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une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la
Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à
ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

Titre original : KONSTEN ATT LÄSA TANKAR

© 2019 Henrik Fexeus

First published by Forum, Sweden.


Publié avec l’autorisation de Nordin Agency AB, Sweden.
Traduction française : Éditions Robert Laffont, S.A.S., Paris, 2023

En couverture :
© Daniel Stigefelt

EAN : 978-2-221-26436-2

(édition originale : ISBN 978-91-37-15529-6, Forum, Sweden)

Édition Robert Laffont – 92, avenue de France, 75013 Paris

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


Suivez toute l’actualité des Éditions Robert Laffont sur
www.laffont.fr
Pour mes enfants, Sebastian, Nemo et Milo,
qui me font comprendre chaque jour à quel point
j’ai encore beaucoup à apprendre sur la communication.
Telles sont aussi les strates de l’expression « Il était une fois » avec
laquelle j’ai volontairement commencé ce récit… elle implique que
l’histoire qui suit est à la fois vraie et fausse. Comme le fait remarquer
Bettelheim à propos des contes de fées : « Comme c’est un conte de
fées […] l’enfant […] peut aller en avant et en arrière dans sa tête
entre : “C’est vrai, c’est comme ça qu’on agit et qu’on réagit” et :
“Tout est faux. C’est juste une histoire.” » Je trouve que cette fluidité
psychologique est aussi importante pour les adultes, même s’ils se
préoccupent plus du besoin de différence entre la réalité et l’histoire
que l’enfant. Cette fluidité de pensée est nécessaire pour suivre les
types d’illusions que je décris.
Michael Jacobs,
Illusion : A Psychodynamice Interpretation
of Thinking and Belief [non traduit en français]
SOMMAIRE
Titre

Copyright

Dédicace

Exergue

Préface

Avertissement - Ne prenez pas tout au pied de la lettre !

Chapitre 1 - Lire dans les pensées ? - Qu'est-ce que ça veut dire au juste ?

Chapitre 2 - La connexion - En quoi ça consiste et pourquoi est-ce important ?

Chapitre 3 - De la théorie à la pratique - Comment utiliser consciemment la communication


inconsciente

Chapitre 4 - Les sens et les pensées - Comment nos impressions sensorielles déterminent nos pensées

Chapitre 5 - Les émotions - Comment nous montrons toujours nos émotions

Chapitre 6 - Il n'est jamais trop tard - Petit conte moral sur l'importance de savoir lire dans
les pensées des autres

Chapitre 7 - Devenez un détecteur de mensonges humain - Les signes contradictoires et ce qu'ils


signifient

Chapitre 8 - L'Art de la drague inconsciente - Comment les gens flirtent sans le savoir

Chapitre 9 - Regardez-moi bien dans les yeux ! - Comment suggérer des choses aux autres
et les influencer en toute discrétion ?
Chapitre 10 - Les ancres - Comment planter et déclencher des états émotionnels

Chapitre 11 - En piste, maintenant ! - Démonstrations et tours impressionnants

Chapitre 12 - Ultimes pensées sur ce que vous avez appris

Télépathie

Références
PRÉFACE

Bienvenue, cher(e) lecteur(rice), dans cette nouvelle édition de The Art of


Reading Minds !
Comme on ne se connaît pas encore, voici un résumé de mon parcours. J’ai
commencé à m’intéresser au comportement et à la psychologie humaine à
l’école primaire. À force d’essayer de me faire des amis, j’ai fini par avoir
la désagréable impression qu’on avait donné un manuel intitulé Comment
interagir avec les autres ? à tout le monde sauf à moi parce que j’étais
absent ce jour-là. Je me suis senti mal à l’aise en société, c’est le moins que
l’on puisse dire, jusqu’en cinquième. Comme vous vous en doutez, cela
veut dire qu’on se moquait beaucoup de moi. Cela m’a amené à me poser
des questions : qu’est-ce qui clochait dans mon comportement par rapport à
celui des autres ? Pourquoi mes interlocuteurs agissaient-ils ainsi ? Qu’est-
ce qui influence nos actions – et nos interactions ?
J’ai passé presque toute ma vie d’adulte à essayer de trouver les
réponses à ces questions. J’ai cherché des pièces du puzzle dans différents
domaines comme le théâtre, la publicité, la philosophie, les médias, la
psychologie et la religion. J’ai ainsi fini par acquérir pas mal de
connaissances sur le comportement humain et par les combiner avec mon
amour de la magie. Je suis devenu ce qu’on appelle un « mentaliste ».
Quand il n’est pas la star d’une série, un mentaliste est quelqu’un qui fait
croire, en combinant la psychologie et la ruse et en détournant l’attention de
ses interlocuteurs, qu’il peut lire dans les pensées et influencer les autres
d’une manière presque surnaturelle. J’utilisais mon savoir uniquement pour
m’amuser car je ne pensais pas que quiconque serait intéressé par le
« véritable » fonctionnement du comportement humain. J’étais convaincu
que tout le monde le connaissait. Apparemment, j’avais tort – une fois de
plus !
On m’a vite demandé de faire des conférences sur le langage corporel et
la communication non verbale. J’ai écrit la première version de ce livre
dans le prolongement de mes premières interventions en pensant, comme je
l’ai déjà dit, que cela n’intéresserait qu’une poignée de personnes. En fait
de poignée, ce sont 500 000 lecteurs qui ont lu mon livre, traduit en trente-
cinq langues, dans le monde entier (dix ans et un nombre incalculable de
conférences plus tard, je n’en reviens toujours pas).
Je suis très fier que St. Martin’s Press présente maintenant mon livre
aux États-Unis et ailleurs. Pour fêter ça, je l’ai entièrement mis à jour et
remanié, et j’en ai créé une version qui n’a jamais encore été publiée.
J’espère qu’elle vous plaira.
Henrik Fexeus, Stockholm, 2019
NE PRENEZ PAS TOUT AU PIED
DE LA LETTRE !

Pour que les choses soient tout à fait claires entre nous, je ne prétends pas
que le contenu de ce livre est objectivement « vrai », ou du moins plus vrai
que toute autre vision subjective du monde qui nous entoure. Il contient des
théories et des idées auxquelles croient bon nombre de personnes et qui
semblent tenir la route quand on les mesure et qu’on les teste. Mais nous
n’avons pas tous la même vision de la « vérité » et ces visions s’affrontent
parfois, par exemple dans le cas du christianisme, du bouddhisme et de la
science. Même si ce livre contient de nombreux outils, ce ne sont que des
métaphores – des modèles si vous préférez – pour décrire une certaine
réalité. Certaines personnes préfèrent utiliser d’autres modèles pour donner
un sens à leur réalité ; modèles qu’elles qualifient de « religieux », de
« philosophiques » ou encore de « scientifiques ». La catégorie dans
laquelle on peut placer les modèles de ce livre dépend donc énormément de
l’avis de chacun. Certains vous diront qu’ils sont scientifiques. D’autres
affirmeront que la psychologie et la psychophysiologie ne sont pas des
sciences. D’autres encore les critiqueront et diront que ce sont des
généralisations ultra-simplifiées de phénomènes complexes et qu’ils ne sont
donc pas dignes d’intérêt. Je ne suis pas du tout d’accord avec eux car ces
modèles se sont avérés étonnamment utiles pour comprendre et influencer
ses interlocuteurs. Cela ne veut pas dire qu’ils décrivent des phénomènes
tels qu’ils existent objectivement, « réellement ». En psychologie, tout
bouge constamment et les vérités d’aujourd’hui peuvent devenir les
mensonges de demain – et redevenir des vérités après-demain. Tout ce que
je peux vous garantir, c’est que si vous appliquez ce que je vais vous
apprendre, vous obtiendrez des résultats très – très – intéressants.
CHAPITRE 1
Où j’explique ce que j’entends par « lire dans les pensées » et où je
prétends que Descartes s’est trompé, avant de commencer ce
voyage avec vous.

LIRE DANS LES PENSÉES ?

Qu’est-ce que ça veut dire au juste ?

Je crois en notre capacité à lire dans les pensées, entièrement et de tout mon
cœur. Pour moi, ce n’est pas plus mystérieux qu’arriver à comprendre ce
que dit quelqu’un quand il nous parle. En fait, c’est même peut-être un peu
moins mystérieux que ça. En ce qui me concerne, c’est un fait qui ne peut
pas être remis en question. C’est parfaitement naturel – c’est quelque chose
que l’on fait, tout le temps, sans s’en rendre compte. En revanche, on le fait
bien sûr avec plus ou moins de succès et plus ou moins consciemment.
Mais je suis convaincu que, quand on sait ce qu’on fait et comment on le
fait, on peut s’entraîner à le faire encore mieux. C’est là tout le sujet de ce
livre. Alors que fait-on réellement ? Qu’est-ce que j’entends par « lire dans
les pensées des autres » ? Que signifie vraiment « lire dans les pensées » ?
D’abord, laissez-moi vous expliquer ce que je ne veux pas dire. En
psychologie, ce qu’on appelle « lire dans les pensées » envoie beaucoup de
couples en thérapie car ils s’imaginent que l’autre peut deviner ce qu’il/elle
pense :
« S’il m’aime vraiment, il aurait dû savoir que je ne voulais pas aller à
cette fête, même si j’ai accepté d’y aller ! »
Ou :
« Il s’en fiche de moi sinon il aurait compris ce que je ressentais. »
Ce genre de raisonnement ressemble plus à une crise d’égocentrisme
qu’à autre chose. Croire qu’on peut lire dans les pensées des autres alors
qu’on se contente de projeter sur eux des attitudes et des valeurs mentales
peut aussi donner cela :
« Oh non, maintenant elle va me détester. »
Ou :
« Elle doit avoir une idée derrière la tête – sinon pourquoi sourirait-elle
tout le temps comme ça ? »
On appelle ça l’« erreur d’Othello ». Aucun de ces exemples n’est
comparable à la lecture de pensées telle que je vais vous l’expliquer. Ce
sont juste des idioties.

La grande erreur de Descartes


Pour comprendre le mentalisme tel que je vais vous le décrire, vous devez
d’abord comprendre un autre concept. Le philosophe, mathématicien et
scientifique René Descartes est l’un des géants intellectuels du XVIIe siècle.
Les effets de la révolution dont il est à l’origine dans les mathématiques et
la philosophie occidentale se ressentent encore aujourd’hui. Il est mort en
1650 d’une pneumonie au palais royal de Stockholm, où il enseignait la
philosophie à la reine Christine. Descartes étant habitué à travailler dans un
lit chaud et confortable comme tout bon philosophe français, il n’a bien
évidemment pas résisté aux sols de pierre glacés du château, une fois l’hiver
installé. Descartes a fait beaucoup de bonnes choses de son vivant, mais il
s’est aussi parfois sérieusement trompé. Il a notamment prétendu que le
corps et l’esprit étaient séparés. C’est sans doute l’idée la plus stupide qu’il
ait eue mais personne n’a réagi car il avait conquis toute l’intelligentsia de
l’époque avec ses belles formules comme Cogito, ergo sum (« Je pense,
donc je suis »). Il était si populaire que cette étrange idée (principalement
religieuse) selon laquelle les êtres humains sont composés de deux
substances différentes – un corps et une âme – a fait bon nombre d’émules.
Si certains pensaient bien sûr qu’il avait tort, leur voix était étouffée par
les acclamations de ses partisans. Ce n’est que récemment que les
biologistes et les psychologues ont prouvé scientifiquement que Descartes
s’était trompé. Parmi eux, le plus éminent est peut-être Antonio Damasio,
un neurologiste connu dans le monde entier. De nos jours, on sait que le
corps et l’esprit sont étroitement liés, sur les plans à la fois biologique et
mental. Mais l’avis de Descartes a dominé si longtemps que la plupart
d’entre nous pensent encore qu’il avait raison et continuent à différencier,
même inconsciemment, le fonctionnement du corps de celui des pensées.
Pour que la suite de ce livre ait un sens pour vous, vous devez comprendre
que c’est faux, même si ça vous paraît encore un peu bizarre.
En fait, aucune pensée ne surgit sans qu’il se passe physiquement
quelque chose quelque part dans notre corps. Pour qu’une pensée apparaisse
dans le cerveau, certaines de ses cellules doivent s’envoyer des messages
selon des schémas particuliers, ce qui lance un processus électrochimique.
Quand une pensée qu’on a déjà eue surgit de nouveau, le schéma existe
déjà. On se contente alors de répéter l’opération. En revanche, si la pensée
est complètement nouvelle, on crée un nouveau schéma, qui agit aussi sur
nous et peut modifier la diffusion des hormones (comme les endorphines)
dans le corps ainsi que dans le système nerveux autonome – le centre de
contrôle autonome de la respiration, de la taille des pupilles, de la
circulation sanguine, du rougissement, etc.
Chaque pensée agit sur le corps d’une façon ou d’une autre, avec
parfois des effets évidents. Quand on a très peur, notre bouche s’assèche et
notre sang afflue vers nos cuisses pour nous préparer à fuir, si besoin.
Quand on commence à fantasmer sur le type à la caisse du supermarché,
cela entraîne d’autres réactions physiques très évidentes – même si on ne
fait qu’y penser. Parfois les réactions sont si infimes qu’elles sont
indétectables à l’œil nu. Pourtant, elles sont là si on sait observer les
changements physiques chez les autres et se faire une bonne idée de ce
qu’ils ressentent, de leurs émotions et de ce qu’ils pensent. Quand on
s’exerce à observer tout ça, on apprend aussi à voir des détails qui étaient
jusque-là trop discrets pour être remarqués.

Le corps et l’esprit
Mais ce n’est pas tout. Non seulement toutes nos pensées influent sur notre
organisme, mais l’inverse est également vrai. Tout ce qui se passe dans
notre corps agit sur nos processus mentaux. C’est facile à vérifier. Essayez
par exemple :
de serrer les mâchoires ;
de froncer les sourcils ;
de fixer un point du regard, devant vous ;
de serrer les poings ;
et restez comme ça dix secondes.

Si vous le faites correctement, vous allez probablement rapidement sentir


monter de la colère en vous. Pourquoi ? Parce que vous avez actionné les
mêmes muscles que lorsque vous êtes en colère. Les émotions ne surgissent
pas uniquement dans le cerveau. Comme tout ce qui se passe dans la tête,
elles surgissent aussi dans tout le corps. Quand on sollicite les muscles liés
à une émotion, on active et on ressent cette émotion ou plutôt le processus
mental qui l’accompagne – qui va, à son tour, agir sur le corps. Dans
l’exemple précédent, vous avez activé votre système nerveux autonome.
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué mais, quand vous l’avez fait, votre
pouls a augmenté de dix à quinze battements par minute et votre sang a
afflué vers vos mains qui sont maintenant plus chaudes ou qui vous
démangent. Qu’est-ce qui s’est passé ? En utilisant ainsi vos muscles, vous
avez indiqué à votre système nerveux autonome que vous étiez en colère. Et
bingo !
Comme vous le voyez, cela fonctionne dans les deux sens. Réflexion
faite, c’est tout à fait normal – sinon ce serait vraiment bizarre ! Quand une
pensée traverse notre esprit, cela a des répercussions sur notre corps. Si
quelque chose se passe dans notre corps, cela agit sur nos pensées. Si vous
avez encore du mal à comprendre le concept, c’est peut-être parce qu’on
associe généralement le mot « pensée » à un processus ou à une séquence
désincarnée alors que le mot « corps » fait référence à une entité physique.
De façon plus simple et plus basique, on peut aussi dire qu’aucune pensée
ne peut naître sans que cela ait un effet sur nos processus biologiques, et
que ces processus ont lieu dans notre cerveau mais aussi dans tout notre
organisme. Bref, oubliez Descartes !

Silencieux et inconscient
L’aspect mental et l’aspect biologique sont les deux faces d’un même
phénomène. Si vous comprenez ça, vous êtes bien parti pour devenir un
fantastique mentaliste. Lire dans les pensées consiste, en gros et tel que je le
conçois, à comprendre le processus mental d’autrui en observant ses
réactions et caractéristiques physiques. Bien sûr, on ne peut pas vraiment
« lire » ce qui se passe dans la tête des gens (pour commencer, cela voudrait
dire qu’on pense tous avec des mots, ce qui, comme nous allons le voir,
n’est pas toujours le cas). De toute façon, on n’est pas obligé de le faire car,
comme vous le savez maintenant, il suffit parfois d’observer ce qui se passe
à l’extérieur pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur. On retrouve
toujours plus ou moins les mêmes signes : réaction physique, posture, ton
de voix, etc. Pour autant, beaucoup d’éléments changent constamment
quand on parle à quelqu’un : notre langage corporel, le mouvement de nos
yeux, le rythme de notre diction, etc. Tout cela peut être considéré comme
de la communication « non verbale » ou silencieuse.
En fait, la quasi-totalité de la communication entre deux personnes est
silencieuse et ce qu’on exprime par des mots n’est qu’une fraction du
message. (Même quand on collabore pour résoudre un problème
mathématique, il faut un minimum de communication non verbale au moins
pour motiver les gens à se serrer les coudes.) Le reste passe par le corps et
la qualité de la voix. Pourtant, curieusement, on continue de penser qu’il
vaut mieux se concentrer sur ce que notre interlocuteur dit – autrement dit
sur les mots qu’il choisit d’utiliser – que se concentrer sur la façon dont il le
dit. Bref, la communication non verbale, qui représente une part
substantielle de la communication, n’est pas seulement silencieuse, elle est
aussi le plus souvent inconsciente 1.
Communiquer sans en avoir conscience ? Mais ce n’est pas possible !
Eh bien, si. Même lorsque nous regardons notre interlocuteur dans sa
globalité, nous nous concentrons presque toujours sur ce qu’il nous dit et
nous oublions d’observer le mouvement de ses yeux, les expressions de son
visage ou le reste de son corps, sauf dans des cas vraiment évidents (comme
quand il fait ce que nous venons de faire : froncer les sourcils, serrer les
mâchoires, regarder fixement avec les poings serrés). Malheureusement,
nous ne sommes pas non plus spécialement doués pour comprendre ce
qu’on nous dit avec des mots car nous sommes en permanence exposés à
des tas de suggestions cachées et d’insinuations ambiguës qui passent à
travers les mailles de notre esprit conscient. Par contre, ces suggestions et
insinuations vont titiller notre inconscient, une part absolument essentielle
de notre être, où sont stockés beaucoup de nos opinions, préjugés et idées
préconçues.
La vérité est que nous communiquons toujours avec tout notre corps,
que ce soit à travers des gestes enthousiastes de la main ou le changement
de taille de nos pupilles. Bien que nous rations souvent consciemment ces
détails, notre inconscient, lui, les capte. Toute la communication, qu’elle
passe par le langage corporel, les odeurs, le ton de la voix, les états
émotionnels ou les mots, est absorbée, analysée et interprétée par notre
inconscient qui envoie les réponses appropriées via les mêmes canaux
silencieux et inconscients. Donc, non seulement, notre esprit conscient
passe à côté de la majeure partie de ce qu’on nous dit, mais nous n’avons
pas non plus vraiment conscience de la façon dont nous y répondons. Pour
ne rien arranger, nos réponses inconscientes et silencieuses peuvent
facilement venir contredire les opinions que nous pensons avoir ou ce que
nous exprimons à travers des mots. Cette communication inconsciente a
bien évidemment un fort impact sur nous et explique pourquoi nous avons
parfois la désagréable impression que quelqu’un qui nous parle gentiment
ne nous aime pas. C’est juste que nous avons inconsciemment capté des
signes d’hostilité qui provoquent une sensation dont nous ne comprenons
pas l’origine.
Notre inconscient n’est pourtant pas parfait. Il a beaucoup à absorber,
comprendre et analyser – et tout cela en même temps sans que personne lui
ait appris à le faire. Alors il se trompe souvent. Nous ne voyons pas tout,
nous ratons des nuances, nous interprétons mal des signes. Nous sommes
parfois confrontés à des malentendus inutiles.
C’est pour cela que ce livre existe.

Vous lisez déjà dans les pensées mais vous pouvez vous
améliorer

Ensemble, nous allons voir ce que nous faisons vraiment, silencieusement


et inconsciemment, quand nous communiquons avec les autres – et ce que
cela signifie. Pour être le meilleur possible en communication – et lire dans
les esprits –, il faut apprendre à détecter et à interpréter correctement les
signes non verbaux que les gens émettent sans le savoir quand ils
communiquent avec nous. Lorsqu’on est attentif à notre propre
communication non verbale, il est aussi possible de choisir les messages
qu’on veut faire passer et de faire en sorte d’être bien compris sans émettre
de signaux ambigus. On peut également aider notre interlocuteur en
utilisant les signes que, d’après notre expérience, il peut le plus facilement
capter. Quand on utilise la communication non verbale correctement, on
peut aussi influencer notre entourage et lui donner envie d’aller dans la
même direction et d’atteindre les mêmes objectifs que nous. Cela n’a rien
de méchant ni d’immoral. On le fait déjà tous. La différence, c’est que, pour
l’instant, vous n’avez pas la moindre idée des messages que vous envoyez
ni de l’effet que vous avez sur les gens autour de vous.
Il est temps de changer tout ça. Je le pense vraiment et je veux vous
transmettre ce savoir de la façon la plus facile, la plus directe et la plus
pratique possible.
Je viens d’acheter un nouveau lit superposé pour mes enfants. Chez
Ikea. S’il avait été livré avec un manuel de onze pages dont les dix
premières faisaient l’éloge des lits et la dernière disait : « Vous avez déjà les
outils dont vous avez besoin pour fabriquer votre propre lit ! Assurez-vous
d’avoir bien fixé le cadre ! Et n’oubliez pas d’acheter un matelas
confortable ! », j’aurais été furieux et j’aurais planté une clé Allen dans les
yeux du premier employé d’Ikea que j’aurais croisé. J’ai remarqué que
beaucoup de livres sont comme ça et promettent en long et en large
d’expliquer comme réussir ceci ou cela, sans qu’on ait appris quoi que ce
soit à la fin. Quand on le referme, on n’a toujours pas la moindre idée de ce
qu’il faut faire concrètement pour devenir une meilleure personne (c’est
souvent le but) ou pour fixer la tête de lit au cadre dans le cas qui nous
intéresse. J’espère que ce livre est différent.
Je veux qu’il soit aussi clair et simple qu’une feuille d’instructions
d’Ikea pour que, quand vous l’aurez lu, vous compreniez de quoi je parle en
termes concrets et pratiques. En le lisant, vous allez aussi commencer à
appliquer différentes méthodes pour lire dans les pensées des autres et
différentes techniques pour les influencer. Et vous saurez où va la tête de lit.
Tout ça sans clé Allen !
Une dernière chose : je n’ai rien découvert de ce que je raconte dans ce
livre. Tout ce qui suit est fondé sur le travail de véritables spécialistes des
différents sujets abordés. Le vrai travail a été effectué par des gens comme
Milton Erickson, Richard Bandler et John Grinder, Desmond Morris, Paul
Ekman, Ernest Dichter, Antonio Damasio, Erika Rosenberg, William
Sargant, Philip Zimbardo, William James, Denise Winn… pour ne citer que
ceux-là. Sans eux, vous auriez lu ce livre à toute vitesse.
J’espère que vous êtes bien assis. C’est parti.

1. Pour être précis, la voix est considérée comme une forme de communication intraverbale
alors que le langage corporel est non verbal. Pour me simplifier la vie et pour que ce livre ne
soit pas trop lourd à porter, j’ai décidé de les regrouper sous l’expression « communication non
verbale ».
CHAPITRE 2
Où je vous parle de cycles et où nous apprenons
à établir de bonnes relations avec une personne
que nous apprécions sans ouvrir la bouche.

LA CONNEXION

En quoi ça consiste et pourquoi est-ce important ?

Si nous voulons connaître les pensées des autres, c’est pour une bonne
raison : cela nous aide à nous connecter à eux ou, selon les spécialistes de la
communication non verbale, à « établir un rapport ». Quand on fait la
connaissance de quelqu’un, on essaie toujours de se connecter à lui, que ce
soit dans le contexte commercial, comme lorsque l’on veut faire
comprendre une idée, ou dans un contexte plus personnel, comme lorsque
l’on veut capter l’attention du type canon à la caisse du supermarché sur
lequel on fantasmait un peu plus tôt. Dans les deux cas, pour réussir, il faut
se connecter à la personne concernée.
En anglais, le mot « rapport » signifie avoir une relation ou une
connexion avec quelqu’un ou quelque chose. Quand elle est bonne, on crée
une relation de confiance, de consentement, de coopération et d’intérêt
mutuel. Ça peut servir, non ?
La connexion est la base de toute bonne communication, du moins
quand on veut que notre interlocuteur nous écoute et s’intéresse à ce qu’on
dit. Quand on essaie de faire passer un message, comme simplement obtenir
de nos enfants qu’ils débarrassent le lave-vaisselle, il faut absolument
veiller à bien se connecter à eux. Sinon c’est fichu. On n’obtiendra pas gain
de cause. La connexion est aussi un prérequis pour des personnes qui
s’apprécient sur un plan plus personnel. Si on espère que cela devienne
encore plus personnel sans qu’il y ait cette fameuse connexion, c’est perdu
d’avance.
On établit en permanence de bonnes et de mauvaises connexions avec
les autres. Quand on sait comment ça marche, on peut apprendre à faire
pencher la balance du bon côté, même avec des gens avec qui on ne
s’entendrait pas en temps normal. Bizarrement, on les trouve souvent à des
postes où leur avis et leur comportement face à nos opinions et à nos idées
peuvent avoir de grandes conséquences sur notre avenir. Ce serait donc
super s’ils comprenaient enfin ce qu’on veut dire, non ?
Si vous ne comprenez pas le lien entre la connexion et la capacité à lire
dans les pensées des autres, permettez-moi d’insister. Ce que vous allez
apprendre pour mieux les observer et vous connecter à eux va aussi vous
indiquer leur état d’esprit, ce qu’ils comprennent, ce qu’ils pensent et ce
qu’ils ressentent. Le mentalisme commence comme ça. Et c’est essentiel
pour créer de bonnes relations.

La règle de base de la connexion


La règle de base pour se connecter aux autres est vraiment très simple, à
condition de connaître leur fonctionnement. Elle consiste à s’adapter à la
façon dont ils préfèrent communiquer. (Si vous avez étudié le marketing,
vous avez appris à toujours communiquer en fonction de la cible
démographique. Eh bien ici, c’est pareil.)
On peut le faire de toutes sortes de manières que je vais bientôt vous
expliquer. Ce sont, presque sans exception, des techniques non verbales que
la personne avec laquelle on communique ne remarquera
qu’inconsciemment.
Quand on s’adapte à l’autre, on obtient deux résultats. Premièrement, on
l’aide à mieux comprendre ce qu’on lui dit puisqu’on s’exprime
(silencieusement) comme il l’aurait fait. On lui évite de « traduire » ce que
l’on exprime silencieusement et on le lui présente sous une forme qu’il
comprend mieux en communiquant de la façon qui lui convient (et qui lui
parle le plus). Il n’a plus besoin de « filtrer » l’information pour la
comprendre et il risque moins de mal l’interpréter. Pour pouvoir s’adapter à
quelqu’un, il faut donc d’abord être sûr de bien comprendre la façon dont il
préfère communiquer. De plus, en agissant ainsi, on apprend aussi à
comprendre ce qu’il essaie vraiment de nous dire.
Deuxièmement, on incite la personne à mieux nous apprécier pour la
simple raison qu’en s’adaptant à sa manière de communiquer, en utilisant
les mêmes expressions qu’elle, on lui montre qu’on est comme elle. Or,
nous aimons ceux qui nous ressemblent. Et quelle personne aimons-nous le
plus au monde ? Nous-même, notamment parce que nous sommes la
personne que nous connaissons le mieux de l’intérieur. (C’est aussi ce qui
explique ce qu’on appelle l’« effet de projecteur », un concept créé par les
psychologues Thomas Gilovich et Kenneth Savitsky, selon lequel nous
croyons que notre entourage nous remarque plus qu’il ne le fait vraiment.)
Comme le reste du monde ne nous est accessible que par les phénomènes
que nous observons, ce qui crée une distance émotionnelle, la réponse à la
question « Qui préférons-nous en second lieu ? » est évidente : les
personnes qui nous ressemblent. Nous aimons passer du temps avec des
gens qui sont comme nous, qui voient le monde comme nous et qui aiment
et n’aiment pas les mêmes choses que nous. Des recherches ont montré que
nous préférons aussi embaucher des gens qui nous ressemblent. D’après une
récente étude de l’institut Gallup, l’une des priorités pour un nouvel
employé est d’« avoir des bons rapports et des liens de confiance avec son
supérieur immédiat et ses collègues ».
Nous choisissons nos amis les plus proches parce que nous nous sentons
libres d’être nous-mêmes avec eux. Et qui de mieux, pour nous mettre à
l’aise, que des personnes qui nous ressemblent ?
À ce stade, je pense qu’une courte explication s’impose. S’adapter à
l’autre ne veut naturellement pas dire s’oublier. S’adapter, c’est ce qu’on
fait au départ, quand on se connecte à quelqu’un. Dans toute relation ou
rencontre, on s’adapte à l’autre, dans les deux sens, une fois que le contact a
été établi. Pour faciliter le processus, on peut se connecter consciemment à
l’autre en proposant de manière désintéressée de s’adapter à lui, et non
l’inverse, car on a davantage conscience du processus que lui. C’est ni plus
ni moins que proposer de parler anglais à quelqu’un qui le comprend mieux
que le français. On s’adapte à la façon dont il préfère communiquer. Quand
on s’adapte à quelqu’un en s’adressant à lui dans sa langue, même si c’est
laborieux, on dit à son inconscient : « Je suis comme toi. Tu es en sécurité
avec moi. Tu peux me faire confiance. »
Une fois la connexion établie, on peut commencer à changer notre
comportement pour inciter l’autre à en faire autant. On n’a plus besoin de le
suivre ou de s’adapter à lui car il le fait volontiers. C’est ça, la magie de la
connexion : on se suit l’un l’autre à tour de rôle.
Je vous promets que quelqu’un qui n’est pas à l’aise avec le français
aura plus de facilité à vous comprendre et vous appréciera davantage si
vous essayez de parler sa langue. Mais après, il aura plaisir à dire deux ou
trois mots en français.
Quand notre connexion avec une personne est bonne et donc qu’elle
nous apprécie, elle va aussi plus facilement accepter nos idées et nos
suggestions et aura tendance à vouloir nous suivre. Autrement dit, si on
s’adapte à elle et qu’on lui montre qu’on est comme elle, elle va avoir envie
d’être d’accord avec nous. On dit des choses qu’elle aurait pu penser
(puisqu’on se ressemble tant). Et si, par hasard, elle n’était pas du même
avis que nous, ce serait un peu comme si elle était en désaccord avec elle-
même.
Quand on se connecte de la sorte, on peut aussi prendre les commandes
et aider l’autre à être dans un état d’esprit positif pour qu’il comprenne plus
clairement notre message et nos idées et les apprécie. Cela revient à
l’influencer sans chercher à le contrôler : on n’essaie pas de le manipuler
dans le sens sinistre du terme. Si notre idée n’est pas si bonne que ça, elle
ne le convaincra pas, même si on est bien connecté à lui. L’objectif est de
créer une relation dans laquelle on peut parler d’un problème de façon
créative et constructive, avec respect et compréhension. On ne « contrôle »
pas ou on ne « trompe » pas l’autre pour lui donner des opinions qu’il n’a
pas vraiment. On fait juste en sorte qu’il soit dans un état d’esprit optimal
pour comprendre les avantages de ce qu’on lui propose en n’utilisant que
des techniques simples, comme bouger notre corps ou ajuster notre voix
selon certains principes.

Si je suis comme vous, vous allez me comprendre et m’apprécier. Si vous


m’appréciez, vous aurez envie d’être d’accord avec moi.

Situations dans lesquelles on a besoin de se connecter


à notre interlocuteur
Il n’est jamais trop tard pour bien se connecter à autrui. Imaginons que vous
ayez de mauvaises relations avec quelqu’un et que vous vouliez que cela
change. Commencez par essayer de vous connecter à lui la prochaine fois
que vous le verrez. Vous n’arriverez probablement pas à renverser la
tendance d’un coup, mais si vous essayez de vous connecter à lui chaque
fois que vous le rencontrez, vous verrez vite son comportement changer.
Sachez toutefois qu’il y aura toujours des personnes avec lesquelles on ne
peut simplement pas avoir de bons rapports. Comme, en général, on n’en a
pas spécialement envie non plus, ce n’est pas grave. Je ne vous dis pas
d’avoir des bonnes relations avec tous ceux que vous croisez. Je vous dis
juste que c’est possible.
Quand est-il utile de se connecter à quelqu’un ? Dans presque toutes les
relations dont j’ai déjà donné quelques exemples. En voici d’autres d’après
la spécialiste en communication Elaina Zuker :
quand on veut enfin comprendre ce que la personne avec qui on vit
depuis tant d’années essaie de nous dire ;
quand on essaie de regagner le respect qu’on a perdu auprès de nos
ados ;
quand on est face à des chefs, des profs, des agents publics ou toute
forme d’autorité ;
quand on est en présence de quelqu’un dont on a besoin mais qui peut
sérieusement nous compliquer la vie, comme un employé de banque
mal luné ou un serveur stressé ;
quand on reçoit un appel commercial (dans ce cas, on peut préférer que
ça se passe mal) 1 ;
dans toutes les situations où on est évalué ou jugé, comme lors d’un
entretien d’embauche.
Elaina Zuker donne aussi ces exemples tirés de la vie professionnelle :
comme il faut faire plus avec moins, on se retrouve souvent en
concurrence avec d’autres collègues et notre travail dépend de notre
capacité à nous lier avec des collaborateurs importants – la personne en
charge des finances, par exemple ;
pour être un bon chef d’entreprise aujourd’hui, il faut des compétences
relationnelles dignes d’un expert. Si on reste sur nos « rails », on risque
de se mettre à dos à la fois nos supérieurs et nos subordonnés ;
quand on veut vendre une idée innovante à quelqu’un, il faut
d’excellentes capacités de communication. Notre idée géniale
n’aboutira à rien si on n’arrive pas à convaincre les bonnes personnes ;
quand on travaille dans une entreprise, il y a des personnes au-dessus de
nous à qui il faut rendre des comptes et d’autres qu’on est censé diriger.
Pour obtenir les résultats souhaités, il faut être capable de créer de
bonnes relations avec tout ce petit monde ;
dans les organisations horizontales, on se retrouve souvent avec plus de
responsabilités que de pouvoir. On doit travailler avec d’autres
personnes pour que les projets aboutissent, ce qui ne peut se faire que si
on a de bons rapports et si on travaille avec elles ;
tout ce que nos années d’expérience nous ont appris importe moins que
notre capacité à bien nous connecter aux autres. Quelles que soient nos
compétences, personne ne veut d’un expert à qui on ne peut pas parler.

Perfectionnez ce que vous savez déjà


Souvenez-vous que vous utilisez déjà la plupart des techniques qui
permettent de lire dans les pensées des autres et dont je vais parler dans ce
livre. C’est juste que vous ne le savez pas et que vous ne les utilisez
probablement pas au mieux. Nous allons donc étudier ces techniques et les
affiner pour les rendre efficaces avant de les remettre là où elles étaient,
dans votre inconscient. Comme vous les connaissez déjà d’une certaine
manière, ne vous laissez pas impressionner par la quantité d’informations et
le nombre de techniques qui suivent. En fait, vous apprendrez plus
facilement tout ça que ce que vous avez déjà dû intégrer par le passé. Voici
comment va se passer le processus d’apprentissage :
1re étape : l’ignorance inconsciente. Prenons l’exemple classique de
l’apprentissage du vélo. Au début, non seulement on ne sait pas faire du
vélo mais on ne sait pas non plus qu’un tel engin existe.
2e étape : l’ignorance consciente. On ne sait pas faire du vélo mais on
sait qu’un tel engin existe et qu’on ne sait pas en faire.
3e étape : la connaissance consciente. On sait faire du vélo mais
seulement quand on se concentre et qu’on fait très attention.
4e étape : la connaissance inconsciente. On sait faire du vélo et on en
fait sans y penser.

On n’apprend vraiment que lors de la quatrième étape, et vous y êtes déjà.


Nous allons quand même retourner à la troisième pour peaufiner vos
compétences et peut-être en ajouter une ou deux autres. Ce sera ensuite à
vous de travailler l’étape 4 en sachant que vous avez tout le temps pour
cela. Après avoir fait les exercices de ce livre, commencez à utiliser ses
méthodes, une par une, jusqu’à ce que vous vous rendiez compte que vous
les appliquez (c’est-à-dire que vous en êtes à l’étape 4). Attendez d’en être
là pour commencer à en mettre en pratique une autre. N’essayez pas de
toutes les faire en même temps car cela ne fera que vous embrouiller.
Prenez votre temps et n’oubliez pas de vous amuser ! C’est vraiment très
réjouissant, surtout quand on commence à comprendre à quel point c’est
facile et à quel point ça fonctionne.

1. Toutes ces techniques peuvent être utilisées en sens inverse, c’est-à-dire pour détruire une
relation (remarquez comment certaines personnes avec qui vous avez des rapports compliqués
excellent dans cet art). Pour avoir de mauvaises relations avec quelqu’un, il faut utiliser des
méthodes de communication aussi éloignées que possible des siennes. C’est très utile pour
mettre rapidement fin à un rendez-vous ou inciter des personnes ennuyeuses à nous laisser
tranquille. Ce faisant, on leur donne l’impression d’être trop compliqué ou trop désagréable
pour qu’elles aient envie de continuer à nous parler.
CHAPITRE 3
Où l’on va apprendre à utiliser le langage corporel
et d’autres méthodes non verbales pour parvenir
à nos fins, d’une façon complètement différente
de celle à laquelle vous pensez.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

Comment utiliser consciemment la communication


inconsciente

Maintenant, respirez profondément. Dans les pages qui suivent, je vais vous
bombarder de faits, de méthodes et de techniques qu’on peut utiliser pour se
connecter à quelqu’un. Je vais tout vous expliquer, du langage corporel au
ton de la voix, en passant par les niveaux d’énergie et les opinions
personnelles. Comme je fais tout cela pour que vous puissiez vous en servir
dans la vraie vie, plus vite vous commencerez à vous entraîner, mieux ce
sera. Mais ce n’est pas non plus une raison pour vous précipiter. Prenez
votre temps pour apprendre à tout maîtriser.
N’ayez pas peur d’être « repéré » quand vous vous exercerez à vous
connecter à quelqu’un. Je vous promets que personne ne se plaindra de
constater qu’il est plus facile de vous comprendre et plus agréable de vous
parler, ou même que vous savez brusquement lire dans les pensées. Même
si vous serez conscient de tout ce que vous ferez pendant un certain temps,
les gens autour de vous ne verront rien.

SECOUEZ-VOUS LES FESSES !


COMMENT UTILISER LE LANGAGE CORPOREL ?
Comme je l’ai déjà dit, on se connecte à l’autre en s’adaptant à lui à
différents niveaux. Le premier est le langage corporel. Personnellement, je
ne suis pas spécialement fan de ce terme. Le mot « langage » laisse
entendre qu’il y a une liste de mots quelque part à apprendre. Il y a bien sûr
des livres pour ça, qui vous disent que, quand quelqu’un tient son petit doigt
comme ci, cela veut dire ça, et que, quand son pied gauche fait ce genre de
truc, cela a un autre sens. Mais ce n’est pas si simple. Nos gestes n’ont pas
toujours la même signification chaque fois ou pour chaque personne. Il
serait faux d’écrire dans un dictionnaire du langage corporel que, quand on
croise les bras, cela veut dire : « Je garde mes distances/dissociation/doute »
(ce que beaucoup de gens que je connais seraient heureux d’affirmer),
d’abord parce que cela ne tient pas compte de l’impressionnante panoplie
d’expressions corporelles dont nous disposons et aussi parce que cela nous
incite à croire que le langage corporel est dissocié et indépendant du reste.
En croisant les bras à un moment, vous vous êtes peut-être dit : « OK !
C’est ce que font les gens quand ils sont en colère ou qu’ils se tiennent à
distance. Mais je ne suis pas en colère ! » Tout à fait. Vous l’avez peut-être
fait pour une autre raison : peut-être qu’il faisait froid et que vous avez
croisé les bras pour vous tenir chaud. Ou alors, c’était seulement une
position confortable pour permettre à vos bras de se reposer un peu. Pour
être sûr que quelqu’un veut se protéger ou se pose des questions, il faut
guetter d’autres signes physiques et tenir compte du contexte dans lequel
ces gestes sont faits. Comment est le reste du corps ? Les bras sont-ils
raides ou détendus ? Et le visage ? La discussion est-elle houleuse ? La
pièce est-elle froide ? etc.
Je préférerais remplacer l’expression « langage corporel » par quelque
chose comme « communication du corps ». Mais, là encore, c’est assez
froid. Et comme je ne veux pas accroître la confusion en ajoutant encore un
nouveau terme dans un domaine qui est déjà truffé de mots et de définitions,
je vais garder « langage corporel » qui, comme vous l’avez compris, fait
référence à quelque chose de considérablement plus varié et plus
dynamique qu’on le pense la plupart du temps.

Les notions de « suivre » et de « refléter »


Alors, comment fait-on physiquement pour se connecter à quelqu’un ? Pour
faire simple, on l’imite. Ou, pour utiliser le bon terme, on fait une « posture
en écho ». Autrement dit, on observe sa posture, l’angle de sa tête, la façon
dont il tient ses bras, etc., et on fait pareil. S’il bouge un endroit de son
corps, on bouge le même. On peut s’y prendre de deux façons (en suivant
son mouvement ou en le reflétant comme dans un miroir) qui sont toutes les
deux fondées sur le même principe. Le choix de la méthode dépend de
l’endroit où on se trouve par rapport à la personne. Pour suivre ce qu’elle
fait, on va devoir bouger comme elle (par exemple, si elle bouge le bras
droit, on bouge le bras droit). Cette technique s’applique quand on est assis
ou debout à côté de la personne dont on veut imiter le langage corporel.
L’autre technique, l’« effet miroir », consiste à bouger la partie inverse de
notre corps (par exemple, elle bouge le bras droit, on bouge le bras gauche)
comme si on était son reflet dans une glace. On fait cela quand on est assis
ou debout en face d’elle.
Si on commence à imiter quelqu’un en se tenant trop près de lui, ça aura
l’air bizarre parce que, quand on arrête d’être soi pour se comporter
différemment, ça se voit instantanément. Et si on se met à suivre le moindre
de ses mouvements, ce sera plus qu’évident et on finira par passer pour un
schizophrène au lieu de se connecter à lui. Pour avoir une idée de ce qu’il
ne faut pas faire, regardez le film JF partagerait appartement.
Quand on se connecte à une personne en s’adaptant à sa façon de
communiquer, il faut donc le faire discrètement et graduellement. Pour
commencer, opérez d’infimes changements puis augmentez
progressivement et très lentement la dose en adaptant la vitesse à laquelle
vous le faites à la réponse que vous percevez chez votre interlocuteur. Plus
vous réussirez à l’intéresser et à l’impliquer, plus vous pourrez ouvertement
imiter son langage corporel, même et surtout quand vous serez connecté à
elle.

Quand on adapte son comportement à celui d’autrui, on doit le faire subtilement et


graduellement.

Pour commencer, je vous conseille d’utiliser des gestes représentatifs


(encore un terme savant !). Cela consiste à imiter quelqu’un, mais
subtilement et discrètement, en persévérant. Si la personne croise les bras,
posez par exemple votre main droite sur votre poignet gauche. Autrement
dit, faites comme elle, mais à petite échelle. Cela évitera qu’elle commence
sérieusement à se demander ce que vous fabriquez.
Pour cacher le fait que vous vous adaptez au comportement de votre
interlocuteur, vous pouvez aussi bouger en décalé. Au lieu de faire un geste
immédiatement après lui, attendez par exemple vingt à trente secondes
avant d’agir. Si vous persistez, cela va s’inscrire dans son inconscient qui va
remarquer que vous avez tous les deux la même façon de bouger et que
vous êtes « pareils ».
La troisième technique pour ne pas se faire repérer consiste à imiter les
expressions du visage de l’autre car nos processus mentaux et physiques
étant étroitement liés, elles reflètent ce qu’il ressent. Si la personne voit une
expression semblable à la sienne sur notre visage, elle va penser qu’on
ressent la même chose. Et cela rapproche énormément. Comme on ne peut
pas voir son propre visage, il est pratiquement impossible de se rendre
compte que quelqu’un nous imite. On ressent juste une affinité. Par contre,
prenez garde d’afficher une expression précise et non pas l’expression
naturelle de votre interlocuteur. Certaines personnes ont l’air triste, sévère
ou en colère alors qu’elles sont en fait détendues. C’est une histoire de
structure de visage. Assurez-vous de savoir quelle tête fait votre
interlocuteur dans d’autres situations pour pouvoir distinguer la différence
entre son visage ordinaire et la façon dont il exprime véritablement ses
émotions.
Faites aussi en sorte de bouger à la même vitesse, au même rythme que
lui. C’est particulièrement important pour les gestes interactifs comme
lorsqu’on se serre la main. Si la personne est lente, serrez-lui la main
lentement. À l’inverse, si vous remarquez qu’elle parle vite et a l’air
remontée à bloc, augmentez la vitesse à laquelle vous le faites. On peut
faire d’autres gestes rythmiques, comme des hochements de tête, à la même
cadence. Plus loin dans ce livre, vous apprendrez comment percevoir, dès le
premier rendez-vous, le rythme auquel l’autre parle ou pense.

Ne surinterprétez pas les signes


Comme je l’ai déjà dit, la plupart de nos gestes n’ont pas une signification
universelle : ils ne veulent pas dire la même chose pour tout le monde bien
qu’on ait presque tous notre propre dictionnaire de langage corporel. On a
souvent les mêmes gestes quand on est d’une certaine humeur, même si on
est les seuls à les faire. Alors évitez de trop interpréter le langage corporel
de votre interlocuteur quand vous le voyez pour la première fois. Si vous
remarquez, par exemple, que sa jambe gauche bouge, évitez de l’interpréter
comme un signe de stress à moins que quelque chose d’autre vous indique
que c’est le cas. Au bout d’un certain temps, vous apprendrez à associer
certains de ses gestes et postures avec des pensées et des émotions précises.
Peut-être que cette jambe gauche voulait en effet dire qu’il était nerveux,
mais cette règle ne s’applique qu’à lui et ne signifie pas forcément la même
chose chez quelqu’un d’autre. On s’exprime tous à notre façon. Quand vous
serez un peu plus à même de décrypter le langage corporel de votre
entourage, vous remarquerez que vous arriverez beaucoup mieux à anticiper
ce que votre interlocuteur va dire avant même qu’il ouvre la bouche. Bref,
vous saurez lire dans ses pensées !
Quand on commence à observer les autres d’une nouvelle façon, on se
met aussi rapidement à remarquer les changements qui s’opèrent en eux,
des changements qui, même si on ne peut pas les imiter, donnent de
nombreuses informations sur ce qu’ils ressentent et sur ce qu’ils pensent.
On repère par exemple facilement les changements au niveau du teint.
Quand on a peur, on blanchit souvent. Si on rougit, ce n’est pas toujours sur
les joues. On peut rougir en haut des oreilles ou sur le front, la mâchoire, le
cou ou la poitrine. On peut aussi remarquer que les pupilles se dilatent, ce
qui est un signe d’intérêt et d’implication. On en reparlera plus loin. C’était
juste pour vous dire que vous allez vite commencer à remarquer des choses
que vous n’auriez jamais pensé voir avant.
Que faire quand quelqu’un montre de façon évidente qu’il reste à
distance ? L’imiter ? Les avis divergent. Certains pensent que c’est une très
mauvaise idée alors que d’autres le recommandent. D’après ces derniers, si
on part du principe qu’on se connecte à quelqu’un pour le guider en cas de
besoin, il faut le faire en adaptant notre langage corporel au sien et en le
modifiant peu à peu pour l’ouvrir et le rendre plus positif et inciter notre
interlocuteur à en faire autant. Je pense que c’est une bonne idée à condition
de tenir compte du contexte. S’il y a de la tension dans l’air, on peut faire
mieux que suivre le langage corporel de l’autre. Il y a tellement de façons
de se connecter à l’autre que je ne pense pas qu’il soit utile de croiser les
bras comme lui. Cependant, si rien n’indique qu’il émet des signaux
négatifs (il a peut-être juste un peu froid, ce qui explique pourquoi il croise
les bras), il peut être utile de les reproduire

Le langage corporel comme thérapie

Comme je l’ai dit plus haut, quand on veut consciemment se connecter à


quelqu’un, cela peut être pour le mettre dans les conditions mentales que
l’on souhaite, ce qui est faisable car, une fois le contact établi, on veut se
suivre l’un l’autre. À l’inverse, si on ne fait rien, on risque de se
déconnecter, un scénario que l’on veut presque tous inconsciemment éviter.
Quand on arrive à débloquer le langage corporel de quelqu’un et à l’ouvrir
un peu, ce n’est pas lui qu’on change, c’est toute son attitude. Les deux sont
liés, vous vous souvenez ? Ce qui se passe dans le corps se passe dans
l’esprit.
C’est aussi très utile pour aider des amis ou ceux qu’on aime à être
moins négatifs. Cette approche thérapeutique et facilement applicable du
langage corporel est utile quand on veut aider un proche qui a le moral en
berne, que ce soit à cause d’un lundi pluvieux ou de la fin du mois. Alors
allez-y : reproduisez son langage corporel ! N’exprimez pas les émotions
négatives avec votre corps comme lui le fait car le but n’est pas de le faire
aller encore plus mal, mais de vous connecter à lui et de lui montrer
clairement que vous comprenez ce qu’il ressent. Quand vous serez sûr de
vous être bien connecté à lui, laissez peu à peu votre langage corporel
s’ouvrir et devenir plus positif. Redressez-vous, ouvrez vos gestes, bougez
les bras en les écartant de votre corps et commencez à sourire. Ce faisant, à
chaque étape, assurez-vous que votre interlocuteur change comme vous. Si
vous avez l’impression de l’avoir perdu en cours de route, revenez en
arrière et reconnectez-vous à lui. Pour guider quelqu’un de cette façon, il
faut souvent faire deux pas en avant et un pas en arrière.
Quand vous aurez réussi à changer suffisamment le langage corporel de
votre interlocuteur, vous serez aussi parvenu à changer son humeur – dans
la même mesure. Il n’aura plus le cafard car on ne peut pas avoir le moral
dans les chaussettes quand on se tient droit, qu’on relève la tête et qu’on
sourit. Essayez !
En revanche, souvenez-vous qu’il ne faut jamais le faire avec quelqu’un
qui a un vrai problème. Par exemple, quelqu’un qui est en deuil doit le
rester un certain temps. Le chagrin est un état dans lequel on traite
mentalement les événements qui l’ont provoqué tout en conservant son
énergie. Si vous essayez d’appliquer cette méthode sur quelqu’un de
véritablement triste, le processus mental nécessaire pour l’aider à avancer
va se bloquer. Dans ce cas, il vaut mieux le laisser dans son chagrin car il
lui est nécessaire. Mais, comme je l’ai déjà dit, cette approche est parfaite
pour quelqu’un qui a juste un petit coup de blues !

