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Illustrations : @ Shandan

Mise en page : Belle Page

© InterÉditions, 2021
InterÉditions est une marque de Dunod Éditeur,
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

www.dunod.com

ISBN : 978-2-7296-2216-9
■ SOMMAIRE

Avant-propos à la troisième édition


Préface
Introduction - Découvrez un recueil d’outils de self-défense contre la
mauvaise foi et les manipulations du quotidien
Partie I - Soyez lucides : donnez un nom aux stratagèmes que vous détectez
Chapitre 1 - Le premier qui s’énerve a perdu
Chapitre 2 - Impossible d’en placer une ! Les six casse-pieds
Chapitre 3 - Nous n’avons rien à nous dire ! Les quatre boucliers
de la relation
Chapitre 4 - À quoi jouez-vous, bon sang ? Les trois rôles du Triangle
Dramatique
Chapitre 5 - Association de malfaiteurs : Lorsque les Rôles sont associés
à d’autres vilains
Partie II - Faites le choix de la bienveillance
Chapitre 6 - Résistez à la tentation des Jeux
Chapitre 7 - Les freins à la bienveillance et à la compassion
Chapitre 8 - Les leviers de la bienveillance
Chapitre 9 - Et si les intentions sont négatives : Fuyez !
Partie III - Restez constructif : Entraînez-vous
Chapitre 10 - Choisissez l’énergie positive
Chapitre 11 - La technique de l’Édredon : amortir le choc et renvoyer
de l’énergie positive
Chapitre 12 - Le dojo de Jérôme et Pierre Senseï
Conclusion - Voilà, maintenant, vous êtes devenu(e) ceinture noire ; vous
savez envoyer la manipulation et la mauvaise foi au tapis
Les mots pour le dire - Pour que nos filles aussi comprennent
le livre de leur papa
Pour en savoir plus sur le Triangle Dramatique
Bibliographie
Remerciements
Table des matières
■ Avant-propos à la troisième édition

Onze ans déjà ! Onze ans que nous écrivions ce livre, fruit de notre
rencontre avec le génial Docteur Stephen Karpman. Depuis nous avons
animé des centaines de stages, conférences, séminaires et travaillé des
centaines d’heures avec lui pour simplifier, réduire à leur plus simple
expression utile les outils de self-défense relationnelle et d’assainissement
des relations.
De ce travail est né le KPM (Karpman Process Model®), modélisation à
l’usage de tous, des quarante ans de recherche et de pratique psychologique
de notre mentor. Et puis, avec sa bénédiction, nous avons poursuivi le
voyage et construit une boîte à outils pragmatique et souvent drôle à utiliser.
Car oui, comme le font les magiciens d’Harry Potter avec l’Épouvantard,
objet de toutes leurs peurs, nous avons pris le parti de l’humour et du plaisir
pour travailler notre self-défense émotionnelle et relationnelle pour en faire
un art.
La vie est un art, c’est notre conviction et notre signature.
■ Préface

Depuis bien longtemps, j’entends que mon Triangle Dramatique est connu
et utilisé dans le monde entier. Et, bien que conscient de l’effet qu’a pu faire
ma vision métaphorique des relations humaines, je n’ai jamais vraiment
mesuré l’étendue réelle de son succès.
C’est en 2006, si je me souviens bien, que j’ai décidé pour la première
fois de « googler » mon triangle (un verbe que j’entends de ci de là, ces
derniers temps).
J’ai alors tapé sur mon clavier « Triangle Dramatique » et quelle ne fut
pas ma surprise (presque ma terreur) de voir surgir plus de quinze mille
adresses de pages web ! Des gens dans le monde entier avaient repris et
développé sous forme d’articles, de livres, et même de séminaires, ma
mutine figure géométrique. Il existe même en France, un groupe de Rock
nommé « Drama Triangle ».
Ce que je découvrais en naviguant me rendait le plus souvent
humblement fier et heureux. Parfois aussi, la colère me donnait envie de
corriger des versions faussées, voire contradictoires trahissant le sens et les
objectifs de mon modèle.
Une fois que le dentifrice est sorti du tube, il semble bien difficile de l’y
remettre !
Peu après cette découverte sur Internet, je décidais de rassembler mes
notes et de partager quarante ans de recherche ininterrompue sur ce que le
monde avait décidé d’appeler le « Triangle de Karpman ». Il me fallait
montrer ce qu’il y avait sous le sommet de l’iceberg, partie que seuls ceux
qui avaient apprécié mon travail connaissaient. J’ai commencé par écrire un
premier article pour le Journal de l’Analyse Transactionnelle aux États-
Unis. Depuis, le désir d’écrire un livre sur le sujet me tarabustait. Après
tout, Charles Darwin a écrit son œuvre majeure au crépuscule de sa vie.
Pourquoi pas moi ?
C’est à peu près à cette époque que je rencontrais Jérôme et Pierre. Nous
avions, eux comme moi, la noble tâche d’intervenir en conférence à Hot
Springs, près de Little Rock dans l’Arkansas, à l’occasion du deuxième
Congrès Mondial de la Process Communication. Je venais présenter mes
travaux sur la version complète de mon modèle et ils présentaient les leurs
sur la santé émotionnelle et le modèle Process Communication®. Ils m’ont
approché dans la soirée, après mon intervention, pour réaliser une interview
vidéo à l’attention des coachs et formateurs français. Je commençais par
donner mon accord puis changeais d’avis.
J’avais remarqué qu’ils étaient venus avec un matériel vidéo sophistiqué.
Je me suis dit que ce serait sympa et intéressant de faire quelque chose de
plus excitant qu’une interview. Je leur suggérais de faire plutôt un clip de
présentation de mon modèle sur une quinzaine de minutes. J’étais curieux
de voir et entendre ça sur le format vidéo. J’avais aussi envie de me lancer
ce défi. Ils eurent l’air ravi et nous nous mîmes en tournage le même soir,
dans l’enceinte vide du lieu du congrès. Quel beau souvenir ! La mise en
scène était fort simple : je pris une craie blanche, m’installai devant un
tableau noir vieille école et improvisai pendant une vingtaine de minutes…
Une seule prise suffit pour tout mettre en boîte. Ce fut un moment de grâce.
C’est là notre première rencontre.
Le reste de l’histoire semble s’être écrit tout seul…
Ils sont tous deux repartis en France avec la bande vidéo. Je suis rentré à
San Francisco pour me remettre à la rédaction d’articles complémentaires
destinés au Journal de l’AT.
Trois mois sont passés. J’avais presque oublié notre tournage. Jérôme
m’a appelé chez moi. Il me dit que Pierre et lui avaient retenu mon histoire
de Google, et qu’ils souhaitaient m’aider à faire passer le message de leur
côté en Europe. Ils avaient en tête d’organiser un ou deux séminaires à Paris
avec moi pour des formateurs et des coachs. Je leur dis pourquoi pas, pour
plusieurs raisons, dont la principale, je l’avoue, était de voir Paris au
printemps et en profiter pour enfin visiter le musée Picasso ! Après une
semaine seulement, ils m’ont rappelé pour me dire que deux séminaires
n’allaient pas suffire vu le succès de l’annonce du projet dans leur cercle de
collègues. En informant leur seul réseau de proches, ils avaient reçu plus de
cent demandes de participation !
J’étais flatté et ravi. Nous avons confirmé et plus de cent personnes sont
venues nous voir. Nous avons dû refuser du monde. Et vous savez ce que
disait le Terminator : I’ll be back !
Nous avons monté nos séminaires, avec moi, qui amenais le bon vieux
matériau que nos participants croyaient connaître, le modèle du Triangle et
je l’ai enfin présenté tel que je crois qu’il doit être utilisé, développé et
enseigné. La surprise venait des évolutions que j’avais créées au fil des
années et, pour finir, les outils que j’avais imaginés pour aider les gens à
vivre leur vie hors de ce satané Triangle du Drame. Quel plaisir de travailler
avec Jérôme and Pierre ! Ils ont endossé bien mieux, bien plus, que le rôle
de co-animateurs pendant ces séminaires. Il leur arrivait d’attraper au vol un
schéma que j’avais gratté sur le paperboard, ou encore de relever, en la
notant, une blague, une idée que j’émettais, puis ils revenaient le lendemain
avec un exercice ou une expérience à tester immédiatement avec nos
groupes. Je trouvais cela passionnant parce que je n’avais plus qu’à laisser
les idées sortir comme elles me venaient. Et toutes ces choses que j’avais
imaginées et construites dans ma tête pendant des années, prenaient vie sur
place.
Depuis, j’ai écrit – je devrais dire compilé – une série d’articles
reconstituant toute l’histoire du Triangle. Mon histoire du Triangle et pour
finir, une fois de plus avec le soutien actif de Jérôme et Pierre, j’ai écrit mon
livre définitif sur l’ensemble de mes recherches1.
Dans les pages qui suivent vous trouverez la lecture respectueuse et
ludique que Jérôme et Pierre en ont faite. C’est une joie de lire leur
adaptation de mon modèle sous cette forme à la fois simple et pourtant si
riche. C’était bien l’idée à l’origine : mettre ces outils à la disposition de
tout un chacun, les rendre si simples qu’un enfant de huit ans pourrait les
utiliser, comme le suggérait mon vieil ami et mentor, le Dr Eric Berne.
Voici le plus important, amener tout cela dans la vie quotidienne.
Avec ce livre, le premier d’une longue série, j’espère, Jérôme et Pierre
vous apportent mon modèle dans le respect de sa forme originelle et son
intégrité. Ils l’ont rendu drôle et facile à appréhender. Alors, allez-y,
amusez-vous et libérez-vous des Triangles Dramatiques de l’existence.
Et à l’occasion, rendez-moi donc visite sur :
www.karpmandramatriangle.com
Stephen B. Karpman,
Le 14 février 2010, San Francisco

Pierre Agnèse, Stephen Karpman et Jérôme Lefeuvre


1. A game free life, Drama Triangle Publications, San Francisco, 2014.
■ Introduction

Découvrez un recueil d’outils de self-défense


contre la mauvaise foi et les manipulations
du quotidien

« Je me doutais bien que quelque chose n’allait pas, qu’il me menait en


bateau. À chaque fois je me fais avoir parce que je culpabilise. Il est très
fort pour ça ! Faire culpabiliser. Il sait que ça marche à tous les coups et
moi, je ne m’en rends compte qu’après. J’en ai vraiment assez, je voudrais
apprendre à gérer ça autrement. »
Sandrine, 34 ans, veut comprendre. C’est pour ça qu’elle a décidé de
s’inscrire à cette formation. Sandrine, Arnaud, Alexandre, Chloé, et les
autres sont tous ici pour la même raison. Ils ne veulent plus se laisser
embarquer par la mauvaise foi, les Jeux Psychologiques et les
manipulations. Ils ont besoin de comprendre pour ne plus avoir à faire le
constat amer qu’ils se sont encore laissé piéger. Ils parlent de leurs
collaborateurs, de leurs managers, de leurs conjoints, de leur entourage.
Christophe, qui a une trentaine de personnes sous sa responsabilité, dit qu’il
démarre au quart de tour, qu’il n’arrive pas à garder son calme face au
comportement de certaines personnes. « Surtout pendant les Comités
d’Entreprise ! » soupire-t-il.
C’est pour toutes les Sandrine et tous les Christophe que nous écrivons ce
livre. Tous ceux qui se demandent comment faire pour neutraliser les
empêcheurs d’avancer et les casse-pieds en tout genre. Et les pires d’entre
eux le font souvent inconsciemment en plus !
Comment les repérer au premier coup d’œil ? Comment déjouer leurs
stratagèmes ? Quelles sont les parades les plus efficaces à maîtriser ?
Comment rester élégant face aux provocations ? Comment ne pas se laisser
embarquer dans la spirale de la mauvaise humeur et résister à nos propres
démons ?

Pour cette troisième édition, nous avons fait un gros travail de


compilation des outils les plus pratiques et idées forces de l’art de vivre des
relations saines avec soi-même d’abord et les autres aussi, bien sûr.
Vous trouverez ici tous les outils pour vous accorder quelques pas de
recul et de répit avant de vous emporter. Apprenez à voir venir de loin les
coups tordus, envoyés consciemment ou non, par celles et ceux qui veulent
nous attirer dans des Jeux pas très sains. Entraînez-vous à distinguer et à
contrer leurs manœuvres parfois bénignes mais agaçantes. Familiarisez-
vous avec le puissant modèle du Triangle Dramatique et regardez avec
délectation le drôle de manège auquel nous sommes parfois invités.
Pourquoi certains choisissent-ils l’intimidation, et se mettent-ils à nous
sermonner comme des enfants qui ont fait une bêtise ? Pourquoi d’autres à
la moindre occasion, jouent-ils les victimes impuissantes ? Et que dire de
ceux qui se croient investis d’une mission, celle de voler au secours de tout
le monde sans qu’on leur ait demandé quoi que ce soit, au point de nous
exaspérer ?
Ne vous laissez plus faire par les enquiquineurs de tout poil qui
n’hésitent pas à monopoliser la parole pour ne parler que d’eux, ou à nous
donner d’interminables et répétitives leçons sans aucune requête de notre
part. Arrêtons de gaspiller notre temps à plaindre les spécialistes du
sabotage d’ambiance, les pros du découragement toujours prêts à nous
reprocher l’aide que nous leur offrons, ou pire, celle que nous aurions dû
leur offrir. Réagissons, que diable !
Cet ouvrage est destiné à tous ceux qui veulent des stratégies pour se
protéger de tous ces affreux, tout en restant dignes et intègres dans leur
façon de communiquer.
Pas question ici de s’abaisser à utiliser les mêmes ruses que ceux que
nous combattons, mais bien de les contrer par des pratiques efficaces et
nobles. Nous dirons pour déjouer.
Rendez-vous dans la troisième partie de ce livre pour vous entraîner avec
nos outils pratique et ainsi, vous préparer à affronter une situation difficile.
Adoptez aussi les parades de self-défense psychologique pour empêcher la
contagion du Triangle Dramatique.
Enfin, vous pourrez également commencer à manier la technique de
l’édredon, comme si vous étiez dans un cours de self-défense.
Puisse ce voyage dans les outils pratiques de la self-défense émotionnelle
et relationnelle apporter à toutes nos lectrices et nos lecteurs un moment de
plaisir et, surtout, une panoplie pour maintenir à distance la mauvaise foi et
les manipulations du quotidien.
Alors voici trois questions pour commencer :
1. Comment garder sa lucidité et voir venir les coups de loin ?
2. Comment rester bienveillant malgré les provocations en tout
genre ?
3. Comment conserver un état d’esprit constructif et sortir grandi
d’un conflit ?
Voici le point de départ de notre travail. Faisons une observation simple
et difficile à contredire : si au lieu de rester dans la mauvaise foi et jouer
avec les mots et les nerfs des autres, nous restions lucides, bienveillants et
constructifs, le monde sans doute tournerait plus paisiblement.
Si vous êtes du genre à ne lire que l’introduction d’un livre avant de le
remettre à tout jamais dans la bibliothèque, voici pour vous faire envie
quatre règles de base à retenir avant que vous ne partiez :
Règle#1 – Qui perd son sang-froid perd la partie !
Règle#2 – Regardez la personne et non ce qu’elle vous fait.
Règle#3 – Faites un crédit plutôt qu’un procès d’intention.
Règle#4 – La règle numéro quatre est une règle de trois ! Faites deux
propositions saines à un mauvais joueur, la troisième étant risquée, sortez
du jeu.
Alors si vous vous demandez comment faire pour appliquer ces règles de
base et tous les principes qui vous sont proposés dans le livre, ne le rangez
pas dans la bibliothèque tout de suite et venez découvrir l’art de déjouer les
pièges de la mauvaise humeur, de la mauvaise foi et de la manipulation
avec nous.
■ PARTIE I

Soyez lucides : donnez


un nom aux stratagèmes
que vous détectez
CHAPITRE 1

■ Le premier qui s’énerve a perdu


Le film Matrix, sorti en 1999, avec Keanu Reeves et Laurence Fishburne,
jongle avec les codes de la science-fiction et des légendes anciennes. Mais
c’est surtout une ode à la lucidité dont le jeune informaticien Thomas
Anderson devient le héros sous les traits de Néo. C’est Morpheus qui le
guide, en commençant par lui donner le choix de savoir la vérité ou de
rester dans l’illusion. La scène dans laquelle Morpheus lui propose de
choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge est une des plus emblématique
pour les aficionados de Matrix.

Rester dans l’illusion ou affronter la réalité


Ce que nous aimons dans cette symbolique, c’est qu’elle rejoint souvent les
réactions des personnes que nous formons lorsqu’elles découvrent la face
cachée des relations humaines, lorsque derrière la banalité de certains
échanges ou la récurrence de certains propos, se trouvent un niveau de
lecture plus subtil et des enjeux sous-estimés.
Surgissent alors les onomatopées de nos participants au lendemain d’une
première journée de formation. Ce qui revient le plus souvent :
– « Maintenant j’en vois partout ! »
– « Mais moi aussi, je fais des trucs pas très nets parfois ! »
– « J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui jouent à des
Jeux Psychologiques. »
L’analogie avec Néo qui voit la réalité telle qu’elle est, s’est offerte à
nous comme une évidence. Le film est suffisamment populaire pour que
nous y fassions référence très souvent sur le ton de la plaisanterie…
quoique.
Il y a une nouvelle excitante dans cette comparaison avec Néo, le héros
du film. En nous entraînant à devenir de plus en plus lucides, nous
développons une faculté à voir partir les coups avec un temps d’avance. Et,
comme Néo qui a le temps d’esquiver les balles ou de réaliser des prouesses
spatio-temporelles, nous découvrons que nous avons le temps de nous
protéger des attaques de nos interlocuteurs. Ce n’est parfois qu’un léger
laps de temps que nous gagnons lorsque nous parvenons à nommer le
phénomène. En y travaillant régulièrement, ce laps de temps nous semble
de plus en plus long, étirable et fort utile pour ajuster une parade adaptée.
Un super pouvoir, en quelque sorte !

Nommer pour agir


La lucidité est une capacité qu’acquièrent les individus à percevoir leur
environnement en faisant la part entre les ressentis, les opinions et les faits.
La connaissance et la reconnaissance des enjeux en présence dans un
conflit, aussi bien les miens que celui de l’autre, sont une démonstration de
cette capacité.
Le contraire de la lucidité dans notre discipline s’appelle l’interprétation.
L’interprétation est ici entendue comme inconsciente. Il est acceptable
d’interpréter à condition de reconnaître que nous sommes en train
d’interpréter. Dans l’interprétation nous tirons des conclusions dans
lesquelles notre jugement et nos émotions se retrouvent dans une zone
aveugle, parfois aveuglée.
Pour déjouer les pièges que les autres nous tendent encore faut-il rester
lucide et savoir les repérer. Depuis toutes ces années que nous travaillons
avec des disciplines comme l’Analyse Transactionnelle, la Process
Communication, l’Intelligence Émotionnelle ou encore le Triangle de
Karpman, nous n’avons cessé d’orienter notre réflexion sur le
développement de la lucidité. Au fond, toutes ces approches n’ont d’intérêt
que si elles sont utilisées pour développer une forme de clairvoyance sur
soi-même et sur le monde qui nous entoure.
Une des premières règles que nous a enseignées le Dr Karpman tient
dans cette formule : « Si vous voulez agir sur un phénomène, il faut
commencer par lui donner un nom ». Cette règle prend tout son sens
lorsque nous commençons à y voir plus clair sur les stratégies, les
manœuvres et les Jeux utilisés dans les relations humaines, au quotidien.
Nommer ce qu’une personne est en train de faire lorsqu’elle lance un Jeu
psychologique est une façon très efficace de mettre une distance
émotionnelle entre soi et cette pratique. C’est déjà un temps précieux gagné,
même s’il est court et avec un peu d’entraînement, nous apprenons à en
faire bon usage.

La lucidité : un choix irréversible

Cette lucidité dont nous parlons ici commence par deux évidences :
D’abord, ce que nous appelons « pièges » dans cet ouvrage sont la
plupart du temps, des comportements peu conscients, qui sont eux-mêmes
l’expression de motivations toutes aussi peu conscientes. Bien sûr, il arrive
parfois que certains de nos interlocuteurs soient de grands Joueurs qui
savent très bien ce qu’ils font lorsqu’ils le font. Mais, mais ils ne
représentent pas une majorité, fort heureusement. Ne cédons pas à la
tentation de juger trop vite ceux qui nous entourent lorsque nous les voyons
clairement agir avec un stratagème. Notre lucidité ne doit pas nous servir à
devenir des délateurs et des moralisateurs insupportables. Au contraire, elle
est là pour nous inciter à davantage de sagesse. Un léger sourire au coin des
lèvres se dessine lorsque nous commençons à repérer par-ci, par-là certaines
pratiques de communication correspondant à des manœuvres que nous
allons étudier. Un sourire mêlant distance et sérénité, pas celui de l’ironie.
Ensuite, avec ce livre entre les mains, rappelez-vous que nous sommes
tous des utilisateurs plus ou moins assidus des pratiques que nous allons
décrire ! Et oui, même nous, les auteurs de ce livre, écrire sur les pièges de
la mauvaise foi ne nous exonère pas de céder parfois (moins qu’auparavant,
nous l’espérons !) à certains raccourcis dans nos relations aux autres. C’est
une des bases de la lucidité que de s’inclure dans ce grand théâtre de la vie
sans être dupe.
Une des principales vertus de la lucidité sur soi-même réside également
dans le fait de connaître ses points de vulnérabilité. Parmi les pratiques
désagréables que nous allons décrire dans ce livre, certaines vous paraîtrons
plus supportables que d’autres. Pourquoi ? Difficile de répondre à cette
question sans poser l’hypothèse que chacun de nous a, dans son histoire,
des épisodes douloureux au cours desquels il ou elle a entendu ce genre de
formules, associées à un parent, un ex-conjoint ou un supérieur hiérarchique
coutumier du fait. En les entendant aujourd’hui, dans le temps présent,
l’effet produit est celui de recevoir une attaque sur un point sensible. Nous
appelons cela un hameçon dans la discipline que nous pratiquons. Un bon
déjoueur connaît les petites phrases, les formules et les attitudes qu’il
déteste. Il sait qu’il est plus fragile lorsqu’il les entend et qu’elles
représentent un hameçon dans lequel il est tentant, voire irrésistible de
mordre. Dans le cas présent, mordre voudrait dire, partir au quart de tour,
répondre sèchement et donc, s’énerver le premier. C’est-à-dire perdre la
partie !
En développant notre lucidité, nous apprenons à accroître notre niveau de
vigilance dans nos relations, qu’elles soient professionnelles ou
personnelles. C’est également une belle preuve de bonne foi lorsque le déni
d’évidence empoisonne les relations. Celui qui a déjà eu à subir la mauvaise
foi d’une personne qui refuse de voir une situation telle qu’elle est, sait
combien le déni de réalité est un puissant motif d’exaspération !
Alors gardons notre esprit en éveil et restons attentifs à ce qui se passe.
Les chapitres qui suivent seront non seulement l’occasion d’identifier les
six casse-pieds, mais aussi, sans attendre, l’opportunité de voir comment les
gérer lorsque la situation le réclame.
CHAPITRE 2

■ Impossible d’en placer une !


Les six casse-pieds
Deuxième conférence internationale de la Process Communication® à Hot
Springs, août 2007. Le Dr Taibi Kahler1 a invité son ami le Dr Stephen B.
Karpman à présenter l’œuvre de sa vie, son légendaire Triangle Dramatique
sobrement appelé Triangle de Karpman. L’assemblée des cent
cinquante participants, venus de tous les coins du monde, voit monter sur la
scène cet homme qui a travaillé tant d’années avec Eric Berne, le fondateur
de l’Analyse Transactionnelle. La force des applaudissements pour le saluer
révèlent la dimension du bonhomme et la popularité de son modèle.
Popularité certes, pour la partie visible de l’iceberg. Le Dr Karpman vient
de faire une magnifique démonstration de son modèle du Triangle sur un
immense tableau noir, à l’ancienne, avec une craie blanche. Ah, le
crissement de la craie sur un tableau !
Alors que nous sommes aux premières loges pour n’en perdre aucune
miette, Steven Karpman propose à son public d’arrêter avec la théorie et de
tester les six façons de décourager une personne de s’exprimer sans en avoir
l’air. Éclats de rire dans l’assemblée et étonnement. Mais oui, quelle bonne
idée de nous proposer de vivre l’expérience en devenant l’empêcheur de
tourner en rond des autres. Au-delà du plaisir pris par les participants, c’est
l’intérêt pédagogique de la méthode qui est à relever.
Depuis, dans chacun de nos séminaires sur l’art de déjouer les pièges de
la mauvaise foi et les Jeux Psychologiques, nous avons conservé intacte
cette méthode pédagogique très pertinente car elle permet de se rendre
compte en temps réel de l’impact de certaines pratiques inconscientes sur la
qualité des relations.
Karpman appelle cela « The six fightmakers » (chercheurs d’embrouilles)
que nous choisissons de traduire par les six casse-pieds, pour rester polis !
Apprenons à les repérer facilement dans la vie de tous les jours pour
gagner en lucidité.
Le Dr Karpman détaille les six recettes plus ou moins conscientes pour
détourner une personne de son projet de discussion initial en utilisant un
acronyme américain : H-MELTS. En anglais, H-MELTS correspond à
Happiness Melts, ce qui signifie, le Bonheur Fond ! Le plaisir d’avoir une
conversation sur un sujet qui nous intéresse fond comme neige au soleil et
l’agacement devient le ressenti principal.
Chaque lettre correspond à un sabotage de la conversation, une pratique
maladroite, ou adroite, selon le degré d’intention de celui qui l’exécute.
Du point de vue de celui qui reçoit ce genre de sabotage, l’impression est
que l’autre essaie de faire capoter la discussion sans avoir l’air d’y toucher.
C’est énervant, même s’il ne le fait peut-être pas exprès, mais le résultat est
là !
Nous avons traduit ces six sabotages en cherchant à créer un acronyme
en français, tout en gardant le clin d’œil. Après quelques fous rires et
quelques séances de brainstorming, nous sommes arrivés au résultat
suivant : notre H-MELTS français s’appellera SALMEC ! Bien entendu
nous n’étions que partiellement satisfaits de cette trouvaille car nous
aurions préféré que le nom proposé n’indique aucun parti pris, aucun genre,
alors que SALMEC pourrait laisser entendre que seuls ces messieurs
seraient concernés. Eh bien non. Désolés, mesdames, mais nous constatons
que les femmes comme les hommes savent utiliser les six sabotages de la
conversation SALMEC…
Pour lancer l’exercice, nous reproduisons point par point l’expérience à
laquelle nous avions participé en 2007 dans l’Arkansas. L’idéal est de
pouvoir constituer des groupes de sept personnes et que l’une des sept
personnes mette sur la table un sujet et déclare souhaiter en parler. À tour de
rôle, les six autres personnes du groupe doivent utiliser une des six
méthodes pour empêcher la conversation de se dérouler normalement.
À chaque sabotage, le sujet est remis sur la table pour être
systématiquement saboté.
Cela paraît éprouvant mais c’est au contraire très drôle à faire.
Dans cette grande salle de conférence qui comptait plus de cent cinquante
participants, nous avons entendu progressivement monter l’ambiance
jusqu’à un assourdissant concert d’hilarité et d’interjections dans toutes les
langues…
Bien sûr que c’était drôle de saboter les tentatives de conversation mais
pas seulement. C’était très instructif aussi car les pratiques appelées
SALMEC sont des « petites » choses de tous les jours auxquelles nous ne
faisons plus vraiment attention mais qui, présentées de cette manière,
révèlent leur pouvoir irritant. À ce propos, vous constaterez peut-être que,
sur les six sabotages décrits, certains sont des irritants plus puissants que
d’autres pour lesquels vous parvenez à passer outre sans grande sensibilité.
L’important ici est de repérer deux choses :
• Les sabotages face auxquels nous nous énervons vite.
• Les sabotages que nous pratiquons souvent inconsciemment.
Pendant l’expérience de Hot Springs, c’était amusant et même libérateur
de le faire exprès, pour rire, comme des gosses parce que l’apprentissage
dans la joie et dans le rire est indispensable pour des sujets aussi sérieux !
Et très vite, à chaque table, chacun se rendit compte que ce que nous
faisions exprès ce jour-là, la plupart d’entre nous le faisions dans notre vie
quotidienne, mais cette fois, pas toujours exprès…
Et c’est ainsi, à partir de cette expérience avec nos voisins de tablée de
tous horizons que nous avons décidé d’importer cette idée lumineuse dans
notre pays. Et que maintenant, nous avons envie de la diffuser partout
ailleurs.
Commençons notre voyage dans la matrice de la mauvaise foi et des Jeux
Psychologiques avec les six sabotages de la conversation. Attention, à la fin
de ce chapitre, vous verrez tout ! Tout ce que vous faites et tout ce que font
vos interlocuteurs.
Prêts ?

Repérer les six casse-pieds


■ S comme Sujet (Subject)
Comprenez changement de sujet ! La pratique est simple. Attendez que
votre interlocuteur se lance sur son sujet et choisissez votre moment pour
aborder un autre sujet l’air de rien.
Exemple de changement de sujet
Elle : Chéri, j’ai un truc à te raconter trop marrant que j’ai vécu au boulot aujourd’hui !
Lui : Ah oui ?
Elle : J’étais avec Magalie…
Lui : Oh tant que j’y pense, il faut qu’on appelle le réparateur pour la chaudière ! Elle est
encore bloquée et je n’arrive pas à avoir de l’eau chaude. Pourtant, le gars est venu il y a
deux semaines et bla bla bla bla.

Un bon saboteur de conversation utilise sans en avoir l’air cette méthode


qui a le don d’irriter certains d’entre nous. La sensation d’être coupé dans
son élan est très désagréable. Sans compter, la petite rengaine qui
commence à tourner dans notre tête : « Si ça ne t’intéresse pas ce que j’ai à
te dire… »
Le principe consiste donc à couper la parole pour amener la conversation
sur un autre sujet. Et parfois, lorsque nous avons affaire à un pro du S, après
avoir changé de sujet une première fois, il change encore de sujet et ainsi de
suite jusqu’à ce que le sujet de départ soit complètement noyé.
Une variante encore plus efficace consiste à amener sur la table un sujet
plus sexy.
Au cours d’une réunion de travail, Maxime a prévu de partager une idée
intéressante pour le développement d’une gamme de produits. Il est tout
content parce qu’il a préparé son sujet en le documentant avec quelques
recherches sur Internet.
Voyons combien de temps Maxime va rester tout content face à Nicolas,
un spécialiste du changement de sujet.

Exemple de changement de sujet


Maxime : J’ai pensé à une application pour que nos clients puissent gérer eux-mêmes
leur consommation en temps réel avec un tableau de bord dédié. Je peux vous en dire
plus si vous voulez
Nicolas : À ce propos, je rebondis sur ce que dit Maxime parce que j’ai un scoop sur ce
que font nos concurrents
Maxime : Ils ont fait une application ?
Nicolas : Non, rien à voir mais c’est une info cruciale sur ce qu’ils proposent. Tenez, je
vous montre. Je peux utiliser le vidéo projecteur ? J’en ai pour cinq minutes.
Et voilà !
Un véritable hold-up !
Maxime, découragé avant même d’avoir pu commencer, a rangé ses idées
dans son cartable et a écouté d’une oreille distraite Nicolas.
Quand la parole lui est revenue, il n’avait plus très envie de partager son
idée.
Soyons donc attentifs et lucides sur cette pratique que certains utilisent à
peine masqués :
• « Excuse-moi, je change de sujet volontairement ! »
• « Avant ça, est-ce qu’on peut parler de… »
• « Au fait, tu me feras penser, j’ai un truc à te dire après.… Vas-y je
t’écoute ! »
• « Tout autre chose avant que j’oublie… »
• « Dans un autre registre… »
• « Ça n’a rien à voir mais… »
Bref, il existe toute une série d’expressions de la sorte avec lesquelles
ceux qui les utilisent croient s’être donné le droit de changer de sujet parce
qu’ils l’ont annoncé. Faute avouée à demi pardonnée ? Le résultat est le
même. Celui qui voulait aborder son sujet se sent coupé dans son élan.
Dans certaines entreprises c’est un sport national ! Les ordres du jours
des réunions sont très souvent détournés dès le début de la séance par de
nombreux sujets annexes pour lesquels untel va demander cinq minutes, un
autre va argumenter que puisqu’on est tous là autant en parler, etc.
En résumé, le S de SALMEC consiste à passer rapidement d’un sujet à
l’autre pour éviter, consciemment ou non, le sujet principal.
Dans une version sophistiquée, le changement de sujet est la stratégie
préférée des personnes qui semblent ne vouloir parler que d’elles. Une
stratégie des plus subtiles serait de demander à quelqu’un de parler de lui ou
d’elle, puis de profiter de ce qu’elle commence à raconter pour passer à soi
avec un bon : « …ah ben tu vois, c’est comme moi l’autre jour… »
Le principe est donc de ramener le plus souvent possible le sujet sur ce
que nous avons à dire en faisant semblant de s’intéresser à l’autre.
Comment avoir encore envie de communiquer face à ce genre de
comportements ?
À moins que vous soyez insensible au S de SALMEC.

■ A comme Attribution (Labelling)


A veut dire Attribution et certains d’entre nous n’en supportent pas le
principe. Il faudra une bonne dose de patience à ceux qui y sont allergiques
pour éviter d’envoyer balader les praticiens occasionnels ou réguliers.
Fidèles à notre principe de lucidité, nous savons que celui qui s’énerve a
perdu. Car, dans notre discipline, les manœuvres que nous décrivons sont
considérées comme anodines par le plus grand nombre alors que nos
emportements se retournent souvent contre nous. CQFD : c’est celui qui
s’énerve le premier qui a perdu !
Cette pratique agaçante consiste à attribuer à l’autre une étiquette comme
par exemple : « Toi qui es… ; si tu dis ça c’est parce que tu es… ; quand on
est manager c’est normal que… »
Coller une étiquette à l’autre, c’est l’enfermer dans un statut ou dans une
position afin de réduire son champ d’action. Par exemple, en disant à
quelqu’un quelque chose comme : « Tu dis ça parce que tu es ceci ou
cela… », c’est déjà lui faire un reproche sur son manque d’objectivité. Cela
revient à dire « on ne peut pas faire entièrement confiance à ce que tu dis,
puisque tu le dis depuis telle ou telle identité… »
Avec les attributions viennent aussi les généralités et les clichés dont
l’intérêt est plus que discutable mais qui permettent de se donner une
contenance en société.
« Ah tu es avocat ? C’est pour ça que tu parles comme ça alors ! Non
parce que les avocats ils ont une façon bien à eux de parler.… »
Pas mal non ?
Voici un échange de la vie courante et particulièrement d’actualité.
Même les médecins... ?
Olivier est médecin généraliste. Il a accepté l’invitation de sa sœur qui a organisé un
dîner avec six personnes. La discussion porte bien sûr sur le coronavirus, un sujet sur
lequel son beau-frère, Christophe, est très friand d’informations.
Olivier : Il y a beaucoup d’inconnues sur ce virus. Ce que nous savons, nous l’apprenons
en soignant nos patients.
Christophe : Toi qui es Médecin, tu vas sûrement pouvoir nous donner des réponses…
Olivier : Comme je te disais, on navigue à vue. La seule chose à faire pour résister, c’est
de continuer à respecter les gestes barrières.
Christophe : Je suis déçu, je croyais qu’en tant que médecin tu aurais pu nous
éclairer ! Donc, même les médecins ; ils ne savent pas beaucoup de choses alors ?
Olivier : ?!

Pauvre Olivier. Lui qui pensait avoir une soirée de repos bien méritée…
Il y a de quoi avoir envie de tourner les talons et d’aller voir ailleurs ce qui
se passe, n’est-ce pas ?
Quand on vous dit que ce sont des pratiques désagréables, nous
n’exagérons rien.
Dans cet exemple, c’est le métier qui est utilisé comme étiquette, ici avec
une généralisation assez agaçante : « Même les médecins... » Parfois c’est
l’appartenance à un groupe ou la ville de naissance de la personne :
– « Ah ! tu es bien un Breton toi ! »
– « Arrête de faire ton Marseillais ! »
– « Tous les Espagnols aiment faire la fête ! »
Et oui, nous y voilà. L’attribution est dans la même gamme que la
stigmatisation et la discrimination. Pas si anodin alors !
Il existe donc toutes sortes de variantes de cette pratique d’attribution
d’étiquettes. Et bien souvent, nous en sommes victimes dans notre enfance,
lorsque nous sommes qualifiés par nos parents, nos tuteurs, nos
professeurs :
– « Il est très ceci, il est très cela… »
– « Oh mais c’est un garçon vous savez ! Les garçons c’est comme
ça. »
– « Qu’est-ce qu’il est difficile ! Alors que son frère est sage comme
une image. On ne l’entend jamais. »
Si vous avez conservé vos anciens livrets scolaires, vous lirez peut-être
des appréciations sur vos bulletins qui ressemblent à des étiquettes collées
par vos professeurs, ces mêmes étiquettes qui nous suivent parfois pendant
de nombreuses années.

■ L comme Lecture de pensée (Mind reading)

Échange délicat au sein du couple


Lui : Alors chérie, tu as réfléchi à ce que tu voulais qu’on fasse cet été ?
Elle : Oui, oui… sauf que je sais déjà ce que tu vas me répondre.
Lui : Comment tu le saurais ?
Elle : Ben, je te connais. Je sais très bien ce que tu vas en penser.
Lui : Allez, c’est bon maintenant. Dis-le ton truc !
Elle : Tu vois, en plus, tu t’énerves ! Mais ça j’en étais sûr !

La pratique de la Lecture de pensée qu’utilise Madame dans cet échange


consiste à dire à son conjoint qu’elle sait à quoi il pense, ou ce qu’il ressent,
ou encore ce qu’il croit. Comme si Madame était tout à coup dotée d’un
sens télépathique ou de pouvoirs extrasensoriels au point de deviner ce que
l’autre pense, croit ou ressent, sans même que ce dernier ait pu l’exprimer.
Normal que Monsieur s’agace. Vous noterez également les derniers mots
de la scène, d’une mauvaise foi exceptionnelle : « J’étais sûre que tu allais
t’énerver ! », champion du monde !
Attention chers lecteurs, si vous avez prononcé dans votre tête la
réflexion suivante : « Oui mais ça c’est les femmes ! », alors vous venez de
vous rendre coupable d’une attribution très moche !) Nous pourrions tout
aussi bien inverser les rôles de cette anecdote.
Avec une telle pratique, nous ne sommes pas loin du procès d’intention.
Il y a ces formules toutes faites et qui relèvent de la lecture de pensée :
– « Je vous vois venir. »
– « Je sais très bien pourquoi tu me dis ça. »
– « Tu essaies de me faire dire ce que je ne veux pas dire. »
– « Je vois très bien où vous voulez en venir. »
– « Bon, vous allez me dire que ce n’est pas intéressant parce que
vous voulez que j’arrête de vous en parler. »
La lecture de pensée est une technique très efficace pour un casse-pied
qui veut un résultat immédiat. Le pire dans l’histoire, c’est que, parfois, ce
que prétendent savoir les lecteurs de pensée s’avère exact. C’est de cette
manière qu’ils se donnent raison et qu’ils se défendent d’avoir fait quelque
chose de mal. Or, ce qui nous intéresse n’est pas qu’ils aient raison ou tort,
mais plutôt de dénoncer la pratique elle-même qui est intrusive et peu
respectueuse.
Que le lecteur de pensée ait vu juste ou faux, là n’est pas la question.
Nous voulons rester maître de nos ressentis, de nos convictions et libres de
pouvoir les exprimer à notre guise.
Le conseil que nous pourrions appliquer pour nous-mêmes si nous étions
adeptes de la lecture de pensée envers les autres, serait de se rappeler qu’il
est plus sûr de demander à notre interlocuteur ce qu’il ressent. L’avantage
est double : nous permettre de vérifier nos impressions et nous empêcher de
projeter sur l’autre nos propres pensées, nos propres émotions et de ce fait,
de les lui attribuer.
Combien de malentendus pourraient être évités si nous prenions le temps
de questionner l’autre pour entendre ce qu’il a à nous dire :
– « Mais pourquoi tu ne m’as pas demandé ? »
– « Oh j’étais sûr que tu allais dire non ! »
– « C’est dommage d’avoir perdu autant de temps. »
Nous pourrions intégrer cet échange sans en changer un mot dans de
nombreux contextes relationnels : les affaires, l’amitié, le couple, etc.

