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L’ART DE DÉCODER LE
LANGAGE DES YEUX
Un outil de communication
Conception de la page couverture et mise en pages :
Christian Campana – www.christiancampana.com
Photographie de la couverture : Depositphotos
Photographies : Istockphoto, Depositphotos, Michel Picard
Figures : Michel Picard
ISBN : 978-2-89793-252-7
ISBN Epub : 978-2-89793-253-4
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2. L’horizon de sens
Pris hors contexte et sans lien avec d’autres indicateurs corporels,
un geste isolé revêt peu d’intérêt. En fait, il ne signifie rien. Il doit
s’inscrire dans une liste de plusieurs items dans le but de dégager
une tendance. Par exemple, le fait d’avoir les deux yeux bien grands
ouverts peut traduire une émotion de peur ou illuminer le visage de
quelqu’un empreint d’une grande curiosité. Le but consiste à prendre
du recul et éviter la tentation de tirer des conclusions hâtives.
3. Mensonge, où te caches-tu ?
Nous pouvons conclure au mensonge de deux façons seulement : 1)
vous possédez des preuves irréfutables, 2) vous obtenez des aveux.
Ceux qui cherchent le mensonge à travers les items corporels,
notamment au niveau des yeux, seront déçus. L’analyse du langage
corporel n’est pas un détecteur de mensonges, mais elle peut aider.
Dans cet exemple, c’est le contraire. L’œil gauche devient plus petit
que le droit. Cette réaction de « fermeture » suggère une difficulté ou
une protection. Le chagrin, par exemple, pourrait entraîner cette
configuration du côté gauche.
Configuration no 9 — Grrrrrrrr !
Configuration no 10 — L’épuisement
professionnel
Vers la fin du livre, nous allons analyser les quadrants des yeux,
c’est-à-dire la région vers laquelle le regard se dirige, pour récupérer
l’information avant de répondre. Une de ces régions se trouve au
centre du visage où l’individu regarde droit devant. Cette
configuration amène deux interprétations opposées : d’un côté, un
état d’hyperconcentration, de l’autre, un regard vide. Dans le premier
cas, on appelle tous ses sens. Une situation plus stressante qu’à
l’habitude ou une question complexe entraîne ce genre de réaction.
Dans le second, la personne a décroché de l’échange. Elle semble
ailleurs, d’où le regard absent.
6 Phrase mythique que l’acteur Jean Gabin lance à sa partenaire, Michelle Morgan, dans
le film « Quai des brumes » de Marcel Carné.
7 Paul Ekman est un psychologue américain et professeur émérite de l’Université de
Californie. Il a notamment inspiré la série télévisée « Lie to me ». Ses nombreuses
recherches ont permis d’identifier six émotions de base qui sont : la joie, la surprise, la
peur, la colère, la tristesse et le dégoût. À la suite de ses travaux, d’autres chercheurs
ont ajouté le mépris.
3
Les émotions
Une personne brandit son bras vers l’avant avec le poing bien fermé.
Comment savoir si elle nous menace, se réjouit, affirme sa
supériorité ou encore célèbre une belle victoire ? Cet item en soi
demeure peu significatif et vous devrez l’inclure dans une liste des
indicateurs corporels pour obtenir un horizon de sens plus probant.
La lecture d’une émotion passe par une bonne compréhension de
son processus de déclenchement. Mais qu’est-ce qu’une émotion ?
La langue française à elle seule utilise plus de 150 synonymes.
Alors, voyons ensemble les indices qui nous permettent de
reconnaître une véritable émotion9.
La joie
La tristesse
a. Coins intérieurs des sourcils relevés ;
La peur
a. Sourcils relevés ;
b. Sanpaku du bas ;
Le mépris
a. Coins intérieurs des sourcils abaissés ;
b. Nez plissé ;
b. Nez plissé ;
La colère
a. Intérieur des sourcils abaissé ;
c. Pupilles dilatées ;
e. Narines ouvertes ;
La surprise
a. Sourcils relevés ;
b. Yeux ouverts ;
d. Bouche ouverte.