L’exercice « observation »
1. La prochaine fois que vous serez dans un restaurant, observez comment les gens
qui sont connectés entre eux se suivent et se guident. Cherchez un couple ou un
groupe d’amis qui semblent avoir des liens intimes, étroits et forts. Regardez-les
prendre tour à tour l’initiative ou la suite quand ils se parlent.
2. Essayez de repérer des personnes qui sont assises de la même façon que celle qui
est près d’elles dans la pièce.
3. Essayez de deviner qui se connaît ou qui ne se connaît pas dans un bus, un
tramway ou un métro plein. Petite astuce : repérez les gens qui sont assis ou qui
bougent de la même façon. Même s’ils ne sont pas à côté les uns des autres, ce sera
évident pour vous.
EXERCICES POUR LES TIMIDES
Faites ces exercices si le principe d’imiter la personne avec qui vous parlez vous
effraie un peu.
1. Regardez un talk-show ou un débat à la télévision. Asseyez-vous dans la même
position et bougez de la même façon que la personne qui parle. Vous allez remarquer
que vous savez plus ou moins ce qu’elle va dire avant qu’elle ouvre la bouche. Cela
n’a rien d’étonnant car, si elle se tient d’une certaine manière, c’est parce qu’elle
pense certaines choses. Si vous suivez ses mouvements et postures, vous allez
lancer des processus mentaux et créer en vous des humeurs similaires. Observez
comment vos émotions et votre perception de vous-même changent selon la posture
que vous adoptez.
2. Connectez-vous à quelqu’un qui se trouve loin de vous. Si vous êtes dans un lieu
public ou en société, choisissez quelqu’un avec qui vous n’êtes pas directement en
contact, quelqu’un qui se trouve à l’autre bout de la pièce, et commencez à suivre son
langage corporel. Ne soyez pas surpris si, rapidement, la personne vient vous
demander si vous vous connaissez. C’est simplement parce que, comme vous
l’imitez, vous lui paraissez familier ! Je vous conseille donc de choisir quelqu’un avec
qui vous êtes prêt à parler plutôt que quelqu’un que vous préféreriez éviter. C’est une
technique secrète pour draguer quelqu’un et pour qu’il s’intéresse à nous quand on
est trop timide pour lui parler directement.
3. Pour éviter que la personne vous « démasque », faites-la parler d’elle. Puis, sans
hésiter, commencez à reproduire son langage corporel en acquiesçant avec des
« hum, hum » et des « oui ». Elle ne remarquera rien car, quand on parle de nous (ou
qu’on est très en colère), on se coupe du reste du monde. On parle de nous à nous-
même, avec nous-même, sans vraiment remarquer ce que l’autre fait.

Quand vous vous connecterez à quelqu’un, vous aurez peut-être la


désagréable sensation que ce n’est pas naturel, que ce n’est pas vous. C’est
tout à fait vrai : ce n’est pas vous. Pas encore. Cette sensation disparaîtra
avec l’habitude. Quand on apprend à faire du vélo, appuyer sur des pédales
qui tournent pour avancer tout droit paraît, au début, tout sauf naturel. Mais
on apprend à le faire et on finit par atteindre la quatrième étape du
processus d’apprentissage : cela devient un geste inconscient et intériorisé.
C’est pareil pour la capacité à se connecter à quelqu’un : cela finit par
devenir naturel. Il faut juste s’y mettre et s’y habituer.

COMMENT PARLEZ-VOUS
VRAIMENT ?
Comment utiliser votre voix ?
La voix est un autre outil efficace pour se connecter à quelqu’un. Le
principe reste le même : on adapte notre voix à la façon dont notre
interlocuteur utilise la sienne. Là encore, il faut le faire graduellement et
discrètement. Et il ne faut pas non plus l’imiter parfaitement, comme quand
on reproduit le langage corporel de quelqu’un. En fait, même si on y
parvenait, cela ferait très bizarre. Mais la voix a diverses qualités auxquelles
on peut s’adapter et certaines caractéristiques dont on peut se rapprocher.
Écoutez et regardez comment la personne en face de vous parle et aidez-
vous de ce qui suit.

La tonalité

A-t-elle une voix grave ou aiguë ? Beaucoup d’hommes ont une voix grave
à cause de la structure de leur larynx. Et beaucoup de femmes parlent avec
une voix plus aiguë qu’elles ne le devraient en réalité. Si on agit ainsi, c’est
purement culturel. C’est parce qu’on croit que c’est un moyen d’accentuer
notre masculinité ou notre féminité.

La richesse de la voix

Est-ce une voix riche avec des timbres différents ou une voix fluette et
légère ? Dans notre culture, les voix pleines et riches sont considérées
comme étant puissantes, sérieuses et fiables, alors que les voix plus fluettes
sont associées à la féminité et à la séduction. Une voix légère peut aussi
faire puéril.

La mélodie

Est-ce une voix monocorde qui reste tout le temps sur la même note ? Ces
voix ne descendent généralement pas à la fin d’une proposition et ne
montent généralement pas à la fin d’une question. À cause de cela, il n’est
pas toujours facile de comprendre ce que la personne veut dire – si c’est une
question ou une affirmation. Ou même une blague ! À l’inverse, il y a les
voix mélodieuses qui utilisent de nombreuses tonalités. Les Scandinaves et
plus particulièrement les Norvégiens sont célèbres pour leur langue aussi
mélodique qu’une chanson.

Le rythme

La personne parle-t-elle vite ou lentement ? On parle à la vitesse à laquelle


on pense et on comprend les choses. Donc, quand on parle plus lentement
que notre interlocuteur, il va s’ennuyer et se mettre à penser à autre chose
qu’au message qu’on essaie de lui transmettre. Au pire, ça va l’agacer et il
va attendre qu’on ait terminé pour pouvoir mettre fin à la conversation et
arrêter de perdre son temps. À l’inverse, quand on parle plus vite que lui, on
risque de le perdre et de l’empêcher de repérer les points importants de
notre discours. Dans l’inconscient collectif, les hommes sont censés parler
plus vite que les femmes, ce qui est faux. Le chercheur Tyler Schnoebelen a
découvert que, dans les assemblées mixtes, les femmes ralentissent le
rythme de leur voix pour permettre aux hommes de parler plus vite, même
si, au départ, ce n’était pas le cas !

Force et volume
S’adapter au volume de la voix de l’autre est une bonne tactique. Quelqu’un
qui parle doucement va apprécier qu’on en fasse autant. Et quelqu’un qui
parle avec véhémence nous respectera si on augmente le volume de notre
voix.

Comme vous pouvez le voir, la voix a beaucoup de propriétés différentes


que l’on peut reproduire. Si vous préférez n’en cibler qu’une, je vous
recommande de travailler sur le rythme. Se connecter à quelqu’un consiste
en effet, dans une large mesure, à se caler sur son rythme, ce qui, dans le
cas de la parole, donne vraiment de bons résultats. Certains prétendent
même que c’est la meilleure méthode. Même si je ne suis pas sûr que ce soit
vrai à cent pour cent, cela fonctionne très bien. La voix est très importante
car c’est parfois le seul outil dont on dispose pour communiquer, lors d’une
communication téléphonique par exemple. Elaina Zuker, dont j’ai parlé plus
haut, cite l’exemple d’une étude organisée pour une société de
télémarketing désireuse d’accroître ses revenus. Cette société vendait des
abonnements à des magazines et était donc en contact avec chaque prospect
une ou deux fois avant de conclure éventuellement une affaire. Pour cette
expérience, l’équipe de vente a été divisée en deux groupes. Pendant que le
premier continuait à travailler comme d’habitude, on a demandé au second
d’essayer de caler la vitesse de son débit sur celle de la personne à l’autre
bout du fil. Grâce à ce petit changement de méthodologie, le second groupe
a augmenté ses ventes de près de trente pour cent pendant que le premier
n’a vu aucune amélioration. J’insiste : le seul changement auquel les
vendeurs du second groupe aient procédé, c’est adapter le rythme de leur
voix à celui de la personne à laquelle ils parlaient. Une augmentation de
presque trente pour cent est énorme quoi qu’on fasse et quelle que soit la
nature de nos relations avec la personne concernée, surtout si, pour y
parvenir, il suffit de se mettre à parler à la même vitesse qu’elle.
On parle à la vitesse à laquelle on pense et on comprend les choses. Quand on parle
au même rythme que notre interlocuteur, on exprime nos pensées à la vitesse à
laquelle il est habitué à penser.

LANGAGE
Changez vos expressions
Même si ce dont nous allons parler maintenant ne relève pas exactement du
non-verbal, je tiens à le faire parce que cela permet aussi de se connecter
aux autres. Quand nous parlons, nous avons tous des préférences, des
touches personnelles et des tics de langage dont vous trouverez des
exemples ci-après. Quand on se connecte à quelqu’un, il est toujours utile
de savoir s’adapter à telle ou telle particularité. Pour que l’autre personne y
croie, il faut évidemment bien savoir à quoi elles font référence.

L’argot

Il est très difficile de s’adapter à l’argot car il varie selon les tendances, les
endroits et les groupes d’âge. Il change aussi constamment et une
expression très prisée aujourd’hui peut être ringarde demain. Si vous vous
sentez suffisamment habile pour reproduire l’argot utilisé par la personne
avec qui vous voulez vous connecter, allez-y ! Mais si vous ne savez pas
comment répondre à : « Il est chelou, ce bolos, non ? », laissez tomber pour
ne pas courir le risque de vivre un grand moment d’embarras. Comme
l’argot sert aussi à montrer qu’on appartient à un certain groupe ou à une
certaine tranche d’âge, par exemple, il faut encore se demander si on a des
chances d’être pris au sérieux si on fait semblant d’y appartenir. Si on vous
dit quelque chose en argot et que vous n’appartenez pas au bon groupe
d’âge pour l’utiliser, vous pouvez montrer que vous êtes assez branché pour
l’avoir compris et y répondre sans vous en servir tant qu’on ne vous
« autorisera » pas à le faire, c’est-à-dire tant qu’on ne vous considérera pas
comme un membre du groupe qui utilise ce genre de langage.

Le jargon

Souvent, dans les discussions, on utilise des expressions ou des termes qui
ne peuvent être utilisés que dans un cadre précis. Quand on parle de
bateaux, on utilise des termes de navigation. Quand on utilise le jargon dans
la même mesure que la personne qui nous fait face, on lui montre qu’on
connaît et qu’on maîtrise le sujet aussi bien qu’elle. Cela va dans les deux
sens. Si quelqu’un utilise plus de termes techniques que vous en temps
normal, mais que vous avez les connaissances suffisantes pour vous adapter
à ce qu’il dit, allez-y. À l’inverse, si quelqu’un utilise moins de termes
techniques que vous normalement, évitez de trop le faire. Par exemple, si
quelqu’un montre un écran et dit : « L’ordinateur est cassé », cela ne sert à
rien de lui demander combien il y a de partitions sur son disque dur.
Demandez-lui plutôt s’il a appuyé sur ON.

Les expériences personnelles

Bien que nous ayons passé beaucoup de temps à l’école, nous parlons
rarement comme les livres de grammaire nous l’ont appris. Nous avons
tendance à ajouter des mots superflus un peu partout, notamment, vous
savez, à la fin des phrases. Si vous entendez quelqu’un parler comme ça,
faites de même !
Le langage hypnotique

On a tous des mots et expressions préférés, des mots et expressions qu’on


utilise beaucoup dans plein de situations différentes. Cela peut être de
l’argot, du jargon ou complètement autre chose. Souvent, on les a pris de
quelqu’un d’autre et on se les est appropriés. Parfois, on en prend
conscience, et on n’aime pas ça. Quand on se surprend à les utiliser, on peut
crier : « AAAAH ! Il faut que j’arrête de dire “dingo”. » Mais on en a plein
d’autres qu’on ne remarque pas toujours. Ces mots personnalisent notre
langage et le rendent légèrement différent de celui des autres. Milton
Erickson, le père de l’hypnose moderne, appelait cela le « langage
hypnotique », comme celui qu’on utilise quand on est sous hypnose. Pour
se connecter facilement à quelqu’un, il faut être attentif à son langage
hypnotique et l’utiliser à notre tour. On commence à parler comme lui, à lui
montrer qu’on est exactement pareil, ce qui lui permettra de bien nous
comprendre puisqu’on utilise les mêmes mots que lui.

Je sais que vous commencez à vous dire que je vous en demande trop.
Comment réussir à écouter la manière dont quelqu’un utilise sa voix,
adapter la vôtre à la sienne, tout en cherchant et en suivant son langage
personnel – et en analysant de préférence sa syntaxe –, sans oublier ce que
vous vouliez dire ? Croyez-moi, ce n’est pas aussi compliqué que cela en a
l’air. Vous le faites déjà en partie, de la même façon que vous adaptez votre
langage corporel à celui de vos interlocuteurs.
Laissez-moi vous donner un exemple banal pour illustrer tout ça : je sais
qu’il vous est déjà arrivé, à la fin d’une conversation téléphonique, de vous
rendre compte que toutes les personnes autour de vous ont compris avec qui
vous parliez sans que vous ayez prononcé son nom ou que vous leur ayez
donné le moindre indice pendant votre conversation, et que quand vous leur
avez demandé comment elles le savaient, elles vous ont répondu que c’était
à votre façon de parler. Vous avez déjà vécu cette scène, non ? Elles ont
deviné qui était votre interlocuteur parce que vous parliez comme lui et que
vous avez adapté votre voix et votre langage aux siens. Souvenez-vous : on
veut être accepté et respecté. On veut avoir des interactions sociales. On
veut se connecter aux autres.

RESPIREZ, NOM D’UN CHIEN !


RESPIREZ !
Entrez en contact en respirant
Pour se connecter à quelqu’un, on peut simplement adapter notre respiration
à la sienne. Malheureusement, la plupart des auteurs et des coachs qui
enseignent cette technique oublient de préciser à quel point il est difficile de
voir comment l’autre respire. Même après un entraînement intensif, cela
reste pratiquement impossible. (Je ne vous dis pas de ne pas essayer quand
même ; au contraire, si vous remarquez soudain comment celui à qui vous
vous adressez respire, n’hésitez surtout pas à en faire autant.)
Pour repérer la respiration d’une personne, il faut observer la façon dont
elle le fait : fortement ou légèrement, avec la poitrine ou avec le
diaphragme. Regardez son ventre, sa poitrine, ses épaules et son cou.
Parfois, on perçoit les mouvements respiratoires en observant les ombres
bouger sur ses épaules. Il faut aussi écouter la manière dont elle parle car,
puisqu’on ne peut pas parler quand on inspire, si elle fait des pauses, c’est
pour reprendre de l’air.
Suivre la respiration de quelqu’un, ou respirer à la même vitesse et à la
même intensité que lui, a un intérêt : cela nous permet de nous caler sur son
rythme, ou tempo, corporel. Ainsi, beaucoup de détails auxquels on aurait
dû faire attention pour se connecter à lui vont nous apparaître
naturellement. En effet, quand on change le rythme de notre respiration,
cela change automatiquement notre langage corporel et notre façon de
parler. Et cela nous aide aussi à nous caler plus facilement sur le volume de
sa voix.
Quand on arrive à synchroniser complètement notre respiration avec
celle de notre interlocuteur, la connexion peut paraître magique.
Malheureusement, cela peut être parfois très difficile à cause de différences
physiques. Mon ex-femme mesure environ 1,60 mètre et pesait 47 kilos
quand on s’est mariés. Je mesure 1,73 mètre et je pèse 74 kilos. De plus,
elle respirait par la poitrine, ce qui signifie qu’elle inspirait moins d’air que
ce que sa capacité pulmonaire lui permettait. Je ne pouvais donc pas suivre
sa respiration sans manquer d’étouffer au bout d’une minute. Comme le but
de la manœuvre n’est bien sûr pas de s’asphyxier, essayez de caler votre
respiration le plus possible sur celle de votre interlocuteur sans avoir à
lutter.
Comme je l’ai dit plus haut, utilisez ce que vous savez de son tempo
pour caler tous vos mouvements rythmiques dessus – comme les
hochements de tête ou une poignée de main – et pour les faire comme lui
sans risquer de vous déconnecter.
Le plus efficace, au début, est d’observer le rythme général de la
personne au lieu d’essayer de suivre sa respiration. Puis commencez à
respirer à la même cadence sans vouloir à tout prix suivre chaque
inspiration et chaque expiration. Au bout d’un moment, vous réussirez
certainement à suivre exactement sa respiration. Et, dans le cas contraire,
vous aurez réussi le plus important : vous synchroniser à son rythme
général.
Comprendre la façon dont quelqu’un respire et essayer de respirer
comme lui permet aussi de rapidement capter son humeur, ce qui est utile
dans les cas où, bien qu’on soit connecté à l’autre, on sent que quelque
chose cloche.
Commencez par suivre sa respiration. S’il respire vite et avec le haut de
la poitrine, même s’il a l’air calme et en sécurité, cela veut dire qu’il essaie
de vous cacher quelque chose qui l’inquiète. Ce genre d’informations est
inestimable dans beaucoup de situations. La bonne nouvelle, c’est que vous
n’avez pas besoin de vous rappeler l’humeur qui correspond à telle ou telle
respiration car, en adoptant la respiration de son interlocuteur, on ressent
son humeur (de l’anxiété dans ce cas précis) et on sait donc exactement
dans quel état d’esprit il est.

L’exercice « câlin »
Si vous connaissez quelqu’un à qui vous pouvez faire un câlin sans avoir à lui
expliquer que c’est dans le cadre d’un exercice pour apprendre à se connecter aux
autres – ça peut être votre partenaire –, faites-lui-en un de façon à bien percevoir sa
respiration. Commencez par remarquer l’immense différence entre vos deux façons
d’inspirer et d’expirer. Suivez sa respiration pendant environ une minute. Puis
changez doucement votre façon de respirer. Si votre partenaire vous suit
inconsciemment, cela veut dire que vous vous êtes connectés grâce à votre
respiration.
Les experts en hypnose Martin Nyrup et Ian Harling suggèrent de pratiquer cet
exercice nu. Si vous avez la chance de pouvoir câliner quelqu’un sans porter le
moindre vêtement, au moment de vous coucher par exemple, essayez de refaire cet
exercice à l’identique. Vous sentirez une différence claire et réelle entre, d’un côté,
une connexion totale et, de l’autre, le sentiment désagréable d’être coupé de la
personne qui est physiquement proche de vous.

LE LAPIN ENERGIZER® CONTRE


GARFIELD, LE CHAT
Prêtez attention aux niveaux d’énergie
Dézoomons un peu et regardons de façon plus globale la personne avec
laquelle on essaie de se connecter car il faut, bien entendu, voir aussi où elle
se situe sur les plans émotionnel et énergétique. Plus loin dans ce livre, je
vous apprendrai à identifier les différents états émotionnels de manière plus
détaillée qu’en se fondant uniquement sur la respiration. Pour déterminer le
niveau d’énergie de quelqu’un, le mieux est d’observer sa posture et sa
respiration, et d’utiliser ce que l’on sait déjà sur lui.
Certaines personnes fonctionnent un peu au ralenti jusqu’à la pause du
midi. Elles arrivent au travail le matin, marmonnent quelque chose qui
ressemble à un « b’jour » et s’enfoncent dans leur fauteuil. Elles émettent
des signaux « Ne pas déranger » jusqu’à environ onze heures et ce n’est
qu’après le déjeuner ou leur cinquième tasse de café qu’elles ouvrent
vraiment les yeux et sortent de leur coquille. Cela ne veut pas dire qu’elles
travaillent moins bien que les autres. Cela veut juste dire qu’il leur faut plus
de temps pour activer leurs compétences sociales. Ces personnes bougent
rarement vite, même après cinq tasses de café (ça les rend juste nerveuses !)
Elles sont comme Garfield, le chat. Même si on est tous de cette humeur de
temps en temps, pour certains, c’est un état permanent.
Et puis, bien sûr, il y a les opposés : ceux qui sont toujours pleins
d’énergie, persévérants et déterminés. Ils courent dix kilomètres pour aller
au travail, ils débarquent au bureau avec un grand sourire une demi-heure
avant tout le monde et ne ratent presque jamais leur cours de sport du midi.
Et à la fin de la journée, ils rentrent chez eux en courant !
J’ai eu un collègue comme ça. Il avait, ou plutôt il a, sept enfants. Il
passait l’heure où il était seul au travail chaque jour – après être venu en
courant ou à vélo – à faire le montage des vidéos qu’il avait tournées
pendant le week-end en y intégrant un menu DVD et des pistes audio
supplémentaires. Il ne ressemblait pas à Garfield, mais plutôt au lapin
Energizer®.
Garfield et le lapin Energizer® ont parfois du mal à s’entendre.
Vous êtes peut-être de ceux qui débarquent au travail en bouillonnant
d’énergie. Dans ce cas, si vous croisez un collègue mou et introverti qui
doit vous donner l’accord dont vous avez désespérément besoin, je vous
conseille de lever un peu le pied. Essayez de ne pas être enthousiaste pour
deux, au moins au début. Si vous l’abordez avec un cri retentissant, frais
arrivé de la gym, et que vous renversez de la poudre protéinée sur son
ordinateur portable, je peux vous certifier qu’il vous dira non. Cela
fonctionne dans l’autre sens. Si vous êtes lent et prudent, essayez de trouver
un moyen de vous booster car votre léthargie agace probablement un peu
les gens plus énergiques autour de vous. Heureusement, cela s’arrange
facilement.
L’exercice « énergie »
Vous rappelez-vous comment vous avez utilisé votre langage corporel pour produire
un changement positif chez un ami qui n’allait pas bien ? Cela a fonctionné parce que
vous étiez connectés sur les plans physique et mental. Vous pouvez aussi utiliser ce
principe pour changer son humeur ou son niveau d’énergie. Pour ce faire,
commencez par faire semblant d’être plus en forme que lui ou d’être plus heureux que
lui. Imaginez la tête que vous feriez et la façon dont vous vous tiendriez, assis ou
debout, ou comment vous bougeriez votre corps si c’était le cas. Au début, vous
trouverez peut-être ça un peu étrange mais vous remarquerez vite que vous vous
sentez mieux et que vous êtes plus positif qu’avant. Laissez les réactions de votre
corps que vous pouvez contrôler – ce que vous faites avec vos muscles – activer le
processus dans votre cerveau. En gros, faites semblant jusqu’à ce que ce soit naturel
car, comme l’avait déjà écrit le célèbre psychologue William James en 1922 dans son
livre de développement personnel On Vital Reserves : The Energies of Men, the
Gospel of Relaxation [non traduit en français] : « Les actions semblent suivre les
sentiments alors qu’en fait, ils vont de pair ; et quand nous régulons l’action qui
dépend plus directement de notre volonté, nous pouvons indirectement réguler le
sentiment qui, lui, n’en dépend pas. »
Donc, le meilleur moyen d’être heureux quand on ne l’est pas, c’est de se comporter
comme si on n’avait pas le moindre souci, de regarder autour de soi d’un air heureux,
et d’agir et de parler comme si on l’était.
On peut assez facilement percevoir les niveaux d’énergie car, au lieu d’analyser
l’autre afin d’employer les outils de communication qui lui conviennent pour obtenir le
résultat souhaité, on doit davantage faire appel à notre bon sens. Souvenez-vous de
ce que je vous ai expliqué sur la façon d’observer, de suivre et de se connecter à
quelqu’un. Est-ce que huit heures du matin est vraiment le bon moment pour montrer
à quelqu’un votre merveilleux rapport bourré de bonnes idées ? Il serait préférable de
prendre rendez-vous avec lui après le déjeuner, quand vous savez qu’il sera plus
réceptif, non ? Si vous n’obtenez aucun résultat, essayez de vous présenter d’une
façon qui correspond à ce que l’autre ressent. Sinon, vous risquez de vous heurter à
un mur. Pas parce que vos idées ne sont pas bonnes mais parce que votre niveau
d’énergie ne correspond pas du tout au sien.
DITES-LE COMME VOUS LE PENSEZ
Persistez dans vos paroles et vos actions
Quand on communique avec une personne, on provoque en elle différents
états émotionnels, qu’on le veuille ou non. On peut le faire volontairement
comme quand on lui dit quelque chose qui lui fait plaisir, la fâche ou la
surprend…
Pour la faire réagir émotionnellement, on peut par exemple lui dire :
« Tu as entendu la nouvelle ? »
« Je ne supporte pas Omar Sy ! »
« Je t’aime. »
On peut aussi provoquer involontairement une humeur comme lorsque
nos paroles déclenchent une série d’associations dans l’esprit de notre
interlocuteur. On dit souvent « Comment ça va ? » sans autre but que de
saluer la personne. Mais si cette personne va vraiment mal, ce genre de
question innocente peut la faire éclater en sanglots.
On change aussi les états émotionnels des autres en montrant, et donc
en projetant nos propres émotions. Si on est heureux, les gens autour de
nous ont tendance à l’être aussi. Et si on n’a pas le moral, eux non plus –
même si on ne dit pas un mot. On demande même souvent clairement aux
gens de ressentir telle ou telle émotion quand on leur dit par exemple :
« Courage ! »
« Du calme ! »
Pour faire comprendre ce qu’on veut dire et être crédible, on doit
projeter la même émotion que celle que l’on demande. Si on veut calmer
quelqu’un, il ne faut surtout pas le prendre par les épaules, le secouer et lui
hurler : « CAAAAALME-TOOOOOOOI !!!!! » à la figure. Il faut être
détendu. En tant que parent, je suis très conscient que c’est incroyablement
difficile à faire. Et pourtant, c’est nécessaire. Pour faire basculer quelqu’un
dans l’humeur que l’on souhaite, il faut la représenter, montrer ce qu’on
veut dire. Je vous conseille donc de bâiller en demandant : « Toi aussi, tu es
fatigué ? » pour que la personne le soit aussi plutôt que de le lui demander
en faisant votre gym quotidienne.
Pour calmer quelqu’un, vous devez vous-même irradier le calme. Ne
parlez pas trop fort, évitez de vous agiter et respirez profondément, pas avec
le haut de la poitrine. Pour lui donner confiance, vous ne pouvez pas vous
contenter de le motiver, vous devez aussi faire comme si vous aviez
effectivement confiance. Ce faisant, vous lui faites une suggestion claire,
autrement dit vous lui faites une proposition ou lui donnez une instruction
pour lancer un processus dans son inconscient (on en parlera en détail plus
loin). Outre le fait que vous exprimez ce que vous pensez, vous le lui faites
comprendre d’une manière directe et émotionnelle et vous lui montrez que
ce n’est pas si compliqué que ça. Quand on parvient à créer ce genre de
compréhension émotionnelle, on vit un moment personnel et intime avec la
personne avec laquelle on la partage. Quand on parle de quelque chose, on
reste sur un plan externe et analytique alors que, quand on le comprend
émotionnellement, on vit une expérience interne, personnelle. Or, les
expériences internes sont les plus fortes. Pour vous en convaincre, pensez à
la différence entre parler d’un câlin et en recevoir vraiment un. Que
préférez-vous ?
Si notre discours ne correspond pas à notre langage corporel et au ton
de notre voix, le message non verbal va passer en premier. Si quelqu’un
vous dit de vous calmer en vous criant dessus, il exprime deux états
émotionnels différents : l’état extérieur (ses paroles) et l’état intérieur (ce
qui se passe en lui). Quelle est votre réaction ? Cela vous aide-t-il à vous
détendre ou cela vous stresse-t-il ? Inutile d’être un bon mentaliste pour
savoir que la bonne réponse est la dernière.

L’OPINION AÏKIDO
L’art d’être d’accord avec les gens
Une autre astuce très efficace pour se connecter aux autres consiste à être
d’accord avec eux. Je sais que ça peut paraître hypocrite. Mais je persiste et
je signe. Voici comment faire : essayez de trouver une attitude ou une
opinion de votre interlocuteur que vous êtes prêt à accepter. C’est très
important si vous souhaitez le faire changer d’avis sur un sujet. Quand on
tente de faire comprendre quelque chose à quelqu’un, on peut rencontrer
pas mal de résistance si on lui dit qu’il a tort car il va se mettre sur la
défensive au lieu d’écouter. La pire chose à faire, c’est donc de l’affronter
directement. Pour se connecter à lui, il faut lui faire comprendre qu’on le
comprend, qu’on est comme lui, et qu’on a les mêmes opinions que lui.
Il y a bien sûr une limite à ne pas dépasser : trahir nos valeurs et nos
principes. Mais on trouve généralement toujours quelque chose sur lequel
être d’accord. Si vous devez négocier avec quelqu’un dont l’avis est
diamétralement opposé au vôtre, vous aimez peut-être au moins tous les
deux les bateaux. Ou la série The Witcher. Même si vous pensez que la
personne n’a absolument rien compris au problème ou est simplement folle
à lier, vous pouvez toujours admettre que si vous étiez à sa place (c’est-à-
dire si vous n’aviez rien compris mais bien sûr, inutile de le lui dire), vous
ressentiriez la même chose qu’elle. Même si vous avez affaire à un escroc,
vous pouvez toujours reconnaître : « Je ferais pareil si j’étais vous. » Le
simple fait de dire « Si j’étais vous, je réagirais exactement de la même
façon » peut agir miraculeusement sur votre relation. Quand on y réfléchit,
c’est évident que si on était l’autre personne, on agirait comme elle. Mais ce
n’est pas comme cela qu’elle le perçoit. Pour elle, c’est la preuve qu’on la
comprend.
Trouver un point sur lequel être d’accord et en partir est le genre de
principe qu’on pourrait utiliser en aïkido. En essayant de s’opposer à l’avis
de l’autre en disant : « Vous avez tort », on se lance dans un combat mental
qui finira par être épuisant et improductif à la fois pour nous et pour lui.
À l’inverse, en lui disant : « Je ressens la même chose que vous », on se
place à ses côtés et on se sert de son énergie – qu’on aurait tout fait pour
contenir autrement – pour se propulser ensemble dans une autre direction.
On se met dans la posture du suiveur au lieu de s’opposer à lui. Cela ne le
dérangera pas car on se met soudain à travailler avec lui pour atteindre un
objectif commun au lieu de le défier pour savoir qui a raison. On est
connectés. On est au même endroit et sur la même longueur d’onde. L’un
des principes de base de l’aïkido consiste donc à ne pas contrer l’élan de
l’adversaire mais à le rediriger, si nécessaire, contre lui.

Shakespeare président !

Notre réalité est constituée dans une large mesure, et peut-être même
entièrement, par ce qu’on pense être vrai. Manipuler les croyances de
quelqu’un revient donc à influencer sa réalité. Les bons politiciens le savent
depuis longtemps. Quand on est dans l’opposition, il vaut toujours mieux
commencer par dire qu’on est d’accord avec l’opinion la plus populaire
avant d’exprimer les changements qu’on voudrait y apporter pour
l’améliorer. Dans la pièce Jules César de Shakespeare, Brutus, l’homme le
plus proche du dictateur romain, est accusé – à juste titre – de l’avoir
assassiné. « Tu quoque mi fili ? » Mais lors de ses funérailles, Brutus
prononce un vibrant discours pour convaincre le peuple qu’il a fait une
bonne action. Concrètement, il lui explique que, malgré l’amour qu’il
éprouvait pour César, il a compris que son besoin de pouvoir menait le
peuple à sa perte et en a conclu, bien qu’il soit conscient des conséquences
de son acte, qu’il n’y avait pas d’autre solution. Bref, il prétend qu’il a
commis cet abominable crime parce qu’il aimait Rome et non parce qu’il
détestait César.
Comme on ne peut qu’aimer un gars comme ça, le peuple est prêt à lui
pardonner jusqu’à ce que Marc Antoine, qui attendait en coulisse, fasse lui
aussi un discours tout spécialement préparé pour l’occasion. Il a choisi de
parler après Brutus pour pouvoir réagir à ce qu’il dirait et le faire
condamner. Quand son tour arrive, il commence par une déclaration
étonnante : comme tout le monde, il trouve que Brutus est un homme
d’honneur. Puis, après s’être rallié l’opinion publique, place à la rhétorique.
Dans son discours, il utilise des arguments émotionnels intelligents pour
inciter l’audience à en conclure que le meurtre de César n’était pas justifié
et que son auteur doit être banni. S’il avait commencé par dire cela – par
exprimer sa véritable opinion –, personne ne l’aurait écouté. Alors, au lieu
de se mettre en travers de la route de Brutus et d’être un obstacle, il a
commencé par aller dans son sens et par endosser le rôle de suiveur. Marc
Antoine aurait été ceinture noire d’aïkido oral. Et Shakespeare, qui a écrit
tout ça, aurait dû faire de la politique.

Commencez par dire que vous êtes d’accord,


puis prenez l’initiative

Pour mémoire : il ne faut pas trahir ses valeurs et ses principes quand on fait
de l’aïkido oral. Et il ne faut pas non plus mentir. Toute « connexion » doit
être fondée sur la sincérité. On peut parfois facilement trouver un terrain
d’entente. Mais d’autres fois, c’est plus compliqué, comme lors de
négociations et de débats où les différentes parties sont censées avoir des
opinions contraires.
Quand on n’est vraiment pas d’accord sur l’objet de la discussion ou de
la négociation, il vaut mieux chercher un autre sujet sur lequel se retrouver.
S’il n’y a visiblement aucune valeur commune, ce qui peut arriver quand on
se dispute avec un fou furieux, on peut toujours dire : « À votre place, je
serais comme vous. Je serais furieux qu’on m’ait envoyé des ondes
électromagnétiques dans les dents », ce qui, naturellement, est vrai et le sera
toujours. Si vous étiez comme lui, vous penseriez comme lui.
Si quelqu’un fait irruption dans la pièce, un gros nuage de colère au-
dessus de la tête, et tape du poing sur la table en hurlant : « C’est
INACCEPTABLE ! », la meilleure chose à faire est de se lever, de poser ce
qu’on a dans la main – quel que soit l’objet – avec un grand bruit sur la
table et de hurler : « TOUT À FAIT D’ACCORD ! Je comprends
COMPLÈTEMENT pourquoi vous trouvez ça inacceptable ! À votre place,
je penserais la même chose ! » Bref, la meilleure solution consiste à faire de
l’aïkido oral en copiant son langage corporel, le ton de sa voix et son niveau
d’énergie. Puis, après avoir un peu baissé le volume, ralenti le rythme de
notre voix et nous être éventuellement assis sur un coin de table, on peut
ajouter : « Mais vous savez quoi ? On doit pouvoir arranger ça. » Ce faisant,
on le guide à la fois vers une humeur plus appropriée mais aussi vers une
nouvelle approche ou une idée qui pourrait peut-être changer sa vision de la
situation. En plus de poser des bases solides pour régler le problème
ensemble, c’est un excellent moyen pour calmer les gens qui s’énervent
rapidement. Une personne en colère cherche l’opposition, une bagarre, et
veut qu’on se mette en travers de son chemin pour diriger sa colère contre
nous. Quand on reconnaît la colère de quelqu’un, qu’on lui dit qu’il a le
droit d’être fâché et qu’on est d’accord avec lui, on peut rapidement le
calmer.
L’objectif, comme toujours lorsqu’on essaie de se connecter à
quelqu’un, est de lui montrer qu’on le comprend, qu’on ressent et qu’on
pense la même chose que lui, ce qui va l’aider à être plus réceptif à nos
suggestions. Quand on semble être sur la même longueur d’onde que son
interlocuteur, il est plus enclin à essayer d’apprécier nos idées pour pouvoir
maintenir cette connexion. « À votre place, je penserais pareil. » Tout est
dit.
L’OPINION KUNG-FU :
LE « ET » ACCROUPI ET LE « MAIS »
CACHÉ
Comment relier différentes propositions ?
Pour donner l’impression d’être d’accord avec les gens et les inciter à
accepter des arguments éventuellement douteux, on peut simplement
utiliser le mot « et » au lieu du mot « mais ». Le mot « mais » implique une
réserve alors que le mot « et » lie les phrases et les propositions entre elles.
La puissance de connexion de « et » est si forte qu’il peut faire cohabiter
deux propositions qui se contredisent sans que cela fasse aucune différence.
Les bons politiciens ont appris à utiliser le « et ». Comparez ces deux
situations dans lesquelles, Swift, l’homme politique, commence par
marquer rapidement des points en parlant d’un sujet que tout le monde
trouve important.

Première situation

SWIFT : « Nous voulons améliorer le système de santé, ce qui


implique d’augmenter les impôts. »
GULLIVER : « Nous voulons aussi améliorer le système de santé
mais nous voulons baisser les taxes. »

Seconde situation

SWIFT : « Nous voulons améliorer le système de santé, ce qui


implique d’augmenter les impôts. »
GULLIVER : « Comme vous, je pense que nous devons améliorer
le système de santé, c’est pourquoi nous voulons baisser les taxes. »
Dans la première situation, Gulliver se place de l’autre côté de la barrière en
utilisant le mot « mais », ce qui veut dire qu’il n’est pas d’accord avec
Swift. Ce faisant, il perd beaucoup de votes. Lors du second débat, Gulliver
va facilement marquer autant de points que son adversaire, avec le même
message, tout en restant opposé à ses idées. Le « et » donne aux
propositions une qualité presque causale où ce qui suit est perçu comme
quasiment inévitable par rapport à ce qui précède. La réserve exprimée par
un « mais » produit l’effet inverse.

COMMENT DEVENIR AMI AVEC


SON CORRESPONDANT ?
Connectez-vous par écrit
La communication par écrit, qui tient une place vraiment prépondérante
dans notre vie grâce aux nouvelles technologies et plus précisément aux e-
mails, aux textos et aux tchats, nécessite d’appliquer les mêmes principes
que pour un rendez-vous ou un appel téléphonique. Malgré ce que vous
pensez peut-être, il est tout à fait possible de suivre les variations du « ton »
de quelqu’un, même par écrit. La personne à l’autre bout est-elle sérieuse
ou joviale ? Écrit-elle des phrases courtes ou longues ? Utilise-t-elle un
langage formel ou informel ? Y a-t-il plusieurs paragraphes courts ou un
seul long ? Utilise-t-elle un langage particulier comme du jargon ou des
expressions étrangères ? Pouvez-vous repérer des tics de langage ? Que
pense-t-elle entre les lignes ? Trouvez la forme d’expression que votre
correspondant utilise et suivez-la le plus possible.
Si vous recevez cet e-mail :

Hé… juste pour être sûre… c’est toujours bon pour vendredi ? Isa

Ne répondez pas ça :
Bonjour Samus,
Je me suis renseigné et j’en ai conclu qu’on aurait plus intérêt à
faire cette réunion dans l’après-midi. S’il te plaît, peux-tu me
contacter dès que possible pour me confirmer si tu es disponible à
ce moment-là ou pas ?
Meilleures salutations
Henrik Fexeus

Dans ce cas, il vaut mieux répondre :

Hello, plutôt vendredi après-midi. C’est OK pour toi ?


HF

C’est particulièrement important quand on correspond par e-mail. Les e-


mails n’ont pas remplacé les lettres manuscrites pour communiquer,
contrairement à ce que beaucoup de gens pensent. Je dirais qu’ils ont plutôt
remplacé les appels téléphoniques car, quand on envoie un e-mail, on utilise
un langage très proche du langage parlé. Le souci, c’est que le sens du
message qu’on délivre oralement dépend entièrement de ce qu’on fait de
notre voix et de notre visage (ou même de notre corps). On a tous besoin
d’un ton, d’un rythme, d’une intonation qui monte ou qui descend en fin de
phrase, de haussements de sourcils, de mouvements de tête, etc., pour
pouvoir déchiffrer ce qu’on nous dit. (Je reviendrai sur l’importance des
expressions du visage pour renforcer un discours plus loin.) Dans l’e-mail,
il n’y a rien de tout cela. On utilise les mêmes mots que lorsqu’on parle,
mais sans le cadre nécessaire pour que notre interlocuteur les comprenne.
C’est pour cela qu’on a inventé les émojis ainsi que les abréviations comme
mdr, amha, dsl (au cas où vous ne le sauriez pas, cela veut dire « mort de
rire », « à mon humble avis » et « désolé ») pour être sûr que la personne à
l’autre bout va bien comprendre une blague ou ne va pas penser qu’on fait
de l’esbroufe. Il faut donc impérativement utiliser les mêmes mots, phrases
et descriptions que notre correspondant, non seulement pour se connecter à
lui, mais aussi pour mieux se comprendre.

UN VIEUX RACCOURCI
Incitez les gens à parler d’eux
Tous les grands sages vous le diront : le sujet de conversation préféré des
gens, c’est eux-mêmes. L’un des premiers spécialistes des relations
humaines, Dale Carnegie, a écrit en 1936 que, pour persuader les autres que
l’on est un excellent interlocuteur, il faut les faire parler d’eux. Il suffit
ensuite de s’asseoir, d’acquiescer et de faire des petits bruits pour les
encourager !
Faire parler quelqu’un de lui est aussi, bien entendu, une bonne astuce
pour qu’il ne se rende pas compte de ce qu’on fait, comme je l’ai expliqué
précédemment. C’est utile dans certaines situations, par exemple quand on
s’entraîne à reproduire le langage corporel d’une personne. Mais surtout,
faire parler quelqu’un de lui permet d’établir rapidement une connexion.

MISE EN PRATIQUE
Assurez-vous que le contact est établi
Il y a plusieurs façons de savoir si l’on est connecté à une personne. De la
même façon que quand on essaie de la guider, il faut commencer par
vérifier si ça marche. Alors changez un détail dans votre langage corporel
ou le rythme de votre voix et regardez si elle en fait autant. Si elle vous suit,
elle va faire pareil. Quand on est bien connecté à quelqu’un, on peut à la
fois le guider et le suivre. Si la personne à laquelle vous vous adressez ne
vous suit pas quand vous essayez de la guider, recommencez à la suivre
pour rétablir la connexion. Puis attendez qu’une occasion se présente pour
reprendre l’initiative. Dans la plupart des interactions, il faut constamment
savoir suivre et guider, faire un pas en arrière et un pas en avant, jusqu’à ce
que les deux parties tombent d’accord ou jusqu’à ce que la conversation soit
terminée.

Sur quoi l’autre personne se concentre-t-elle ?

Pour être sûr que notre interlocuteur s’intéresse à nous, il est aussi utile de
regarder où se dirige son attention. Il doit donc être assis confortablement,
de préférence avec les deux pieds par terre ou une jambe croisée sur l’autre,
ce qui montre qu’il ne rêve pas de partir ailleurs.

Si vous êtes debout, ses pieds devraient être pointés dans votre direction. La
pose macho, le plus souvent adoptée par les hommes, qui consiste à écarter
les jambes et peut-être même à glisser les pouces dans les poches de leur
pantalon, exprime la confiance en soi. Avoir les jambes parallèles est signe
de neutralité. Quand notre interlocuteur a les jambes croisées, c’est soit
qu’il a envie d’aller aux toilettes, soit qu’il se sent inférieur à nous. Mais
toutes ces positions montrent qu’il est disposé à nous écouter. La seule
différence, c’est l’endroit où il se trouve sur l’échelle sociale par rapport à
nous.
Par contre, une « posture de cow-boy » avec une jambe légèrement
pliée et le pied tourné sur un côté indique que la personne est mentalement
déjà partie ailleurs.
La quatrième photo ci-contre est un arrêt sur image d’une posture de taï-
chi. La personne a commencé à déplacer son poids sur une jambe pour
partir et s’est figée (à ne pas confondre avec la posture qui consiste à mettre
une jambe devant l’autre, que l’on prend souvent pour garder notre centre
de gravité vers l’arrière). Pour le moment, elle ne bouge pas, mais quand
son centre de gravité sera complètement vers l’avant, sa jambe se tendra et
elle partira. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle s’est lassée de notre
compagnie, même si c’est peut-être le cas. Cela peut vouloir simplement
dire que, quelque part dans sa tête, elle a commencé à penser à la suite. Elle
peut avoir un autre rendez-vous ou avoir aperçu quelqu’un avec qui elle
voudrait parler au moment où elle en a la possibilité, etc. Quelle que soit
son envie de continuer à nous écouter, elle est déjà ailleurs. La meilleure
chose à faire dans ce cas, c’est de lui rendre service en mettant fin à la
conversation le plus vite possible. De même, il ne faut jamais essayer de
placer une remarque importante à la fin de la conversation car elle ne s’en
souviendra certainement pas. Quand on a encore des choses importantes à
dire, il vaut mieux les garder pour la prochaine fois. En attendant, on
conclut vite et on reprend rendez-vous.
De même, pour être absolument sûr qu’on a toute l’attention de l’autre,
il vaut mieux qu’il nous regarde dans les yeux quand on lui parle plutôt
qu’à côté, observe nos oreilles ou scrute la pièce pour trouver une sortie de
secours (à la fois physique et psychologique). En position assise, une
personne intéressée va aussi se pencher légèrement vers nous.
Observez les pupilles

On peut aussi observer la taille des pupilles de notre interlocuteur, un


exercice moins difficile à faire qu’on ne le pense. Quand quelque chose
nous intéresse, nos pupilles se dilatent. Lors d’une étude, les spécialistes du
langage corporel Patryk et Kasia Wezowski ont découvert que cette
dilatation est de cinq à quinze pour cent, ce qui est trop peu pour pouvoir
discerner si des pupilles sont plus grandes ou plus petites que la normale.
On peut pourtant percevoir clairement le changement, le mouvement des
pupilles qui se dilatent et se contractent. Bien sûr, d’autres facteurs entrent
en jeu, comme la lumière ou l’obscurité. Dans une pièce sombre, nous
avons besoin de plus de lumière pour voir et nos pupilles s’agrandissent. Il
suffit aussi de porter des vêtements sombres pour que les pupilles de notre
interlocuteur se dilatent quand on lui parle. Cela ne veut donc pas forcément
dire que l’on est connecté à lui ou qu’il s’intéresse à nous. C’est peut-être
simplement une réaction à la lumière ou un signe que la personne est en
plein trip. D’où l’importance d’être attentif aux changements. Si vous voyez
que les pupilles de votre interlocuteur se dilatent alors que rien ne change
autour de vous (comme la luminosité), ne bronchez pas. C’est signe qu’il
s’intéresse plus à ce que vous dites et s’implique plus dans la conversation.
Je ne sais pas si c’est vrai, mais on peut lire dans des tonnes de livres
que les marchands de jade de la Chine ancienne se sont mis à porter des
lunettes avec des verres noircis à la suie pour dissimuler leurs pupilles car
ils avaient remarqué que lorsque, à leur habitude, ils marchandaient et
discutaient le prix des pierres précieuses avec leurs fournisseurs, leur taille
augmentait s’ils étaient particulièrement intéressés.
En effet, ils avaient beau essayer de contrôler le plus possible leurs
mouvements, la taille de leurs pupilles les trahissait. Plus récemment, les
joueurs de poker ont fait cette même découverte. La prochaine fois que
vous regarderez un grand championnat à la télévision, comptez combien de
joueurs portent des lunettes noires en finale. Certains mettent aussi des
écharpes ou des chapeaux car, ils ont beau arborer l’air du joueur de poker
parfait, ils ne peuvent pas contrôler leur système nerveux autonome. Qu’on
le veuille ou non, nos pupilles réagissent et s’accompagnent d’autres
phénomènes (notre pouls s’accélère, on se met à transpirer…) quand on est
énervé ou excité.