EXERCICE EXPRESS

En reprenant quelques-unes des lectures de pensée précédente, imaginez une réponse la


plus constructive possible pour assainir l’échange :
– Je sais très bien pourquoi tu me dis ça.
– Tu essaies de me faire dire ce que je ne veux pas dire.
– Bon, vous allez me dire que ce n’est pas intéressant parce que vous voulez que j’arrête
de vous en parler.

■ M comme Menaces (Threats)


Conseils pour une présentation – J’espère pour toi que……
Aurélien est chef de projet et il a la responsabilité ce matin de présenter l’avancée des
travaux à l’ensemble du comité exécutif. Alexia, la PDG sera là.
Arrivé dans la salle de réunion en avance, Aurélien prépare ses notes et vérifie la bonne
marche du matériel. Romain, le DRH, entre dans la salle, salut Aurélien, lui propose un
café et lance en regardant l’écran où sera projetée la présentation :
– J’espère pour toi qu’il n’y a pas trop de slides dans ta présentation. Je préfère te
prévenir que notre Présidente apprécie les présentations synthétiques qui vont à
l’essentiel !
Aurélien qui était plutôt à l’aise ce matin commence à avoir un doute et à se sentir
déstabilisé :
– J’ai douze slides à présenter, tu crois que ça ira ?
– Tu verras bien ! Mais je t’avertis que tu pourrais te faire couper si c’est trop long ! À
toi de voir !

Et voilà Aurélien qui vient de perdre 70 % de sa motivation et qui n’a


plus très envie d’être là ce matin. Des observateurs de mauvaise foi
pourraient arguer que Romain n’a finalement fait que donner des bons
conseils à Aurélien. Mais si l’on y regarde de plus près, les sorties de
Romains ressemblent davantage à des avertissements qui résonnent comme
des menaces aux oreilles d’Aurélien.
Il existe une habitude de langage qui consiste à utiliser des formules
chargées de menaces et d’avertissements qui ont souvent pour effet de
générer de l’inquiétude inutile. L’intention est peut-être bonne, mais la
réalisation manque de délicatesse et de bienveillance.
Si nous prêtons à Romain une intention positive et que nous ré-écrivons
son échange avec Aurélien en y ajoutant une vraie posture d’aide, cela
pourrait donner :
Conseils pour une présentation – Version positive
Romain : Aurélien, j’ai l’habitude des présentations devant le CODIR, est-ce que tu
acceptes deux conseils ?
Aurélien : Oui bien sûr !
Romain : J’ai une technique pour que mes présentations soient synthétiques et aillent à
l’essentiel, ce qui est très apprécié ici.
Aurélien : Je suis preneur !
Romain : Conseil no 1 : je montre mes slides et je ne lis pas ce que les gens voient. C’est
trop long car ton auditoire lit plus vite que tu ne parles !
Aurélien (en riant) : Excellent !
Romain : Conseil no 2 : comme tu as encore vingt-cinq minutes devant toi, sur ton bloc-
notes, écris l’idée clef de chaque slide en une phrase courte. C’est ce que tu diras à
l’oral.
Aurélien : Cool ! Merci Romain, c’est sympa !

Bon c’est sûr, c’est plus long à faire et il faut y mettre davantage
d’énergie !
Inutile de dire que les bénéfices de cette conversation pour les uns et les
autres sont autrement plus évidents que les effets produits par les menaces
et les avertissements de la première version. Encore une fois, si l’intention
est positive, c’est l’habillage de cette intention qui permettra à Aurélien de
se rendre compte qu’il s’agit bien de conseils avisés.
Il existe une belle collection d’expressions contenant des menaces à
peine voilées :
– « Tu ferais mieux… »
– « Vous avez plutôt intérêt à… »
– « Je te préviens tout de suite, si tu ne le fais pas… »
– « Tu as de la chance que je ne m’en sois pas aperçu ! »
– « C’est à tes risques et périls. »
– « Il vaudrait mieux pour vous que… »
– « Je vous conseille de ne pas vous mettre sur ma route ! »
– « J’espère que… »
– « Je vous encourage vivement à me transmettre votre réponse
dans les plus brefs délais ! »
Derrière ces formules à l’emporte-pièce, il y a un message caché, un
sous-entendu grossier : « Il ne faudra pas venir te plaindre et dire que
personne ne t’avait prévenu ! ».
Les personnes qui pratiquent la menace sont souvent les mêmes qui
attendent leur moment pour lancer le célèbre : « Je t’avais prévenu ! » ou
« Je te l’avais dit ». Il y a dans ces petites phrases du quotidien un je-ne-
sais-quoi d’énervant et c’est bien pour cette raison que nous parlons ici de
sabotage de la conversation.

Quelques exemples de la vie quotidienne, juste pour sourire


Elle : Chéri, tu m’accompagnes marcher un peu au bord du lac ?
Lui : Bon OK, mais je te le dis tout de suite, on n’y passe pas deux heures !
Elle : (Plus envie qu’il vienne)

Lui : J’ai retravaillé sur les chiffres du budget. Je suis prêt à te les montrer.
Son N+1 : T’as intérêt à ce qu’ils soient justes cette fois ! Je ne suis pas de bonne
humeur…
Lui : (Plus aucune envie de montrer quoi que ce soit)
Elle : Allo maman, si tu es libre dimanche, ce serait chouette de venir déjeuner à la
maison. Tes petits-enfants te réclament !
Maman : Oui alors, je te préviens, je suis contente de les voir mais vous n’allez pas me
faire faire la baby-sitter. Moi je t’avertis, je suis fatiguée !
Elle : (Plus envie du tout de maman à la maison)

Et oui c’est aussi courant et banal que cela ! Rien de très grave au
demeurant. C’est la répétition de ces pratiques qui finit par éroder la qualité
des relations, y compris avec celles et ceux qui nous sont chers. Ce sont des
raccourcis qui n’apportent rien de très bon.
Voyez comment il serait facile de trouver des façons de dire plus
écologiques. Amusez-vous à reprendre les trois exemples ci-dessus et à
trouver des réponses plus élégantes. Voyez comme il serait simple de dire
les choses sans aucune menace.

EXERCICE EXPRESS

Posez-vous les questions suivantes :


– Comment pourrait-il dire à sa chérie qu’il a un temps limité pour faire une promenade
autour du lac ?
– Comment pourrait-il dire à son collaborateur qu’il se sent agacé avec ces histoires de
budget ?
– Comment pourrait-elle dire à sa fille qu’elle a besoin de se faire chouchouter
aujourd’hui ?

■ E comme Exaltation (Enthusiastic)

C’est génial ! Mais ça ne marchera pas


Iris est directrice des services de l’information (on dit DSI pour aller plus vite dans les
entreprises). Elle a un fort dynamisme et sait mettre en place des solutions adaptées aux
besoins de la PME dans laquelle elle travaille depuis cinq ans. Son esprit créatif est
souvent en ébullition et elle propose beaucoup de bonnes idées qui ont jusqu’à présent
été retenues par Martin, le Président.
Seulement voilà, Martin a décidé de se retirer et, à 67 ans, il a passé le relai à sa fille
aînée, Karine, 38 ans. Même si Karine travaille dans l’entreprise familiale depuis déjà
trois ans, elle est loin d’avoir le savoir-faire de son père. Elle essaie d’assoir son
leadership au plus vite, de façon assez brusque, quitte à prendre systématiquement le
contre-pied de ce qu’aurait fait son père.
Pour Iris, c’est devenu compliqué.
Lorsqu’elle a une idée et qu’elle en parle en réunion devant Karine, elle subit très
souvent le même scénario, pour le moins déroutant. Karine commence par s’emballer et
par trouver l’idée géniale. Le feu vert est donné pour la mise en œuvre et, dans les jours
qui suivent, comme par malchance, commencent à arriver toutes les bonnes raisons de
ne pas mettre en œuvre l’idée d’Iris. Ce n’est pas toujours Karine qui annonce les
contre-ordres mais, comme c’est elle qui décide de tout depuis que son père est parti, il
n’est pas difficile pour Iris de comprendre d’où vient le coup de frein.

Iris est victime de ce que nous appelons un sabotage Enthousiaste.


L’Enthousiasme est une forme d’exaltation qui consiste à montrer plus
d’excitation que de lucidité, puis à finir par trouver une bonne raison pour
que ce qui est proposé échoue : « Ah oui, c’est génial ! Mais bon, ça ne
marchera pas… »
Il existe plusieurs versions et variantes possibles du sabotage
Enthousiaste. Celle que pratique Karine est une version à tiroir, en deux
temps. Dans le premier temps, Karine s’enthousiasme pour les idées d’Iris,
voire même l’encourage, prends le temps d’en discuter en réunion, de
planifier, de budgéter. Bref… on s’y croirait. Ceci pourra d’ailleurs servir
d’alibi à Karine pour dire, avec mauvaise foi, combien elle était partante
dès le début sinon elle l’aurait dit tout de suite mais que, bon, ce n’est pas
de sa faute si ça ne va pas être possible, bla bla bla.
Dans un second temps, Karine trouve, plus ou moins consciemment, le
moyen de se débarrasser des idées embarrassantes d’Iris qui occupe
visiblement trop l’espace. Un espace que lui avait accordé Martin et, ça, ce
n’est pas très bon pour Iris. Si ses idées avaient été souvent rejetées par
Martin, peut-être qu’Iris aurait plus de chance de les voir retenir par
Karine !
Une autre version d’Enthousiaste consiste à réunir les deux temps dans
une seule et même réplique. Il en existe des classiques faciles à reconnaître
et à mémoriser :
– « Très bien ! Excellent ! Moi j’adore… Cela dit, je crains que tout
le monde ne voie pas les choses comme moi ! »
– « C’est une bonne idée, c’est vrai ! Si c’était que moi… »
– « Bravo ! C’est ça qu’il faut qu’on fasse… d’ici deux ans, quand
on aura les moyens ! »
– « Voilà ! C’est ça la solution ! Par contre on n’a personne pour le
faire dans l’équipe ! »
– « Moi j’ai très envie d’y aller ! Mais on n’aura jamais de place ! »
Un professionnel du sabotage Enthousiaste est bien souvent un bon
pêcheur. Il sait nous faire croire qu’il est emballé et jouer avec la ligne en
laissant un peu de mou pour que nous croyons qu’il est réellement intéressé
par nos idées. Alors, nous pensons avoir réussi à embarquer notre
interlocuteur qui attend sagement son moment pour trouver la bonne
objection.
Comme par mimétisme, un bon pratiquant d’Enthousiaste fait monter
l’enthousiasme chez son interlocuteur en faisant mine de s’intéresser
réellement à son projet.
C’est super... ! Il reste néanmoins un petit souci
Jérémie et Gaëlle ont décidé de se lancer dans leur premier achat immobilier et ils ont
rendez-vous ce matin avec le nouveau directeur de l’agence bancaire dont ils sont clients
tous les deux depuis cinq ans. Ils vont avoir besoin d’un petit coup de pouce et de la
confiance de leur banquier car leurs revenus sont un peu justes, mais tous les deux sont
jeunes, au début de leur carrière, diplômés, travailleurs et volontaires. Voici un extrait de
l’entretien avec un directeur d’agence très…comment dire, enthousiaste. Au début !
Eux : Voilà, vous savez tout, c’est un beau projet. Le terrain est disponible, les
entrepreneurs sont prêts à commencer. Il ne manque plus que le financement.
Lui : Eh oui, c’est super ! Je suis content pour vous ! Vous êtes jeunes, vous avez de
l’énergie et vous avez l’avenir devant vous !
Eux : Merci !
Lui : C’est vous, Gaëlle, qui avait trouvé le terrain ?
Gaëlle (toute contente qu’il s’intéresse) : Oui, complètement par hasard ! C’est fou
quand même !
Lui (très compréhensif) : Ah quand la chance s’en mêle ! C’est un signe !
Eux (se regardant en souriant) : …
Lui : Et vous Jérémie, vous connaissiez des entrepreneurs !
Jérémie (tout fier) : Oui, j’ai un bon copain qui s’est lancé il y a deux ans !
Lui : Bon, parfait ! Tout à l’air de bien se goupiller alors ?
Eux : On dirait. Donc pour le prêt, quand aurons-nous la réponse ?
Lui : Bien. Alors, j’ai étudié votre projet et c’est vrai que vous l’avez très bien
documenté. Il reste néanmoins un petit souci avec votre taux d’endettement par rapport à
vos revenus !
Eux : ? ? ! !
Lui : Eh oui, c’est le problème. Si ça ne dépendait que de moi… Mais là-haut, au service
« prêts immobiliers », ils sont intransigeants ! »
Eux (pris au piège de l’Enthousiaste Directeur) : Mais enfin, vous disiez que notre projet
était bien préparé !
Lui : Oui en effet, mais bon, il va peut-être falloir trouver un terrain moins cher et
réduire la surface de votre maison si vous voulez que le prêt vous soit accordé.

À y regarder de près, il y a dans ce sabotage Enthousiaste comme un


manque de courage et d’honnêteté. Pourquoi faire monter l’espoir de ce
jeune couple alors que le directeur de l’agence sait déjà qu’il a de
mauvaises nouvelles ? Pourquoi jouer à « moi je suis le gentil qui aime
beaucoup votre projet, ce sont les méchants d’en haut qui ne veulent pas » ?
Cette version d’Enthousiaste est une des plus cruelles.
Enfin, pour boucler sur Enthousiaste, voici une dernière version plus
agaçante que cruelle mais que certains d’entre vous ont peut-être déjà croisé
sur leur chemin de vie.

Si Enthousiaste qu’on ne peut en placer une


Zoé et Hugo font partie d’un groupe d’amis qui ont l’habitude de se retrouver tous les
étés dans la maison familiale des parents d’Hugo. En général, ils restent entre eux. Trois
couples qui s’entendent à merveille. Les enfants sont à peu près du même âge. Cette
année, Zoé et Hugo ont proposé à un autre couple rencontré récemment, Nicolas et sa
moitié, de venir y passer quelques jours, puisque c’est sur la route de leur destination de
vacances. Dès le premier dîner, Nicolas commence à présenter tous les symptômes d’un
grand pratiquant d’Enthousiaste ! Dans une version assez, disons, originale. Voyez
plutôt :
Zoé : L’année prochaine, nous avons pour projet de visiter le Portugal en voiture avec
les enfants !
Nicolas : Wou-Hou ! Le POR-TU-GAL ! Absolument génial ! Alors, nous on y est allé
il y a deux ans, c’est bien simple, tout nous a plu. Les gens, les paysages, le climat, la
nourriture. On dit qu’on mange mal au Portugal ! Mais c’est faux ! On s’est régalé. On y
mange très bien. Et il n’y a pas que la bacalao. Vous savez ce que c’est, la bacalao ?
C’est la morue ! Enfin du cabillaud salé quoi. Mais c’est fou comme ce pays est beau.
Nous on vous conseille de passer au moins deux jours dans chaque endroit. Ah oui parce
que sinon, c’est trop court. Tiens je vais vous raconter, une anecdote. Bla bla bla…

Énorme non !
Bien sûr Zoé regrette d’avoir lancé le sujet dont elle vient de se faire
dépossédée par un Nicolas particulièrement Enthousiaste. Le problème c’est
que cet épisode n’est pas un accident isolé. Nicolas est très enthousiaste sur
beaucoup de sujets ! Les barbecues ? Il en raffole et a plein d’histoires de
barbecues à vous raconter. La montagne l’été ? Il en est dingue et il a vécu
une aventure géniale l’été dernier. Le sport ? C’est sa drogue et il a une
connaissance sans limite des records dans différentes disciplines. Et ainsi de
suite.
Lorsqu’il est dans les parages, plus personnes n’ose lancer de sujet de
discussion car Nicolas s’en empare avec cette excitation désarmante dont
l’effet le plus visible est d’éteindre l’envie de ses interlocuteurs de parler
avec lui.
Ces quelques jours auront semblé très longs aux trois couples qui, nous
l’imaginons sans peine, ont poussé un très gros soupir de soulagement en
voyant la voiture des invités s’éloigner, tout en faisant au revoir, au revoir
avec beaucoup… d’enthousiasme !
■ C comme Cent pour cent (Hundred percent)
Pour boucler la présentation des six chercheurs d’embrouilles, nous avons
gardé ce petit bijou de sabotage pour la fin. Le mieux pour se donner une
idée de ce dont il s’agit, c’est de vous livrer quelques exemples de ces
formules du quotidien qui contiennent une de ces affirmations
caractéristiques du sabotage Cent pour cent.
• « Avec toi, de toute façon, on ne peut jamais discuter. »
• « Il faut toujours que tu dises le contraire. »
• « J’ai encore dit quelque chose qui ne fallait pas ? »
• « C’est à chaque fois la même histoire avec toi. »
• « Êtes-vous absolument certain de ce que vous avancez ? »
• « Décidément tu ne fais rien pour t’en sortir. »
• « Peux-tu affirmer à 100 % que c’est ce qu’il a dit ? »
• « Comme d’habitude, vous avez oublié l’essentiel ! »
• « Est-ce que tu pourrais, ne serait-ce qu’une fois, m’écouter ? »
• « C’est tout le temps le même problème ! »
La pratique du Cent pour cent est une des plus faciles à repérer tant il
existe d’expressions qui servent sa cause. Certaines de ses phrases semblent
posséder le pouvoir maléfique de taper sur le système de ceux qui y sont
sensibles.
Si, en faisant cette expérience de lecture, vous avez ressenti de
l’agacement, alors vous avez découvert que Cent pour cent est un hameçon
puissant dont il faudra vous méfier. Il y a ici un côté excessif avec toutes
ces formules qui ne font aucune place à la nuance.
Généraliser un comportement ou une situation est un point commun avec
l’Attribution. Lorsque certains reçoivent un 100 %, ils ressentent
immédiatement une injustice. Du coup, difficile d’avoir envie de discuter
avec une personne qui, par son manque de discernement, fait déjà preuve de
mauvaise foi. Voici deux exemples de l’effet décourageant de cette
pratique :
Alors toi, tu as toujours…
Nadia tape à la porte de son chef Patrick. Elle a une question à lui poser.
Patrick : Oui Nadia.
Nadia : Patrick, j’ai un petit souci sur un dossier. Hier, j’ai…
Patrick (lui coupant la parole) : Alors toi, tu as toujours des soucis avec les dossiers,
c’est systématique ! Bon, je t’écoute.
Nadia (à l’arrêt, le souffle coupé) : « Euh… bon, je vais me débrouiller, laisse tomber.

Et voilà, c’est simple, efficace et radical. Nadia n’a plus aucune envie de
demander de l’aide à Patrick qui vient de lui faire un 100 % bien chargé.
Peut-être que Patrick est agacé aujourd’hui, ou qu’il n’aime pas la façon
dont Nadia vient lui demander de l’aide. Peu importe les raisons, et peu
importe s’il a raison à 80 %. Il reste 20 % de mauvaise foi.

Pourquoi, à chaque fois que…


Sacha, 11 ans, veut demander à sa maman s’il peut aller dormir chez son copain Victor
samedi soir prochain.
Sacha : Maman, maman ? J’ai un truc à te demander.
Maman (posant son livre en soupirant) : Pourquoi, à chaque fois que je veux prendre
quelques minutes pour lire tranquillement, quelqu’un vient me parler. Qu’est-ce qu’il y a
encore ?
Sacha (tournant les talons) : Non, rien, c’est bon.
Maman : Ben si, maintenant que tu m’as interrompue.
Sacha : J’ai plus envie…

Fin de l’histoire. C’est très pratique d’associer dans la même réplique, à


chaque fois et encore. Deux 100 % pour le prix d’un et Sacha retournera
dans sa chambre ayant perdu toute envie de demander quoi que ce soit à sa
Maman… pour le moment !

Que faire face aux SALMEC ?


Lorsque nous avons découvert ces six casse-pieds en 2007, nous avons vite
compris qu’ils apparaissaient sous des formes multiples, parfois combinées,
donc innombrables ! Autant dire qu’il est vain de se donner pour mission de
vouloir tous les contrer.
D’abord, rappelons-nous que, dans le lot, certaines de ces pratiques ont
peu ou pas d’effet sur nous. Cela veut dire qu’il faudra se concentrer sur
celles auxquelles nous avons accordé un pouvoir de nuisance plus
important. C’est une bonne chose de le formuler dans ce sens plutôt que de
croire que ce sont les SALMEC qui ont un pouvoir de nuisance sur nous. Si
nous commençons par leur donner moins de pouvoir et d’importance, alors
nous serons beaucoup plus efficaces.
Il nous faut également prendre en considération le contexte. En fonction
des circonstances, nous éprouverons le besoin de trouver de bonnes
parades.
Pour toutes les fois où nous avons besoin de faire face et de répliquer,
nous allons partager avec vous ce que nous avons découvert à force de nous
entraîner. Et la vie nous a offert depuis quatorze ans de nombreuses
occasions de nous entraîner !
Comme souvent dans ce genre de discipline complexe, nous n’avons pas
trouvé de phrases magiques ou de réponses toutes faites qui
« marcheraient » à tous les coups. Les situations, les contextes et les acteurs
sont si variés que ce ne serait pas honnête de prétendre qu’une réplique
apprise par cœur serait l’antidote.
Nous nous sommes plutôt concentrés sur des principes de réponses ? Une
fois le principe assimilé, tout une gamme de variantes est possible selon la
créativité de chacun, l’inspiration du moment, les éléments de contexte et
l’interlocuteur concerné. Il est également important d’intégrer le paramètre
timing dans la démarche. En effet, il n’est parfois pas souhaitable de
dénoncer un SALMEC en public. Personne n’aime être confronté en public
et, en fonction de vos enjeux, mieux vaudra jouer le coup en deux temps.
Une régulation a posteriori est parfois aussi efficace, sinon plus.

■ Principe 1 : l’Évaluation
Dans la plupart des cas, lorsque les enjeux ne sont pas si importants, le
simple fait d’ignorer le SALMEC, c’est déjà gagner. Par exemple, je veux
parler d’un sujet lors d’une réunion familiale et je me fais piquer mon sujet
par un SALMEC Enthousiaste. Bon, OK, je suis détendu, l’enjeu n’est pas
si sérieux. Je reste cool, je peux laisser passer ça. J’aurai bien l’occasion de
reparler de mon sujet plus tard. Et si plus tard, je subis un changement de
sujet, à moi d’évaluer les conséquences de ne pas parler de mon sujet.
Grave, pas grave ?
Sachons évaluer rapidement les enjeux avant de rentrer dans le jeu !

■ Principe 2 : la Dissociation
Dissocions nos émotions et le contenu de ce que nous voulons dire. Aucune
parade de cet ouvrage n’aura de bons résultats si nous avons mordu à
l’hameçon, c’est-à-dire si nous pratiquons nos gestes de défense sous le
coup de la colère, de la frustration ou de bien d’autres états émotionnels peu
propices à la maîtrise.
Une bonne nouvelle que nous avons déjà évoquée, c’est que le fait de
voir ce qui se passe, de nommer le phénomène est déjà une façon de se tenir
à distance émotionnelle du SALMEC. À force d’entraînement, nous
apprenons à nous désensibiliser progressivement et à ne plus réagir trop
vite.

■ Principe 3 : l’Expression
D’une manière générale, nous avons constaté qu’une des façons les plus
efficaces de neutraliser un SALMEC est de le dénoncer. C’est-à-dire de
décrire ce que nous voyons et de nous y opposer avec tact et fermeté. C’est
ici que notre lucidité nous sera d’un grand secours. Puisque nous
connaissons les rouages de ces pratiques, nous pouvons les dénoncer au
moment où elles se produisent ou les retenir mentalement pour les évoquer
le moment venu avec notre interlocuteur. Comment ce dernier pourrait-il
savoir que nous ne voulons pas qu’il agisse de la sorte si n’exprimons pas
notre ressenti. C’est du bon sens.
Voyons maintenant quelques pistes de réflexion pour affronter chaque
SALMEC.

■ Quelques répliques possibles pour désarmer un casse-pieds


Au cours des très nombreuses formations que nous avons dispensées sur le
thème de la mauvaise foi et des Jeux Psychologiques, nous avons notés
quelques jolies répliques trouvées par nos studieux participants. Un grand
merci à eux d’avoir contribué à compléter l’album des parades que nous
avons ouvert il y bien longtemps maintenant.
L’idée ici est de partager avec vous les meilleures que nous avons
entendues. Elles seront utiles pour que vous élaboriez les vôtres avec vos
mots et vos nuances.

Changement de Sujet (S)


• « Ok. Maintenant nous avons deux sujets à traiter. Le tien et le
mien. Par lequel commençons-nous ? »
• « J’avais commencé avec le renouvellement de notre site web et
voilà que nous parlons maintenant des clients mécontents !
Pouvons-nous revenir au site web ? »
• « Bizarre ! C’est moi qui étais parti pour te raconter nos vacances
en Afrique du Sud et c’est toi qui me parles de tes vacances en
Norvège. Est-ce que tu veux que je te raconte ? »
• « La question que j’ai posée portait sur les besoins de
communication des équipes. La réponse que j’entends porte sur
les défaillances de notre réseau ! Je vais reposer ma question. »
• « Mes amis, pouvons-nous nous recentrer sur les sujets prévus à
l’ordre du jour. Nous sommes en train de traiter d’autres sujets
qui n’y figurent pas. »

Attribution (A)
• « Je vais d’abord te répondre en tant que personne avant de te
répondre en tant que notaire. »
• « Quand tu me demandes de parler en tant que spécialiste, est-ce
que j’ai un droit à l’erreur ? »
• « Avant d’être Anglais, je suis John, un gars sympa qui a des idées
bien à lui ! »
• « Tu viens de faire une généralisation en me rangeant dans une
catégorie. Pas cool ! »
• « Quand tu dis que c’est parce que je suis une fille, est-ce que tu
entends que cette formule est discriminante ? »
• « Tu dis que d’habitude je suis très optimiste. Aujourd’hui tu vois
une autre facette de moi. »

Lecture de pensée (L)


• « Mais enfin ! Que fais-tu dans ma tête ? Qui t’a laissé entrer ?
C’est interdit ici Monsieur ! Allez, circulez ;-) »
• « Même si tu as deviné ce que je pense, je vais te dire les choses
avec mes mots. »
• « Stop ! Je te demande d’arrêter de lire dans mes pensées. Je vis
ça comme une intrusion. »
• « Si tu veux savoir ce que je pense ou ce que je ressens, le mieux
est encore de me le demander. Et tu seras peut-être surprise ! »
• « Ce n’est pas agréable pour moi de t’entendre me dire que tu
savais ce que j’en pensais. Arrête de faire ça, s’il te plaît ! »
• « Donne-toi une chance d’avoir tort ! Pose-moi des questions. »

Menaces (M)
• « Je préfère recevoir un conseil de ta part qu’un avertissement. »
• « Merci de m’avoir averti. Qu’est-ce que tu recommandes ? »
• « Ce n’est pas nécessaire de me menacer pour me donner cette
information ! »
• « Quand tu me dis que j’ai plutôt intérêt à le faire vite, quel est le
risque sur lequel tu veux m’alerter ? »
• « Je me sens plus inquiet qu’averti. As-tu une suggestion pour
compléter ce que tu me dis ? »
• « Quand tu dis ‘j’espère pour toi que tu vas le faire’, est-ce que ton
but ici est de créer de l’anxiété ?

Enthousiaste (E)
• « Je vais retenir que tu étais très enthousiaste quand je t’ai parlé
de ce projet. »
• « Si tu as des objections, je préfère que tu les exprimes
directement. »
• « Tu as l’air d’apprécier ce que je propose. Y a-t-il un ‘mais’ à
l’horizon ? »
• « J’ai l’impression que tu es plus emballé que moi sur mon sujet !
Fais-moi un peu de place pour t’en parler, s’il te plaît. »
• « Il y a un phénomène que j’ai observé à plusieurs reprises. Je
viens avec une idée, je te vois t’enthousiasmer pour cette idée,
lancer le projet et, quelques jours plus tard, l’effet retombe et le
projet est arrêté. Difficile à vivre pour moi. J’ai besoin que nous
en parlions. »

Cent pour cent (C)


• « Toujours est un peu excessif. Je suis prêt à retenir souvent ! »
• « Je ne me sens pas concernée par cette généralisation. Puis-je
exprimer ma version ? »
• « J’ai une perception de la situation un peu plus nuancée. Veux-tu
l’entendre ? »
• « Il y a une part de vrai dans ce que tu dis. Jamais est un tantinet
exagéré ! »
• « Quand vous me demandez si je suis absolument certain, j’ai
l’impression qu’il y a un sous-entendu dans votre question. Est-ce
exact ? »
Trois SALMEC pas contents de se faire contrer !

■ S’entraîner à désamorcer les casse-pieds


Comme nous l’avons dit plus haut, ces exemples de répliques ne sont pas
des phrases magiques à apprendre par cœur. Ce sont des réparties qui ont
été retenues pour ce livre car, lorsqu’elles ont été prononcées, elles l’ont été
dans la juste posture, sans agacement, sans colère, sans attaque, mais plutôt
avec une belle présence mêlée de sagesse. Ces exemples constituent donc
un recueil d’idées dont chacun peut s’inspirer pour se donner plusieurs
choix et permissions :
• Laisser filer lorsque le jeu n’en vaut pas la chandelle.
• Dissocier les émotions ressentis du message à faire passer.
• Oser dénoncer la pratique SALMEC en exprimant notre refus.
Ce sont les basiques à travailler dès que vous estimez que l’occasion qui
se présente est la bonne. Au début, nous recommandons de commencer par
vous exercer avec des SALMEC peu puissants pour vous faire la main dans
circonstances peu dommageables. Par exemple, lorsque vous êtes calme, en
compagnie de personnes que vous considérez comme constructives ou avec
des personnes avec lesquelles vous n’avez que peu d’enjeux relationnels.
De cette façon, si les premiers pas sont maladroits, les conséquences ne
seront pas trop dommageables. À force d’entraînement, comme pour
beaucoup de disciplines, vous allez voir vos progrès et vous serez tentés de
vous frotter à des pratiques SALMEC un peu plus intenses. Et quel plaisir
de neutraliser un SALMEC de catégorie supérieure !
En observant avec attention, vous découvrirez aussi que certains
champions du SALMEC utilisent des combinaisons de plusieurs SALMEC
dans une même formule. Une Attribution mélangée avec une Menace. Un
changement de Sujet avec une Lecture de pensée. Bon, ça se complique,
c’est vrai ! Et parfois il y en a trois ! Au secours !

IDENTIFIEZ LES COMBINAISONS DE SALMEC

Allez, rien que pour le plaisir quelques perles extraites de la vie quotidienne. À vous de
deviner le mix qui est proposé ;-)
– « Tu sais, je te vois toujours arriver avec tes gros sabots. Tu es tout le temps très
prévisible ! »
– « Je t’avertis, nous avons un sujet beaucoup plus prioritaire. D’ailleurs j’ai eu un appel
ce matin du Président et je vais vous raconter ce qu’il m’a dit. Bla bla bla… »
– « Bravo ! Excellente idée. Tu es bien un financier toi ! Après, je doute qu’on arrive à
faire passer ça aux actionnaires ! »
– « On est obligé d’aller manger tous les dimanches chez ta mère ? Je te préviens, à
14 h 30, je rentre pour le match de rugby. »
– « Ouais, je sais très bien ce que tu es en train de te dire. Tu raisonnes en Consultant et
tu crois qu’on ne va jamais y arriver ! »
Amusant non ?
Vous aurez l’occasion, dans la troisième partie de ce livre de vous entraîner dans nos salles
de dojo contre les SALMEC que vous rêvez de décourager.

Et en attendant, nous n’avons pas fini de dévoiler toutes les combines de


la mauvaise foi et des Jeux Psychologiques.
Repérez
Les six casse-pieds
Six pratiques désagréables pour saboter une conversation.
Un acronyme facile à retenir SALMEC :
• S pour changement de Sujet.
• A pour Attribution.
• L pour Lecture de pensée.
• M pour Menace.
• E pour Enthousiaste.
• C pour Cent pour cent.
Évaluer les enjeux.
Dissocier les émotions et le contenu.
Exprimer les choses en dénonçant le Sabotage.

Esquivez
Les six casse-pieds
• Évaluation : mesurer les enjeux avant d’intervenir.
• Dissociation : séparer les émotions et le contenu.
• Expression : dénoncer le sabotage.
1. Taibi Khaler, Docteur en psychologie, créateur du Modèle Process Communi­cation.
CHAPITRE 3

■ Nous n’avons rien à nous dire !


Les quatre boucliers de la relation
Ce que nous venons de décrire avec les six sabotages SALMEC, ce sont des
pratiques plus ou moins innocentes, parfois peu visibles pour un œil non
entraîné. Leur utilisation n’est pas ostentatoire : « Non, je ne veux pas que
tu parles de ça ! » La mauvaise foi dont fait preuve l’utilisateur d’un
sabotage SALMEC est justement située dans l’aspect parfois invisible de la
pratique. Par exemple, quelqu’un nous fait une attribution plutôt anodine
aux yeux des autres, nous sommes hameçonnés et nous réagissons de façon
agressive. Très facile pour le joueur de lever les mains en arrière et de dire
d’un air effarouché : « Mais enfin qu’est-ce qui te prend ? On ne peut plus
rien dire alors ? (100 % !) » en prenant à témoin les autres personnes
présentes.
Allez expliquer qu’il a fait une attribution et ensuite un 100 % ! C’est
trop tard, nous nous sommes énervés, nous avons perdu.
Et le pire c’est que le saboteur peut ajouter, une fois que nous n’avons
plus envie de parler : « Tu vois, c’est toi qui refuses la communication ! »
Affreux !
Ce que nous allons voir maintenant est différent.
Steven Karpman a identifié dans ses recherches quatre attitudes qui sont
utilisées comme de véritables boucliers anti-relation. Aucun doute ici sur
l’intention de l’utilisateur de ces boucliers. La personne ne souhaite pas
avoir une conversation avec vous et elle vous le fait comprendre clairement
en adoptant une des quatre attitudes que nous allons étudier ici. Bien sûr, ce
serait plus constructif de dire avec bienveillance : « Je suis désolé, ce n’est
pas le bon moment pour moi pour aborder ce sujet. Je préfère que nous en
parlions demain. Est-ce que tu es disponible pour déjeuner ? »
Non, ne vous attendez à une communication aussi transparente.
Repérer les quatre boucliers
Bien souvent, Steven Karpman nous offre un acronyme facilement
mémorisable pour faire référence aux phénomènes qu’il a étudiés. Les
quatre boucliers de la relation ne font pas exception à la règle. C’est avec
l’acronyme CASE que vous allez pouvoir retenir aisément à quoi
correspondent ces quatre attitudes : Condescendante, Abrupte, Secrète et
Évasive.
La plupart du temps, ces quatre attitudes servent à empêcher d’aborder
un sujet délicat ou qui demande d’être discuté dans un certain niveau
d’intimité. La personne n’y étant pas disposée, elle va, plus ou moins
consciemment, se débarrasser du problème en dressant une barricade
relationnelle entre elle et son interlocuteur.
Le Grand Larousse illustré nous dit que la condescendance est l’attitude
hautaine et méprisante d’une personne qui accorde une faveur tout en
faisant sentir qu’elle pourrait la refuser.

■ Condescendant

Pas beaucoup de temps mais, bon, je t’écoute


Émilie a intégré l’équipe il y a maintenant huit mois. La relation avec son principale co-
équipier, Marc, n’est pas toujours facile. Émilie a souvent l’impression que Marc ne lui
fait pas confiance sur certains dossiers et continue à la considérer comme novice alors
qu’elle se sent maintenant intégrée et pleinement opérationnelle.
Ce matin Émilie profite d’un moment de tranquillité pour appeler en visio Marc et
aborder les choses qui fâchent. Tous deux sont en télétravail depuis que la crise du
coronavirus a démarré. Courageuse, Émilie se lance :
Émilie (sur un ton enjoué) : Bonjour Marc, comment vas-tu ?
Marc (un peu distant) : Ça peut aller. On fait avec…
Émilie : Marc, je t’ai demandé qu’on puisse se parler parce que je voudrais qu’on
discute de notre façon de travailler ensemble.
Marc (avec un très léger soupir) : Bon, je n’ai pas beaucoup de temps. Alors je veux
bien écouter ce que tu as à me dire si c’est ce que tu veux.
Émilie (un peu interdite) : Ah mais ça peut attendre si tu n’es pas disponible.
Marc (agacé) : Bon, je t’écoute. Ne perdons pas de temps…
Il est très désagréable dans ce genre de circonstances d’avoir
l’impression que l’autre fait un geste magnanime en acceptant de nous
écouter. C’est comme si cette personne nous tolérait dans son espace et
nous faisait le privilège de sa présence. Il sera difficile dans ces conditions
pour Émilie de partager avec Marc ce qu’elle a à lui dire. Pour cela il
faudrait que Marc se montre disponible et ouvert à la discussion. En
adoptant une attitude condescendante, il dresse un bouclier particulièrement
hermétique entre lui et Émilie qui n’a peut-être plus du tout envie d’aborder
le sujet délicat qu’elle souhaitait aborder. Le sentiment que quelqu’un se
force à nous écouter pour faire une faveur est un sentiment particulièrement
désagréable pour bon nombre d’entre nous, en tout cas suffisamment
désagréable pour tourner les talons et abandonner tout projet de discussion,
hormis les sujets du quotidien mais surtout pas les sujets qui fâchent.
Comme pour les SALMEC, il est intéressant d’être au clair sur l’impact
que les quatre attitudes CASE peuvent avoir sur nous. Pour certain, la
condescendance est plutôt gérable et ils parviennent aisément à composer
avec sans se laisser submerger par leurs émotions.
Pour d’autres, cette attitude agit comme un hameçon dans lequel ils ont
du mal à se retenir de mordre, par exemple en perdant leur sang-froid, ce
qui, nous le savons maintenant, fera les choux gras de leur interlocuteur. Il
nous revient de mesurer le degré de sensibilité qui est le nôtre au bouclier
relationnel Condescendant pour pouvoir s’y préparer et trouver la bonne
stratégie à adopter.