Les yeux et les sourcils s’expriment fortement. Les yeux fixent l’autre
avec les pupilles dilatées (dans les cas évidents de colère). L’œil
droit, plus participatif et plus vif que le gauche, traduit une certaine
vigilance et une mise à distance. Les sourcils forment un « V » avec
de grosses rides verticales au centre. La glabelle est bien
prononcée. Lorsque la tête se penche légèrement vers l’avant, les
yeux s’élèvent et laissent paraître le sanpaku du bas. Du même
coup, les paupières du haut disparaissent. Si la tête reste bien
droite, les yeux seront un peu plus fermés en raison de la
rétractation des fentes palpébrales inférieures.
Lecture à vue
Puisque nous nous consacrons seulement à l’étude des yeux,
voyons les principales composantes de la région oculaire.
Règle de lecture no 3
Finalement, la direction précise la signification du geste. Un
micromouvement qui commence sa course au centre du visage et
qui se déplace vers l’extérieur, par exemple vers les oreilles,
suggère de l’ouverture. Autrement dit, si la personne veut voir
quelque chose, le mouvement indique qu’elle le souhaite encore
plus. Dans le cas contraire, c’est-à-dire vers l’intérieur, on parlera de
fermeture. Si on reprend l’exemple précédent, la personne ne veut
donc plus voir.
Règle de lecture no 4
La dernière règle de lecture concerne la position géographique où
s’effectue le micromouvement. Notre sujet d’étude nous restreint à la
fonction visuelle. Pour le reste du visage, l’importance de la réaction
s’accroît lorsque le micromouvement se dirige au centre du visage et
devient plus accessoire s’il s’en éloigne. La région des yeux est plus
limitée, mais cette règle pourrait s’appliquer sur deux points de
contact en particulier.
Je ne veux pas revoir ou imaginer des Je ne veux pas revoir ou imaginer des
informations visuelles qui me sont informations visuelles et personnelles,
extérieures. Par exemple on me suggère c.-à-d. le refus de revoir des souvenirs
d’imaginer la scène d’un accident. douloureux.
Voir au-delà
L’interprétation d’une microdémangeaison dans la région oculaire
laisse place à de nombreuses nuances et subtilités. Gardons les
choses simples et tenons-nous-en aux grandes lignes, les principes
qui guident la création de l’horizon de sens.
Je n’aimerais pas ou je ne veux pas voir Je n’aimerais pas ou je ne veux pas voir
ce qui se cache derrière ce que je vois. ce qui se cache derrière ce que je vois.
(Rationnel) (Personnel)
Présence et attention
Les yeux et le clignement des paupières nous en disent long sur la
qualité de la participation de notre interlocuteur dans la conversation.
Elle se divise en deux. En premier, nous parlons du niveau de
présence : la qualité de l’implication. Une personne présente
interagit. Le vendeur qui s’acharne à vous convaincre qu’il vous offre
l’occasion du siècle ne rate pas l’opportunité de nourrir son propos et
de vous vendre sa salade. A contrario, combien de fois vos
arguments avec votre ado préféré se sont-ils heurtés à une absence
sans équivoque ?
Focus
Les yeux maintiennent ou coupent le lien pendant la communication.
Comme je l’ai mentionné, la configuration fournit sa part de
message. En ce qui a trait aux clignements des paupières, ils
indiquent le niveau de participation dans l’échange. Aussi, la qualité
du regard ajoutera à votre appréciation de l’implication de l’autre.
Lorsque vous discutez avec quelqu’un, vous savez si votre
interlocuteur vous regarde réellement. Quelqu’un peut se placer droit
devant vous, les yeux dans votre direction (nous parlons de
focalisation du regard) et vous sembler complètement déconnecté.
De la même manière, une personne pourrait ne pas vous regarder,
donc défocaliser, tout en participant à la discussion. Nous parlons ici
de regards actifs ou passifs.
Ces trois fonctions remplissent un rôle bien précis pour trois types
d’intervention et à des moments différents. Par exemple,
l’expérimentation tend à démontrer que le mouvement oculaire au
niveau cognitif s’exécute avant la réponse alors que la fuite de type
« turn-taking » s’active pendant que l’autre parle.
On a noté, tant chez les enfants de onze ans que chez les
adultes, une fuite du regard principalement vers le haut lorsqu’ils
répondaient à des questions de nature cognitive. Les chercheurs
croient au lien entre les mouvements oculaires latéraux et la pensée.