L’exercice « pupilles »
Commencez à parler de quelque chose de particulièrement barbant à quelqu’un
comme la panne de la photocopieuse au bureau. Remarquez la taille de ses pupilles.
C’est leur taille neutre, due à l’éclairage. Maintenant, changez de sujet et parlez de
quelque chose qui l’intéresse beaucoup : ses enfants ou son bateau, par exemple.
Remarquez comment ses pupilles se dilatent parce qu’il s’intéresse davantage à la
conversation. C’est comme une lentille d’appareil photo qui s’ouvre.

Une personne intéressée a les pupilles dilatées. Et quand elle montre de


l’intérêt pour nous, nous allons à notre tour nous intéresser à elle car nous
apprécions ceux qui nous ressemblent, n’est-ce pas ? Dans ce contexte, tout
changement au niveau des pupilles est un signal extrêmement puissant qui
indique que notre inconscient réagit fortement. Lors d’une célèbre
expérience menée par le psychologue Eckhard Hess, on a présenté à des
hommes hétérosexuels deux photos parfaitement identiques du visage d’une
femme, hormis ses pupilles qui avaient été agrandies sur l’une d’elles. Puis
on leur a demandé de dire sur quelle photo la femme était le plus jolie.
Chaque fois, ils ont désigné celle dont les pupilles avaient été faussement
élargies, même s’ils étaient incapables d’expliquer pourquoi parce qu’ils ne
voyaient pas de différence entre les deux photos. Du moins pas
consciemment. Mais c’est la photo avec les pupilles agrandies qui a capté
leur attention parce que cela rendait la femme plus attirante.
La beauté est bien dans les yeux de la personne qui observe – et de ce
qu’elle croit être ses chances de réussite.

QUAND CELA NE MARCHE-T-IL PAS ?


Situations dans lesquelles il ne faut
pas imiter le comportement d’un autre
Il y a, bien sûr, des situations dans lesquelles il ne faudrait théoriquement
pas reproduire le comportement de l’autre, notamment des détails qui
dérangent ou déplaisent à notre interlocuteur comme une boiterie ou un
handicap. Évitez aussi de reproduire un bégaiement ou une respiration
asthmatique. Les personnes qui parlent avec un fort accent en ont aussi
souvent conscience, surtout si elles n’habitent plus dans leur région
d’origine. Comme il n’est pas rare d’avoir honte de son accent, surtout dans
les grandes villes, évitez de le reproduire sauf si on vous invite à le faire. Il
en est de même avec les tics ou autres signes de nervosité. Et, comme je l’ai
déjà dit, n’approuvez pas un avis qui va à l’encontre de vos opinions ou de
vos valeurs. N’ignorez pas vos sentiments. Il y a certainement des tas
d’autres choses que vous êtes prêt à accepter. Quand quelqu’un est en proie
à des émotions négatives fortes, comme la colère ou la tristesse, évitez
d’être aussi fâché ou triste que lui. Par contre, n’hésitez pas à vous
impliquer davantage et à accroître votre niveau d’énergie pour mieux
comprendre ce qui se passe et ce qu’il ressent, et pour l’aider à se connecter
à vous.
Milton Erickson, le grand spécialiste de l’hypnose, a dit quelque chose
d’intelligent qui fonctionne aussi bien dans la vie en général que dans les
cas où l’on veut se connecter à quelqu’un : chaque fois que vous faites
quelque chose et que vous voyez que ça ne marche pas, arrêtez et changez
de méthode. Si vous n’obtenez aucun résultat en suivant le langage corporel
de quelqu’un, essayez de copier sa voix et ses opinions. Ou copiez sa façon
de penser (je vais vous expliquer comment procéder dans le prochain
chapitre).
Les outils que je vous ai donnés sont plus que suffisants pour bien se
connecter aux autres même si cela dépend de votre capacité à reproduire
leur comportement sans savoir ce qui l’a provoqué. Jusqu’ici, nous nous
sommes amusés à observer les gens de l’extérieur. Dans le chapitre suivant,
nous allons pénétrer dans leur tête pour comprendre ce qu’ils pensent
vraiment, et nous allons apprendre comment le faire.

« Chaque fois que vous faites quelque chose et que vous voyez que ça ne marche
pas, arrêtez et changez de méthode » (Milton Erickson).
Pensez à des moments où vous n’avez pas progressé dans votre vie et demandez-
vous si ce n’est pas dû à votre entêtement à appliquer toujours et encore la même
technique qui ne fonctionne pas. Les solutions les plus simples sont souvent les plus
difficiles à trouver.
CHAPITRE 4
Où l’on va manger un citron, marcher sur la plage et comprendre
comment nos impressions sensorielles façonnent nos pensées et nos
comportements.

LES SENS ET LES PENSÉES

Comment nos impressions sensorielles déterminent


nos pensées

Vous savez désormais comment nos pensées, nos sentiments et nos états
d’esprit agissent sur notre corps, et que cela marche dans les deux sens.
Maintenant, nous devons retourner en arrière, au tout début de ce livre car,
pour être tout à fait honnête, nous avons commencé quelque part au milieu.
Quand on veut apprendre à lire dans les pensées des autres, on doit en effet
prendre le temps d’étudier ce que sont vraiment les pensées. Ne vous
inquiétez pas, nous n’allons pas aborder ce point d’une façon théorique ou
purement académique, mais sous un angle ultra-pratique, comme tout ce qui
se trouve dans ce livre.
Quand on pense, cela déclenche deux processus. Soit on se souvient de
quelque chose et on reproduit des pensées qu’on a déjà eues, soit on en
fabrique de nouvelles. Dans les deux cas, nos impressions sensorielles
jouent un grand rôle car nous avons besoin de nos sens (l’ouïe, la vue, le
toucher, le goût, l’odorat), non seulement pour naviguer dans notre
environnement mais sans aucun lien avec les sensations que l’on perçoit à
l’instant T. Pour penser, on utilise les souvenirs qu’on a gardés de nos
différentes impressions et expériences sensorielles. Quand on se remémore
un événement, comme des vacances qu’on a aimées, on le fait en les
visualisant, en imaginant les sons qu’on a entendus, peut-être même les
odeurs, etc. Et on recrée les impressions sensorielles qu’on a ressenties à ce
moment-là. Ces dernières jouent également un rôle important dans la
création de nouvelles pensées. Le texte suivant s’inspire d’une induction
hypnotique classique, une technique qui aide à intérioriser le processus de
pensée. Lisez-le en essayant de vous y immerger le plus possible (ne vous
inquiétez pas, vous ne serez pas hypnotisé !).

Imaginez que vous marchez sur une plage. Vous êtes pieds nus et
vous sentez le sable s’enfoncer sous vos pieds à chacun de vos pas.
C’est le soir. Le sable est agréablement frais entre vos orteils. Le
soleil est bas dans le ciel. Vous devez plisser les yeux quand vous
êtes face à lui. Le seul bruit que vous entendez est celui des vagues
qui vont et viennent et, de temps en temps, le cri d’une mouette qui
plane au-dessus de l’eau. Vous vous arrêtez un instant et respirez
profondément. Vous pouvez sentir l’odeur des algues dans l’air.
Vous voyez un coquillage sur le sable et le ramassez. Vous le tenez
dans votre main et touchez sa surface blanche et irrégulière avec le
pouce. Vous le mettez dans votre poche et recommencez à marcher.
Maintenant, vous commencez à entendre des voix murmurer, puis un
rire. Devant vous, dans la lumière, vous distinguez des silhouettes
assises à la table d’un restaurant en plein air. Vous sentez une odeur
de cuisine et prenez conscience que vous avez faim. Vous
commencez à saliver. Vous accélérez le pas et sentez que les odeurs
et les bruits se font plus forts.
Si vous êtes vraiment entré dans cette histoire, vous avez pratiquement dû
entendre le bruit des vagues, sentir le sable entre vos orteils et l’odeur des
algues. Vous avez même peut-être salivé à la fin. Tout cela malgré le fait
que vous n’avez jamais vécu un moment semblable en tout point à cette
description. Vous ne pouviez pas vous en souvenir, vous avez donc dû le
comprendre et le construire en assemblant des pièces d’autres souvenirs
similaires, comme pour faire un puzzle. Vous avez déjà tenu un coquillage
dans la main, vous savez ce que ça fait. Vous connaissez aussi l’odeur des
algues. Et si par hasard vous n’avez jamais marché sur une plage au
coucher du soleil et n’avez pas de souvenir similaire à utiliser, vous avez
créé cette histoire à partir d’images que vous avez vues, de récits d’autres
personnes, de scènes de films et d’autres impressions. D’une certaine façon,
vous avez créé dans votre esprit une nouvelle expérience qui est devenue
presque aussi réelle que si vous l’aviez vécue pour de vrai.
Nous utilisons toujours nos impressions sensorielles de cette manière
quand nous pensons. Parfois nous le faisons mentalement, de façon interne,
comme lors de cette promenade imaginaire. À d’autres moments, nos
perceptions sensorielles sont tournées vers l’extérieur, comme quand nous
sentons le monde autour de nous. Nous utilisons donc alternativement nos
sens de façon interne (dans notre esprit) et externe (quand nous ressentons
notre environnement). Plus on se concentre sur ce que notre interlocuteur
nous dit ou sur le contenu d’un texte qu’on lit, plus l’expérience est
intérieure. Par exemple, vous n’avez actuellement aucune idée de ce qui se
passe dans votre gros orteil gauche. Du moins jusqu’à ce que je vous en
parle et que vous vous concentriez automatiquement dessus, d’une façon
extérieure, pour vérifier. Gros orteil gauche ? Je m’en souviens, j’en ai un !
Notre cerveau n’arrive pas très bien à savoir quand on utilise nos sens
d’une manière interne ou externe. Les zones qui s’activent sont donc plus
ou moins les mêmes dans les deux cas.
L’exercice « acidité » :
une hallucination bon marché
Imaginez que vous tenez un citron pelé. Sentez son poids, son moelleux dans votre
main. Il colle un peu à cause du jus. Sentez son odeur forte. Maintenant imaginez que
vous mordez dedans à pleines dents. Sentez son jus acide remplir votre bouche et
couler dans votre gorge.
Si vous l’avez vraiment imaginé, vous avez eu une réaction physique : votre bouche
s’est contractée et la production de salive a augmenté. Tout cela grâce à votre
imagination et à une impression sensorielle intérieure. Votre cerveau a réagi et a
envoyé les mêmes signaux dans votre corps (dans votre bouche en l’occurrence) que
s’il avait capté une impression sensorielle extérieure, comme si vous aviez vraiment
mordu dans un citron.
D’où cette question : si notre cerveau a tant de mal à faire la différence entre des
situations imaginaires et des expériences réelles, comment peut-on faire la différence
entre la vérité et une hallucination ? Et y a-t-il vraiment une différence ? Je vous laisse
y réfléchir.

LES IMPRESSIONS SENSORIELLES


On a chacun nos préférées !
Nos impressions sensorielles tiennent une place importante dans nos
pensées. On en préfère aussi certaines à d’autres. Même si on a chacun nos
favorites, beaucoup préfèrent les impressions visuelles pour penser (en
interne) ou expérimenter le monde (en externe). Mais d’autres préfèrent les
sonores. Et d’autres encore préfèrent les kinesthésiques, c’est-à-dire tout ce
qui a trait aux sensations physiques comme le toucher, la température, etc.
et qui correspond, en interne, à nos émotions. Les gens très émotifs
appartiennent à ce groupe (d’ailleurs, quand on demande « Comment allez-
vous ? » à quelqu’un, cela peut aussi bien concerner son humeur qu’une
cheville foulée). Quelques personnes préfèrent les impressions sensorielles
liées aux goûts et aux odeurs même si, pour des raisons pratiques, on les
classe souvent avec les kinesthésiques.
Enfin, certains n’utilisent pas d’impression sensorielle précise quand ils
pensent. Ils se fondent sur des déductions logiques et des principes, et
aiment réfléchir attentivement même quand ils se parlent à eux-mêmes. On
les appelle souvent des « penseurs binaires » parce que, pour eux, tout est
bon ou mauvais, oui ou non, noir ou blanc. Avec eux, il y a rarement un
juste milieu. Je les appelle les « penseurs neutres » car ils ont moins besoin
de stimuli externes que les penseurs visuels, auditifs et kinesthésiques.
Tout le monde utilise bien sûr ces impressions sensorielles mais dans
des proportions plus ou moins importantes, en donnant la priorité au sens
qui domine les autres. Nos autres sens nous servent à vérifier si une
information perçue par notre impression sensorielle dominante ou primaire
est correcte. On ne donne pas non plus la même priorité et la même
importance à nos sens. Par exemple, certaines personnes sont extrêmement
visuelles et se fondent entièrement sur ce qu’elles voient sans tenir compte
de leurs autres impressions sensorielles. D’autres, bien qu’essentiellement
auditives, utilisent presque autant leurs impressions visuelles. D’autres
encore, bien qu’elles soient principalement visuelles, utilisent leurs
souvenirs – d’abord les affectifs puis les auditifs – pour renforcer et vérifier
ce qu’elles perçoivent visuellement. Et ainsi de suite.

Des sens différents qui créent des façons de penser


différentes

Voici maintenant une information qui va vous intéresser. Notre impression


sensorielle préférée agit sur notre compréhension du monde et donc la rend
différente de celle des autres. On accorde plus d’importance à certaines
choses et on communique de manière différente en fonction des impressions
sensorielles dont on se sert pour interpréter le monde qui nous entoure.
Quand on sait détecter facilement les impressions sensorielles des autres, on
peut aussi, dans une grande mesure, comprendre comment ils pensent,
comment ils préfèrent communiquer, ce qui compte pour eux et ce qui ne
les intéresse pas. Avoir ce genre de compétence améliore considérablement
la capacité à lire dans les pensées, mais aussi les relations avec autrui. Voici
comment faire.

LE REGARD
Les mouvements des yeux
et les impressions sensorielles
En neurosciences, on sait depuis un certain temps que, quand on pense, on
active différentes parties de notre cerveau qui, à leur tour, font bouger nos
yeux d’une manière spécifique pour chacune. Cette connexion a été
baptisée « mouvements oculaires de latéralité ». À la fin des années 1970,
l’étudiant en psychologie Richard Bandler et le linguiste John Grinder, qui
ont inventé la PNL, un programme neurolinguistique souvent controversé,
ont formulé une théorie sur ce qu’ils appellent les « accès oculaires ».
Comme ils avaient déjà compris que les impressions sensorielles jouent un
rôle très important dans le processus de la pensée, ils ont affirmé qu’on
pouvait voir lesquelles s’activent en observant le mouvement des yeux. Le
modèle des accès oculaires ressemble à cela :
Ce modèle a souvent été mal compris car beaucoup de gens ont cru que les
photos ou dessins qui l’illustraient s’appliquaient à tout le monde alors que
ce n’est pas le cas. Richard Bandler et John Grinder voulaient juste donner
un exemple, pas en faire un modèle universel. Dans leur livre Un cerveau
pour changer (Pocket, 2008), ils disent d’ailleurs : « Vous verrez des gens
organisés d’une étrange façon. Mais chaque organisation, aussi personnelle
soit-elle, est systémique ; leurs mouvements oculaires sont systémiques
pour chacun d’entre eux. »
Ceux qui ne suivent pas ce modèle auront toujours leur modèle
spécifique qui sera facile à décrypter grâce aux questions de contrôle. On en
reparle plus loin. Notez que j’utilise le mot « modèle » pour parler de ce
système, car c’est nécessairement une simplification et une généralisation.
Si, après lui avoir posé des questions de contrôle, vous remarquez que votre
interlocuteur ne semble pas le suivre, ne l’utilisez pas. Souvenez-vous des
paroles d’Erickson : « Chaque fois que […] vous voyez que ça ne marche
pas […] changez de méthode. » Le modèle des accès oculaires de Bandler
et Grinder semble pourtant fonctionner la plupart du temps. Ainsi, cette
histoire d’yeux qui seraient le reflet de l’âme, ou du moins celui de la
pensée, est peut-être vraie.
Voici donc ce que dit le modèle standard : les personnes visuelles
regardent en haut et à gauche quand elles se souviennent de quelque chose
et en haut et à droite quand elles fabriquent mentalement de nouvelles
images, par exemple quand on essaie d’imaginer la Joconde peinte par un
enfant de cinq ans. (Notez au passage que ce modèle va à l’encontre de la
croyance populaire et surgénéralisée selon laquelle on regarde vers la droite
quand on ment.) Quand on a des pensées auditives, on regarde
automatiquement sur les côtés : sur la gauche pour puiser dans nos
souvenirs (comme quand on pense à ce que quelqu’un nous a dit) ou sur la
droite pour trouver de nouvelles pensées (comme quand on imagine ce
qu’on aimerait que quelqu’un nous dise). Les sensations et les émotions
physiques se situent en bas, vers la droite, sans que rien puisse nous aider à
distinguer un souvenir d’une construction de pensée. Quand les personnes
qui raisonnent en interne (les neutres) se parlent à elles-mêmes pour
résoudre un problème logique, elles regardent en bas vers la gauche.
Si vous demandez à un ami comment se sont passées ses vacances et
qu’il commence par regarder en haut vers la gauche puis baisse rapidement
le regard vers la droite, c’est le signe qu’il essaie d’abord de s’en souvenir,
puis de confirmer cette impression en se remémorant ce qu’il a ressenti – si,
bien sûr, il suit le modèle dont je parle ici.
Si vous connaissez déjà un peu le modèle des accès oculaires, vous avez
peut-être entendu dire que c’est bidon. La vérité est un peu plus nuancée
que cela. Si ce modèle est très critiqué, c’est souvent parce que les gens ne
croient pas qu’on peut voir si quelqu’un ment en regardant ses yeux bouger,
ce que ses concepteurs n’ont jamais prétendu. Certains regrettent aussi que
ce modèle ne s’applique pas à tout le monde, ce que Bandler et Grinder
pourraient confirmer car ils ont axé leurs recherches sur le fait qu’on est
tous « systémiques » et donc pas tous organisés de la même façon. L’expert
en langage corporel Kevin Hogan a conclu, à la suite d’une étude, qu’on
n’est même peut-être pas du tout organisés naturellement. Cela ne l’a pas
empêché d’émettre lui-même des réserves sur sa méthodologie et d’indiquer
que son étude devait être refaite plusieurs fois avant de pouvoir en tirer des
conclusions. Des études neurologiques officielles ont aussi montré une
connexion entre les états mentaux et les mouvements des yeux, ce qui
semble corroborer les principes du modèle des accès oculaires. La seule
chose que je puisse faire, à mon niveau, c’est juger ce modèle d’après les
expériences que j’ai faites, expériences qui ont été plus que satisfaisantes.
À mon avis, c’est cela le plus important. Si ça marche pour vous, utilisez-
le !
L’exercice « Léonard de Vinci »
Testez le modèle des accès oculaires pour voir si ça marche… dès maintenant ! Fixez
un point, puis déplacez votre regard sur la gauche, et essayez de visualiser le célèbre
portrait de la Joconde. Vous l’avez vu à maintes reprises, sans peut-être jamais y
avoir prêté vraiment attention. Essayez d’y inclure autant de détails que possible. Le
visage, les vêtements, les couleurs, les détails de l’arrière-plan, etc. Faites-le pendant
vingt à trente secondes. C’est bon ? Maintenant effacez cette image de votre esprit.
Regardez en bas, puis à droite, et faites pareil. Essayez d’imaginer la Joconde.
Même si vous venez de vous la représenter mentalement et êtes donc censé refaire
cet exercice facilement, vous avez beaucoup plus de mal cette fois, n’est-ce pas ? Si
c’est le cas, c’est parce que la partie visuelle de votre cerveau ne s’active pas aussi
bien qu’auparavant. Ou plus simplement : vous ne conservez pas les images en bas
et à droite, mais en haut et à gauche.

Questions de contrôle

Pour être sûr que le modèle des accès oculaires peut s’appliquer à une
personne, on peut lui poser des questions de contrôle pour l’inciter à
réfléchir en se connectant à ses impressions sensorielles, et regarder le
mouvement de ses yeux quand elle nous répond. Voici quelques exemples
de questions et de remarques :

Mémoire visuelle
À quoi ressemble le tapis dans ton salon ?
De quelle couleur est ta voiture ?
Décris-moi ton (ta) meilleur(e) ami(e).

Construction visuelle
À quoi ressemblerais-tu si tu avais les cheveux longs (ou courts) ?
Imagine que tu repeins ta maison en faisant des rayures.
Comment écrirais-tu ton nom à l’envers ?

Mémoire auditive
Comment commence ta chanson préférée ?
Imagine que ton réveil sonne.
Te souviens-tu exactement de ce qu’il (elle) a dit avant de partir ?

Construction auditive
Imagine Barack Obama en train de parler avec une voix aiguë.
Te souviens-tu des voix de Laurel et Hardy ?
Comment serait la voix de Bruce Springsteen sous l’eau ?

Mémoire kinesthésique
Tu te souviens comme il faisait chaud l’été dernier ?
Que sent une paire de vieilles chaussettes pourries ?
Imagine que tu manges un citron.

Se parler à soi-même (dialogue interne)


Demande-toi si tu te parles souvent à toi-même.
Que dis-tu quand tu es seul(e) et que quelque chose ne va pas comme tu
veux ?

PAROLE ET COMPRÉHENSION
Comment nos sens agissent sur notre
langage
Pour savoir quelles sont les impressions sensorielles préférées de
quelqu’un, on peut aussi l’écouter. Quand on parle de quelque chose, on
utilise toutes sortes d’affirmations, de mots qui décrivent des actions, de
métaphores, d’images et de comparaisons. Et si l’on en croit les auteurs
Joseph O’Connor et John Seymour, ces affirmations et ces mots sont
déterminés par notre impression sensorielle préférée.

Vocabulaire visuel
Une personne visuelle utilise des mots qui ont un sens dans des contextes
visuels. Elle préfère dire : regarder, se focaliser, s’imaginer, se représenter,
aperçu, brillant, visualiser, perspective, voir, prévoir, clarifier, illustrer,
révéler, illusion, montrer, vision, lumière…
Elle utilise des expressions comme :
– Il faut que je voie ça de près ;
– Je vois ce que vous voulez dire ;
– J’ai besoin de vous voir ;
– Montrez-moi ce que vous voulez dire ;
– Quand vous regarderez en arrière dans dix ans, vous en rirez ;
– L’avenir semble rose ;
– Il est haut en couleur ;
– Sans l’ombre d’un doute ;
– Cela a déteint sur lui ;
– Comme un éclair dans un ciel bleu.

Vocabulaire auditif

Quelqu’un d’auditif utilise des mots qui trouvent une certaine résonance en
lui : dire, accent, rythme, fort, ton, monotone, sourd, sonner, demander,
raconter, discuter, commenter, sonore, écouter, muet, criant, dissonant,
voix, harmonieux…
Il utilise des expressions comme :
– Écoutez ce que je veux dire ;
– Il exprime ses opinions ;
– Quelle couleur criarde ;
– On est sur la même longueur d’onde ;
– Vivre en harmonie avec la nature ;
– Ça sonne faux ;
– Mot pour mot ;
– Je n’ai jamais entendu quelque chose de la sorte ;
– Je pense parler pour nous tous ;
– Pour ainsi dire.

Vocabulaire kinesthésique

Les personnes kinesthésiques (qui sont le plus souvent sensibles au toucher


et aux émotions mais qui, dans ce contexte, sont aussi sensibles au goût ou
aux odeurs) préfèrent utiliser des mots comme : toucher, manipuler,
presser, serré, chaud, froid, contact, tension, stress, solide, douloureux,
tenir, saisir, tangible, lourd, léger, lisse, dur, acide, juteux…
Elles utilisent des expressions comme :
– Goûte ça ;
– Ça pue ;
– Allons-nous nous précipiter dans un nouveau projet ?
– Ça a fini par infuser ;
– Il a des pensées nauséabondes ;
– Je pouvais le sentir dans tout mon corps ;
– Nous n’avons qu’effleuré le problème ;
– Ça lui a cloué le bec ;
– C’est quelqu’un de fragile ;
– C’est une base de travail solide ;
– Elle est douce et affectueuse.

Vocabulaire neutre
Enfin, les personnes neutres qui préfèrent se parler à elles-mêmes avec des
mots qui ne sont pas reliés à leurs sens aiment employer : décider,
déterminer, penser, se souvenir, savoir, noter, comprendre, estimer, alerter,
processus, motiver, apprendre, changer, conscient, capable,
statistiquement, logiquement…
Je ne peux pas vous donner une liste d’expressions qu’elles utilisent, car
elles les évitent le plus possible. Pour faire simple, je dirais qu’elles parlent
plus ou moins comme un document officiel.
Le plus drôle, c’est qu’à force d’éviter d’être mal comprises, elles
obligent les autres à interpréter ce qu’elles disent. En effet, comme ceux qui
les écoutent se fondent souvent sur une impression sensorielle différente, ils
décryptent leur discours à leur façon, ce qui modifie souvent le message
initial. En évitant d’utiliser des mots associés à des impressions
sensorielles, les personnes « neutres » ont aussi tendance à rendre leurs
propres discours beaucoup plus abstraits et difficiles à comprendre. En
effet, si on utilise des mots sensoriels, connectés à la vue, au toucher ou à
l’ouïe, c’est justement pour mieux se faire comprendre.
Comme vous commencez sans doute à le comprendre, nos sens
primaires influent non seulement sur notre façon de parler mais aussi sur ce
qui capte notre attention et nous paraît important. Si une personne visuelle,
une personne auditive et une personne kinesthésique allaient voir un concert
ensemble et partageaient après leurs impressions, leur conversation
ressemblerait à ce qui suit. Devinez qui est qui !
– Ils ont réarrangé toutes les chansons. C’était génial. Ils ont une super
sono mais je me demande pourquoi ils ont joué si fort.
– Je n’ai pas tout bien vu mais j’ai adoré le show. La fin était
particulièrement éblouissante.
– J’ai trouvé qu’il y avait trop de monde et qu’il faisait trop chaud. Mais
ça a quand même été une super expérience qui m’a beaucoup plu.
– Et quand les autres lui demandent pourquoi il n’est pas venu, leur ami
neutre marmonne : Je me pose la même question.

Nos sens déterminent qui nous sommes

Tout ce qui nous définit, même les choses les plus basiques comme nos
loisirs, dépend de notre sens primaire. Les architectes doivent être capables
de visualiser des modèles en 3D complexes, et donc d’avoir une perception
visuelle très développée. Presque tous les producteurs de musique sont des
personnes auditives. Un bon athlète doit être kinesthésique pour avoir
pleinement conscience de son corps. Les gens neutres ou internes font de
bons avocats. Des études portant sur les choix de carrière ont montré que ce
n’est pas qu’une théorie intéressante mais que c’est un fait.
Connaître le sens primaire de la personne avec qui on communique
permet d’adapter notre discours en conséquence. Certaines choses et
expériences peuvent avoir une très grande importance dans la vie d’une
personne visuelle et pas du tout dans celle d’une personne kinesthésique ou
auditive. Quand on trouve quel genre d’impressions sensorielles notre
interlocuteur préfère, il faut utiliser les mêmes mots que lui. À une personne
visuelle, on devrait demander si elle voit les avantages. Si elle est auditive,
on lui dirait d’écouter ce qu’on a à dire sur les bénéfices. Et si elle
kinesthésique, il faudrait la rassurer en lui disant qu’on sent que c’est juste.
Pour les métaphores et les descriptions, c’est pareil. Faites attention à parler
de choses qui, vous le savez, sont importantes pour elle, c’est-à-dire celles
sur lesquelles elle se focalise, celles qu’elle écoute et celles auxquelles elle
accorde de l’importance. Avec une personne visuelle, il faut parler en
images, en lui décrivant un bel avenir et en lui expliquant comment se
concentrer sur notre vision et ne pas la perdre de vue. Il ne sert à rien de
dire à quelqu’un de visuel qu’il a besoin de poser une base solide pour
éviter les écueils car c’est du vocabulaire kinesthésique qu’il ne comprendra
pas. Je suis sûr que cela vous est arrivé de vous disputer avec quelqu’un qui
avait vraiment l’air de vouloir dire la même chose que vous, sans que vous
arriviez à tomber d’accord. Ça se passe souvent comme ça :

LUI : Tu ne vois pas ce que je veux dire ?


VOUS : J’entends ce que tu dis mais je ne comprends pas tes
arguments.

Vous parlez simplement deux langages différents. Mais maintenant, vous


pouvez adapter votre discours à la manière dont votre interlocuteur
comprend, pense et communique avec les autres :

LUI : Tu ne vois pas ce que je veux dire ?


VOUS : D’accord, je vais bien regarder cette fois.

IL Y A FOULE !
COMMENT SE CONNECTER À PLUSIEURS PERSONNES
EN MÊME TEMPS

Quand vous communiquez avec plusieurs personnes en même temps,


comme lors d’une réunion, arrangez-vous pour utiliser toutes les différentes
impressions sensorielles. Imaginons que vous faites une présentation. En
plus d’annoncer à l’assistance ce dont vous allez parler (pour les personnes
auditives), pensez toujours à faire une présentation sur PowerPoint ou autre
(pour les visuels) et à l’imprimer (pour que les kinesthésiques puissent la
tenir dans les mains). En ce qui concerne les personnes neutres, faites en
sorte que vos arguments soient logiques et faciles à suivre. Vous
augmenterez ainsi la capacité de compréhension de chacun. Choisissez
aussi des expressions qui balaient tout le vocabulaire sensoriel. Identifiez
les points les plus importants de votre déclaration et écrivez-la à l’avance.
Si vous vous contentez de parler comme vous le faites habituellement
devant un grand groupe, ceux qui n’ont pas le même sens primaire que vous
vont avoir du mal à comprendre le message que vous voulez faire passer. Si
vous avez quelque chose d’important à dire, arrangez-vous pour le dire
quatre fois, une fois par groupe : « J’espère que vous voyez à quel point il
est important de se concentrer sur ça/vous entendez ce que je vous dis/vous
sentez le poids de mes arguments/vous comprenez que c’est le fondement
d’un choix rationnel. »

Essayez dans la vraie vie ! Avant d’aller plus loin, posez ce livre, sortez de chez vous
ou de votre bureau et parlez à des gens. Essayez de trouver quel est leur sens
dominant et adaptez ce que vous dites en conséquence. La suite de ce livre vous
paraîtra beaucoup plus amusante ensuite.

LES SENS DOMINANTS


Comment trouver le sens dominant
de quelqu’un ?
Il n’est pas toujours facile d’identifier le sens dominant d’une personne
grâce au modèle des accès oculaires ou aux mots qu’elle utilise. Pour ne
rien arranger, les gens qui n’ont pas de sens primaire fort vont utiliser les
différentes sortes de mots plus ou moins dans la même mesure. Et il y aura
aussi toujours des gens difficiles à décoder.

Posez des questions ouvertes


Commencez simplement par demander : « Comment voudriez-vous que je
vous présente ce projet ? » car les gens savent souvent ce qu’ils préfèrent
pour pouvoir bien l’accueillir. Certains vous diront de le faire de vive voix.
D’autres vous demanderont de l’écrire et de prévoir des diagrammes ou des
photographies pour illustrer tout ça. D’autres encore vous répondront qu’ils
ont surtout besoin de ressentir les choses pour pouvoir faire confiance.
Vous pouvez aussi utiliser la vieille astuce des vendeurs de voitures, qui
consiste à poser des questions de contrôle et à écouter les réponses.
Commencez par demander : « Est-ce que ça vous paraît bien ? » Si vous
n’obtenez pas de réponse valable, enchaînez sur : « De quels aspects du
problème avez-vous déjà discuté ? » ou « J’aimerais avoir votre sentiment
là-dessus ». Repérez quelles questions fonctionnent le mieux, puis
continuez en utilisant le même genre de mots et expressions.

Observez les réactions physiques de la personne


Ian Harling et Martin Nyrup, dont je vous ai déjà parlé, ont remarqué que
certains éléments physiques sont reliés à des impressions sensorielles
primaires. (Avant de continuer, sachez que ce que vous allez lire est très,
très généralisé.) Même s’ils sont faciles à repérer chez les personnes qui ont
des sens primaires très forts, ce principe fonctionne aussi quand on veut se
faire une idée sur quelqu’un avant de pouvoir l’observer de plus près.
Les personnes très visuelles accordent beaucoup d’importance à
l’apparence des choses – et à la leur. Elles observent attentivement les
couleurs, les formes et l’éclairage. Elles sont ultra-dynamiques. Comme les
images leur parviennent plus vite que les mots, elles doivent parler vite pour
ne pas perdre le fil et elles le font souvent d’une voix claire et assez forte.
En raison de leur débit rapide, elles respirent plus vite et avec le haut de la
poitrine car elles n’ont jamais vraiment le temps de se reposer. Leur langage
corporel est vif et saccadé, de même que leurs mots. Comme la mémoire
visuelle s’active quand on regarde vers le haut, elles ont souvent les yeux
dans cette position, même si elles s’efforcent souvent de maintenir le
contact visuel avec leur interlocuteur.
Quand un enfant visuel essaie de répondre à une question à l’école, ses
professeurs lui disent souvent : « La réponse n’est pas écrite au plafond »,
ce qui l’oblige à regarder droit devant lui et l’empêche de trouver la
réponse !
Les personnes très auditives pensent et parlent à la même vitesse. Cela
veut dire qu’elles sont plus lentes que les personnes visuelles. Elles font
attention à leurs mouvements, mais sans être crispées, et leurs gestes se
situent souvent au niveau du tronc. Comme elles pensent en utilisant des
souvenirs auditifs, elles sont aussi facilement distraites par des bruits. Si on
leur parle quand elles essaient de comprendre quelque chose, elles perdent
le fil de leurs pensées. Comme moi. Tous ceux qui me parlent pendant que
je compte des doses de café peuvent être certains qu’il va être mauvais. Les
personnes auditives inclinent aussi souvent la tête quand elles réfléchissent,
comme si elles écoutaient quelque chose. Elles respirent avec le diaphragme
et parlent d’une voix mélodieuse, rythmée et variée.
Les personnes très kinesthésiques sont très conscientes de la façon dont
elles ressentent les choses, à la fois intérieurement et extérieurement. Elles
vont par exemple remarquer quand le soleil les éblouit, si leur siège est dur,
si leur pull est confortable ou s’il fait un peu chaud mais que, dans
l’ensemble, elles se sentent bien. Leur rythme est lent. Avant de dire
quelque chose, elles doivent être sûres que c’est bien. Elles parlent
lentement, doucement, d’une voix profonde ou fluette et aiguë. Leur
langage corporel est souvent minimaliste et quand il existe, il est lent et se
situe au niveau de l’abdomen. Elles respirent avec le ventre, comme nous
sommes tous conçus pour le faire. Pour comprendre les autres, elles ont
davantage besoin de toucher que de voir. Pour vous donner une image, elles
ressembleraient à un Père Noël, un gros monsieur avec une barbe, revêtu
d’un épais pull-over. Ou à une maman des années 1950.
On n’a pas pu faire ce genre d’associations pour les personnes neutres
ou qui raisonnent en interne. Beaucoup d’entre elles ressemblent aux
personnes kinesthésiques, même si c’est loin d’être le cas pour toutes. Cela
a donné lieu à la théorie suivante : comme les sens kinesthésiques
(corporels et émotionnels) sont parmi les premiers à se développer et que la
pensée abstraite (le sens neutre) apparaît beaucoup plus tard, certaines
personnes neutres pourraient avoir été kinesthésiques au départ et auraient
enfermé leurs émotions derrière un mur de raisonnements abstraits et
purement logiques après un événement traumatisant dans les premières
années de leur vie. Mais pour autant que je le sache, cette théorie reste à
confirmer.

Observez le rythme de la personne

Quand on prête attention au rythme de la voix et au langage corporel de


quelqu’un, on peut donc se faire une idée de son sens primaire avant même
d’observer la position de ses yeux ou de repérer des mots particuliers dans
son discours. Mais l’inverse est aussi vrai. Quand on sait quel est le sens
préféré d’une personne, on peut avoir une bonne idée du rythme auquel elle
respire, parle et bouge. Quelqu’un de visuel est rapide. Quelqu’un de
kinesthésique est lent. Et quelqu’un d’auditif est entre les deux. Quand on
sait tout cela, on sait comment procéder. Avec un peu de pratique, on peut
aussi suivre le mouvement des yeux de la personne quand elle réfléchit. Si
elle est visuelle et regarde donc vers le haut et la droite quand elle nous
décrit quelque chose, on peut l’imiter et bouger les yeux comme elle pour
lui donner l’impression qu’on visualise la même chose. De la même
manière, on peut écouter les bruits ou essayer de ressentir ce qu’elle écoute
ou ressent. Même si on n’y prête pas forcément attention, on le remarque
inconsciemment, ce qui renforce le sentiment de connexion et
d’appartenance.
Quand on comprend quelle est l’impression sensorielle préférée de
quelqu’un, on comprend ce qu’il essaie de nous dire. Et quand on choisit
nos mots en fonction de la façon dont il pense et perçoit le monde, on peut
lui parler sans risquer d’être mal compris. Mais le plus important, c’est
qu’on s’exprime comme lui et qu’on parle de choses qui l’intéressent. Et en
plus de lui montrer qu’on pense comme lui, cela nous donne un aperçu
intime et fantastique de la façon dont son cerveau fonctionne.
Je vous ai dit plus tôt de reproduire le comportement extérieur de votre
interlocuteur comme le langage corporel, le ton de la voix, le rythme et les
niveaux d’énergie pour vous connecter à lui. Maintenant que vous
connaissez le principe des sens dominants et des accès oculaires, vous
pouvez aussi vous adapter à sa façon de penser. Si vous pensez que cela
suffira à faire de vous un bon mentaliste, sachez que d’autres éléments
influent sur nos processus mentaux : nos émotions. Ce qu’on ressent à
l’instant T a un impact sur ce qui se passe dans notre esprit et détermine
aussi la manière dont on interprète un événement, comme une rencontre
avec quelqu’un. Heureusement, on peut voir les émotions des gens, comme
leur langage corporel ou leurs sens primaires, même s’ils font tout pour les
cacher. Je vais vous expliquer comment faire dans le prochain chapitre,
mais aussi vous montrer la signification de chaque expression émotionnelle
et vous donner la marche à suivre quand vous en aurez identifié une.

Étonnant, non ?

Avant de terminer ce chapitre, je voudrais ajouter une chose concernant


l’utilisation du vocabulaire des différents systèmes sensoriels. J’ai décidé
d’en parler maintenant car j’espère qu’à ce stade vous avez eu le temps
d’utiliser ce modèle.
Sinon, s’il vous plaît, faites-le !
Si vous l’avez déjà fait, je suis sûr que vous avez obtenu de bons
résultats.
Dans ce cas, cela vous intéressera sans doute de savoir que je vous ai
peut-être raconté n’importe quoi.
Depuis que la théorie sur les sens dominants existe, bon nombre de
recherches ont été faites sur le sujet. Il en ressort généralement que, bien
qu’on utilise en effet nos cinq sens pour communiquer, on n’en a pas
forcément un qui soit dominant, stable dans le temps et identifiable via le
vocabulaire qu’on emploie. Un sens devient dominant en fonction de la
situation dans laquelle on nous demande de l’utiliser. Et même dans ce cas,
on alterne entre notre sens dominant temporaire et les autres. Rien ne
prouve non plus vraiment qu’on apprend et qu’on comprend mieux les
choses quand notre interlocuteur se met à nous parler en tenant compte de
notre sens dominant.
Oups.
Si tout cela est vrai, pourquoi tant de gens, des thérapeutes aux
professeurs en passant par les chefs d’entreprise – et même peut-être vous si
vous avez essayé –, prétendent-ils avoir des résultats extrêmement positifs
quand ils appliquent le modèle des sens dominants ? Se mentent-ils à eux-
mêmes ? Probablement. Ou peut-être qu’ils ont raison et que les résultats
des recherches actuelles vont s’avérer faux. On a déjà vu des choses plus
étranges ! Mais laissez-moi vous proposer une autre explication : peut-être
qu’en cherchant ce genre de modèle, on fait plus attention et on devient plus
réceptif à d’infimes modifications dans la façon dont les gens
communiquent en général. Et peut-être que cela nous aide aussi à sentir plus
profondément ce qu’ils essaient de nous dire, quelle que soit la manière
dont ils le font. Peut-être que, quand on essaie activement de mieux
communiquer avec quelqu’un, on y arrive. Donc, quelle que soit la vérité,
nous n’avons aucune raison d’arrêter de faire attention à ce que les autres
nous disent – et à la manière dont ils le font, comme vous vous en êtes déjà
certainement aperçu tout seul.
CHAPITRE 5
Où l’on va démystifier nos émotions, se faire attaquer par un tigre
et étudier une myriade de mouvements musculaires.

LES ÉMOTIONS

Comment nous montrons toujours nos émotions

Nos émotions sont une partie importante de nous, et nous les laissons
souvent prendre le contrôle de nos décisions et de nos actions. Autrement
dit, au lieu de faire quelque chose parce qu’il le faut, on agit parfois sous le
coup de l’émotion (ou, du moins, c’est comme cela qu’on se justifie après
coup). On n’a pas toujours conscience des émotions qui nous traversent.
Mais, et c’est une bonne nouvelle pour les mentalistes, on les montre tous et
toujours, même quand on n’en a pas conscience ou quand on veut les
cacher. Lorsqu’on comprend comment les gens filtrent ou interprètent ce
qu’ils expérimentent ou ressentent, on progresse énormément dans l’art de
lire dans les pensées. Pour ce faire, il faut notamment s’appuyer sur les sens
dominants mais aussi apprendre à voir dans quel état émotionnel ils se
trouvent.
ENCORE UNE FOIS, AVEC
DU SENTIMENT !
Qu’est-ce qu’une émotion, exactement ?
Tout le monde sait ce qu’est une émotion, jusqu’à ce que vous lui
demandiez de la définir.
Berveley Fehr et James Russell

Avant d’étudier les expressions de visage correspondant aux différentes


émotions, je trouve utile de clarifier le concept d’« émotions ». Qu’est-ce
qu’une émotion, exactement ? Les théories à ce sujet ainsi que sur leur
origine pullulent. Ce qui est certain, c’est que nous avons tous les mêmes
émotions basiques et qu’elles se déclenchent pour les mêmes raisons.

Un mécanisme de survie

La cause la plus fréquente d’une émotion est l’impression ou la conviction


qu’on est menacé soit directement, soit sur le plan de notre santé ou de
notre bien-être général. Selon une théorie populaire, les émotions sont à
l’origine des mécanismes de survie biologiques, ces réactions express qui
prennent le pas sur notre esprit rationnel dans des situations où on n’a pas
suffisamment de temps pour réfléchir à ce qui se passe. Dans certains cas,
on doit en effet pouvoir réagir dans l’instant, automatiquement, pour
survivre. Si vous viviez à l’âge de la pierre et si vous deviez étudier toutes
les conséquences de l’attaque du tigre qui est en train de se jeter sur vous en
plus de réfléchir aux options qui s’offrent à vous pour y échapper, vous
finiriez dans son ventre. En fait, nous sommes toujours et inconsciemment
en train de scanner notre environnement à la recherche d’événements ou de
signes. Quand on en repère un, cela déclenche l’émotion correspondante et
transmet un message à notre système nerveux autonome, qui met en route
certains processus pendant que le message continue sa route jusqu’à notre
esprit conscient et l’informe de ce qui est sur le point de se passer. Si cela
vous intéresse, voilà comment cela se déroule en détail.
Une information émotionnelle peut suivre deux circuits dans le cerveau.
Ils partent tous les deux du même endroit : les récepteurs qui ont reçu le
message le redirigent vers une zone du cerveau appelée le thalamus. De là,
le message est transmis à l’amygdale, une petite partie du cerveau en forme
d’amande qui semble jouer un rôle dans les réactions émotionnelles. Elle
est connectée aux zones du cerveau qui contrôlent le pouls, la pression
sanguine et d’autres réactions du système nerveux autonome. Mais notre
message peut emprunter d’autres chemins pour l’atteindre. L’un d’eux est
une voie express qui rejoint directement l’amygdale et qui provoque une
réaction immédiate du système nerveux autonome sans qu’on sache
vraiment à quoi il réagit. Un autre chemin traverse des endroits plus
densément peuplés et diffuse l’information un peu plus lentement. Il passe
d’abord par la zone du cerveau liée à l’attention et à la pensée (le cortex
cérébral) avant d’aller dans l’amygdale. Si cela prend plus de temps, cela
nous permet aussi de mieux comprendre la signification du message.
En termes purement pratiques, cela veut dire que si un truc énorme et
bruyant arrive à toute vitesse sur nous, cela déclenche l’émotion peur, qui
fait, entre autres choses, battre notre pouls à toute vitesse et envoie le sang
vers les grands muscles de nos jambes pour nous permettre de fuir en cas de
besoin. Comme le corps réagit avant le cerveau, on aura donc tourné le
volant pour éviter cet énorme truc et on sera sorti de la route avant d’avoir
eu le temps de se dire : « Mince. Ce camion roule du mauvais côté ! » ou de
prendre conscience que c’était une ombre et qu’on s’est bêtement mis dans
le fossé.
Notre corps va mettre plus de temps à revenir à son état normal que nos
pensées, ce qui veut dire que, bien qu’on ait évité le danger, notre cœur va
continuer à battre la chamade et qu’on va avoir la bouche sèche pendant un
moment, que ce soit utile ou non.
Nos émotions s’activent donc comme les fonctions d’un système
automatisé pour nous sortir de situations menaçantes. Elles provoquent les
changements nécessaires dans différents endroits de notre cerveau et
agissent sur notre système nerveux autonome, qui régule des fonctions
comme la respiration, la transpiration et les battements du cœur. Mais nos
émotions changent aussi les expressions de notre visage, notre voix et notre
langage corporel.

Les émotions sont d’abord des mécanismes automatiques qui activent le système
nerveux autonome sans qu’on ait besoin de réfléchir à ce qui se passe. Grâce à elles,
on a pu survivre et devenir un bipède myope, lent et à la peau fine.

Nous ne sommes pas tout le temps habités par des émotions. Elles vont et
viennent et parfois se succèdent. Et si certaines personnes sont plus
émotives que d’autres, il arrive aussi par moments qu’elles n’aient pas
d’émotions. Il y a une différence entre « émotion » et « humeur ». Une
émotion est plus courte et plus intense alors qu’une humeur peut durer toute
la vie et servir de « toile de fond » à nos émotions.
Avant que la psychologie devienne un sujet scientifique à part entière,
les émotions n’intéressaient pas grand monde. Darwin pensait d’ailleurs que
beaucoup de nos expressions émotionnelles n’étaient plus d’aucune utilité
car on continuait à les utiliser de la même façon que quand on se balançait
de branche en branche. Pour lui, elles n’étaient que le reliquat d’un moment
plus primitif. Pour la plupart des personnes qui écrivaient à l’époque sur le
sujet, elles étaient appelées à devenir moins importantes au fil du temps et
finiraient par disparaître au fur et à mesure de notre évolution. Plutôt
barbant, non ? Heureusement, la science moderne n’est pas du tout de cet
avis. Aujourd’hui, nous comprenons que nos émotions sont au centre de la
vie humaine car ce sont elles qui relient tout ce qui est important pour nous
aux autres, aux événements et au monde.
Quand une émotion nous envahit, on dit qu’on « ressent » quelque
chose. Ce qu’on « ressent » vraiment, ce sont les réactions physiques
qu’elle déclenche en nous. Ces changements peuvent être éprouvants et
désagréables, surtout ceux qui sollicitent beaucoup le corps. D’autres
changements sont bien plus plaisants et sont donc associés à des émotions
positives. Toutefois, l’expérience que l’on vit quand on « ressent » de la joie
ou de la colère est en fait la sensation que provoquent les réactions
biologiques automatiques qui ont lieu en nous. Si cela vous paraît un peu
sec ou prosaïque, je suis désolé d’avoir encore une fois démystifié un terme
vague. D’abord « mentalisme » et maintenant « émotions » ! Pourtant, si
vous y réfléchissez bien, cela ne les rend pas moins importants. Les
émotions (et la capacité de lire dans les pensées des autres) sont aussi
fantastiques et incroyables qu’avant car, même si on sait pourquoi notre
corps picote chaque fois qu’on voit un(e) ami(e) qu’on aime beaucoup
(c’est un effet secondaire d’une réaction biologique automatique), cela ne
change rien au fait qu’on sent vraiment cette délicieuse et douce sensation
un peu partout.