■ Abrupt
Ne commence pas avec mes parents !
Sébastien et Mélanie sont mariés depuis cinq ans et sont les heureux parents d’une petite
Marion âgée de deux ans et demi. Chaque été depuis des années, le couple va passer
l’été dans la maison familiale de Mélanie, dans le golfe du Morbihan. Durant ces quatre
semaines de vacances, les deux premières se passent en compagnie des parents de
Mélanie qui partent ensuite faire leur voyage annuel au Canada dont ils sont tombés
amoureux il y a dix ans. Claude et Mireille, les beaux-parents de Sébastien, sont
intarissables sur l’été indien, la beauté des paysages, la gentillesse des Québécois, les
expressions et la façon de parler, etc.
Seule ombre dans ce magnifique tableau, Sébastien n’a jamais été le gendre idéal que
Mireille et Claude espéraient. Mais bon, comme Mélanie semble l’aimer et que
maintenant il est le père de la huitième merveille du monde, il faudra bien s’y faire. Cela
fait des années que le sujet est tabou entre Mélanie et Sébastien. Ils ont déjà eu quelques
sérieuses disputes à gérer et le couple a même vacillé pendant quelques mois il y a de
cela deux ans. Chaque année, avant le départ en vacances, Sébastien fait une tentative
pour aborder le sujet sereinement car il supporte de plus en plus mal les deux semaines
de cohabitation jalonnées de regards entendus entre Mireille et Claude, d’oublis
malencontreux (Oh vous n’avez pas été servi Sébastien ! Je vous laisse faire d’accord ?),
de réflexions maladroites ou, plus nouveau, d’utilisations à peine voilées de Marion pour
faire passer des messages à son Papa !
Voici ce que donne, la plupart du temps, ces tentatives de dialogue.
Sébastien : Mélanie, dans un mois nous partons dans le Morbihan. J’appréhende un peu
comme chaque année !
Mélanie (sèche) : Ah non ! Ça va pas recommencer !
Sébastien : Comment ça ?
Mélanie : Arrête un peu avec ça !
Sébastien : Est-ce que tu comprends que pour moi c’est important d’en parler ?
Mélanie (en se tenant la tête comme si elle avait subitement une énorme migraine) :
Non, non, non et non ! Arrête je te dis.
Sébastien (insistant) : C’est moi qui souffre de cette situation. Tes parents me détestent.
Mélanie (se redressant d’un coup abandonnant au passage sa migraine) : Stop ! Ne
commence pas avec mes parents. Tu vas te faire du mal tout seul !

Le bouclier relationnel Abrupt est un des plus redoutables pour bloquer


une conversation sur un sujet qui relève de l’intime. Sébastien semble
n’avoir aucune chance d’aborder cette question épineuse et voit se dresser
devant lui un mur infranchissable. Les enjeux pour lui sont importants
puisqu’il en va de son confort pendant une période de l’année où il aspire à
se reposer et à prendre du bon temps. Au-delà de cela, Sébastien souhaite
peut-être que le couple qu’il forme avec Mélanie soit en mesure d’affronter
ensemble cette difficulté. Car, si tout va bien entre eux, il reste encore ce
caillou dans leur chaussure. Pourquoi Mélanie se refuse-t-elle au moindre
dialogue ouvert sur ce sujet ? Quels sont les enjeux de son côté ? Que
redoute-t-elle de voir, de perdre, d’avoir à faire ? Fait-elle preuve d’une
mauvaise foi aveugle ou consciente ? Un peu des deux ?
Enfin, pourquoi le sujet de la relation à ses parents est-il aussi tabou ?
Nous ferons ici l’hypothèse que Sébastien possède une résistance
particulièrement élevée à Abrupt. En effet, s’il supporte cette situation
depuis tant d’années sans pouvoir aborder la question avec Mélanie, tout en
acceptant l’attitude Abrupte de son épouse, alors sa résistance est supérieure
à la moyenne. Parmi vous, chers lecteurs, certains auraient peut-être déjà
craqué depuis longtemps car nous ne sommes pas tous égaux devant les
boucliers CASE.
Le bouclier Abrupt, au-delà d’être une fin de non-recevoir, est aussi le
symptôme d’un surdosage de frustration, de peur et d’impuissance. Non
seulement la personne qui dresse ce bouclier ne veut pas aborder le sujet,
mais elle ne sait probablement pas par quel bout le traiter. Tenir l’autre à
bonne distance est une façon de se protéger de devoir entendre ou dire des
choses délicates. Et ce sont pourtant ces choses délicates qui, une fois dites,
aident à consolider l’intimité.

■ Secret

Un grand classique
– Ça va toi ?
– Mmmh.
– Ça va ou pas ?
– Je ne sais pas trop.
– Comment ça, tu ne sais pas ?
(Silence.)
– Réponds-moi.
– Je ne sais pas quoi dire.
– Tu fais la tête ?
– Non.
– Pourquoi tu fais la tête ?
– Je ne sais pas !

Une torture !
Cette troisième attitude de blocage relationnel est caractérisée par la
décision plus ou moins consciente de ne plus donner d’informations sur ce
que nous ressentons, pensons ou faisons. Secret est une attitude de repli qui
permet de se croire à l’abri des intrusions. Au mieux, nous entretenons un
non-dit continu en limitant les échanges avec l’autre à quelques banalités
sans conséquence, nous obligeant à un contrôle permanent de ce que nous
disons ou montrons.
Lorsque celui qui est en face a besoin d’informations et de communiquer
de façon ouverte, le bouclier Secret devient très vite une façon de prendre le
pouvoir. Je suis celui qui détient une information dont tu as besoin et je ne
te la donnerai pas. Plusieurs excuses seront avancées par celui qui détient
l’information : Je ne peux pas te le dire, je suis tenu au secret, je ne sais pas
comment le dire, je préfère ne rien te dire, je ne sais pas si j’ai le droit de te
le dire, etc.
Résultat, le mur relationnel n’est plus fait de mépris ou de dureté mais de
silence.
Une variante très angoissante du bouclier Secret consiste à faire savoir à
l’autre que nous avons l’information qu’il attend mais qu’il ne l’aura pas.

Un exemple de rétention
– Que peux-tu me dire de ce qui se passe ?
– Je préfère ne rien dire pour l’instant.
– Allons, tu ne peux pas me dire ça et partir !
– C’est mieux que je ne dise rien pour l’instant.

Comme pour Condescendant et Abrupt, il existe toutes sortes de


variantes possibles pour afficher un comportement Secret. Ne plus dire
lorsque les choses vont mieux ou s’améliorent après une situation difficile
est une façon de ne plus mettre d’énergie positive dans la relation, alors que
cela pourrait s’avérer utile. Priver les autres du moindre compliment ou de
la moindre remarque est également une façon de les maintenir à distance ou
dans une situation de dépendance. Dans une version extrême, certaines
personnes décident d’ignorer totalement l’autre, de ne plus lui répondre.

■ Évasif
Le quatrième bouclier relationnel est l’attitude qui consiste à rester évasif
soit pour noyer le poisson et embrouiller l’esprit de l’intrus, soit pour
détourner son attention et l’occuper à autre chose. Une des pratiques
fréquemment utilisées pour cela est de ne donner que des informations
partielles et de ne jamais faire de réponse directe. Radical pour donner
l’illusion à l’autre qu’on lui a répondu.
Du coup, l’autre ne saisit pas la logique et se met à patiner en boucle
pour trouver les réponses qu’il attend. C’est gagné lorsque ce dernier
abandonne tout projet d’avoir une réponse claire.
Lorsque nous enseignons ce bouclier, nous entendons fréquemment des
personnes associer cette attitude aux codes du langage politique. Sans
tomber dans les attributions et les généralisations, il est vrai que certaines
interviews politiques sont de parfaites illustrations du bouclier Évasif.

Toutes les options restent ouvertes


Le journaliste : Alors quelle décision avez-vous prise pour votre candidature ?
Le candidat présumé : Pour l’instant, c’est-à-dire à l’heure où nous parlons, toutes les
options sont ouvertes. Prendre ce genre de décision demande de réfléchir à de
nombreuses questions et c’est dans ce processus de réflexion que je suis actuellement.
Le journaliste : Quand allez-vous annoncer votre décision ?
Le candidat présumé : Bien assez tôt ! Vous savez, il y a plusieurs temps en politique. Il
y a le temps de l’analyse, le temps de la réflexion, le temps de la décision, le temps du
vote et le temps de l’action. Donc, dans les semaines qui viennent, on saura si je me
présente ou non.
Le journaliste : Mais vos électeurs ont besoin de savoir.
Le candidat présumé : Oui et non. Voyez-vous, mes électeurs, quoique je décide, sauront
quoi faire. Quant aux autres, ceux qui hésitent, ils connaîtront très bientôt ma position.
Le journaliste : Supposons que vous soyez en ballotage, j’imagine que vous avez déjà
noué des accords et des alliances.
Le candidat présumé : Vous savez, d’une manière générale, les journalistes pensent que
nous avons besoin d’alliances. Je ne dis pas que c’est ce que vous pensez mais, comme
vous me posez la question, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai une position très claire
sur ce sujet. Je me suis d’ailleurs exprimé à ce sujet au micro de votre confrère de la
matinale et je lui ai répondu exactement la même chose. On ne peut être plus explicite !
Le journaliste : De quelle position parlez-vous ?
Le candidat présumé : Eh bien celle que vous connaissez. Si ceux qui n’ont pas de
chances d’être élus, et ils se reconnaîtront sans que je n’aie besoin de les citer, veulent
nous suivre, ils n’auront qu’à se manifester et nous accueillerons sûrement la plupart
d’entre eux, s’ils sont décidés à se mettre dans nos pas, sans renier leurs idées, bien
entendu.
Et voilà !
L’art de rien dire tout en disant beaucoup de choses inutiles !
Si nous décortiquons cette interview, finalement, nous ne savons pas si le
candidat se présente, quand il va l’annoncer et avec qui il compte travailler
en cas de victoire.
Bref, le bouclier Évasif est un redoutable paravent relationnel qui
consiste à montrer une bonne volonté de répondre et de parler tout en
évitant de donner des réponses précises aux questions posées.
Nous trouvons dans toutes les langues des expressions, des locutions ou
des mots qui servent cette stratégie : Globalement, dans l’ensemble, d’une
certaine manière, en quelque sorte, généralement, on en reparle bientôt,
pourquoi pas, dans les jours qui viennent, on verra, beaucoup, pas
beaucoup, en gros, peut-être bien, les deux sont possibles, etc.
Rien qu’avec cette série, nous pourrions écrire une scène de théâtre
comique dans laquelle un des deux acteurs ne répondrait qu’en utilisant ces
répliques. Chronométrons en combien de temps son partenaire de scène
deviendrait chèvre, sans avoir besoin de jouer la comédie.

Condescendant, Abrupt, Secret et Évasif prennent la pause !

Pourquoi brandissons-nous des boucliers ?


prévenir des intrusions
Avec ces quatre boucliers relationnels, l’intimité n’est donc pas possible. Il
faut dire, pour plaider aussi la cause des utilisateurs de CASE dont nous
faisons sans doute tous partie, que nous croisons parfois sur notre chemin
de vie certaines personnes très intrusives. Certes, il serait plus élégant de les
éconduire poliment. Cependant, ce n’est pas toujours si facile. Les boucliers
protègent notre bulle d’espace et évite que des personnes qui n’y ont pas été
invitées s’y installent. Mieux vaut repousser l’intrus avant qu’il ne rentre
plutôt que de devoir le chasser une fois qu’il a pris ses quartiers !
Ainsi, si nous nous référons au grand principe de lucidité qui préside
cette partie, nous nous devons à nous-même de reconnaître notre
propension naturelle à utiliser tel ou tel bouclier. Ne nous fustigeons pas
pour cela. C’est un des raccourcis que nous empruntons dans nos vies.
Sachons repérer les boucliers principaux que nous brandissons autant que
repérer ceux que nous laissons agir sur nous comme des hameçons
émotionnels.
Partant de ce raisonnement, il est logique de se dire que, parmi tous les
boucliers CASE que nous recevons, il en est certains qui sont probablement
une réponse à un comportement trop intrusif de notre part. Reste à savoir ce
que les uns et autres estiment comme étant trop intrusif. Chacun ayant son
propre ressenti à ce sujet, là n’est pas la question ici.
Parfois nous rencontrons des personnes qui semblent ne plus pouvoir ôter
leur bouclier. Même sans être attaquées ou sollicitées, elles ont pris la
décision de se protéger en permanence de façon préventive. La plupart en
sont conscientes et il semble s’agir d’une décision radicale prise après avoir
trop longtemps subi des comportements intrusifs. C’est comme si une
personne avait, pendant trop longtemps, laissé passer trop de choses, et
qu’elle décidait de ne plus rien laisser passer du tout. Il n’est quasiment plus
possible d’avoir le moindre moment d’intimité avec cette personne. Nous
entendons ici, par intimité, l’espace-temps durant lequel deux personnes
peuvent échanger en confiance leurs ressentis, leurs pensées et leurs
expériences sans souffrir à l’idée que l’un des deux en profitera pour se
croire tout permis. L’intimité, c’est aussi pouvoir se dire ce qui va et ce qui
ne va pas, ce qui nous gêne ou ce que nous reprochons à l’autre sans
conduire à un drame. Avoir conscience de ses propres frontières et de celles
des autres permet de créer cette zone d’intimité.
C’est ce que ne savent pas ou ne savent plus distinguer les personnes qui
se sont équipées d’un bouclier permanent. Il suffit seulement d’adopter
préférentiellement une des quatre attitudes comme bouclier principal pour
bloquer l’accès à la relation. Bien souvent d’autres attitudes viennent
compléter la panoplie, faisant office de boucliers secondaires.
C’est le cas de Sandra, une jeune femme de 34 ans qui participait à l’un
de nos séminaires, et qui s’était convaincue de ne plus exprimer ses
ressentis.

Derrière les boucliers


Sandra était persuadée que sa sensibilité lui avait joué de mauvais tours et que les autres
en profitaient pour se servir d’elle. Au début, elle avait dû apprendre à contrôler son
besoin naturel de partager ses émotions puis, avec le temps, elle s’est rendue ecompte
que le bouclier Secret était devenu son principal réflexe de protection.
« J’ai tellement perdu l’habitude d’exprimer les choses les plus simples que je ne sais
pas trouver les mots pour dire ce que je ressens, alors je garde tout à l’intérieur de moi,
témoigne-t-elle. Je sais bien que de tout garder ce n’est pas bon. D’ailleurs parfois, ça
sort et je dis les choses de façon violente » (Abrupt – bouclier secondaire). « Après je
regrette et ça me conforte dans l’idée qu’il vaut mieux ne rien dire » (Retour au Bouclier
Secret).

Bien sûr, en quelques années ses relations professionnelles et surtout


personnelles se sont appauvries, car il est très difficile de côtoyer ou de
vivre avec quelqu’un qui n’exprime plus ses ressentis. Le bouclier principal
de Sandra est bien Secret, et pourtant, elle nous confiait aussi que certains
de ses collègues ou amis lui avaient déjà fait le reproche d’avoir parfois un
comportement distant, voire hautain. La description du reproche qui est fait
à Sandra laisse supposer un deuxième bouclier secondaire préventif pour
maintenir les autres à distance : Condescendant.

EXERCICE EXPRESS
Pour se mettre au clair sur notre rapport aux boucliers CASE, nous allons emprunter à
Steven Karpman un outil qu’il affectionne particulièrement. Il s’agit d’une auto-évaluation
drôle et utile à faire à ses heures perdues. En français nous lui avons donné le nom de
CASOgramme !
Vous retrouverez cet exercice dans le Manuel Pratique du Karpman Process Model publié
chez InterÉditions.
Les deux graphiques ci-après sont là pour accueillir votre auto-évaluation.
Le premier concerne votre degré de sensibilité aux quatre attitudes. 0 % indique que vous
êtes quasiment insensible à cette attitude et qu’il y a très peu de chances que vous mordiez
à l’hameçon. À l’inverse, 100 % indique que vous ne supportez pas cette attitude et que
vous avez tendance à vous laisser hameçonner à chaque fois. La nuance est donc de mise
ici pour avoir un histogramme proche de votre réalité.

Votre CASOgramme entrant


Le second graphique concerne votre propension à brandir certains boucliers. 0 % signifie
que vous ne vous surprenez quasiment jamais en train de lever ce bouclier envers les
autres. À l’inverse, 100 % signifie que vous êtes plutôt coutumier du fait et que, pour vous
protéger des sujets qui fâchent, vous sortez très souvent ce bouclier. Là encore, le dosage
s’impose pour parvenir à une bonne auto-évaluation.

Votre CASOgramme sortant


Que faire face aux boucliers relationnels CASE ?
Comme pour SALMEC, il n’existe pas de formule magique pour obtenir de
notre interlocuteur qu’il accepte d’aborder un sujet délicat alors qu’il n’en a
pas envie. Nous devons faire preuve d’adaptabilité et de sang-froid. Avant
de retrouver à la fin de ce livre une série d’exercices pratiques pour vous
entraîner, voyons déjà sur quels principes il est possible de s’appuyer. Nous
avons vu que pour SALMEC, trois grands principes pouvaient vous servir
de repère pour faire barrage : Évaluation, Dissociation et Expression.
Dans le cas des quatre boucliers CASE, les enjeux relationnels sont
différents puisqu’il y est question d’intimité et que nous sommes sur des
sujets fâcheux entre les protagonistes. Ici aussi nous allons vous proposer
de vous inspirer de trois principes afin de vous aider à construire des
réponses justes.

■ Principe 1 : la Distanciation
Oui, nous savons que ce mot est étroitement lié à la pandémie de 2020 et
aux fameux gestes barrières. Mais ici, nous allons plutôt nous concentrer
sur la définition suivante : Recul, détachement par rapport à quelque chose
ou à quelqu’un. Dans le domaine de la médiation, la distanciation est
décrite comme une attitude qui consiste à ne pas prendre pour soi ce qui
n’est pas soi. Cette neutralité est indispensable pour évaluer si nous avons
été trop intrusif ou si nous avons voulu aller trop vite. Nous devons aussi
prendre en considération que, en brandissant un des quatre boucliers, notre
interlocuteur est peut-être en train de nous signifier que nous nous sommes
approchés trop près de lui. Se mettre à bonne distance relationnel (et non
pas sociale !), est donc un premier geste d’apaisement.

■ Principe 2 : l’Acceptation
Un deuxième geste d’apaisement consiste à accepter que le moment est mal
choisi du point de vue de l’autre. Accepter, c’est ne pas insister et essayer
de passer en force malgré le signal fort que représente les boucliers CASE.
Accepter, c’est accueillir ce qui est sans se braquer et respecter le message
de notre interlocuteur, si maladroit soit-il. L’acceptation n’est pas un
principe facile à mettre en œuvre car nous avons notre propre agenda et
c’est aujourd’hui, ici et maintenant, que nous voulions parler de ce sujet si
important. Nous parlons donc ici de lâcher-prise mais pas de renoncement.

■ Principe 3 : la Transaction
S’il n’est pas question de renoncer, alors à nous de trouver la meilleure
transaction possible avec notre interlocuteur. Que pouvons négocier ? Le
sujet qui devra être abordé tôt ou tard, le moment idéal pour les uns et les
autres, l’objectif de cette conversation, la présence d’une tierce personne
comme médiateur, le découpage de la discussion en plusieurs étapes, les
règles du jeu et le respect mutuel. C’est dans cette négociation que pourront
être décrits le ou les boucliers qui ont été utilisés pour bloquer la
conversation et pour lesquels la vigilance sera de mise.

■ Quelques répliques possibles pour neutraliser un bouclier


De la même façon que nous avons partagé quelques exemples de réponses
intéressantes aux SALMEC, voici une collection de quelques répliques que
nous avons entendues d’un séminaire de formation à un autre. Au risque de
nous répéter, ce matériau n’est pas réutilisable tel quel car celles et ceux qui
ont trouvé l’inspiration du moment pour répondre en exercice l’ont fait avec
leurs mots, leur état émotionnel du moment et leur créativité. Il est toujours
plus intéressant dans notre discipline de s’approprier d’abord la juste
posture et les principes qui conditionnent nos réponses.

Parade au bouclier Condescendant


• « Je voudrais que nous ayons un vrai moment pour parler. »
• « Je prends le risque de refuser les cinq minutes que tu m’accordes
pour trouver avec toi trente minutes dans nos emplois du temps. »
• « OK, je reconnais que je suis un peu rapide dans mon approche.
Quand pourrons-nous évoquer ce sujet ensemble ? »
• « Je ne veux pas que cette conversation soit pénible pour toi.
Trouvons le bon moment et parlons de tout ça sereinement.

Parade au bouclier Abrupt


• « Inutile d’être aussi cassant. J’accepte de reporter notre
discussion à un autre moment. »
• « Je reconnais que j’insiste pour aborder ce sujet. Je m’y prends
peut-être mal. Es-tu d’accord pour que nous ayons cette
conversation ? »
• « Ton refus est radical. Est-ce le sujet que tu rejettes ou le moment
qui est mal choisi ? »
• « C’est une réponse plutôt dure. Dis-moi quand tu seras prêt à
discuter. Moi je le suis. »

Parade au bouclier Secret


• « Ton silence n’est pas facile à gérer pour moi. J’ai besoin que tu
me donnes une réponse. »
• « Tu as le droit de garder des choses pour toi. Si tu estimes que
cette conversation est importante pour notre relation, sens-toi
libre de dire les choses. »
• « Notre discussion n’en est pas une. Je suis le seul à partager des
choses avec toi. Es-tu prêt à me renvoyer l’ascenseur ? »
• « Je comprends ton mutisme comme un refus de parler de ce sujet
en ce moment. Aurons-nous une occasion de l’aborder d’ici la fin
de la semaine ? »

Parade au bouclier Évasif


• « Ton positionnement n’est pas clair pour moi. Je te laisse du
temps et je te reposerai la question demain. »
• « J’ai entendu beaucoup de choses sauf la réponse à ma
question ! »
• « J’ai besoin d’un éclairage sur l’expression ‘d’une certaine
manière’ que tu as utilisée. »
• « Merci pour tes explications. En fin de compte, quel est ton
choix ? »

■ S’entraîner à neutraliser un bouclier


Vous trouverez probablement de l’inspiration en lisant ces quelques
répliques qui, sans être définitives, sont peut-être le début d’une
négociation. L’avantage, ici, c’est que nous ne sommes pas dupes. Nous
voyons clairement le bouclier que l’autre utilise pour bloquer l’accès à une
conversation sérieuse sur un sujet qu’il n’a pas envie d’aborder. Moins
d’énervement et de stress et surtout, une stratégie :
• Laisser loin de vous ce qui ne vous appartient pas et se poser la
question de savoir à quel point vous avez été intrusif.
• Accepter sans insister que ce ne soit pas le bon moment pour
parler.
• Négocier car lâcher-prise n’est pas synonyme de renoncement.
En observant le phénomène des quatre boucliers, nous constatons que
chacun de nous a un bouclier principal qu’il brandit naturellement. Vous
l’avez peut-être vérifié en remplissant votre CASOgramme. Et vous avez
peut-être également attribué un score élevé à un autre bouclier. Ce dernier
pourrait bien être votre bouclier secondaire.
Et oui, comme pour les stratégies SALMEC, il existe des combinaisons
de boucliers !
Voyez plutôt dans l’exemple qui suit comment se mélangent les attitudes
Condescendante et Évasive. Du grand art !

Une combinaison de boucliers


Martin : Jacques, nous devons parler de la vente de notre filiale au Royaume-Uni. Nous
évitons le sujet depuis des mois et il va falloir se positionner.
Jacques : Bon ben si tu veux alors !
Martin : Comment ça si je veux ? Tu y as réfléchi ?
Jacques : Oui, j’ai une vague idée…
Martin : OK, il va falloir que nous ayons plus qu’une vague idée.
Jacques : Je devrais voir John d’ici quelques semaines. Peut-être qu’on pourra aborder la
question dans les grandes lignes. Et on en reparle après.
Martin : ! ? ?
Jacques : Bon écoute, si ça peut te rassurer, je vais l’appeler ce soir. Voilà, c’est bon ?
Autre chose ?
Martin (vert de rage !) : Non mais ça va pas ! J’ai pas besoin d’être rassuré, moi ! Tu
déconnes complètement ou quoi ?
Jacques (ajoutant une mauvaise foi de Seigneur à la Condescendance) : Faut pas te
mettre dans ces états mon grand ! Tu vas te faire des trous à l’estomac !
Nous vous laissons le loisir d’imaginer les différentes combinaisons
possibles et leurs pouvoirs destructeurs sur la qualité des relations. Et, si
votre côté joueur se manifeste, vous pourriez même concevoir quelques
dialogues hilarants en mélangeant les quatre boucliers CASE et le
six chercheurs d’embrouilles SALMEC !
On ne sait jamais, vous allez peut-être vous découvrir un talent de
scénariste…

Repérez
Les quatre boucliers de la relation
Quatre attitudes défensives pour dresser un mur relationnel.
Un acronyme facile à retenir CASE :
• C pour Condescendant
• A pour Abrupte
• S pour Secret
• E pour Évasif

Esquivez
Les quatre boucliers de la relation
• Distanciation : mettre à distance l’attitude CASE pour éviter de prendre
les choses pour soi.
• Acceptation : accepter ce qui est et lâcher-prise provisoirement sans
renoncer.
• Transaction : négocier le Quand, le Quoi, le Où et le Comment.

Vous aurez l’occasion, dans la troisième partie de ce livre, de vous


entraîner dans nos salles de Dojo contre les boucliers CASE que vous
rêvez de faire tomber.
CHAPITRE 4

■ À quoi jouez-vous, bon sang ?


Les trois rôles du Triangle Dramatique
Le Triangle Dramatique est un concept à la fois mondialement connu et mal
connu qui met en avant quelques éléments très simples. Une forme
géométrique et trois lettres, P, S et V : les idées les plus simples sont
souvent les plus géniales.
Voyez plutôt.

Aux sources du Triangle Dramatique,


des jeux et des hommes
Dans les années 1960, Steven Karpman décide de s’installer à San
Francisco et de travailler avec l’équipe d’Eric Berne qui y réside. Berne est
le fondateur du célèbre modèle de l’Analyse Transactionnelle et de ses États
du Moi, plus connus sous les noms de Parent, Adulte et Enfant. À ce jour,
Steven Karpman vit encore à San Francisco. Il est l’un des derniers
survivants de cette formidable équipe de psychiatres et psychothérapeutes
qui contribuèrent activement à l’enrichissement des travaux de Eric Berne.
Ce dernier disait lui-même qu’il ne voulait pas être le seul à créer et
développer son modèle.
À cette époque, la joyeuse et studieuse équipe de Berne se focalise sur ce
qu’ils appellent Jeux Psychologiques, autrement dit tous les échanges qui ne
sont pas sains et dans lesquels il y a des pièges. En l’occurrence, le piège
classique qui consiste à se laisser hameçonner par une provocation cachée
sous une remarque anodine, puis de réagir en s’emportant et ainsi, donner le
bâton pour se faire battre.
Dans son livre, Des jeux et des hommes, Eric Berne entreprend de
répertorier tous les Jeux possibles, se retrouvant devant l’infini champ des
possibles. Il en décrira plus de cent versions. L’étude de cet ouvrage s’avère
aussi passionnante qu’épuisante tant l’étendue des combinaisons semble
sans fin.
Comme il existe une multitude de variantes de Jeux, Eric Berne et son
équipe entreprennent une codification car ils remarquent que tous les Jeux
obéissent à des lois communes.
Berne pousse son équipe à produire une formule mathématique de la
mécanique des Jeux, la Formule J :

AN + PF → R + D + MS + BN
Traduction :
Attrape Nigaud + Point Faible
→ Réponse + Déclic + Moment de Stupeur + Bénéfice Négatif
Une personne provoque plus ou moins consciemment un interlocuteur en
visant son point faible. Si ce dernier mord à l’hameçon et se laisse
accrocher, alors il formulera une réponse non réfléchie, souvent très
émotive. Dans le langage courant, des spectateurs pourraient se dire :
« Tiens, il n’aurait pas dû rentrer dans son jeu. »
Trop tard, en mordant à l’hameçon la personne qui répond vient de dire
quelque chose qui va lui retomber dessus ! S’ensuit un moment de stupeur
pendant lequel celui qui a lancé l’hameçon réplique à son tour et en tire un
bénéfice, le plus souvent psychologique et non conscient.
Là où Eric Berne avait entrepris de répertorier l’ensemble des Jeux :
Karpman, cherchait à en modéliser la mécanique à travers une
schématisation simple. Le Triangle Dramatique est donc avant tout un outil
d’observation et de compréhension du système des Jeux Psychologiques et
de leurs conséquences.
Nous avons longtemps pensé qu’il n’était qu’une infime partie du modèle
d’Eric Berne. En effet, le Triangle Dramatique de Steven Karpman est
présent dans la plupart des livres d’Analyse Transactionnelle où il fait
l’objet de quelques pages. La bonne surprise, en rencontrant Steven, est de
très vite découvrir que le Triangle Dramatique est un modèle à part entière.
Il peut se suffire à lui-même pour décrire, démonter et expliquer chaque
pièce de la mécanique des conflits, en partant de la mauvaise foi jusqu’aux
Jeux Psychologiques et aux manipulations en tout genre.

■ Des feintes sportives aux rôles, les recherches de Karpman


Stephen B. Karpman est un homme d’une curiosité intellectuelle et
artistique incroyable. Il possède un talent particulier qui consiste à traduire
en dessins, schémas et croquis le fruit de ses observations. D’ailleurs,
lorsqu’il ne consulte pas à son cabinet, il peint des toiles dans le petit atelier
de sa maison de San Francisco. Chacun de ses chantiers de recherche dans
le champ de la psychologie moderne est consigné dans des carnets remplis
de ce que lui appelle modestement des « gribouillages ». Et, cette aptitude à
transformer une idée en schéma s’étend à tous les domaines qui intéressent
le brillant Docteur. Un de ces domaines concerne le basket qu’il suit
attentivement. Ceux qui s’y intéressent également savent que le
championnat professionnel américain (NBA) est d’un très haut niveau.
Aussi Steven voit-il une similitude entre les travaux sur les Jeux
Psychologiques auxquels il participe dans l’équipe d’Eric Berne et les
feintes que les joueurs de basket professionnels utilisent pour tromper un
adversaire. Fidèle à son habitude, il sort son carnet et commence à traduire
ce qu’il observe avec des croquis.
Au bout du compte, trois feintes reviennent souvent sur ses schémas :
• La feinte qui consiste à intimider son adversaire pour lui faire
perdre ses moyens et le passer plus facilement. Par exemple, le
joueur vient au contact, joue des coudes et des épaules, arbore un
regard méchant ou commet des fautes volontaires pour faire mal
physiquement et psychologiquement.
• La feinte qui consiste à donner de fausses indications à l‘adversaire
pour mieux le tromper. Par exemple le joueur regarde avec
insistance dans une direction pour insinuer qu’il va faire une
passe, ce qui « aide » l’adversaire à anticiper. Mais lorsque ce
dernier mord à l’hameçon, il voit finalement le ballon partir dans
une autre direction.
• La feinte qui consiste à se faire passer pour plus faible qu’on ne
l’est afin que l’adversaire perde pied. Par exemple, le joueur fait
mine d’être fatigué, essoufflé, se met à marcher au lieu de courir,
à se plaindre pour attirer l’attention de l’arbitre. Finalement, il
pourra même simuler une blessure lors d’un choc involontaire
afin que son adversaire se fasse sanctionner ou tout simplement
pour casser le rythme d’un match qui tourne en la défaveur de son
équipe. De l’antijeu en quelque sorte !

Donnez un tableau noir et une craie blanche au Dr Stephen


B. Karpman et le génie sortira de la lampe !

Steven Karpman vient d’identifier les trois rôles qui le rendront bientôt
célèbre à partir de l’analogie des trois feintes sportives. Dans le contexte
des relations humaines, on retrouve les mêmes ingrédients avec trois rôles
utilisés non plus par des joueurs de basket mais par des Joueurs de Jeux
Psychologiques.

Le rôle de Persécuteur
Nous retrouvons ici les comportements d’intimidation avec lesquels le
joueur cherche, par son verbal ou son non-verbal, à impressionner l’autre en
le dominant, en le menaçant, voire même en l’insultant. Sont répertoriés ici
toutes les remarques ironiques ou sarcastiques, les sous-entendus
dégradants, les attaques directes et indirectes, les formules indélicates et
violentes.
Victime d’un coup de boule
La finale de la coupe de monde de football 2006 fut le théâtre d’un drame dont les
rouages sont devenus un must pour illustrer le Rôle de Persécuteur dans toute sa
violence. La France et l’Italie sont opposées pour aller chercher le Graal. L’histoire
retiendra surtout le coup de tête de Zinédine Zidane envers un défenseur Italien et son
expulsion immédiate. En tapant le nom du joueur français sur Google, le moteur de
recherche propose même comme choix « Zidane coup de boule » ! Depuis, nous savons
que Marco Materazzi, le défenseur Italien avait tenu des propos dégradants visant la
sœur de Zidane. Une persécution invisible aux yeux de l’arbitre et des spectateurs, mais
qui a suffi pour que le joueur français dérape et Persécute son adversaire devant des
millions de témoins. Carton rouge ! Et voilà notre héros, notre Sauveur des Bleus, qui
finira au vestiaire triplement victime. D’abord, Victime des propos de Materazzi, puis
Victime punie et interdite de jeu jusqu’au bout de cette finale et Victime perdant le
match avec son équipe. Qui perd son sang-froid perd la partie !

Quelques personnages célèbres dans le rôle de Persécuteur


Joe, l’aîné des frères Dalton, semble habité d’une colère sans fin. Il veut absolument tuer
Lucky Luke, il passe le plus clair de son temps à taper sur son frère un peu benêt,
Averell, il en veut au monde entier et finit invariablement en prison où ses seuls amis
sont des crapules qu’il finira par trahir parce que ce sont des abrutis, selon ses critères à
lui. Joe est merveilleux car le lecteur des bandes dessinées de Morris et Goscinny sait
toujours à quoi s’attendre. Méchant un jour, méchant toujours.
Dans le duo éternel que forment Laurel et Hardy, Oliver, celui des deux qui prend le plus
de place sur un canapé, est souvent celui qui Persécute son compère. La chanson qui
accompagne les films animés des deux comiques disait pour Oliver :
« Quand tu as fait une grosse bêtise, je me mets vite à crier.
Mais je t’ai vite pardonné, je ne suis pas rancunier ! »

Voici deux personnages bien sympathiques qui jouent le rôle de


Persécuteurs et qui font partie de notre univers ludique. Nous serions
presque déçus qu’ils changent… L’histoire du monde est encombrée de
personnages, eux bien réels, qui ont décidé que les autres, ou certains
autres, n’avaient pas de valeur et devaient être persécutés.
Le rôle de Persécuteur peut aussi être compris comme un aveu d’échec.
La personne se sent ou se croit « obligée » de persécuter parce qu’elle
n’arrive pas à ses fins. En effet, imaginons un patron découragé parce qu’un
membre de son équipe ne comprend pas assez vite et lui fait perdre du
temps. Il peut alors se laisser envahir par les pensées du rôle de Persécuteur
et attaquer son collaborateur verbalement, avec mépris, persuadé qu’il n’a
plus d’autre choix que d’attaquer pour être compris.

Le rôle de Sauveur
Lorsqu’une personne joue le rôle Sauveur, elle se donne le rôle de
quelqu’un d’indispensable en imposant son aide ou en volant au secours des
autres avant même d’avoir vérifié qu’ils en aient besoin. Nous pourrions
ranger ici tous les conseils gratuits et inattendus, les initiatives zélées sans
concertation, les alibis et autres excuses donnés pour exonérer les autres.
À l’approche des grandes échéances électorales, nous voyons souvent
défiler dans les médias des candidats qui se posent en Sauveurs et qui, par
leurs promesses de campagne, nous font miroiter de grandes et belles
choses. Leur discours est bien souvent un vibrant hommage au Triangle de
Karpman ! Ils commencent par nous expliquer que nous sommes Victimes
d’un système qui n’est pas juste, d’un gouvernement qui n’a rien fait pour
nous et Persécutent avec véhémence ceux qui sont au pouvoir. Ils
promettent que, s’ils sont élus, ils nous Sauveront de cette situation. Une
fois élus, ils seront Victimes eux aussi des aléas de la vie politique et
n’auront pas toujours les moyens de tenir leurs promesses. Les électeurs les
détesteront autant qu’ils les ont soutenus jusqu’à ce qu’un prochain
candidat vienne se poser en Sauveur. Et le cycle recommence…
Quelques personnages célèbres dans le rôle de Sauveur
Dans le film Le dîner de con, il est intéressant de remarquer que celui que les spectateurs
considèrent comme jouant le rôle de la Victime, interprété par feu le grandiose Jacques
Villeret, adopte dans la plus grande partie du film le rôle du Sauveur. En effet, il est
invité par Thierry Lhermitte à un dîner de con. Le dîner de con est un thème de soirée
que Lhermitte et ses amis ont imaginé au cours duquel, ils doivent, tour à tour, inviter,
sans qu’il ne sache pourquoi bien sûr, un con de classe internationale. Il s’agit d’un
concours qui récompensera le plus grand con invité par ces odieux et obséquieux
personnages.
Jusqu’ici, le lecteur aura reconnu sans faillir que Lhermitte et ses amis ont donc opté
pour un rôle de Persécuteur.
Dans le film, la soirée est annulée, mais le con choisi par Lhermitte, François Pignon
(Villeret) vient quand même. Il est, certes, simple et gauche, mais pas plus con qu’un
autre.
Le film nous montre comment Villeret cherche, sans y avoir été invité la plupart du
temps, à aider Lhermitte dans ses problèmes conjugaux, amicaux et même fiscaux,
entraînant catastrophe sur catastrophe. Il alterne entre les rôles de Victime parfois et de
Sauveur, surtout. À la fin de l’histoire, les rôles sont inversés et Lhermitte se retrouve
persécuté par sa femme, son agent du fisc et par Villeret.
C’est un personnage de Sauveur ici bien sympathique qui s’avère, bien sûr à la fin, bien
moins con qu’il n’en avait l’air…

L’histoire du monde et de nos vies est remplie de ces personnes qui


veulent notre bien sans y avoir été invitées. Elles fournissent de savants
conseils, font des cadeaux et offrent des services devenus dettes que nous
avons envers eux sans avoir pour autant souhaité les contracter.
La personne qui s’octroie le rôle de Sauveur veut protéger et, à la place,
elle étouffe et tire vers le bas… En voulant Sauver une personne vulnérable,
elle en fait sa Victime.
Dans le film Misery, adapté d’un très beau roman de Stephen King,
Cathy Bates incarne une fan de l’écrivain interprété par James Caan. Elle le
recueille alors qu’il vient d’avoir un accident de voiture et le soigne.
Lorsqu’il est en mesure de repartir, elle lui brise les jambes pour pouvoir
continuer à prendre soin de lui…
Le film nous alerte sur l’idée que le rôle de Sauveur peut devenir une
addiction pour certains. Le danger viendrait donc du fait que la personne est
prête à créer secrètement des situations chaotiques ou catastrophiques pour
pouvoir se poser en Sauveur. C’est le syndrome du pompier pyromane.
Le rôle de Victime
Nous distinguons clairement ici le fait d’être victime, par exemple d’un
accident ou d’un harcèlement, du fait de jouer la Victime pour se faire
plaindre ou pour obtenir quelque chose. C’est à cet endroit que nous avons
regroupé tous les comportements joués comme les jérémiades et les
complaintes, l’auto-apitoiement et l’autodénigrement, le découragement et
l’abandon, le pessimisme et l’abattement.
Pour faire honneur à l’origine du Triangle, revenons au monde du sport
quelques instants pour illustrer ce rôle de Victime. Et, ce n’est pas de basket
dont nous allons parler ici mais de Tennis. Un sport de gentleman, issu du
Jeu de Paume, dont le temple se trouve en Angleterre avec le célèbre
tournoi de Wimbledon. Et pourtant, dans ce décor élégant régi par des
règles strictes de courtoisie, des petits malins profitent du système pour
jouer à un jeu pas très net.