Ils soutiennent que les deux utilisent le mécanisme neural qui se
trouve dans le cortex préfrontal latéral et dans d’autres régions
corticales associées aux mouvements des yeux59. Cela tend à
corroborer la dimension cognitive des quadrants visuels tant en
analyse du langage corporel qu’en programmation neurolinguistique
et confirme la signification du mouvement oculaire vers le haut.
Se déconnecter cognitivement de son environnement exige des
efforts et justifie la fuite du regard. Cela dit, l’effort physique requis
semble moindre que celui nécessaire pour ignorer consciemment
son environnement alors qu’il nous bombarde d’informations60.
Nous savons déjà que le cognitif entraîne une fuite du regard vers
le haut. Ce n’est que par défaut que nous prétendons qu’un
mouvement vers le bas implique une recherche d’information de
niveau émotionnel. Étant donné que cette déduction n’est basée que
sur des observations empiriques, je vous recommande de garder
une certaine réserve considérant que d’autres disciplines,
notamment la programmation neurolinguistique (PNL), proposent
une nomenclature différente. Deuxièmement, la logique cérébrale
n’établit pas de lien entre l’activation des hémisphères et la fuite du
regard. La controverse entourant ces recherches découle d’une
insuffisance de mesures et de rigueur. En revanche, les
observations empiriques nous fournissent un meilleur éclairage des
différences entre le côté gauche et le côté droit, ce qui nous permet
de suggérer que la dimension diachronique peut expliquer les fuites
du regard de chaque côté. Le langage corporel tire profit de ces
deux observations et nous propose une répartition des fuites du
regard en quatre quadrants.
Le premier correspond à la case « futur cognitif » avec une fuite
du regard vers la droite et vers le haut68. Cette fuite du regard sous-
entend que la personne crée l’image ou l’événement auquel elle fait
référence. Le mouvement oculaire vers le haut implique une
dimension cognitive, c’est-à-dire une information abstraite, par
exemple le récit d’un rêve.
Le second quadrant correspond à la case « passé cognitif ». La
dimension cognitive demeure. L’approche diachronique explique le
mouvement vers la gauche, c’est-à-dire le passé. Cela suggère que
l’interlocuteur connaît l’information. J’effectue quand même une mise
en garde concernant le caractère « connu » de l’information. Pour
l’instant, personne n’a cherché à savoir si une image obtenue par le
fruit de l’imagination devient acquise lors des rappels subséquents.
Cela pourrait signifier que le stockage des informations se déplace
et se transforme après une première assimilation. J’en appelle aux
scientifiques parmi vous qui s’intéressent à la question. Je propose
de vérifier si l’individu sollicite les mêmes ondes cérébrales selon
que la remémoration porte sur une image connue ou sur le fruit de
son imagination, à partir de la seconde fois où on demande de
retrouver la même information.
Le troisième quadrant nous ramène dans le futur, mais du côté
des émotions. Nous avons ici une première différence avec la PNL
qui considère ce quadrant en lien avec une information
kinesthésique. Pour l’instant, je propose d’interpréter la dimension
kinesthésique du point de vue du ressenti et, par conséquent, selon
une dimension émotionnelle. Le caractère futur de cette fuite du
regard suggère que l’interlocuteur n’a pas réellement vécu cette
émotion.
66 Prêtre, poète, écrivain et homme politique anglais, Jacula prudentum (1651), www.mon-
poeme.fr/citations-george-herbert.
67 On fait aussi référence au langage afro-asiatique.
68 Pour les fins de l’analyse en langage corporel, nous interprétons toujours les directions
en partant du point de vue de la personne en face de nous, et non du nôtre. Par
exemple, si je parle du côté droit, c’est celui de l’interlocuteur, donc ma gauche.
69 Richard Bandler, John Grinder, Les secrets de la communication, les techniques de la
PNL, Éditions Le Jour, Montréal, 1982.
70 On retrouve aussi l’emploi de cette technique en psychologie et en psychanalyse.
9
Les quadrants visuels
Le passé et le futur
La culture influence la signification de la fuite du regard. En raison
des différences, notamment entre les cultures occidentale et
araméenne, la nomenclature « passé-futur » demeure-t-elle
pertinente ?
Parallèlement à la PNL, nous acceptons que la dimension
« évoquée » suppose que l’information est déjà acquise, donc
s’inscrit dans notre passé. Mais cette question ne pose pas un
problème, mais celle du futur nous turlupine. Je m’explique. Une
image construite ne fait pas partie de notre passé. Dans l’éventualité
que notre mémoire n’entrepose pas cette information, on peut
difficilement parler de futur. Pour cette raison, l’opposition
diachronique « passé-futur » me semble restrictive et contre-
productive. Je propose plutôt une nomenclature plus généraliste.