Autres déclencheurs émotionnels

Bien sûr, nous n’avons plus à nous battre pour notre survie chaque fois
qu’une émotion nous traverse. Nos émotions se sont développées avec le
temps et sont devenues plus nombreuses et plus sophistiquées. Elles ne sont
pas toutes universelles : certaines ne sont partagées que par les personnes
d’une même culture. Elles peuvent aussi ne pas être déclenchées
automatiquement. Le célèbre psychologue Paul Ekman a étudié les effets de
différents états mentaux et la façon dont ils se traduisent dans notre corps et
sur notre visage. Il a identifié neuf façons de déclencher une émotion :
Aaaaah, un tigre ! Le plus souvent, une émotion se déclenche quand
on a détecté un signe qui y correspond dans notre environnement. Le
problème, c’est qu’on n’a pas le temps de se demander si elle nous fait
réagir correctement – après tout, on pourrait se tromper… peut-être que
le tigre n’est qu’un rocher. Et on jette notre meilleure lance vers lui.
Je me demande pourquoi elle a fait ça. On peut déclencher des
émotions en réfléchissant à ce qui est en train de se passer. Quand nous
y parvenons, cela active notre base de données émotionnelle et
déclenche un processus automatique. On fait moins d’erreurs, mais cela
prend plus de temps (« Aaaah, c’était bien un tigre ! Comme je le
pensais. Euh… maintenant il mange ma jambe »).
Vous souvenez-vous de la première fois où vous êtes tombé(e)
amoureux(se) ? Il est possible de faire ressurgir des émotions en se
remémorant des situations où elles étaient intenses. On peut alors soit
revivre la même sensation, soit en ressentir de nouvelles, en lien avec
celles de l’époque. On peut par exemple être déçu en se souvenant de la
colère qu’on a ressentie à cette occasion. C’est ce qu’on appelle une
« ancre ». On en parlera plus loin.
Ce serait chouette si… Notre imagination nous permet de fabriquer des
scènes et des pensées qui peuvent faire naître des émotions en nous. Il
est assez facile d’imaginer comment on se sentirait si, par exemple, on
était ridiculement amoureux. Essayez. Vous savez, quand c’est juste si
incroyable. Vous vous souvenez de ce sentiment ? Pouvez-vous le sentir
maintenant ? Je m’en doutais.
Je ne veux pas en parler. Ça va encore me faire souffrir. Parfois, il
suffit de s’asseoir et de raconter à quel point on était en colère pour
l’être à nouveau. Parler d’émotions qu’on a ressenties dans le passé peut
les faire ressurgir, même si on ne le désire pas.
Ah, ah, ah, ah ! Il est toujours plus drôle de regarder une comédie avec
quelqu’un qui rit qu’avec quelqu’un qui fait la tête. On peut ressentir
des émotions par empathie, c’est-à-dire quand l’émotion vécue par
quelqu’un d’autre se diffuse en nous et nous procure la même sensation.
L’émotion de cette personne peut aussi en faire surgir d’autres en nous.
Par exemple, on peut réagir à la colère de quelqu’un par de la peur.
Non ! Méchant ! Pas touche au four ! Quand, dès notre plus jeune
âge, nos parents ou d’autres figures d’autorité nous disent de quoi il faut
avoir peur et ce qu’il faut aimer, on finit par réagir de la même manière
qu’eux en grandissant. Les enfants s’approprient des sentiments par
imitation, en voyant comment les adultes se comportent dans différentes
situations.
Eh, faites la queue comme tout le monde ! Les gens qui transgressent
les normes sociales provoquent de fortes émotions. Ces normes varient
d’une culture à l’autre, bien sûr, et ne pas en respecter une peut faire
ressentir tout un panel d’émotions allant du dégoût à la joie, en fonction
de la norme concernée et de la personne qui l’enfreint.
Ressaisis-toi ! Puisque les émotions ont des expressions physiques
évidentes, on peut aussi les revivre physiquement et mentalement en
utilisant consciemment nos muscles (surtout ceux du visage) comme si
on vivait réellement cette émotion, et donc la déclencher en nous. Vous
l’avez fait au début de ce livre quand vous avez essayé d’être en colère,
vous vous rappelez ? L’exercice « énergie » que vous avez fait aussi se
fonde sur le même principe, bien qu’il sollicite tout le corps.

INTERDICTION DE FAIRE
DES GRIMACES !
Nos expressions de visage inconscientes
Dans le film Le Prestige, le personnage de Rebecca Hall est marié à un
magicien, joué par Christian Bale, qui dit parfois la vérité quand il lui dit
qu’il l’aime, parfois pas. L’un des thèmes principaux du film est la capacité
de l’héroïne à savoir si c’est vrai (ou pas) en le regardant dans les yeux.
Quand on n’est pas sûr de ce que quelqu’un pense vraiment, on regarde
ses yeux. C’est quelque chose qu’on apprend à faire avant même de savoir
marcher même si, malgré ce que certains pensent, on a une image plus
globale que ça. En fait, on regarde attentivement tout le visage. Celui-ci est
constitué de plus de quarante muscles qui échappent, pour beaucoup, à
notre contrôle et qui nous servent à donner des informations très détaillées
sur ce qui se passe en nous. Cela signifie que malgré nos efforts, on finit
toujours par révéler ce qui se passe en nous. Il est d’ailleurs drôle qu’on ne
parvienne pas à mieux à les décrypter que ça.

Plein de petites émotions


On arrive généralement plutôt bien à savoir si quelqu’un est heureux ou très
en colère. Mais on passe souvent à côté de plein de choses, et il faut parfois
que la personne se mette à pleurer pour qu’on comprenne qu’elle est
bouleversée. On confond aussi certaines expressions de visage au point de
croire que quelqu’un a peur alors qu’il est juste surpris, ou qu’il est en
colère alors qu’il est seulement concentré sur un problème. Un changement
sur son visage peut avoir une signification quand il reflète consciemment ce
qu’il est en train de dire, et tout à fait autre chose si ce changement est
inconscient. Si, quand vous m’écoutez parler, vous levez les sourcils, cela
peut vouloir dire que vous ne me croyez pas ou que vous vous posez des
questions. Mais cela peut aussi exprimer une vraie surprise. Si vous me
faites un sourire en coin, cela peut montrer que vous comprenez que je fais
une blague. Mais cela peut être aussi une expression involontaire de
mépris ! Et cela se complique vraiment quand notre visage exprime
plusieurs choses à la fois.
On exprime souvent deux émotions en même temps. Quand on est
surpris, puis heureux quand on comprend le comment du pourquoi, notre
visage manifeste de la surprise puis de la joie. Entre les deux, il y a une
phase où les deux se rejoignent : on a l’air surpris et heureux en même
temps. On peut aussi ressentir un mélange d’émotions comme quand on
éprouve à la fois de la peur et de la joie sur un manège à sensations. Pour
cacher nos vrais sentiments, on montre aussi souvent une autre émotion,
comme lorsque l’on est triste mais qu’on essaie d’avoir l’air heureux. Dans
ce genre de cas, l’émotion qu’on tente de cacher va presque toujours
remonter à la surface, ce qui veut dire qu’on va l’exprimer inconsciemment
en même temps que celle qu’on fait semblant d’avoir. On utilise aussi
parfois les expressions du visage pour nos dires mais aussi pour confirmer
ce qui se passe déjà sur notre visage comme quand on a l’air triste mais
qu’on se force à sourire pour montrer que ça va. Il n’est donc pas étonnant
qu’on s’emmêle parfois les pinceaux.

Les émotions nous rendent humains

Comme je l’ai dit, c’est bien de regarder les gens dans les yeux car, après
tout, toutes les expressions de notre visage reflètent la part d’humain qui est
en nous. Tout le monde sait maintenant que George Lucas a caché les yeux
et les visages des Stormtroopers de Star Wars avec des casques en plastique
pour les faire paraître moins humains. On peut désormais en croiser dans la
rue grâce à l’usage devenu courant du botox, un produit que de plus en plus
de personnes d’âge moyen s’injectent joyeusement, surtout dans le visage.
Le botox provoque des paralysies locales car c’est une toxine qui agit sur
les nerfs tout en effaçant les rides. Malheureusement, cela veut aussi dire
que ces personnes ne peuvent plus utiliser les muscles de leur visage et
qu’elles se retrouvent avec la peau et les expressions d’une poupée Barbie.
Un jour, le directeur d’un magasin à New York m’a expliqué que,
comme il passait beaucoup de temps à négocier et était donc censé
décrypter les réactions de ses interlocuteurs face à ses différentes
propositions, le botox devenait problématique pour lui car les expressions
de leur visage changeaient de façon trop minime pour qu’il parvienne à les
lire. Il m’a aussi avoué se sentir souvent mal à l’aise en leur présence car ils
avaient l’air artificiel, inhumain à cause de leur visage qui ne bougeait pas,
qu’ils soient en colère ou heureux.
Mon conseil : si vous voulez qu’on vous comprenne, évitez de vous
injecter de l’acide botulique dans le visage.
Quand on fait attention aux changements d’expression de quelqu’un, on
peut capter des informations non seulement sur les émotions qu’il ressent à
ce moment-là, mais aussi sur celles qu’il va bientôt ressentir. En effet,
comme les muscles réagissent plus vite que le cerveau (je vous explique ça
plus en détail dans un instant), on peut voir l’émotion qui commence à
poindre chez l’autre avant même qu’il en soit conscient, c’est-à-dire avant
qu’il commence à la « ressentir ». C’est pratique si c’est une émotion qui
n’est pas très utile à l’instant T, comme la colère ou la peur. Quand on voit
les signes avant-coureurs de ce genre d’émotions, on peut encore aider la
personne à l’éviter. Par contre, quand elle est installée, il est beaucoup plus
difficile, souvent même impossible, d’y remédier.

La faute d’Othello

Le souci, avec les émotions, c’est que, quand on en ressent une, on peut très
difficilement s’y soustraire. Cela illustre parfaitement l’expression « Être
esclaves de nos passions » car elles ne laissent plus passer que certains
souvenirs ou impressions. Quand nous sommes envahis par une émotion,
cela nous empêche de nous souvenir d’informations que nous connaissons
qui, bien que nous les connaissions, contrediraient cette émotion. De plus,
ce dont nous arrivons à nous souvenir dans ce cas est souvent déformé. De
la même façon, nous percevons le monde à travers le filtre de cette émotion.
Si elle est négative, nous ne voyons pas les possibilités qui s’offrent à nous,
ou les issues positives, alors que nous percevons très bien tout ce qui la
confirme. Nous nous souvenons soudain des choses que nous avons
oubliées depuis des années mais qui la renforcent : « Au fait, tu te souviens
de ce truc que tu as fait il y a huit ans ? » Ça vous parle ? Quand on a une
forte émotion, on n’essaie pas de la repousser. Au contraire, on veut la
renforcer et la conserver. C’est parfois utile, mais souvent, cela cause des
problèmes. Notre ami Paul Ekman appelle cela la « faute d’Othello », en
référence au personnage principal d’Othello, de William Shakespeare
(encore lui !) et à sa jalousie maladive.
Dans cette pièce, Othello est convaincu que sa bien-aimée, Desdémone,
le trompe et a une liaison avec un autre homme appelé Cassio, ce qui le
rend furieux. (Cassio est son meilleur ami, et toute cette histoire n’est qu’un
mensonge concocté par le méchant Iago, l’autre meilleur ami d’Othello –
preuve qu’Othello n’excelle pas dans l’art de choisir ses amis). Fou de
rage, Othello menace de tuer Desdémone. Celle-ci lui dit d’aller poser la
question à Cassio, qui lui répondrait par la négative, mais c’est trop tard car
Othello lui annonce qu’il l’a déjà tué. Quand Desdémone comprend qu’elle
n’a plus aucun moyen de prouver son innocence, elle commence à craindre
pour sa vie. Pour ne rien arranger, Othello, qui est bloqué dans sa colère et
qui a donc une vision extrêmement sélective de la situation, interprète mal
sa réaction. Il ne comprend pas que même quelqu’un d’innocent serait, dans
ce cas, stressé et terrifié. Et comme le barde d’Avon le dit : « Les gens en
rage frappent ceux à qui ils veulent le plus de bien. » Puisqu’il considère
que la réaction de Desdémone est la preuve qu’elle a quelque chose à
cacher, Othello l’étouffe avec un oreiller.
On peut facilement prendre Othello pour une brute ou un homme
devenu fou d’amour alors qu’en fait il est pris dans le piège dans lequel
nous tombons tous quand nous sommes en proie à une forte émotion car il
est alors extrêmement difficile de se voir et de voir ce que nous faisons
d’une façon objective. Il faut beaucoup s’entraîner pour y remédier. C’est
pourquoi je vous recommande d’apprendre à repérer le moment où
l’humeur de l’autre bascule pour pouvoir y remédier avant qu’il ne soit trop
tard.
Je vous ai expliqué plus haut comment mettre quelqu’un dans de
meilleures dispositions grâce au langage corporel. Vous vous souvenez ?
Quand on modifie l’humeur de quelqu’un, on l’aide aussi à remplacer sa
vision négative et sélective des choses par une vision plus positive, ou son
point de vue négatif par une approche plus positive, ce qui est très utile pour
comprendre ce qui se passe en nous et bien analyser une situation.

Les émotions peuvent déformer notre perception du monde. Celles qui sont négatives
nous coupent d’expériences potentiellement positives et font ressurgir des pensées
noires qu’on avait oubliées. Ne faites rien que vous puissiez regretter plus tard si vous
êtes l’objet d’une forte émotion. Essayez d’attendre qu’elle soit passée avant d’agir,
même si c’est difficile.

Les informations inconscientes

On peut savoir quand quelqu’un commence à se sentir bouleversé ou est sur


le point de se mettre en colère, d’avoir peur ou de devenir menaçant avant
qu’il le soit vraiment en observant les expressions de son visage, et deviner
ainsi avant lui ce qu’il est sur le point de ressentir. Comme c’est de la
lecture de pensées de haut niveau, il faut faire attention à la façon dont on
traite les informations qui nous parviennent parce que la personne à qui on
parle n’a pas consciemment décidé de les partager avec nous et qu’il s’agit
là d’informations personnelles. Être capable de déceler les humeurs de
quelqu’un ne veut pas dire être invité à pénétrer dans ce qu’il a de plus
intime. Si on lui sort de but en blanc ce qu’on a remarqué, il risque de
prendre cela comme une atteinte à sa vie privée, ce qui peut complètement
détruire notre relation. C’est pourquoi il est souvent préférable de se servir
de ce qu’on voit pour adapter notre façon de communiquer avec l’autre au
lieu de l’affronter.

LES SEPT SAMOURAÏS


Les sept expressions émotionnelles
universelles
Quand Paul Ekman a fait le tour du monde pour étudier la manière dont les
êtres humains expriment ce qu’ils ressentent, il a découvert sept émotions
basiques que nous ressentons tous de la même façon, que nous vivions en
Papouasie-Nouvelle-Guinée ou à Springfield, dans l’Idaho. Ces sept
émotions basiques sont :
– la surprise ;
– la tristesse ;
– la colère ;
– la peur ;
– le dégoût ;
– le mépris ;
– la joie.
Ce ne sont bien sûr pas les seules. Par exemple, on comprend mieux la
« joie » quand on la présente sous la forme d’un agglomérat d’émotions
positives, et non sous la forme d’une seule émotion. Les émotions qui ne
figurent pas sur cette liste peuvent être exprimées de différentes façons ou
déclenchées par différentes choses selon la culture ou l’endroit où l’on vit.
Toutefois, en ce qui nous concerne, ces sept émotions suffisent.
Paul Ekman a systématiquement analysé la manière dont chaque
émotion agit sur les muscles de notre visage, autrement dit la tête que nous
faisons quand nous les ressentons. Je me suis appuyé sur ses descriptions
pour faire les photos qui suivent et, pour que ce soit clair, j’ai bien exagéré
les expressions de visage. Vous ne verrez pas souvent ce genre
d’expressions émotionnelles dans la vraie vie. Très souvent, on n’en voit
qu’une partie et elle est d’ailleurs beaucoup plus discrète que sur mes
photos. Mais quand vous saurez ce que vous devez chercher, vous pourrez
facilement détecter les émotions de votre interlocuteur, même s’il les
exprime discrètement.
Comme je vous l’ai déjà dit, les subtiles modifications du visage
peuvent révéler l’émotion que la personne est sur le point de ressentir avant
même qu’elle l’éprouve, ou même si elle ne s’en rend pas compte par la
suite. Ou alors, si elle est tout à fait consciente de ce qui se passe en elle,
elle fait tout son possible pour le cacher en affichant une autre émotion ou
en gardant un visage totalement impassible. Les expressions subtiles et
inconscientes de son visage sont alors autant d’indices sur ce qu’elle ressent
vraiment. Je vais aussi vous décrire ce qui se passe sur votre visage quand
vous essayez de ne pas montrer vos véritables sentiments.

Trois sortes d’expressions subtiles

Il y a trois grandes catégories d’expressions subtiles du visage : les


expressions légères, les expressions partielles et les micro-expressions.
Une expression légère agit sur tout le visage, mais sans trop d’intensité.
Toutes les parties qui le composent sont impliquées, mais le changement
n’est pas très évident. Une légère expression peut exprimer une légère
émotion qui peut à son tour être faible en général ou faible sur le moment.
Ou alors, cela peut être une forte émotion qui vient de surgir et qui ne s’est
pas encore complètement développée, ou simplement une émotion qui était
forte et qui est en train de disparaître. Une légère expression peut aussi
survenir quand quelqu’un tente, sans y parvenir, de dissimuler une forte
émotion – comme quand le perdant de The Voice serre dans ses bras le
gagnant en faisant de son mieux pour ne pas avoir l’air déçu.
Une expression partielle n’active qu’une ou deux parties du visage
normalement sollicitées pour une expression complète. Les expressions
partielles peuvent être fortes ou légères, même si le plus souvent elles sont
légères. Une expression partielle peut signifier deux choses : une émotion
vraiment faible que la personne ne ressent pas fortement ou qui est sur le
point de disparaître, ou une tentative ratée de cacher une émotion forte.
Les micro-expressions, à la fois très fugaces et qui mobilisent tout le
visage, montrent ce que la personne ressent vraiment. Comme elles ne
durent parfois qu’un vingt-cinquième de seconde, elles sont très difficiles à
observer consciemment. Elles sont souvent le fruit d’une interruption : on
commence à manifester ou à ressentir de la peur, on le remarque, et on
essaie de le cacher sous une autre émotion. Cependant, pendant un bref
instant, tout notre visage exprime de la peur. Les micro-expressions
apparaissent souvent en même temps qu’une autre action (on parle, on se
penche en avant, etc.), et on tente aussitôt de les cacher. La plupart des gens
ne les remarquent pas, au moins pas consciemment, mais n’importe qui
ayant de bons yeux peut les voir. Il faut juste un peu s’entraîner. Les micro-
expressions montrent toujours une émotion qu’on refoule. Par contre, elles
ne révèlent pas si on le fait consciemment ou pas, ou si l’émotion qu’on
refoule va à l’encontre, ou pas, de l’émotion qu’on exprime consciemment.

Les expressions ne révèlent pas ce qui les a provoquées

Enfin, n’oubliez pas que, lorsque l’on détecte une émotion, on ne sait pas ce
qui en est à l’origine. Comme il n’a pas tenu compte de cette information,
Othello a interprété ce qu’il voyait en fonction de l’émotion qu’il ressentait.
Si on peut dire de quelqu’un qu’il est en colère en voyant son visage, cela
ne signifie pas forcément qu’il l’est contre nous. Il est peut-être fâché contre
lui-même ou simplement en train de se rappeler un moment où il était en
colère, ce qui a déclenché en lui cette émotion, comme nous l’avons vu un
peu plus tôt dans ce chapitre avec les neuf déclencheurs émotionnels. Bref,
pour ne pas laisser les expressions émotionnelles des autres changer notre
comportement, il faut d’abord essayer d’en comprendre la cause. Le mieux,
dans ce cas, c’est de ne pas commenter ce qu’on a vu et d’attendre une
occasion d’utiliser cette information. Je vais vous parler plus en détail de la
manière dont Paul Ekman conseille d’aborder chaque émotion, en sachant
que la plupart de ses techniques impliquent de ne pas parler de ce que l’on a
capté en l’autre pour le laisser subtilement exprimer ce qu’il ressent au lieu
de l’affronter directement. « J’ai l’impression que tu ressens des choses
dont nous n’avons pas encore parlé. C’est vrai ? » Toutefois, il vaut parfois
mieux se taire.

Il y a trois catégories d’expressions subtiles du visage qui peuvent indiquer que la


personne essaie consciemment de cacher une émotion forte. Les deux premières
peuvent aussi être dues à une émotion clairement affichée mais faible, ou à une
émotion qui vient d’apparaître (et qui peut se renforcer).
1. Les expressions légères qui sont entières mais faibles.
2. Les expressions partielles qui n’actionnent qu’un endroit du visage (comme les
sourcils).
3. Les micro-expression : tout le visage réagit intensément mais dans un laps de
temps extrêmement court.

La neutralité
La photo de moi, en page suivante, a été prise il y a quelques années, un
jour ordinaire de novembre. Mon visage est comme ça quand je suis
complètement détendu. Tous les visages sont différents et certains sont faits
de telle sorte qu’ils donnent l’impression d’exprimer une émotion alors que
ce n’est pas le cas. Comme vous pouvez le voir, j’ai des lèvres assez fines et
une bouche relativement petite. Et les coins de ma bouche tombent
légèrement vers le bas. Cela signifie que des gens qui ne me connaissent
pas peuvent croire que je suis en colère quand je suis tout simplement
détendu, car les lèvres fines sont l’un des attributs de la colère. À moins que
ce ne soit vraiment évident, il ne faut donc jamais penser que quelqu’un que
l’on vient à peine de rencontrer est de telle ou telle humeur. C’est peut-être
son aspect normal. Avant de pouvoir lire ses émotions, il faut savoir à quoi
il ressemble quand il est détendu pour avoir un modèle avec lequel
comparer ses expressions.
Neutralité : « Oh, regarde ! Une nouvelle saison de L’Incroyable famille
Kardashian. »

Chacune des sept émotions dont je vais vous parler maintenant est
accompagnée d’une photo montrant l’expression de visage correspondante,
la plus complète et la plus significative possible. Pour que ce soit bien clair,
cette expression est forte, souvent plus que dans la vraie vie. Puis nous la
décomposerons pour en étudier les différents composants.

La surprise

La surprise est l’émotion la plus brève que l’on peut sentir. Alors
commençons par là. Quand est-on surpris ? Quand quelque chose
d’inattendu se produit ou bien quand ce à quoi on s’attend se transforme
soudain en autre chose. Pour être surpris, on ne doit absolument pas se
douter de ce qui va se passer. La surprise ne dure que quelques secondes,
jusqu’à ce que l’on comprenne ce qui vient d’arriver. Elle cède alors la
place à une autre émotion qui en est la conséquence. À ce stade, on peut
dire : « Quelle bonne surprise ! » Mais en réalité, la surprise en elle-même
n’a aucune valeur. La joie est l’émotion qui nous envahit quand on a
compris ce qui se passe, comme quand quelqu’un passe nous voir à
l’improviste.

Surprise, expression complète : « Ça alors !! »

Comme la surprise arrive à un moment où on ne s’y attend pas, on ne peut


presque jamais la cacher même si on le souhaite. Cela ne pose généralement
pas de problème sauf, bien sûr, si on s’attendait à ce qui allait se passer.
La surprise ne survient pas seulement quand quelque chose nous
surprend et nous fait sursauter, par exemple quand on entend un bruit fort et
inattendu. Dans ce cas, c’est un simple réflexe qui ressemble à de la
surprise. On crispe le visage et on se replie sur nous-même pour se protéger.
À l’inverse, quand on est surpris, notre visage s’ouvre au maximum. La
surprise agit de différentes façons dans trois zones différentes.

Surprise : les sourcils et le front

Les sourcils sont arqués vers le haut. On voit plus de peau dessous et
des rides horizontales apparaissent sur le front si l’on n’est plus très jeune.
Les rides déjà présentes vont se creuser et seront plus visibles. Quand
quelqu’un lève les sourcils comme je le fais sur la photo, sans que la bouche
et les yeux bougent, ce n’est plus une expression de surprise. Et si les
sourcils restent ainsi levés pendant un moment, cela veut dire qu’on doute,
qu’on se pose des questions ou qu’on s’étonne de ce qu’on entend. Cela
peut être une expression sérieuse ou pas, comme quand on n’arrive
simplement pas à croire ce qu’on nous dit. Ainsi que vous pouvez le voir
page suivante, tout mon visage semble exprimer ce genre d’interrogation
même si la seule différence est la position des sourcils. Cette photo est en
fait un ingénieux montage de mon expression neutre et de celle de totale
surprise. Les sourcils et le front viennent du cliché exprimant la surprise
alors que le reste vient de celui du visage neutre que vous avez vu
précédemment. Toutes les photos dans les pages suivantes ont été
construites de cette façon : en prenant la photo neutre comme base et en y
ajoutant les parties du visage concernées par l’expression. Comme vous
pouvez le voir, beaucoup d’expressions changent complètement (et
expriment des émotions très différentes) quand on modifie ne serait-ce
qu’un détail.
On s’est aussi rendu compte qu’une personne qui pose une question
dont elle connaît déjà la réponse ou qui pose une question rhétorique a
tendance à l’accentuer en levant les sourcils. Par contre, si elle ne connaît
pas la réponse, elle va baisser et contracter les sourcils en signe de
concentration (ce qu’on confond souvent à tort avec de la colère). Faites le
test. Demandez « Comment va-t-on régler ça ? » d’abord avec les sourcils
baissés, puis avec les sourcils levés. Remarquez comme votre ton change
quand vous passez d’une question ayant pour but de résoudre
collectivement un problème (avec les sourcils baissés) à une question plus
agressive (avec les sourcils levés).
Surprise : les yeux

Comme vous pouvez le voir sur la photo, mes yeux sont grands ouverts. Les
paupières supérieures sont levées et les inférieures, détendues. Le blanc des
yeux, au-dessus de l’iris (la membrane colorée qui entoure la pupille), est
parfaitement visible. Chez certaines personnes, on peut même voir le blanc
sous l’iris quand, par exemple, les yeux sont très enfoncés ou que la bouche
tire sur la peau située en dessous lorsqu’elle est ouverte.
Quand on ouvre les yeux en grand, on lève la plupart du temps les
sourcils et/ou on ouvre la bouche, même si on peut dissocier ces deux
mouvements. Cela s’insère dans une très brève expression qui montre un
intérêt croissant, comme devant quelque chose qui nous arrache un
« waouh ! ».
Surprise : la bouche

Quand on est surpris, notre mâchoire se « décroche » et notre bouche


s’ouvre plus ou moins en fonction de la force de l’émotion. Comme la
surprise peut être plus ou moins intense, le degré de surprise de quelqu’un
se voit souvent à la façon dont il actionne sa bouche. Si ses yeux et ses
sourcils ne bougent pratiquement pas, plus la bouche est ouverte, plus la
surprise est grande. Lorsqu’on ne voit plus qu’une bouche grande ouverte,
on peut dire que la personne est « estomaquée ». Cela peut être l’expression
inconsciente d’une véritable émotion ou un signal envoyé volontairement
pour manifester la surprise.
Quand on veut cacher nos véritables sentiments, on fait souvent
semblant d’être surpris. Mais la véritable surprise dure si peu de temps
qu’on ne peut pas s’en servir pour cacher une autre émotion. Si l’expression
de surprise est trop longue, cela veut généralement dire qu’elle est feinte.
La surprise est l’émotion la plus brève et ne devrait apparaître que quelques
secondes sur le visage avant qu’arrive une autre émotion.

La tristesse

La tristesse ou le chagrin est l’une des émotions qui durent le plus


longtemps. Quand j’utilise le mot « chagrin », je ne parle pas de son
expression la plus poussée, par exemple celle que l’on voit parfois à des
enterrements. Comme toutes les émotions ont une forme extrême (par
exemple, la forme extrême de la peur est la phobie), quand je parle d’une
émotion, je fais référence à ses expressions les plus courantes.
Tristesse, expression complète : « You had me at hello 1. »

On peut être triste pour toutes sortes de raisons. On l’est généralement


quand on perd quelque chose comme quand on n’a plus confiance en soi
après un échec au travail, quand on est rejeté par un(e) ami(e) ou un(e)
partenaire, quand on perd un bras ou une jambe dans un accident, quand
quelqu’un qu’on aime a failli mourir ou quand on a perdu une chose à
laquelle on tenait beaucoup. On dit alors qu’on n’a pas le moral, qu’on est
déprimé, qu’on est triste, qu’on est déçu, qu’on va mal, qu’on se sent
impuissant ou qu’on est très malheureux. On devient passif et on rentre
dans notre coquille, ce qui nous permet d’économiser de l’énergie et de
reprendre des forces. Mais, comme on a tendance à mélanger la tristesse et
la colère, pour se défendre, on se met à en vouloir à la personne responsable
de notre tristesse.
La tristesse a aussi une fonction sociale car quelqu’un qui montre des
signes de tristesse va souvent recevoir de l’aide et du réconfort de la part de
son entourage. Comme le veut, pour une raison ou une autre, la tradition,
les hommes ont grandi en croyant qu’ils ne devaient jamais montrer leur
tristesse. Beaucoup d’entre eux font donc tout leur possible pour la cacher.
Mais cela ne fonctionne pas à tous les coups car le visage exprime
involontairement ce que l’on ressent même quand on ne le veut pas. Les
gens qui essaient de supprimer leurs émotions ne peuvent quasiment jamais
les empêcher de remonter à la surface.

Tristesse : les sourcils, le front et les paupières supérieures


Dans sa forme la plus extrême, le seul signe de tristesse ou de chagrin n’est,
parfois, qu’un manque de tonicité musculaire dans le visage. Mais le plus
souvent, les sourcils et le front réagissent. La racine des sourcils se
contracte et se lève sans que leur sommet ou leur extrémité bougent. C’est
l’un des mouvements musculaires les plus difficiles à faire consciemment.
Je l’appelle les « sourcils de Woody Allen » parce que les siens sont plus ou
moins toujours dans cette position.
En faisant ce mouvement, les sourcils créent ou approfondissent les
rides verticales situées entre eux et relèvent les coins intérieurs des
paupières supérieures pour former un triangle. Dans certains cas, c’est très
discret. La différence peut être si infime qu’on ne peut pas la voir, surtout si
la personne essaie de cacher ce qu’elle ressent. Mais le triangle au niveau
des paupières sera toujours visible. Alors, en cas de doute, cherchez ce
signe. L’inverse est également vrai. Si les paupières de votre interlocuteur
ont cette forme triangulaire alors qu’il semble être d’une humeur neutre,
c’est sûrement le signe qu’il commence à être triste ou bien qu’il est très
triste mais qu’il essaie de le cacher au mieux en contrôlant les expressions
de son visage. De plus, les paupières d’une personne triste tombent plus que
d’habitude. Ce phénomène accompagne souvent l’expression du reste du
visage. Mais il peut aussi apparaître seul, comme sur la photo.
Tristesse : les paupières inférieures

Si la tristesse est particulièrement profonde, les paupières inférieures vont


aussi réagir et remonter.
Tristesse : la bouche

L’expression de la tristesse au niveau de la bouche est souvent prise à tort


pour du mépris. Les coins d’une bouche triste tombent vers le bas et la lèvre
inférieure avance comme quand on fait la moue. Des rides peuvent
apparaître sur le menton. Par contre, quand on ressent de la répulsion ou du
mépris, la lèvre supérieure se relève. Et même si les coins de la bouche
tombent vers le bas quand on manifeste du mépris, on n’avance pas la lèvre
inférieure. Si la bouche est la seule à exprimer de la tristesse comme sur la
photo, on ne peut quasiment pas savoir ce que la personne ressent vraiment.
C’est l’une des rares fois où l’on ne peut pas se fonder sur une seule
expression de visage pour deviner ce qu’elle cache.
Tristesse : le regard baissé

Sur ce cliché, il y a un nouveau détail caractéristique : le regard baissé que


l’on voit souvent chez les gens tristes. Même si, bien sûr, on baisse les yeux
plusieurs fois par jour sans être forcément triste, si on le fait en exprimant la
tristesse avec nos sourcils, comme sur la photo, le message est très clair. Il
arrive aussi souvent que les joues remontent, ce qui rend les yeux plus petits
que la normale.
Si quelqu’un qui n’est pas triste fait semblant de l’être, cela se voit dans
les parties basses de son visage, surtout la bouche, et au fait qu’il baisse les
yeux. L’absence de signes de tristesse dans les yeux, les sourcils et le front
montre bien que tout cela est feint (sauf, bien sûr, quand on a affaire à l’une
de ces rares personnes qui ne les utilisent pas pour exprimer leur chagrin –
elles existent, mais elles ne sont pas nombreuses). Pour être sûr qu’il s’agit
d’une véritable expression de tristesse, regardez si ses paupières supérieures
forment bien un triangle.
Si quelqu’un est triste mais essaie de le cacher, il fera généralement tout
pour contrôler sa bouche. Mais ses « yeux triangulaires » et, souvent, ses
sourcils vous aideront à comprendre ce qui se passe.

La colère

On se met souvent en colère quand quelque chose ou quelqu’un nous


empêche de faire ce qu’on veut ou quand quelqu’un s’oppose à nous. Et on
est encore plus fâché quand l’obstacle n’est là que pour nous. On peut aussi
ressentir un sentiment de frustration lorsque quelque chose ne fonctionne
pas comme il le devrait et donc, là encore, se met en travers de notre
chemin.
On se met aussi parfois en colère contre nous-même. Un autre élément
déclencheur de la colère peut être la violence ou des menaces de violence
qui nous horripilent ou nous effraient. On se met aussi en colère quand
quelqu’un ne se comporte pas comme on le souhaite ou nous déçoit.
Colère, expression complète, deux versions : « Je t’ai dit d’arrêter de faire
du mal à ton frère ! »

On ne ressent pas la colère seule très longtemps – elle a tendance à se mêler


à une autre émotion comme la peur ou le mépris. La colère est l’émotion la
plus dangereuse car elle peut nous pousser à faire physiquement ou
psychologiquement du mal à la personne contre laquelle on est fâché. Si
l’envie de frapper les autres nous envahit quand on est jeune, on apprend à
la contrôler en grandissant.
Alors, ça sert à quoi d’être en colère ? La colère nous fait réagir et nous
incite à changer ce qui l’a déclenchée, à condition, bien sûr, de le savoir.
Comme on se fâche souvent contre les mauvaises choses, il est fortement
déconseillé d’agir sous le coup de la colère. Quand on est en colère, on
interprète et on perçoit tout à travers elle. Le mieux, dans ce genre de
situation, c’est de se taire et de ne rien faire jusqu’à ce que notre colère
commence à se dissiper et qu’on soit capable d’avoir une perception plus
nuancée de la situation.
Quand on est exposé à une menace, quelle qu’elle soit, la colère peut
aussi nous aider car elle réduit notre peur et l’empêche de nous paralyser.
Grâce à la colère, on peut affronter ce qui se passe.
Une vraie colère affecte au moins trois zones du visage. Ce n’est
qu’ainsi que l’on peut savoir si elle est véritable ou pas.

Colère : les sourcils

Quand on est en colère, les sourcils se contractent et s’abaissent. Des rides


apparaissent entre les sourcils, mais pas sur le front. Si vous en voyez, cela
peut vouloir dire plusieurs choses : la personne est en colère mais essaie de
le cacher, elle est légèrement agacée ou commence à être en colère, elle est
sérieuse ou concentrée, elle ne comprend pas ce que vous dites.
Si quelqu’un adopte cette expression quand vous venez de lui faire part
d’un problème complexe, cela veut dire que vous devez vous expliquer
d’une façon plus claire puisqu’il doit visiblement faire un effort pour vous
suivre. Darwin appelait le muscle responsable de cette contraction le
« muscle de la difficulté ». On l’utilise apparemment chaque fois qu’on est
confronté à quelque chose de difficile ou d’incompréhensible.

Colère : les yeux et les paupières

Quand on est en colère, nos paupières se crispent et notre regard se fait


perçant. Les paupières inférieures peuvent être plus ou moins levées en
fonction de l’intensité de la colère. La pression au niveau de nos sourcils est
telle qu’elle fait baisser nos paupières supérieures, ce qui rétrécit nos yeux.
Si quelqu’un nous regarde ainsi, sans afficher d’autres expressions, cela
peut vouloir dire qu’il contient sa colère mais aussi qu’il est en train
d’essayer de se recentrer et de se concentrer. Même si les yeux et les
sourcils sont tels que décrits précédemment, cela peut être une expression
de colère ou de concentration. En revanche, quand nos yeux se crispent,
c’est généralement pour nous aider à mieux diriger notre regard, comme
lorsqu’on veut mieux voir quelque chose. Pour être sûr que c’est de la
colère, on doit donc aussi regarder la bouche.

Colère : les deux sortes de bouche en colère

Il y a deux sortes de bouche en colère. Il y a d’abord la bouche fermée, avec


les lèvres serrées l’une contre l’autre, qu’on utilise quand on attaque
physiquement quelqu’un (dans une bagarre) ou quand on essaie de ne pas
dire quelque chose qui nous brûle les lèvres. Et puis il y a la bouche ouverte
qui sert à exprimer (souvent bruyamment) notre colère, dans toute son
intensité.
Si on ne voit que la bouche, on peut difficilement comprendre ce que
signifie cette expression. Une bouche fermée peut indiquer une légère
colère ou une colère contrôlée mais aussi, comme certaines positions des
sourcils, de la concentration ou un effort mental. Mais cette fois, ce n’est
pas mental. C’est physique, comme quand on soulève quelque chose de
lourd.
Une bouche fermée et pincée est l’un des signes avant-coureurs de la
colère. On peut d’ailleurs facilement remarquer la mâchoire qui se crispe.
Ces signes apparaissent souvent avant qu’on se rende compte qu’on est en
colère.
Il est difficile de savoir si la colère est feinte car son expression actionne
des muscles qu’il est facile de contrôler consciemment, et tout le monde sait
le faire. Quand on fait semblant d’être en colère, on pense aussi, pour une
fois, à mobiliser les sourcils. Pour savoir si la colère est vraie ou fausse, il
vaut mieux regarder à quel moment le visage se modifie. L’expression de la
colère y apparaît-elle en même temps que les mots et les actions, ou après ?
La colère est aussi le moyen le plus efficace pour cacher une autre émotion
car on fige tout notre visage. Seuls les sourcils montrent notre véritable
humeur. Heureusement, nous vivons dans une culture où il ne sert pas à
grand-chose de passer la journée en ayant l’air en colère, même si certaines
personnes semblent s’y employer. Quand quelqu’un est en colère mais
essaie de le cacher, cela se voit dans la tension de ses paupières, dans son
regard et à la contraction de ses sourcils.

La peur

La peur est l’émotion qu’on connaît le mieux pour la simple raison qu’il est
facile de faire peur à des animaux au cours d’expériences. La peur se
déclenche quand on risque d’être blessé physiquement ou
psychologiquement. Parmi les exemples de déclencheurs de la peur, il y a
les objets qui se dirigent rapidement vers nous, ou bien les moments où on
perd l’équilibre et où on tombe, réellement ou métaphoriquement. L’idée de
la douleur, comme lorsqu’on va chez le dentiste, peut aussi déclencher la
peur. La plupart des gens ont aussi peur des serpents et des reptiles, ou de
tomber d’une grande hauteur.
D’un point de vue biologique, la peur nous prépare à nous cacher ou à
nous enfuir. Le sang se dirige vers les grands muscles de nos jambes pour
qu’elles puissent courir en cas de besoin. Si on ne fuit pas, on essaie de se
cacher. Les animaux font ça. Les daims qui se figent dans les phares d’une
voiture en sont un exemple.

Peur, expression complète : « Quoi ? One Direction s’est reformé ? »

Même si cette réaction peut paraître étonnante, elle s’explique par le fait
que les prédateurs ont une si mauvaise vue qu’ils n’arrivent pas à bien
distinguer leur proie si elle ne bouge pas. Quand on dit qu’on est « paralysé
par la peur », c’est vraiment pour se cacher.
Si on ne peut ni s’enfuir ni se cacher, il y a de fortes chances que notre
peur se transforme en colère. Autrement dit, si le message qui ordonne à
notre système nerveux de nous préparer à nous enfuir ou à nous cacher n’est
pas suivi d’effets, on en envoie un autre qui nous fait bouger. Pour faire face
à la situation, on se met alors en colère contre ce qui nous menace. Les
expressions de visage liées à la peur ont deux significations : « Il y a un
danger tout près, sois prudent » et « AU SECOUUUUUUURS ! SORTEZ-
MOI DE LÀ ! » Dans ce cas, il est utile d’avoir des expressions de visage
car, quand l’émotion est trop forte, on est souvent incapable de parler,
comme Porcinet dans Winnie l’Ourson quand il dit : « Au secours, au
secours ; un éféfé, un éfanfant, un éfélant ! »

Peur : les sourcils


Quand on a peur, les sourcils sont levés mais restent droits. Comme pour la
surprise, en plus d’être levés, ils se contractent et se rapprochent, mais
encore plus. Et ils ne se relèvent pas autant.
Des rides apparaissent aussi sur le front même si, quand on a peur, elles
apparaissent rarement sur toute sa surface. Lorsque seuls les sourcils
réagissent, cela manifeste de l’inquiétude ou une peur que l’on maîtrise. Sur
cette photo, tout mon visage a l’air inquiet. Mais n’oubliez pas que c’est un
montage où tout ce qui est sous les sourcils provient du cliché sur lequel j’ai
une expression neutre.

Peur : les yeux


Les yeux sont ouverts et contractés. Comme pour la surprise, les paupières
supérieures se relèvent de sorte que l’on voit le blanc des yeux même si,
dans ce cas, les paupières inférieures sont contractées au lieu d’être
ouvertes et peuvent couvrir une partie de l’iris. Les yeux contractés et les
sourcils levés vont souvent de pair (comme montré ici), de même que les
sourcils et la bouche, mais ils peuvent aussi réagir indépendamment les uns
des autres. Dans ce cas, c’est très rapide et cela montre une véritable peur,
qui est soit modérée, soit contrôlée.
La bouche est ouverte ou presque fermée. Les lèvres sont serrées et
peuvent être pincées, contrairement à la bouche plus détendue qu’on affiche
quand on est surpris. Si seule la bouche réagit, c’est signe d’anxiété ou
d’inquiétude. Si elle est fermée et craintive sans que le reste du visage
bouge, cela peut rapidement vouloir dire qu’on a peur et qu’on essaie de ne
pas le montrer, qu’on se souvient d’un moment où on a eu peur ou qu’on le
fait consciemment pour illustrer notre propos, comme quand on dit :
« Waouh ! C’était flippant ! »
Peur : la bouche

Quand quelqu’un fait semblant d’avoir peur, comme d’habitude il va


probablement oublier d’utiliser ses sourcils et son front et ne se servir que
de sa bouche. Il va aussi sans doute oublier de se servir de ses yeux.
Si on voit les sourcils de notre interlocuteur manifester de la peur, parce
qu’il est peut-être en train d’essayer d’exprimer une autre émotion avec le
reste de son visage, c’est généralement un signe de peur suffisant et réel. La
seule fois où le front et les sourcils n’apparaissent pas dans une véritable
expression de peur, c’est quand elle nous paralyse, quand on est dans un état
de choc. Dans ce cas, seuls les yeux et la bouche bougent.

Le dégoût
Faites comme suit : avalez un coup – maintenant – pour assécher votre
bouche. Attendez un peu jusqu’à ce que vous sentiez que vous avez
fabriqué suffisamment de salive. Ça va prendre un petit moment. Prêt ?
OK ? Maintenant, imaginez que vous crachez cette nouvelle salive dans un
verre.
Et puis buvez-la.
J’utilise cet exercice mental, inspiré du travail du psychologue Paul
Ekman quand je donne des conférences. Lorsque j’invite l’assistance à le
faire, les expressions de visage que je vois sont les mêmes que ci-après. Le
dégoût, ou la répugnance, apparaît généralement quand on ressent de la
répulsion pour quelque chose, comme le goût d’un liquide qu’on veut tout
de suite recracher. On peut aussi être dégoûté à la simple pensée de manger
quelque chose. Il en est de même pour certaines odeurs ou les textures
visqueuses. Certains gestes peuvent provoquer du dégoût comme quand
quelqu’un maltraite un animal ou fait du mal à un enfant. Parmi les
déclencheurs de dégoût les plus courants, on peut aussi citer les excrétions
corporelles : matières fécales, fluides, sang et vomi. L’émotion n’apparaît
que lorsqu’elles sortent de notre corps, comme la salive dans l’exemple
précédent. Tant que la salive est dans notre bouche, tout va bien. Quand je
vous ai demandé d’avaler votre salive la première fois, vous l’avez fait sans
problème, contrairement à la seconde fois, où vous l’avez sortie brièvement
de votre corps. Et voilà. Vous êtes dégoûté !
On ne commence à ressentir du dégoût que vers quatre ou cinq ans et, à
partir de là, cela nous fascine. C’est pour cette raison qu’on trouve du faux
vomi dans les magasins de farces et attrapes, qu’il y a des films comme
Dumb and Dumber et American Pie et que tant de gens inspectent leur
mouchoir après s’être mouchés.
Une fois adulte, on pense qu’on ressent essentiellement du dégoût pour
d’autres personnes : des gens qui commettent des actes immoraux, des
politiciens, des tyrans, etc., même si la notion d’« acte immoral » peut
varier d’une culture ou d’une mentalité à l’autre.

Dégoût, expression complète, deux versions : « Non, vraiment, ça va. Tout


le monde finit un jour ou l’autre par avoir la gastro. »

Le dégoût est une émotion extrêmement puissante. Le psychologue et


chercheur John Gottman, qui a passé quatorze ans à filmer des entretiens
avec six cent cinquante couples mariés dans son « Love Lab », a découvert
avec ses collègues que certains signes montrent, en seulement trois minutes
de conversation, si un couple va durer ou pas. L’un des principaux est le
dégoût. Si de légers signes de dégoût se manifestent inconsciemment,
surtout chez la femme, le couple a peu de chances, statistiquement parlant,
d’être encore marié quatre ans plus tard.
Le rôle du dégoût est, naturellement, de nous faire prendre nos distances
par rapport à sa cause. Même si on peut penser que notre dégoût pour le
sang ou les déchets corporels nous a aidés à éviter des infections, d’un autre
côté il a aussi limité notre empathie et nos habiletés sociales. Quand on est
dégoûté par quelqu’un, il devient moins humain à nos yeux. Ce constat a été
(et est) utilisé avec succès dans la propagande politique et religieuse car il
est plus facile de ne pas faire preuve d’humanité envers des gens qui nous
dégoûtent. C’est exactement comme dans Star Wars, où il est beaucoup plus
facile de tuer les Stormtroopers par douzaines quand on ne voit pas leur
visage.
Sur ces deux photos, les rides sur le nez et la lèvre supérieure retroussée
manifestent du dégoût. La lèvre inférieure peut aussi remonter et aller vers
l’avant, ce qui ferme la bouche, ou s’abaisser et ressortir, ce qui l’ouvre. De
plus, des rides apparaissent parfois sur les côtés et au-dessus du nez. Plus on
est dégoûté, plus elles sont nombreuses. Les joues remontent aussi, ce qui
pousse les paupières inférieures vers le haut, rétrécit les yeux, et crée des
lignes et des plis dessous.
Quand on est très dégoûté, les sourcils s’abaissent souvent même si cela
n’a pas vraiment d’importance dans ce cas précis. Certaines personnes
prennent les sourcils baissés pour un signe de colère alors qu’ils ne sont pas
contractés au milieu et que les paupières supérieures ne sont pas relevées
comme elles devraient l’être dans ce cas précis. Si on veut exprimer du
dégoût, sans le ressentir vraiment, on va utiliser certains aspects de son
expression. On va, par exemple, retrousser le nez et dire : « Ça pue
vraiment ! Quand est-ce qu’on a nettoyé la cage du hamster pour la dernière
fois ? » Si on affiche l’expression de dégoût entière volontairement, on va la
garder sur notre visage plus longtemps, pour montrer qu’on illustre
consciemment notre propos.
Le dégoût se voit tellement bien sur le visage qu’il est facile à simuler.
On le fait d’ailleurs souvent pour montrer ce qu’on ressent dans une
conversation. Comme le front et les sourcils ne sont pas beaucoup utilisés
dans le dégoût, cela veut dire que cela n’a aucune importance s’ils ne
bougent pas lorsqu’on le simule. Et comme il se manifeste presque
exclusivement sur le bas du visage, on peut assez facilement le dissimuler.
En cas de doute, cherchez les rides sur l’arête du nez. Elles sont
généralement suffisamment hautes pour qu’on ne puisse pas les contrôler.
Toutefois, le plus souvent, on ne pense pas à cacher le dégoût quand on
commence à le ressentir. Je dirais même qu’on n’en a pas toujours
conscience, contrairement aux autres émotions. Lorsqu’on parle
d’« émotions », on pense le plus souvent à la tristesse, à l’amour, à la
colère, etc., et rarement au dégoût. C’est pour cela que, même quand on
sourit, le dégoût se voit généralement sur le reste du visage sans qu’on s’en
rende compte.