Une Victime pas très nette


Pendant un match de tennis, un joueur a le droit de demander un ou plusieurs temps
morts médicaux pour se faire soigner pendant quelques minutes s’il a une blessure ou un
souci de santé. Or, certains joueurs, lorsqu’ils sont malmenés dans un match, se disent
Victimes de douleurs ou d’un problème et demandent des temps morts médicaux, juste
pour récupérer et casser la dynamique de l’adversaire. Il est d’ailleurs souvent très
difficile pour ce dernier de rester mentalement dans son match et de garder sa
concentration intacte. Il se met à gamberger et se voit peut-être déjà vainqueur, ce qui est
le meilleur moyen pour se déconcentrer et perdre le fil du moment présent. Et, comme
par magie, le joueur qui s‘est fait soigner, revient sur le court et se met à courir comme
un lapin, reprend du poil de la bête et gagne le match. Se poser en Victime est parfois
une stratégie malhonnête et déstabilisante.
Quelques personnages célèbres dans le rôle de Victime
Les deux comédiens André Bourvil et Louis de Funès forment un duo légendaire qui fait
partie de l’histoire du cinéma français. Bourvil joue, dans de nombreux films, des rôles
de gars sympa se réfugiant dans le rôle de Victime chouineur quand les choses tournent
au vinaigre.
Dans Le Corniaud, alors que l’ignoble Victor Saroyan, alias Louis De Funès, lui démolit
sa 2CV en lui grillant la priorité, le voici qui « sort » de la carcasse de sa voiture et n’ose
pas faire un esclandre. Tout ce qu’il trouve à dire c’est : « Ah ben forcément, elle va
beaucoup moins bien marcher maintenant ! » Dans La Grande Vadrouille, il est
martyrisé encore par l’affreux chef d’orchestre Stanislas Lefort, qui lui pique son vélo et
ses chaussures.
Notons au passage que le public français s’est habitué avec délectation à voir De Funès
Persécuter Bourvil, merveilleux dans le rôle de la Victime idéale ! Redisons-le, c’est
rassurant quand on sait à quoi s’attendre, quand c’est un personnage qui a été créé pour
nous divertir. Dans la vie de tous les jours, c’est moins drôle.
De retour dans le couple que forment Laurel et Hardy, cette fois, c’est Stan Laurel que
nous regarderons. Comme nous l’avons dit, il est souvent persécuté par son ami Oliver.
Il fait des gaffes à répétition et sa seule parade, quand il se fait attraper, est de
pleurnicher immédiatement dans une grimace légendaire.
La chanson qui accompagne les films animés des deux comiques disait pour Stan
Laurel :
« Quand j’ai fait une grosse bêtise, je me mets vite à pleurer Pass’ que j’ai peur de me
faire disputer ! »

Voici des personnages de Victimes bien sympathiques ! Mais l’histoire de


nos vies est encombrée de personnes, elles bien réelles, qui ont décidé que
les autres devaient les Sauver et accepter leurs complaintes.
Le rôle de Victime peut aussi être compris comme un appel. La personne
se sent ou se croit « obligée » de se plaindre parce qu’elle ne se pense plus
capable de faire elle-même. Elle ne trouve plus de force, ni d’alliés.
Imaginons un patron qui ne sait plus comment gérer son équipe et se sent
dépassé. Il peut alors se laisser envahir par les pensées du rôle Victime et
mettre toute son énergie restante à se plaindre. Ce qui, bien sûr, ne rassurera
personne, ni lui-même, ni son équipe et la situation ira en s’aggravant.
Après avoir défini les trois rôles, Steven Karpman choisi ensuite de les
placer sur un terrain de Jeu aux dimensions et à la géométrie un peu
différente d’un terrain de basket, de tennis ou de foot. C’est la forme du
triangle qu’il retient. Le Triangle Dramatique est donc un triangle
équilatéral dont la pointe est orientée vers le bas. Le fait de montrer une
figure qui ne peut pas tenir debout toute seule, instable visuellement, est
déjà une façon de poser le cadre d’un terrain de Jeux, tous voués à l’échec.
Et puis il y a des coins et des angles saillants très pointus qui piquent et
peuvent provoquer des blessures. Cette deuxième idée est importante car
elle pose le cadre de ce que sont les Jeux Psychologiques :
• La lettre P, dans le coin en haut à gauche, désigne le rôle de
Persécuteur.
• La lettre S, dans le coin en haut à droite, désigne le rôle de
Sauveur.
• La lettre V, dans le coin du bas, désigne le rôle de Victime.

Le Triangle Dramatique dans sa forme la plus simple :


Persécuteur, Sauveur, Victime

Parfois, les provocations provenant de ces trois angles sont à peine


audibles, juste sous-entendues, ou encore exprimées par une attitude, un
regard, un geste incongru. Il existe dans la vie de tous les jours de très
nombreuses occasions de se cogner à des relations anguleuses. Nous
donnons et recevons des coups régulièrement, au travail, à la maison, au
supermarché, en voiture, partout et même parfois en vacances !

■ Les règles scientifiques d’Eric Berne


Faire partie de l’équipe de chercheurs réunis par Eric Berne, c’est accepter
de participer activement à la construction et au développement de l’Analyse
Transactionnelle. Eric Berne challenge son équipe pour stimuler ce travail
et organise, un soir par semaine, des sessions de créativité qui s’apparentent
à un séminaire marathon au long cours baptisé le « 202 ».
Cette appellation fait suite aux ateliers de formation dits « 101 »
dispensés à l’époque, et de nos jours encore, sur les bases de l’Analyse
Transactionnelle. Les sessions 202 sont alors régies par trois grands
principes scientifiques imposés par Éric Berne pour rester pertinent et éviter
de s’égarer.
• Principe no 1 : lorsque les acteurs du 202 présentent une idée,
celle-ci doit être :
– compréhensible pour un enfant de huit ans,
– intéressante pour un universitaire de Harvard,
– utile pour un agriculteur du Middle West.
• Principe no 2 : tout nouveau concept doit être représenté par un
schéma simple et reproductible par le plus grand nombre. Le
schéma doit résumer l’idée et être suffisamment explicite pour
une mémorisation facile. « Ne défendez aucune idée que vous ne
pourriez dessiner » disait Eric Berne.
• Principe no 3 : tout nouveau concept devra être présenté après avoir
été passé au « Rasoir d’Ockham ».
Guillaume d’Ockham est un philosophe, logicien et théologien Anglais
du XIV e siècle. Son principe pourrait se formuler comme suit : retenir les
hypothèses ramenées à leur version la plus simple ; une sorte de Plus Petit
Dénominateur Commun. Dit autrement, tant qu’il est possible de réduire
une idée à une expression encore plus simple que la précédente, le travail
d’élaboration n’est pas terminé.
À y regarder de plus près, ces trois principes scientifiques constituent
autant une contrainte intellectuelle forte qu’un guide de travail sécurisant.
C’est ce qui permet à tous les psychothérapeutes impliqués d’éviter les
théories fumeuses et non abouties. C’est ainsi qu’un soir de séminaire 202,
Steven Karpman ose sortir de sa poche son petit carnet de dessins dans
lequel il conserve depuis deux ans son précieux concept dont il ignore s’il
sera accueilli positivement ou non.

■ La validation du concept par le plus grand nombre


Steven Karpman va très vite avoir une réponse aux interrogations qui sont
les siennes sur la pertinence de son idée. Dès sa présentation, le concept du
Drama Triangle reçoit un accueil très positif de tous ses confrères. Eric
Berne lui dit même : « Steve, écris sur ce concept car dans 200 ans, on
parlera plus de toi que de moi ! »
Une prophétie qui est en train de se réaliser tant la célèbre forme
géométrique assortie des trois lettres PSV a traversé les continents. La
plupart des thérapeutes, coachs et accompagnants, quelle que soit leur
école, le connaissent. Les formateurs en font parfois une séquence dans leur
enseignement. Les scénaristes l’utilisent pour donner du piquant à leurs
dialogues. Le plus grand nombre loue l’ingéniosité de la trouvaille jusqu’à
la qualifier de « E = mc2 du conflit. »
Rien que ça !
Il faut avoir entendu au moins une fois dans sa vie la présentation par
l’auteur lui-même de son concept en vingt minutes chrono pour se faire une
idée sur l’intelligence de la chose. La démonstration commence par une
« simple » description des trois rôles dans la vie sociale, là où chacun peut
s’identifier. Les rôles PSV y figurent à l’extérieur du Triangle. Puis
l’exposé se poursuit à l’intérieur du Triangle avec les Rôles internes que
nous jouons avec nous-même, dans notre discours intérieur. L’auditeur met
alors des mots sur ce que l’on appelle les Jeux internes. La descente en
abîme continue avec des Triangles de plus en plus petits représentant
chacun un système PSV. Comme le Triangle familial qui décrit les Jeux
Psychologiques qui étaient joués dans notre enfance et qui sont restés
stockés quelque part dans notre mémoire. Un Triangle fort instructif en
thérapie pour comprendre les raisons pour lesquelles nous tournons en
boucle dans une problématique, apparemment insoluble. La description du
Triangle PSV au niveau cellulaire est également un must. Ou comment les
cellules communiquent entre elles via un système d’inhibition (Rôle
Persécuteur), de production (Rôle Sauveur) et de réception (Rôle Victime).
Steven Karpman utilise alors l’exemple des médicaments antidépresseurs
dont les molécules pharmacologiques sont classées dans la catégorie des
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS). Brillant !
Le Triangle de Karpman est donc bel et bien un modèle de lecture du
monde applicable depuis le niveau biologique jusqu’au niveau
psychologique. À coup sûr, en chaussant nos lunettes triangulaires, nous
pourrions expliquer de nombreuses situations, comme les aléas de la
pandémie de coronavirus.

Repérer les trois rôles


Dans cette section, nous continuerons à vous inviter à rester lucide. Comme
pour les stratégies SALMEC et CASE, le repérage des rôles est
indispensable pour éviter de se précipiter sur l’hameçon proposé. Voici une
série d’exemples pour vous familiariser avec les trois rôles.

Rôle de Persécuteur
• « Tu ne vas pas me faire croire que tu vas arriver à rattraper ton
retard. »
• « Vous n’avez même pas la moindre idée de ce que vous
racontez ! »
• « Ah bon ? C’est votre façon de gérer les problèmes ? Vous ne
devez pas avoir beaucoup de clients, alors ! »
• « Ce n’est pas très malin de lui avoir dit ça ! »
• « Réfléchis deux secondes avant de parler ! »
• « Je viens de te dire que la vaisselle dans le lave-vaisselle était
propre. Et toi tu mets de la vaisselle sale dedans ! Pff. »
• « Si vous aviez écouté ce que je vous ai dit, vous ne poseriez pas la
question. »
• « Tu le fais exprès ou quoi ! Tu vois bien que c’est fragile
non ? Allez pousse-toi de là. »
• « Non, je ne répéterai pas. Je l’ai déjà dit trois fois, ça suffit ! »
• « C’est nul ! Ça ne veut rien dire ce que tu racontes ! »

Rôle de Sauveur
• « Laisse-moi faire, je vais lui parler. Je le connais bien. »
• « Tu n’y peux rien. Tu ne peux pas tout savoir non plus. »
• « J’ai dit à Maxime que tu ne pourrais pas y aller. Comme ça, tu es
libéré de cette obligation. »
• « Ne t’inquiète pas, je ne dirai rien… »
• « Un bon conseil. Ne t’en mêle pas. »
• « Heureusement que j’étais là pour te couvrir ! »
• « Moi je ne dis pas ça pour moi. C’est pour ton bien, c’est tout ! »
• « Baisse la luminosité de ton écran. Tu vas te faire mal aux yeux.
Si, je t’assure, il y a des études qui le prouvent. »
• « Ne t’en fais pas, tu viens d’arriver dans l’équipe. Ça marchera
mieux la prochaine fois ! »
• « Il vaut mieux que je m’en occupe. Moi je dis ça... »

Rôle de Victime
• « Décidément je ne suis bon qu’à dire des idioties ! »
• « Tu vois ? Il ne m’arrive que des ennuis… »
• « J’en ai marre. Je ne comprends rien à rien. »
• « Bon, voilà, je me retrouve le dernier informé ! »
• « Comment je fais, moi ? Je ne sais même pas comment marche ce
logiciel ! »
• « C’est foutu ! Si, je le sais, c’est foutu… »
• « Je me sens bête et je m’en veux. »
• « Les bons plans, de toute façon, ce n’est pas pour moi. Laisse
tomber, j’ai l’habitude ! »
• « Je voudrais bien m’en sortir mais je ne sais pas quoi faire ! »
• « Non, je n’ai pas pu parler. Les mots me manquaient… »
Les trente exemples que nous vous proposons ici illustrent le concept des
rôles Persécuteur, Sauveur et Victime. Dans chacune des propositions, vous
constaterez que le Joueur « joue » tout seul son rôle sans demander
spécialement de réponse à son interlocuteur imaginaire. Si, en lisant ces
phrases, vous avez l’impression que vous devez répondre quelque chose,
c’est probablement que vous vous êtes laissé accrocher par le rôle lui-
même.
Un rôle peut donc prendre la forme d’un hameçon puissant à cause :
• du contenu : ce qui est dit est faux, déformé, interprété, incomplet,
chargé de sous-entendus, etc. ;
• du ton de la voix : ironique, plaintif, agressif, cassant, moqueur,
complaisant, désobligeant, méprisant, etc. ;
• des mimiques : dubitatives, contrariées, inexistantes, grimaçantes,
arrogantes, suffisantes, hautaines, etc. ;
• des gestes : attaquants, menaçants, vulgaires, dédaigneux,
supérieurs, offensants, interdits, étouffés, etc. ;
• de l’attitude corporelle : abattue, nonchalante, fermée, raide,
apathique, belliqueuse, amorphe, etc.
Même s’il est impossible de retranscrire par écrit l’ensemble de ces
comportements non verbaux, prenons une des trente phrases comme
exemple :
« Si vous aviez écouté ce que j’ai dit, vous ne poseriez pas la question ! »
Cette remarque péremptoire n’est ni une question ni une ouverture de
dialogue et la personne qui la prononce n’invite pas son interlocuteur à
donner une réponse. Ce n’est qu’une remarque chargée de sous-entendus
accusateurs. Et pourtant, beaucoup seraient tentés de réagir au quart de tour
à cette remarque désobligeante. L’expérience démontre qu’aucune de ces
réactions n’aurait un effet positif sur la relation, bien au contraire.
Pourquoi ?
Parce qu’en réagissant au quart de tour à une formule émise depuis le
rôle de Persécuteur (comme Sauveur ou Victime), nous prenons le risque
d’émettre une réponse depuis un des trois rôles et ainsi d’envenimer les
choses.

Option 1 : réponse au quart de tour depuis le Rôle de Persécuteur


– Si vous aviez écouté ce que j’ai dit, vous ne poseriez pas la question !
– Je vous signale que ça fait déjà une heure que je vous écoute.
– Ah oui ? Alors pourquoi posez-vous des questions stupides ?
– Stupide vous-même, malotru !
Option 2 : réponse au quart de tour depuis le Rôle de Sauveur
– Si vous aviez écouté ce que j’ai dit vous ne poseriez pas la question !
– Je vous rassure tout de suite, je bois vos paroles. Ce que vous racontez est très
intéressant !
– Au lieu de me passer de la pommade, vous feriez mieux de prendre des notes.
– Non, non je ne vous passe pas de la pommade du tout. Mais si vous êtes fatigué, on
peut faire une pause ?
– Mais quel est le rapport ? Qui vous a dit que j’étais fatigué ? Contentez-vous d’être un
peu plus concentré, c’est tout !

Option 3 : Réponse au quart de tour depuis le Rôle de Victime


– Si vous aviez écouté ce que j’ai dit vous ne poseriez pas la question !
– Mais pourquoi vous dites ça ? Je fais de mon mieux pour comprendre.
– Je dis ça parce que vous posez des questions sur des points que j’ai déjà abordés ! »
– Mais je n’avais pas entendu parce que j’avais perdu le fil, parce qu’il y a un mot que je
ne connaissais pas alors… »
– Oh, arrêtez de vous justifier et concentrez-vous un peu, hein !

Vous aurez l’occasion, dans la troisième partie de ce livre de vous


entraîner dans nos salles de Dojo contre les trois rôles que vous rêvez de
contrer positivement.

Répondre aux rôles, c’est rentrer dans le Jeu


Eh oui, ce sera le risque quasiment à chaque fois que nous répondrons un
peu trop rapidement. Un risque qui porte le nom de Jeu Psychologique.
Eric Berne a été très loin dans l’identification des Jeux Psychologiques. Il
les a classifiés et leur a donné des noms étranges toujours écrits avec la
première lettre de chaque mot en majuscule. Cela donne des appellations
comme : Plante Verte, Schlemiel, Piège À Ours, Si Tu N’étais Pas Là…
Dans son livre, Des Jeux et des Hommes, il explique sa démarche et donne
les clés pour identifier tous ces Jeux. À la fin de sa vie, il en avait nommé
plus de cent. Le génie de Steven Karpman aura été de trouver un moyen de
ramener à un processus unique la dynamique de tous les Jeux. Cette
dynamique, c’est le Triangle Dramatique. Quel que soit le nom, la catégorie
ou le niveau de Jeu, la dynamique est toujours la même.
Nous rencontrerons dans nos vies très régulièrement certains Jeux qui
constituent de grands classiques. Découvrons ici quatre de ces Jeux
Psychologiques, très courants.

■ Oui… Mais… !
Notre préféré… Il s’agit de subtilement « rendre » impuissante une
personne en lui soumettant une difficulté que nous rencontrons et qu’elle
s’est proposée de nous aider à surmonter. L’issue du Jeu présente une
alternative pourrie, soit gagnant/perdant (Persécution), soit perdant/perdant
(Tous Victimes). Nous pourrons lui reprocher son impuissance ou bien
constater que le problème est insoluble.

Un sabotage « Oui Mais »


Constant : Je viens te voir, cher Robert parce que je vis une situation problématique. Tu
es le seul à pouvoir me conseiller.
Robert : Ah oui ?
Constant : Oui, figure-toi qu’on m’a dit que tu connaissais bien Martine.
Robert : Oui.
Constant : Eh bien voilà, je dois travailler avec elle sur un projet. Et depuis que nous
avons commencé, je constate que travailler avec elle n’est toujours pas chose aisée. Que
me conseillerais-tu de faire, toi qui la connais bien ?
Robert : Écoute, Martine, il vaut mieux ne pas l’entreprendre trop tôt le matin. Elle n’est
pas du matin.
Constant : Eh oui, je sais bien, d’ailleurs je fais attention, mais voilà, nous n’avons pu
organiser que des rendez-vous le matin.
Robert : Ah… pourquoi n’as-tu pas demandé à son patron de vous débloquer les après-
midis. C’est possible.
Constant : Oui, j’aurais bien voulu, mais son patron a été très indisponible et il ne
répond pas à mes appels.
Robert : Tu peux t’adresser à son assistante.
Constant : Oui mais c’est urgent !
Robert (perdant patience) : Parles-en à Martine, vous allez trouver une solution.
Constant : Ben oui, mais comme je te disais, elle n’est pas très conciliante avec moi…

Ici nous assistons à l’effet mouche du coche de la fable. Constant sabote


toutes les propositions de Robert qui va bien finir par perdre son sang-froid
à la fois frustré et irrité d’entendre oui… mais… à chacune de ses
propositions.
L’invitation au Jeu Oui Mais va devenir Drame lors du Coup de Théâtre.
Voici deux issues possibles.

Issue 1
Robert : Mais qu’est-ce que tu me chantes là ! Elle est très bien Martine ? C’est toi qui
as un problème avec tout le monde. Laisse-moi tranquille !
Robert passe du rôle de Sauveur, à celui de Persécuteur. Le bénéfice pour Constant est
double. Il est maintenant Victime de Martine et de Robert. Cela va lui permettre de Jouer
avec d’autres personnes au Jeu Bitching, un Jeu qui consiste à dire du mal ou faire dire
du mal de quelqu’un par quelqu’un d’autre dans une alliance négative. L’impuissance de
Robert à l’aider prouve bien aux yeux du monde entier que son problème est réel. Il peut
donc continuer à chercher des personnes pour Jouer au rôle du Sauveur, et surtout
continuer à ne pas travailler comme il est supposé le faire avec Martine.
Constant peut maintenant boucler en beauté et passer du rôle de Victime à celui de
Persécuteur lors du tomber de rideau :
Constant : Ah ben dis donc toi, faut pas te demander un service. Quelle mouche t’a
piquée ?!

La mouche du coche bien sûr !

Issue 2
Robert : Écoute, je ne sais pas trop quoi te dire. Je suis embêté là. Je vais réfléchir, je
sais pas…
Ici, c’est Robert passe du rôle de Sauveur à celui de Victime impuissante. Notez au
passage que Robert qui ne demandait rien à personne est maintenant « embêté », ce qui
permettra à Constant de le Sauver à son tour.
Constant : Non ben merci quand même, c’est pas grave. Tu ne peux pas avoir réponse à
tout. Laisse, t’embête pas je vais trouver va !

Avec un peu de chance du Joueur, Constant aura en plus, dans cet


échange, réveillé une rancœur de Robert vis-à-vis de Martine…
Ainsi va le Jeu Oui Mais ! Le réalisateur Français-Yves Lavandier en a
même fait un film qui raconte l’histoire d’Églantine Laville (interprétée par
Émilie Duquesne), une adolescente mal dans sa peau qui décide d’aller voir
un psychothérapeute, Erwann Moenner servi par le malicieux Gérard
Jugnot. Dans un passage très pédagogique du film, le psy explique, face
caméra, ce que sont les Jeux Psychologiques et illustre sa démonstration
avec le Jeu Oui Mais.
À voir…

Esquive éclair
Comment éviter de rentrer dans un Jeu de
« Oui Mais » ?
La première des choses à éviter est de chercher à Sauver une personne qui
se pose en Victime. Vérifiez, lorsque vous apportez votre soutien, que la
personne est en véritable demande et non en justification ou en complainte.
L’indicateur le plus simple est le mot « mais ».
Il est bien sûr acceptable d’apporter de l’aide et de la protection à une personne
vulnérable qui montre qu’elle est volontaire pour résoudre sa difficulté. Si vous sentez
que votre proposition est écoutée et appréciée, alors il ne s’agit sans doute pas d’un Jeu
« Oui Mais ».

■ Bottez-Moi Les Fesses !


Ici, il n’est pas question de préférences érotiques, mais bien d’une invitation
à recevoir un refus ou une réprimande de la part de quelqu’un qui n’en avait
pas l’intention. C’est un Jeu Victime qui cherche à se faire Persécuter.
L’exemple le plus frappant et le plus courant est celui de cette personne qui
vient frapper à notre porte et nous demande avant d’entrer :
– « Je te dérange ? »
Bien sûr, le ton et l’expression du visage doivent suivre. Les yeux
montrent à quel point je suis désolé de te déranger et la voix monte dans les
aigus sur l’air de « je sais que ce que je fais est très mal ».
Ce qui fait que ce Jeu est parfait, c’est que, quoi que réponde
l’interlocuteur, il n’aura d’autre choix que de botter les fesses de l’intrus.
Lisez plutôt :
Pardon pardon dit Bottez-Moi Les Fesses
– Je te dérange ?
– Eh bien, ça m’arrangerait que tu passes plus tard.
– Grands dieux ! Je suis désolé, oh là là, excuse-moi, je le savais. Pardon, pardon,
pardon…
Le dernier « pardon » est lancé depuis le couloir sans que nous ayons le temps de
comprendre ce qui lui prend… : j’ai juste dit que…

Trop tard ! Sans l’avoir seulement imaginé, nous avons botté les fesses
de cette personne qui, maintenant, se sent très mal… par conséquent, nous
nous sentons mal, nous aussi.
Alors faut-il laisser l’intrus entrer ? Faut-il l’accueillir aimablement ? Pas
du tout. C’est la merveille de ce Jeu. La personne qui joue à la Victime est
pleine de ressources et il n’y a guère de parade à son Jeu. Lisez ceci :

Variante
– Je te dérange ?
– Pas du tout !
– Oh si, je vois bien que je te dérange, oh là là excuse-moi, je le savais. Pardon, pardon,
pardon…

Comme vous le voyez, c’est ici la personne qui joue le rôle de la Victime
qui décide de l’issue du Jeu…
Notre éducation induit une règle qui est non seulement fausse mais
génératrice de nombreux Jeux. Nous en parlons très souvent dans nos
séminaires avec nos stagiaires pour subtilement modifier des habitudes
prises depuis l’enfance et qui demeurent mauvaises. Cette règle serait que :
« Demander gentiment équivaut à demander poliment ».
Des phrases comme : « Ça me ferait très plaisir si tu pouvais… » ou
pire : « Sois gentil, passe-moi le sel » sont des phrases qui donnent
l’impression à celui qui les prononce d’avoir dit ou demandé gentiment.
Elles sont in fine très Persécutrices et menaçantes.
Dans le Jeu « Bottez-Moi Les Fesses », il suffira de demander gentiment
(c’est-à-dire en étant embêté de demander) pour pouvoir ensuite véhiculer
des émotions parasites comme la culpabilité et l’embarras. Aussi bien pour
soi que pour celui à qui nous adressons la demande :
« Oh là là j’aurais jamais dû te demander ça ! ».
Ici, tout le monde est perdant !

Esquive éclair
Comment éviter de rentrer dans un Jeu de
« Bottez-Moi Les Fesses » ?
Une des formules les plus simples est de répondre à côté ! C’est-à-dire ne
pas répondre à la phrase prononcée, mais plutôt en étant dans l’action qui
suit.
Par exemple à la question : « Je te dérange ? », répondez plutôt : « Assieds-toi je t’en
prie » ou « Je suis dispo pour toi à 14 h. Repasse à ce moment-là si tu as du temps ». De
cette manière, vous avez éludé le Jeu (déranger) et vous êtes passé à la solution, l’action.
Dans une entreprise, le dommage principal de ce Jeu est de laisser les gens dans la
confusion émotionnelle et l’embarras. Deux états contre-productifs, le plus souvent.

■ Battez-Vous !
« La chair est triste hélas ! Et j’ai lu tous les livres… » Ce vers terrible de
Mallarmé évoque l’ennui écrasant d’un homme désabusé. Dans la suite du
poème « Brise Marine », il souhaite fuir vers le ciel et les oiseaux… Si nous
le laissons faire, l’ennui peut parfois nous amener à de drôles de Jeux.
Battez-Vous en est un.
Le principe est de monter les gens les uns contre les autres. Le bénéfice
de ce Jeu est de détourner l’attention d’autrui sur la passivité ou le retard
d’activité. Un autre bénéfice serait d’occuper l’homme de Mallarmé qui n’a
plus comme plaisir que de voir les gens s’étriper pour rien !
Moi, je ne t’ai rien dit
Juste avant un séminaire stratégique, Frédérique, qui a pris beaucoup de retard sur ses
objectifs commerciaux préférerait sans doute que la sous-productivité dont elle a fait
preuve ne devienne pas un des thèmes mémorables évoqués lors du bilan d’activité. Une
semaine avant, elle croise Julia, responsable de la communication dans l’ascenseur qui
mène à l’étage de la direction générale
Frédérique : Salut Julia. Dis donc j’ai vu passer pour validation ton article pour le
journal interne. Je l’ai trouvé super…
Julia : Je te remercie. Tu as fait des modifications ?
Frédérique : Moi non…
Julia : Ah ! Y a eu des modifs ?
Frédérique : Un peu oui ! Enfin en tout cas des remarques ont été faites par André. Ce ne
sont pas mes affaires, mais il a un peu chargé ton article…
Julia : Ah bon ? Pourtant il était bien.
Frédérique : Il t’en a pas parlé ?
Julia : Ben non, et je l’ai vu hier…
Frédérique : Moi je t’ai rien dit hein !
Voilà déjà un feu d’allumé. Le lendemain, Frédérique croise André à qui elle lâche :
« Dis donc, elle a pas trop aimé tes corrections sur son article Julia, hein ! »
Il ne lui reste plus qu’à attendre que son Jeu porte ses fruits. André est bien sûr le patron
de l’équipe !
Pour bien préparer le séminaire, elle va aller de l’un à l’autre. Elle dira à Paul : « Ce
n’est pas ce que Jacques dit à ton sujet en tout cas ! »
Puis elle ira dire à Jacques : « Tu devrais aller voir un peu ce que Paul dit de toi dans les
réunions du CE. »
Elle émaillera ses informations de quelques : « C’est pas moi qui te l’ai dit », ou autres :
« moi, ce que j’en dis, hein ! ».
Le jour du séminaire, tout le monde est sur la défensive, et le moindre lever de sourcil
sera interprété : « Elle avait raison de me dire ça, Frédérique ».
Ça promet une ambiance chaude !

Dans ce Jeu, le Joueur va se positionner en Sauveur en faisant savoir à


plusieurs personnes qu’il connaît quelqu’un qui les Persécute. Une fois que
les gens vont commencer à se bagarrer, il pourra alors faire celui qui n’est
pas au courant :
« Je ne t’ai jamais dit une chose pareille ! »
Ce sera un magnifique coup de théâtre lorsque l’on lui dira, c’est toi qui
m’as dit. Il pourra même choisir par la suite de sauver les personnes
Persécutées par ceux qu’il a lui-même excités.
Ce Jeu est un jeu de pouvoir si populaire qu’il a reçu ses lettres de
noblesses pour une de ses variantes appelées : « Diviser pour mieux
régner ».

Esquive éclair
Comment éviter de rentrer dans un Jeu de « Battez-
vous » ?
La première des choses est de ne jamais accepter le principe « je ne t’ai rien
dit » et de demander au Joueur s’il accepte de redire ce qu’il nous a dit en
présence de la personne absente. Dans ce Jeu, l’absent a tort.
Dans une entreprise, le Jeu de Battez-Vous consiste en une stimulation de la compétition
négative. Il n’est pas rare que des managers passent par cette pratique pour la promotion
interne. Depuis leur siège de Joueur, il ne leur reste qu’à compter les points. Leur
décision constituera le coup de théâtre avec une personne dans le rôle de Victime qui
pourra blâmer son rival dans le poste sans mesurer le rôle joué par leur patron dans la
bataille pour la promotion.

■ Au Viol !
Avant toute chose, nous souhaitons apporter une clarification à propos du
nom de ce jeu. Lorsque la seconde édition de ce livre est sortie, nous avons
eu l’occasion de présenter nos travaux dans une association de Directeurs
des Ressources Humaines. À la fin de la conférence, nous étions conviés à
partager un buffet pour continuer la conversation de façon moins formelle
avec les membres de l’association. Nous avons alors été interpellés par une
dame au visage fermé qui souhaitait manifester son vif émoi par rapport au
mot viol que nous avions prononcé, d’après elle, sans précaution face à un
public dans lequel pourraient se trouver des personnes qui ont vraiment été
victimes d’un viol. Nous sommes restés interdits quelques secondes avant
de pouvoir dire quelque chose. À vrai dire, nous avons décidé, sans nous
concerter, de nous contenter d’écouter attentivement les doléances de cette
dame. Nous savions, qu’au vu de l’état dans lequel elle était, il aurait été
vain de lui expliquer que le nom des Jeux Psychologiques qu’Eric Berne
avait inventés n’étaient en rien un manque de respect envers les personnes
qui avaient un jour été de véritables victimes.
Nous prenons donc la précaution de l’écrire ici. Nous n’avons pas trouvé
qu’il était opportun d’aller jusqu’à changer ce nom il s’agit du nom
d’origine et c’est celui qui est utilisé par les thérapeutes certifiés en Analyse
Transactionnelle. Ce Jeu repose sur le principe de base de tous les Jeux
Psychologiques : trouver un moyen subtil d’amener l’autre à faire une
erreur qu’on pourra lui reprocher avec un air de ne pas y toucher.
La phrase du coup de théâtre la plus classique sera : « Mais qu’est-ce qui
te prend ? » ou mieux « Pourquoi tu t’énerves comme ça ? » La réponse que
nous avons tous entendue et qui, avouons-le, continue de nous faire bien
rire : « Mais je ne m’énerve pas, merde alors ! J’essaie te t’expliquer,
espèce de… »
Les avocats dans les affaires criminelles connaissent bien ce truc de
prétoire qu’il faut utiliser quand on veut faire la démonstration que l’accusé
est une personne violente malgré l’apparence qu’elle se donne. L’avocat va
chercher sur quelle corde invisible il pourra insister sans que personne ne
s’en rende compte. Il va venir user la patience de l’accusé pour faire monter
la pression. Il lui faudra bien sûr connaître ses points sensibles et quels sont
les meilleurs hameçons à distiller. Après quelques sous-entendus bien
choisis, voici que l’accusé sort de ses gonds et le visage bouffi de colère
hurle qu’il va casser la gueule à l’avocat et l’ensemble de sa descendance,
le tout, agrémenter de quelques insultes bien choisies.
L’avocat très calme, sans même adresser un regard au forcené, n’a plus
qu’à lâcher d’une voix blanche : « Je n’ai plus de question Votre Honneur.
Le jury appréciera le sang-froid de l’accusé ! ». Il marquera d’autant plus
de points si cette phrase ne laisse pas pointer l’ironie de manière évidente et
que l’accusé surenchérit dans les insultes. De l’art de rendre fou quelqu’un
en restant drapé dans une irréprochable dignité.
Allez, j’arrête de vous chahuter !
Lors d’un entretien très important pour défendre une proposition commerciale, Julien,
consultant en gestion des conflits, tombe sur un adversaire coriace : le directeur des
achats, Antoine, qui veut lui faire baisser son prix à la journée. Antoine est un excellent
Joueur de « Au Viol ! » auquel il ajoute généralement la stratégie de l’Attribution des
SALMEC parce qu’il s’est vite rendu compte que cela déstabilisait Julien.
Antoine : Vous qui vous dites Conseil en Communication, vous allez probablement être
excellent pour nous vendre votre projet.
Julien : Je compte davantage sur la qualité de mon offre que sur mon talent de
communicant pour vous convaincre.
Antoine (rieur) : Ah ! Pourtant en tant que spécialiste de la communication, vous devriez
vous enorgueillir de ce talent, non ?
Julien (digne) : L’orgueil est un péché capital, j’évite d’y céder !
Antoine : En tout cas, il semble que mes remarques vous déstabilisent. C’est étonnant
pour un pro de la communication comme vous !
Julien (piqué) : Mais qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
Antoine : Ah ! Eh bien, c’est vous qui devriez le savoir, c’est votre truc de lire dans les
comportements des gens.
Julien (très irrité) : Bon écoutez, je vois bien ce que vous essayez de faire, hein ? Alors
dites-moi tout de suite si vous voulez vraiment que je vous parle de mon projet ou si
vous avez l’intention de jouer avec mes nerfs… Je les connais les trucs d’acheteurs !
Antoine sait que l’intégrité est le point sensible de Julien. Et il passe son temps à sous-
entendre que son seul talent, c’est la vente. Julien s’est laissé embarquer et commet
l’erreur à son tour de faire le SALMEC ; ici, il fait de la lecture de pensée (je vois bien
ce que vous essayez de faire). Il fait une erreur. Maintenant le moment est bien choisi
pour Antoine.
Il va crier Au Viol !
Antoine (très gentiment) : Écoutez, je ne suis pas sûr de ce dont vous m’accusez, mais
vous me prêtez des intentions et un talent que je n’ai pas… Vous prenez les choses trop à
cœur mon ami. Bon allez j’arrête de vous chahuter, voyons votre proposition…
Julien va maintenant ramer pour garder son calme et sa crédibilité.

Il n’est pas rare, en entreprise, de rencontrer des personnes dont c’est la


stratégie pour prendre le dessus et le garder. Il leur suffira de passer par des
Jeux comme celui-ci plutôt que par la confrontation ou la compétition
ouverte. Ce que le Jeu produit de terrible est que la personne qui est
provoquée apparaît, au bout du compte, comme celle qui Persécute. Alors
que celui qui a vraiment endossé le rôle de Persécuteur pour essayer de faire
sortir l’autre de ses gonds apparaît comme celui qui a le beau rôle de
Sauveur.
Une phrase comme : « Quelle mouche t’a piqué ? », est un sauvetage
déguisé. C’est en fait une attaque très ironique.

Esquive éclair
Comment éviter de rentrer dans un Jeu de
« Au viol ! » ?
Ici, il est indispensable de bien se connaître pour sentir en soi qu’une corde
sensible est touchée. Alors, il sera possible de mieux gérer la colère et la
frustration que le Jeu est censé provoquer si on s’y laisse prendre.
Dans nos séminaires, un des points clés pour apprendre à déjouer les pièges tendus par
les Joueurs est d’identifier ce que nous appelons les dérailleurs émotionnels. Ce travail
très personnel consiste à rechercher les thèmes, les situations, les personnalités, parfois
les mots, auxquels nous laissons le pouvoir de faire « dérailler » notre lucidité et
déclenchent des putschs émotionnels.

Avec ces quatre exemples de Jeux Psychologiques vous avez déjà de quoi
vous faire une idée des mécanismes qui font leur complexité. Nous
comprenons mieux pourquoi Eric Berne a eu le désir d’en décrire le plus
possible ! Et nous remercions encore Steven Karpman d’avoir trouvé une
martingale universelle pour analyser n’importe lequel de ces Jeux. Nous
pourrions prendre le temps d’en décrire bien d’autres tant ils sont
nombreux, comme le Jeu intitulé « Attrape-Moi Si Tu Peux ! »
Il semblerait que certains malfaiteurs aient un désir secret d’être arrêtés.
Ils jouent aux gendarmes et aux voleurs avec la vraie police en laissant des
indices pour tester la capacité de la force publique à les trouver et les mettre
hors d’état de nuire. Ils espèrent bien sûr être plus forts que leurs
poursuivants. Reconnaissons que c’est plus excitant comme ça. Rappelez-
vous, enfant, lorsque nous jouions à cache-cache et que le « chat » mettait
trop de temps à nous trouver… nous jetions un petit caillou à l’autre coin de
la pièce pour ressentir le plaisir du danger de la proximité de l’adversaire
tout en gardant l’impression de pouvoir sur lui. Nous avions même parfois
la possibilité de le leurrer et de le surprendre avec un Bouh J’t’ai Fait Peur !
Nous mettions alors fin à la partie en brisant les règles initiales. Était-ce
bien innocent ? Ou bien étions-nous déjà, bien jeunes, en train d’apprendre
les Jeux des adultes ?
Ce Jeu a même été mis en scène par Steven Spielberg dans le film
Attrape-moi si tu peux avec un flamboyant Leonardo Di Caprio poursuivi
inlassablement par Tom Hanks qui le prend au mot et finira par l’attraper.