Intérieur et extérieur
Apprentissage et neurodéveloppement
L’apprentissage chez les enfants fait l’objet d’un intérêt scientifique
soutenu qui nous offre une littérature variée et très élaborée,
notamment en ce qui a trait aux fuites du regard et à leur impact sur
la charge cognitive. Même si les interprétations diffèrent légèrement
d’un chercheur à l’autre, personne ne remet en question les
fonctions des fuites du regard. Au surplus, celles-ci jouent un rôle
suffisamment influent pour amener certains professionnels à se
pencher sur les mouvements oculaires dans le cas d’enfants atteints
du trouble du spectre de l’autisme et du syndrome de Williams. Je
vous propose un bref survol des résultats80 de diverses expériences
visant à évaluer les performances cognitives chez les enfants au
développement normal et ceux qui souffrent de l’un de ces deux
syndromes. La plupart des travaux impliquaient la recherche
d’images ou le calcul mental. Cela exclut du même coup la
dimension émotionnelle.
74 Auteur-compositeur québécois, « Les yeux du cœur », Album Rendez-vous doux, 1988.
75 Fiona G. Phelps, Gwyneth Doherty-Sneddon, Hannah Warnock, Helping Children
Think : Gaze Aversion and Teaching, Stirling University, Article soumis le 14 juillet 2004.
76 Arthur M. Glenberg, Jennifer L. Schroeder, David A. Robertson, op. cit.
77 On présente aux enfants une feuille de papier sur laquelle apparaît le visage d’un clown
avec des points de couleur. On remplace cette feuille par une autre sur laquelle il y a le
visage d’un clown sans couleur. La tâche consiste à placer des jetons de couleur aux
mêmes endroits que sur la page originale.
78 Sander Nieuwenhuis, Bernet M. Elzinga, Priscilla H. Ras, Floris Berends, Peter Duijs,
Zoe Samara, Heleen A Slagter, Bilateral saccadic eye movements and tactile
stimulation, but not auditory stimulation, enhance memory retrieval, Brain and
Cognition, Elsevier, 2012.
79 Serena Mastroberardino, Annelies Vredeveldt, Eye-closure increases children’s memory
accuracy for visual material, « Frontier in Psychology », Vol. 5, Article 241, 24 mars
2014.
80 Je présente un résumé des différents résultats à titre indicatif seulement. Du point de
vue du langage corporel, ces résultats nous intéressent étant donné le lien avec
l’analyse des yeux. J’espère qu’ils serviront la cause des lecteurs qui doivent gérer les
défis qu’apportent les troubles du syndrome de l’autisme et de Williams.
81 Terfe Falck-Ytter, Christoffer Carlström, Martin Johansson, Eye Contact Modulates
Cognitive Processing Differently in Children with Autism, Society of Research in Child
Development, Vol. 0, no 0, 2014.
82 Deborah M. Riby, Gwyneth Doherty-Sneddon, Lisa Whittle, Face-to-Face Interference in
Typical and Atypical Development, Development Science, 15 :2, 2012.
83 Deborah M. Riby, Gwyneth Doherty-Sneddon, Lisa Whittle, Gaze Aversion as a
Cognitive Load Management Strategy in Autism Spectrum Disorder and Williams
Syndrome, The Journal of Child Psychology and Psychiatry, 53 :4, 2012.
84 Deborah M. Riby, Gwyneth Doherty-Sneddon, Lisa Whittle, Face-to-Face Interference in
Typical and Atypical Development, Development Science, 15 :2, 2012.
12
La détection du mensonge
Facebook : @MichelPicardPublications
RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
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A Current Model of Neural Circuitry Active in Forming Mental Images, « Medical Science
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De l’œil au cerveau, quelques aspects de la vision, Séquence 8, SN012,
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Jacques COSNIER
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Why do babies blink less often than adults ?
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Tiango LOURENÇO
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Curie », École doctorale cerveau cognition comportement, présentée en 2010.
Alder VRIJ
Detecting Lies and Deceit, Pitfalls and Opportunities, 2nd ed., Wiley, Angleterre, 2008.
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