Le mépris

Le mépris est étroitement lié au dégoût, à plusieurs grandes différences


près, dont la façon dont on les exprime et leur signification. On ne ressent
du mépris que pour d’autres personnes et pour leurs actions. Contrairement
au dégoût, on ne peut pas mépriser des choses. La pensée d’une version
techno de Macarena de Los del Rio peut en dégoûter certains (ou même,
d’ailleurs, leur faire peur) sans provoquer en eux un sentiment de mépris.
Par contre, on peut mépriser ceux qui choisissent de l’utiliser comme
sonnerie de téléphone. Si on ne ressent pas nécessairement le besoin de
s’éloigner de ceux qu’on méprise, on se sent supérieur à eux car ce
sentiment s’accompagne souvent d’un sentiment de supériorité.
Parmi les autres formes de mépris que l’on trouve souvent dans notre
culture, il y a celui que l’on ressent pour nos supérieurs, comme celui des
adolescents pour les adultes ou celui des personnes ayant peu fait d’études
pour les personnes très éduquées. Ce genre de mépris aide à se sentir
supérieur à ceux qui sont plus haut que nous sur l’échelle sociale. Les
personnes qui vivent mal leur situation ou leur statut se servent souvent du
mépris comme d’une arme. Beaucoup de gens gardent aussi leur pouvoir et
leur statut en méprisant leurs inférieurs. C’est une méthode très efficace
même si, à force de se faire détester, ils finissent par se retrouver tout seuls
sur leur perchoir.
Mépris, expression complète : « Quoi ? Tu ne lis pas de livres ? »

Précédemment, je vous ai parlé des découverts de John Gottman sur les


signes de dégoût inconscients chez les couples mariés. À l’époque, cela
avait plus de répercussions sur la relation amoureuse si c’était la femme qui
l’exprimait. Mais John Gottman a aussi étudié le mépris. Quand la personne
dominante manifeste de subtiles expressions de mépris dans une relation
(c’est généralement l’homme), l’autre personne (c’est généralement la
femme) va se sentir rabaissée, être convaincue que son couple connaît de
graves problèmes et qu’ils ne peuvent pas les résoudre, et va aussi plus
souvent tomber malade ! Cela n’arrive qu’en cas de signes de mépris, pas
de colère ou de dégoût. Il faut donc y être très attentif quelle que soit la
relation.
Il y a quelques années, j’étais dans une relation qui stagnait. La façon
dont ma partenaire vivait m’agaçait depuis quelques mois. Un jour, je me
suis rendu compte que j’activais certains muscles de mon visage quand je
pensais à elle et que mon expression de visage manifestait du mépris, ce qui
avait, naturellement, changé mon état d’esprit envers elle.
Quand je l’ai compris, j’ai pu plus facilement éviter de crisper mon
visage. Bien que cela ait nettement amélioré la perception que j’avais d’elle
et de notre relation, il était malheureusement trop tard. Notre couple était
déjà condamné. Ce n’est bien sûr pas uniquement pour cela que nous nous
sommes séparés mais le mépris que j’exprimais inconsciemment pour les
personnes que nous étions dans notre relation n’a probablement pas aidé.
Le mépris se traduit sur le visage par un coin de bouche serré et relevé,
comme si on souriait en coin. Parfois, la lèvre supérieure se relève sur un
côté, comme dans un demi-sourire dégoûté. Pensez au visage d’Elvis (ou de
Billy Idol). En fonction de la force du mépris, cela peut être léger (une
simple contraction de la lèvre supérieure) ou si évident qu’on voit les dents.
Cette expression s’accompagne souvent d’un flux d’air dans le nez, un peu
comme quand on renifle. Les yeux ont tendance à tomber vers le bas : on
regarde littéralement la personne que l’on méprise de haut.

La joie

Il existe de nombreuses émotions, positives comme négatives.


Malheureusement, nous manquons de noms pour les émotions positives.
Pour le moment, nous allons donc nous contenter de « joie » et de
« bonheur ».
Éprouver des émotions positives peut aussi consister à éprouver des
sensations agréables, comme lorsque l’on sent une bonne odeur ou que l’on
admire de beaux objets, que quelque chose nous amuse ou que l’on est
simplement bien. Si la différence se voit moins sur le visage, elle se sent
vraiment dans la voix. La plupart des expressions de joie sont
accompagnées de bruits qui vont du cri au soupir de soulagement. Parmi les
autres formes de joie, il y a l’excitation, le soulagement et l’émerveillement
que l’on ressent quand on est submergé par une force incompréhensible.
L’extase est une autre forme de joie, tout comme le sentiment de réussite
quand on est venu à bout d’une tâche difficile, où se mêlent des sensations
de joie et de fierté. La joie peut aussi se combiner à la fierté. C’est ce que
les parents ressentent quand leur enfant arrive à faire quelque chose de
difficile. Et, bien sûr, il existe aussi une émotion liée à la joie qui est
socialement assez mal acceptée : celle provoquée par le malheur d’autrui.
La plupart des émotions positives sont nécessaires au bon
fonctionnement du monde : quand on se dépasse pour les ressentir, cela
nous motive pour accomplir des actions bonnes pour nous. On se fait des
amis. On a envie de vivre de nouvelles expériences. Cela nous encourage
aussi à mener des activités essentielles à la survie de l’humanité comme
faire l’amour ou s’occuper de nos enfants. De plus, de nombreux
scientifiques pensent que les gens optimistes vivent plus longtemps que les
autres !
Il y a des différences évidentes entre un sourire naturel et un sourire
faux. Quand on sourit vraiment, on utilise deux muscles importants de notre
visage : le grand zygomatique qui remonte les coins de la bouche et le
muscle orbiculaire qui crispe la zone autour de l’œil et fait loucher un peu
car la peau sous la paupière inférieure se contracte, les sourcils s’abaissent
et des rides apparaissent de chaque côté du visage. Même si on peut
consciemment contrôler les grands zygomatiques en relevant les coins de la
bouche pour sourire, ce n’est pas le cas des muscles qui entourent les yeux.
Joie, expression complète : « Tout compte fait, One Direction ne se reforme
pas ! »

Le muscle orbiculaire est constitué d’une partie intérieure et d’une partie


extérieure. La partie extérieure peut être volontairement contrôlée par dix
pour cent des êtres humains. Et quand elle ne bouge pas, cela fait une
véritable différence, tout à fait visible. Cela dit : « Sa bouche sourit mais
pas ses yeux. » Quand on arrive à contrôler consciemment le muscle
orbiculaire, cela donne donc un sourire incomplet (et faux) et cela permet à
la zone autour des yeux d’émettre involontairement d’autres signaux.
Quand on sourit vraiment, nos sourcils s’abaissent légèrement, ce qu’on ne
pense pas à faire quand on simule. Si vous essayez, vous verrez que c’est un
peu flippant.
Selon certaines études, les couples qui sont heureux ensemble sourient
en utilisant les muscles autour de leurs yeux, contrairement aux autres.
Toujours selon ces études, quand on sourit beaucoup en activant les muscles
orbiculaires, cela réduit la tension artérielle et accroît la sensation de
bonheur. Quand on les sollicite, cela semble aussi activer des zones du
plaisir dans le cerveau. Les gens qui ne sourient qu’avec leur bouche ne
savent pas à côté de quoi ils passent !
Les sourires faux se détectent incroyablement vite. Pour entraîner les
gens à percevoir des changements rapides dans des expressions de visage,
j’utilise une série de photos qui simulent les micro-expressions. Tous ceux
qui font ce test bloquent sur le même cliché, celui représentant une
personne dont les micro-expressions sont censées représenter la joie.
Comme l’homme photographié n’est pas un grand acteur, la joie n’apparaît
que dans sa bouche, pas dans ses yeux. J’ai beau montrer la photo
suffisamment vite pour que le seul changement que l’on puisse remarquer
consciemment soit un grand sourire, la plupart des gens sentent que quelque
chose cloche sans pouvoir dire quoi. Ils ne comprennent qu’ils ont réagi à
une fausse expression de visage que lorsqu’ils prennent le temps de
l’étudier.
Si vous voulez mettre toutes les chances de votre côté quand vous
simulez la joie, vous devez donc faire un immense sourire. Ce n’est qu’ainsi
qu’auront lieu les principaux changements au niveau des muscles qui
entourent les yeux : vos joues remontent et viennent tasser la peau située
sous les globes oculaires. Résultat, vos yeux rétrécissent et des rides
apparaissent de chaque côté. Il sera alors beaucoup plus difficile de savoir si
le sourire est vrai ou faux. Le seul indice se trouvera au niveau de vos
sourcils et de la peau qu’ils surplombent, qui sont tirés vers le bas par le
muscle externe de l’œil quand on sourit vraiment.

Émotions mélangées
Pour terminer, je vais vous montrer des photos d’émotions variées, c’est-à-
dire des visages présentant plusieurs expressions à la fois. Cela arrive très
souvent. Il faut pouvoir dire quelles parties du visage sont liées à telle ou
telle émotion, et le faire vite. Les photos ci-après comportent des éléments
de deux émotions différentes. Essayez de deviner desquelles il s’agit et
quelles parties du visage les expriment. Les réponses se trouvent ici. Mais
essayez d’abord tout seul, sans regarder la réponse !
BONNES RÉPONSES
a) Tristesse + Colère
Tristesse = sourcils, yeux. Colère = bouche.

b) Surprise + Peur
Surprise = front, sourcils, yeux. Colère = bouche.

c) Dégoût + Surprise
Dégoût = bouche, nez, paupières inférieures. Surprise = paupières supérieures,
sourcils, front.

d) Colère + Mépris
Colère = sourcils, yeux. Mépris = nez, bouche.

e) Tristesse + Peur
Tristesse = sourcils, yeux. Peur = bouche.

f) Dégoût + Peur
Dégoût = bouche, nez, paupières inférieures. Peur = paupières supérieures,
sourcils front.

g) Fausse joie
Joie = bouche. Neutre = reste du visage.

h) Hum… Colère ? Peur ? Grosse envie d’aller aux toilettes ? Reptilien ? Envoyez
vos suggestions à l’éditeur !
Petit rappel

D’AUTRE PART…
Comme d’habitude, c’est plus compliqué
qu’il n’y paraît
La façon dont je viens de décrire les émotions – comme des « étiquettes »
pour chaque réaction physique qu’elles entraînent avec, chaque fois (ou, au
moins, pour chaque émotion basique), une expression de visage
particulière – est souvent considérée comme la vision classique des
émotions. Si Paul Ekman, dont j’ai parlé plusieurs fois, ne l’a pas inventée,
il est l’un de ses principaux défenseurs dans l’histoire récente, ce qui l’a
d’ailleurs poussé à mener d’importants travaux de recherche pour mieux la
comprendre.
Il existe toutefois d’autres moyens de conceptualiser les émotions. La
professeure de psychologie Lisa Barrett a récemment publié des résultats
qui suggèrent que cette vision classique n’est peut-être pas si correcte que
cela. Beaucoup d’autres chercheurs vont dans ce sens – tout un mouvement
travaille en effet à changer notre perception des émotions.
Pour commencer, des études mesurant l’activation des muscles du
visage ont montré que les expressions que nous avons dans la vraie vie pour
exprimer différentes émotions ne sont pas aussi bien définies que celles des
photos avec lesquelles vous vous êtes exercé. Notre visage bouge
constamment et nous devons souvent comprendre le contexte dans lequel
une expression apparaît pour savoir à quelle émotion elle correspond.
Autrement dit, les clichés sur lesquels vous avez travaillé sont des
simplifications ou des stéréotypes. Les expressions que vous allez voir dans
la vraie vie sont beaucoup plus complexes que cela.
Lisa Barrett affirme que ni les expressions de notre visage, ni ce que
nous appelons nos « émotions » ne font partie de notre programme
biologique et que leur acquisition se fait par la suite, culturellement. Le fait
qu’une émotion puisse être exprimée de différences façons par le corps
(notre tension, par exemple, peut augmenter d’un coup dans une situation
qui nous met en colère et rester stable une autre fois) et que des expressions
physiques identiques puissent être interprétées de différentes façons en
fonction de leur contexte (une transpiration abondante peut être à la fois
signe qu’on a mal au ventre et qu’on est amoureux) le prouve.
Lisa Barrett suggère donc de parler de « catégories émotionnelles » et
non d’« émotions » parce qu’une émotion peut être exprimée ou ressentie
de différentes façons, contrairement à la vieille croyance selon laquelle les
émotions sont physiologiquement distinctes les unes des autres.
On appelle cela un point de vue « constructiviste » qui, s’il est correct,
m’a fait dépenser beaucoup d’encre pour rien dans ce chapitre car, d’après
ses partisans, on ne peut pas discuter, comprendre ou détecter des émotions
de la façon que je viens de vous décrire.
Même si beaucoup des critiques de Lisa Barrett à l’encontre de la vision
classique me semblent méritées, je ne suis pas plus convaincu par sa théorie
que par les autres. D’abord, à mon avis, il n’est pas vraiment grave que nos
expressions de visage ne soient pas uniques. J’ai d’ailleurs déjà dit qu’on
pouvait exprimer nos émotions très brièvement et souvent à travers un
mélange d’expressions. Mais si on veut apprendre à les distinguer, il faut
bien commencer quelque part. La simplification est un outil pratique et
essentiel pour apprendre – il suffit de se souvenir que ce qu’on apprend est
simplifié.
Lisa Barrett apporte aussi la « preuve » du constructivisme en faisant ce
genre de déclarations :

Il n’y a pas une seule différence entre la colère et la peur parce qu’il
n’y a pas une seule « colère » et une seule « peur » (physiquement
parlant).
La peur n’est pas un modèle corporel – tout comme le pain n’est
pas la farine – mais provient des interactions entre des systèmes
centraux (mentaux).

Le problème ne vient probablement que de ma faible connaissance du


jargon scientifique. Cela ne m’empêche pas de me demander pourquoi le
fait que notre corps réagisse différemment dans différentes situations ou
qu’on ait besoin de constructions mentales pour bien comprendre ce qu’on
ressent va à l’encontre de tout ce qu’on a appris jusqu’à présent. Mais cela
complique juste un peu les choses – et les êtres humains sont compliqués.
Comme toujours, tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît…
J’ai hâte de voir ce que les prochaines années nous réservent. Si Lisa
Barrett et les constructivistes ont raison, nous allons devoir faire face à un
changement de paradigme concernant la compréhension des émotions.
Certains signes montrent que cela va arriver (dans ce cas, n’hésitez pas à
déchirer ce chapitre). Mais faisons comme si je ne retenais pas mon souffle.

AU SECOURS ! JE VOIS DES GENS ÉMOTIFS !


COMMENT RÉPONDRE AUX ÉMOTIONS QUAND ELLES
APPARAISSENT

Que faire quand vous voyez le visage de votre interlocuteur exprimer


subtilement des émotions (comme celles que vous venez de voir) ? Tout
d’abord, restez calme. Comme l’a écrit Charles Darwin dans L’Expression
des émotions chez l’homme et chez les animaux : « Quand nous sommes
témoins d’une émotion profonde, notre sympathie est si fortement excitée
que l’observation rigoureuse est oubliée ou rendue presque impossible. »
Lorsqu’on voit une expression subtile, on ne peut jamais savoir si la
personne veut qu’on sache dans quel état émotionnel elle se trouve. Avant
de choisir de répondre à cette émotion, il faut aussi évaluer si ce qu’on voit
est une faible émotion ou une émotion forte qui est contrôlée. Le plus
simple, pour y parvenir, c’est d’étudier le contexte. Si on remarque
l’émotion au tout début d’une conversation, son origine n’a peut-être rien à
voir avec elle, car il y a de grandes chances que la personne l’ait déjà
ressentie avant de commencer à parler. Elle n’a sans doute rien à voir avec
nous non plus et est probablement liée à quelque chose qui s’est passé
avant. Mais elle peut aussi être due aux attentes de la personne par rapport à
la conversation ou à la direction qu’elle croit qu’elle pourrait prendre.
La plupart des expressions émotionnelles ne durent que quelques
secondes. Leur durée dépend de l’intensité de l’émotion. Une expression
intense et brève qui surgit et disparaît très vite montre que l’émotion est
consciemment ou inconsciemment masquée. Une impression moins intense
qui dure plus longtemps est souvent le signe que l’on réprime
consciemment une émotion (si on part du principe que la personne ne se
confie pas à nous et ne nous dit pas ce qu’elle ressent).
Il vaut mieux ne pas laisser certaines émotions éclater complètement et
y répondre dès qu’on en voit les premiers signes, de préférence avant que
notre interlocuteur en ait conscience. Dans d’autres cas, il suffit d’y
répondre indirectement et de lui donner de l’espace pour parler. Voici
quelques stratégies pour répondre aux différentes émotions basiques que
nous avons étudiées en sachant qu’elles ne comprennent pas la surprise et la
joie qui ont rarement besoin d’être « gérées ».

La tristesse

Répondre ou pas à la tristesse de quelqu’un dépend de la relation qu’on a


avec lui et de la façon dont on a communiqué jusque-là. Tout le monde,
même vos enfants, a besoin d’intimité pour pouvoir faire face à ce qui lui
fait de la peine et a besoin d’avoir un endroit où se retirer. On peut
prudemment lui tendre la perche en lui demandant si tout « va bien », même
si, là encore, cela dépend du contexte et de notre relation avec lui.
L’important, quand on remarque des signes de tristesse chez quelqu’un,
c’est d’en tenir compte car cela veut dire que quelque chose se passe et
qu’il a besoin d’être réconforté. Reste à savoir si c’est nous qui devons
poser les questions ou quelqu’un d’autre, ou si on doit le faire maintenant
ou plus tard.
Si vous connaissez une personne plus proche de votre interlocuteur que
vous ne l’êtes, dites-lui ce que vous avez vu. Au travail, il peut être plus
difficile pour un manager de réconforter un employé que de laisser un de
ses collègues le faire. Si c’est quelqu’un de proche, un membre de votre
famille ou votre enfant, vous devez lui faire comprendre que vous êtes là
pour lui et que vous pouvez en parler comme il veut, quand il veut.

La colère

Quand on voit des signes de colère chez quelqu’un, il faut se souvenir


qu’on n’en connaît pas forcément la cause ou la personne contre laquelle
elle est dirigée – et que ce n’est pas forcément nous. Il faut aussi se
souvenir que ce qui semble être des signes de colère peut être des signes de
concentration ou de confusion. Si on est en train de lui parler, cela veut
peut-être dire qu’on n’est pas suffisamment clair. Quand on est certain qu’il
s’agit d’une expression de colère et qu’on veut y répondre, il vaut mieux
éviter de prononcer le mot « colère ». Si la personne en face de nous fait
tout son possible pour la contenir, elle ne veut surtout pas qu’on lui fasse la
moindre remarque à ce sujet. Il serait donc malvenu de lui dire : « Waouh,
tu as l’air en colère ! »
Le mieux, c’est de réagir plus tard, peut-être le lendemain, quand ses
émotions seront moins fortes et n’auront pas le même impact sur la
conversation. Si une négociation ou une conversation est restée au point
mort et qu’on ne peut plus avancer parce que notre interlocuteur a fait une
crise, c’est le moment de faire une pause-café. Ou alors de l’oublier.
La façon la plus efficace de faire face à la colère de quelqu’un et de
renverser la situation est d’utiliser l’opinion aïkido, évoquée dans le
chapitre 3. « Si j’étais à ta place, je réagirais exactement de la même façon.
C’est certain. Sucre ou lait ? » Si cela ne fonctionne pas, faites au moins en
sorte que personne ne prenne de décisions ou n’entreprenne quelque chose
qui pourrait avoir des conséquences plus tard. Quand on est fâché, on a
tendance à ne pas réfléchir correctement.

La peur
Quand on voit quelqu’un exprimer de la peur, on devrait commencer par le
rassurer pour qu’il se sente en sécurité. Par exemple, si on annonce une
mauvaise nouvelle à une employée et qu’elle commence à montrer des
signes de peur, on devrait lui assurer que son poste n’est pas en danger et lui
dire qu’on est très satisfait de son travail. Quand on déstabilise quelqu’un, il
faut le soutenir pour qu’il ne tombe pas.
Si la peur survient quand on parle à un(e) ami(e) proche, on peut être
plus direct : lui dire que quelque chose semble le (la) contrarier et lui
demander s’il (elle) veut en parler. Pour rassurer et soutenir quelqu’un, on
peut aussi se connecter à lui ou le toucher physiquement si on est très
proche de lui. Prendre quelqu’un dans ses bras fonctionne toujours bien (si
on le fait à bon escient – on en parlera dans le chapitre 10, sur les ancres),
ou son équivalent en paroles.

Le dégoût
Le dégoût est souvent pris à tort pour de la colère. Si quelqu’un commence
à montrer des signes de dégoût, comme une petite ride sur le nez, cela veut
sans doute dire que la sensation vient d’apparaître. Dans ce cas, il faut
essayer de réagir aussitôt, subtilement, sans mentionner ce qu’on a vu. On
peut lui demander s’il a eu l’impression d’avoir subi une injustice et si on
peut faire quelque chose pour y remédier, sans être sur la défensive pour
l’aider à contenir son dégoût. Avant d’argumenter, on devrait aussi attendre
qu’il ait fini de parler. Il est important de ne pas laisser le dégoût s’installer
et d’inverser la situation à tout prix. C’est difficile car les déclencheurs du
dégoût sont profondément enracinés en nous. Mais rappelez-vous les
recherches de John Gottman dans son Love Lab – quand on n’arrive pas à
éloigner le dégoût, la relation est condamnée.

Le mépris
Si quelqu’un montre des signes de mépris, cela peut vouloir dire qu’il se
méprise lui-même, qu’il ressent du mépris pour ce dont on lui parle ou qu’il
ressent du mépris pour nous. Quand on pense qu’on en est la cible, il vaut
mieux faire comme si de rien n’était. Il s’agit peut-être de ce bon vieux
mépris né d’un sentiment d’infériorité que certains employés ressentent
pour leurs patrons, les élèves, pour leurs professeurs, et les enfants, pour
leurs parents. Cela peut aussi vouloir dire que notre interlocuteur pense être
mieux informé que nous et donc qu’on se trompe complètement.
La personne qui montre du mépris se croit supérieure à nous. C’est une
situation malheureusement très difficile à retourner même quand on arrive à
se connecter à elle. La meilleure chose à faire dans ce cas est de l’éviter, si
c’est possible. Si on a des liens personnels avec elle, cela ne donnera rien de
bon pour nous. Si on a régulièrement affaire avec elle au travail ou ailleurs,
et que les décisions que nous prenons avec elle affectent notre travail, il
vaut mieux laisser quelqu’un d’autre proposer nos idées et nos suggestions
en réunion. On peut aussi essayer de trouver quelqu’un qui a un poste
équivalent et avec qui on peut communiquer directement pour obtenir le
résultat souhaité.

Entraînez-vous !
Vous avez déjà beaucoup appris sur le décryptage des pensées. Il est temps
de faire une pause pour tout digérer. Vous avez appris à identifier un large
éventail de signes de la communication non verbale et inconsciente. Vous
avez appris à vous adapter à la façon de communiquer de quelqu’un dans
différents domaines pour pouvoir bien vous connecter à lui. Vous avez
appris à utiliser cette connexion pour changer positivement le
comportement et l’attitude des autres. Vous avez appris à identifier les sens
primaires chez différentes personnes. Vous avez appris comment agissent
ces sens primaires sur la façon de penser, de parler et de comprendre votre
entourage. Vous avez appris à reconnaître les changements subtils dans les
muscles de leur visage, des changements qui montrent l’état émotionnel
apparaissant en elles et la façon dont cela va modifier leur ressenti par
rapport à votre conversation. Vous avez appris à détourner les émotions
négatives quand cela est nécessaire.
Vous avez appris tout cela, du moins en théorie.
Je vous suggère maintenant de vérifier que vous savez l’appliquer.
Posez ce livre, et sortez pour vous entraîner à lire dans les pensées des
autres. Et continuez à le faire !
Dans la seconde moitié de cet ouvrage, je pars du principe que vous
savez faire tout ce que je vous ai expliqué jusqu’à présent. Pour vous
motiver encore plus, je vais vous raconter une petite histoire tirée de mon
expérience qui, je l’espère, va vous permettre de comprendre à quel point le
fait de savoir utiliser ces techniques peut faire la différence.

1. Titre phare de la bande originale du film Jerry Maguire.


CHAPITRE 6
Interlude dans lequel je vous raconte ce qui peut arriver quand on
utilise – ou pas – les techniques pour lire
dans les pensées.

IL N’EST JAMAIS TROP TARD

Petit conte moral sur l’importance de savoir lire dans


les pensées des autres

Il y a quelques années, j’étais le maître de cérémonie d’une conférence d’un


jour. Comme plusieurs interventions avaient lieu en même temps, toutes à
des horaires différents, il y avait beaucoup à faire et j’ai vite été très occupé.
En arrivant en retard au repas de midi, j’ai remarqué un homme, attablé
seul, en train de manger. Je me suis assis à côté de lui et ai commencé à lui
parler d’un d’incident rigolo qui m’était arrivé plus tôt dans la journée. Je
me suis arrêté brusquement quand j’ai vu sa réaction : il me fixait avec une
expression de profonde répulsion comme si j’étais un insecte. J’aurais pu
laisser tomber et manger mon repas en silence mais je n’étais pas seulement
le maître de cérémonie, je devais aussi intervenir plus tard dans la soirée. Et
je n’avais pas envie qu’un membre de l’assistance nourrisse des sentiments
négatifs envers moi si tôt dans la journée.
J’ai compris que j’avais commis un péché capital en ne faisant pas
attention – pas suffisamment – à mon interlocuteur. J’avais juste déboulé et
commencé à parler de moi sans prendre la peine de mieux le connaître.
Maintenant que je le regardais, je pouvais voir qu’il avait toutes les grandes
caractéristiques d’un kinesthésique. Il était bien bâti, portait une chemise en
flanelle et même une barbe. Le fait qu’il mange seul, assis dans son coin, a
confirmé ce que je voyais : il s’était mis là parce qu’il mangeait plus
lentement que les autres, au rythme d’un kinesthésique. Et me voilà,
arrivant de nulle part, essayant de l’intéresser avec une anecdote
extrêmement visuelle. Pas étonnant que cela se soit mal passé.
J’ai donc passé quelques minutes à manger tranquillement tout en
essayant de me connecter à lui en suivant son langage corporel et son
rythme (tempo) qui était, comme on peut s’y attendre, beaucoup plus lent
que le mien. Quand j’ai vu qu’il avait cessé de baisser et de froncer les
sourcils, je lui ai posé quelques questions ciblées pour voir s’il était
vraiment kinesthésique tout en calant ma voix sur son rythme. Je lui ai
demandé s’il aimait son repas et ce qu’il pensait de la conférence. Puis, je
lui ai raconté à nouveau mon histoire mais en essayant cette fois d’utiliser
d’autres mots et de mettre l’accent sur les éléments qui pouvaient, selon
moi, l’intéresser. Au lieu de décrire la magnifique courbe qu’avait un objet
dans l’air, j’ai insisté sur ce que j’avais ressenti quand il avait atterri sur
l’arrière de ma tête. Oui, je sais, cela n’aurait dû rien changer si l’on se
fonde sur les recherches dont on a parlé précédemment. Mais je l’ai fait
quand même. Et ça a fonctionné ! À la fin du repas, on s’entendait très bien.
Cela a dû paraître étrange aux éventuels témoins de la scène parce que,
vu de l’extérieur, il n’y avait pas une grande différence. La première fois
que je lui ai adressé la parole, il m’a juste fusillé des yeux. Et quand j’ai
recommencé un peu plus tard, j’ai eu droit à un regard approbateur.
J’avais utilisé mes connaissances en matière de connexion,
d’impressions sensorielles et d’expressions de visage subtiles pour, à partir
d’une situation inconfortable, réussir à me connecter à lui en seulement
quelques secondes. J’ai simplement arrêté de penser à moi et fait attention à
lui pendant un instant. Il n’est jamais trop tard pour se connecter à
quelqu’un, même quand on est parti sur de mauvaises bases. Cela a été
d’autant plus positif pour moi que cet homme était le directeur général de la
société qui m’avait embauché pour la journée.

Si je suis comme vous, vous allez me comprendre et m’apprécier.


Si vous m’appréciez, vous allez vouloir être d’accord avec moi.
CHAPITRE 7
Où l’on va apprendre à reconnaître les signes
de tension chez les gens et où un étudiant
va nous faire un doigt d’honneur.

DEVENEZ UN DÉTECTEUR
DE MENSONGES HUMAIN

Les signes contradictoires et ce qu’ils signifient

Dans ce chapitre et le suivant, je veux vous parler de deux cas particuliers


de « communication non verbale », de signes inconscients qui ne se
manifestent que dans certaines situations. Dans le chapitre 8, où nous allons
aborder le sujet de l’attirance, vous serez surpris de voir ce que votre
inconscient fait quand il pense avoir trouvé un « match » convenable pour
vos gènes (c’est-à-dire, un profil intéressant). Mais avant, nous allons nous
intéresser à un autre sujet passionnant – les changements qui se manifestent
dans la communication non verbale quand on essaie de mentir à quelqu’un.
Lorsqu’on sait lire dans les pensées, il est important de pouvoir dire si
notre interlocuteur nous ment. Vous avez déjà appris à reconnaître une
certaine catégorie de faux signes quand je vous ai expliqué comment
différencier une fausse expression de visage d’une vraie. Pourtant, comme
vous allez le voir, en ce qui concerne le mensonge, on n’a fait qu’effleurer
le sujet.
Quand on veut mentir, le plus facile est de le faire avec des mots car on
s’y entraîne depuis notre enfance. On y arrive moins bien avec les
expressions de visage même si, là encore, on a un peu d’entraînement. Le
pire, c’est quand on ment avec notre corps car, oui, le corps « parle » même
si beaucoup d’entre vous ne le savaient peut-être pas. Pourtant, bizarrement,
on prête plus attention aux paroles qu’au reste.
Si on pense que notre interlocuteur nous ment, on va plus se concentrer
sur ce qu’il nous dit – alors qu’on devrait faire l’inverse. Pour vraiment
comprendre son message, on devrait moins s’attarder sur ses mots et plus se
concentrer sur la façon dont il s’exprime avec le reste de son corps et le ton
de sa voix.
Alors peut-on vraiment savoir quand quelqu’un ment ? Oui. Et non.
Certains mensonges accompagnés d’un certain niveau de stress émotionnel
vont produire certains signes même si, dans ce cas, on remarque
généralement que la personne est stressée ou nerveuse, pas qu’elle ment.
Pourtant, certains de ces signes signifient qu’elle ne dit pas la vérité car ils
n’apparaissent que dans ce cas-là. Encore faut-il les détecter.
Certaines personnes arrivent très bien à savoir quand on essaie de les
tromper, et d’autres n’apprennent jamais à le faire. Et, bien sûr, certains
individus sont des menteurs nés et ne laissent rien paraître (les meilleurs ont
tendance à être des psychopathes) alors que d’autres n’arrivent même pas à
mentir sur le nombre de donuts qu’ils ont mangé sans se trahir. Même si on
est tous différents, la plupart d’entre nous manifestent ces signes. Et la
plupart d’entre nous peuvent apprendre à mieux les identifier.

Qu’est-ce qu’un mensonge ?


L’art de détecter les mensonges fascine beaucoup de gens, surtout ceux qui
travaillent dans la police, l’armée et les tribunaux. Comme le polygraphe 1 –
le détecteur de mensonges que tout le monde connaît – n’est souvent pas
fiable, des chercheurs s’intéressant aux mensonges (comme Paul Ekman,
dont j’ai parlé plus haut) ont beaucoup travaillé pour identifier les signes
qui pourraient les révéler. Et ils ont bien progressé. Mais que veut vraiment
dire le mot « mensonge » ?
La plupart des gens mentent tout le temps, dans le sens où ce qu’ils
disent ne reflète pas parfaitement la vérité. Notre vie sociale nous oblige à
faire un grand nombre de petits mensonges. Si on nous demande :
« Comment ça va ? », on répond souvent « Bien, merci. Et toi ? », même
quand ce n’est pas le cas. On sait que la personne qui a posé la question ne
s’attend pas à avoir un compte rendu détaillé de ce qui se passe en nous et
nous dit juste cela pour nous saluer.
Dans certains cas, on est censé mentir et exprimer autre chose que ce
qu’on ressent vraiment. Dans un concours de beauté, il est normal que la
gagnante soit émue et pleure alors que les perdantes doivent montrer à quel
point elles sont heureuses pour elle et elles encaissent bien leur échec. Si
elles montraient toutes ce qu’elles ressentaient vraiment, on verrait
probablement les perdantes pleurer beaucoup et la gagnante laisser éclater
sa joie. Cacher ses émotions ou faire comme si on ressentait autre chose que
ce qu’on ressent vraiment est une autre forme de mensonge.
On ne va bien sûr pas s’intéresser à ce genre de mensonges acceptables.
Ceux qui nous intéressent surviennent quand quelqu’un ment dans un
contexte où ce n’est ni socialement ni culturellement permis, et dans
l’espoir d’en tirer un avantage. Cela veut aussi dire que le mensonge doit
être conscient, c’est-à-dire que la personne qui ment doit savoir que ses
propos ne décrivent pas correctement la réalité. Souvenez-nous que s’il peut
être une affirmation, un mensonge peut consister aussi à afficher telle ou
telle émotion, celle qu’on veut montrer ou pas. Si je vous dis que j’ai gagné
un match de tennis que j’ai en fait perdu, je vous mens. Et si j’ai l’air
heureux quand je fais quelque chose alors que je suis très triste, je vous
mens aussi.
Lorsque quelqu’un ment, il y a toujours une notion de récompense et de
punition derrière son mensonge. On ment pour avoir une récompense qu’on
n’aurait pas autrement ou pour éviter d’être puni. Le mensonge peut aussi
combiner ces deux notions. Par exemple, on ment pour obtenir une
récompense à laquelle on n’a pas vraiment droit, comme la reconnaissance
de quelqu’un, mais si on est démasqué, on peut être puni en voyant notre
interlocuteur se détourner de nous.

Des signes contradictoires

Le mensonge est visible quand la récompense ou la punition impliquée est


tout sauf négligeable, quand la personne ment pour quelque chose
d’important. Comme les conséquences de son mensonge comptent
beaucoup pour elle, elle va s’impliquer émotionnellement. Cette implication
fait émerger un grand nombre de signes que tout bon mentaliste recherche.
Mais identifier les signes est une chose. Savoir ce qu’ils signifient en est
une autre.
Il y a deux messages contradictoires dans un mensonge : ce qui est vrai
et ce qui ne l’est pas. Si la notion de « fausseté » prédomine, ces deux
messages sont aussi importants l’un que l’autre. Il faut aussi absolument
savoir les distinguer. Comme on émet constamment des messages différents
quand on communique – et pas seulement avec des mots –, on ment pour
essayer de les contrôler plus ou moins bien. Les mensonges servent donc,
comme certaines expressions de visage, à couvrir ou à cacher un message
par un autre. Être capable de dire quand quelqu’un ment consiste à faire
attention aux éléments difficiles à contrôler lorsqu’on communique. Une
personne qui dit la vérité exprime la même chose quand elle communique
consciemment de façon contrôlée et quand elle communique via des
expressions de visage inconscientes. Mais si on détecte une discordance
entre ce que disent ses mains et ce que disent ses paroles par exemple, on
peut supposer qu’on est face à deux messages différents. Il faut chercher
des signes contradictoires qui disent autre chose que le message exprimé
consciemment, des signes difficiles à contrôler et qui expriment nos vraies
pensées et nos vrais sentiments.
Si vous voulez pouvoir mentir librement, le sociobiologiste Robert
Trivers a la solution : il suffit de vous convaincre que votre mensonge est
vrai ! Ainsi, tous les signes que vous émettrez consciemment ou
inconsciemment vont réellement exprimer un seul message. Et vous ne
risquez rien jusqu’à ce que vous mangiez ce dernier cookie que vous avez
juré ne pas avoir volé – puisque vous pensiez sincèrement ne pas l’avoir
fait.
Les signes contradictoires et inconscients qu’un menteur laisse échapper
sont ce que j’appelle des « fuites ». Quand quelqu’un ment ou essaie de ne
pas montrer ses sentiments, cela fuite à plusieurs endroits même si, et il est
important de le savoir, certaines personnes ne laissent rien paraître alors
qu’elles mentent beaucoup. Quand on ne voit rien fuiter, on ne peut donc
pas avoir la certitude qu’on nous dit la vérité. À l’inverse, certaines
personnes qui semblent laisser fuiter des informations sont juste comme
d’habitude. D’où l’importance de savoir si les signes que l’on détecte
diffèrent de leur comportement habituel ou non. Pour pouvoir dire si notre
interlocuteur ment ou s’il retient ses émotions, il faut donc commencer par
guetter d’éventuelles fuites.
Quand on a observé un certain nombre de signes chez quelqu’un, cela
peut vouloir dire qu’il ment. Mais cela peut aussi vouloir dire qu’il ressent
d’autres émotions que celles qu’il montre au grand jour. C’est souvent
facile à voir si on tient compte du contexte dans lequel ces signes
apparaissent.
N’oubliez pas non plus que, même si vous avez remarqué plusieurs de
ces signes, vous ne savez pas nécessairement ce qui les a provoqués.
Comme on va bientôt le voir, ils peuvent apparaître pour des raisons qui
n’ont absolument rien à voir avec le fait que la personne ment. On peut
observer de nombreuses fuites chez quelqu’un sans qu’elles soient liées à ce
dont il est en train de parler car elles sont dues à ce qu’il pense sur le
moment. Quand on voit ces signes, il faut ensuite étudier le contexte et les
raisons qui pourraient les expliquer avant de pouvoir dire, avec confiance,
que la personne ment.

POURQUOI VOUS GRATTEZ-VOUS


LE NEZ ?
Signes contradictoires du langage corporel
Les signes contradictoires les plus évidents sont généralement créés pas le
système nerveux autonome, qu’on ne peut pas contrôler, même quand on se
rend compte qu’ils sont là. Il est très difficile, pour ne pas dire impossible,
d’arrêter de transpirer ou de rougir sur commande, ou d’empêcher nos
pupilles de se dilater quand on tire une main gagnante au poker. Le système
nerveux autonome ne s’active malheureusement qu’en présence d’émotions
très fortes. Par contre, et c’est une chance pour nous, beaucoup d’autres
signes et fuites apparaissent même lorsque les émotions sont moins fortes.

Le visage
On dit souvent que le visage émet deux messages : ceux dont on veut
persuader l’autre et ceux que l’on pense vraiment. S’ils correspondent
parfois, ils sont souvent différents. Il est possible d’essayer de contrôler le
message qu’on envoie de trois façons :
la qualification. On confirme l’expression qu’on a déjà sur le visage en
en rajoutant une autre, comme lorsqu’on sourit alors qu’on est
malheureux, pour montrer qu’on va s’en sortir ;
la modulation. On modifie l’intensité de l’expression pour l’affaiblir ou
la renforcer en contrôlant les muscles concernés (comme lorsque les
expressions de notre visage sont partielles), l’intensité avec laquelle on
les utilise (lorsque l’expression de notre visage est complète mais
légère, donc de faible intensité) et le temps qu’on la garde ;
la falsification. On peut afficher une émotion même quand on ne
ressent rien (c’est de la simulation). On peut aussi essayer de ne rien
montrer alors qu’on ressent quelque chose (c’est de la neutralisation).
Et enfin, on peut cacher l’émotion qu’on ressent avec une autre qu’on
ne ressent pas (on dit alors qu’on la masque).
Pour pouvoir faire semblant de ressentir une émotion de façon
convaincante, on doit savoir comment l’exprimer, autrement dit quels
muscles actionner et comment les utiliser. Les enfants et les adolescents qui
s’exercent à le faire devant une glace finissent un jour par arrêter. Cela
explique pourquoi, une fois adulte, on ne sait pas très bien à quoi on
ressemble quand on exprime différentes émotions. De plus, comme on a
rarement le temps de se préparer, on doit se fonder sur ce qu’on ressent en
espérant obtenir un résultat suffisamment proche de la réalité.
Neutraliser une émotion, c’est-à-dire ne pas l’afficher, est aussi très
difficile à faire, surtout si elle concerne une chose à laquelle on tient
beaucoup et qui déclenche en nous une réaction forte qu’on veut cacher.
Dans ce cas, la plupart du temps, on se raidit tellement que tout le monde
peut deviner que l’on cache quelque chose, à défaut de savoir quoi. On opte
alors pour la solution la plus facile, c’est-à-dire masquer notre émotion en
faisant semblant d’en éprouver une autre. Quand on essaie de contrôler nos
expressions de visage, vous savez maintenant qu’on a souvent tendance à
n’utiliser que le bas du visage. Cela veut dire que la zone autour des yeux,
des sourcils et du front peut encore exprimer nos véritables émotions,
souvent à notre insu. Par exemple, même si on fait un effort pour sourire,
des rides de dégoût peuvent apparaître sur notre nez, entre autres choses.
Vous venez de lire le chapitre sur les émotions et d’apprendre ce que
signifient les signes qui apparaissent au niveau des yeux, des sourcils et du
front, quel que soit le message qu’on essaie de faire passer par la bouche, je
n’ai donc pas besoin de me répéter.
Le masque qu’on utilise le plus souvent pour cacher nos émotions est le
sourire. Darwin, qui a rédigé l’un des ouvrages précurseurs sur les muscles
du visage et le langage corporel, avait une théorie pour l’expliquer. Selon
lui, les émotions qu’on essaie de masquer étant généralement négatives, on
utilise logiquement l’expression qui en est le plus éloignée : le sourire.
ici, je vous ai montré comment faire la différence entre un faux sourire
et un vrai. Un vrai sourire est toujours symétrique : les deux coins de la
bouche se relèvent de la même façon. Il ne peut donc jamais être
asymétrique (sauf en cas de problème médical). Un faux sourire peut être
symétrique ou asymétrique et donc n’apparaître que sur un côté du visage.
Un sourire en coin peut vouloir dire qu’on essaie d’avoir l’air heureux (sans
y arriver) ou correspondre à une autre expression comme le dégoût ou le
mépris. Il actionne aussi les parties externes et internes du contour des
yeux, ce qui est pratiquement impossible à faire consciemment.
Les acteurs qui arrivent à sourire naturellement avec les yeux le font en
pensant à un bon souvenir, quelque chose qui les rend vraiment heureux. De
plus, les fausses expressions de joie se repèrent aussi quand elles arrivent au
mauvais moment, quand elles se forment un peu trop rapidement. Une
véritable expression de joie peut mettre un certain temps à apparaître. Et
une fausse a tendance à rester visible trop longtemps.
Des micro-expressions peuvent aussi apparaître dans ce genre de
situations. Personnellement, je trouve qu’elles aident beaucoup à analyser
les autres. Si on sent que quelqu’un ne nous aime pas même s’il est d’une
politesse rare en surface, c’est probablement parce qu’on a capté une
information dans son langage corporel ou d’autres messages inconscients.
Mais il se peut aussi qu’on ait remarqué une micro-expression qui nous dit
ce qu’il pense vraiment de nous. Si elle est trop rapide pour qu’on la
remarque consciemment, notre inconscient a, lui, tout le temps de le faire.
On peut se fier aux micro-expressions quand elles apparaissent. Mais
tout le monde n’en a pas, et certaines personnes en ont dans certaines
situations et pas dans d’autres. Quand on ne voit pas de micro-expressions
chez quelqu’un, cela ne veut pas dire qu’il ne tente pas de supprimer une
émotion, si c’est ce qu’on subodore. Dans ce cas, il faut chercher des signes
ailleurs.

Les yeux

Beaucoup pensent qu’on peut savoir si quelqu’un ment en observant ses


yeux. Quand quelqu’un a le regard fuyant, cligne souvent des paupières ou
ne nous regarde pas dans les yeux, on se dit qu’il ment. Ce n’est pas
nécessairement faux mais comme tout le monde a entendu parler de ces
signes, il se peut aussi que la personne qui nous ment nous regarde dans les
yeux plus longtemps qu’elle ne le ferait autrement ! Autrement dit, comme
on a presque tous entendu dire dit qu’un menteur n’ose pas regarder son
interlocuteur dans les yeux, il va sans doute faire l’inverse… en exagérant.
Les yeux se détournent naturellement si on est dans certains états
d’esprit. Quand on est triste, on regarde vers le bas ; quand on a honte ou
qu’on culpabilise, on penche la tête vers le bas ou on regarde ailleurs ;
quand on désapprouve quelqu’un, on détourne brusquement les yeux.
Quelqu’un qui ment ne fera pas ça, par peur de montrer qu’il ment (!). Pour
ne pas se faire prendre, les meilleurs menteurs savent exactement quand
regarder ailleurs.
En ce qui concerne les yeux, il faut aussi prendre en compte la taille des
pupilles. Comme je l’ai dit précédemment, les pupilles se dilatent quand
quelqu’un nous apprécie ou s’intéresse à nous. Alors, essayez de voir si la
taille des pupilles de votre interlocuteur correspond à l’émotion qu’il
prétend ressentir. Une personne qui s’intéresse activement à quelque chose
ne devrait pas avoir des pupilles de la taille d’une tête d’aiguille sauf si elle
a le soleil dans les yeux.
Quand quelqu’un ment ou est sous le coup d’une forte émotion, il va
souvent garder les yeux plus longtemps fermés que quelqu’un qui dit la
vérité. Le zoologiste Desmond Morris, qui a aussi étudié le comportement
humain, a observé ce phénomène qui prouve, selon lui, que la personne
essaie inconsciemment de se couper du monde, lors d’interrogatoires de
police.
La façon dont nous bougeons les yeux peut aussi donner des indices sur
les pensées qui nous traversent la tête. Lorsque nous pensons, c’est
généralement pour convoquer de vieux souvenirs. Mais, grâce à notre
imagination, on peut aussi créer des événements que nous n’avons jamais
vécus. C’est ce qui se passe quand on est créatif, quand on fait des projets
pour l’avenir, quand on invente des histoires, etc. Vous vous souvenez du
modèle des accès oculaires pour les mouvements des yeux et les
impressions sensorielles ? Relisez les ici si vous avez oublié. Selon lui, nos
yeux ne vont pas bouger de la même manière quand nous fabriquons une
pensée ou quand nous nous souvenons de quelque chose. Nous fabriquons
sans cesse des pensées, et fabriquer veut parfois dire mentir. Si quelqu’un
nous parle de quelque chose qu’il prétend avoir fait ou vécu, mais que ses
yeux regardent dans la même direction que quand il est créatif, cela indique
qu’il fabrique une pensée. On doit alors se demander s’il a une raison
d’utiliser sa créativité et son imagination dans ce contexte. Par exemple, s’il
dit : « J’ai dû travailler tard, et comme j’aurais de toute façon été en retard
pour le dîner, j’ai mangé une pizza et bu une bière avec Josh et je suis rentré
directement à la maison » et qu’on observe qu’il « fabrique » quand il dit :
« J’ai mangé une pizza et bu une bière avec Josh », méfiance. Il y a
visiblement anguille sous roche. On est peut-être en présence d’un bon gros
mensonge.
Cela explique peut-être pourquoi tant de gens pensent que les menteurs
craignent de regarder leur interlocuteur dans les yeux. Si l’on en croit les
adeptes du modèle des accès oculaires, comme les yeux bougent quand on
fabrique un mensonge, cela empêche la personne qui ment de maintenir un
contact visuel avec son interlocuteur, et donc de regarder droit devant elle.
En revanche, on peut très bien raconter un souvenir à quelqu’un en
regardant droit devant soi (et en le regardant dans les yeux) car cette
position des yeux permet de visualiser des souvenirs anciens.
Souvenez-vous que le modèle des accès oculaires ne fonctionne comme
un détecteur de mensonges que si on surprend la personne en train de
fabriquer le mensonge au moment où elle le profère. Si elle avait eu le
temps de se préparer, c’est-à-dire de fabriquer son mensonge à l’avance, on
n’aurait pas vu de différence parce que son mensonge serait devenu un
souvenir, même si son contenu est fictif. Et enfin, laissez-moi vous rappeler
que ce modèle n’est pas une vérité absolue. Il y a plein d’exceptions. Alors,
avant de demander à quelqu’un de s’allonger sur le divan, assurez-vous que,
quand vous le regardez, vous pouvez vraiment faire la différence entre
« souvenir » et « fabrication d’un mensonge ».
L’exercice « construction mentale »
Même si le modèle des accès oculaires ne s’applique pas entièrement à tout le
monde, les quelques petits changements dans le comportement et le mouvement des
yeux de la plupart des gens indiquent qu’ils fabriquent mentalement une idée. Pour
améliorer votre capacité à détecter si quelqu’un construit mentalement une image,
faites cet exercice.