Que faire face à une personne qui joue un rôle ?


Comme nous l’avons fait pour SALMEC et CASE, nous allons nous
appuyer sur trois grands principes. Puis, nous vous suggérerons deux
premières actions basiques avec lesquelles vous pourriez déjà obtenir
quelques résultats intéressants. Vous pourrez ainsi vous entraîner dans un
premier temps à les utiliser en reprenant les exemples de rôles de ce
chapitre. Puis, dans votre quotidien, nous sommes convaincus que vous
trouverez quelques occasions de tester ces deux premiers fondamentaux !
Mais, avant toute chose, voyons quels sont les trois principes à retenir
avant d’opérer nos gestes défensifs.

■ Principe 1 : l’Identification
Prenez votre temps pour repérer de quel rôle il s’agit. Les parades que nous
allons vous proposer ont été étudiées pour correspondre à chacun des trois
rôles. Ainsi, en négligeant le principe d’identification, vous risqueriez de
choisir la mauvaise parade et de répondre à côté. Le travail d’identification
n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Parfois, le rôle est tellement évident
qu’il n’y a aucune difficulté à le repérer. D’autres fois, le rôle est plus subtil
et délicat à identifier. En fonction de notre sensibilité, nous confondons
parfois le rôle joué par notre interlocuteur avec l’impact de ce rôle sur nos
ressentis. Par exemple, si une personne me dit quelque chose comme :
« Laisse, je vais m’en occuper, c’est mieux ! », alors que le rôle joué est
celui de Sauveur, certains, se sentant persécutés, pourrait croire à un rôle de
Persécuteur.

■ Principe 2 : la Concentration
Lorsqu’une personne joue un rôle en face de nous, cette personne a
tendance à disparaître derrière le rôle joué. Ce qu’elle est, ses traits
habituels, sa personnalité, ses qualités, beaucoup de choses positives sont
masquées par le rôle joué qui prend désormais toute la place. Nous allons
focaliser notre attention sur le rôle sous ses formes verbales et non verbales
et c’est de cette façon que nous mordons à l’hameçon et y restons
accrochés. Un des principes fondamentaux pour devenir un bon déjoueur,
c’est d’apprendre à rester concentré sur la personne derrière le rôle.
Lorsqu’une personne joue un rôle, c’est un peu comme si elle avait revêtu
un déguisement. Il faut alors garder son attention concentrée pour éviter la
distraction et pour la reconnaître. Cet effort de concentration est souvent
payant car c’est ainsi que nous parvenons à séparer le rôle et tout ce qu’il
véhicule de désagréable de la personne elle-même.

■ Principe 3 : l’Intention
Avec ce que nous savons maintenant sur les trois rôles du Triangle
Dramatique, un des premiers réflexes qu’il serait légitime d’avoir, lorsque
nous voyons une personne jouer un rôle en face de nous, serait de supposer
que ses intentions ne sont pas très bonnes. Cependant, à moins de l’avoir
vérifié, nous n’en savons rien sur le moment. Et si nous partions plutôt du
postulat que l’intention de la personne derrière le rôle est peut-être plus
positive qu’il n’y paraît. Faisons, par principe, un crédit d’intention plutôt
qu’un procès d’intention en quelque sorte.
Le crédit d’intention est une façon de trouver un appui positif et de
l’utiliser comme un levier d’action pour formuler une parade, à la fois
élégante et efficace. Nous allons prendre le temps de détailler ce troisième
principe qui est un des moyens les plus efficaces d’esquiver un rôle et de
trouver une réponse adaptée. C’est à partir de ce principe que nous vous
proposerons un protocole de parades dans la seconde partie de ce livre,
dédiée à la bienveillance.
Une fois intégrés ces trois grands principes, nous commencerons par
deux actions de base qui méritent d’être testées avant de passer à un autre
type de réponse. Ces actions ont le mérite de demander peu de technique de
communication. En revanche, elles nécessitent un bon niveau de self-
control. Et, dans ce domaine, il n’y a pas de méthodes rapides. Chacun
utilise ses propres ressources pour gérer ses émotions, contrôler ses
réactions et se préserver. Certains, par exemple, utilisent des techniques de
respiration qu’ils ont appris à maîtriser avec leur expérience du sport de
compétition, d’autres sont des adeptes de la méditation et savent se
recentrer sur leur souffle dans les moments chauds. Peu importe la méthode
que vous utilisez, l’essentiel est que vous y trouviez votre compte. Les deux
actions que nous allons vous proposer sont, en apparence, très simples. En
apparence seulement car elles sont basées sur la stratégie minimaliste de la
non-réaction ! Cela peut paraître étrange, mais nous considérons le fait de
ne pas réagir comme une des stratégies les plus efficaces qui soit.
L’expérience nous a montré à maintes reprises qu’un Joueur à qui on ne
renvoie pas la balle est susceptible de se comporter de trois façons
différentes :
• La première est de s’arrêter de Jouer et de reprendre une
conversation normale, sans se donner de rôle.
• La seconde est d’aller chercher quelqu’un d’autre avec qui Jouer !
• La troisième est de continuer à Jouer avec une intensité plus forte.
Quel que soit son choix, nous aurons l’avantage. S’il s’arrête de Jouer,
nous n’aurons pas eu grand-chose à faire, donc une économie de moyens
pour un résultat optimal. S’il va chercher quelqu’un d’autre pour Jouer, la
voix est libre et le problème est réglé. Et s’il insiste, son Jeu sera encore
plus flagrant à décoder, donc plus facile à déjouer.

Action de base no1 : ignorer le rôle et continuer


à communiquer normalement
S’abstraire du jeu
Patrick réalise des sites Internet pour des entreprises. Aujourd’hui, il a rendez-vous avec
un prospect pour faire une présentation de son offre suite au briefing qu’il a reçu deux
semaines auparavant. Lorsqu’il rentre dans la salle de réunion, l’attendent cinq
personnes dont Carl, le PDG de l’entreprise et sa directrice des opérations, Christine.
Patrick commence sa présentation et Christine l’interrompt sur un ton désagréable au
bout de cinq minutes.
Christine (sans regarder Patrick) : Finalement on est toujours déçu avec ce genre de
présentation. Vous ne donnez pas vos solutions d’emblée. Vous faites un résumé
interminable du cahier des charges et on attend que vous en veniez au but.
Patrick (avec un calme olympien continue sa présentation en regardant Christine) : Nous
allons répondre point par point au cahier des charges que nous a fixé votre Président, à
commencer par la vocation de votre nouveau site.
Deux minutes plus tard
Christine (qui s’agace toute seule) : Vous êtes en train de nous dire que notre site actuel
est complètement nul si je vous comprends bien.
Patrick (sur un ton égal et avec élégance) : Le nouveau site prendra le relais de votre site
actuel. Il apportera des fonctionnalités, un design et une dynamique nouvelle. Je vous
propose maintenant de vous montrer les trois propositions de design justement.
À la fin de la réunion, après avoir eu à gérer encore deux autres interventions
Persécutrices de Christine, lorsque Carl viendra remercier en privé Patrick pour sa
présentation, il lui dira ce qui suit avec son léger accent britannique.
Carl : Patrick, merci pour votre aplomb. Notre directrice des opérations est très stressée
en ce moment et nous avons quelques difficultés avec elle ces derniers temps. Nous
voudrions qu’elle se fasse coacher mais elle n’en voit pas l’intérêt. Comme elle travaille
beaucoup, elle ne comprend pas pourquoi ce serait une bonne idée. Vous n’y êtes pour
rien. Vous avez géré cela de façon remarquable !

Ce qui est formidable dans cette histoire c’est que Patrick n’a justement
rien fait de spécial ou de visible. Ou plutôt si, il a fait quelque chose de très
courageux. Il a fait complètement abstraction des rôles joués par Christine
sans jamais l’ignorer, elle, en tant que personne. C’est ce qui s’appelle ne
pas rentrer dans le jeu de l’autre. Il a continué à s’exprimer calmement et
simplement, en suivant son plan de présentation. Du coup, c’est Christine
qui s’est un peu plus décrédibilisée toute seule auprès de son Président et de
ses collègues.

Action de base no2 : S’arrêter de parler et attendre patiemment


de retrouver sa sérénité
L’art d’attendre sans rien faire
Chiara exerce le métier de coach professionnelle depuis une dizaine d’années. Son
prochain rendez-vous du jour, c’est avec Franck, 51 ans, Directeur général d’une
entreprise florissante dans le domaine du commerce en ligne. Franck arrive à la séance
avec le visage sombre des mauvais jours. Après quelques banalités d’usage, il
commence à exposer son actualité et tente, inconsciemment, d’hameçonner Chiara avec
un rôle de Victime.
Franck : J’en ai par-dessus la tête, vraiment. J’en ai marre en ce moment de tout et de
tout le monde. Je ne savais même pas si j’allais venir vous voir aujourd’hui. Je voulais
annuler mon rendez-vous mais, même ça, je n’ai pas eu le courage de le faire…
Chiara (très sereine et à l’écoute ne fait rien, ne dit rien) :
Franck (surpris, continue) : Pour vous dire, j’ai ma directrice commerciale qui m’a
claqué sa démission il y a deux jours, mon DAF qui a chopé la COVID et on vient de
perdre un contrat important. Je suis fatigué de devoir tout porter à bras le corps. J’ai des
envies d’île déserte, je ne vous raconte même pas…»
Chiara (toujours rien ; dans la retenue et l’accueil de ce qui est dit) :
Franck (qui commence à comprendre) : OK, vous voulez que j’aille plus loin. D’accord.
J’ai un gros besoin de repos depuis quelque temps. Habituellement, quand tout va bien,
je suis déjà du genre à me l’interdire. Et maintenant que je ne peux plus me l’accorder,
c’est là que je me rends compte que mes batteries sont à plat…!

Et voilà le travail. Cette pratique ultra minimaliste est enseignée dans bon
nombre d’écoles de coaching. Comme Franck, il y a un espoir que la
personne qui parle s’entende Jouer un rôle et corrige d’elle-même son
discours. Ce non-interventionniste a de multiples avantages. Tout d’abord
celui de nous préserver de se laisser attraper par le rôle et de dire une bêtise.
Ensuite, l’autre a ainsi l’occasion de trouver la juste mesure de son propos.
Il peut corriger par lui-même les excès qu’il s’entend dire et soigner sa
formulation. Enfin, en ne faisant rien, nous évitons d’alimenter le Jeu de
l’autre.
Repérez
Les trois rôles du Triangle Dramatique
Trois rôles pour un terrain triangulaire de Jeux Psychologiques, le rôle de
Persécuteur, le rôle de Sauveur et le rôle de Victime.
• Rôle de Persécuteur : attaquer, intimider, ironiser, dégrader, menacer,
insulter, etc.
• Rôle de Sauveur : voler au secours, surprotéger, étouffer, excuser, etc.
• Rôle de Victime : se plaindre, s’auto-apitoyer, se dévaloriser, se décourager, etc.
Les rôles ne sont pas des personnes.
Les rôles véhiculent des comportements verbaux et non verbaux qui constituent des
hameçons relationnels.
Déjouer ces hameçons c’est éviter de rentrer dans des Jeux Psychologiques.

Esquivez
Les trois rôles du Triangle Dramatique
• Identification : de quel rôle s’agit-il ?
• Concentration : rester centré sur la personne derrière le rôle.
• Intention : dans la majorité des cas, il y a une bonne intention.
• Action de base no1 : ignorer le rôle et continuer à communiquer normalement.
• Action de base no2 : s’arrêter de parler et attendre patiemment.

Vous aurez l’occasion, dans la troisième partie de ce livre de vous


entraîner dans nos salles de Dojo contre les trois rôles que vous rêvez de
contrer positivement.
CHAPITRE 5

■ Association de malfaiteurs : Lorsque


les Rôles sont associés à d’autres
vilains
Dans un combat, il est bien rare qu’un seul coup soit porté. De même, dans
la discipline que nous vous proposons à travers ce livre, nous sommes
conscients que les six SALMEC, les quatre CASE et les trois rôles peuvent
se combiner les uns aux autres pour constituer des attaques complexes.
Nous avons fait le choix de commencer par les étudier séparément, mais il
est indispensable d’être en mesure de savoir décortiquer une attaque à
géométrie variable. Il existe de très nombreuses combinaisons possibles.
Aussi nous avons décidé de vous présenter ici les grandes catégories
d’associations face auxquelles vous pourriez être confrontés. Si vous êtes
arrivés à ce stade de votre lecture, nous ne reprendrons pas par le menu les
différentes méthodes de réponses dans ce chapitre. Quelques repères
suffiront pour vous y retrouver par rapport à ce que vous avez déjà lu.

Lorsque les rôles sont associés à des invitations :


déclinez poliment !
Dans notre parcours initiatique de la lucidité nous allons ajouter à la grille
de lecture des rôles du Triangle, une variante indispensable à connaître. Il
s’agit du concept des invitations dont le repérage s’avère assez facile
lorsque l’identification des rôles est acquise.
Donc, si vous avez fait vos devoirs sur la détection des rôles et que vous
commencez à vous sentir à l’aise dans cet exercice, voici un niveau de
pratique complémentaire que vous allez pouvoir ajouter à votre nouvelle
gamme de compétences. Il existe deux façons de déclencher un jeu :
• l’invitation passive qui consiste à jouer un rôle tout seul sans
s’adresser à personne en particulier ;
• l’invitation active qui consiste à adresser directement une demande
de jouer.
Pour distinguer une invitation passive d’une invitation active à Jouer,
voici deux exemples à partir du contexte suivant. Jean-Marc et son associé
Karim sortent d’une réunion houleuse avec Maxime, le prestataire qui les
accompagne sur leur transformation digitale. Jean-Marc était celui des deux
associés qui était le plus en colère après Maxime et qui n’a pu retenir
quelques réflexions acerbes et dégradantes. En sortant de la réunion, Jean-
Marc est encore très remonté alors que Karim est plutôt calme.

Invitation passive, le rôle tout seul


Jean-Marc (Rôle Persécuteur) : Non mais attends, il nous prend pour des imbéciles ou
quoi ? C’est lui le voyou malhonnête ! Il mériterait qu’on arrête tout de suite le contrat »

Dans ce cas de figure, Jean-Marc continue à jouer le rôle de Persécuteur


et à maltraiter Maxime qui n’est plus là pour répondre. Il n’interpelle pas
non plus Karim et ne lui demande rien de spécial. Karim a bien raison de
laisser passer l’orage car nous avons vu à quel point un rôle joué peut
représenter un hameçon, donc un piège du Triangle Dramatique. Jean-Marc
rouspète tout seul et Karim n’a pas commis d’erreur puisqu’il n’a encore
rien dit !

L’Invitation active
Jean-Marc (Rôle Persécuteur invite Karim au rôle de Sauveur) : Non mais attends, il
nous prend pour des imbéciles ou quoi ? C’est lui le voyou malhonnête ! Il mériterait
qu’on arrête tout de suite le contrat. Et toi alors, tu ne dis rien ? Tu pourrais au moins
reconnaître que j’ai raison non ? Tu es de son côté ou du mien ?

Dans ce second cas de figure, Jean-Marc rouspète toujours autant mais,


cette fois, il ajoute toute la partie en gras dans laquelle il invite Karim, tout
en l’attaquant, à se positionner en Sauveur. En d’autres termes, Jean-Marc
persécute son associé, l’accuse à demi-mot de ne pas être loyal, le tout pour
qu’il vienne le sauver en lui disant qu’il a raison ! Cet étrange procédé est
ce que nous appelons une invitation à Jouer. Connaissant le rôle de départ et
celui proposé, nous disons que l’invitation porte le nom de : Jean-Marc,
dans le rôle de Persécuteur invite Karim à entrer dans le Triangle et à jouer
le rôle de Sauveur !
Avec l’exemple de Jean-Marc et Karim, nous venons de voir la première
des neuf invitations à Jouer possibles. Il en existe trois depuis le rôle de
Persécuteur, trois depuis le rôle de Sauveur et trois depuis le rôle de
Victime. Nous vous proposons de passer en revue les huit autres invitations
et de les illustrer avec un exemple pour chacune d’entre elle.

■ Rôle de Persécuteur invite rôle de Sauveur

Hameçon : Choisis ton camp


« Et toi alors, espèce d’endive sans courage, tu ne dis rien ? Tu pourrais au moins
reconnaître que j’ai raison non ? Tu es de son côté ou du mien ? »

■ Rôle de Persécuteur invite rôle de Persécuteur

Hameçon : Viens te battre


« Osez me contredire si vous en avez le cran. Venez un peu me présenter vos arguments
que je me fasse un plaisir de les démonter un par un. Et surtout ne me ménagez pas, je
suis en forme ! »

Cette Invitation consiste à attaquer l’interlocuteur en lui demandant d’en


faire autant. Dans l’exemple donné, la formule est volontairement claire
pour des raisons pédagogiques. Parfois les sous-entendus et les
comportements non verbaux brouillent les cartes. L’invitation est moins
nette mais, in fine elle est bien là : « J’ai vérifié mes chiffres avant de
parler. Et vous ? »

■ Rôle de Persécuteur invite rôle de Victime


Hameçon : Admets-le. Tu es nul !
« Combien de fois je t’ai demandé de ne pas répondre aux clients en direct. Reconnais-
le. Tu es infoutu de faire une réponse sans te tromper sur les tarifs. »

Dans cette troisième Invitation qui provient du rôle de Persécuteur, la


personne ne se contente pas de bousculer son interlocuteur, elle lui demande
d’avouer ses insuffisances et d’être sa Victime. La différence avec le rôle
simple se situe dans la formule « Reconnais-le » qui invite littéralement
l’autre à admettre qu’il est incapable de faire ceci ou cela, ou pire, à
admettre qu’il est ceci ou cela : « Admets que tu n’es pas très malin de dire
des trucs pareils ! »

■ Rôle de Sauveur invite rôle de Sauveur

Hameçon : On s’arrange entre nous


« Salut ! Au fait, ne t’inquiète pas pour l’histoire avec les impôts, je ne dis rien au boss
pour le moment. Je te couvre. Par contre, si tu peux me dépanner sur le dossier des
comptes bloqués ! Donnant donnant ? »

Avec cette invitation plus que compromettante, la personne qui Joue cette
carte Sauveur Invite Sauveur, propose un accord de Sauvetage mutuel qui
ne présage rien de bon. Ce sont ces petits arrangements entre « amis » dont
nous ferions mieux de nous méfier. On pense tout de suite aux films mettant
en scène un parrain de la mafia qui vient rendre visite aux commerçants
pour les protéger de la délinquance, des braquages et autres risques
d’incendie. Une assurance tous risques en quelque sorte. En contrepartie, le
Parrain demande au commerçant de le Sauver des temps difficiles et de
l’aider à payer toutes ses dépenses !

■ Rôle de Sauveur invite rôle de Victime


Hameçon : Sans moi, tu n’en serais pas là. Pas vrai ?
« Écoute mon ami, tu as le don pour te mettre dans la mouise. Vrai ? Bon alors, pour ton
bien, laisse-moi faire quand c’est comme ça et contente-toi de faire ce que tu sais faire.
On est d’accord ? »

Gardons en mémoire que les personnes qui aiment jouer le rôle de


Sauveur sont, plus ou moins consciemment, à la recherche de personnes qui
se plaisent à jouer les Victimes. Lorsqu’ils en tiennent une, ils utiliseront
volontiers cette invitation pour maintenir l’autre à sa place de Victime dans
le Triangle. Toi, tu es celle ou celui qui ne s’en sort pas, moi je suis ta
planche de salut. C’est le deal à ne surtout pas accepter, bien entendu. Avez-
vous déjà entendu le fameux : « Heureusement que j’étais là non ? »

■ Rôle de Sauveur invite rôle de Persécuteur

Hameçon : Frappe si ça peut te soulager !


« Tu sais que tu peux te défouler sur moi si ça te fait du bien. De toute façon, tu as
besoin de t’en prendre à quelqu’un ; alors je préfère que tu t’en prennes à moi plutôt que
tu ailles te saouler quelque part ! »

Il y a dans cette invitation une dimension sacrificielle exacerbée puisque


celui qui joue le rôle de Sauveur dit à l’autre qu’il est d’accord pour se faire
persécuter. Il s’offre en punching-ball pour aider son interlocuteur à évacuer
sa colère. Les parents qui traversent avec leurs adolescents des moments
pénibles ont déjà entendu cette réplique cruelle alors qu’ils sont en train de
sortir de leurs gonds : « Vas-y, crie-moi dessus. Ça ira mieux après ! » Dur,
dur de trouver les mots justes face à un tel hameçon. Compassion et respect
pour tous les parents du monde !

■ Rôle de Victime invite rôle de Victime


Hameçon : Pas un pour rattraper l’autre
« Tu vois, je suis nul. Je ne sais même pas répondre à tes questions. Et toi tu ne sais pas
quoi dire non plus. On n’ira pas très loin comme ça. Ni l’un ni l’autre. »

Bonjour la déprime ! Attention à cette invitation qui porte en elle tout le


poids du défaitisme et la noirceur du pessimisme. La bataille est perdue
avant même d’avoir commencé. En équipe, ce genre de Jeu peut se révéler
dévastateur pour le moral des troupes. Imaginez un entraîneur sportif qui se
lamenterait sur son sort et dirait à la presse dans un commentaire
désespéré : « Les joueurs n’arrivent même plus à marquer un but. Mon
poste est menacé. Et visiblement je suis un piètre entraîneur puisque je
n’arrive même plus à les motiver ! »

■ Rôle de Victime invite rôle de Persécuteur

Hameçon : Je le mérite
« Heu… J’ai encore été stupide. Tu vas être très fâché. J’ai fait une énorme bêtise et je
ne sais même pas comment te le dire. Si tu t’énerves après moi, c’est pas grave, de toute
façon… »

Mettez-vous deux secondes à la place de celui qui reçoit un hameçon


aussi bien construit ! En général, ceux qui ont une tendance à rentrer dans le
Triangle par le rôle de Persécuteur sont déjà en train de bouillir
intérieurement : « Bon, abrège ! Tu vas me le dire ce que tu as fait ou pas ?
Triple andouille ! » Vous reconnaissez probablement le risque de Jeu
« Botte-Moi Les Fesses ! » dont nous avons déjà parlé. Rendons hommage
au génial Eric Berne et reconnaissons que cette douce appellation a le
mérite d’illustrer de façon très graphique et synthétique la finalité de la
chose !

■ Rôle de Victime invite rôle de Sauveur


Hameçon : Ô mon héros !
« Tu sais, je ne sais pas parler à mon frère. Décidément je fais tout de travers. Peut-être
que si toi tu lui parlais, ça marcherait. Tu as une telle façon de t’exprimer. Je t’admire
tellement pour ça. Et pour bien d’autres choses aussi ! »

Bon, avouez que c’est tentant quand même ! Si celui qui reçoit cette
invitation à une petite tendance Zorro, genre un vieux fantasme du super-
héros qui vole au secours de la veuve et de l’orphelin, ce sera très dur de
résister. Comme disait Maître Yoda, s’engager une fois du côté obscur est
dangereux. Il le disait mieux que cela ! Nous comprenons ici le risque
d’accepter le rôle de Sauveur car, une fois accepté, nous prenons de gros
risques. D’abord nous avons intérêt à réussir les missions que nous confiera
régulièrement cette personne pour qu’elle continue à nous abreuver de son
admiration miséreuse. Ensuite nous devons nous attendre à recevoir un jour
le célèbre : « Tu m’as beaucoup déçu ! Moi qui croyais que bla bla bla. »

Les six SALMEC s’associent aux trois Rôles : dix-


huit variantes !
On n’est pas couché ! Voilà maintenant que les six casse-pieds peuvent se
décliner en trois versions si on les construits avec les trois rôles !
Rien d’étonnant à cela en fin de compte.
En effet, les SALMEC sont des stratégies peu conscientes pour détourner
une conversation alors que les rôles sont caractérisés par un ensemble de
comportements verbaux et non verbaux. Ils font partie de la grande scène
triangulaire du théâtre dramatique où se déroulent les Jeux Psychologiques.
Une fois combinés les uns aux autres, on obtient dix-huit variantes pour
lesquels il faudra choisir entre répondre au SALMEC ou au rôle, ou encore
aux deux à la fois !
Pour vous donner un aperçu de ces dix-huit variantes voici un exemple
pour chaque SALMEC décliné en mode Persécuteur, Sauveur et Victime.
Afin de donner un peu de piment, imaginons un plateau de télévision avec
des invités qui seraient là pour débattre sur la gestion de la crise sanitaire.
■ S pour changement de Sujet
L’animateur de débat : « Qu’est-ce qu’on aurait pu mieux faire depuis
l’apparition du virus ? »

Un invité change de Sujet en mode Persécuteur


« Vous ne posez pas la bonne question. Ce n’est pas le sujet qui intéresse le plus les
Français. Je vais vous dire, moi, ce qui intéresse les Français, bla bla bla. »

Un invité change de Sujet en mode Sauveur


« Avant de répondre à votre question, je voudrais commencer par remercier tous les
professionnels de santé. Je vois que vous attendez que je vous réponde, mais vous verrez
que mon propos rejoint tout à fait votre propos, et même l’alimente. »

Un invité change de Sujet en mode Victime


« C’est une question très difficile et je ne sais pas y répondre sans parler d’abord du
système administratif européen. Car c’est de ça qu’il s’agit en réalité… »

■ A pour Attribution
Une invitée dit : « Je voudrais reparler du cafouillage autour des masques
au début de la crise. »

Un autre invité réagit en faisant une Attribution en mode


Persécuteur
« C’est l’ancienne ministre de la Santé qui s’exprime ou la Présidente du comité
d’éthique ? Non parce que, depuis le début, on ne sait pas au nom de qui ou de quoi vous
parlez ! »
L’animateur du débat renvoie une Attribution en mode Sauveur
« Comme nous avons la chance d’avoir un spécialiste des maladies infectieuses en la
personne du Professeur Jean-Louis Paillasse, je pense que ce serait très éclairant pour
tout le monde d’entendre son expertise sur le sujet. »

Le Professeur Paillasse répond avec une Attribution en mode


Victime
« Je tiens à rappeler que je ne suis spécialiste que de certaines maladies infectieuses et
que je ne suis pas spécialiste du Covid-19 qui est un virus nouveau. Il existe de bien
meilleurs experts que moi sur ce virus. »

■ L pour Lecture de pensée


Un invité lance un sujet : « Je voudrais partager avec vos téléspectateurs la
façon dont certains pays ont géré cette crise sanitaire mondiale. »

Un autre invité l’interrompt avec une Lecture de pensée en mode


Persécuteur
« Personne n’est dupe ici. Nous voyons très bien où vous voulez en venir. Vous voulez
décrédibiliser le gouvernement et vos comparaisons n’intéressent personne. »

L’invité qui a lancé le sujet lui répond avec une Lecture de pensée
Victime
« Je savais qu’en venant sur un plateau de télévision où vous êtes également invité, vous
diriez ce genre de chose. De toute façon c’est impossible d’avoir un débat intéressant
alors allez-y, racontez ce que vous voulez, ça m’est égal. »
L’animateur du débat tente une intervention qui ressemble
à une Lecture de pensée en mode Sauveur
« Messieurs, messieurs, s’il vous plaît. Nos téléspectateurs sont en train de se demander
à quoi rime cette émission si nous ne sommes pas capables de nous écouter. Je suis sûr
que vous alliez dire quelque chose d’intéressant sur les autres façons de gérer cette crise.
Je vous en prie. »

■ M pour Menace
L’animateur demande : « Comment parvenir à une immunité collective si
toute une partie de la population mondiale refuse de se faire vacciner ? »

Un premier invité démarre avec une Menace en mode Persécuteur


« Je mets en garde les gouvernements qui voudraient imposer la vaccination. Je serai le
premier à dénoncer une atteinte aux libertés et je combattrai toute mesure visant à rendre
la vaccination obligatoire. »

Une invitée médecin généraliste lui répond avec une Menace


en mode Sauveur
« Et moi je vous conseille vivement de vous faire vacciner, Monsieur. Pour votre bien et
pour l’intérêt général. »

Un troisième invité croit bon de se mêler à la conversation


avec une Menace en mode Victime
« Et moi Docteur, si vous étiez mon médecin généraliste, je vous préviendrais tout de
suite, avant même que vous me proposiez un vaccin, que je suis effrayé par tous ces
produits développés dans l’urgence et qui pourraient nous causer des effets à moyen et
long terme dont on ignore la gravité. »

■ E pour Enthousiaste
Le sujet de la réouverture progressive des restaurants est abordé en fin
d’émission par un des invités : « Moi je pense à tous ces restaurateurs qui
vont enfin pouvoir rouvrir leurs établissements. »
L’animateur du débat ajoute à la discussion une idée dans
le registre Enthousiaste en mode Sauveur
« Oui très bien, je suis ravi pour eux. Je me réjouis à l’idée de retourner au restaurant.
Mais enfin, est-ce que ce sera suffisant pour que ces pauvres restaurateurs survivent.
Certains émettent déjà des idées pour les aider davantage comme des exonérations de
charges. Moi je dis ça… »

Un invité fait une réponse Enthousiaste ironique en mode


Persécuteur
« Ah bravo ! C’est ça allons-y ! Continuons à mettre la France sous perfusion. Non mais
c’est très bien ces idées, mais bon, c’est aussi complètement irresponsable. Excusez-moi
de devoir le dire ! »

Une invitée qui fait partie du gouvernement en place


apporte une réponse Enthousiaste en mode Victime
« Écoutez, avec mes collègues du gouvernement, nous sommes les premiers à chercher
toutes les solutions possibles pour soutenir cette profession. Nous sommes très heureux
d’avoir pu donner une date officielle de réouverture. Mais vous savez, c’est un casse-tête
de tous les jours. Nous sommes parfois devant des situations inextricables. Notre pays a
beaucoup souffert et nous avons été accablés par les vagues épidémiques successives.
Nous avons été obligés, à contrecœur, de prendre des décisions difficiles et bla bla bla. »

■ C pour Cent pour cent


L’émission touche à sa fin et l’animateur propose à chaque invité trente
secondes pour conclure. Parmi les différentes conclusions, en voici trois en
version C de SALMEC déclinée avec les trois rôles.

Cent pour cent en mode Persécuteur


« Je constate qu’il y aura toujours des gens pour donner aux autres des leçons et que ces
gens ne font jamais rien de ce qu’ils disent. »
Cent pour cent en mode Sauveur
« Notre planche de salut à tous, c’est la vaccination et tous les Français doivent se faire
vacciner. Il n’y a aucune autre solution. »

Cent pour cent en mode Victime


« Quoi que nous fassions nous serons sans arrêt attaqués par d’autres virus. Il y aura
toujours des virus pour contaminer les gens. Est-ce que nous serons prêts à 100 % à y
faire face ? »

Les quatre Boucliers s’associent aux trois Rôles :


douze variantes de plus !
En soi, les quatre boucliers anti-intimité sont des pratiques très efficaces
pour interdire l’accès à des conversations importantes. Rappelons qu’ici la
personne qui utilise un bouclier a pour projet d’éloigner son interlocuteur
afin d’empêcher une discussion de se dérouler. Les attitudes
Condescendante, Abrupte, Secrète et Évasive font déjà très bien le job !
Mais imaginez un instant que la personne adopte en même temps un rôle de
Persécuteur, de Sauveur ou de Victime. Là, on arrive à des niveaux
d’hameçons destinés à des pratiquants ceinture noire troisième Dan ! Ce
sont d’ailleurs des entraînements que nous organisons pour celles et ceux
qui ont déjà une certaine habitude de cette discipline que nous enseignons,
véritable self-défense psychologique et hygiène relationnelle à la fois.
Prenons le temps de vérifier à quel genre de formule nous pourrions avoir
à faire lorsque les quatre boucliers sont associés aux trois rôles.
Condescendant et les trois rôles
Marina : « Papa, est-ce que je peux te parler de la soirée qu’organise Victoria ? J’ai très
envie d’y aller et vous m’avez punie ce week-end. »
Condescendant + Persécuteur
« Vas-y parle toujours. Tu iras dans les soirées quand tu seras capable de tenir tes
promesses. »
Condescendant + Sauveur
« Oui bien sûr, si ça peut te consoler d’en parler. »
Condescendant + Victime
« Moi je veux bien en parler mais je ne sais pas trop quoi te dire de plus. Tu crois que ça
nous fait plaisir avec ta mère de te punir ? »

Abrupt et les trois rôles


Mathieu : « Chef, on n’a pas reparlé de ce qui s’est passé l’autre jour avec Éric. »
Abrupte + Persécuteur
« Je t’arrête tout de suite. Tu as beaucoup mieux à faire. Retourne à ton poste. »
Abrupte + Sauveur
« Stop ! Vaut mieux pour toi qu’on n’en reparle pas ! »
Abrupte + Victime
« Oh non, pitié ! Pas maintenant ! Avec tous les problèmes qui me tombent dessus
depuis ce matin. Je t’en prie, arrête avec ça ! »

Secret et les trois rôles


Léa : « Chéri, hier soir on s’est beaucoup contredits tous les deux devant les amis.
C’était pas terrible. Je voudrais qu’on en parle. »
Secret + Persécuteur
« Moi je n’ai rien de plus à te dire puisque tu n’écoutes pas. »
Secret + Sauveur
« Tu sais chéri, il y a parfois des choses qu’il vaut mieux éviter de se dire. Pour le bien
de chacun et du couple, tu vois ? »
Secret + Victime
« Je ne sais pas trouver les mots. J’ai ressenti…Je ne sais pas en fait… Tu vois je
n’arrive pas exprimer les choses… »
Évasif et les trois rôles
Damien : « Christophe, nous sommes associés alors il faut que nous parlions de la
demande que nous fait Christelle. Elle veut rentrer dans le capital de la boîte donc, c’est
important que nous en discutions ensemble. »
Évasif + Persécuteur
« Oui ÇA VA ! C’est bon ! On trouvera un moment dans la semaine pour en parler. »
Évasif + Sauveur
« Oui, écoute, dans l’ensemble, moi je ne suis pas contre. Je lui ai dit qu’on avait
quelques points qui restaient à éclaircir. Comme je savais que tu étais gênée de lui en
parler, j’ai pris un peu les devants pour t’éviter de le faire. »
Évasif + Victime
« C’est-à-dire qu’il y encore certaines choses que je ne comprends pas dans sa
démarche. D’une manière générale, je veux dire ! Je suis un peu perdu dans cette
histoire. »

Aéroport de Nice Côte d’Azur :


Qui c’est qui va être bien accueilli ?
■ PARTIE II

Faites le choix
de la bienveillance
CHAPITRE 6

■ Résistez à la tentation des Jeux


La bienveillance, quel ennui ! En existe-t-il une définition ? Voici un mot
qui fait l’objet d’interprétations aussi variées que radicalement différentes,
voire opposées : aujourd’hui à la mode dans la culture management du
nouveau millénaire ; hier désuète. La bienveillance de la maman qui chante
doucement à l’oreille de son bébé pour l’apaiser est sans nul doute très
différente de celle du maître d’école des romans d’Émile Zola qui punit un
élève « pour son bien » faisant montre selon lui, de bienveillance, certes
sévère, mais utile ! Trop souvent associée à une posture mêlant naïveté et
angélisme, la bienveillance dont nous faisons l’un des trois fers de lance de
notre approche, avec la lucidité et la constructivité, doit être définie en
termes concrets, ici, pour donner du sens à notre démarche.
La bienveillance se définit par la capacité d’une personne à reconnaître
(au sens montrer de l’empathie pour) chez l’autre comme chez elle-même,
les émotions, les ressentis comme les besoins et à les respecter. Elle est le
complément indispensable de la lucidité. Il ne s’agit ici pas d’être « gentil »
mais bienveillant, c’est-à-dire considérer que l’autre a autant de valeur que
nous-même dans un contexte donné. La bienveillance devient ainsi le
complément naturel de la lucidité qui nous fournit des éléments d’analyse et
de perception des situations vécues.
Si la lucidité permet d’être clair sur notre état d’esprit quand nous
communiquons, la bienveillance permet de générer de la tolérance et de la
patience. Dans la bienveillance, je suis clair et transparent sur mes
intentions, mes demandes et mes émotions. Je reconnais la valeur des
ressentis, émotions et besoin des autres de la même manière.
La bienveillance ne peut pas s’apprendre. C’est une décision, un choix
éthique individuel. Elle introduit la dimension affective et relationnelle ainsi
que la reconnaissance de la vulnérabilité dans la communication. L’être
humain n’est pas équipé physiologiquement ou émotionnellement de la
bienveillance, il en fera un choix ou non. Son opposé, l’hostilité, est un
comportement visant à attaquer autrui ou soi-même, parfois gratuitement,
aussi bien pour se défendre que pour imposer.
La bienveillance est une décision, car il ne s’agit pas d’un élan naturel
de l’être humain. Elle sera déclenchée par une compétence émotionnelle
appelée compassion, laquelle est disponible si nous sommes équipés
d’empathie. La bienveillance fait ainsi partie d’un cycle qui démarre par la
capacité à connaître et reconnaître les ressentis de l’autre (empathie) puis
d’agir ou pas pour accompagner ou s’ajuster à l’autre (compassion). La
bienveillance est bien une démarche volontaire, de morale personnelle,
consistant à décider que l’autre mérite, a priori de faire partie de ce cycle
compassionnel.
Cela signifie concrètement qu’au contact d’autrui, je me dis à moi-
même : « quoi qu’il dise, fasse, ou exprime, l’autre mérite ma
compassion ».
Si nous attendons, ou espérons, de la bienveillance spontanée à notre
égard de la part d’autrui, nous prenons le risque d’une déception amère car,
encore une fois, il ne s’agit pas d’un élan naturel. Et s’il est si difficile de
prendre et de se tenir à la décision de la bienveillance à l’égard d’autrui,
c’est parce que nous avons trois obstacles majeurs à franchir pour y
parvenir :
L’envie 2. Le courage 3. Les mots pour le dire.

Envie ou pas envie ?


Imaginons une rancœur envers un ami qui revient vers nous, une fois de
plus, avec des sous-entendus désagréables. Nous devrons aller puiser en
nous des trésors de patience et d’amour pour résister à l’envie d’entrer dans
le jeu avec lui. Seulement voilà, en avons-nous au moins encore envie ?
Sommes-nous découragés ? Avons-nous perdu notre tendresse pour cet
ami ? Sommes-nous fatigués de faire des efforts dans notre relation ?
La première question à se poser lorsque nous avons le sentiment que la
communication être difficile est : « en ai-je seulement envie ? ». Le manque
d’envie de faire l’effort est le premier obstacle à la bienveillance. Et nous
sommes tous suffisamment créatifs pour justifier indéfiniment de ne pas
faire cet effort :
• « Ça ne servira à rien. »
• « On ne m’écoute jamais de toute façon. »
• « Je n’ai pas le temps. »
• « C’est dangereux. »
• « C’est pas maintenant que ça va changer. »
• « J’ai déjà essayé dix fois. »
Ne cédons pas non plus pas à l’angélisme de la bienveillance
systématique, et donnons-nous parfois la permission de nous retirer pour
une bonne raison, car c’en est une : « Je n’ai pas envie de montrer de
bienveillance aujourd’hui ! »
Montrons ce que nous avons travaillé dans la première partie de ce livre :
la lucidité. Restons conscients que si nous ne cherchons pas à améliorer la
situation, c’est parce que, tout simplement, nous n’avons pas envie. Et
pourquoi est-ce si important de rester lucide sur le manque d’envie de
résoudre un conflit ? Parce que c’est un moyen de garder un minimum de
bienveillance en acceptant notre part de responsabilité dans le
pourrissement d’un conflit.

