel et les expressions de son visage. Et quand vous verrez
son état émotionnel s’assombrir, vous pourrez y remédier en un mot,
probablement avant qu’elle ait conscience de ce qui se passe. Vous pourrez
immédiatement détecter la malhonnêteté et le mensonge. Vous sourirez
quand vous verrez à quel point votre collègue est attirée par cet autre
collègue sans qu’aucun des deux en ait conscience.
En quelques secondes, vous connaîtrez le fonctionnement et le mode de
pensée de quelqu’un mieux que la plupart de ses amis. Si tout cela ne
consiste pas à lire dans les pensées, je me demande ce que c’est. Étant
donné que vous êtes attentif à la façon dont il utilise son corps et sa voix
quand il communique, vous êtes l’une des rares personnes à comprendre
exactement ce qu’il essaie de dire. Vous faites aussi en sorte d’utiliser le
même langage corporel et la même voix que lui, ainsi que toutes les
informations dont vous disposez déjà à son sujet pour communiquer
clairement avec lui. Vous êtes prêt à créer une atmosphère stimulante et
créative pour présenter vos idées, et vous aimez la compagnie des autres.
Voilà.
Je vous avais bien dit que ce livre vous rendrait service.
Henrik Fexeus
RÉFÉRENCES
Publications et sites internet où j’ai puisé
toutes ces informations
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techniques de la PNL, Paris, J’ai lu, 2011.
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Langage et thérapie ; tome 2 : Communication et changement, Paris,
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