1re étape : demandez à la personne de visualiser quelque chose comme dans le


premier exercice avec la Joconde. Donnez-lui tout le temps nécessaire pour qu’elle
dessine mentalement l’image entière dans sa tête, ce qui va aussi vous donner
l’occasion d’observer les mouvements de ses yeux.
2e étape : maintenant, demandez-lui d’imaginer une nouvelle version de cette image,
une version qui n’existe pas, par exemple le portrait de la Joconde peinte par un
enfant de cinq ans. Là encore, laissez-lui le temps de lancer mentalement le
processus et de fabriquer l’image la plus détaillée possible. Observez en même temps
si elle suit le modèle des accès oculaires ou pas, et cherchez d’autres signes de
construction mentale.
3e étape : n’hésitez pas à refaire cet exercice pour être sûr que les changements que
vous avez observés persistent et ne sont pas liés à des événements imprévus. (Mais
pensez à utiliser une autre image la deuxième fois pour que la personne ne puisse
pas se fonder sur le souvenir qu’elle a déjà construit et qu’elle fabrique mentalement
une autre image.)

Les mains

Plus on s’éloigne du visage, plus il est facile de mentir avec des messages
non verbaux car le reste du corps n’est pas aussi fortement connecté aux
centres émotionnels du cerveau, et est donc davantage sous notre contrôle.
Fort heureusement, beaucoup de gens oublient de s’en servir pour mentir.
Les mains sont quelque part au milieu. Même si on a relativement
conscience de leur présence car on peut les voir la plupart du temps, elles
peuvent émettre un nombre phénoménal de signes inconscients.
Desmond Morris qualifie certains gestes des mains d’« emblèmes ».
Ceux-ci fonctionnent exactement de la même façon que les mots : ce sont
des gestes spécifiques avec des significations spécifiques connues de tous
les membres d’une même culture. Pour vous donner un exemple, il y a le
geste que Winston Churchill a rendu célèbre, avec l’index et le majeur
tendus et la paume tournée vers l’extérieur qui, dans la plupart des cultures
occidentales, représente le V de la victoire. Ce n’est bien sûr pas un
problème de mentir en faisant ce genre de geste. Et ce n’est pas grave si
vous faites le signe de la victoire quand quelqu’un vous demande si votre
équipe a gagné alors qu’elle s’est fait battre à plate couture.
Mais on fait parfois ce genre de geste inconsciemment. Cette sorte de
langage corporel, qui équivaut à un lapsus freudien, révèle ce que la
personne ressent vraiment pour la simple raison qu’il est involontaire. Il
n’est pas toujours facile de repérer ces gestes car ils sont souvent effectués
dans des positions inhabituelles, comme le geste que Paul Ekman a vu
quand il a organisé des entretiens entre ses étudiants et un professeur
extrêmement antipathique. Plusieurs étudiants fermaient inconsciemment le
poing et tendaient le majeur. Bref, ils faisaient un doigt d’honneur. Mais au
lieu de lever la main comme ils l’auraient fait en temps normal, ils la
posaient sur le genou et pointaient le doigt vers le sol. C’était sans aucun
doute un signe de grande aversion, même si ceux qui le faisaient n’en
avaient absolument pas conscience.
Un autre signe inconscient est le haussement d’épaules que l’on fait
généralement consciemment pour montrer qu’on ignore quelque chose,
qu’on n’a pas d’avis ou qu’on s’en fiche complètement. Mais au lieu de
remonter les épaules, de lever les mains et de tourner les paumes vers
l’extérieur au niveau de la poitrine, quand on le fait involontairement, nos
bras pendent de chaque côté du corps, le mouvement des épaules est réduit
à son minimum et les traces d’emblèmes visibles sont les mains qui se
tournent vers le haut ou vers l’extérieur, au niveau de la taille.
On fait d’autres mouvements de main pour clarifier notre propos ou
illustrer un concept abstrait, comme quand on trace un carré dans l’air avec
le doigt et qu’on dit : « C’était complètement carré. » On utilise presque
tous nos mains quand on parle, même si on le fait plus souvent et plus
fréquemment dans certaines situations culturelles et personnelles. Les
habitants des pays nordiques n’utilisent pas beaucoup leurs mains quand ils
parlent alors que les Italiens excellent dans cet art. Mais presque tout le
monde utilise ses mains jusqu’à un certain point. Et elles comptent
énormément pour comprendre les autres même si on remarque rarement de
façon consciente qu’elles bougent.
On ne peut pas communiquer avec quelqu’un qui accompagne ses mots
de gestes inappropriés. Pour illustrer cela dans mes interventions, je regarde
quelqu’un droit dans les yeux et lui demande quelle heure il est tout en
montrant la fenêtre de la main. J’obtiens invariablement un « Euh…
Euh ? » même si la réponse à ma question est très simple. Dans certaines
occasions, on fait un usage minimal de nos mains : quand on est très
fatigué, quand on est très triste, quand on s’ennuie énormément ou quand
on doit réfléchir très fort à ce qu’on dit et quand on pense. Soigneusement.
À. Chaque. Mot. Qu’on. Dit. Comme quand on ment.
Construire de nouvelles pensées est un processus interne très éprouvant.
La concentration que cela demande limite les manifestations extérieures de
sentiments. Et, comme les gestes des mains sont très faciles à voir, on
remarque toujours leur absence.
Quand je demande comment on peut voir quand quelqu’un ment, il y a
toujours quelqu’un qui répond que les menteurs se grattent le nez. C’est vrai
qu’on porte plus les mains à notre visage quand on ment, mais le plus
souvent ce n’est pas pour se gratter le nez. Ça, ça vient ensuite. On
commence par se couvrir la bouche comme si on voulait empêcher le
mensonge d’en sortir ou comme si on avait honte de ce qu’on va dire. Les
autres gestes de la main vers le visage – ajuster ses lunettes, se tripoter le
lobe d’une oreille, se gratter le nez – découlent probablement de l’envie
d’avoir l’air moins suspect.
Les mains peuvent aussi bouger de cette manière quand on écoute
quelqu’un. On se couvre souvent la bouche quand on a un doute ou quand
on pense qu’on ne nous dit pas la vérité. Il est facile d’imaginer quelqu’un
penser sous le coup de la surprise : « Je n’y crois pas ! » en ouvrant de
grands yeux et en se couvrant la bouche avec la main. Si vous voyez votre
interlocuteur le faire, cela veut dire que vous devez essayer d’être plus clair
et de trouver de nouveaux arguments. Si vous dites la vérité, bien sûr…
Sinon, votre nez va peut-être vous gratter !
Comme tous les signes de mensonge, le fait que quelqu’un se gratte le
nez veut parfois juste dire que ça le gratte. Mais s’il le fait à maintes
reprises, cela vaut la peine de commencer à chercher d’autres signes de
mensonge ou d’émotion cachée.

Le reste du corps

Je vous conseille aussi de faire attention à la posture, aux bras et aux pieds.
Quand quelqu’un est intéressé, il a l’air alerte alors que quand il ne l’est pas
il se tasse légèrement. Si cela dure suffisamment longtemps, il peut finir par
s’appuyer contre un mur ou contre le coin d’une table jusqu’à ce qu’il
prenne conscience qu’il a l’air vraiment de s’ennuyer et tente d’y remédier
en toussant ou en ajustant sa posture d’une façon évidente.
On est souvent incapable de se souvenir des signaux qu’on émet avec
les jambes et les pieds. C’est probablement pour cela qu’on passe autant de
temps avec les jambes cachées sous des tables et qu’on n’a appris à regarder
que le visage de nos interlocuteurs en ignorant le reste.
Pour vous donner un exemple de signes contradictoires, imaginez un
agent de voyages qui a passé quarante minutes à vendre un séjour tout frais
compris à 900 dollars à un jeune couple d’amoureux, en pensant à tous les
autres séjours qu’il aurait pu vendre beaucoup plus cher s’il n’était pas resté
coincé si longtemps avec eux. Il manifeste alors son agressivité en donnant
inconsciemment des coups de pied vers eux sous la table. Sans parler de la
fille timide qui entortille ses jambes l’une autour de l’autre pour avoir l’air
détendu à un speed dating.

Les lapsus gestuels


Beaucoup de situations peuvent nous angoisser et nous stresser. Parfois,
c’est normal, comme quand on se rend à un entretien d’embauche
important, quand on doit faire un discours à une grosse fête, quand on
s’ennuie vraiment et qu’on est très agité, quand on va avoir notre premier
enfant, quand on entre dans une nouvelle école, etc. On dit alors qu’on a
l’« estomac noué ».
Quand on ment sur quelque chose d’important, cela peut aussi accroître
notre nervosité, notre stress et notre anxiété. On accumule alors beaucoup
d’énergie et de tension qui ont besoin d’être évacuées. Si on essaie de ne
rien laisser paraître et qu’on se concentre uniquement sur le fait d’avoir l’air
très détendu, on va commencer à trembler. À force de se crisper, certaines
personnes finissent même par s’évanouir. Mieux vaut donc s’occuper et
faire des gestes qui nous aident à soulager notre anxiété et nos nerfs : les
lapsus gestuels.
Ces gestes indiquent clairement que la personne est en proie à un grand
conflit interne ou est très tendue. Les lapsus gestuels sont des petits gestes,
répétitifs et insignifiants comme quand on appuie constamment sur le
bouton-poussoir d’un stylo-bille, qu’on déchire une feuille de papier en
petits morceaux, qu’on tapote quelque chose. Certaines recherches montrant
que notre besoin de garder nos mains occupées est grand, il est difficile de
savoir si ces gestes sont des lapsus gestuels ou pas. C’est pourquoi il est
important de vérifier s’ils sont fréquents et répétitifs (en boucle).
Une personne qui a trouvé un bon lapsus gestuel l’aidant à rester
occupée peut paraître d’un calme olympien. Elle peut même ne pas savoir
pourquoi elle vient de trier tous les cure-dents de la boîte. Mais vous, vous
savez que c’est le signe d’un gros stress interne. À vous maintenant de
découvrir s’il est justifié ou non.
Dans tous les aéroports, il y a des gens chargés de détecter ces signes
chez les voyageurs pour identifier ceux qui ont peur de prendre l’avion et
qui essaient de le cacher, pour qu’ils ne posent pas de problème une fois à
bord. Ils sont souvent dans les espaces fumeurs à l’intérieur ou à l’extérieur
du terminal. (Depuis le 11 septembre, les voyageurs nerveux sont très
surveillés dans beaucoup de pays.) Il y a, par exemple, l’homme qui fait
tomber la cendre de sa cigarette plus souvent que nécessaire ou la femme
sophistiquée qui casse toutes ses allumettes une par une avant de les poser
dans le cendrier. Le simple fait de fumer peut être un lapsus gestuel très
important si on le fait mécaniquement, cigarette après cigarette, au lieu d’en
faire un instant de plaisir. Le responsable des relations publiques de
l’aéroport de Stockholm-Arlanda m’a confirmé que le personnel de la
douane et de la sécurité est également formé à détecter ces signaux.

Souvenez-vous que les lapsus gestuels peuvent être complètement naturels. Comme
on ne peut pas évacuer discrètement notre trop-plein d’énergie dans de nombreuses
situations, il « se faufile à l’extérieur » via des gestes sans importance comme tapoter
quelque chose, se ronger les ongles ou jouer avec des bougies allumées. Il y a aussi
des moments dans la vie où on a un trop-plein d’énergie ou de frustration qu’on ne
peut pas soulager. Observez les lapsus gestuels d’un adolescent quand il doit rester
assis plus d’une fraction de seconde.
VOUS AVEZ L’AIR NERVEUX ?
QUELQUE CHOSE NE VA PAS ?
Les changements dans la voix
Même si on peut facilement choisir les mots qu’on utilise quand on parle,
on peut plus difficilement contrôler notre voix car notre état émotionnel agit
dessus. Et, en fait, on n’arrive pas à choisir nos mots aussi bien qu’on le
croit.

Le ton de la voix
Comme vous l’avez certainement remarqué, notre voix monte souvent dans
les aigus quand on est en colère. Son ton change. Son volume aussi, ainsi
que son rythme. Quand on est triste, c’est l’inverse. Notre voix vient du
fond de notre gorge et est plus grave. On parle lentement et beaucoup plus
calmement que d’habitude.
Certains prétendent que la voix change comme elle le fait sous le coup
de la colère quand on culpabilise parce qu’on ment. On se met à parler plus
vite, plus haut et plus fort. Si on a honte de devoir mentir, notre voix prend
les mêmes intonations – toujours en théorie – que quand on est triste. On
parle plus calmement, plus doucement et plus lentement. Si tout cela est
vrai, cela veut dire que, quand on remarque des changements dans la voix
de quelqu’un et qu’on ne voit pas ce qui peut l’avoir mis soudainement en
colère ou lui avoir fait de la peine, on peut envisager qu’il nous ment.

Les changements dans la façon de parler

Quand on ment, la façon dont on parle peut changer ainsi que la qualité de
notre voix. Par exemple, on se met à faire des pauses, et elles sont trop
longues ou trop courtes par rapport à d’habitude. On s’arrête soudain à un
endroit où on ne s’arrêterait pas en temps normal, comme au milieu d’une
phrase ou avant de répondre à une question à laquelle on devrait pouvoir
répondre immédiatement. On essaie de gagner du temps en faisant traîner
les voyelles, en faisant « Euhhh… » ou « Emmm » pendant qu’on essaie
désespérément de trouver quoi dire. Sous le coup de la nervosité, on peut
aussi se mettre à bégayer alors qu’on ne bégaie jamais.
On fait également des répétitions qui nous permettent de ne jamais nous
arrêter, de dire encore et encore la même chose, sans laisser la moindre
place aux autres. On aime soudain prononcer des longues phrases, des
phrases interminables qui semblent ne jamais finir, comme si on avait peur
de ce qui pourrait arriver si on laissait quelqu’un intervenir.
Ou on fait l’inverse. On. Se. Met. Soudain. À. faire. Des. Phrases. Très.
Courtes. Comme. Si. On. Avait. Peur. De. Faire. Un. Lapsus. Ou d’en dire
trop.
Tous ces changements nous avertissent qu’il se passe quelque chose et
qu’on devrait se mettre à chercher d’autres signes au niveau du visage et du
corps.

Les changements dans le langage


Les gens qui mentent souvent parlent en utilisant ce qu’on appelle des
particularités linguistiques. Ils commencent à s’exprimer autrement que
d’habitude. On connaît maintenant si bien ces particularités qu’elles sont
devenues des clichés et elles sont si courantes qu’on pense qu’on nous ment
dès qu’on les entend. Elles peuvent même paraître évidentes aux menteurs
sans qu’ils arrivent, malheureusement pour eux, à les éviter. Beaucoup de
ces changements échappent aux personnes les plus averties, d’où l’intérêt
d’apprendre à les entendre. Voici les particularités linguistiques que le
psychologue comportementaliste Peter Collett a identifiées :
Les digressions et les vagabondages. Les menteurs font souvent plus
de digressions et donnent des explications compliquées qui semblent
n’aller nulle part : « Eh bien, j’imagine que je peux dire que, euh, bref,
ça pourrait, euh, je suis sûr que… »
Mais quand on leur pose des questions directes, ils font des réponses
courtes.
Le même discours encore et encore. Quand on ment, on donne
souvent peu de détails. C’est pourquoi si on lui pose la même question
plus tard, la personne qui ment va probablement répéter exactement ce
qu’elle nous a déjà dit alors que quelqu’un qui dit la vérité va avoir
tendance à rajouter de nouvelles informations ou à nous faire un
résumé. On ne peut en effet pas ressortir nos souvenirs d’une boîte
chaque fois qu’on en a besoin et on ne les y range pas tels quels. Ils
subissent les effets de tout ce qui se passe dans notre esprit quand on les
raconte.
Quelqu’un qui ne ment pas est donc capable de se concentrer sur
plusieurs choses à la fois chaque fois qu’il raconte son histoire alors
qu’un menteur va redire la même chose de peur de se contredire, et
rarement rentrer dans les détails. Si on demande à quelqu’un qui dit la
vérité de nous donner des détails sur ce qu’il a affirmé précédemment, il
pourra le faire (à moins que le souvenir soit si vieux qu’il les ait
oubliés). Par contre, un menteur sera incapable de le faire sauf en
fabriquant un nouveau mensonge sur-le-champ, par exemple :
« J’étais seul pendant toute la nuit. J’ai regardé la télé et puis je suis
allé me coucher. »
— Qu’as-tu regardé ? »
— Euhhhh… attends… C’était… Euhhh… »
Les écrans de fumée. Un menteur va souvent essayer de se cacher
derrière une barrière de mots impressionnants et vides, et également
utiliser beaucoup de tournures abstraites (on en reparle d’ici peu), bref,
faire du pur non sequiturs 2. Quand ils répondent à une question, les
menteurs le font souvent d’une façon qui semble sensée alors qu’elle ne
l’est pas. D’après Peter Collett, c’est ce qu’a fait David Dinkins, un
ancien maire de New York, quand il a été accusé de fraude fiscale : « Je
n’ai pas commis de crime. Je ne me suis juste pas conformé à la loi. »
Vraiment !
Exemple : « Je pourrais répondre à cette question de deux façons. Ça
dépend comment vous me la posez. »
Nier pour créer de la distance. Un menteur va avoir tendance à utiliser
des termes négatifs et commencer par définir les choses en disant ce
qu’elles ne sont pas au lieu de dire ce qu’elles sont, contrairement à ce
que l’on fait en temps normal. L’affirmation de Nixon en est une
parfaite illustration : « Je ne suis pas un escroc » – il aurait normalement
dû dire : « Je suis un homme honnête. » Il avait tellement conscience de
ce qu’il niait et était si concentré dessus qu’il a entièrement façonné son
mensonge autour de cela.
Exemple : « Je ne mens pas » et non « Je dis la vérité ».
Dépersonnaliser pour créer de la distance. Les menteurs évitent le
plus possible d’utiliser des mots comme « moi » ou « mon », pour se
distancier de leur mensonge. De même, ils vont avoir tendance à
généraliser en employant des termes comme « toujours », « jamais »,
« tout le monde », « personne », etc., pour ne pas avoir à dire clairement
de qui ou de quoi ils parlent.
Exemple : « Relax. Ça n’arrive jamais ici. »
Parler au passé pour créer de la distance. Pour se démarquer de leur
mensonge, certains menteurs le déplacent à une autre époque et
l’expriment entièrement au passé, plutôt qu’au présent. Par exemple,
quand on leur demande : « Que fais-tu ? », ils répondent souvent : « Je
ne faisais rien » (et non « Je ne fais rien »).
Émettre des réserves. Beaucoup de mauvais mensonges dans les films
commencent par : « Écoute, tu ne vas pas le croire, mais… » ou « Je
sais que ça peut paraître étrange, mais… ». Un menteur qui comprend
que ce qu’il dit n’est pas très crédible va souvent émettre ce genre de
réserves pour confirmer les éventuels soupçons de son interlocuteur et
lui faire croire qu’ils sont infondés. Ce stratagème est malheureusement
très souvent employé par les menteurs. Toutefois, le simple fait
d’émettre des doutes sur ce qu’on va dire suscite souvent la méfiance de
l’autre avant même que le mensonge soit énoncé. La forme de réserve la
plus drôle est quand on dit directement à quelqu’un que c’est un
mensonge, sans même le savoir.
Exemple : « Franchement, c’était irréel ! Je vais tout te raconter… »
Utiliser un langage sophistiqué. Même si c’est un peu bizarre, les gens
qui mentent utilisent souvent des formes de langage plus strictes qu’en
temps normal. Beaucoup vont souvent soudain se mettre à suivre des
règles de grammaire ou de prononciation qu’ils ne suivent jamais en
temps normal, ou vont cesser de dire leurs expressions argotiques et
leurs abréviations familières préférées. D’après Peter Collett, c’est parce
qu’ils sont tendus et se comportent donc de façon plus guindée. Je pense
que c’est aussi lié au fait qu’ils désirent inconsciemment accentuer leur
propos pour délivrer le meilleur contenu possible même si leur
mensonge se voit dans la façon dont ils s’expriment. Pour compenser
l’absence de vérité, le menteur essaie d’apparaître sous son meilleur
jour linguistiquement parlant. Si on se fiche complètement de quelque
chose mais qu’on veut faire croire l’inverse, on ne peut pas se contenter
de dire : « Non, ça ne me plaît pas. » On dit plutôt : « Je pense que ça
serait à la fois regrettable et inapproprié. »
Faire traîner les mooooooots. Il faut du temps pour fabriquer un
mensonge, ce qui explique de nombreux changements dans notre façon
de parler : pauses, bégaiement, voyelles étirées, etc. Du coup, cela nous
fait parfois formuler notre mensonge à un rythme plus lent
qu’habituellement, au moins au début :
Exemple : « Ouiiiiiiii. C’eeeeeeeeeest, eeeeeeeeeeuh, c’eeeeeeeeest –
désolé – c’étaiiiiiiiiiit cooooooomme… » (Notez comme on a créé de la
distance en passant du « c’est » au « c’était » !)

PRUDENCE, PRUDENCE
Évitez de sauter trop vite aux conclusions
Avant de terminer ce chapitre, j’aimerais répéter des choses importantes
qu’il faut savoir quand on essaie de deviner si quelqu’un ment (ou s’il
essaie de cacher ses vraies émotions). Repérer un des signes décrits ci-avant
ne suffit pas. Si vous en voyez un, cela veut juste dire que vous devez en
chercher d’autres. Ils doivent aussi trancher avec le comportement habituel
de la personne. S’ils étaient là dès le début, on ne peut pas savoir s’ils sont
apparus parce qu’elle ment ou si cela fait juste partie de son comportement
habituel.
N’oubliez pas non plus que les signes que vous allez repérer ne vous
diront pas si vous êtes face à un mensonge (vocal) ou à une émotion
réprimée. Seul le contexte vous le dira. Comme dans le cas des émotions
masquées, ces signes peuvent aussi être causés par quelque chose qui n’a
aucun rapport avec la situation dans laquelle vous vous trouvez. Si vous
parlez à un homme d’affaires qui a peur de prendre l’avion, vous vous
tromperiez en pensant que ses lapsus gestuels signifient qu’il vous ment
(sauf, bien sûr, si vous parlez de voyages en avion).
Si les signes que vous détectez indiquent clairement que quelque chose
ne va pas, soyez prudent. Donnez la possibilité à votre interlocuteur de
modifier ou de compléter son propos. Ne dites pas : « Ah, ah ! Pris en
flagrant délit de mensonge ! » Dites plutôt quelque chose comme : « J’ai
l’impression que vous pensez autre chose, que vous ne m’avez pas tout dit »
ou « Vous pouvez clarifier ça ? Il y a peut-être quelque chose que vous
voudriez expliquer autrement pour m’aider à mieux comprendre ».
Souvenez-vous de l’opinion aïkido. Quand on affronte directement le
prétendu menteur et qu’on l’accuse de mentir, on n’en tire généralement
rien si ce n’est de la résistance et du déni. Faites preuve de compréhension.
Essayez de vous connecter à lui, de trouver ce qui est vraiment en train de
se passer. Et enfin, si vous avez encore un doute, partez toujours du principe
que la personne est sincère.
Évitez aussi de penser que tout le monde vous ment car c’est tout sauf
constructif. Même s’il est utile d’avoir les outils que vous venez d’acquérir,
vous vivrez mieux si vous pensez que vous n’avez pas besoin de les utiliser.
La vie est très, très chouette quand on trouve quelqu’un de chouette avec
qui en partager un brin (de vie, bien sûr). C’est ce qu’on fait. Tout le temps.
Malheureusement, comme on remarque rarement consciemment les signes
qui prouvent que quelqu’un s’intéresse à nous (et vice-versa), on passe
constamment les uns à côté des autres. Le prochain chapitre va nous aider à
y remédier.

Certaines personnes émettent plus ou moins tous les signes classiques du mensonge
quand elles se conduisent normalement. Je connais quelqu’un comme ça qui a vécu
des moments terribles avec sa compagne jusqu’à ce qu’elle comprenne ce qui se
passe.
Souvenez-vous qu’on doit savoir comment quelqu’un agit normalement avant de
pouvoir noter d’éventuels changements dans son comportement.
1. Le polygraphe est parfois fiable. Le problème, c’est qu’il faut toujours que quelqu’un
interprète ses résultats. Et c’est là que le bât blesse car une interprétation n’est ni plus ni moins
qu’un avis personnel. Le polygraphe est parfait pour tracer des pics. Encore faut-il savoir ce que
ces pics sont censés vouloir dire.
2. NDT : raisonnement dans lequel la conclusion n’a aucun lien logique avec ce qui précède.
CHAPITRE 8
Où l’on va rougir jusqu’aux oreilles en prenant conscience du
comportement scandaleux qu’on a eu à la pause-café et où l’on va
partir dans les Caraïbes pour fêter ça.

L’ART DE LA DRAGUE
INCONSCIENTE

Comment les gens flirtent sans le savoir

Commençons par une évidence : s’il est un moment où il est vraiment utile
de pouvoir lire le langage corporel de ceux qui nous entourent et de
contrôler le sien, c’est quand quelqu’un nous plaît ou qu’on s’intéresse à
lui. Quand notre inconscient est dans ces dispositions, on peut puiser dans
une bibliothèque entière de communication non verbale et inconsciente. Si,
en lisant ça, vous culpabilisez et vous vous dites : « Mais j’ai déjà
quelqu’un » ou « Ça ne sert à rien que je lise ce chapitre, je suis marié et
heureux de l’être », sachez que cela n’a aucune importance. Les êtres
humains sont des animaux sociaux qui ont besoin de reconnaissance – et
doivent pouvoir apprécier les autres membres du groupe – pour se sentir
bien. Comme dans le cas des émotions, la reconnaissance est un mécanisme
important pour bien faire fonctionner les structures sociales et nous
permettre d’aimer nos vies. Flirter, être un peu apprécié des autres, peut être
très discret et très innocent. Bien sûr, cela peut se terminer sous la couette et
par la perpétuation de l’espèce mais, au début, c’est une autre sorte de
connexion, une forme de reconnaissance.
Je pense aussi que ceux qui sont dans une relation stable peuvent avoir
particulièrement besoin de réinjecter un peu de drague dans leur vie pour
pimenter leurs relations de couple. D’ailleurs, même si vous n’avez envie
de flirter avec personne d’autre que votre partenaire, le fait de savoir que
quelqu’un s’intéresse à vous, seulement en le regardant, peut booster
agréablement votre confiance en vous. Ou, si vous êtes célibataire,
comment montrer à quelqu’un qu’il vous intéresse sans que cela soit trop
évident ? Ou encore, si l’objet de votre attention vient vous parler, comment
allez-vous continuer à l’intéresser pour qu’il ne reparte pas et ne disparaisse
pas à tout jamais ? Et quelle est la meilleure façon d’éconduire quelqu’un ?
Je sais qu’il existe des formations pour apprendre des choses comme
« caresser du regard » et se lécher sensuellement les lèvres, mais là n’est
pas mon propos. Ce dont je veux vous parler, c’est plutôt de toutes ces
choses qu’on fait déjà, inconsciemment et sans parler. Voyons ça de plus
près !

Comment se connecter à quelqu’un et établir le contact


1
visuel

Imaginez que vous êtes dans un lieu très fréquenté, comme à un réveillon
chez des amis, à une avant-première ou un mariage. Cela peut aussi être
dans le hall d’une gare, à la sortie de la crèche ou à la cantine au travail.
Imaginez que vous êtes avec des amis et que vous leur parlez. Soudain
votre inconscient voit quelqu’un à quelques mètres sur votre droite,
quelqu’un qui vous plaît. Pour commencer, vous allez inconsciemment vous
connecter à lui (elle) de loin comme expliqué dans le chapitre 3, c’est-à-dire
que vous vous adaptez à son langage corporel et à son rythme. Vous allez
inconsciemment veiller à garder votre corps « ouvert » en retirant tous ce
qui se dresse entre vous : verre, casque de moto ou quoi que ce soit que
vous tenez dans la main droite pour qu’il n’y ait pas d’obstacle entre lui et
vous. Votre inconscient se charge de tout ça pour vous. Il se peut d’ailleurs
que vous n’ayez pas encore remarqué cette personne. Vous avez lancé un
processus de communication, sans en avoir forcément conscience.
Maintenant, vous allez l’observer discrètement en lui jetant un regard de
côté de temps en temps, juste assez pour lui montrer votre intérêt. En termes
purement mécaniques, cela consiste à le (la) regarder jusqu’à ce qu’il (elle)
vous regarde. Puis vous le (la) fixez une ou deux secondes avant de
détourner le regard, tout cela sans bouger votre tête, qui fait toujours face
aux personnes qui vous accompagnent. Seuls vos yeux bougent. C’est là
que les femmes peuvent dégainer une arme puissante. Souvent, quand elles
détournent le regard après l’avoir planté dans celui d’un homme, elles
regardent par terre pendant un bref instant. C’est ce qu’on appelle un
« regard furtif ».

L’exercice « drague »
Si vous êtes une femme, faites ce petit test. Imaginez que vous trouvez un homme
attirant à l’autre bout de la pièce. Jetez-lui un regard en coin, puis déplacez les yeux
pour regarder de l’autre côté. Regardez-le de nouveau. Mais cette fois, au moment de
détourner le regard, regardez d’abord par terre. Avez-vous remarqué une différence ?
Cela vous a-t-il semblé familier ? Je m’en doutais.
Regarder vers le bas est une invitation. C’est un signe de soumission, un
signe qui dit : « Je ne te veux pas de mal » ou même « Je peux/veux être
conquise ». Je suis bien conscient des réactions qu’une telle affirmation
peut provoquer dans notre monde post-#MeToo. Mais malheureusement
pour notre esprit rationnel et éveillé, nos flirts inconscients sont la
conséquence d’une programmation très ancienne qui remonte bien avant
l’époque où nous étions des êtres humains, époque à laquelle les femelles se
soumettaient souvent aux mâles. Même si cela n’est pas très politiquement
correct ou de bon goût sur le plan de l’égalité des sexes, c’est comme ça
que ça marche depuis la nuit des temps. Et nous sommes loin d’être les
seules créatures à nous comporter ainsi. La plupart des rituels
d’accouplement dans le monde animal comportent des scènes de
soumission de la part des femelles – et l’espèce humaine ne fait pas
exception à la règle. Sinon, les hommes n’auraient tout simplement pas le
courage d’aborder les femmes.

Exhibez votre plumage


Mais revenons dans la pièce où vous vous trouvez. Quand vous comprenez
(inconsciemment) qu’on vous regarde, vous exhibez votre magnifique
plumage comme un paon. Ou vous faites l’équivalent à l’échelle humaine :
vous commencez à essayer d’améliorer votre apparence. Vous ajustez vos
vêtements, vos cheveux et vos bijoux. Vous êtes plus alerte et vous
redressez le dos. Si vous êtes un homme, vous allez, au moins en théorie,
gonfler la poitrine comme le mâle alpha que vous êtes. Si vous êtes une
femme, vous allez dévoiler vos atouts de la meilleure façon possible.
Autrement dit, qui que vous soyez, vous allez commencer à montrer ce que
vous avez.
Si vous êtes une femme et que vous vous tripotez les cheveux et les
boucles d’oreilles, cela envoie deux sortes de messages. Comme les
animaux quand ils se soumettent, vous montrez les parties les plus
vulnérables de votre corps : vos poignets. Vous montrez aussi les paumes de
vos mains pour qu’on voie que vous ne tenez pas de pierre ni d’objet que
vous pourriez utiliser pour assommer un homme qui s’approcherait de vous.
Montrer qu’on a les mains vides est une façon très ancienne et très primitive
de faire comprendre que nos intentions sont amicales. Les chimpanzés font
cela quand ils se battent pour signifier qu’ils veulent arrêter. Même si nous
ne sommes plus des singes, notre inconscient continue à enregistrer
l’importance de ce geste. Nous avons même développé nos propres
variantes. Par exemple, si on tend la main pour dire bonjour à quelqu’un,
c’est pour lui montrer qu’on ne tient pas d’épée.

Lancez-vous
Maintenant, place à la pratique. Vous montrez votre intérêt en examinant la
personne ou plus précisément en la regardant en coin et en inclinant la tête.
Vous lui jetez des coups d’œil. Si vous êtes un homme comme moi, c’est
pratiquement tout ce que vous avez dans votre arsenal. Si rien ne se passe,
vous décidez alors volontairement de vous diriger vers la personne que vous
observiez inconsciemment.
Les femmes disposent d’une autre arme aussi épouvantablement simple
qu’épouvantablement mortelle. Là encore, si vous êtes une femme, vous
pouvez essayer de reproduire ce qui suit pour comprendre exactement ce
que je dis. Pour commencer, placez votre tête et vos yeux dans la posture
d’observation indiquée plus haut. Puis, lancez des regards en coin et
penchez légèrement la tête. Placez une main sur une hanche et basculez le
bassin vers le haut. C’est ça. Maintenant, vous n’êtes plus soumise mais
vous lancez au contraire un vrai défi car cette posture veut dire : « Tu
m’intéresses mais je me demande si tu vas avoir le courage de venir jusqu’à
moi. » C’est aussi direct que ça.
Souvenez-vous que, là encore, vous vous servez de techniques qui sont
inconscientes au départ. Sans avoir forcément cherché à l’encourager à le
faire, vous allez soudain voir la personne se tenir juste devant vous, prête à
engager la conversation. Et vous n’avez aucune idée de la manière dont
c’est arrivé. Il se peut également qu’elle vous demande si vous vous
connaissez car vous lui semblez familière. Vous savez à qui vous lui faites
penser ? À elle-même, bien sûr, car vous avez reproduit son langage
corporel !

Votre posture montre de la confiance et de l’intérêt


Si vous vous tenez (debout ou assis) directement l’un en face de l’autre,
c’est un signe fort d’attirance car vous vous montrez vos zones vulnérables.
Normalement, on se tient à un angle de 45 degrés quand on parle à
quelqu’un car le face-à-face est tout simplement trop intime. Tous les
animaux savent que les côtés sont les parties les mieux protégées de leur
corps, grâce aux côtes. Quand on se présente de côté, on est ainsi moins
vulnérable aux menaces. Les seules circonstances dans lesquelles on se fait
face directement sont soit quand on a entièrement confiance en l’autre parce
qu’on le connaît bien, soit quand on est en mode séduction. Pour la même
raison, on peut se sentir menacé en voyant quelqu’un se diriger droit vers
nous. De même, si on se tient trop près de quelqu’un ou si on le domine de
toute notre hauteur, cela peut être perçu comme une intrusion ou une
menace. C’est pour cela qu’on peut se sentir en situation d’humilité et de
vulnérabilité.
Si on se met brutalement en face de quelqu’un que cela dérange, il
exprime son malaise en se touchant le cou, le col, son collier. Ce signe nous
dit de reculer physiquement ou de changer de sujet de conversation parce
qu’on se tient trop près de lui ou qu’on parle de quelque chose qui ne lui
convient pas.
Maintenant qu’on est là, face à face, et qu’on se parle, la drague devient
plus nuancée. C’est le moment idéal pour observer le comportement
inconscient de l’autre. Ses pupilles sont-elles dilatées, ce qui montrerait son
intérêt ? Son langage corporel est-il ouvert, sans mains ou autres obstacles
entre vous ? Et ses deux pieds ? Sont-ils bien ancrés dans le sol et non prêts
à partir ailleurs ? Maintenant, il est temps d’utiliser les méthodes de
connexion qu’on ne peut pas utiliser quand on est éloignés. Si on les
applique correctement, on va bientôt suivre et guider le langage corporel de
l’autre.
Imaginons que la conversation continue et qu’un peu plus tard, vous
ayez pris place sur un canapé ou chacun sur une chaise, dans le pire des cas.
Rien ne s’arrête, bien au contraire. Vous continuez à faire tomber les
barrières entre vous, c’est pourquoi il faut éviter de croiser les jambes
même si cela ancre bien dans le sol car la jambe croisée devient un obstacle.
Alors plantez vos deux pieds par terre. À ce stade, on enlève aussi souvent
une autre barrière : les lunettes, qu’on retire ou qu’on remonte sur le front.
Comme vous le savez, une personne intéressée est alerte, énergique, et
se penche souvent un peu vers son interlocuteur quand elle lui parle. Dans
le cas inverse, si elle est agitée ou nerveuse, elle aura les lapsus gestuels
dont nous avons déjà parlé plus haut. Si elle apprécie notre compagnie, ses
mains et ses pieds sont en principe immobiles et détendus, ne gigotent pas
ou ne tapent pas par terre. Il faut aussi être attentif à la façon dont elle porte
ses mains à son visage. Souvenez-vous de ce que je vous ai expliqué dans le
chapitre 7, sur le mensonge.

Un truc sensuel

Si ce n’est pas déjà le cas, un nouveau signe apparaîtra : vous allez


discrètement vous toucher ou toucher un objet comme un verre de vin.
Selon la façon dont les choses ont évolué, cela peut vouloir dire qu’on se
sent un peu coincé et qu’on a besoin de revenir dans la réalité. Dans ce cas,
on va par exemple se toucher le cou et avoir le regard baladeur. Mais si la
situation évolue bien, ces gestes sont des caresses inconscientes et
symboliques qui sont destinées à l’autre. On peut aussi mettre des choses
dans sa bouche – je ne parle pas de chips ou de miniquiches mais de sucer
et de mâcher des olives, des glaçons, du chocolat ou tout autre aliment
qu’on peut déplacer entre nos lèvres d’une manière raisonnablement
sensuelle. On se met aussi souvent à les lécher (nos lèvres, pas les olives).
C’est véridique, même si ça peut paraître un peu stupide. Qui vous a dit que
l’inconscient était sophistiqué ? Il ne servirait de toute façon à rien qu’il le
soit étant donné que tout se fait à notre insu. Bref, quand on regarde
quelqu’un qui nous plaît manger ou boire, cela l’excite d’une façon presque
insupportable.
À ce stade, pour ne rien arranger, on décide de se détendre un peu. Les
hommes desserrent leur cravate et déboutonnent leur chemise ou retirent
leur veste ou leur pull, pendant que les femmes détachent leurs cheveux ou
commencent au moins à balancer une de leurs sandales sur le bout d’un
orteil. Bref, on commence ni plus ni moins à se déshabiller alors qu’on a
seulement conscience de passer un très bon moment. Pourtant, la danse
nuptiale a déjà commencé.

Histoire vraie
Si vous avez du mal à croire que le comportement que je viens de décrire
est encore inconscient, je vous comprends tout à fait. Jamais vous ne
rateriez des signes aussi évidents de séduction, n’est-ce pas ? Ce serait
probablement le cas si vous observiez votre interlocuteur sans rien dire.
Mais souvenez-vous que vous êtes occupé à lui parler, à l’écouter, à avoir
l’air intelligent et à vous montrer sous votre meilleur jour. Vous n’avez
simplement pas le temps de penser à guetter consciemment ces signes,
surtout si vous n’êtes pas vraiment sûr de pouvoir les décrypter.
Je vais vous raconter une histoire pour vous montrer à quel point tout
cela se fait sans qu’on en ait la moindre idée.
Il y a environ un an, je donnais une conférence dans une résidence
hôtelière de luxe dans les Caraïbes. Comme il faisait très chaud, on était
habillés de façon décontractée, parfois minimaliste, même lors de situations
formelles. Un soir, on a dîné sur la terrasse d’un restaurant. Un homme que
tout le monde avait repéré à cause de sa taille et de son physique
impressionnant est arrivé et s’est assis. Comme personne ne pouvait ignorer
sa présence, qui était évidente, on lui a tous lancé un regard avant de se
remettre à manger.
Environ une minute plus tard, une jeune femme s’est dirigée vers lui.
Elle avait les cheveux longs et décolorés, avait environ vingt-cinq ans et
portait un débardeur très décolleté, un petit short et des sandales. À défaut
de pouvoir entendre leur conversation parce que j’étais assis trop loin, j’ai
observé leurs faits et gestes. Il a décalé sa chaise par rapport à la table pour
lui faire face, ce qui, à mon sens, était sympa et disait qu’il était prêt à lui
consacrer du temps et de l’attention. (Bien sûr, en raison de sa taille, ce
changement de position ne pouvait pas le faire paraître faible ou vulnérable
aux yeux de la jeune femme. En revanche, et c’est plus important, en restant
assis alors qu’elle était debout, il lui montrait qu’il ne représentait pas une
menace pour elle.) Ils ont parlé pendant deux ou trois minutes.
Voici ce qu’elle a fait pendant tout ce temps. D’abord, elle a posé une
main sur la table à côté de laquelle elle se tenait. Comme elle était assez
basse, cela l’obligeait à se pencher sur un côté et à s’appuyer sur un bras, ce
qui faisait remonter et ressortir sa poitrine. Vingt secondes plus tard, elle a
avancé un peu sa main sur la table et s’est donc penchée légèrement en
avant, ce qui a mis son sillon mammaire directement dans la ligne de mire
de l’homme assis en face d’elle. Vingt secondes plus tard, elle a commencé
à se toucher le cou, mais pas d’une façon nerveuse. Elle le faisait d’une
manière sensuelle : elle faisait négligemment glisser son doigt le long de
son collier et de l’encolure de son débardeur. Elle l’a fait trente secondes
avant d’enlever sa sandale droite et de commencer à frotter son pied nu le
long de sa jambe gauche. Vers le haut… et vers le bas. Vers le haut… et
vers le bas.
J’ai failli m’étouffer avec ma salade. Comment l’homme allait-il
réagir ? Eh bien, il a fait exactement l’inverse de ce qu’elle faisait. Il
regardait partout sans la regarder elle, il répondait brièvement à ses
questions (je pouvais le voir, même sans rien entendre), il tapait du pied par
terre et il n’arrêtait pas de bouger les mains. Au bout d’un moment, elle a
fini par renoncer et est retournée à sa table.
Quand leur conversation a pris fin, je n’ai pas pu résister. Je suis allée
voir la jeune femme dès que j’ai pu pour lui demander de quoi ils avaient
parlé. Pour elle, cela n’avait été qu’une conversation de travail. Elle m’a
expliqué qu’il lui avait acheté un produit l’année précédente et qu’elle
voulait juste savoir ce qu’il en avait pensé. Elle a été profondément choquée
quand je lui ai décrit son attitude et à quel point elle semblait le trouver
attirant. Elle m’a certifié ne se souvenir d’aucun des comportements que je
lui ai décrits et a eu peur de lui avoir donné une mauvaise impression. Je
l’ai crue.
J’ai aussi rapidement parlé à l’homme. J’ai commencé par lui dire que
ça devait lui arriver constamment et qu’il devait trouver ça pénible. Après
avoir admis que c’était en effet le cas, il m’a dit qu’il s’efforçait d’accorder
à chacun le temps nécessaire et d’être gentil et poli avec tout le monde.
Quand je lui ai décrit la façon dont il s’était comporté avec la jeune femme,
il a été aussi mortifié qu’elle. Craignant de lui avoir manqué de respect et
d’avoir été antipathique, il m’a demandé si, à mon avis, il devait aller lui
présenter ses excuses. Je lui ai répondu que ce n’était sans doute pas
nécessaire puisque, comme lui, elle n’avait pas eu conscience de ce qu’elle
faisait – ni de ce qu’il faisait d’ailleurs.
Cette scène illustre parfaitement ce que vous avez lu jusque-là, sans que
ses deux protagonistes en aient eu la moindre idée. Au moins
consciemment. Si j’étais allé questionner leur inconscient, j’aurais
probablement obtenu des réponses très différentes. Mais, sur le plan
conscient, ils étaient tous les deux persuadés qu’ils avaient juste parlé
brièvement affaires. Gardez cela à l’esprit si vous avez peur de suivre le
langage corporel de quelqu’un : vous pouvez vous en sortir beaucoup mieux
que vous ne le pensez.

Quand l’intérêt diminue

Retour sur le canapé (ou les deux chaises). Si, à ce stade, vous vous êtes
lassé de parler à la personne et que vous voulez arrêter, je suis sûr que vous
savez comment cela va se passer physiquement. Vous allez simplement
commencer à briser la connexion. Vous allez ériger des barrières : remettre
vos lunettes, commencer à croiser les bras devant vous (en tenant, par
exemple, des objets), croiser les jambes sous votre chaise, ce qui va décoller
vos pieds du sol ou croiser les cuisses. Vous allez vous tendre. Vous allez
arrêter de regarder votre interlocuteur dans les yeux. Beaucoup de
personnes se mettent aussi souvent à chasser de la poussière invisible ou à
frotter des taches imaginaires sur leurs vêtements. Très vite, votre
interlocuteur va se lever, vous dire qu’il vient de voir quelqu’un avec qui il
doit parler, s’excuser et partir. Quand vous rejoindrez vos amis et qu’ils
vous demanderont où vous étiez, vous leur direz que vous parliez avec
un(e) inconnu(e). C’est tout. Vous ne vous souviendrez absolument pas
d’être passé du mode sexy – au mode pas sexy.
Tout ce que je viens de décrire a eu lieu sans qu’aucune parole ait été
prononcée. Comme vous pouvez le deviner, il est assez facile d’avoir ce
genre de comportement, sans être particulièrement subtil, tout en ayant une
conversation complètement banale en apparence. Alors pensez à ce qui se
passerait si nos paroles concordaient avec nos actions ! On peut devenir
dangereusement irrésistible si on s’entraîne à se connecter aux autres et à
communiquer sans parler.
Dans l’exemple précédent, j’ai décrit un ensemble de comportements
que nous pouvons adopter, l’un après l’autre, lors d’une seule et même
rencontre. Mais cela peut bien sûr durer plus longtemps ou même n’inclure
qu’un ou quelques signes à la fois. Comme deux collègues au travail : ils
ont beau le nier, tout le monde sait qu’il y a anguille sous roche rien qu’à les
voir à la photocopieuse exposer constamment leurs poignets, s’humidifier
les lèvres (s’humidifier, pas se lécher) et se faire face directement. Si rien
de plus n’arrive, la situation pourra durer indéfiniment.
Les êtres humains sont des animaux sociaux. Ils ont besoin de
reconnaissance et d’avoir le droit d’apprécier d’autres membres du groupe
pour se sentir bien. Cela n’a pas besoin d’aller plus loin sauf si, bien sûr, ils
le souhaitent.
Jusqu’à présent, je vous ai appris à observer les signes inconscients de
votre entourage et à connaître les vôtres. Même si vous avez appliqué ces
connaissances de différentes façons, la base reste toujours la même.
Maintenant, vous êtes prêt à découvrir une nouvelle approche. Dans les
deux prochains chapitres, vous allez apprendre comment influencer
réellement les autres, comme quand vous vous connectez à quelqu’un, ce
qui est un exemple d’influence passive. Mais avant, vous allez apprendre à
influer activement sur les opinions, les idées et les émotions des autres –
autant de choses qu’un bon mentaliste doit savoir faire.
Beaucoup de ces techniques comme les commandes cachées du
chapitre 9 ou les ancres du chapitre 10 peuvent servir à améliorer l’état
d’esprit de ceux qui vous entourent. J’ai aussi inclus des techniques pour
vous aider à vous protéger quand vous subirez, comme souvent, un flux
constant d’astuces sophistiquées utilisées pour accéder à vos pensées,
généralement à des fins commerciales ou politiques.

1. Ce que vous allez lire s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes car on utilise
généralement les mêmes techniques quand on drague. Lorsque les méthodes diffèrent, je vous le
dirai.
CHAPITRE 9
Où l’on va apprendre comment on peut influer directement sur les
pensées des autres
et passer un marché avec Spider-Man.

REGARDEZ-MOI BIEN DANS


LES YEUX !

Comment suggérer des choses aux autres


et les influencer en toute discrétion ?