Courage ou pas courage ?


Imaginons maintenant que l’envie ne me manque pas, car je tiens à notre
amitié. Seulement voilà ! Il va falloir se dire des choses difficiles, sortir de
vieux dossiers et peut-être aussi déclencher une conversation enfin honnête
entre nous. Combien de conflits amicaux restent dans les tiroirs, combien de
secrets de familles continuent à polluer des générations d’enfants, combien
de non-dits le sont restés par manque de courage d’affronter et de
confronter nos proches. Le manque de courage est le deuxième obstacle à la
décision de la bienveillance.
Une belle métaphore est offerte dans les films Star Wars de Georges
Lucas narrant la mission et le dogme des chevaliers Jedi. Leur
apprentissage de la bienveillance et de la Force passe par l’apprentissage de
méthodes de combat en cas d’hostilité incontrôlée de leurs adversaires. Leur
sagesse passe par la capacité à affronter et à se préparer à défendre
l’intégrité de leurs valeurs. Leur courage vient ici de leur préparation au
combat qui reste une option à envisager lorsque la négociation échoue.
Jusqu’au bout, Luke Skywalker croira dans la possibilité que Dark Vador
redevienne Anakin Skywalker, ce père dont il ne connaît finalement que la
face obscure. Jusqu’au bout, il restera persuadé qu’il y a encore du bon en
lui. Et s’il lui faudra de la bravoure pour le combattre durement, il refusera
de le tuer lorsque l’empereur Palpatine l’encouragera à le faire.
Ce courage ne s’apprend pas dans les livres ni en stage et pourtant il nous
inspire tant dans les romans et films que nous consommons à longueur de
vie !
Par erreur, le courage est interprété comme héroïque. Et si nous nous
rappelions que, dans de nombreux cas, le courage est une arme défensive et
non offensive quand il s’agit par exemple de protéger notre propre intégrité.
C’est un acte de courage de refuser d’entrer dans un conflit ou un Jeu qui
risquerait de mettre en danger, vain ou inutile, notre vie, notre corps, nos
valeurs, notre maison. Ça s’appelle le « lâcher-prise ».
Si nous avons trouvé en nous l’envie et le courage de faire preuve de
bienveillance, reste un dernier obstacle de taille à l’expression de cette
dernière, les mots pour le dire.

Comment le dire, quels mots choisir ?


C’est là que nous vous proposons de commencer. Oui, par la fin ! Combien
de fois avons-nous évité une conversation difficile avec quelqu’un
simplement parce que nous ne savions pas comment formuler les choses :
« Si seulement j’avais les mots pour le dire ! Je vais dire une bêtise, empirer
les choses, je préfère me taire. »
Pour se donner les moyens de la bienveillance, nous commencerons par
les mots, ceux que nous adressons à l’autre et ceux que nous nous adressons
à nous-même. Le pari ici posé est le suivant : Si je sais comment dire les
choses, j’aurai plus de courage pour le faire et sans doute plus souvent
envie !
Repérez en vous
les trois obstacles à la bienveillance
• L’envie, que nous n’avons pas toujours.
• Le courage, qui parfois nous manque.
• Les mots, si souvent difficiles à trouver.

EXERCICE INTROSPECTIF
Cherchez dans votre mémoire des incidents relationnels que vous avez laissés traîner, voire
pourrir en espérant qu’ils se résolvent tout seuls ou qu’ils tombent dans l’oubli.
Vérifiez, s’il s’agissait d’un manque d’envie, de courage ou de mots pour le dire.

Une fois franchis les obstacles à la bienveillance, notre infinie créativité,


trop souvent appelée « Inconscient » nous permet de générer des freins pour
éviter d’aller trop loin ou trop vite vers des relations saines et
bienveillantes :
• le frein de nos constructions mentales, telles que nos croyances et
nos illusions ;
• le frein très puissant des bénéfices, pas toujours avouables que
nous avons à jouer des Jeux Psychologiques ;
• le frein irrésistible de toutes nos rancœurs et ressentiments qui sont
parfois entretenus avec soin comme une véritable collection de
timbres ;
• le frein que représente la perte de sommeil due à de méchants
racketteurs nocturnes.
Dans cette seconde partie nous allons, d’abord, visiter ces freins que nous
pouvons lever un par un si nous en avons le souhait.
Nous examinerons aussi les leviers que nous pouvons activer pour
cultiver la bienveillance et la compassion, une compassion que nous
commencerons à tourner vers nous-même avant de la diriger vers les
autres :
• Parmi ces leviers, nous répondrons à une question que beaucoup se
posent : qui joue et où avons-nous appris à jouer à des Jeux
Psychologiques ?
• Nous parlerons du concept de la solution à 10 %, véritable formule
chimique imaginée par Steven Karpman pour se rapprocher de la
bienveillance et de la compassion.
• Enfin nous activerons le levier appelé le principe de l’intention.
Nous découvrirons ensemble trois protocoles simples pour
affronter les rôles.
CHAPITRE 7

■ Les freins à la bienveillance et à la


compassion
La vie est une grande aventure et bien malin celui ou celle qui sait d’avance
comment elle ira et comment elle finira. Chacun de nous très vite, très tôt,
avant même d’avoir mis des mots dessus, en a dessiné les contours et
imaginé ce qui lui adviendrait dans l’avenir. Nous avons tous, dès l’enfance,
aidé par nos éducateurs, « décidé » ce que nous pourrions faire (et ne pas
faire), ce que nous saurions faire (et ne pas faire), ce que nous devrions
faire (et ne pas faire).
Cela s’appelle le scénario de vie.

Frein 1 : Les croyances et les illusions


Les Scénarios de vie ont été définis par un autre grand homme de l’Analyse
Transactionnelle qui faisait partie de l’équipe d’Eric Berne à la même
époque que Steven Karpman, Richard Erskine. Il décrit le scénario de vie
très simplement comme l’ensemble des croyances que nous avons sur nous-
même, sur l’autre, sur les autres et sur la vie.
Cette notion de scénario de vie, selon laquelle un individu va
inconsciemment bâtir le fil rouge de son existence très tôt dès l’enfance et
encore inconsciemment passer le reste de sa vie à réaliser ce scénario, est
une des théories les plus communément acceptée dans la psychologie
contemporaine. Ce scénario, déjà écrit dans l’inconscient, doit se réaliser.
Ainsi, au fil de l’expérience, de l’apprentissage, nous allons plutôt chercher
à confirmer ce qui est déjà écrit plutôt que de suivre notre intelligence et
nos observations au quotidien.
■ Prendre conscience de son scénario de vie
Certains s’en défendront avec émoi : « Ah moi je me laisse porter par les
événements, je ne prévois rien ! » Sans doute ! Et là aussi, il s’agit d’un
choix, dans le fond. Certains croiront qu’il faut croire et d’autres croiront
qu’il ne le faut pas. Dans tous les cas… ils croient. Et c’est très bien !
Croire permet d’avancer sans le poids du doute et le fardeau des choix.
C’est une force incroyable ! Encore faut-il que nos croyances soient des
soutiens, des moyens, des guides et non des freins, des verrous ou des
erreurs. Par exemple, si nous ne parvenons pas à accéder à la bienveillance
et à la compassion, la raison se trouve peut-être cachée dans un de ces
verrous que l’on appelle une croyance. Imaginez que, dans l’enfance, nous
ayons appris de nos éducateurs, au sens large du terme, qu’il ne fallait pas
être trop gentil dans la vie parce qu’il y aurait toujours quelqu’un pour en
profiter. Le mot gentil reste ici à définir, mais si ce mot était associé à des
comportements démontrant de la compassion et de la bienveillance, alors
nous pouvons aisément deviner où est venue se loger cette croyance. Œil
pour œil, dent pour dent. La loi du Talion, bien connue, est souvent un
sérieux handicap à la résolution de conflit. Cela revient, en langage du
Triangle Dramatique, à inculquer qu’il faut répondre à une personne qui me
persécute en la persécutant. Faut-il tendre l’autre joue alors ? Voici une
autre croyance qui, une fois devenue inconsciente, contribuera à ce qu’une
personne se maintienne dans le rôle de Victime sans trouver de force pour
en sortir.
Le scénario de vie comprend des visions positives et d’autres négatives
sur soi-même et sur les autres. Il serait commode de dire que si la vision (la
croyance) est positive, alors elle est bonne et qu’à l’inverse, une vision
négative est mauvaise. C’est tout aussi naïf que dangereusement faux.
Les êtres humains sont infiniment plus complexes que n’importe quel
théoricien psychologue pourrait l’imaginer. Ainsi selon les personnes, la
même croyance peut être aidante pour l’une et toxique pour l’autre.
Je m’en sortirais toujours car je suis débrouillard !
Lorsqu’il était enfant, les parents de Julien ne cessaient de lui dire qu’il était
débrouillard et qu’il pourrait toujours se sortir de situations difficiles. Ils avaient observé
que Julien avait le sens de son environnement, qu’il trouvait des solutions là où les
adultes voyaient un problème et que, sans avoir rien appris, il parvenait à donner le
change. Toutes ces observations semblaient factuelles, mais en réalité, les parents de
Julien ne voyaient que ce qu’ils avaient envie de voir. Par exemple ils ne tenaient pas
compte du nombre de bévues, de gamelles, d’erreurs que leur fils pouvait commettre par
son comportement tête brûlée. Ils préféraient s’émerveiller de sa capacité à supporter
l’échec sans sembler en souffrir. Pourtant, Julien en souffrait. Les voyant admiratifs, il
commençait à croire ce que, eux, croyaient à son sujet… « Je m’en sortirais toujours car
je suis débrouillard ! » se disait-il de plus en plus souvent. Dès sept ou huit ans, Julien
avait ajouté cette croyance à son scénario de vie.

Pourquoi appelons cela une croyance ? C’est l’emploi du verbe être, ici,
qui est notre indicateur de risque. Si je dis que j’ai une capacité à résoudre
des problèmes par la créativité, ce n’est pas une croyance car je décris
quelque chose de vérifiable. Si je dis que je suis créatif, le verbe être me
définit plus qu’il ne me décrit. Si vous me dites que je ne le suis pas tant
que ça, vous attaquez ce que je suis… pas ce que je fais. Je vais
probablement me défendre.
Dites à un jeune enfant régulièrement qu’il est ceci ou cela… : « Tu es un
idiot ! Tu es très intelligent ! Tu es débrouillard ! Tu es trop gentil ». Il
finira par vous croire car il ne s’agit pas d’un feed-back (observation
factuelle et constructive) mais d’un compliment ou d’une critique qui ne
peuvent être ni bienveillants, ni constructifs puisqu’ils ne proposent rien :
ils définissent ! L’enfant placera cette description de ce qu’il est dans son
scénario, et fera son possible pour vous satisfaire et devenir ce qu’il est
supposé être.
Trois possibilités se présentent :
• Le restant de sa vie, il cherchera à devenir ce qu’il croit désormais
qu’il est (par exemple un idiot, ou nul en maths !).
• Le restant de sa vie, il croira qu’il est quelque chose sans l’être
nécessairement (par exemple très intelligent ou très gentil !).
• Le restant de sa vie, il se servira de ce qu’il est pour justifier ce
qu’il ne fait pas (débrouillard comme Julien).
Rappelez-vous, ses parents ont tant dit à Julien qu’il était débrouillard
qu’il les a crus. Cette croyance positive aurait dû lui donner des ailes, et elle
l’a sûrement fait, et pourtant elle a aussi eu des conséquences inattendues
sur son parcours de vie. Pendant des années, Julien n’a pas imaginé une
seule seconde qu’il avait besoin de faire des efforts, de mettre un coup de
collier. Il a donc parcouru son enfance en faisant le minimum et en
développant une seconde croyance, fille de l’autre : « Si ça demande des
efforts, ça n’a pas de valeur ! »
Bien malin qui saurait déterminer si une croyance est bonne pour
quelqu’un ou non. Le sujet n’est pas de valider, d’invalider, d’évaluer la
valeur de nos croyances mais plutôt de les identifier, de les reconnaître, de
savoir les verbaliser afin de mieux cerner leur impact et leur niveau parfois
de toxicité dans nos comportements et nos choix. Et, puisque la
bienveillance est un choix, une décision qui remonte peut-être à l’enfance,
cela vaut le coup d’examiner de plus près si, dans nos croyances, il y a des
éléments aidants pour accéder à la bienveillance ou au contraire, des freins.

■ Remettre en question son scénario de vie


Alors si, comme le dit Richard Erskine, notre scénario de vie est l’ensemble
de nos croyances sur nous-même, les autres et la vie, qu’est-ce qu’une
croyance ?
Nous appellerons une croyance, une conviction qui fait loi, qui est
devenue un fait indiscuté, la réalité. La croyance la plus communément
répandue est celle en l’existence (ou la non-existence) de Dieu. Elle a même
un nom, on l’appelle la Foi. La croyance en la non-existence de Dieu, quant
à elle, a un nom aussi : l’athéisme.
La Foi est une conviction que Dieu existe. Ainsi le verbe croire devient le
verbe savoir. Le croyant dira qu’il sait que Dieu existe et n’en doutera pas.
Cette foi permet au croyant de bâtir tout un chemin de vie et de faire des
choix reposant sur cette croyance. Ainsi, puisque Dieu existe alors…
La suite de la phrase permet à celui ou celle qui a la foi de construire sa
route.
Mourir de l’erreur qui a guidé sa vie
Dans le roman Les Misérables de Victor Hugo, le policier Javert croit en la justice. Il
défend une notion absolue de bien et de mal qui, elle aussi, repose sur une croyance :
« Qui vole un œuf, vole un bœuf ! » Ainsi Javert n’est pas seulement convaincu que
Jean Valjean qui a volé un pain pour nourrir l’enfant de sa sœur est un voleur, il croit en
plus que Jean Valjean restera un homme mauvais toute sa vie. Fort de cette croyance, il
poursuivra Valjean sans relâche malgré les évidences que c’est un brave homme. Cette
croyance indiscutée sera son pilier de soutien, et sa perte, pour finir.
Lorsque Javert se retrouve à la merci de Jean Valjean dans les égouts de Paris, il sait que
son ennemi pourrait, sans que personne ne l’apprenne jamais, se débarrasser de lui, et
pourtant il n’en fait rien. Au contraire il le sauve. Javert comprend alors qu’il s’est
« trompé » toute sa vie et finira par se suicider de désespoir. Comme si cette croyance
était devenue partie de son identité. Il ne s’est pas trompé, il est devenu sa propre erreur,
il doit donc mourir.

Javert n’est qu’un personnage de roman, bien sûr et toutes nos croyances
ne mènent pas à d’irrémédiables tragédies. Certaines croyances peuvent
même nous aider à traverser les épreuves difficiles.
L’optimisme, par exemple, est une forme de croyance qui permet à un
être humain de surmonter les obstacles. La confiance en soi est, elle aussi,
une croyance qui donne des ailes dans des situations délicates. Finalement,
il s’agit, comme toujours, d’une question de dosage. Un excès d’optimisme
génère une béatitude dangereuse ; un excès de confiance en soi peut
provoquer des accidents graves.
Alors, sommes-nous les acteurs d’un scénario inconscient ? Enfants, nous
sommes naturellement dans une position de dépendance et de vulnérabilité.
Il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire, tout simplement
parce que nous ne sommes pas encore assez grands pour les faire, ou bien
parce que nous ne savons pas comment les faire. Une mécanique interne se
met alors en place qui va conditionner pour le reste de notre vie la manière
dont nous allons affronter les problèmes.
L’enfant passe comme nous l’avons décrit plus haut, d’une posture
normale de vulnérabilité (je ne sais pas le faire) à une croyance Victime (je
ne saurai jamais le faire seul). Il cherche alors quelqu’un pour Jouer le rôle
de Sauveur dans son environnement direct. S’il n’en trouve pas, il va en
fabriquer un en interne. Une voix, une pensée, une croyance qui jouera le
rôle de Sauveur dans sa tête. Ce Sauveur s’appelle un Driver, en référence
au fait que cette croyance agit comme si elle prenait les commandes. C’est
elle qui dictera sa conduite à l’enfant. Ce chauffeur est un conseiller qui va
lui donner une instruction pour se Sauver lui-même. Ce conseiller interne
est inspiré de ce que les parents semblent apprécier et reconnaître plus
particulièrement chez cet enfant. Il y a cinq conseils clés que le Driver peut
donner à l’enfant pour se sauver ou sauver la situation :
• « Sois fort et cache tes émotions, tu verras, les gens seront
contents de toi. »
• « Sois parfait et fais mieux que bien, tu verras, les gens seront
contents de toi. »
• « Sois gentil et fais plaisir en faisant plus pour les autres que
nécessaire, tu verras, les gens seront contents de toi. »
• « Fais des efforts et montre combien tu te donnes du mal en vain,
tu verras, les gens seront contents de toi. »
• « Dépêche-toi, montre que tu vas vite, tu verras, les gens seront
contents de toi »
L’enfant obéit à son conseiller (qui joue le rôle de Sauveur interne) et
découvre le plus souvent que les gens ne sont pas plus contents de lui
qu’avant !
Alors il entre dans la peur et va passer à des attitudes plus drastiques pour
se sauver : il va attaquer quelqu’un. Lui-même la plupart du temps en
s’interdisant des choses. Dans le modèle de l’Analyse Transactionnelle,
nous appelons ces interdits des Injonctions. Là aussi, ce sont des croyances.
Celles-ci sont terribles et destructrices. Alors l’enfant est Victime de lui-
même et la spirale du Triangle Dramatique Interne est bouclée.
En résumé, cette boucle interne est un frein à notre propre bienveillance.
Je me sens mal, faute d’un Sauveur externe, je fais appel à un Sauveur
interne, le Driver. Ça ne marche pas, je me Persécute d’avoir échoué en
m’interdisant des choses, je suis alors Victime de moi-même !
Ces stratégies, dans un monde d’adultes, sont bien entendu inefficaces
car elles déclenchent, amplifient ou entretiennent un conflit.

Frein 2 : Les bénéfices des Jeux


Pourquoi arrêter de faire quelque chose si nous y trouvons plus de bénéfices
que d’inconvénients ? Autrement dit une personne qui se complait dans les
Jeux Psychologiques n’a aucune raison de vouloir s’arrêter tant qu’elle ne
voit pas les désagréments qu’elle provoque en entretenant cette mauvaise
habitude.
Alors, quels bénéfices trouvons-nous à Jouer à des Jeux Psychologiques ?

■ Ça rapporte !
Le gain dans les Jeux est systématique car même les « perdants » gagnent…
Que gagnent-ils ? La validation de leurs croyances et de leurs illusions sur
eux-mêmes, sur les autres et sur la vie.
Si une personne a grandi avec la croyance que la vie est une jungle
impitoyable et que seuls les plus forts survivent, vous verrez cette personne
chercher à valider cette croyance en utilisant toutes les preuves qu’elle a
raison. Cette personne pourrait même aller jusqu’à vouloir Sauver les autres
en leur inculquant cette croyance et en faisant d’elles des adeptes du rôle de
Persécuteur qui vaut quand même mieux que celui de Victime ! Ce faisant,
elle attirerait dans son giron beaucoup de candidats au rôle de Victime. Et il
n’y aurait pas de meilleur partenaire de Jeu que toutes ces personnes à
Sauver qui se présentent comme plus faibles qu’elles ne le sont et qui, par
définition, alimentent la croyance de départ avec plein d’histoires à raconter
dans lesquelles elles se sont faites un jour avoir parce qu’elles étaient trop
gentilles.
Le principal intérêt, pour celui qui a une vieille croyance à valider, est
d’éviter de voir s’écrouler un pilier sur lequel il s’est appuyé pour prendre
beaucoup de ses décisions.
Les Joueurs gagnent aussi une illusion de pouvoir sur l’autre et sur les
événements. Les Joueurs accros, comme les Joueurs au casino, ont souvent
l’illusion de contrôler la situation… « J’arrête quand je veux, je me refais
quand je veux. » Le meilleur moyen de se voiler la face pour garder
l’illusion de pouvoir est le déni. Et le déni à lui tout seul serait l’objet d’un
livre entier !
Pourquoi une personne ferait-elle le choix de rester avec un individu qui
se comporte de façon toxique ? Parce qu’en lui trouvant des justifications,
elle peut s’enorgueillir de jouer le rôle vertueux du Sauveur. Et puis un jour,
quand elle le choisira, elle pourra changer de rôle et solder son carnet de
rancœurs en le Persécutant et en le quittant comme une vieille chaussette.
Le bénéfice sera que si elle s’est sacrifiée longtemps (gain du rôle de
Sauveur), elle ne donnera plus rien à ce malotru (gain du rôle de
Persécuteur) et que, maintenant, elle est toute abîmée et seule (gain du rôle
de Victime).

■ C’est excitant !
La poussée hormonale liée au frisson de peur, de colère ou de chagrin nous
traverse le corps et stimule, en chacun de nous, la force de vie. Un peu
comme si avoir mal nous rappelait que nous sommes bel et bien vivants.
Parfois, il est préférable de souffrir que de ne rien ressentir. On a découvert
que, dans les univers carcéraux difficiles, les prisonniers préféraient courir
le risque de la violence physique que l’isolement. Ne rien ressentir, ne rien
partager est insupportable pour la plupart d’entre nous.
C’est excitant aussi à cause de l’illusion de pouvoir sur l’autre dont nous
avons parlé. Le pouvoir ici est un pouvoir perdant bien sûr. Une personne
qui « fait la gueule » est bien sûr en position perdante et négative, et dans le
même temps constate les efforts et l’embarras dans lequel se trouve son
environnement, obligeant les autres à trouver une issue. C’est ce pouvoir
négatif qui constitue une pauvre victoire pour le Joueur. Les quatre
boucliers CASE que nous avons décrits dans la première partie de ce livre
sont à eux seuls des stratégies de pouvoir. Empêcher l’autre d’entrer dans
une relation intime en le méprisant (C), en le bloquant durement (A), en le
privant d’informations (S) ou en l’inondant d’informations inutiles (E).
Lorsqu’une personne est peu consciente des Jeux qu’elle Joue, l’excitation
n’est pas recherchée. Elle est plutôt la conséquence du Jeu. À l’inverse,
pour les Joueurs qui sont conscients de ce qu’ils font, l’excitation négative
du Jeu est non seulement recherchée mais également intiment liée à un
plaisir malsain de tirer les ficelles.

■ C’est addictif !
Si c’est excitant et que cela fournit une illusion de pouvoir, cela procure un
« rush » comme une drogue dure dont nous finissons par ne plus pouvoir
nous passer.
Il y a des gens qui ne peuvent plus s’empêcher d’agresser ceux qu’ils
aiment. Parce que ces derniers se prêtent au Jeu. Nous sommes pardonnés
par nos proches. Du coup, si nous avons besoin de nous sentir fort, il nous
reste à agresser un ami. Nous replongeons dans notre addiction, mais nous
avons notre rush et notre ami finira bien par nous Sauver en nous
pardonnant une fois de plus. Nous pourrons toujours dire que nous sommes
Victime de nos humeurs…
Ainsi observerons-nous que certains « Joueurs » ne peuvent plus se
passer de leur dose quotidienne de conflit par les Jeux du Triangle. Si ces
personnes ne font pas souvent l’expérience positive de la communication et
de la relation, elles compenseront volontiers par les Jeux.

Frein 3 : Les collections de timbres


À chaque fois que nous jouons à des Jeux Psychologiques, nous vivons des
moments de frustrations, de colère ou de désespoir. Nous accumulons de
nombreux ressentiments, de nombreuses rancœurs envers nous-mêmes et
envers les autres. Nous appelons cette accumulation de rancœurs et de
frustrations, une collection de timbres.
Les Timbres Psychologiques sont une métaphore pour décrire les
sentiments que nous n’avons pas su ou pu exprimer pendant une partie de
Triangle. Ils sont la représentation de toutes ces émotions que nous avons
vécues comme la colère, le dégoût ou encore l’injustice ressentis après le
Jeu. Stockés en nous, ils restent non dits.
L’image du Timbre peut nous faire penser également à ces patchs que
l’on se colle sur la peau et qui diffusent lentement un principe actif dans
notre corps. Les plus connus, parce qu’ils furent les premiers, sont les
patchs anti-tabac. Il s’agit de saturer notre organisme pour le rendre hyper
réactif à la nicotine. Ainsi, un individu patché se sent très vite très mal dès
la première bouffée de cigarette, voire dans un environnement fumeur. Si
les patchs en médecine sont là pour nous apporter une aide ou un soin, les
Timbres, eux, entretiennent un état de malaise psychologique ou
émotionnel.
En entretenant notre collection de timbre, nous nous maintenons tout
seul :
• dans l’irritabilité pour quelqu’un qui n’aura su ou pu exprimer sa
colère ;
• dans l’anxiété pour quelqu’un qui n’aura su ou pu exprimer sa
peur ;
• dans la mélancolie ou la passivité pour quelqu’un qui n’aura su ou
pu exprimer son chagrin ;
• dans le mépris pour quelqu’un qui n’aura su ou pu exprimer son
dégoût ;
• dans la frustration pour quelqu’un qui n’aura su ou pu exprimer sa
joie.
Les Timbres collectionnés sont ainsi les premiers véhicules d’un
ennemi sournois de la pensée claire : l’humeur.
L’humeur n’est pas une émotion, elle est l’expression parfois non
consciente d’un non-dit. Une personne d’humeur boudeuse est en attente de
quelque chose qu’elle ne parvient pas à demander directement et qu’elle
n’obtient justement pas en boudant. Sa frustration grandissante la fait passer
de l’humeur boudeuse à la colère frustrée et au blâme soudain.
Que se passe-t-il ensuite quand nous accumulons les Timbres ?
En d’autres termes, que se passe-t-il quand nous avons empilé des
rancœurs et des non-dits ? Eh bien nous allons laisser ces Timbres
s’emmagasiner jusqu’à ce que l’album soit rempli. Nous devenons alors
hypersensibles (comme pour le patch anti-tabac). Et nous allons laisser
toute difficulté dans la vie quotidienne, qu’elle soit pratique ou
relationnelle, provoquer des réactions exagérées ou déplacées. Les anciens
appelaient cela : la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Se coller un Timbre de colère ou de frustration, par exemple, c’est se
préparer à une diffusion lente d’un poison physiologique et psychologique.
Les ressentiments que nous entretenons parfois sans les exprimer font
bouillir intérieurement la marmite de nos émotions. Quand la coupe est
pleine, nous assistons, impuissant, à notre propre débordement ou à ceux
des autres à travers de nouvelles parties de Triangles avec des Jeux qui vont
devenir de plus en plus fréquents, durables et intenses.
Voici comment Steven Karpman explique la mécanique des Timbres. Les
Jeux se produisent à l’intérieur de nous-même, notre discours intra-
personnel devient négatif et nous souffrons de ne pouvoir exprimer ces
sentiments désagréables qui s’accumulent à chaque nouveau Jeu, venant
ainsi compléter notre collection de Timbres. Il suffira de se dire :
• « La personne ne mérite pas d’entendre ce que j’ai à lui dire… je
prépare un Timbre Persécuteur ».
• « Je ne sois pas sûr(e) qu’elle puisse l’entendre et le comprendre…
je prépare un Timbre Sauveur. »
• « Je ne sais pas comment le dire… je prépare un Timbre Victime ».

Frein 4 : Les insomnies et les racketteurs nocturnes

Comment tu dors la nuit ?


En se séparant, les Beatles ont emporté avec eux des sacs de rancœurs accumulées. John
Lennon, au faîte de sa colère et de son ressentiment envers Paul McCartney, a écrit une
chanson dont la fureur et l’agressivité sans retenue sont entrées dans l’histoire de la
musique : « How do you sleep ? ». Elle reste une source d’embarras pour les fans du
groupe. C’est dans l’album qui contient la magnifique et pacifique chanson « Imagine »
qu’est embusquée cette rage exprimée ouvertement, gravée pour l’éternité !

« A pretty face may last a year or two,


But pretty soon they’ll see what you can do,
The sound you make is muzak to my ears,
You must have learnt something all those years,
How do you sleep ?
Ah how do you sleep at night ? »

« Un joli visage, ça dure une année ou deux,


Mais bientôt on verra ce que tu sais faire,
Les sons que tu produis ne sont que « muzak » pour moi.
Tu devrais avoir appris quelque chose pourtant toutes ces années.
Comment tu dors ?
Hein, comment tu dors la nuit ? »

La question que nous nous posons est moins de savoir comment dort Paul
McCartney « persécuté » par John Lennon que comment dort John Lennon
avec toute cette colère en lui.
Pourquoi nous réveillons-nous la nuit ? Quels démons laissons-nous
venir nous cueillir au milieu de notre sommeil pour nous empêcher de
retourner dans les bras de Morphée ? Pourquoi ne pouvons-nous arrêter ces
pensées, ces vagues d’émotions ? Pourquoi ces soliloques, dialogues
solitaires avec nous-même, dans la nuit, prennent-ils le pouvoir sur notre
raison ?

C’est souvent la nuit que nos Triangles internes nous attaquent !

Pourquoi leur accordons-nous une place telle que notre vie diurne,
professionnelle ou personnelle s’en trouve altérée. La fatigue et la colère
non gérées ne sont pas bonnes compagnes pour la créativité, la performance
et, bien entendu, pour accéder à la bienveillance. Déjà qu’en temps normal,
lorsque nous avons bien dormi, il est difficile de lutter contre les trois freins
à la bienveillance que nous venons d’évoquer, pensez donc combien cela
devient insurmontable lorsque l’irritabilité liée au manque de sommeil s’en
mêle.
Dans la dynamique du Triangle Dramatique, nous produisons nos propres
insomnies en activant nos rôle internes de Persécuteurs, Sauveurs et
Victimes. Le Drame ne se joue pas avec un tiers, mais avec nous-même. La
raison de ce Jeu intérieur est extrêmement simple. Il y a quelqu’un à qui
nous n’avons pas dit ce que nous avions à dire. Alors nous nous le répétons
la nuit, tout seul.

■ Comment mettre fin à ces insomnies ?


Allons dire ce que nous avons à dire à la personne à qui nous n’avons pas
dit ce que nous avions à lui dire. L’expression consacrée est : dire ce que
nous avons sur le cœur…
Dans le modèle de Steven Karpman, ces pensées parasites sont
alimentées par les Timbres que nous accumulons dans la journée. Ces
Timbres sont en quelque sorte collés sur des enveloppes la nuit : « Je me
parle à moi-même et réveille mes rancœurs ». Les lettres ne sont cependant
jamais postées. Donc les ressentiments ne sont jamais régulés avec les
personnes concernées. Bref, comme nous l’avons évoqué la nuit avec nous-
même, nous décidons plus ou moins consciemment que nous avons fait ce
qu’il fallait… nous y avons suffisamment réfléchi. Et nous ne disons pas à
la personne concernée ce que nous avons à lui dire.
Le danger bien sûr est que, un jour, ce que nous avons à dire soit
tellement vieux ou hors propos que nous allons le garder en nous
définitivement si nous n’y faisons pas attention. Et pire encore, la personne
objet de notre ressentiment peut disparaître, partir, décéder. Alors, nous
n’aurons plus jamais l’occasion de lui dire en face ce que nous avons gardé
sur le cœur…
Nous appelons ces moments de soliloque les « Rackets Nocturnes ».
Pourquoi Rackets ? Parce qu’ils viennent la nuit collecter leur dû : « Tu dois
faire payer à quelqu’un ton ressentiment et tant que tu ne l’as pas fait, nous
te rappellerons la dette à payer. Ton prix : le sommeil. » Ces mafieux
émotionnels imaginaires sont (comme toujours) armés de bonnes intentions.
Ils veulent nous protéger de ceux qui nous oublient, ne nous reconnaissent
pas ou, nous agressent. Mais qui sont-ils au juste ?
Avec Steven Karpman, ils sont trois, bien sûr : le Racketteur Persécuteur
qui vient chercher la colère, le Racketteur Sauveur qui vient chercher en
nous le Bon Samaritain à qui personne ne dit merci, et le Racketteur Victime
qui nous tient éveillé dans la souffrance.
Les trois Racketteurs sont des raconteurs d’histoires. Ils viennent nous
déranger la nuit et nous imposent de nous repasser inlassablement le film
d’un événement qui nous reste en travers de la gorge. Ressasser de manière
obsessionnelle une situation non gérée ou mal gérée, voici leur mission
inexorable… et épuisante !
Les mafieux de la nuit, trois formes de rackets.

■ Le racket de la colère
Il s’agit de notre rôle de Persécuteur interne qui vient nous défendre en
attaquant l’ennemi du jour ! Il suffit d’être tombé sur une personne à qui
nous n’avons pas osé dire que ce qu’elle nous disait ou faisait nous était
pénible et voici qu’à la faveur de la nuit, notre Persécuteur interne vient
fourbir la vengeance.
Le Racketteur Persécuteur peut nous aider à préparer la contre-attaque
avec des pensées du genre : « Quel salaud, je vais lui faire payer. Ah ! Dès
demain je vais prendre ma revanche… Je vais lui dire ceci, je vais lui dire
cela… il va regretter de m’avoir cherché… »
Il peut aussi nous botter les fesses en nous persécutant pour ne pas avoir
su nous défendre : « Quel idiot je suis ! J’aurais dû lui dire ça et puis lui
faire ça… ah ah j’aurais pu lui montrer… pourquoi je ne l’ai pas fait !
Vraiment je manque de courage … »
Vous l’aurez compris, le racket de colère n’est pas une solution pour
résoudre, analyser, évaluer une situation. Il vient consommer l’énergie de
l’émotion liée à la situation génératrice de colère sans soulager.

■ Le racket du Bon Samaritain


Notre rôle de Sauveur interne vient nous rappeler que le monde est injuste
envers les justes comme nous-même. Nous avons offert de l’aide, un
service, de notre temps, parfois sans compter notre peine et ne récoltons pas
un merci ! C’est terrible mais ne serait-il pas mesquin d’attendre de la
reconnaissance pour notre geste ? Pourtant les autres sont bien ingrats
parfois. Le Bon Samaritain navigue entre le désir de récolter la
reconnaissance qu’on lui doit et la culpabilité de ne pas faire les choses plus
gratuitement. La nuit, sa voix vient à la fois sauver ceux qui ne nous disent
pas merci et nous-même qui avons – malgré tout – le droit d’attendre un
signal de reconnaissance…
Nous restons alors éveillés par des : « Peut-être en ai-je trop peu fait
pour eux… sinon, quand même ils auraient bien vu que je me donne du mal
pour eux. Que faire pour qu’ils soient plus heureux et me remercient de ce
que je fais ? Je dois leur pardonner de ne pas dire merci… mais quand
même parfois, ils abusent… c’est sûrement moi qui déraille… mais bon
quand même » … jusqu’à épuisement !
Le Racket du Bon Samaritain est souvent le résultat de sauvetages opérés
dans la journée. Et rappelons qu’un sauvetage, c’est de l’aide que nous
apportons à quelqu’un qui ne l’a pas demandée et parfois n’en avait pas
besoin. Ainsi, bien sûr, il sera vain d’attendre un merci de la part d’une
personne qui ne considère pas nous devoir quoi que ce soit.
Le Racket du Bon Samaritain se produit aussi lorsque des personnes ont
véritablement omis de nous remercier pour un geste qui légitimement le
méritait. Il sera, dans ces cas-là, préférable de les confronter à leur manque
de gratitude apparent plutôt que de soliloquer seul entre ses draps…

■ Le racket de la souffrance
Notre rôle Victime interne va se jouer dans le silence. Il s’agit ici de
souffrance physique ou émotionnelle (chagrin, peur, etc.) que nous allons
garder pour nous pour « ne pas embêter, ou gêner » les autres. C’est la nuit
et dans la solitude que les souffrances sont les plus aiguës. Il est nécessaire
de faire appel à la compassion d’autrui quand nous avons mal. Le rôle
Victime va venir nous interdire de chercher du soutien, du réconfort. Nous
allons nous complaire dans cette souffrance et étouffer nos cris sous la
couverture.
Ce Racketteur aggrave le sentiment d’isolement que nous pouvons
ressentir et accélère l’accès à la dépression. Cette dernière est, elle aussi,
souvent d’abord tue et amplifiée par ce silence. Cercle vicieux. « J’ai mal.
Je n’en parlerai pas parce que personne ne peut me comprendre. Ils ne vont
pas me croire, me prendre au sérieux. J’encaisse en silence, seul,
abandonné. » Ce dernier Racketteur est terrible car il entretient l’idée qu’il
ne faut parler à personne, comme si c’était vain, ou mal, ou ridicule de
demander du soutien.
Les personnes parfois apparemment les plus « fortes » peuvent être
terrassées par cet ennemi invisible, tapi à l’intérieur d’elles-mêmes. Un
monstre appelé FIDO : Fierté, Isolement, Découragement, Orgueil.
Que faire alors lorsque nous ne dormons plus ?
La solution est désarmante de simplicité, si nous constatons que des
« Racketteurs » nous tiennent éveillés la nuit, nous cherchons la première
occasion pour évoquer ce qui nous trouble avec les personnes concernées.
Idées clés
Les freins à la bienveillance
• Nous passons parfois plus de temps à valider nos croyances et nos
illusions qu’à bien veiller sur nous-même et sur nos relations.
• Nous trouvons parfois davantage de bénéfices que d’inconvénients à
Jouer à des Jeux Psychologiques car ça rapporte, c’est excitant et c’est addictif.
• Nous accumulons les rancœurs et les frustrations comme une collection de Timbres.
• La nuit, nous comptons parfois nos Timbres et laissons les trois racketteurs
nocturnes nous tenir en éveil et exercer sur nous le Racket de la colère, le Racket
du Bon Samaritain et le Racket de la souffrance.
CHAPITRE 8

■ Les leviers de la bienveillance


Afin de développer une approche bienveillante des relations humaines, il est
important de savoir que nous sommes toutes et tous des Joueurs en
puissance. Ce que nous voyons les autres faire grâce à notre lucidité, nous
pourrions tout aussi bien nous voir le faire aussi. À quoi bon maugréer des
noms d’oiseaux envers le conducteur derrière nous qui nous colle de trop
près si c’est pour coller au conducteur qui nous précède ! Il est intéressant
de se demander depuis quand nous jouons et où nous avons appris les Jeux
Psychologiques.

Levier 1 : Nous jouons tous


Comment avons-nous commencé à jouer ? Dans la cour des écoles
maternelles, voire dans les espaces de Jeu des crèches, l’œil averti verra les
tout petits, pourtant si innocents, s’adonner à des parties de Triangle
Dramatique. D’où tiennent-ils les codes des Jeux Psychologiques ?

■ Des codes acquis très tôt


L’enfant découvre très vite sa vulnérabilité : il n’est pas autonome pour bien
des choses et lors de ses premiers apprentissages, la parole, la marche, le
pot… il récolte des signaux d’appréciation divers de son environnement.
Ses parents le félicitent, le grondent, l’encourage, le poussent. Bref, il
découvre qu’il doit s’adapter, apprendre pour grandir et être aimé, c’est-à-
dire recevoir les signaux d’appréciation. Il lui arrivera certains jours de se
sentir découragé, effrayé, frustré. L’enfant va alors basculer dans le rôle
Victime.
Dans ce rôle de Victime, rappelons que l’enfant sera habité par la
croyance ou l’illusion qu’il ne peut faire seul, qu’il dépend de l’autre pour
réussir ou se sentir bien. Nous observons alors qu’il va appeler quelqu’un
pour jouer le rôle de Sauveur, ou de Persécuteur. Si cela arrive, il aura
confirmation que le rôle Victime lui « va » bien.
C’est l’enfant qui a oublié comment lacer ses chaussures et qui chouine :
« Maman j’y arrive pas, j’y arrive pas ». La mère accepte de Jouer en
adoptant un des trois rôles :
• Victime : « Je n’ai pas le temps chéri, je ne m’en sors pas avec
tout ce que j’ai à faire ! ».
• Sauveur : « Bon eh bien je vais le faire » (sous-entendu : « Tu n’y
arriveras pas sans moi »).
• Persécuteur : « Eh bien tant pis pour toi, tu marcheras pieds
nus ! ».
Dans un monde idéal, les mamans et les papas ont gardé leur patience
bienveillante, ils ont compris que l’enfant a besoin d’être rassuré, aidé et
pas attaqué ou sauvé. Ils lui consacrent un peu plus d’énergie en disant
quelque chose comme : « Rappelle-toi, hier, tu l’as fait. Tu as peut-être
oublié comment on commence. Faisons-le ensemble sur le soulier droit, tu
feras le gauche seul. »
L’enfant entendrait ainsi : « C’est OK de ne pas te souvenir. Tu sais le
faire. Je vais te soutenir. Tu vas (re) devenir compétent donc autonome. »
Dans un monde idéal, les mamans et les papas n’ont pas de soucis
professionnels, financiers, familiaux et peuvent donc communiquer toujours
positivement. Dans notre monde à nous, ils ont parfois laissé passer
quelques Jeux Psychologiques. Alors l’enfant a vite appris les règles du Jeu
et est devenu excellent.
On peut très bien jouer tout seul au Jeu du Triangle Dramatique. C’est
ainsi que Steven Karpman explique les Jeux qui se jouent à l’intérieur de
nous-même où nous reproduisons le Triangle dans nos pensées secrètes.
Nous pouvons être notre propre Persécuteur en nous disant par exemple que
nous sommes un imbécile, notre propre Sauveur en nous cherchant de
bonnes raisons, des justifications et notre propre Victime en nous laissant
complaisamment aller à l’idée que nous n’y pouvons rien et que nous n’y
arriverons pas.
Lorsque nous admettons que nous nous ressemblons beaucoup, que nous
n’avons pas pu échapper à l’apprentissage précoce des Jeux
Psychologiques, il est alors plus facile de faire le choix de la bienveillance.
Nous ne pouvons que compatir lorsque nous y voyons une personne
embourbée. C’est dans cet état d’esprit que nos parades seront les plus
efficaces.
Il serait tout à fait légitime de se dire qu’en grandissant nous arrêtons de
Jouer aux Jeux du Triangle dramatique, que nous nous assagissons. Et
pourtant, il n’en est rien !

■ Pourquoi Jouons-nous encore à l’âge adulte ?


Lorsque nous adoptons un des trois rôles, nous montrons le plus souvent
des comportements dont nous n’avons pas conscience. Ces comportements
sont des stratégies primitives, comme nous l’avons vu, apprises tôt dans
l’enfance, pour nous défendre ou nous adapter à des situations complexes.
Avant de devenir des rôles, les positions de Persécuteur, de Victime et de
Sauveur sont des expériences que nous vivons dans notre petite enfance.
Chaque partie terminée déclenche généralement chez les Joueurs le
sentiment que l’un a gagné, l’autre a perdu…
Le plus souvent, dans la réalité tout le monde perd. Il s’agit bien sûr
d’une perception. Et il n’est pas rare qu’à l’issue d’un conflit, les deux
impétrants pensent chacun de leur côté avoir gagné !
Lorsque nous avons parlé des freins à la bienveillance (voir chapitre 7),
nous avons abordés nos scénarios de vie avec leurs lots de croyances et
d’illusions. Si nous abordons le problème des croyances et des illusions
sous un angle différent, nous découvrons que cela peut devenir un levier
puissant pour accéder à la bienveillance. Si, par exemple, nous avons un
sérieux différend avec une personne de notre entourage, le fait de savoir que
les Jeux que cette personne joue n’ont parfois strictement rien à voir avec
notre conflit nous aidera à appréhender la situation de façon plus sage. C’est
une approche profondément humaine du conflit.
Rappelons-nous qu’une des principales raisons pour lesquelles nous ne
cessons de jouer est de valider, au fil du temps, nos croyances et nos
illusions. Il nous est précieux de pouvoir distordre, manipuler la réalité pour
que perdure ce que nous voulons absolument croire ou voir se produire.
Un des réflexes que nous avons tous est de protéger, inconsciemment le
plus souvent, nos croyances et illusions. C’est peut-être ce qu’est en train de
faire cette personne avec vous, alors que vous êtes en plein conflit avec elle.
Une des manières de protéger ses croyances, c’est de jouer des Jeux pour
manipuler et altérer la réalité.
Gardons cet exemple un instant et ajoutons des personnages imaginaires.

Émeraude ou diamant pour la Saint-Valentin ?


C’est la Saint-Valentin, alors Bruno invite sa bien-aimée, Sarah, dans un beau restaurant.
Il lui tend une boîte à l’heure du dessert avec un sourire amoureux. Elle l’ouvre. Dans
l’écrin, une émeraude de belle taille sertie sur un sautoir du meilleur goût. Seulement
voilà, elle déteste le vert, il le sait… mais là, c’est bête, il a oublié. Le Jeu peut
commencer.
Elle fait des « oh » et des « ah » pour le remercier, agrémentés de quelques « tu es fou, il
ne fallait pas, c’est trop ! ». Bruno lance alors son hameçon : « Tu es sûre qu’elle te
plaît ? ». Sarah répond que « bien sûr ». Il resserre sa ligne avec : « Parce je croyais que
tu n’aimais pas le vert. »
Elle insiste : « Oui mais là, c’est pas pareil ».
La réponse commence à faire résonner un peu d’embarras de sa part. C’est vrai, qu’elle
n’aime pas le vert. L’émeraude, ce n’est pas son truc. Tant qu’à faire, un diamant aurait
été mieux, mais comment le dire dans un moment pareil… ? Tout est en place pour que
le Jeu monte d’un cran.
Il lâche : « Parce que tu sais, on peut la changer si tu veux. »
Agacée, elle ne peut s’empêcher de grogner : « Mais puisque je te dis qu’elle me
plaît ! »
Voici le bon moment pour un coup de théâtre. Bruno, qui a entretenu une escalade dans
l’émotion, peut maintenant se positionner clairement en Victime : « Oh la la, ça c’est
tout moi, chuis bête, j’aurais dû m’en souvenir. Rends-la moi, nous irons la changer dès
demain chez le bijoutier. »
De Victime de l’erreur de choix de Bruno, Sarah va passer au rôle de Persécuteur. Elle
aboie : « M’enfin tu m’agaces. Comment faut-il que je te le dise. Passons à autre chose,
c’est énervant, là ! »
Maintenant il pourra bouder un peu. Elle va se sentir un peu mal. La soirée est gâchée.

Bruno repart avec son bénéfice final. Mais lequel ? Sarah ne le sait pas
mais cette scène est une démarche inconsciente de Bruno pour valider une
croyance de son enfance dont il ne parvient pas à se débarrasser. C’est vrai
qu’il est difficile pour elle de faire preuve de bienveillance sans connaître
cette information.
Donnons-nous la peine d’aller fouiller dans l’enfance de Bruno pour
comprendre ce qu’il a cherché à valider en créant inconsciemment cet
incident.
Mamans menteuses
Enfant, la maman de Bruno, qui était une femme joyeuse, rêveuse et enthousiaste, lui
promettait tout un tas de choses merveilleuses, comme de l’emmener dimanche au zoo
pour aller voir les ours, ou de regarder un film avec elle ce soir, ou encore de lui faire le
gratin de macaroni qu’il adore… Promis, croix de bois, croix de fer ! Mais à chaque fois,
dimanche arrivait et le zoo n’était plus possible, ce soir,
elle a du travail, alors le film une autre fois, les macaronis, elle a oublié d’en acheter…
Jour après jour, semaine après semaine, puis de mois en mois, le petit Bruno comprend
que maman ne dit pas toujours la vérité, elle ne tient pas toujours ses promesses. Après
lui avoir trouvé des excuses, le petit garçon n’en trouve plus. Il est saisi par une angoisse
terrible… « Ma maman est une menteuse ! »
Comment un petit garçon peut-il survivre si sa maman est une menteuse. Comment
avoir confiance ?
Une solution inconsciente se présente, une décision dit-on en Analyse Transactionnelle.
Le petit Bruno va, pour se défendre, décider qu’il ne sera pas une Victime solitaire. Il va
éviter de persécuter sa maman… il va alors décider de persécuter toutes les mamans
(donc sans doute la plupart des femmes) et décider ceci : « Les femmes (surtout les
mamans) sont des menteuses ! Tous les enfants sont Victimes des mensonges des
mamans… » et toc !
Ainsi est-il moins seul. Il ne lui reste plus qu’à éviter de faire confiance aux femmes le
restant de sa vie et il sera à l’abri. Plus cette croyance est arrivée tôt, plus il sera difficile
de la déloger à l’âge adulte.

Quels sont les liens avec le Jeu du Triangle ?


Le premier est lié à ce qui déclenche cette terrible décision (croyance) : le
petit garçon va persécuter toutes les femmes pour ne pas être leur Victime.
Le deuxième est que, pour valider cette croyance, le petit garçon devenu
grand va jouer au Triangle Dramatique avec un maximum de monde pour
l’entretenir et sauver l’enfant qu’il était. Comment ?
Commençons par le plus simple : Chaque jour, il lui faudra traquer les
signes de mensonges, duperies visibles et les souligner auprès de son
environnement qui n’aura plus qu’à valider d’un hochement de tête ou d’un
sourire complice.
Autre formule pratique : le café du commerce. Il suffira de lâcher, auprès
d’un auditoire rallié à la cause, des phrases du genre : Ah les femmes, elles
sont pleines de duplicité, pas vrai ? Il y aura toujours un collègue au
comptoir pour cracher : ça c’est bien vrai !
Et hop le tour est joué !
Dans le film, L’Emmerdeur, avec Jacques Brel et Lino Ventura, le grand
Jacques, ici dans le rôle du cocu, fait la conversation à Lino, plus ténébreux
que jamais et lui dit au détour de la conversation : « Les hommes, c’est
comme ça les hommes (de ses mains il trace une ligne droite). Mais les
femmes, ah les femmes c’est euh, booh… » (et de ses mains il dessine une
ligne tangente).
Plus subtil, le petit Bruno devenu grand pourra jouer des Jeux de
Triangles complexes comme ce soir-là avec Sarah qui, manifestement, lui a
menti en disant que ce n’était pas grave pour l’émeraude. Elle ment comme
toutes les femmes. Même elle !
Sarah vient donc de se retrouver mêlée à une histoire qui n’a rien à voir
avec elle, une histoire que Bruno rejoue sans cesse pour valider sa croyance
sur les femmes qui mentent. Cette histoire, ce Jeu psychologique que Bruno
a initié s’appelle un Triangle Scénarique dans le modèle de Steven
Karpman. Nous parlons donc de Triangle Scénarique lorsque les Jeux joués
sont les fruits d’une vieille histoire que nous nous racontons
inconsciemment depuis l’enfance et dont nous entretenons le mythe.
Bien sûr, nous ne pouvons pas connaître les histoires des personnes qui
jouent des Jeux psychologiques avec nous. Mais nous pouvons nous
rappeler que ces Jeux sont peut-être le reflet d’un épisode de l’enfance au
cours duquel notre interlocuteur a installé en lui une croyance. Savoir que
tout ceci n’a aucun rapport direct avec nous est une façon de prendre du
recul et de convoquer la bienveillance.

Levier 2 : La solution à 10 %
Steven Karpman a également un principe simple pour relativiser et
dédramatiser les Jeux autour du Triangle : ce principe s’appelle la solution à
10 %. Il faut ici entendre le mot « solution » dans sa définition chimique,
c’est-à-dire un mélange dans lequel il y aurait 10 % d’une autre substance.
Un peu comme l’alcool dosé à 70 % ou à 90 % que l’on achète en
pharmacie.
Voici ce que dit cette règle qui comporte quatre volets.
■ Dans chacun des rôles joués, il y a au moins 10 % d’intention
positive
Nous retrouvons ici, sous une autre forme, un des trois principes utilisés
pour gérer les trois rôles. Prenons le temps d’intégrer cette règle dont nous
allons avoir grand besoin pour gérer les Jeux.
Le fait de considérer que la personne dans un rôle de Persécuteur, de
Sauveur ou de Victime a, quelque part, une intention positive, permet de la
voir sous un autre angle. Ce sera peut-être un bon début pour éviter de la
condamner trop vite. La compassion et la bienveillance ne consistent pas à
trouver des excuses aux comportements négatifs, mais bien à chercher un
point positif sur lequel nous pourrons prendre appui, le moment venu, pour
ne pas être embarqué dans une partie de Triangle.
Ainsi, un manager qui mène la vie dure à ses collaborateurs, pour qu’ils
progressent et deviennent toujours meilleurs. Bien sûr, son intention est
positive, mais son mode de management pourra être vécu comme
Persécuteur par son équipe. Les rôles de Sauveur et de Victime n’échappent
pas à cette règle et, s’il est aisé de voir chez la personne qui Joue le rôle de
Sauveur l’intention d’aider, il est parfois moins évident de voir l’intention
positive de la Victime, et pourtant…
Apprenons, avec cet aspect de la solution à 10 %, à accorder un crédit
d’intention à l’autre, plutôt que de lui faire un procès d’intention, certes très
tentant dans ce genre de situation.

■ Dans chacune des idées émises depuis un rôle, il y a au moins 10 %


de vérité
Imaginons la scène suivante entre deux collègues de travail. L’un des deux
se plaint de l’attitude désagréable d’un client qui appelle régulièrement pour
faire des réclamations. L’autre dit alors : « Eh bien mon pauvre, je
comprends pourquoi tu as de mauvais scores de satisfaction client. Je vais
m’en occuper, va ! Moi, j’ai l’habitude avec ce genre de clients… Ne
t’inquiète pas ! »
Il est ici indiscutable que nous avons affaire à une personne qui Joue un
rôle de Sauveur en proposant (sûrement dans une bonne intention) de faire à
la place de l’autre, tout en le confortant dans son rôle de Victime. L’idée
émise ici contient une part de vérité : il est difficile d’avoir de bons scores
de satisfaction client. C’est une compétence à apprendre et à développer
que de traiter les réclamations.
Pour chacun des rôles, nous avons l’opportunité de nous interroger sur la
part de vérité que veut exprimer celle ou celui qui joue le rôle. Lorsque les
parents grondent leurs enfants parce qu’ils ne travaillent pas assez, il y a au
moins 10 % de vérité dans l’idée qu’une certaine dose de rigueur est
nécessaire pour réussir ses études et se préparer une bonne situation.

■ Il y a au moins 10 % de la population qui aurait agi de la même


manière
Il s’agit ici d’attirer notre attention sur le fait que les rôles sont des
partitions tellement bien écrites que nous sommes nombreux à nous laisser
piéger. Avec cette partie de la règle de Steven Karpman, nous trouverons
une bonne raison de considérer l’adoption d’un rôle comme une des
faiblesses humaines, ce qui, pour certains d’entre nous, suffira pour faire
preuve de bienveillance et de compassion.
Nous faisons le pari que, parmi vous, chers lecteurs, certains se seront
reconnus ou se reconnaîtront dans les exemples qui nous servent à illustrer
cet ouvrage.

■ Lorsque nous sommes dans un rôle, au moins 10 % de ce que nous


disons est faux
Voilà un aspect de la solution à 10 % qui permet de pondérer ce que nous
venons d’écrire plus haut. Si j’entends une personne dans le rôle de
Persécuteur me dire des choses effrayantes comme : « Je te préviens, si tu
continues à te conduire de la sorte, tu vas te mettre tout le monde à dos ! »,
je peux déjà appliquer les trois premiers volets de la solution à 10 % et me
dire que son intention est positive, qu’il y a une part de vérité et qu’au
moins 10 % de mon entourage aurait pu me dire la même chose. Je peux
aussi me dire que 10 % au moins de cette menace est fausse, par définition,
puisque l’attaque est assortie d’un magnifique SALMEC Cent pour cent !
Levier 3 : Décrypter les intentions
positives derrière les trois rôles
Lorsque nous décidons de faire le choix de la bienveillance, nous sommes
prêts à reconnaître la personne qui se cache derrière les rôles. Nous avons
vu précédemment qu’une des clés de voûte était de prendre en considération
l’intention positive de la personne plutôt que de se focaliser sur le rôle lui-
même. Dans les ateliers qu’il continue à animer, Steven Karpman présente
autant le Triangle Dramatique que son second triangle qu’il appelle Triangle
Compassionnel. Il le représente avec les trois mêmes lettres, P, S et V,
assorties du signe + juste à côté. C’est une façon astucieuse et simple de
symboliser ce principe d’intention positive sur lequel nous vous suggérons
de vous appuyer pour construire vos réponses.

■ Premières parades face aux rôles


Voici un protocole dont vous allez pouvoir vous emparer pour commencer à
vous entraîner à exécuter des parades lorsque vous serez sollicité par un
joueur. Nous parlons ici de protocole car il y aura deux gestes
incontournables à effectuer pour chaque rôle. Nous avons testé maintes fois
ces deux gestes et nous avons déjà fait l’amer constat que négliger un des
deux revient à bâcler le travail et à diviser l’efficacité de la méthode par
deux, sinon davantage. À vouloir prendre des raccourcis, on finit par
batailler encore plus et, vous le savez, notre autonomie avant de commettre
une erreur, à savoir perdre son sang-froid, est limitée.
Pour chacun des trois rôles, nous allons d’abord acter l’intention positive
probable derrière le rôle afin de pouvoir faire ce que nous avons appelé un
crédit d’intention à notre interlocuteur. Ceci est un des secrets de réussite
les plus importants. En effet, ce qui suivra sera intimement lié à la
perception positive que nous parvenons à conserver de l’autre et de la
situation.
Nous parlerons ensuite de la posture interne que nous devons adopter
pour être crédible et audible dans notre réponse. Pour cela nous
emprunterons à Steven Karpman le concept selon lequel la meilleure des
réponses aux trois rôles se trouve dans la version positive de ces mêmes
trois rôles. Si le P majuscule du Triangle Dramatique décrit le rôle de
Persécuteur, il existe une posture positive appelée P+ tout aussi puissante
que le rôle de Persécuteur est violent. De même le rôle de Sauveur
symbolisé par la lettre S, possède son équivalent positive S+, beaucoup plus
aidant et constructif que le rôle associé. Et bien sûr, à l’opposé du V de
Victime apparaît un V+ dont le principal atout est de faire de nos points de
vulnérabilité des forces utiles.
Enfin, une fois installé dans le crédit d’intention et la bonne posture
positive, vous serez prêt à tenter votre chance en suivant le protocole conçu
autour de deux étapes pour chaque rôle et répondant à une logique.

■ Rôle de Persécuteur et parade associée

L’intention positive possible derrière le rôle : parler d’un sujet


important
Dans de nombreux cas, les personnes qui rentrent dans le Triangle
Dramatique par le rôle de Persécuteur veulent dire quelque chose qu’elles
considèrent comme très important. Elles sont alors tendues et tiennent à être
entendues. Elles souhaitent revendiquer leur point de vue et se laisse aller à
la colère et à l’attaque. Certes, leur attitude est maladroite mais ce qu’elles
ont à dire compte.

Posture P+ à adopter
Afin de vous préparer à répondre, nous vous recommandons de prendre
un temps pour investir la posture P+ dans laquelle vous trouverez la juste
dynamique pour faire face au rôle de Persécuteur. Comme moyen
mnémotechnique pour se représenter ce dont il s’agit, nous allons garder
l’initiale P majuscule pour y associer trois mots porteurs d’énergie P+
positive.
• Adopter une Position stable et claire. Entendez ici prendre une
position au sens propre comme au sens figuré ! S’ancrer
fermement au sol ou se redresser sur son fauteuil est une bonne
façon, via le corps, de programmer l’esprit à se tenir droit. Ainsi,
votre position sur la situation gagnera en résonance.
• Faire preuve de Présence. Faites-vous entendre sans monter le ton,
mais avec des mots simples, des phrases courtes et un visage
concentré. Faire preuve de présence, ce n’est pas gesticuler,
s’avancer ou se manifester bruyamment, mais être là, exprimer
avec sérénité son propos.
• Se préparer à faire un Pacte. La posture P+ est le siège des
contrats, des accords sains et des pactes de non-agression. C’est
une excellente posture pour définir les règles du jeu, ce qui est
acceptable et ce qui ne l’est pas. À nous d’être au clair sur ce
point.

Parade contre le rôle de Persécuteur


Protocole en deux gestes
1. Accepter la discussion.
2. Poser les conditions.

Premier geste : accepter la discussion


Nous devons ici encore faire preuve de lucidité et apprendre à distinguer
le sujet que souhaite évoquer notre interlocuteur, tout en lâchant prise sur
les comportements désagréables généralement associés au rôle de
Persécuteur.
Par exemple, Baptiste, votre collègue de travail, vous dit sur un ton très
agacé : « Ce n’est pas en bavardant pendant des heures que l’on va trouver
une solution ! » Dans le feu de l’action, ce n’est pas évident de séparer le
rôle de l’intention positive car de nombreux paramètres pourraient avoir un
impact négatif sur votre lucidité, comme l’effet de surprise ou votre état
émotionnel du moment. Pourtant, avec un peu d’entraînement, nous
adoptons assez vite le réflexe de se dire qu’il y a probablement, chez
Baptiste, cette intention de parler d’un sujet important.
Pour développer ce réflexe, une bonne idée est de s’entraîner d’abord
avec la communication écrite dans laquelle nous avons la possibilité de
prendre le temps de répondre. Progressivement, nous serons en mesure de
discerner dans un temps très court que ce collègue semble vouloir donner
son idée sur la façon de trouver une solution à la situation. Il a peut-être
déjà son idée sur la meilleure méthode. Et, au lieu de dire avec calme : « Je
pense pouvoir vous proposer une méthode de travail pour trouver une
solution. Est-ce que c’est un bon moment pour vous l’exposer ? », il rentre
dans le Triangle Dramatique en adoptant le rôle de Persécuteur. Sa sortie
ressemble davantage à une attaque envers les autres. Avec un peu de recul,
nous allons habituer notre cerveau à traduire cette attaque de la façon
suivante : « OK, Baptiste est très tendu et sa remarque est maladroite. Il
veut peut-être nous proposer quelque chose ».
Lorsque nous parvenons à ce résultat, il est alors plus facile de réaliser le
premier geste de la parade et d’accepter non pas l’attaque car elle n’est pas
acceptable, mais de discuter du sujet qu’évoque Baptiste. Tout ce processus
mental peut paraître long lorsqu’il est décrit de cette façon et c’est le cas
lorsque nous débutons l’entraînement. Avec l’expérience, nous réduisons
singulièrement ce temps et nous finissons par toucher du doigt cette
sensation étrange que, même à la vitesse normale d’une conversation, nous
avons assez de temps pour activer cette mécanique. C’est l’effet Néo de
Matrix qui commence à se manifester !
Fort de ce super pouvoir de distorsion du temps, nous sommes
maintenant en mesure d’éviter une réaction trop immédiate et de répondre
calmement, sans ironie, sans condescendance, quelque chose qui pourrait
ressemble à : « Baptiste, il y a un point sur lequel je suis d’accord avec toi.
Nous devons trouver une solution. Je veux que nous parlions de ça. »
Nous faisons l’hypothèse qu’il sera plus difficile pour Baptiste de revenir
à la charge avec une autre attaque car nous venons de viser son intention
supposée. Nous sommes donc au bon endroit pour commencer à
désamorcer une montée en tension vers un cran supérieur. Nous utilisons ici
le principal ressort psychologique qui est en jeu dans la mécanique du rôle
Persécuteur, à savoir être entendu. Ce faisant, nous remettons la balle en jeu
sans commettre de faute. C’est également une très bonne façon de vérifier si
l’intention était réellement positive. Si tel est le cas, Baptiste devrait se
sentir soulagé que son sujet soit pris en compte. Dans le chapitre 9, nous
verrons quoi faire lorsque l’intention derrière le rôle n’est pas positive, car
c’est un cas de figure possible.

Deuxième geste : poser les conditions


Le second geste de la parade consiste à poser les conditions pour une
discussion sereine. Baptiste n’a pas besoin d’attaquer les autres pour faire
entendre son point de vue. La conversation peut rester courtoise et
respectueuse pour que les différents acteurs se sentent en confiance. La
posture P+ en chacun de nous est très utile pour reposer un cadre relationnel
acceptable. La fermeté de notre position réside dans le principe qu’il n’est
possible de continuer la discussion en étant attaqué. D’où l’idée d’accepter
d’abord le sujet avant de se montrer déterminé sur les règles du jeu de la
relation.
Nous ne sommes pas tous à l’aise avec la posture P+. Certains trouvent
naturellement le ton juste tandis que d’autres tergiversent, hésitent, manque
d’assurance. Ne nous décourageons pas. Avec la pratique nous parviendrons
à nous ajuster en ayant probablement connu quelques échecs ! Un ton trop
professoral ou moralisateur ne convient pas, bien entendu. Il est même
fortement déconseillé au risque de produire une aggravation de la situation.
La posture P+ se travaille au fil du temps et nous finissons par trouver le
juste mélange entre fermeté, sérénité et force tranquille. Baptiste recevra
alors une formule équilibrée du genre : « Je suis prêt à écouter tes
suggestions. Se parler fait partie du processus de résolution de problème.
Quelle est la méthode que tu nous conseilles ? »
Et si nous remettons le tout ensemble, cela pourrait donner
Baptiste (rôle Persécuteur) : Ce n’est pas en bavardant pendant des heures que l’on va
trouver une solution !
Réponse (P+) : Baptiste, il y a un point sur lequel je suis d’accord avec toi. Nous devons
trouver une solution. Je veux que nous parlions de ça. Je suis prêt à écouter tes
suggestions. Se parler fait partie du processus de résolution de problème. Quelle est la
méthode que tu nous conseilles ?

■ Rôle de Sauveur et parade associée

L’intention positive possible derrière le rôle : apporter son aide,


se rendre utile
Dans de nombreux cas, les personnes qui rentrent dans le Triangle
Dramatique par le rôle de Sauveur veulent sincèrement aider les autres et se
rendre utile. Elles sont, pour la plupart, animées par le désir inconscient
d’être remerciées pour tout ce qu’elles font. La maladresse est, ici, liée au
côté infantilisant de la démarche. En fonction de notre sensibilité au rôle de
Sauveur, nous pourrions très rapidement nous laisser agacer par une
personne qui vole à notre secours sans que nous ayons demander quoi que
ce soit. Difficile dans ces conditions de trouver une réponse adaptée à la
situation.

Posture S+ à adopter
De la même manière que la posture P+ permet de se positionner face au
rôle de Persécuteur, la posture S+ est un état d’esprit que nous devons
adopter pour faire face au rôle de Sauveur. Être conscient que l’intention est
probablement positive est une aide précieuse pour aborder le problème. Il
s’agit surtout de savoir utiliser le principal ressort psychologique du
mécanisme du rôle de Sauveur : le désir d’être remercié. Une bonne façon
d’accéder à ce levier est de s’appuyer sur des mots commençant par la lettre
S comme Sauveur, mais dans leur version positive.
• Reconnaître le Soutien proposé. Dans la majorité des cas, derrière
le rôle de Sauveur, il y a une offre de Soutien sincère. Cette offre
est peut-être un peu excessive ou intrusive, mais nous pourrions
déjà commencer par faire le tri de ce qui est utile pour nous ou
non dans la proposition.
• Utiliser l’offre comme Support. L’aide offerte par les personnes
qui jouent le rôle de Sauveur, si elle demande à être recadrée, est
peut-être un bon point d’appui pour une coopération constructive.
Si un collègue de travail nous dit : « Laisse, je vais m’en occuper
pour toi ! », nous pouvons peut-être rediriger cette énergie vers
une autre forme d’aide. Le rôle joué devient alors le Support
d’une alliance négociée et dans laquelle chacun est à son aise.
• Demander un Service. Puisque nous partons du principe que
l’autre est déjà dans l’intention positive de nous aider, c’est
probablement un bon moment pour lui faire une contre-offre !
Après tout, si nous ne voulons pas être Sauvés, nous avons peut-
être un besoin que notre interlocuteur ignore. À nous de le guider
sur la meilleure façon de nous aider. C’est le moment de lui
demander un Service.

Parade contre le rôle de Sauveur protocole en deux gestes


1. Remercier pour l’aide proposée.
2. Négocier le soutien attendu.

Premier geste : remercier pour l’aide proposée


Lors d’une réunion de travail, imaginez que vous soyez en train de tenter
de défendre une idée qui semble ne pas être comprise par vos interlocuteurs.
Vous entendez quelques objections et ressentez de la résistance. Tout à
coup, pour vous rendre service, Karine, une de vos collègues vole à votre
secours, prend la parole et dit aux objecteurs : « Ce que mon collègue essaie
de vous expliquer c’est que bla bla bla. » Puis elle se lance dans une
reformulation de votre propos, ni mieux, ni moins bien que vous l’avez fait.
Et pourtant, les mêmes qui objectaient deux minutes plus tôt semblent
adhérer à ce que dit votre collègue, ajoutant au passage cette formule
sidérante : « Ah oui, expliqué comme ça c’est plus clair ! »
Dans ce grand classique du rôle de Sauveur, vous serez peut-être partagé
entre la colère d’être celui qui ne s’en serait pas sorti sans sa collègue et la
satisfaction que vos interlocuteurs aient compris le propos. Et si vous en
avez besoin, vous aurez alors envie de discuter de ce qui s’est passé avec
Karine. Encore faudra-t-il évacuer la colère d’avoir été sauvé d’une façon
aussi maladroite car la phrase prononcée est un hameçon puissant pour
celles et ceux parmi nous qui supportent mal les interventions depuis le rôle
de Sauveur. C’est le moment de se rappeler qu’il y a ici deux options
possibles. Soit cette collègue voulait délibérément vous faire passer pour un
incapable aux yeux des autres, auquel cas le traitement de la situation sera
différent du protocole en deux gestes que nous vous proposons. Nous
verrons cela un peu plus tard.
L’autre option possible est que Karine voulait sincèrement vous venir en
aide et appuyer votre discours sans se rendre compte qu’en faisant cela elle
envoyait le message que vous n’arrivez pas à vous en sortir seul. Le verbe
essayer dans la formule utilisée est d’ailleurs assez dévastateur sur ce
point ! Cette collègue a probablement une tendance naturelle à rentrer dans
le Triangle par le rôle de Sauveur. Fort de cette hypothèse, nous pouvons lui
reconnaître que cela doit être difficile d’assister à une conversation dans
laquelle elle vous voit en difficulté, sans brûler d’envie d’intervenir. Cet
interventionnisme est également observable de façon très fréquente chez les
parents qui répondent à la place de leurs jeunes enfants lorsqu’une question
leur est posée. L’enfant met parfois un peu de temps à répondre à l’adulte
parce qu’il est intimidé, alors les parents sauvent l’enfant en répondant à sa
place ! Et peut-être se sauvent-ils eux-mêmes aussi de l’embarras qu’ils
redoutent si l’enfant ne sait pas répondre.
Mais revenons à cette régulation que nous avons à envisager avec cette
collègue zélée. La recommandation ici serait d’attendre d’être dans de
bonnes dispositions et de choisir un moment approprié pour en parler.
Rejoindre la posture S+ est un incontournable. Ce qui signifie que nous
avons intégré l’idée que Karine voulait nous soutenir, nous montrer qu’elle
était un support utile dans cette réunion et qu’elle est probablement
persuadée de nous avoir rendu service en intervenant de la sorte. Ce niveau
de lucidité sera très aidant pour aller chercher au fond de nous un
remerciement sincère.
Inutile ici de vous proposer des phrases de remerciement toute faite.
Chacun trouvera ses propres mots, et ils sonneront justes s’ils viennent de la
posture S+. Pour donner un exemple de ce premier geste nous pourrions
imaginer une approche sobre avec : « Karine, je tenais à te remercier pour
ton soutien lors de notre dernière réunion. » Au risque de nous répéter, ces
mots n’auront une portée positive que s’ils sont prononcés avec la sincérité
du cœur. Ce n’est pas la Karine qui intervient maladroitement que nous
remercions mais la Karine qui avait pour intention d’apporter son aide. La
nuance a toute son importance.

Deuxième geste : négocier le soutien attendu


Une fois remerciée, Karine devrait être plus à même d’accepter la
négociation qui va suivre. Ne pas faire cette négociation reviendrait à lui
donner des raisons de se conforter dans son rôle de Sauveur. Ce deuxième
geste de la parade consiste donc à rediriger l’énergie de Karine, sa
disposition naturelle à vouloir aider les autres, vers une forme de soutien
qui vous conviendrait le mieux dans cette situation. Cela signifie que vous
êtes au clair sur ce dont vous auriez besoin dans une situation comme celle
que vous avez vécue en réunion, avec des contradicteurs qui émettent des
objections.
Si vous deviez revivre une telle situation avec Karine à vos côtés, que
pourriez-vous lui demander de faire qui soit aidant pour vous ? Nous
n’avons pas tous les mêmes besoins, il n’y a donc pas de formule idéale. Ou
plutôt si, la formule idéale correspond à ce que vous allez proposer à Karine
et qui coïncide à ce que vous estimez utile pour vous. Rappelons-nous que
les personnes qui ont cette tendance à jouer le rôle de Sauveur ont un besoin
de reconnaissance important. Non seulement elles veulent plus ou moins
consciemment être remerciées, mais aussi se sentir utiles. C’est la raison
pour laquelle, les envoyer balader est contre-productif par rapport au fait de
recalibrer la forme d’aide qu’elles peuvent nous apporter.
Dans le genre de situation que nous avons choisie comme exemple, il
s’agit d’un exercice professionnel délicat. Faire un bon duo avec un ou une
collègue de travail lors d’une réunion n’est pas évident et demande une
coordination importante. Soit pour éviter de se contredire sans le faire
exprès, soit pour éviter de se décrédibiliser par des Sauvetages intempestifs.
Lorsque nous, les auteurs de ce livre, co-animons une formation ou une
conférence, nous avons en amont étudié une stratégie de soutien réciproque
visible et sécurisante que nous mettons en pratique depuis dix-huit ans. Cela
n’empêche pas quelques petits réglages de temps à autre, mais le plus
important est que nous évitions de générer de l’embarras pour l’un comme
pour l’autre.
C’est de cela qu’il s’agit lorsque nous parlons de négocier avec Karine
l’aide attendue : prendre le temps de mettre en place une vraie stratégie de
duettiste pour les prochaines réunions. Si, par exemple, votre confort réside
dans le fait de gérer seul les objections qui vous sont renvoyées, il est
important que votre collègue le sache. Vous pourriez aussi convenir d’un
signal secret qui signifie : « j’ai besoin d’aide maintenant ». Et, pourquoi
pas décider également que les formules comme : « ce que mon collègue
essaie de vous expliquer… » sont à bannir ! Soyons donc prêts à faire une
contre-proposition à Karine et lui dire quelque chose comme : « J’ai besoin
que nous mettions au point une stratégie pour nos réunions clients.
Lorsqu’ils étaient en train d’objecter, j’avais encore un ou deux arguments
à proposer avant que tu n’interviennes. »

Plaçons maintenant les deux gestes de la parade


à la suite l’un de l’autre
Karine (rôle Sauveur) : « Ce que mon collègue essaie de vous expliquer… »
Quelques heures plus tard, devant une tasse de café chaud.
Réponse (S+) : Karine, je tenais à te remercier pour ton soutien lors de notre dernière
réunion. J’ai besoin que nous mettions au point une stratégie pour nos réunions clients.
Lorsqu’ils étaient en train d’objecter, j’avais encore un ou deux arguments à proposer
avant que tu n’interviennes. As-tu une heure ou deux cette semaine dans ton agenda ?

■ Rôle de Victime et parade associée

L’intention positive possible derrière le rôle : exprimer des difficultés


Dans de nombreux cas, les personnes qui rentrent dans le Triangle
Dramatique par le rôle de Victime éprouvent d’authentiques difficultés. Le
problème, ici, c’est qu’elles expriment leurs difficultés en se plaignant plus
qu’en demandant de l’aide. Leur besoin n’est pas formulé clairement, d’où
la difficulté pour leur entourage de se positionner. En jouant le rôle de
Victime, une personne cherche, plus ou moins consciemment à attirer sur
elle la sympathie des autres. Or, ce qu’elle récolte le plus souvent, ce sont
deux choses bien différentes que la sympathie escomptée. Soit elles attirent
des personnes qui n’attendent que ça pour se poser en Sauveur et nous
savons alors qu’une relation étrange va commencer, basée sur un jeu de
dupe : « Je ne suis rien sans toi », d’un côté, et « Heureusement que je suis
là » de l’autre. Soit elles se font malmener par des personnes qui en
profitent pour les Persécuter et qui justifient leur violence par une
intolérance chronique aux jérémiades. Ce Jeu-là n’est pas plus enviable que
le précédent : « Hein, pas vrai que je suis nul ? », d’un côté, et « Arrête de
te lamenter espèce de feignant ! ».
Afin d’éviter ces deux Jeux malsains, nous vous encourageons à adopter
une posture V+ dès que vous identifiez le rôle de Victime.