« Faire en sorte que quelqu’un ressente quelque chose ou agisse d’une


certaine façon ne veut pas dire le manipuler. » C’est ce qu’a dit Alvin
Achenbaum, un expert en marketing, devant la Commission fédérale du
commerce américain qui enquêtait sur l’influence potentielle des marchés
sur les consommateurs dans les années 1970. Soit il était particulièrement
bête, soit – et c’est plus probable – il a fait le genre de déclaration vide dont
je vous ai parlé dans le chapitre 7 sur le mensonge car, bien sûr, quand on
fait en sorte que quelqu’un ressente quelque chose ou agisse d’une certaine
façon, on le « manipule ».
Alvin Achenbaum n’était visiblement pas d’accord avec la connotation
négative que l’on a tendance à donner au mot « manipulation » alors que
cela consiste à influencer suffisamment quelqu’un pour le faire changer de
comportement. La valeur que l’on attribue à cette action dépend de celle du
changement qu’elle implique. Autrement dit : faire changer quelqu’un en
mieux est positif alors que le changer en pire est négatif.
Personnellement, je pense qu’Alvin Achenbaum attribuait
inconsciemment une valeur négative au mot « manipulation » et que c’est à
cela qu’il faisait référence, pas au mot lui-même. Au final, le résultat de la
manipulation ou de l’influence, qu’il soit bon ou mauvais, dépend de nous.
Nous avons déjà étudié en détail comment nous influençons et
manipulons constamment les autres par la façon dont nous nous comportons
avec eux. Il suffit parfois d’un gentil « bonjour » et d’un sourire pour que la
personne nous salue chaleureusement à son tour. À d’autres moments, c’est
beaucoup plus compliqué. Je pense que vous avez aussi commencé à
comprendre que, puisque nous influençons ou manipulons constamment les
autres, volontairement ou pas, il faut être sûr de ne pas leur faire du mal et
donc savoir impérativement ce qu’on fait pour pouvoir décider de ne pas le
faire à certains moments ou choisir de le faire différemment.
Les techniques que vous avez apprises jusque-là vous ont
principalement permis d’identifier les états émotionnels des autres et
d’avoir des clés pour comprendre ce qu’ils ressentent et ce qu’ils pensent.
Comme vous l’avez vu, ces techniques peuvent être utilisées pour
influencer leurs processus mentaux, et donc les faire changer d’humeur en
agissant sur leur langage corporel, en établissant de bonnes relations dans
les réunions, en se faisant aimer. Mais comme je l’ai déjà dit, ces techniques
sont relativement passives, c’est pourquoi je vais maintenant vous
apprendre des techniques d’influence plus actives. Par contre, je veux que
vous vous souveniez que notre objectif reste le même : il s’agit d’influencer
les autres pour les aider à mieux comprendre ce qu’on leur dit et à se mettre
dans un état émotionnel auquel ils ont du mal à accéder seuls. Il faut
toujours chercher à aider les gens à se mettre dans le meilleur état d’esprit
possible, et le plus utile. On devrait toujours s’arrêter là, car l’influence est
une arme à double tranchant. Toutes les techniques qui suivent et qui ont été
conçues pour aider les autres peuvent aussi servir à les détruire
complètement. Je vous interdis formellement de le faire. Si je découvre que
vous vous en servez mal, je rapplique chez vous avec une batte de baseball.
Je suis sérieux. Comme le dit l’oncle Ben de Spider-Man : « Un grand
pouvoir implique de grandes responsabilités. »

PROPOSITIONS SUBTILES
Suggestions pour l’inconscient
Faire des suggestions veut dire planter des opinions, des images et des
pensées dans la tête des gens sans qu’ils s’en aperçoivent. Bien qu’ils
pensent avoir eu spontanément ces nouvelles idées, ils ont en fait été
manipulés. Les médias en général, et les publicitaires en particulier,
faussent ainsi très souvent notre perception de la réalité. C’est ce qu’ont
fait, volontairement et pendant des années, les responsables d’un quotidien
en utilisant le slogan « Qui a forgé vos opinions ? » dans leur publicité.
On pourrait dire qu’une suggestion est une proposition à l’inconscient.
Généralement, c’est notre esprit conscient qui les reçoit, qui y réfléchit et
qui nous aide à nous faire un avis dessus. Elles sont là pour nous faire
adopter un certain comportement, valider une certaine opinion, etc. Si on
obtient des résultats beaucoup plus efficaces quand on s’adresse
directement à l’inconscient, c’est parce qu’il n’analyse pas ce qu’on nous
dit comme le fait notre esprit conscient.
Si quelqu’un fait une proposition à notre esprit conscient, on filtre cette
information, on en analyse le contenu et on prend une décision. Soit on
l’approuve : « Je veux vraiment aller manger avec elle », soit on la rejette –
« Non, je n’ai pas faim ». Ou alors, on demande un complément
d’information avant de donner une réponse : « Ça dépend s’il y a des
saucisses. » À l’inverse, parce qu’une suggestion à notre inconscient
contourne notre esprit conscient, nous ne sommes pas obligés de nous
forger une opinion sur l’information qui nous parvient. Notre inconscient
prend tout ce qui lui arrive pour des vérités absolues. Si quelqu’un nous dit :
« Les oranges sont bonnes », notre esprit conscient peut décider s’il est
d’accord, ou pas, avec cette affirmation. Mais si cette suggestion s’adresse à
notre inconscient, il va la considérer comme un fait. On va penser que c’est
vrai. Les oranges sont bonnes !
En plus d’être bombardés de suggestions par les médias et la publicité,
on les utilise aussi dans nos rapports quotidiens avec les autres. Comme
nous l’avons vu dans le chapitre 8 sur la drague, nous faisons constamment
des suggestions avec notre corps. Celles cachées dans nos propos peuvent
aussi être extrêmement efficaces. Nous allons voir ça de plus près car, il
faut bien l’admettre, il est beaucoup plus facile de lire dans les pensées de
quelqu’un quand on a déjà décidé ce qu’on va y mettre.

Notre inconscient ne filtre pas les informations et ne porte pas de jugements. Il


accepte les propositions sans les critiquer tant qu’elles n’entrent pas trop en conflit
avec l’image qu’on a de nous ou avec notre perception de la réalité.

NE PENSEZ PAS ÇA !
Les négations, les « ne… pas » et le déni
Une méthode très courante pour planter de nouvelles idées dans la tête de
quelqu’un est de prétendre que quelque chose n’est pas car, avant de
pouvoir « ne pas faire » quelque chose, on doit pouvoir imaginer ce qui
arrive après le « ne… pas ».
« Ne pensez pas à un ours polaire bleu. » Pour comprendre cette phrase,
il faut être certain de comprendre ce qu’« ours polaire bleu » veut dire pour
ensuite pouvoir appliquer la consigne « ne… pas ». À ce moment-là, il est
déjà trop tard. On a déjà pensé à un ours polaire bleu.
Si on voit un gros titre qui dit « Ryan Reynolds nie avoir une liaison
avec Emma Stone », on comprend d’abord : « Emma Stone – liaison – Ryan
Reynolds », sans tenir d’abord compte de la négation, c’est-à-dire du fait
que ce n’est pas le cas. Même si ce gros titre ne nous apprend rien de
nouveau sur le monde, notre esprit contient une nouvelle pensée qui n’était
pas là avant. Et comme tous ceux qui ont ou qui ont eu de jeunes enfants le
savent, les « ne… pas » ont beaucoup moins d’impact que tout le reste.
Ryan Reynolds ? Qui aurait cru…

La négation est abstraite


Tout ce qui précède s’explique par le fait que les concepts abstraits comme
« ne… pas » sont la dernière chose qu’on apprend quand on est petit.
Comme ils sont abstraits et qu’ils n’ont pas d’équivalent dans la vraie vie –
contrairement aux ours polaires et à Ryan Reynolds (même si j’en suis
moins sûr pour lui) –, on a du mal à s’en souvenir. Si on dit à un enfant de
ne pas se pencher en arrière sur sa chaise, on plante en même temps l’idée
de se balancer sur sa chaise dans sa tête car il peut facilement s’imaginer en
train de le faire. Le « ne… pas » est un concept purement intellectuel dont il
faut se souvenir pour l’appliquer, ce qui est difficile. Chaque fois qu’on dit
à un enfant de ne pas se pencher en arrière sur sa chaise, on renforce
l’image inverse. Il suffira ensuite qu’il voie la chaise en question pour qu’il
ait envie de se pencher en arrière une fois assis dessus – en dépit du fait
qu’on lui a dit de ne pas le faire. Voici d’autres exemples qui poussent les
gens à faire l’inverse de ce qu’on leur dit :

« Je ne veux pas vous faire perdre le fil »


« Tu ne bois plus, n’est-ce pas ? »
« Arrête de taper ton petit frère ! »

Le conseiller en organisation Jerry Richardson cite également ce triplé


gagnant : « Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas difficile à trouver. Tu ne vas pas
le louper ! »
Vous voyez quelles images ou pensées ces phrases plantent dans l’esprit
des gens ? Quelle que soit la suggestion, plus on y est exposé, plus elle se
renforce. Si vous avez eu des problèmes d’alcool et que quelqu’un vous
demande si vous continuez à ne pas boire, cela n’est généralement pas
grave. Mais s’il vous répète la question suffisamment souvent, comme
formulé ci-avant, cela renforce l’image mentale de l’alcool jusqu’à ce que
le problème ressurgisse.
C’est aussi pour cette raison que les enfants, quand ils apprennent à
faire du vélo et à ne pas foncer à toute allure, deviennent des sortes de
missiles. Ils font tellement attention de ne pas foncer sur la vieille dame, ne
pas foncer sur la vieille dame, ne pas foncer sur la vieille dame que cela
finit par être la seule chose qu’ils arrivent à faire. Ou, comme je l’ai moi-
même fait un jour, par se prendre le seul tronc d’arbre à des kilomètres à la
ronde avec un scooter des neiges. Un tronc d’arbre qui était à six bons
mètres de la piste de scooter. Le tronc d’arbre dans lequel j’essayais très
consciemment de ne pas foncer.
Toutes sortes de gens, du golfeur professionnel aux entrepreneurs
prospères, vous diront que quand on se concentre pour éviter des obstacles
au lieu de se concentrer sur nos objectifs, on va directement dedans.
Maintenant vous savez pourquoi. Ne pensez pas à l’ours polaire bleu.
Un mauvais mot
Je pense franchement qu’on « ne » devrait « pas » avoir le droit d’utiliser la
négation « ne… pas » car il est impossible de « ne pas » faire quelque
chose. On fait toujours quelque chose. Essayez de dire à un enfant de ne pas
faire ce qu’il est en train de faire. Puis dites-lui ce que vous voudriez qu’il
fasse, et comparez les deux. Les adultes fonctionnent exactement de la
même manière. Une action, comme une pensée, est de l’énergie en
mouvement. Une fois qu’elle est en mouvement, elle est impossible à
arrêter. Tout ce qu’on peut faire, c’est la transformer en autre chose. Il est
quasiment impossible de s’arrêter de faire ce qu’on est en train de faire, de
ne pas faire ou de ne pas penser à quelque chose. En revanche, on peut
dévier cette énergie ou faire penser à autre chose à la place.
Alors au lieu de demander à quelqu’un de ne pas faire quelque chose et,
donc, de planter en lui une pensée inutile à laquelle il n’aurait peut-être
jamais songé (comme se pencher en arrière sur sa chaise), dites-lui plutôt ce
que vous voulez qu’il fasse. Vos chances d’obtenir ce que vous désirez
seront plus grandes. Cela vous obligera aussi à vous exprimer d’une façon
plus créative et plus positive qu’en temps normal. Mais c’est compliqué !
De manière générale, on doit apprendre à mieux parler des choses – et
de nous-mêmes – et à mieux dire ce qu’elles sont et ce qu’elles peuvent
devenir au lieu de parler de ce qu’elles ne sont pas et ne peuvent pas être.
Les choses sont telles qu’on les décrit. En fonction de ce qu’on exprime, on
crée différentes images, différentes suggestions, en nous-mêmes – et chez
ceux qui nous entourent. Souvenez-vous de la déclaration de Nixon : « Je
ne suis pas un escroc. » On peut être un alcoolique qui ne boit pas. Ou on
peut être sobre. On peut essayer de ne pas être triste. Ou on peut être
heureux.
J’ai récemment parlé à un homme qui avait divorcé six mois plus tôt. Il
était encore déprimé. Mais son attitude a beaucoup changé quand je l’ai
aidé à modifier sa vision de la vie et à commencer à se considérer comme
un célibataire et non comme un divorcé. La façon dont on décrit le monde
agit sur la vision qu’on en a et que l’on donne aux autres, qui influe à son
tour sur la façon dont on gère notre vie. Alors ? Vous préférez quoi ?
Avancer ou reculer ?

L’exercice « ne… pas »


Évitez d’utiliser la négation « ne… pas » pendant une journée entière – et remarquez
à quelle fréquence vous vous en servez par commodité. Il est beaucoup plus facile de
dire à quelqu’un ce qu’on ne veut pas qu’il fasse que de lui expliquer ce qu’on veut.
Mais si vous vous obligez à le faire, vous verrez que vous vous exprimerez mieux et
que vous deviendrez plus positif chaque fois que vous ne direz pas « ne… pas ».

Le déni injustifié

Une suggestion dans laquelle se trouve la négation « ne… pas » est d’autant
plus forte qu’elle est inattendue. Quand on dit qu’on fait ou qu’on ne fait
pas quelque chose, on dit aussi indirectement quelque chose sur les autres.
Si Nixon s’était exprimé autrement et avait dit « Je ne suis pas un escroc »
au lieu de « Je ne suis pas un escroc », cela aurait indirectement sous-
entendu que tous les autres l’étaient.
Dénoncer quelque chose ou se dédouaner brusquement permet de faire
habilement passer un message. Un homme politique qui dit « Notre parti
n’est pas xénophobe » affirme implicitement que les autres le sont.
Vraiment ? En fait, il n’a rien dit de tel. Pourtant, c’est ce que tout le monde
pense parce que, si son parti n’est pas xénophobe, cela veut dire qu’un autre
l’est, n’est-ce pas ? Et maintenant, je sais pour qui je vais voter lors des
prochaines élections… jusqu’à ce que je lise un nouveau gros titre et que
j’oublie complètement cette histoire que j’essaie bien sûr de ne pas oublier.

À VOUS, MAINTENANT
Parlez sur plusieurs niveaux
Il existe d’autres techniques pour cacher des suggestions ou des
propositions à l’inconscient. Quand on parle à quelqu’un ou quand
quelqu’un nous parle, le message ne passe pas toujours très bien. Il peut être
interprété de plusieurs façons. Si on se contente d’écouter ce qu’on nous dit,
on peut souvent se tromper. Mais quand on fait attention au ton de la voix,
au langage corporel et au contexte, on arrive à mieux comprendre les
propos de notre interlocuteur. On choisit alors la meilleure interprétation et
on lui répond en conséquence.
Comme notre inconscient enregistre toutes les différentes interprétations
possibles des mots, cela veut dire qu’on peut parler sur plusieurs niveaux en
même temps. Le premier, c’est ce que notre esprit conscient interprète (et
qu’on pense être correct). Mais on peut aussi – et c’est le deuxième
niveau – s’exprimer d’une façon susceptible de donner lieu à une autre
interprétation qui sera captée par notre inconscient. Et si on entend sans
cesse ce message « caché », il va finir par réagir.
Je sais que cela peut paraître compliqué, mais restez avec moi, vous
comprendrez tout dans un moment. Voici un exemple simple. Imaginez que
quelqu’un me dise : « Je commence à me sentir mal, Henrik. » Mon esprit
conscient va alors me dire qu’il commence à se sentir mal et qu’il veut que
je le sache. Mais il y a un autre sens, un message caché derrière tout ça. « Je
commence à me sentir mal, Henrik. » C’est ce qu’on appelle une
commande intégrée. Seule, elle n’est pas très efficace. Mais si la personne
qui nous parle l’utilise suffisamment, je vais commencer à y réagir et à me
sentir mal – sans savoir pourquoi.
« Je commence à me sentir mal, Henrik. J’ai mal au ventre et j’ai envie
de vomir. Tu connais cette sensation… »
Je vous déconseille de lire ces lignes de trop nombreuses fois !
Quand on veut utiliser des suggestions de cette manière, on peut
augmenter leur impact en insistant soigneusement dessus : on change de
ton, on regarde notre interlocuteur droit dans les yeux… Faites cela pour
toutes vos suggestions. Pour atteindre l’inconscient de la personne que vous
voulez influencer, parlez d’une voix légèrement plus basse, comme si ce
que vous dites était un secret. Les exemples utilisant la négation « ne…
pas » que je vous ai donnés plus haut contiennent aussi des commandes
cachées (« perdre le fil », « tu… bois… ») qui peuvent être renforcées par le
ton de la voix.
Si, à ce stade, vous vous dites que c’est presque de l’hypnose, vous
n’êtes pas très loin de la vérité car bien que cela n’en soit pas, cela exploite
aussi la façon dont on comprend ce qu’on nous dit. Quand ils nous parlent,
les hypnotiseurs utilisent des commandes cachées car l’hypnose, comme
beaucoup d’autres formes de thérapies, joue sur le fait que nous avons
différents niveaux de compréhension. On peut ainsi utiliser des suggestions
à des fins thérapeutiques pour soigner l’inconscient des patients sans qu’ils
le remarquent. Le père de l’hypnose moderne, Milton Erickson, dont j’ai
déjà parlé plusieurs fois dans ce livre, n’avait pas son pareil pour
communiquer sur deux plans en même temps.

Les suggestions involontaires


Nous devrions toujours être attentifs aux suggestions cachées de ceux qui
nous entourent, qu’elles soient présentées sous la forme de propositions
normales ou d’affirmations contenant la négation « ne… pas ». Beaucoup
de gens font constamment des suggestions négatives sans s’en rendre
compte et angoissent ainsi beaucoup leur entourage, sans en être conscients.
Évitez-les le plus possible car, même si vous repérez leurs suggestions,
vous aurez du mal à ne pas subir leur influence. Sinon, essayez de répondre
en reformulant ce qu’on vient de vous dire d’une façon positive.
Quand quelqu’un émet des mauvaises vibrations autour de lui, on peut
dans le pire des cas utiliser l’opinion aïkido pour commencer par se
connecter à lui : « Je comprends exactement ce que vous ressentez. Je
ressentirais la même chose si j’étais vous. » Puis, quand on a capté son
attention, il faut lui faire des suggestions positives, subtilement mises en
valeur par le ton de notre voix et par le contact visuel, avec une vraie
proposition pour agir de façon créative : « J’ai remarqué que je me sens
beaucoup mieux depuis que je me suis dit : “Prends des vacances !” » Bref,
il faut retourner ses armes contre lui.

N’importe quel mot peut être une suggestion

Chaque mot ou expression peut être une suggestion car notre inconscient
scanne les interprétations et les différents messages qu’il reçoit chaque jour
et en fait toutes les associations possibles. La prochaine fois que vous
entendrez ou verrez une publicité à la radio ou à la télévision, essayez
d’écouter les différents mots et phrases qu’elle contient. Si elle est bonne,
chaque mot sera soigneusement choisi et aura l’effet souhaité sur vous. Les
suggestions cachées peuvent déclencher des associations auxquelles on ne
s’attend pas. Quand on sait bien les utiliser, on peut presque lier toutes les
associations que l’on souhaite à n’importe quel produit.
La symbolique sexuelle cachée de la glace qu’on lèche est si courante
dans la publicité qu’elle est devenue un cliché. Mais, hormis sa signification
purement freudienne, le lien entre les glaces et le sexe a été inventé de
toutes pièces. C’est l’œuvre de quelqu’un dans une agence, probablement
pressurisé par un analyste comme Ernest Dichter ou Louis Cheskin, qui
s’est dit que ça devrait marcher. Mais cette symbolique a peut-être une
origine très différente.
Dans la publicité, que ce soit sur les écrans ou à la radio, on utilise des
mots spécifiques pour mettre le consommateur dans un état mental et
émotionnel particulier qu’on associe ensuite au produit ou au logo de
l’entreprise. Des mots comme « chaud », « doux », « propre », « puissant »
et « plus grand » nous mettent dans un état et nous font vivre une
expérience complètement différente que les mots « tendu », « inquiet »,
« effrayé » et « faible ». La meilleure façon de faire ressentir quelque chose
à quelqu’un est donc de lui en parler. Je ne sais pas vous, mais ma gorge me
gratte un peu en ce moment. Et la vôtre ? Elle ne vous gratte pas un peu
maintenant ?
Je m’en doutais.
Cela me fait penser à cette publicité que j’ai vue chez un marchand de
journaux à l’aéroport et qui disait : « Vous souvenez-vous de la dernière fois
où vous avez eu soif en avion ? » Comme par hasard, cette publicité est
apparue au moment où de nouvelles mesures de sécurité avaient été prises
dans les aéroports, des mesures qui interdisaient d’emporter une bouteille
d’eau dans l’avion sauf si on l’achetait après être passé au contrôle de
sécurité – ou, plus précisément, si on l’achetait à cet endroit.
Chaque mot, expression, émotion ou image que l’on utilise quand on
parle à quelqu’un va le mettre dans un état émotionnel particulier et lui faire
vivre une expérience spécifique, comme la communication non verbale.
C’est pourquoi il faut s’assurer que l’endroit où l’on amène la personne
concernée est bien celui où l’on veut aller.
L’exercice « attention »
1. Trouvez dix phrases ordinaires qui contiennent des suggestions cachées comme
des « affirmations ne… pas », des « termes répétant des valeurs » ou des
commandes cachées. Pensez à ce que vous entendez dire et à ce que les autres
disent.
2. Prenez un journal et essayez d’y trouver des suggestions cachées comme des
« affirmations ne… pas », des « termes répétant des valeurs » ou des commandes
cachées. Commencez par regarder les éditoriaux. Puis voyez combien vous pouvez
en repérer dans un article censé donner des informations objectives.

CE N’EST PAS MOI QUI L’AI DIT !


La suggestion par implication
(ou insinuation)
Pour utiliser efficacement les suggestions linguistiques, on peut les cacher
entre les mots sous forme d’insinuations ou d’implications, et non sous
forme d’affirmations directes. Comme vous allez le voir, cela fonctionne
très bien sans que la personne concernée se rende généralement compte de
ce qui se passe.

Oubliez l’information

Quand on parle à quelqu’un, on utilise souvent beaucoup de raccourcis


linguistiques. On pense qu’il comprend et définit les choses comme nous, et
qu’il donne le même sens aux mots que nous. On ne prend donc pas la
peine de lui expliquer en détail le sens de chaque mot qu’on utilise. Et c’est
bien, car aller systématiquement au fond des choses peut être très ennuyeux.
On oublie habituellement un bon nombre d’informations qui nous
paraissent évidentes quand on discute avec quelqu’un. Et souvent, ce n’est
pas un problème. Tout le monde a tendance à comprendre « il faisait nuit
noire » de la même façon, car ce concept varie peu d’une personne à l’autre.
C’est beaucoup plus compliqué quand on évalue quelque chose. « La
cérémonie des Oscars était très bien. » Que veut dire « très bien » pour
vous ? Probablement quelque chose de différent que pour moi.
Parfois, on laisse trop d’informations de côté ou alors notre
interlocuteur finit par comprendre les choses différemment de nous. C’est
ainsi que naissent les malentendus. On peut aussi consciemment décider de
ne pas dire certaines choses sous prétexte que « vous savez de quoi on
parle ». Ou : « Comme d’habitude, il m’a lancé ce regard, tu sais. » En fait,
il se peut que je ne le sache pas, que je pense juste le savoir. Dans ce cas, on
a peut-être pensé à deux choses différentes tout en étant persuadés de penser
à la même.

Utilisez des comparaisons sans référence

Les formules sur les produits industriels dans les supermarchés montrent
parfaitement comment on peut mettre de côté certaines informations. Je suis
justement en train de décongeler du saumon fumé. Sur la boîte, il est écrit :
« Maintenant, nous utilisons notre propre bouillon dans la sauce pour la
rendre meilleure et lui donner plus de profondeur… » Encore récemment, il
semblait y avoir une règle qui obligeait les fabricants à écrire ce genre de
choses sur leurs boîtes ou leurs bouteilles :

Nouvelle recette encore meilleure !


Nouvelle sauce pour un meilleur goût !
Nouvelle formule améliorée !
Encore plus blanc !
Je ne doute pas de la véracité de ces affirmations. Je me demande juste avec
quoi on doit les comparer. Meilleur que quoi ? Plus blanc que quoi ?
Meilleur goût que quoi ? Améliorée par rapport à quoi ? Bien que toutes ces
affirmations soient des comparaisons, elles oublient de dire avec quoi il faut
les comparer. Notre esprit aime tant ce qui fait sens et voir des connexions
qu’on les crée si elles n’existent pas. Quand on lit des phrases comme ça,
on remplit inconsciemment les blancs. On est tellement habitué à le faire
qu’on croit automatiquement savoir à quoi la comparaison fait référence.
On l’interprète à notre façon et on est convaincu que c’est la bonne.
« Nouvelle sauce avec plus de goût ! » Cela doit vouloir dire plus de
goût qu’avant, non ? En vérité, il y a une multitude d’autres interprétations
aussi plausibles : plus de goût que nos autres produits, plus de goût que les
produits de nos concurrents, plus de goût qu’avant mais toujours assez
insipide, etc. Certaines interprétations vont paraître plus plausibles que
d’autres. L’interprétation « plus de goût qu’un concombre » peut par
exemple paraître confuse à certains. Mais comment savoir si ce n’est pas le
message qu’on a voulu nous transmettre ?
Les interprétations diffèrent selon les personnes. Leur seul point
commun, c’est qu’elles vont toutes choisir une interprétation en laquelle
elles croient et qu’elles pensent être la seule plausible. On préfère aussi
l’interprétation qui nous parle le plus, car c’est la première qui nous viendra
en tête. Quand on oublie consciemment de donner certaines informations
dans des messages, on laisse leur destinataire leur donner du sens.
Autrement dit, on peut faire vivre à quelqu’un une expérience qui lui paraît
à la fois vraie et pertinente en ne disant presque rien. C’est un moyen très
habile d’établir une relation personnelle avec la personne qui lit ces
messages. Et on l’incite aussi à trouver des arguments pour le produit. Tout
ça, sans rien dire !
Quand on oublie de donner certaines informations ou qu’on s’exprime
d’une manière ambiguë, on pousse le destinataire du message à le
compléter et donc à le trouver à la fois vrai et personnel. Un rédacteur avec
qui j’ai discuté m’a avoué adorer utiliser ce stratagème pour impliquer
émotionnellement ses lecteurs.

On croit qu’ils savent


Quand on s’adresse à quelqu’un en termes généraux, on lui donne aussi
l’impression d’en savoir plus sur lui qu’en réalité, pour l’obliger à remplir
les blancs. La technique d’interrogatoire utilisée en Chine dans les années
1950 le montre bien. Quand quelqu’un était arrêté, on lui disait : « On sait
tout. Vous feriez mieux d’avouer. » Puis on le laissait réfléchir à tout ça
dans une cellule pendant plusieurs jours. Au bout d’un long moment, il
finissait par trouver quelque chose qu’il avait fait et qui devait être ce qu’on
lui reprochait. Malheureusement, quand il le confessait, on lui disait que ce
n’était pas pour cela qu’il était suspecté même s’il venait d’avouer un grave
délit. Retour à la cellule ou à des techniques d’interrogatoire plus créatives
jusqu’à ce qu’il ait avoué tout ce qu’il avait fait potentiellement de mal à
l’égard du gouvernement tout au long de sa vie.
Cette technique peut aussi être utilisée pour gagner la confiance de
quelqu’un. Pour ce faire, il faut parler de quelque chose en termes
personnels mais de façon suffisamment ambiguë pour qu’il comble les
vides tout seul.
En lisant ce qui suit, serrez un poing très fort. C’est fait ? Parfait. Restez
comme ça quelques secondes.
Encore un peu.
Maintenant, commencez à ouvrir la main très lentement. Là, vous
devriez ressentir une drôle de sensation dans votre paume, non ?
Bien.
Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas du tout ce qui se passe dans
votre main. Peut-être qu’elle picote, peut-être qu’elle gratte, peut-être
qu’elle transpire ou peut-être qu’elle est plus chaude que d’habitude. Ou
peut-être qu’elle a ressenti quelque chose de complètement différent. J’ai
laissé de côté suffisamment d’informations et me suis exprimé d’une façon
suffisamment ambiguë (une « drôle de sensation dans votre paume ») pour
vous obliger à imaginer ce que je voulais dire. Et vous l’avez fait en pensant
que je parlais de la sensation que vous éprouviez, une sensation dont je ne
sais absolument rien. On peut donc faire croire à quelqu’un qu’on sait tout
de lui, même ses secrets les plus intimes, en l’obligeant à trouver lui-même
de quoi on parle. Cette technique est utilisée par des chefs religieux, lors
d’interrogatoires de police et par des escrocs sans scrupule.

Indignations publiques et autres généralisations

Pour faire des suggestions par implication (ou insinuation), on peut aussi
utiliser le principe des généralisations. Généraliser, c’est affirmer que tout
ce qui entre dans une certaine catégorie a un trait commun. Si on dit que
tous les Écossais sont avares, on fait une généralisation qui englobe tous les
habitants de l’Écosse. Parmi les mots qu’on utilise souvent pour faire des
généralisations, il y a notamment « tout », « aucun », « toujours », « tout le
temps », « jamais », « partout », etc. (À noter que des mots apparemment
spécifiques comme « immigrants » ou « enfants » sont aussi une forme de
généralisation.) Quand on utilise ces mots, on efface toutes les différences
évidentes ou subtiles qu’ils contiennent pour en obtenir une version très
simplifiée.
Au quotidien, il nous arrive très souvent de généraliser. Dans les médias
aussi, comme dans les journaux suédois qui contiennent des tas de phrases
comme « face aux critiques croissantes », « dans un sondage
téléphonique », ou « indignation publique », qui est ma préférée. Mais
qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Jusqu’où la critique doit-elle grandir
pour qu’on puisse dire qu’elle est croissante ? Parce que honnêtement, pour
que ce soit vrai, il suffirait qu’un e-mail de contestation arrive le lundi et
qu’un autre arrive le mardi. Combien de personnes doit-on appeler pour
faire un sondage ? Deux cents ? Vingt ? Deux ?
Vous pensez peut-être que j’exagère. Mais non. Un jour, un journaliste
m’a affirmé que, dans son journal, il fallait avoir trois ou quatre personnes
indignées pour pouvoir utiliser le terme « indignation publique » dans un
article. Si je ne peux pas garantir la véracité de cette information, elle ne me
paraît pas farfelue, surtout lorsqu’on sait que, quand l’expert de la
propagande Martin Borgs travaillait dans un journal, il disait qu’il fallait
avoir reçu dix lettres de protestation de la part de lecteurs pour parler
d’« indignation ».
Alors quel est le problème ? Le problème, c’est que, quand on fait des
généralisations, on laisse croire qu’il y a un consensus alors que ce n’est
peut-être absolument pas le cas. Même si on n’y réagit pas consciemment –
en fait, on les entend à peine –, cela ne les empêche pas de nous convaincre
que d’autres le pensent. Peut-être même presque tout le monde, étant donné
que c’est une « indignation ».
C’est ainsi que se créent les opinions publiques : à partir de rien.
Comme on ne veut pas avoir l’air stupide, on évite de prendre des risques et
on a tendance à penser comme tout le monde. Si les journaux affirment
qu’une chose fait vraiment l’objet de « critiques croissantes », je devrais
peut-être envisager de m’y opposer et de rejoindre les rangs de ceux que
cela dérange, non ? Utiliser des généralisations qui impliquent que la
plupart des gens le pensent alors qu’ils ne sont qu’une poignée – peut-être
pas plus de dix – est une bonne manière d’influencer l’opinion publique et
de faire croire aux gens ce qu’on veut.

Guettez les abstractions

La dernière méthode permettant de cacher des suggestions dans des


affirmations dérive de la rhétorique vide dont j’ai parlé dans le chapitre sur
le mensonge. Quand on s’exprime de façon très précise tout en évitant de
définir les mots et les termes qu’on utilise, on peut avoir l’air de soutenir ou
même de prouver une affirmation sans fournir la moindre information,
comme un directeur commercial sous pression qui dit : « On doit d’abord
parler de cette nouvelle et difficile situation car cela affecte des éléments
importants de notre processus de croissance continue. » Je ne dirais pas
mieux. Mais il ne dit pas quelle est la situation ou pourquoi elle est difficile,
et je doute que quelqu’un ait vraiment compris de quoi il s’agissait.
D’ailleurs, quels sont ces éléments soi-disant importants dont il parle ? De
quel processus s’agit-il, et depuis quand dure-t-il ?
Les journalistes connaissent très bien cette astuce qui consiste, pour les
personnes qu’ils interviewent, à rester excessivement abstraites, ce qui peut
(s’ils sont bons) très vite les agacer. Les coachs en communication
expliquent souvent à leurs clients que, s’ils veulent rester crédibles, ils ne
doivent pas utiliser plus de trois abstractions de suite. La difficulté est de les
découvrir lorsque quelqu’un nous parle car elles sonnent souvent bien,
même très bien. Mais si elles étaient écrites, ce serait absurde.

Vous êtes une grande suggestion


En fait, ce que l’on suggère ne passe pas seulement par des paroles. Notre
présence, nos vêtements, la façon dont on bouge et dont on s’exprime sont
tout aussi importants. Se connecter peut même, pour certaines personnes,
consister à faire des suggestions que leur interlocuteur suit. Dans son livre
Propaganda [non traduit en français], Martin Borgs explique comment il a
utilisé son langage corporel pour persuader le personnel de l’hôpital où il
séjournait de le laisser partir un jour plus tôt. Le problème, c’est que c’était
un dimanche et qu’il n’y avait normalement pas de sorties ce jour-là.

J’ai d’abord demandé à l’infirmière d’aller dire au médecin que je


voulais le voir. Avant qu’il arrive, je me suis rafraîchi un peu. J’ai
retiré ma chemise d’hôpital, j’ai pris une douche, j’ai mis un jean et
un pull. J’ai nettoyé la chambre et tout remis à sa place. J’ai rangé
mes affaires dans mes sacs et les ai laissées dans un endroit visible
par terre. Puis, je me suis assis devant mon ordinateur au lieu de me
mettre au lit pour regarder la télé.

Le message ne pouvait pas être plus clair. Le médecin n’a pas vu un homme
malade et faible, mais un homme plein d’énergie et en bonne santé. Martin
est sorti le jour même.
Pensez à votre langage corporel, à la façon dont vous parlez, à vos
vêtements, à la façon dont vous vous comportez. Quelles suggestions faites-
vous aux gens ? Et quelles suggestions voudriez-vous leur faire ?
Les méthodes d’influence décrites dans ce chapitre le sont
essentiellement pour influencer les pensées des autres. Mais on peut aussi
influencer leurs émotions. C’est ce que je vais vous apprendre à faire dans
le prochain chapitre, à l’aide d’ancres, pour faire surgir rapidement et
précisément l’émotion souhaitée chez les autres et en vous-même.
Souvenez-vous de tout ce que vous avez déjà appris sur la façon dont nos
émotions contrôlent nos actions car vous allez maintenant découvrir le
pouvoir de ce phénomène. Mais auparavant, je veux que vous me
promettiez de ne pas manipuler les gens comme des marionnettes et de
renoncer à toutes vos envies de dominer le monde.
CHAPITRE 10
Où l’on va se connecter à nos sentiments
et à ceux des autres, éviter un câlin
et arrêter d’avoir peur des requins.

LES ANCRES

Comment planter et déclencher des états émotionnels

Comme vous le savez, on peut agir sur les états émotionnels de notre
entourage grâce à la connexion et aux suggestions. Mais le résultat est
souvent un peu imprécis (par exemple, comment faire passer quelqu’un en
mode « excité et content » et non en mode « heureux et créatif » ?) et on
peut aussi avoir du mal à obtenir des réactions émotionnelles fortes. Il
existe une technique plus efficace pour influer sur les émotions, et donc
déclencher l’émotion qu’on veut chez qui on veut quand on veut. Cette
technique est celle des ancres.

Ancres = empreintes

Il n’y a en fait pas de véritable différence entre la notion d’ancre et celle


d’empreinte, le terme employé par Pavlov quand il faisait saliver ses chiens
avec un son de cloche. Ce qui change, c’est qu’on laisse des empreintes
chez des êtres humains, pas chez les chiens, et que ces empreintes sont des
états émotionnels, pas de la salive. Cela veut dire qu’on peut rapidement
faire passer quelqu’un d’un état émotionnel négatif à un état émotionnel
positif en utilisant des ancres. Comme toutes les émotions peuvent être
ancrées, on peut en fabriquer plein, comme la propension à acheter, à
vénérer ou à avoir l’air tendu.
N’oubliez pas ce que l’oncle Ben de Spider-Man a dit : « Un grand
pouvoir implique de grandes responsabilités », autrement dit, « N’utilisez
vos pouvoirs que pour faire le bien. » Tous les gens qui ont essayé de
prendre un autre chemin vous diront qu’on récolte ce qu’on sème.
D’ailleurs, si vous exploitez quelqu’un dans cette vie, vous passerez la
prochaine sous la forme d’un rocher. Alors, soyez gentil. Il vaut mieux
laisser un bon souvenir à quelqu’un que l’aider à devenir encore plus
névrosé.

Vous avez déjà plein d’ancres en vous


Je l’ai déjà dit et je le redis : vous savez déjà plus ou moins tout ce que je
raconte dans ce livre. Il en est de même des ancres : vous les utilisez déjà
tout le temps. On vit de nombreuses expériences dans une vie, et beaucoup
d’entre elles sont liées à des états émotionnels forts comme la joie, l’amour,
la haine, la trahison, le bonheur, la nervosité, la colère, etc. Quand une
expérience ancienne nous revient en mémoire, on ne se souvient pas
uniquement de ce qu’on a vécu. On commence aussi à ressentir, dans une
certaine mesure, l’émotion qui y est connectée. On peut même faire
remonter des émotions liées à des événements oubliés. C’est pour cela
qu’on peut ressentir de l’aversion pour une personne qu’on aperçoit au loin.
Ce n’est que plus tard que l’on comprend qu’elle ressemble à un enfant qui
nous persécutait à l’école ou qu’elle porte le même genre de pull que notre
ennemi juré de l’époque.
Dans ce cas, l’élément déclencheur de la réaction émotionnelle liée à un
souvenir est une allure ou un vêtement. C’est ce qu’on appelle une
« ancre », c’est-à-dire une situation, un objet ou une expérience que l’on
associe inconsciemment à une certaine émotion. L’apparence de l’ancre, par
exemple le pull, joue aussi un rôle. Vous comprenez ? Les ancres sont
omniprésentes dans notre vie, comme quand on entend une chanson qu’on
connaît et qu’on ressent les mêmes émotions que lorsqu’on l’a entendue
pour la première fois : « Eh, ils jouent notre chanson ! C’est Devo. Tu te
souviens… ? » Ou quand on regarde des photos dans un vieil album et que
cela réveille en nous des souvenirs et des émotions. Sans parler des bandes
originales ! Dans beaucoup de films, la musique sert d’ancre pour mettre le
public dans l’état émotionnel souhaité.
Parmi les meilleurs modèles du genre, il y a M. le maudit, de Fritz Lang,
et Les Dents de la mer, de Steven Spielberg. Dans M. le maudit, le tueur
siffle Dans l’antre du roi de la montagne, d’Edvard Grieg, chaque fois qu’il
apparaît. À la fin, il suffisait que le public entende cet air pour comprendre
qu’il arrivait. Si ce stratagème a probablement fait beaucoup frissonner les
spectateurs en 1931, ceux de notre époque sont moins crédules que ça,
non ? Quarante-quatre ans plus tard, Steven Spielberg a prouvé le contraire
en utilisant le célèbre thème du requin pour faire comme Fritz Lang :
indiquer que le gros méchant arrive.
Je connais des gens qui ont vu Les Dents de la mer quand ils avaient
dans les douze ans, dont le pouls s’accélère et qui se mettent à transpirer, à
angoisser ou à avoir des tics nerveux chaque fois que j’arrive discrètement
derrière eux en fredonnant : « Deuhh-deuhhh… deuhh-deuhh-DEUHH-
DEUHH-deuhh-deuhh-DEUHH-DEUHH !!! » Pas mal, comme ancre,
non ?
Les lieux peuvent aussi être des ancres fortes. L’une de mes amies s’en est
récemment rendu compte quand elle a rompu avec son partenaire. Ils ont commencé
à se parler, dans son lit à elle. Mais quand elle a senti les larmes et la colère arriver,
elle a vite compris qu’ils allaient devoir terminer leur conversation dans la cuisine car,
comme elle me l’a expliqué : « Sinon, toute cette tristesse et ces horribles émotions
seraient restées dans mon lit et seraient revenues à moi chaque fois que je me serais
couchée. Et il en était hors de question ! » Par chance, elle a compris que son lit était
en train de devenir une ancre négative puissante avant qu’il soit trop tard. Mais nous
ne sommes pas toujours aussi clairvoyants.

Les ancres les plus puissantes sont souvent les impressions sensorielles
auxquelles on pense le moins : les goûts et les odeurs. L’une des ancres les
plus célèbres de la culture humaine est celle décrite par Marcel Proust dans
À la recherche du temps perdu, roman dans lequel le personnage principal
mange une madeleine qu’il a trempée dans sa tasse de thé et dont le goût lui
évoque subitement toute son enfance :

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du


petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray […],
quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie
m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul
[…].
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des
êtres, après la destruction des choses, seules […] l’odeur et la
saveur restent encore longtemps […].
Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé
dans le tilleul que me donnait ma tante […] aussitôt la vieille
maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor
de théâtre […] et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend
forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.

Des ancres à la demande

Les ancres qui nous intéressent ne sont pas comme celles dont parle Proust,
qui provoquent différents états émotionnels chez nos interlocuteurs. Il serait
bien sûr très pratique de savoir exactement quelles ancres se cachent dans
notre inconscient et dans celui des autres pour pouvoir les activer à volonté.
Un peu fatigué ? Déclenchez votre ancre « énergie » et BOUM !! Vous
voilà transformé en lapin Duracell en un claquement de doigts. On pourrait
ainsi agir sur nous-même et sur les autres pour être toujours le plus heureux
possible et être toujours dans un état d’esprit créatif et excitant.
Malheureusement, les ancres étant cachées dans l’inconscient, il est très
difficile de les connaître. Mais pas question de jeter l’éponge. Et il est trop
tôt pour cela car on peut vraiment créer facilement de nouvelles ancres en
nous et chez les autres. Et comme on le fait constamment sans en avoir
conscience, autant apprendre à le faire efficacement. L’avantage qu’il y a à
créer de nouvelles ancres, c’est qu’on sait toujours exactement quelle
émotion surgit et ce qu’il faut faire pour la déclencher.
Voilà comment ça fonctionne : tout ce qu’on dit ou fait quand on est
avec quelqu’un qui ressent une forte émotion va lier cette émotion au
souvenir et devenir notre ancre. Plus tard, quand on lui redira ou refera ce
qu’on a dit ou fait ce jour-là, cela stimulera l’état émotionnel dans lequel il
était quand on a planté l’ancre en lui. La façon dont l’émotion va se
réveiller et sa force (aussi puissante que ce jour-là ou plus faible) dépendent
de la façon dont on a planté l’ancre en premier lieu.
Quand on prend conscience de la façon dont se créent les ancres, on
perçoit également mieux celles qu’on plante dans les autres
involontairement. Il en est de même pour les ancres qu’on se plante en soi
comme celle que mon amie a failli se planter dans son lit. Et bien sûr, on
peut aussi plus facilement remarquer les ancres que les autres plantent en
nous, volontairement ou pas, car elles sont souvent mal utilisées, comme
c’est le cas, notamment, des suggestions.

Les ancres inconscientes et négatives


Prenons l’exemple que donne Jerry Richardson, le conseiller en
organisation dont je vous ai parlé plus haut, d’un père qui remarque que son
fils est triste et le prend dans ses bras. S’il le fait, c’est bien sûr pour le
réconforter et le soutenir. Le problème, c’est qu’il aurait fallu qu’il le fasse
avant, dans un contexte positif, pour que ce geste s’ancre dans des émotions
positives et que celles-ci se déclenchent quand il prend son enfant triste
dans ses bras. Malheureusement, ce genre de contacts physiques est rare
entre eux. En fait, ils n’ont lieu que lorsque le père a besoin de réconforter
son petit. Résultat, l’enfant, au lieu d’associer ce geste à quelque chose de
plaisant et d’apaisant, s’ancre avec l’état émotionnel négatif dans lequel il
se trouve.
Si cela arrive plusieurs fois de suite, chaque fois que son père le prendra
dans ses bras, cela le mettra dans un état émotionnel négatif même si cela
lui fait du bien au début. Quand on ne touche quelqu’un que quand il est
triste, l’émotion associée au toucher sera la tristesse, quelle que soit
l’intention de départ.
Malheureusement, on a plutôt tendance à toucher les gens quand ils sont
tristes ou malheureux. Pour Jerry Richardson, cela pourrait expliquer
pourquoi tant de personnes n’aiment pas être touchées : elles ont appris,
depuis leur enfance, à associer le toucher à des émotions négatives.
Personnellement, cela m’effraie de savoir que l’inconscient stocke l’attitude
de quelqu’un avec l’émotion qu’on a ressentie en sa présence à ce moment-
là. Nous devrions vraiment tous faire plus attention à la façon dont nous
nous comportons !
Il est donc généralement préférable de toucher quelqu’un qui est de
bonne humeur pour pouvoir l’aider à aller mieux en le touchant quand il a
une baisse de moral et faire ainsi surgir des émotions positives en lui.
On n’a bien sûr pas besoin de toucher les autres pour créer une ancre
émotionnelle en eux. J’ai donné cet exemple parce qu’on touche souvent les
gens pour les réconforter et les soutenir et parce que les ancres définies par
le toucher ont tendance à être très fortes. Mais comme je l’ai déjà écrit, tout
ce qu’on perçoit peut devenir une ancre : un mot, une image, un ton de
voix, un geste particulier, une odeur, une couleur ou un goût. On peut aussi
combiner – et c’est encore mieux – plusieurs impressions sensorielles dans
une même ancre. Au lieu de se contenter de prononcer un mot, on prend un
certain ton, on fait un geste de la main et on touche le bras de l’autre. Plus
on arrive à mettre d’impressions sensorielles dans une ancre, plus elle sera
claire et forte.

Comment changer l’état mental des autres ?


Vous savez que notre humeur et ce qui se passe dans notre tête en ce
moment agissent énormément sur la manière dont on perçoit ce qu’on nous
dit et sur l’avis (merveilleux ou désastreux) qu’on se fait d’une idée. Si on
veut faire part d’une idée ou d’une proposition à quelqu’un, dans l’espoir
qu’il l’accepte, on doit donc s’arranger pour qu’il soit dans le meilleur état
émotionnel possible. Sinon, et si on n’a pas les outils nécessaires pour le
modifier, cela peut mal se terminer. Il faut d’abord, car c’est le plus
important, se connecter à lui. Mais, même si on parvient à se faire apprécier
et à le mettre dans de bonnes dispositions envers nous, il peut être triste ou
contrarié pour une chose à laquelle on ne peut pas remédier, une chose qui
n’a aucun rapport avec notre relation mais qui en a peut-être avec sa vie
privée.
Même s’il a de bonnes intentions à notre égard, ces émotions vont avoir
un effet sur la façon dont il va accueillir notre idée – elles peuvent n’avoir
aucun rapport avec nous. En utilisant une ancre positive, on peut changer
son état émotionnel et faire en sorte qu’il soit plus adapté à la situation, au
moins temporairement.
On peut aussi utiliser une ancre pour renforcer la réponse émotionnelle
de quelqu’un à une suggestion. Comme le vendeur de voitures qui demande
à son client : « Ça vous dit de conclure un accord maintenant ? » tout en
agissant sur une ancre pour que son interlocuteur ressente un fort sentiment
de joie.
Les ancres fonctionnent grâce à notre manie de vouloir associer ce qui
se passe dans notre tête – ce qu’on ressent ou ce qu’on pense – à ce qui se
passe autour de nous. Peu importe que nos sensations et nos pensées soient
connectées ou pas. Les ancres se créent ainsi, et c’est pour cela qu’il est si
important de savoir les utiliser. Si on se retrouve en présence de quelqu’un
de négatif et qu’on ne sait pas comment le faire changer d’humeur, on court
le risque que tous nos échanges avec lui deviennent une ancre négative et
que, chaque fois qu’il nous verra ou entendra parler de nous, il soit
légèrement mal à l’aise ou malheureux sans comprendre pourquoi. Et
personne n’a envie que les autres nourrissent ce genre de sentiment à son
égard car cela peut avoir des effets délétères à la fois sur une vie privée et
sur une carrière. Heureusement, l’inverse est aussi vrai : quand on sait faire
surgir des émotions positives et très agréables chez quelqu’un en utilisant
les techniques expliquées dans ce livre, on devient alors soi-même une
ancre pour ces émotions. Si l’ancre est suffisamment solide, il suffira
ensuite que quelqu’un parle de nous pour que cela déclenche ces émotions
positives ou l’émotion que l’on a plantée.
Comme je l’ai dit plus haut, on peut aussi s’« autoplanter » des ancres
pour faire surgir l’émotion dont on a besoin à un moment précis. On peut
ainsi se donner confiance avant un événement qui nous stresserait en temps
normal, se sentir heureux quand on n’a pas le moral, ou plein d’énergie et
déterminé quand on se sent léthargique.
On peut encore combiner plusieurs émotions dans une seule ancre. J’ai
une ancre qui me permet de déclencher un mélange de joie, de fierté, de
curiosité, d’excitation et une saine dose de confiance en moi, dont l’effet est
presque enivrant. Je la déclenche chaque fois que je m’apprête à monter sur
scène pour parler car elle me met dans l’état d’esprit qui me permet de
donner le meilleur de moi-même.
Maintenant, je veux vous apprendre à créer vos propres ancres. Au lieu
de vous contenter de lire ce qui va suivre, je vous recommande de l’essayer
sur-le-champ car c’est la seule façon de comprendre à quel point c’est
simple et à quel point cela fonctionne. Cela a beau sembler magique, cela
ne l’est pas plus que les effets des expériences de Pavlov sur ses chiens. En
fait, c’est exactement la même chose, en plus drôle et en plus rapide.

L’IMPORTANCE DU TOUCHER
Comment planter une ancre ?
L’ancre que l’on choisit (un geste, un mot, toucher la personne ou autre
chose) dépend de notre objectif et de ce que la situation permet. Comme je
l’ai dit précédemment, le toucher est une ancre forte pour la plupart d’entre
nous. Malheureusement, dans certaines situations, on ne peut pas aller plus
loin qu’une poignée de main parce que notre interlocuteur est trop loin pour
qu’on puisse le toucher d’une façon naturelle. Dans ce genre de situation,
on peut obtenir de bons résultats en prononçant un mot et en faisant un
geste clair et accentué, un geste qu’on ne fait pas normalement, comme
taper dans nos mains, tambouriner avec les doigts, se taper le front ou avoir
une expression de visage très marquée.
L’intérêt de l’ancre « mot » est qu’on peut la « cacher » dans ce qu’on
dit quand on veut la déclencher. Le mot utilisé pour l’activer n’a d’ailleurs
pas toujours besoin d’être le même que celui qu’on a utilisé pour la planter.
L’essentiel, c’est qu’ils se ressemblent et qu’ils aient la même intonation.
Voici comment utiliser des mots et des gestes pour créer une ancre.
Pour créer l’ancre, faites un geste particulier ou touchez la personne en
lui disant (sur le terrain de golf, par exemple) : « Quel super swing ! », en
insistant sur le mot « super ».
Pour la déclencher à une autre occasion, lors d’une réunion par
exemple, faites le même geste ou touchez la personne de la même façon en
disant : « Je suis sûr que ça va être une super solution pour vous. Vous en
pensez quoi ? » Insistez sur le mot « super » comme vous l’avez fait quand
vous avez planté l’ancre.
Autre exemple avec deux mots similaires cette fois :
Plantez l’ancre en disant : « Beau travail. »
Déclenchez l’ancre en disant : « Let’s go ! »
Donnez la même intonation à « beau » et « go », et dites-les en faisant
le même geste ou en touchant la personne de la même façon que lorsque
vous avez planté l’ancre.
Vous vous souvenez du vendeur de voitures ? Quand il dit, par exemple,
à son client : « Je suis sûr que c’est bien pour vous. Vous en pensez quoi ? »
(ou, d’une façon plus directe : « Affaire conclue ? Bien ! ») en lui tapant
légèrement sur l’épaule, il lui fait ressentir la même chose que lorsqu’il a
planté le mot « bien » en le tapant sur l’épaule et en lui racontant une
anecdote amusante pour qu’il ne s’aperçoive de rien. Maintenant, le voilà
dans le même état émotionnel. Et il comprend mieux pourquoi il a intérêt à
signer tout de suite.
On peut, de la même manière, utiliser des ancres pour associer des
émotions positives à des suggestions et des idées, des émotions qui leur
correspondent, bien entendu, car on ne devrait jamais déclencher des états
émotionnels inappropriés chez les autres.
Parmi les secteurs d’activité dont les professionnels sont devenus des
experts dans l’art de planter des ancres, il y a la publicité. Regarder des
publicités est un bon moyen de s’exercer à identifier des ancres auxquelles
on ne pense pas, mais qui agissent sur la plupart des gens. Vous
remarquerez ainsi que les publicités ne se contentent pas de faire des
suggestions. Elles utilisent aussi souvent des éléments déclencheurs
culturels et sociaux, comme des symboles, des couleurs et des sons, pour
nous mettre dans un état émotionnel particulier et nous les faire associer
aux émotions qu’on ressent par rapport au produit qu’elles veulent nous
vendre. Dans ce cas, l’ancre de l’état émotionnel est le produit lui-même.
S’arranger pour que les gens se sentent heureux en voyant le logo de Coca-
Cola n’est pas si terrible que ça. Mais on ne peut pas en dire autant du fait
de planter une envie d’acheter qui se déclenche chaque fois qu’on voit la
dernière paire de Nike.
Quand on regarde les publicités, on se rend compte que certaines
personnes n’ont jamais entendu le conseil de l’oncle Ben.

LES SONNETTES DE PAVLOV,


LES SONNETTES DE PAVLOV !
Trouvez le bon moment
La méthode la plus facile pour planter une ancre est d’attendre que la
personne concernée soit dans l’état émotionnel souhaité. Disons que c’est la
joie. Quand on remarque que quelque chose la rend ponctuellement plus
heureuse que d’habitude, comme une scène amusante dans un film ou
quand elle fait rentrer sa balle d’un seul coup dans un trou au golf, on plante
l’ancre au moment où on pense que l’émotion est la plus forte. Il est
important de la planter lorsque l’émotion monte ou est à son maximum, et
de ne surtout pas l’associer à sa phase descendante.
Le problème avec cette méthode, c’est qu’on doit parfois attendre très
longtemps avant que la personne ressente l’émotion qu’on veut ancrer en
elle. Sans parler du fait qu’on peut finir par lui donner l’impression qu’on
l’espionne, la pousser à se demander pourquoi on est constamment à ses
côtés. On ne peut pas suivre quelqu’un en permanence sans qu’il se pose de
questions et risquer qu’il nous colle une ordonnance restrictive sur le dos !
Cette méthode est pourtant très efficace pour planter des ancres à
l’improviste. Prenez l’habitude de créer une ancre quand vous remarquez
que quelqu’un est heureux. Pourquoi pas, si l’émotion est là ? Même si vous
ne l’aviez pas prévu, cela pourra peut-être vous être utile un jour. Qui sait ?
Suis-je en train de vous dire que vous devriez planter des ancres dans
les personnes que vous voyez chaque fois qu’elles ont une forte émotion
positive ? La réponse est oui, d’autant plus que c’est très simple à faire. Une
fois qu’on s’est un peu entraîné, ça devient automatique et facile.
Que faire si on n’a pas envie d’attendre que la personne soit dans l’état
émotionnel que l’on souhaite pour créer une ancre ? Il faut s’arranger pour
déclencher soi-même cet état en elle. Comme nous l’avons vu dans le
chapitre 5, on peut déclencher des émotions de plusieurs façons. La
méthode des ancres est moins détectable et plus rapide que la plupart de
celles qui utilisent des associations de pensées pour provoquer des
émotions. Le fonctionnement des ancres et des empreintes s’apparente à
celui des réflexes. Si on veut vraiment ancrer la joie dans quelqu’un, on
peut par exemple lui raconter une bonne blague et planter notre ancre quand
il se tord de rire. Si on veut le mettre dans un état d’esprit combatif ou lui
donner un sentiment d’appartenance, il faut d’abord lui rappeler un moment
où il a ressenti cette émotion et faire en sorte d’utiliser le bon vocabulaire
sensoriel pour créer de fortes associations. Il faut aussi s’assurer qu’il
ressent de nouveau cette émotion. Par exemple, on peut lui dire : « Parfois,
on a une idée qu’on sait qu’on doit concrétiser ou on voit quelque chose
qu’on veut à tout prix. Tu vois de quoi je veux parler ? Quand ce sentiment
nous remplit complètement, on ne peut pas s’empêcher de se dire qu’on doit
y arriver ou posséder cet objet. Tu connais ce sentiment ? »
Essayez de voir à quel instant l’émotion est à son maximum. C’est
facile quand on connaît les signes physiques de l’implication et de l’intérêt :
on a le regard vif, les pupilles dilatées, le teint plus rouge parce que le sang
afflue dans le visage, etc. Plantez l’ancre au moment où l’émotion semble à
son comble.
Si vous avez peur de ne pas savoir quoi dire pour faire revivre une
expérience à votre interlocuteur, sachez qu’il suffit de parler normalement,
comme on le fait tout le temps. « Tu te souviens ? » est une expression très
ordinaire qu’on utilise souvent dans une conversation. On déclenche sans
arrêt des associations émotionnelles chez les autres quand on leur parle. On
peut aussi simplement expliquer à notre interlocuteur qu’on veut s’assurer
qu’il ressent l’émotion qu’on essaie de lui transmettre et lui faire
comprendre nos propres sentiments à l’égard de la situation dont on parle,
quelle qu’elle soit.
« Vous voyez de quel sentiment je veux parler ? Vous pouvez le
ressentir ? C’est exactement ce que je ressens. »
On peut aussi dire :
« Qu’est-ce que vous préférez dans… »
« Vous vous souvenez de la dernière fois où vous vous êtes senti… »
« Imaginez que vous… »
Comme l’implique la dernière phrase, on n’a pas nécessairement besoin
de faire renaître un vrai souvenir dans la tête de notre interlocuteur car,
comme vous le savez, l’imagination peut aussi réactiver les émotions :
« Ce serait super si… ? Cela vous ferait quoi ? »
L’exercice « ancre »
Pour créer une ancre en vous (et pourquoi pas ?), il faut procéder à peu près comme
quand vous en créez une chez quelqu’un d’autre : choisissez une émotion et trouvez
un souvenir ou imaginez une expérience dans laquelle vous la ressentiriez fortement.
Revivez la scène, réveillez l’émotion et ancrez-la. Respectez la marche à suivre pour
rendre l’ancre encore plus forte.
1re étape : choisissez l’émotion que vous voulez pouvoir déclencher avec une ancre.
Trouvez un souvenir ou imaginez un scénario dans lequel cette émotion est forte.
2e étape : renforcez le souvenir ou la scène imaginée en sollicitant un sens à la fois.
Commencez par la visualiser : les bâtiments, les gens, les couleurs ou la lumière.
Plus il y a de détails, mieux c’est. Puis ajoutez des bruits appropriés, peut-être le bruit
de vagues, des cris joyeux, le bruissement des feuilles dans les arbres, des cris
d’animaux… Enfin, ajoutez des sensations corporelles ou des parfums comme le
vent, la chaleur, la transpiration ou l’odeur des algues. Ce faisant, vivez ce souvenir
ou cette scène imaginaire de l’extérieur, comme un observateur.
3e étape : quand tout est en place, pénétrez dans le souvenir ou la scène imaginaire,
et vivez-le de l’intérieur. Profitez à fond des sensations.
4e étape : quand l’émotion est à son maximum, plantez une ancre (fermez le poing et
dites : « Ne renonce jamais », ou ce qui vous semble approprié). Gardez le poing
fermé (l’ancre) tant que l’émotion est à son comble puis ouvrez-le quand elle diminue.
5e étape : reposez-vous quelques secondes. Reprenez l’exercice de la 2e à la
4e étape en essayant de tout rendre encore plus fort quand vous ajoutez les
différentes impressions sensorielles. Rendez les couleurs plus intenses, les bruits
plus forts, la chaleur plus chaude, etc. pour renforcer encore l’émotion concernée. Si
vous n’arrivez pas à rendre le souvenir plus puissant, essayez d’en utiliser un autre
contenant la même émotion. Cela ne fera aucune différence. Amplifiez les sensations
et les émotions en même temps, et ancrez-les comme avant.
6e étape : répétez la 5e étape trois ou quatre fois en plantant chaque fois votre ancre
au même endroit. Si vous l’avez fait correctement, vous devriez maintenant avoir
planté une ancre très solide dans votre esprit.
7e étape : il est temps de l’essayer. Mais d’abord, reposez-vous. Allez ailleurs pour ne
pas être dans l’endroit où vous avez fait cet exercice. Quand vous serez détendu,
déclenchez l’ancre (en serrant le poing, dans ce cas précis). Si elle a été
correctement plantée, l’émotion va vous envahir immédiatement, à la demande. Vous
ne pouvez pas la bloquer car vous avez créé un réflexe en vous. C’est une sensation
incroyable. Si l’émotion est faible ou n’apparaît pas, c’est soit parce que vous n’avez
pas planté l’ancre au bon moment, soit parce que vous n’avez pas réussi à ressentir
l’émotion correctement quand vous l’avez plantée. Dans ce cas, recommencez. C’est
aussi simple que ça !

Pratiquez, pratiquez et pratiquez encore !

Créer des ancres chez les gens est un art qui demande de la pratique pour
être efficace. Il faut surtout prendre l’habitude de le faire – et au bon
moment, c’est-à-dire quand les sentiments sont à leur maximum pour que
l’ancre soit la plus forte possible. On peut facilement s’entraîner à le faire
comme lorsque l’on veut apprendre à se connecter aux autres. L’important,
c’est de le faire chaque fois que c’est possible pour que ça devienne
automatique comme dans le cas de la connexion. D’ailleurs, c’est
automatique. Le seul petit plus, c’est qu’on se donne la capacité de créer
des ancres positives et non pas négatives, et de choisir leur forme.
Planter des ancres devrait être amusant et simple, et il n’y a pas lieu
d’utiliser des tas d’ancres différentes pour différentes personnes. Il suffit
d’en avoir des standards et d’utiliser toujours la même pour la joie ou la
détermination, par exemple, afin de ne pas devoir se souvenir de trop de
choses. Vous devriez aussi prendre l’habitude d’utiliser votre ancre de la
joie (une certaine façon de toucher combinée à un mot particulier, dit d’une
certaine manière) quand quelqu’un est très heureux, qui qu’il soit. Vous
planterez ainsi les mêmes ancres de joie dans la plupart de ceux qui vous
entourent et comme vous utiliserez toujours la même, vous saurez toujours
comment la déclencher sans avoir à vous demander ce que vous avez fait
pour cette personne en particulier. D’ailleurs, si vous utilisez toujours la
même ancre pour la même émotion, quelle que soit la personne, que se
passera-t-il d’après vous si vous la déclenchez dans une pièce où se
trouvent plusieurs de vos « cibles » ? Eh oui : vous démultiplierez son effet.
Quelle belle surprise !
Vous trouvez peut-être encore cette histoire d’ancre bizarre ou
irrationnelle. Dans ce cas, je pense que vous avez sauté le dernier exercice
car son principe est très simple : on associe volontairement un
comportement (l’ancre) à une émotion à l’intérieur de nous ou de quelqu’un
d’autre. C’est tout. Je ne peux pas dire mieux. Pour comprendre à quel point
cela fonctionne, il faut sortir de chez soi et l’expérimenter.
Souvenez-vous aussi qu’il n’y a pas de réel risque d’obtenir un résultat
« négatif » comme lorsque vous vous êtes exercé à vous connecter à
quelqu’un. Le pire qui puisse vous arriver, c’est de ne pas réussir à bien
planter l’ancre et de n’obtenir aucun résultat quand vous la déclenchez.
Vous devez juste vous accrocher jusqu’à ce que vous preniez le coup.
Quand cela fonctionnera, vous vous rendrez et vous rendrez les autres plus
heureux, plus créatifs, sans parler de toutes les émotions positives que vous
aurez ancrées en eux comme tout bon manipulateur de pensées.
Votre entraînement pour apprendre à lire dans les pensées est presque
terminé. Maintenant que vous connaissez les bases de la connexion, des
sens dominants et des expressions émotionnelles subtiles, vous avez
conscience de ce que les gens vous disent, de ce qu’ils pensent et de ce
qu’ils ressentent vraiment. Vous voyez quand quelqu’un essaie de cacher
qu’il est sous pression ou ne dit pas la vérité. Vous pouvez facilement
interpréter ou répondre aux signes de reconnaissance et d’intérêt que vous
captez chez les autres. Vous maîtrisez aussi maintenant les techniques qui
permettent de planter des idées, des opinions, des valeurs et des pensées
dans la tête des gens et, pour cette même raison, vous êtes plus vigilant
quand quelqu’un le fait sur vous. Vous savez comment utiliser les ancres
pour vous mettre dans l’état émotionnel dans lequel vous souhaitez être et
vous pouvez le faire autour de vous.
Mais il vous manque quelque chose.
Vous ne pourrez pas prétendre savoir lire dans les pensées des autres
tant que vous n’arriverez pas à le prouver. Pour terminer, je vais donc vous
apprendre à faire des tours de mentalisme pour impressionner les gens.
Alors préparez votre regard hypnotique, mettez de la musique dramatique et
allumez des lumières rouges. La scène est à vous.
CHAPITRE 11
Où vous allez apprendre des super tours pour lire
dans les pensées des autres, impressionner vos amis
et semer la peur et la panique sur votre passage.

EN PISTE, MAINTENANT !

Démonstrations et tours impressionnants

Lire dans les pensées pour divertir les autres diffère un peu de ce qu’on fait
au quotidien. Mais pour une fois, il n’y a pas beaucoup de nouvelles
techniques à apprendre car tous les tours et les exercices suivants se fondent
sur les méthodes (et leurs variations) que vous avez apprises dans ce livre.
La seule différence, c’est qu’on les présente différemment et qu’elles
donnent des résultats beaucoup plus spectaculaires. Comme pour tout le
reste, vous allez devoir vous entraîner pour que ça marche. N’essayez pas
de tout maîtriser parfaitement dès la première fois. Rien n’est gratuit dans la
vie. Mais avec un peu de patience, vous allez y arriver. En fait, vous avez
déjà commencé à vous entraîner sans vous en rendre compte.
Souvenez-vous seulement que ces démonstrations et autres tours de
passe-passe peuvent avoir un très fort impact sur les personnes concernées.
Si vous savez ce que vous pouvez faire et ne pouvez pas faire, soyez aussi
conscient que les personnes qui vont se porter volontaires ne connaissent
pas la véritable limite de vos « pouvoirs ». N’hésitez pas à leur dire que
vous ne pouvez pas voir directement dans leur esprit ni les manipuler à
volonté – pas tout à fait. Ces trucs et exercices peuvent vous rendre très
populaire ou très solitaire, selon la façon dont vous allez faire face à la
réaction de vos amis et de votre famille.

LES PENSÉES VISIBLES


Faites croire à quelqu’un que vous savez
à quoi il pense
Ce tour consiste à demander à quelqu’un de penser à une image, un son ou
un sentiment et de deviner ce que c’est car on peut le savoir en observant
discrètement le mouvement de ses yeux. Comme vous l’avez probablement
compris, cela implique d’utiliser le modèle des accès oculaires ici pour
savoir quel genre de pensée il a dans la tête, peu importe que ce modèle soit
scientifiquement prouvé ou non. Pour que ce tour fonctionne, il suffit de
savoir ce qu’on cherche. Malgré sa grande simplicité, il peut vraiment
impressionner votre volontaire.
Vous n’êtes pas censé suivre l’exemple suivant mot à mot. Je l’ai écrit
juste pour vous expliquer clairement les différentes étapes de ce tour. Quand
vous aurez compris le principe, il vous suffira de choisir les bons « termes »
ou pensées, et de les utiliser. Mais pour le moment, imaginez que vous êtes
dans un endroit, entouré de plusieurs personnes. Il peut bien sûr n’y en
avoir qu’une, mais rien n’empêche qu’elles soient nombreuses. Imaginons
que quelqu’un a accepté de participer à une démonstration de lecture dans
les pensées. Commencez par lui dire :

On va faire une expérience qui consiste à lire dans les pensées.


Comme les pensées sont très personnelles, on va s’en tenir à celles
qu’on va créer ensemble maintenant. Comme ça, je suis sûr de ne
pas dévoiler tes pensées secrètes. Détends-toi et suis mes
instructions… Prêt ? Commençons ! Voici la première pensée que
nous allons créer. Visualise ton salon le plus précisément possible.
Fais-le maintenant. Visualise-le en essayant d’inclure autant de
détails que possible – les meubles, les tableaux. Fabrique une image
mentale de ton salon.

Regardez maintenant s’il bouge les yeux d’une façon particulière, par
exemple vers le haut et la gauche. N’importe quel mouvement va
fonctionner tant qu’il est clair et régulier.

Bien. Maintenant, tu peux effacer cette image de ton esprit.


À présent, je veux que tu penses au refrain de ta chanson préférée.
Prends ton temps. Je veux que tu l’entendes vraiment dans ta tête.

Cherchez un signe distinct (et différent) pour le bruit : par exemple, ses
yeux partent sur un côté et peut-être sa tête aussi. Si vous n’obtenez rien de
clair, c’est peut-être parce que votre volontaire n’est pas très sensible aux
sons. Dans ce cas, posez-lui une question kinesthésique comme si de rien
n’était. Souvenez-vous qu’il n’a pas la moindre idée de ce qui se passe,
comme le reste de l’assistance.

Laisse partir la musique. Pour finir, je veux que tu penses aux


sensations que tu ressens sous la douche. Sens l’eau chaude couler
sur ton corps. Sens le sol glissant de la douche ou de la baignoire
sous tes pieds…

Maintenant que vous avez noté les mouvements de ses yeux pour au moins
deux des trois sens, vous pouvez demander à votre volontaire de repenser à
ces trois expériences sensorielles si vous le désirez, pour être sûr qu’il
bouge toujours les yeux de la même façon. Si vous n’obtenez pas les
mêmes signes, dites-lui qu’il faut qu’il voie la pièce clairement et qu’il
sente vraiment l’eau sur sa peau (ou la sensation choisie) pour que les
expériences sensorielles que vous l’avez invité à vivre ne changent pas
subitement. Par contre, si vous avez repéré des mouvements très clairs des
yeux, vous pouvez continuer.

OK. Maintenant, tu as différentes pensées que j’ai choisies au


hasard dans ta tête. À présent, je veux que tu penses soit à ton
salon, soit à la douche (ou à la troisième expression sensorielle si
vous avez chaque fois obtenu de bons signes). Pense à l’une d’elles
sans me dire celle que tu choisis. Si c’est ton salon, tu peux le voir
encore clairement devant toi. Si c’est la douche, tu peux sentir à
nouveau l’eau chaude sur ta peau…

Maintenant, observez seulement dans quelle direction ses yeux bougent


pour savoir à quoi il pense et dites-lui qu’il a pensé à la scène qui
correspond à son mouvement oculaire. Attendez-vous à des cris ! Laissez-le
refaire l’expérience plusieurs fois et impressionnez-le chaque fois en
réussissant à lire dans ses pensées.
N’oubliez pas que, si l’envers de ce tour est évident pour vous, les
autres n’y verront que du feu. Personne ne peut deviner pourquoi vous lui
demandez de visualiser ci ou ça, et les éventuels spectateurs ne verront donc
qu’un processus intéressant. Votre volontaire ne saura pas qu’il bouge les
yeux, comme vous ne le saviez probablement pas vous-même avant que je
vous parle du modèle des accès oculaires. Quand nous réfléchissons, nous
sommes concentrés sur ce qui se passe en nous, et nous n’avons aucune
idée de ce que fait notre corps. Nous savons encore moins ce que nous
faisons avec le visage car, bien sûr, nous ne pouvons pas le voir.
L’exemple précédent risque de paraître un peu bizarre si vous essayez
de le répéter mot à mot. Comme vous êtes totalement libre de choisir les
impressions sensorielles, vous pouvez rendre ce tour aussi personnel et
intime que vous le souhaitez. Il faut juste que vous pensiez à les scinder en
sensations visuelles, sonores et sensuelles/physiques. Avec un(e) très
bon(ne) ami(e), vous pouvez par exemple dire (d’une façon un peu
différente) :

Je veux que tu voies ton amoureux actuel clairement devant toi…


Maintenant je veux que tu entendes la voix du précédent, comme s’il
te parlait… À présent, je veux que tu te souviennes de ce que tu as
ressenti quand tu as tenu ton premier amoureux dans les bras.
Maintenant je veux que tu penses à celui que tu préfères, sans rien
me dire.

Les possibilités sont infinies. L’important, c’est de comprendre le principe.


Vous pouvez ensuite choisir tout type de pensées. Souvent, il vaut mieux
demander au volontaire de penser à des choses impersonnelles comme un
objet ou de la musique. Mais si vous estimez que la situation et l’assistance
s’y prêtent, vous pouvez vous inspirer de l’exemple précédent pour rendre
l’expérience beaucoup plus divertissante. Laissez votre volontaire choisir la
pensée qui provoque la plus grande émotion en lui, la pensée qui compte le
plus pour lui, ce qu’il veut le plus faire, ce dont il a le plus peur, etc.
La bonne nouvelle, c’est que vous n’avez pas besoin de savoir
exactement à quoi il pense. Vous n’avez pas besoin de savoir quelle est sa
chanson préférée ou à quoi ressemble son amoureux pour faire cette
expérience. Vous devez juste faire attention à la façon dont ses yeux
bougent. Si ce tour est d’une efficacité redoutable, c’est parce que votre
volontaire peut penser à des choses que vous ne connaîtrez jamais – ce qui
ne vous empêche pas de lui donner la bonne réponse.

CACHE-CACHE
Devinez dans quelle main quelqu’un tient
un objet
un objet

Cette fois, vous allez devoir deviner dans quelle main votre volontaire
cache un petit objet. Je vais vous expliquer trois façons de faire. Je vous
recommande de faire ces tours dans l’ordre et de changer la méthode à
chaque nouvelle démonstration. Plus vous ferez cet exercice, plus il sera
impressionnant. En plus, vous avez cinquante pour cent de chances de le
réussir du premier coup !
Si vous le faites trois fois de suite, vous pouvez vous tromper une fois
sans que cela vous soit préjudiciable. Après tout, lire dans les esprits est un
art difficile ! En plus de montrer que vous savez lire dans la tête des gens,
vous allez aussi prouver que vous pouvez les influencer et les contrôler.
Votre volontaire va se retrouver complètement à votre merci, ce qui le
frustrera un peu mais comblera l’assistance de joie.
Pour commencer, demandez à quelqu’un de cacher un petit objet dans
l’une de ses mains (quelque chose qui tient bien dedans comme une bague,
une pièce de monnaie, un caillou ou une pièce d’un jeu de société) et de
mettre ses mains derrière son dos. Expliquez-lui qu’il peut le passer d’une
main à l’autre autant de fois qu’il le souhaite jusqu’à ce qu’il décide où le
mettre. Quand il a fait son choix, demandez-lui de fermer les mains derrière
son dos, et de les ramener devant lui. Maintenant, à vous de jouer !

Premier tour

Ce tour est idéal pour commencer car il est si simple que c’en est
embarrassant. Tout ce que vous devez faire, c’est utiliser votre capacité à
observer les changements physiques subtils chez les autres. Quand votre
volontaire tient ses mains derrière lui et repasse l’objet de l’une à l’autre,
tournez-lui le dos. Demandez-lui ensuite de tendre sa main vide devant lui
et de porter la main contenant l’objet à sa tempe.

Ça peut te paraître bizarre, mais je veux remplir tes pensées avec ce


que ta main ressent, ses sensations. Prends quelques secondes pour
te le représenter mentalement puis remplis complètement ton
cerveau de cette image.

On dit cela pour brouiller les pistes car le but de la manœuvre, c’est de lui
faire tenir la main près de sa tempe pendant cinq à sept secondes.

Prêt ? Maintenant, remets la main près de l’autre…


MAINTENANT !

Juste après avoir dit « maintenant », retournez-vous et jetez un rapide coup


d’œil à ses mains. Ne vous retournez pas trop vite pour ne pas faire croire à
l’assistance que vous avez eu le temps de voir quel bras votre volontaire a
baissé. Jetez juste un rapide coup d’œil à ses mains. Ça suffit. L’une d’elles
va être plus pâle que l’autre car la circulation sanguine aura diminué quand
il l’aura tenue près de sa tempe. C’est donc dans celle-là que se trouve
l’objet. Mais ne le dites pas tout de suite.
Pour épaissir le mystère, je vous conseille d’attendre que ses mains
soient de nouveau de la même couleur. Après avoir rapidement repéré la
plus pâle, regardez votre volontaire dans les yeux en restant un moment
silencieux avant de révéler d’une manière théâtrale dans quelle main se
trouve l’objet.

Je le vois clairement. Je vois clairement une image… l’image de ta


main… droite ! Ouvre ta main droite, s’il te plaît.

Deuxième tour
Cette fois, demandez à votre volontaire de rester immobile pour rendre le
tour encore plus impressionnant, en sachant que, pour le réussir, il faut
savoir encore mieux observer. Demandez-lui de tenir les bras tendus devant
lui et de regarder droit devant lui. Assurez-vous qu’il tienne les bras
suffisamment haut et suffisamment près l’un de l’autre pour qu’ils soient
bien dans son champ visuel. Maintenant, demandez-lui de se concentrer
complètement sur la main qui tient la pièce de monnaie (ou un autre objet)
sans rien laisser paraître. Attendez quelques secondes.
Si vous avez de la chance, vous avez peut-être déjà vu qu’il tournait
légèrement la tête ou qu’il a lancé un bref regard vers la main qui tient
l’objet, même si c’est parfois très subtil.
Un autre truc : regardez si le bout de son nez pointe dans l’une ou
l’autre direction. Si c’est le cas, vous pouvez arrêter le tour dès maintenant
et révéler dans quelle main se trouve l’objet. Sinon, continuez en lui
demandant de créer l’image de sa main dans son esprit et de la visualiser
clairement en face de lui. Il ne pourra pas résister à l’envie de jeter un bref
regard, presque indétectable, à la bonne main, qui se trouve à la périphérie
de son champ visuel. La tentation sera trop grande. Il le fera
inconsciemment et vous permettra ainsi de lire dans ses pensées. Ou alors il
va se rendre compte que vous l’avez incité à le faire, ce qui n’est pas grave
car, après tout, cet exercice combine la lecture dans les pensées et
l’influence.
Demandez-lui de remettre les mains derrière son dos et de recommencer
à passer l’objet d’une main à l’autre. Quand il a choisi dans quelle main le
garder, demandez-lui de tendre les bras, les poings fermés, et continuez
comme précédemment.

Troisième tour

Ce dernier exercice se fonde complètement sur la suggestion. Si vous n’êtes


pas sûr de vous, demandez à quelqu’un de le tester d’abord sur vous. Vous
verrez ainsi qu’il fonctionne très bien. C’est un grand classique du genre.
Votre volontaire a passé l’objet d’une main à l’autre pour la dernière fois et
tient à nouveau ses bras devant lui. Les deux fois précédentes, l’angle de ses
bras n’avait pas grande importance alors que là, il faut lui demander de les
tenir bien droits, parallèles au sol. Puis demandez-lui de fermer les yeux.
Voici la première étape de cet exercice de suggestion :

Je vais te dire plusieurs choses. Tu dois juste les écouter. Essaie


d’imaginer le mieux possible ce que je dis sans bouger les bras. Ils
doivent rester parfaitement immobiles. D’accord ? Maintenant,
détends-toi… Bien. À présent, je voudrais que tu imagines que
l’objet que tu tiens devient plus lourd… plus lourd… plus lourd
comme si c’était du plomb… Il devient si lourd que tu n’arrives
presque plus à le tenir… Sens-le devenir plus lourd… Il est deux fois
plus lourd qu’au début…

À ce stade, le bras de votre volontaire devrait descendre en direction du sol.


Dès que vous voyez sa main bouger un peu, juste assez pour que vous soyez
le seul à le remarquer, terminez le tour si vous voulez :

Et si tu ouvrais la main droite et te débarrassais de cet objet


horriblement lourd ?

Les spectateurs qui seront à un ou deux mètres de vous pourront jurer qu’ils
n’ont pas vu la main bouger. Mais, comme c’est le dernier tour, vous
pouvez aussi le rendre plus spectaculaire en continuant ainsi :

Maintenant, je voudrais que tu imagines qu’il y a une ficelle


attachée à ton autre bras et qu’au bout de cette ficelle, il y a un
ballon gonflé à l’hélium. C’est un gros ballon qui rend ta main très
légère… très légère. Elle ne pèse rien. Elle veut s’envoler… Elle
essaie de t’entraîner vers le plafond… mais l’autre main qui tient le
morceau de plomb l’en empêche car elle devient de plus en plus
lourde… En fait, maintenant, elle retient un seau entier de plomb…

Continuez à rendre l’une de ses mains plus lourde et l’autre plus légère.
À la fin, votre volontaire aura un bras vers le bas et l’autre vers le haut,
comme pour former un « K ». La distance qui les sépare peut varier d’une
personne à l’autre, mais il est rare qu’elle soit trop faible pour être
indétectable.

Garde les yeux fermés encore un moment. As-tu senti tes bras
bouger ?

Votre volontaire va encore vous dire non. S’il y a d’autres personnes


présentes, demandez-leur si elles ont deviné dans quelle main se trouve
l’objet car cela sera évident pour elles.

Garde les yeux fermés et reste immobile [pour que ses mains ne se
mettent pas à bouger trop tôt]. Si tu tiens vraiment l’objet dans ta
main droite, et comme tu n’as pas bougé les bras, cela veut dire que
toutes les personnes ici présentes lisent aussi dans les pensées.
N’est-ce pas ? Ouvre les yeux.

Votre volontaire sera surpris de voir que ses mains pointent dans deux
directions complètement opposées au lieu d’être pile devant lui. Faites un
salut et n’oubliez pas de remercier l’assistance pour son aide !

LE VA-ET-VIENT
Un tour classique surnaturel avec
une explication naturelle
J’ai beaucoup réfléchi, et longtemps, avant de me décider à terminer par ce
tour. J’avais peur que vous le trouviez absurde, qu’il détruise la crédibilité
de mon livre et vous donne envie de le jeter par la fenêtre la plus proche.
Mais je me suis dit que si vous êtes en train de lire ces lignes, vous avez les
connaissances nécessaires pour comprendre que ce n’est pas plus étrange
que le reste, et que cela fonctionne sur le même principe que tout ce que je
vous ai déjà expliqué. Je parle des… pendules.
Oui, des pendules.
Ces cristaux rattachés à une ficelle que des gens sentant le patchouli,
aux cheveux teints au henné, utilisent pour prédire l’avenir.
Les pendules.
En fait, ils fonctionnent sur le principe psychophysiologique qui veut
que toutes nos pensées ont un effet ou un autre sur notre corps. Avant de
lever les yeux au ciel, je voudrais que vous essayiez au moins une fois ce
tour pour avoir une idée de ce que c’est vraiment car, non, ce n’est pas de la
superstition. Je comprends que vous ayez des doutes et que vous soyez
sceptique. Mais, s’il vous plaît, faites-moi confiance.
Oui, ça marche !
Trouvez un bout de ficelle d’environ 20 centimètres de long et attachez
une bague ou un objet similaire à l’une de ses extrémités. L’important, c’est
que l’objet en question pèse assez lourd car, s’il est trop léger, le pendule ne
fonctionnera pas correctement. Dessinez ensuite un cercle d’environ
15 centimètres de diamètre sur une feuille de papier. Tracez une ligne
verticale qui passe au milieu du cercle et écrivez « OUI » à côté. Puis tracez
une ligne horizontale qui passe au milieu et écrivez « NON » à côté. Ou
utilisez le cercle ci-après.
Tenez le bout libre de la ficelle entre le pouce et l’index. Posez le pendule à
l’endroit où les lignes se croisent, au milieu du cercle. C’est votre point de
départ. Maintenant, soulevez le pendule et faites-le pendre juste au-dessus
de la croix. Concentrez-vous sur la ligne OUI. Dites « OUIOUIOUIOUI »
dans votre tête, d’une voix forte et nette. Le pendule va se mettre à aller et
venir au-dessus de la ligne OUI ! Essayez vraiment de ne pas bouger la
main, quitte à la soutenir avec l’autre pour la stabiliser. Eh non, cela ne
change rien ! Le pendule continue d’osciller au-dessus de la ligne OUI.
Maintenant, passez à la ligne NON. Concentrez-vous dessus et pensez :
« NONNONNONNON. » Le pendule va changer de direction sans que
vous bougiez consciemment la main ! Maintenant, il va et vient au-dessus
de la ligne NON. Là encore, ne bougez surtout pas la main. À présent,
pensez « CERCLE » et observez la façon dont le pendule commence à
tourner au-dessus du papier. Alternez les OUI, les NON et les CERCLES
jusqu’à ce que vous soyez convaincu.
Ce que vous venez d’expérimenter s’explique par ce qu’on appelle les
« réponses idéomotrices ». Quand on pense à quelque chose, on crée
inconsciemment des petites réactions musculaires que l’œil humain ne peut
pas détecter. Mais quand ces réactions musculaires sont amplifiées par un
bout de ficelle et le poids d’un objet, elles deviennent soudain visibles.
Le pendule a l’air d’être « magique » parce qu’on le voit bouger même
si la personne qui le tient jure ne rien faire et si sa main paraît
complètement immobile. Si on attribue ses mouvements aux esprits, c’est
pour leur trouver un sens. Dans les livres sur les pendules, on tombe vite sur
des concepts excitants comme l’« ange gardien » ou la « force magique du
pendule ». Même si je n’ai pas pour ambition de rendre le monde moins
intéressant en affirmant que rien de tout cela n’est vrai, je pense qu’il n’est
pas nécessaire de chercher d’autres explications que la physiologie. La
meilleure que j’ai pu lire à ce sujet a été écrite par Greg Nielson et Joseph
Polansky, des vétérans du pendule :

Le système nerveux humain… est le système de communication du


corps. Grâce à lui, le cerveau reçoit toutes les informations que lui
transmettent les organes internes et leur renvoie des messages
appropriés… Ce n’est donc pas le pendule qui donne les réponses.
C’est votre intelligence supérieure qui communique à travers votre
système nerveux – et qui vous envoie à son tour des signaux.

OK, je l’admets, il n’est pas non plus évident de croire que l’inconscient est
une intelligence supérieure. Mais, comme nos deux experts le disent, il s’en
rapproche assez. Tout ça pour dire que, si on ne voit que le pendule bouger
et pas la main, c’est parce qu’il amplifie les petits mouvements
indétectables de la main et les réactions musculaires incontrôlables, trop
légères pour qu’on puisse les remarquer. Le principe de réponse
idéomotrice n’est pas neuf. Il est apparu pour la première fois en 1852 dans
la bouche du psychologue William Carpenter, qui a aussi inventé
l’expression « action idéomotrice », principe précisé en 1890 par le célèbre
philosophe et psychologue William James dont j’ai parlé plus tôt :

Chaque fois qu’un mouvement suit sans hésitation et immédiatement


l’idée qu’on s’en fait mentalement, on a une action idéomotrice…
Ce n’est pas une étrangeté, mais simplement le processus normal…

Apparemment, personne n’écoutait quand il a dit ça. Les pouvoirs


prétendument mystiques du pendule et l’ignorance des gens à son sujet ont
donné lieu à des théories fausses sur l’usage qu’on peut en faire. C’est une
alternative populaire aux baguettes que certains utilisent pour retrouver des
objets. Cela peut fonctionner, mais seulement si on sait inconsciemment où
se trouve l’objet, même si on l’a oublié pour l’instant – comme l’endroit où
vous avez posé vos clés de voiture. En revanche, tenir une baguette au-
dessus d’une carte pour retrouver des gens qui ont disparu – ce qui a été
suggéré et fait – n’a aucun sens. Si cela fonctionnait vraiment, cela voudrait
juste dire que la personne qui tient le pendule a des informations sur celle
qui a disparu. Et dans ce cas, cela signifie qu’on n’est pas en bonne
compagnie !
Maintenant que vous savez que le pendule n’a pas besoin d’interagir
avec les esprits ou avec les lignes telluriques pour bouger, et que son
fonctionnement n’est pas plus mystérieux que les autres réactions
corporelles qui apparaissent quand on pense à quelque chose, vous pouvez
aller récupérer mon livre là où il a atterri. Le moment est venu pour vous
d’impressionner votre public avec vos découvertes sur le pendule 1.
Premier tour : la bonne réponse

Montrez à votre volontaire comment tenir le pendule et dites-lui de


commencer par le poser sur la croix à l’intérieur du cercle. Expliquez-lui
aussi que pour arrêter un pendule, il faut toujours le reposer dessus sans
jamais le toucher avec l’autre main. Utilisez le même cercle avec les lignes
OUI et NON que précédemment.
Lorsqu’un pendule tourne en rond quand on lui pose une question, cela
veut dire qu’il « doute » ou qu’il ne connaît pas la réponse. Commencez par
demander à votre volontaire de penser « OUI », « NON » et « CERCLE »
comme vous l’avez fait auparavant pour lui montrer comment ça
fonctionne. Cela va aussi vous permettre d’observer l’amplitude de ses
réactions et le temps qu’il faut au pendule pour changer de direction.
Surtout, pensez à lui dire de ne jamais bouger la main.
Pour ce premier test, choisissez une question à laquelle votre volontaire
peut répondre par un nombre que vous ne pouvez pas deviner. Par
exemple :

« Combien de tasses de café as-tu bues aujourd’hui ? »


« Avec combien d’hommes as-tu discuté hier soir, au bar ? »

Demandez-lui de lever le pendule au-dessus du cercle, de le garder bien


immobile et de dire : « Dix. » Pour commencer, il faut être sûr d’obtenir un
NON. En fonction de la question, il faut donc ne pas hésiter à dire un
nombre plus grand comme pour les exemples précédents. Attendez que le
pendule se place sur la ligne NON.
La vitesse à laquelle il réagira dépend de la personne. Cela peut être
immédiat et très clair, ou infime et très discret. Quand vous avez obtenu
votre premier NON, commencez à compter à rebours sans quitter le pendule
des yeux. Arrêtez-vous à chaque nombre pour lui donner la possibilité de
changer de direction. « Neuf. Huit. Sept. Six. Cinq. Quatre. Trois. Deux.
Un. Zéro. »
Quand vous prononcerez l’un de ces nombres, le pendule se mettra
soudain à bouger dans l’autre sens et commencera à aller vers la ligne OUI.
Cela veut dire que c’est la bonne réponse. Demandez à votre volontaire s’il
a bougé la main. Il vous répondra que non. Demandez-lui si le nombre est
bon. Il vous répondra que oui.

Interlude

N’hésitez pas à expliquer comment fonctionne un pendule après avoir fait


ce premier tour. Dites qu’il est contrôlé par de minuscules réactions
musculaires dont on n’a pas conscience, elles-mêmes contrôlées par notre
système nerveux, et qu’il les amplifie. Si toute l’assistance comprend ce
mécanisme, le prochain tour sera encore plus intéressant, surtout pour votre
volontaire.

Deuxième tour : la chasse aux mensonges

Ce tour qui consiste à détecter un mensonge avec un pendule vous


permettra ni plus ni moins de montrer des signes contradictoires
inconscients comme ceux dont j’ai parlé dans le chapitre 7, sur le
mensonge : pendant que votre volontaire essaiera de dire quelque chose,
son corps émettra un autre message que le pendule amplifiera.
Imaginons que votre volontaire et vous êtes dans une pièce avec cinq
autres personnes. Demandez-lui de placer le pendule sur la croix et de
choisir dans sa tête une personne de l’assistance à qui il devra penser
pendant l’expérience. Expliquez-lui que vous allez nommer les personnes
présentes, l’une après l’autre, et que, chaque fois que vous lui demanderez
si c’est à elle qu’il pense, il devra vous répondre « non ». Quand vous serez
sûr que votre volontaire a choisi quelqu’un et qu’il a bien compris les
instructions, demandez-lui de soulever le pendule. Comme précédemment,
vous allez commencer par faire un test pour être sûr qu’il vous « suit ».
Nommez quelqu’un qui n’est pas présent dans la pièce et demandez-lui
si c’est à lui qu’il pense. Attendez que le pendule dise NON. Si la réaction
de votre volontaire n’est pas évidente, vous pouvez, si besoin, lui reposer la
question en mentionnant une autre personne absente. Quand vous obtenez
une réponse claire, continuez avec les cinq personnes présentes dans la
pièce : « C’est Harry ? », « C’est Ron ? », etc. Même si votre volontaire est
censé répondre chaque fois « NON » à l’une des questions – « C’est
Hermione ? » –, le pendule va se mettre à osciller sur le OUI bien qu’il
affirme le contraire. Le pendule va systématiquement révéler son mensonge
(c’est pour cela que vous devez faire en sorte qu’il soit anodin pour qu’il ne
vous en veuille pas après coup, comme cette fois où tout le monde a quitté
votre fête parce que deux personnes se disputaient dans la cuisine et que
vous avez fini la soirée devant un mauvais film avec Ben Stiller, en
mangeant un paquet entier de chips et en sifflant une énorme bouteille de
Coca-Cola).
J’espère que vous oserez faire ces tours ou expériences. La plupart sont
plus simples que vous ne le pensez. Ils nécessitent tous que vous utilisiez
les compétences sur lesquelles vous avez déjà travaillé, que vous ayez
confiance en vous et, peut-être au début, que vous ayez d’énormes cojones
– que vous soyez une femme ou un homme.

1. Mon éditeur m’a fait remarquer que si vous aviez jeté mon livre par la fenêtre, vous n’auriez
pas lu la suite et vous n’auriez pas pu aller le récupérer. Il a bien sûr raison. Vous ne devriez
jamais jeter ce livre nulle part, quoi que je dise.
CHAPITRE 12
Où vous allez découvrir que vous êtes
un mentaliste qualifié et où l’auteur va vous faire part
de ses déceptions concernant l’avenir.
Et c’est là que notre voyage se termine.
ULTIMES PENSÉES
SUR CE QUE VOUS AVEZ APPRIS

Nous voilà enfin arrivés à destination. Si vous avez vraiment fait tous les
exercices de ce livre et pris le temps de les maîtriser avant de passer à la
suite, il vous a sans doute fallu des mois pour y arriver. Si, à l’inverse, vous
avez fait ce que j’ai tendance à faire, c’est-à-dire lu cet ouvrage du début à
la fin sans vous arrêter sur les exercices, ça va aussi. L’un des grands
avantages des livres, c’est qu’on peut passer d’une page à une autre comme
on veut sans que cela change quoi que ce soit aux exercices et aux
méthodes qu’ils contiennent. Peu importe que vous ayez commencé à lire
dans les pensées des autres ou que vous vous apprêtiez à le faire. Dans les
deux cas, j’espère vous avoir convaincu d’une chose : ON PEUT
VRAIMENT LIRE DANS LES PENSÉES. CE N’EST PAS UN MYTHE.
C’est juste un peu différent de ce que pensent la plupart des gens. Lire est,
par définition, une action que l’on fait avec les yeux (même si certains le
font avec le bout des doigts). Ensuite, on doit être capable de voir ce qu’on
lit. Et ce qu’on peut voir dans le cas qui nous intéresse, c’est la façon dont
le processus de pensées agit sur le corps et le comportement. Mais ce n’est
pas tout. Puisque Descartes avait tort, ce que nous voyons fait également
partie intégrante du processus de pensée de notre interlocuteur, ce qui nous
permet de deviner le reste relativement facilement.
On me demande souvent ce que nous deviendrons quand tout le monde
saura lire dans les pensées. Ce serait en effet bizarre si on pouvait tous
analyser consciemment les autres à tout moment. « Enchanté de vous
rencontrer. Vous voulez commencer par suivre mon langage corporel ou
c’est moi qui le fais ? » Mais, comme je vous l’ai dit à maintes reprises, ces
compétences ne servent à rien tant qu’on ne les utilise pas inconsciemment.
Une fois qu’on aura tous appris toutes ces techniques, il va se passer
quoi ? Eh bien, je pense que nous serons de meilleures personnes pour la
simple raison que nous ferons plus attention aux autres, au lieu de ne penser
qu’à nous. Nous avancerons dans la vie de façon plus fluide et nous nous
amuserons davantage. Il y aura toujours des différences d’opinions, mais les
conflits pourront être réglés à un stade plus précoce au cours de réunions
plaisantes et respectueuses. Nous arriverons probablement à éviter qu’une
ou deux guerres éclatent. (En même temps, je pense que, dans le futur, nous
porterons tous des combinaisons argentées et que nous vivrons en colonies
sur Mars. Je me demande d’ailleurs depuis un certain temps si les
magazines que je lisais quand j’étais jeune n’étaient pas bourrés de
mensonges…) Le problème, à mon avis, c’est que cela n’arrivera jamais. Il
y aura toujours des gens qui ne voudront pas se connecter aux autres, qui
aimeront batailler dans la vie en utilisant des méthodes de domination
cachées. Heureusement, on peut leur résister et réussir sans eux une fois
qu’on sait ce qu’on pense et ce qu’on exprime vraiment quand on
communique avec les autres.
Avec la boîte à outils que je vous ai donnée, vous pouvez en quelques
secondes obtenir énormément d’informations sur une personne que vous
rencontrez pour la première fois. Vous savez quelles impressions
sensorielles elle utilise pour comprendre le monde et donc quels genres
d’expériences sont importants pour elle.
Vous pouvez deviner ses centres d’intérêt ou sa profession. Si vous
arrivez à remarquer ce qui se passe sur son visage, vous verrez ce qu’elle
ressent et la façon dont son état émotionnel se modifie. Quand ses pensées
changeront, vous le détecterez immédiatement à travers les changements de
son langage corporel et les expressions de son visage. Et quand vous verrez
son état émotionnel s’assombrir, vous pourrez y remédier en un mot,
probablement avant qu’elle ait conscience de ce qui se passe. Vous pourrez
immédiatement détecter la malhonnêteté et le mensonge. Vous sourirez
quand vous verrez à quel point votre collègue est attirée par cet autre
collègue sans qu’aucun des deux en ait conscience.
En quelques secondes, vous connaîtrez le fonctionnement et le mode de
pensée de quelqu’un mieux que la plupart de ses amis. Si tout cela ne
consiste pas à lire dans les pensées, je me demande ce que c’est. Étant
donné que vous êtes attentif à la façon dont il utilise son corps et sa voix
quand il communique, vous êtes l’une des rares personnes à comprendre
exactement ce qu’il essaie de dire. Vous faites aussi en sorte d’utiliser le
même langage corporel et la même voix que lui, ainsi que toutes les
informations dont vous disposez déjà à son sujet pour communiquer
clairement avec lui. Vous êtes prêt à créer une atmosphère stimulante et
créative pour présenter vos idées, et vous aimez la compagnie des autres.
Voilà.
Je vous avais bien dit que ce livre vous rendrait service.
Henrik Fexeus
RÉFÉRENCES
Publications et sites internet où j’ai puisé
toutes ces informations
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