Posture V+ à adopter
Lorsque nous investissons la posture V+, nous entrons dans un état
d’esprit plus empathique et nous sommes prêts à admettre que nous sommes
tous susceptibles de traverser un moment difficile sans trouver l’énergie de
demander de l’aide. Se plaindre au lieu de demander est un comportement
régressif souvent observé chez les enfants : « Papa ! J’y arrive pas ! » n’est
pas une demande mais une plainte (cela fonctionne avec Maman aussi !).
Pourtant, Papa accourt et résout le problème sans attendre qu’une demande
d’aide soit formulée. C’est un raccourci qui semble efficace sur l’instant.
Pourtant, prendre quelques secondes de plus pour aider l’enfant à
transformer sa plainte en un besoin serait un bon apprentissage. À défaut,
cet enfant devenu adulte retournera parfois dans cette vielle habitude qui
consiste à se plaindre au lieu de demander. Conscients de ces mécanismes
sous-jacents, nous recommandons de s’appuyer sur des mots positifs en V
pour rentrer dans la posture V+.
• Comprendre la Vulnérabilité. Nous sommes des êtres humains
avec nos forces et nos points de vulnérabilité. Lorsque l’autre en
face de nous se plaint, s’auto-apitoie sur lui-même ou se
dévalorise, nous sommes les premiers à vous dire que cela est très
désagréable. Se rappeler que nous avons sûrement eu, nous aussi,
nos moments de Victimisation, permet d’esquiver le rôle de
Victime et le cortège de comportements qui vont avec : le visage
défait, les épaules tombantes, le ton plaintif et tous les autres
signaux non verbaux qui agissent comme de multiples hameçons
en attente du poisson qui mordra dedans.
• S’appuyer sur la Volonté. Derrière le V de victime et l’apparent
défaitisme qui s’en dégage, soyons convaincus qu’il y a
certainement une part de Volonté de s’en sortir. Derrière le
« Papa, j’y arrive pas ! » il y a cet enfant qui veut attraper un jeu
de société sur une étagère trop haute. Il y a une telle volonté chez
lui de s’amuser avec son jeu qu’il se retrouve sur la pointe des
pieds, le bras tendu, essayant de toutes ses forces. Il lui suffirait
d’utiliser un peu de cette énergie pour formuler une demande
claire : « Papa, est-ce que tu peux m’aider s’il te plaît pour
prendre ce jeu ? » Se mettre en V+, c’est donc être confiant sur
l’idée que les personnes qui jouent le rôle de Victime ont, pour la
plupart, la Volonté de demander les choses et de trouver des
solutions à leurs problèmes.
• Se focaliser sur une Vision positive. Ceci est une gymnastique de
l’esprit. Encore une ! Une fois que nous avons habitué notre
cerveau à sublimer les lamentations des personnes qui jouent
Victime dans une version positive, nous tenons là une porte
d’entrée dans la posture V+. Notre collaborateur nous dit qu’il est
nul en informatique ? Tant mieux, il ne peut faire que des
progrès ! Notre associé nous dit qu’il en a assez de tout ? Tant
mieux, il était temps qu’il fasse un break pour s’occuper de lui !
Notre client nous dit qu’il n’arrivera jamais à utiliser le produit
que nous lui vendons ? Tant mieux, nous allons pouvoir passer
plus de temps avec lui pour lui apprendre et ainsi le fidéliser !
Bref, vous avez compris le principe. Entraînez-vous à voir le bon
côté des choses. Même s’il faut parfois se creuser la tête pour y
parvenir, le résultat est visible sur notre attitude. C’est une
composante de la posture V+.

Parade contre le rôle de Victime


Protocole en deux gestes
1. Valoriser l’expression des difficultés.
2. Identifier la nature du besoin.

Premier geste : valoriser l’expression des difficultés


Le premier des deux gestes que nous utilisons pour la parade face au rôle
de Victime consiste à mettre en valeur la personne qui ose parler de ses
difficultés. Le geste est élégant car nous décidons d’ignorer les complaintes
et de féliciter la personne pour ce qu’elle exprime. Lorsque nous animons
une formation, ce scénario se produit assez régulièrement. Prenons
l’exemple de Daniel qui est très concentré depuis le début de la session
mais qui vient de décrocher à cause d’un texto important auquel il a voulu
répondre. Après cet échange de messages, il est contrarié et n’arrive plus
vraiment à se concentrer. Il essaie de rattraper le train en marche, mais
quelque chose lui a échappé et il n’arrive plus à suivre le déroulé
pédagogique. Au bout de trente minutes, il a accumulé beaucoup de
frustration et nous interpelle en soupirant depuis le rôle de Victime : « Heu !
Là moi je suis paumé. Je ne comprends plus rien. Je ne vois pas le rapport
avec ce qu’on a vu ce matin ! »
Si nous ne sommes pas suffisamment vigilants et lucides, nous pourrions
laisser cette sortie nous atteindre directement à plusieurs endroits avec pour
conséquence directe de mordre à cet hameçon car reconnaissons qu’il y a
chez Daniel une part de mauvaise foi non négligeable. Après tout c’est lui
qui a choisi de traiter ses messages sans attendre la pause. Un formateur
pourrait être tenté de s’agacer et de faire une réponse sèche en sous-
entendant que ce serait mieux d’éteindre son portable pendant la formation
pour éviter d’être « paumé » ! Autrement dit une entrée dans le Triangle en
mode Persécuteur. Ou bien, rentrer en mode Sauveur et reprendre toute
l’explication sans même savoir où Daniel s’est arrêté et de quoi il a besoin.
Enfin, se sentir Victime de cette remarque et laisser le doute s’installer dans
sa pédagogie au point de s’excuser de ne pas avoir été clair !
Pour éviter ces trois pièges, nous recommandons de conditionner un autre
réflexe : celui de commencer par féliciter Daniel pour avoir dit qu’il était
perdu. Là encore, comme pour chacune des parades que nous vous
proposons, notre formulation ne saurait souffrir la moindre ironie. Elle doit
respirer l’authenticité et venir de notre posture V+ consciente et entraînée.
Daniel pourrait alors entendre quelque chose comme : « Merci Daniel de
l’exprimer. Parfois, nos participants n’osent pas nous dire tout de suite
lorsqu’ils décrochent. Bravo pour ça. » Avec un signal aussi positif, Daniel
est peut-être maintenant dans de meilleures dispositions pour accueillir le
second geste de la parade Victime.

Deuxième geste : identifier la nature du besoin


Pour exécuter correctement le second geste de la parade nous devons
garder en tête qu’une personne qui joue le rôle de Victime n’exprime pas
clairement ses besoins qu’elle confond avec l’expression de ses plaintes. Le
problème qu’elle évoque masque la demande qu’elle pourrait faire. Une
bonne pratique consiste à lui poser une première question pour orienter la
conversation sur l’expression d’un besoin. Si nous poursuivons avec
l’exemple de Daniel, cela pourrait être une demande claire comme : «
Pierre, Jérôme, j’ai décroché après le débriefing de l’exercice. Pouvez-vous
reprendre au moment où vous avez expliqué le concept d’Organisation
Résonante ? » (un concept fort intéressant au demeurant, mais ceci fera
l’objet d’un autre ouvrage !)
Voici donc ce que nous allons faire avec ce second geste : donner
l’opportunité à notre interlocuteur d’exprimer son besoin. Cette
identification du besoin est très utile pour vérifier avec l’autre si sa
demande est de notre ressort ou non. Ceci nous évitera de plonger dans le
rôle de Sauveur sans savoir réellement ce que veut notre interlocuteur. Ceci
est une pratique assez facile à intégrer dans la vie de tous les jours. Elle
demande bien sûr un peu d’entraînement mais représente un moyen efficace
de repositionner la relation sur un mode adulte. Cette habitude peut être
donnée très tôt à nos enfants. « Maman, je ne comprends pas l’exercice de
maths » devient alors « Est-ce que tu peux m’aider à comprendre l’énoncé
de mon exercice de maths s’il te plaît ? ». Cette transformation est possible
parce que Maman a appris à ne pas se précipiter pour aider sans savoir où
est le besoin et elle a répondu à la plainte : « De quoi as-tu besoin mon
ange ? ».
Ainsi, pour Daniel, nous pourrions ajouter au premier geste la question
suivante : « À quel moment as-tu décroché ? » Si Daniel saisit la balle au
bond pour se remettre en mode V+, le formateur entendra une demande
claire et pourra cibler sa réponse sans s’être embarqué dans un Jeu
Psychologique.

Pour replacer les deux gestes de la parade l’un avec l’autre, voici
la séquence complète reconstituée
Daniel (rôle de Victime) : Heu ! Là moi, je suis paumé. Je ne comprends plus rien. Je ne
vois pas le rapport avec ce qu’on a vu ce matin ! »
Formateur (V+) : Merci Daniel de l’exprimer. Parfois, nos participants n’osent pas nous
dire tout de suite lorsqu’ils décrochent. Bravo pour ça.
À quel moment as-tu décroché ?
L’utilisation de ces trois parades décomposées en deux gestes chacune
constitue déjà une bonne base d’entraînement. Nous tenons à rappeler que
l’effet baguette magique n’existe pas dans l’art de déjouer les pièges de la
mauvaise foi et des Jeux Psychologiques. Il y a du travail pour parvenir à se
connecter instantanément aux postures positives PSV+ lorsque nous
sommes impliqués dans une conversation dans laquelle nos interlocuteurs
jouent des rôles.
Nous sommes convaincus que voir clairement ce qui se passe, la lucidité
dont nous parlons tant, est un élément fondamental de prise de recul, y
compris dans le feu de l’action. Certes, nous suggérons de commencer à
s’exercer avec des situations où l’hameçon et la réponse sont espacées dans
le temps. La communication écrite permet cette prise de recul. S’il est vrai
que nous sommes constamment sollicités par de multiples messages écrits
sur de non moins multiples réseaux et canaux de communication, aucun ne
nous oblige à répondre dans l’instant. Donc, utilisons aussi ces réseaux pour
nous entraîner à faire trois choses importantes : identifier les rôles, différer
nos réponses et utiliser les parades.
Et, rien ne remplacera un échange de vive voix et de bonne foi pour
résoudre un différend.
Si nous disons ici qu’il s’agit d’un bon début, c’est que, dans un Jeu, les
deux autres rôles sont joués en même temps que le premier par la personne.
C’est la théorie du Triangle Compassionnel, développée dans le Karpman
Process Model. Par cette approche, Steven Karpman nous dit que le rôle
joué le plus visible n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Si, par exemple, un Papa gronde sévèrement son enfant parce qu’il vient
de se faire exclure une semaine de son école, le rôle joué le plus visible est
le rôle de Persécuteur. Et nous compatissons ! Steven Karpman appelle ce
rôle, le rôle social. Mais, si une fois la crise passée, nous interviewions ce
père en colère, il nous dirait peut-être combien il se sent parfois démuni et
impuissant à éduquer correctement son enfant, montrant ainsi le rôle caché
de Victime. Probablement nous dirait-il aussi que derrière cette rude
envolée, il essayait de Sauver son enfant d’une dégringolade annoncée.
Dans ce cas, comme dans tous les autres, le rôle social (le plus visible) est
accompagné des deux autres rôles, moins visibles mais bien présents. Dans
le protocole complet de réponse aux Jeux Psychologiques, Steven Karpman
propose une approche systémique de la situation plus complexe et qui
demande de maîtriser déjà les parades fondamentales.
Comme vous l’avez compris, notre collaboration ne s’arrête pas à la co-
écriture de livres. Nous passons beaucoup de temps à former celles et ceux
qui en éprouvent le besoin à notre art de la self-défense psychologique.
Depuis quelques années déjà nous avons décidé de prendre le mot anglais
Drama au pied de la lettre. En effet, Drama en anglais signifie théâtre. Et il
est vrai qu’il existe une ribambelle de personnages à interpréter si l’on
combine les SALMEC, les CASE, les trois rôles et toutes les variantes qui
en résultent. Très tôt nous avons choisi de rassembler nos stagiaires dans un
vrai théâtre que nous utilisons comme un lieu de catharsis et de plaisir.
Jouer des rôles pour de faux, se laisser porter par le scénario écrit et
découvrir les ressorts psychologiques sous-jacents aux Jeux des Hommes.
Voilà le programme que se plaisent à suivre les personnes qui souhaitent
sortir des sentiers battus de la formation classique en salle. Incarner un
personnage, donner vie aux Jeux Psychologiques qu’il est prévu qu’il Joue
dans le scénario, et voilà que l’on finit par s’attacher au personnage en
question. Quoi de mieux pour développer de la bienveillance, du recul et
une certaine distance. Tout ceci n’est que de la comédie, le grand théâtre de
la vie !

Idées clés
Les leviers de la bienveillance
Nous Jouons tous, depuis l’enfance, et encore aujourd’hui.
La solution à 10 %, une formule pour trouver bienveillance et
compassion.
L’intention positive derrière chaque rôle, une clé pour formuler des parades efficaces et
bienveillantes :
• Rôle de Persécuteur : accepter la discussion et poser les conditions.
• Rôle de Sauveur : remercier pour l’aide et négocier le soutien attendu.
• Rôle de Victime : valoriser la vulnérabilité et identifier le besoin.
CHAPITRE 9

■ Et si les intentions sont négatives :


Fuyez !
Lorsque nous avons évoqué au chapitre 4 l’attitude à adopter face aux rôles,
nous avons évoqué le troisième principe : l’intention. Notre choix conscient
est donc de faire un crédit d’intention à notre interlocuteur plutôt que de lui
faire d’emblée un procès d’intention. Oui mais voilà, et si son intention
n’était pas si positive que cela après tout ?

Identifier les rôles de mauvaise foi


Lucidité ne signifie pas angélisme. Nous avons la responsabilité de rester en
alerte sur cette possibilité. Déjà que les bonnes intentions font souvent le lit
de maladresses en tout genre, alors que dire de ceux qui jouent des rôles
animés de mauvaises intentions ! Ne dit-on pas que l’enfer est pavé de
bonnes intentions ? Dans ce cas, comment s’appelle le lieu où habitent les
mauvaises intentions ?
Ce que nous constatons en écoutant la plupart des témoignages des
personnes qui ont eu à y faire face, c’est que la mauvaise foi y règne en
règle absolue. Il est bien rare que les mauvaises intentions soient avouées
par ceux qui jouent des rôles. Même mis devant l’évidence, ils s’en
défendront, préférant faire porter le chapeau aux autres, à leur situation, aux
circonstances, à la vie, etc. Ils trouveront des explications et soutiendront
que leurs motivations sont justes.
Voyons à quelles intentions négatives connues nous pourrions être
confrontées et comment y faire face.

■ Rôle de Persécuteur : attaquer pour blesser


Lorsqu’une personne joue le rôle de Persécuteur avec de mauvaises
intentions, son attitude consiste à critiquer les autres sans leur laisser de
droit de réponse. En général, cette personne appuie et insiste sur les points
sensibles, cherche à démontrer son pouvoir ou sa supériorité, ironise, tient
des propos dégradants et se montre excessive dans ses paroles et parfois
même violente dans ses actes. Dans ce cas-là, il est quasiment vain de tenter
d’avoir une discussion sereine. Les flèches sortent de l’arc les unes derrière
les autres et les esquiver devient très difficile. Dans les cas les moins
graves, nous avons simplement affaire à une personne très remontée qui
n’est pas prête au dialogue. Elle cherche à dire ou faire quelque chose de
blessant gratuitement.
La version la plus terrible que nous connaissons tous malheureusement
est la Persécution par le terrorisme. Nous avons vécu ces dernières années
de telles attaques inimaginables. Comment pouvons-nous trouver la force
de comprendre les motivations de ces actes terroristes abjects ? Les
nombreux reportages sur le sujet ont livré des témoignages très concordants
sur l’absurdité d’une violence gratuite. Certains les ont vécus de très près et
ont perçu la vacuité, l’absence totale d’empathie des terroristes.
La Persécution portée à ce degré d’intensité n’est heureusement pas notre
quotidien. Notre propos ici est d’alerter sur l’idée que, parfois, dans
certaines situations, la négociation n’est pas possible. Ne nous acharnons à
vouloir raisonner quelqu’un qui serait venu pour en découdre et qui aurait,
momentanément, perdu le sens des règles élémentaires de respect. Mieux
vaut laisser passer l’orage en évitant de s’exposer inutilement et attendre un
moment plus favorable pour régler le problème, si le jeu en vaut la
chandelle.

■ Rôle de Sauveur : créer un lien de dépendance


Gourou sauveur
Séverine est interviewée par un journaliste lors d’un reportage édifiant sur le pouvoir de
nuisance des mouvements sectaires. Elle s’en est sortie et son témoignage est
ahurissant : « Notre gourou avait réussi à tous nous convaincre que la fin du monde était
proche et qu’il était le seul à pouvoir nous sauver. Il allait construire un abri
antiatomique de la taille d’une ville et nous allions survivre à l’apocalypse grâce à ce
chantier titanesque. Bien sûr, il avait besoin de beaucoup d’argent pour réaliser cette
œuvre et nous lui donnions tout ce que nous avions : nos économies, nos voitures, nous
vendions nos logements pour lui donner l’argent, nos revenus pour ceux qui avaient
encore un travail, tout ! »

Les gourous des sectes sont par définition des personnes qui utilisent le
rôle de Sauveur à des fins personnelles et malsaines. Ils laissent entendre
que, sans eux, il serait difficile de s’en sortir, qu’ils sont le seul espoir et
font semblant de voler au secours de ceux qui n’ont rien demandé.
Ce mécanisme d’aliénation, sans être aussi grave, se retrouve parfois
temporairement dans certains comportements du quotidien. Par exemple,
lorsque des parents surprotègent leurs enfants, les empêchant ainsi de
grandir et de développer leur propre autonomie. Ou encore, certains patrons
qui profiteraient de la crise sanitaire et économique que nous traversons
pour se présenter comme la seule issue possible et étouffer toute tentative
de rébellion. « Estime-toi heureux que j’ai décidé de conserver ton
emploi ! Mais tu peux tenter ta chance si tu veux ! Tu es libre, je ne te
retiens pas ! »
Infect, non ?

■ Rôle de Victime : rester dans l’impasse


François : C’est facile pour vous
François accumule depuis cinq ans les échecs professionnels et n’a pas conscience qu’il
cultive une attitude, à la fois défaitiste et pessimiste. Une attitude que ses employeurs
attribuent au départ à un manque de confiance en soi, mais qu’ils finissent par considérer
comme un sérieux handicap pour un travail en équipe. François n’écoute pas les feed-
back de ses amis et de sa compagne. Tous commencent à se lasser de l’entendre
expliquer à qui veut bien l’écouter qu’il est victime, tantôt d’injustice, d’autres fois de
malveillance ou encore de malchance.
À aucun moment il ne souhaite examiner des raisons le concernant directement. Son
discours maintenant bien installé est celui du gars à qui il arrive toujours des
mésaventures et des coups du sort. Face aux conseils de ses amis, il a fini par lâcher une
phrase qui a fortement déplu : « C’est facile pour vous de donner des conseils ! Vous
avez bien de la chance d’avoir un bon travail, parce que moi… »
L’avalanche de colère qui a suivi cette sortie malheureuse est facile à imaginer, surtout
pour celles et ceux parmi ses amis qui se sont forgés leur situation avec le courage et le
travail. Depuis, seule une de ses amies, Mélanie, accepte de lui parler. Mais pour
combien de temps encore ?

Lorsque le rôle de Victime est associé à l’intention négative de rester


dans l’impasse, la personne tourne en boucle sur ce qu’elle n’arrive pas à
faire, trouve de bonnes raisons de ne pas s’en sortir, s’apitoie sur elle-même
et sur son triste sort sans se donner la peine de voir si elle peut s’appuyer
sur des éléments positifs.

Que faire lorsque les intentions sont négatives ?


Les protocoles de gestion des rôles que nous avons étudiés restent valables
dans ce genre de situation à la nuance près qu’ils vont nous servir à vérifier
l’intention derrière le rôle. Nous avons constaté que, lorsque l’intention
derrière le rôle est positive, il suffit d’appliquer les parades en deux gestes
et la personne revient à une communication plus constructive très
rapidement. Nous conseillons d’appliquer le protocole une première fois et
de reprendre une conversation normale si le joueur lâche le rôle. En cas de
récidive immédiate, nous donnons une seconde chance à la relation en
appliquant une deuxième fois le protocole. Si après cela le joueur continue à
jouer, nous pouvons raisonnablement avoir un doute sur ses intentions. Les
parades n’auront alors pas d’effet car elles sont étudiées pour neutraliser les
rôles derrière lesquels se cachent des personnes animées de bonnes
intentions. Ainsi, après deux tentatives, nous devons changer de stratégie et
abandonner l’idée d’avoir une conversation constructive, en tout cas pour
aujourd’hui.
Voici trois options possibles que vous pouvez utiliser de façon graduelle.
Pour les illustrer, reprenons l’exemple de François qui semble se complaire
dans le rôle de Victime. Voyons comment nous pourrions guider son amie
Mélanie qui est la seule à accepter encore de le côtoyer.

Vérifier les intentions de François


Imaginons Mélanie et François installés dans un bar pour discuter. Mélanie s’est formée
à l’art de déjouer les pièges de la mauvaise foi et des Jeux Psychologiques. Elle connaît
donc la stratégie : d’abord deux tentatives avec la parade en deux gestes, adaptée au rôle
de Victime, puis les trois options que nous allons découvrir.
Mélanie : Alors François, comment vas-tu depuis l’autre fois ?
François (rôle de Victime no 1) : Bof ! Je n’ai pas compris pourquoi les autres s’étaient
énervés comme ça ! C’est vrai qu’ils ont de la chance d’avoir des bons jobs. Moi je n’ai
que des galères…
Mélanie (protocole Victime : tentative 1) : Je trouve très bien que tu exprimes les
choses. Tu souffres et tu le dis ce qui est le meilleur des débuts pour se relancer. De quoi
as-tu besoin pour passer à la seconde étape ?
François (rôle de Victime no 2) : Ben heu… J’en sais rien moi… Je suis tellement
déprimé !
Mélanie (protocole Victime : tentative 2) : C’est indispensable de le formuler. C’est ce
que tu viens de faire. Bravo d’avoir le courage de le reconnaître. Es-tu prêt à te faire
aider ?
François (rôle de Victime no 3) : Me faire aider ? Pfff ! Ça ne servirait à rien !

C’est à ce stade que nous conseillerions à Mélanie d’arrêter le protocole


de gestion du rôle de Victime et de changer de stratégie.

■ Dénoncer le Jeu
Même si nous savons que notre interlocuteur est de mauvaise foi et qu’il y a
peu de chance qu’il soit prêt à reconnaître ses agissements, nous avons le
droit de lui signifier que nous ne sommes pas dupe et que nous voyons ce
qui se passe. Encore et toujours la lucidité au service de nos stratégies pour
déjouer les pièges de la mauvaise foi et des Jeux Psychologiques. Ce
faisant, nous faisons un pas de côté et nous modifions le cadre de la
discussion. C’est d’abord une façon de reprendre le contrôle de la situation.
C’est ensuite une façon d’éviter de s’agacer en répétant la même parade une
troisième fois et d’entendre pour la troisième fois en retour la réponse
Victime de votre interlocuteur.

Dénonciation du Jeu
Mélanie (dénonce le Jeu) : François, je te vois rester sur tes positions. Je te vois le faire
aujourd’hui avec moi et je te vois le faire depuis des mois. Je t’entends te plaindre et
dire que la vie t’accable. Je n’entends pas encore ta volonté de reprendre le dessus. La
plupart de tes amis se sont épuisés à te conseils, à te soutenir. Difficile d’inverser la
tendance si ta perception des choses reste aussi négative.
François (rôle de Victime no 4) : Ah d’accord ! Alors si toi aussi tu es contre moi… Je
croyais que je pouvais au moins compter un peu sur toi !

Aïe ! Indécrottable François. Il ne veut rien lâcher, on dirait. Et quelle


mauvaise foi de dire ça à Mélanie ! Nous imaginons les trésors de self-
control dont elle va avoir besoin pour éviter de réagir et de mordre à ce
nouvel hameçon Victime. Passons à la seconde option puisque le jeu
Victime de François est encore monté d’un cran.

■ Reporter la conversation
Une des décisions les plus sages que nous pouvons prendre lorsqu’un Jeu
monte en gamme, c’est de jouer la montre. Cette mesure est davantage
destinée à nous protéger d’un dérapage et à nous éviter une entrée dans le
Triangle à notre tour. En effet, lorsque nous en sommes à la quatrième passe
d’armes contre un joueur du calibre de François, nous risquons de nous
faire prendre au Jeu de trois façons différentes.
La première serait de basculer en mode Persécuteur et d’attaquer l’autre
sans ménagement. Cette attaque donnerait alors au joueur l’occasion de
monter encore d’un cran dans la mauvaise foi et de nous reprocher notre
agressivité, lui qui essaie juste de s’en sortir et voilà comment on le traite,
et patati et patata… La seconde façon de rentrer dans le Jeu serait de
basculer en mode Victime, désemparée, ne sachant plus quoi faire pour
aider l’autre. Cet aveu d’impuissance donnerait alors un bon alibi au Joueur
pour confirmer que sa situation est bien celle qu’il décrit vu que : « même
toi tu n’arrives pas à trouver des solutions, alors tu vois bien, et blablabli et
bla bla bla. »
Le troisième piège consisterait à céder au Rôle de Sauveur et de
s’exténuer à prendre en charge l’autre, le porter, le couver, au point qu’il
finirait par prétendre un jour qu’il ne peut plus s’en sortir sans notre aide et
que surtout il ne faut pas l’abandonner parce que sinon il ne sait pas ce qui
arriverait de lui et tatati et tatata…
Reprenons avec la dernière réplique de François.

François : reporter la conversation


François (rôle de Victime no 4) : Ah d’accord ! Alors si toi aussi tu es contre moi… Je
croyais que je pouvais au moins compter un peu sur toi !
Mélanie (reporte la conversation) : OK François, je n’ai plus d’énergie aujourd’hui pour
parler avec toi. J’ai atteint ma limite. Je vais te faire une proposition. Nous laissons
passer la fin de la semaine et le week-end, tu réfléchis à ce que je t’ai dit et nous nous
retrouvons mardi soir à 19 heures, ici, assis à cette table. Je te poserai alors une seule
question : Que décides-tu ?
François (rôle de Victime no 5) : Bon ouais, je ne vois pas trop ce que ça va changer…

Les chances que les intentions de François soient positives viennent


d’être anéanties par cette cinquième réplique en mode Victime. Mélanie a
maintenant un faisceau de présomptions suffisant pour émettre l’hypothèse
que François souhaite, plus ou moins consciemment, s’enfoncer dans la
spirale négative du Jeu Victime. Elle sait aussi que cette spirale est
dangereuse pour l’entourage et que l’on peut s’y faire piéger pour un bon
bout de temps. Elle va donc devoir se préparer pour le mardi suivant à
utiliser la troisième option, la plus radicale des trois.

■ S’éloigner sans tarder


S’il y a bien une chose que nous avons souvent du mal à faire, c’est nous
éloigner des personnes qui ont des comportements toxiques. Pourquoi ?
Parce que ces personnes font parfois parties de notre entourage personnel
ou professionnel et que nous nous sentons coincés. Nous repoussons ce
moment mais, au fond, nous savons que la seule solution est de mettre une
distance respectable afin de ne plus être atteint. Et, si nous ne parvenons pas
à nous éloigner, nous devons les éloigner de nous car les spirales négatives
des rôles sont suffisamment destructrices pour nous aspirer dans un flot de
tourments dont les conséquences sur notre santé seront inévitables. Pour un
temps au moins, nous devons trouver le courage de nous mettre hors de
portée des hameçons que ces personnes envoient. Voici donc la raison pour
laquelle Mélanie n’ira pas au rendez-vous avec François mardi prochain. Et
voici comment elle va le lui dire.

François : Prends soin de toi


Mélanie (appelle François pour vérifier son état d’esprit) : Allo François ? Salut, c’est
Mélanie.
François (sur un ton abattu) : Ah ! Salut Mélanie.
Mélanie : On a prévu de se voir demain pour parler. Toujours partant ?
François : Je ne sais pas trop… Je ne suis pas très en forme…
Mélanie : Écoute François, nous allons en rester là pour le moment. La balle est dans ton
camp. Je ne veux plus mettre d’énergie dans notre relation amicale. Quand tu seras prêt,
volontaire et disposé à changer les choses, tu m’appelleras si tu as besoin. Ou pas
d’ailleurs. Ce sera ton choix.
François : Très bien, j’ai compris. J’espère que je ne vais pas faire une bêtise…
Mélanie : Le chantage affectif ne fonctionne pas avec moi et les menaces encore moins.
Je ne suis pas responsable de tes choix. Je suis ton amie et je suis là pour toi dans la
mesure de mes moyens. Prends soin de toi François.

Bravo Mélanie d’avoir repéré et dénoncé immédiatement cet odieux


chantage au suicide qui est une des menaces les plus classiques chez les
Joueurs qui jouent Victime. C’est une décision difficile pour Mélanie, mais
c’est la plus saine qu’elle puisse prendre, compte tenu des circonstances.
Elle se protège d’une relation devenue toxique et intoxicante dans laquelle
elle pourra finir par se compromettre psychologiquement en adoptant elle
aussi un des trois rôles.

Idées clés
Quand la bienveillance échoue
Si l’intention est négative, faire deux tentatives avec les parades, puis :
• Dénoncer le Jeu.
• Reporter la conversation.
• S’éloigner sans tarder.
■ PARTIE III

Restez constructif :
Entraînez-vous
CHAPITRE 10

■ Choisissez l’énergie positive


Dans le voyage que nous faisons ensemble depuis le début de ce livre, il y a
bien sûr la visite des pratiques de mauvaise foi, de manipulations et de Jeux
Psychologiques. Mais, comme vous l’avez constaté, en parallèle, nous vous
proposons d’apprendre à vous en protéger et à vous en défendre. Le trépied
des relations saines commence par un accès à la lucidité. Nous avons
consacré toute la première partie à dévoiler les différents stratagèmes
utilisés par toute sorte de malfaisants afin de vous aider à augmenter encore
votre lucidité : « Je vois la matrice des Jeux Psychologiques, je ne suis pas
dupe. »

Après l’entraînement sur la scène de théâtre


Le second pied du trépied, c’est la bienveillance que nous venons
d’explorer dans la seconde partie. Avec une limite à ce qui est supportable !
Si les intentions derrière les rôles sont positives, cela sera relativement plus
facile de garder une posture bienveillante face à l’assaillant. À chacun de
voir le choix qu’il fera lorsqu’il découvre que les intentions derrières les
rôles sont plutôt négatives.
Lucide, bienveillant…
Pour le troisième trépied des relations saines, notre choix s’est porté
depuis déjà bien longtemps sur la capacité à rester constructif. Là encore, il
est indispensable de s’entraîner à renvoyer de l’énergie positive à ceux qui
nous proposent des Jeux Psychologiques. Aussi bien dans les contenus,
c’est-à-dire dans les contre-propositions que nous faisons, que dans la
forme que nous mettons autour de notre communication. Si nous vous
avons déjà donné des repères avec les principes et les stratégies de
réponses, nous souhaitons aller plus loin dans cette troisième partie.
Comment s’y prendre pour appliquer les méthodes et les parades
proposées ? Comment construire une réponse efficace en y mettant de la
technique de communication. Cela serait dommage d’avoir une bonne
stratégie de réponse, un contenu pertinent, mais gâchés par une façon de le
formuler inappropriée ou précipitée.

L’entraînement au dojo sur le tatami


Dans nos séminaires de formation, nous utilisons depuis maintenant
quelques années une métaphore qui se marie à la perfection avec la nature
de l’entraînement proposé. De la même façon que nous faisons monter nos
participants sur une scène de théâtre pour mieux comprendre la nature
profonde des Jeux Psychologiques et contacter la bienveillance, nous avons
pris pour habitude de réunir tout ce beau monde dans un dojo d’aïkido,
pieds nus sur les tatamis et en kimono blanc, ceinture blanche !
Parmi toutes les formes de pédagogie, l’apprentissage par le corps est peu
souvent utilisé dans notre métier. Et pourtant, lorsque le corps « comprend »
la technique proposée, le mental suit et se l’approprie de façon instinctive
plus qu’intellective.
Pourquoi avoir choisi cet art martial japonais pour illustrer notre
discipline ?
Une des premières raisons réside dans le fait que l’aïkido est un art
martial dont le projet n’est pas de détruire l’adversaire mais de rétablir une
harmonie dans la relation. Nous pourrions le faire car les techniques
d’aïkido sont d’une puissance et d’une efficacité redoutable pour un
pratiquant confirmé. Difficile de traduire les idéogrammes japonais car il y
a souvent plusieurs niveaux de lecture, ce qui est le cas pour les trois
caractères qui forment le mot Aï-Ki-Do. Une des traductions possibles, bien
qu’incomplète, serait « La Voie de l’Harmonisation des Énergies ». Faire
chuter l’attaquant, non pas pour le blesser, mais pour qu’il finisse par
comprendre qu’il va s’épuiser à vouloir nous attaquer. Qu’il finisse par
décider, à bout de souffle, qu’il vaut mieux se parler ou reprendre chacun sa
route, plutôt que de s’affronter dans la violence.
La seconde raison pour laquelle nous avons choisi cet art martial tient
dans la similitude des principes qui régissent l’ensemble des techniques
utilisées, comparées aux principes qui gouvernent les techniques de
communication de notre art de self-défense psychologique. À la fois pour le
clin d’œil et pour donner du sens, lorsque nous décrirons ces techniques de
communication, nous vous révélerons les principes qui correspondent en
aïkido. Comprendre les principes sous-jacents apporte une efficacité
supplémentaire à la technique. Nous savons pourquoi nous devons passer
par telle ou telle phase de la technique au lieu de l’appliquer sans en
comprendre la mécanique globale.
Être constructif est donc avant tout une démarche visant à tirer des
événements et des épreuves de la vie une valeur ajoutée pour être force de
proposition le moment venu. Cette approche des relations est une base
solide qui invite à la coopération. Nous parlerons aussi de co-construction,
ce qui signifie que l’autre doit fait 50 % du chemin. Se comporter de façon
constructive tout seul ne peut pas fonctionner.
CHAPITRE 11

■ La technique de l’Édredon : amortir


le choc et renvoyer de l’énergie
positive
Depuis des années, nous enseignons une technique à géométrie variable
pour s’affranchir des provocations en tout genre et des tentatives de
manipulation. Nous disons qu’elle est à géométrie variable car, d’une part,
elle contient cinq gestes fondamentaux à maîtriser et, d’autre part, parce
qu’il est possible de combiner ces gestes à l’infini. Avec cette technique,
nous sommes parés pour affronter de nombreuses situations complexes. La
condition est de prendre le temps de s’entraîner régulièrement et dans le
respect d’une philosophie visant à construire plutôt qu’à vouloir sortir
vainqueur. Vainqueur de quoi ? Il y a là un déplacement mental à effectuer
pour trouver le bon positionnement, centré et aligné. Une fois dans la bonne
posture, les cinq gestes techniques se travaillent et se répètent jusqu’à
trouver les formules justes, dans le bon timing et avec une intensité
contrôlée.

Premier geste : Le silence est d’or


Nous avons commencé à évoquer la puissance du silence face aux trois
rôles du Triangle Dramatique. Cette puissance est tout aussi significative
face à des pratiques comme les six SALMEC ou des attitudes comme les
quatre CASE.
Face à une attaque, quelle que soit cette attaque, nous marquerons un
temps de silence. Le silence est un privilège que nous nous accordons.
Celui de suspendre le temps et de reprendre un souffle. Respirer avant de
répondre est fondamental pour éviter de mordre à l’hameçon et de parler
trop vite. La respiration oxygène notre corps et notre cerveau et ce n’est pas
du luxe que de leur apporter cette nourriture au moment où nous en avons le
plus besoin. « Le silence est d’or » disent les anciens ! Et pourtant, elle est
bien là, la tentation de répondre immédiatement, de remplir le vide avec des
mots inutiles par peur du ridicule : « Non mais c’est parce que… »
Et voilà, en répondant trop vite, nous avons cédé à la justification. Notre
attaquant n’a plus qu’à se servir pour Jouer en nous demandant de ne pas
nous justifier.
L’écho que le silence produit suffit parfois à désarmer notre agresseur qui
ne s’était pas entendu dans sa violence. Combien verront leurs propres
décibels revenir à leurs oreilles et décideront de reprendre leurs propos pour
les reformuler avec davantage d’égards : « Désolé, je t’ai crié dessus mais
ce n’est pas après toi que j’en ai ! Je suis juste énervé. »
En ne disant rien, nous ne commettons aucune erreur de communication.
Au contraire, nous laissons un espace de temps, un vide dans lequel les
attaques peuvent s’évanouir d’elles-mêmes. Selon sa force, le silence
impose à lui seul sa loi et devient un message : « Je n’ai rien à dire pour le
moment. » Vide à l’extérieur car sans aspérités auxquelles l’assaillant
pourrait s’accrocher, le silence se doit d’être plein à l’intérieur. Nous faisons
parfois, en salle de formation, des exercices pour apprendre à habiter un
silence en chassant l’arrogance, l’impatience, les mimiques inutiles. Nous
cherchons ici à trouver un silence serein que nous utiliserons pour appliquer
mentalement quelques principes vus dans les deux premières parties de ce
livre, comme le principe d’Évaluation par exemple, utile en cas d’attaque de
SALMEC.
Quelle que soit l’attaque, nous commencerons systématiquement nos
techniques pour déjouer par le silence.
En aïkido
L’équivalent du silence correspond à la création d’un espace vide dans lequel tombent
nos agresseurs. Le pratiquant confirmé sait esquiver et sortir de la ligne d’attaque pour
retirer tout point d’appui à l’adversaire et provoquer un déséquilibre naturel. Vous est-il
déjà arrivé de pousser une porte alors que, de l’autre côté, une personne que vous ne
pouvez pas voir tire cette porte au même moment ! Si la synchronisation est parfaite,
votre bras qui s’apprêtait à toucher la porte se retrouve dans un vide entraînant aussi
votre corps. Vous êtes déséquilibré par l’absence de résistance, au sens physique du
terme. C’est sur ce principe du vide et du plein que commencent la majorité des
techniques d’Aïkido.

Second geste : questionner plutôt que répondre


Le questionnement est une des formes de communication les plus
fascinantes qui soient. Bien souvent, lorsque nous enseignons l’art de
déjouer les pièges de la mauvaise foi et des Jeux, la majorité nous demande
ce qu’il faut répondre lorsque l’on a identifié un rôle, un SALMEC ou un
CASE. Plutôt que de se creuser les méninges à chercher quoi répondre,
nous privilégions la recherche de ce qu’il faut demander. La démarche est
radicalement différente ; plus ouverte, plus ronde et plus constructive
assurément. Au lieu de rentrer dans un débat stérile, nous réfléchissons
d’abord en matière de questionnement. La transformation qui s’opère alors
en nous est spectaculaire.
Faisons une expérience afin de sentir ce pouvoir du questionnement : «
Qu’est-ce qui vit le plus longtemps selon vous : un zèbre du Zimbabwe ou
un rhinocéros d’Afrique du Sud ? »
Et voilà, vous êtes en train de vous concentrer et de commencer à
réfléchir parce qu’une question est posée ! Oui, la question est un stimulus
puissant pour le cerveau. Dès qu’une question est posée, le cerveau se met
en route, en mouvement. Et c’est exactement la même chose chez notre
interlocuteur.
Si une personne attaque avec une remarque comme : « Tu n’es vraiment
pas sérieux ! », nous recommandons de marquer un temps de silence pour
les raisons que nous avons évoquées dans le paragraphe précédent. Puis, si
cela n’est pas suffisant, nous allons devoir résister à l’envie de contre-
attaquer, de nous justifier ou de faire quelque chose d’inapproprié. Nous
préférerons poser une question contextuelle comme par exemple : « À quoi
fais-tu référence ? »
La mise en mouvement s’opère chez l’autre qui ne s’attendait pas à ça et
se met à réfléchir au contexte de sa remarque. Il lui faudra maintenant
trouver un exemple en référence à son attaque. Et il est plus facile de
négocier à partir d’une situation qu’à partir d’un jugement de valeur
formulé en « Tu es / tu n’es pas ».
Bien sûr, tout le travail d’expertise consiste à progresser dans la
pertinence des questions posées. Nous préconisons, au début, de favoriser
des questions qui pointent vers le contexte de l’attaque et non vers l’attaque
elle-même. Cette parade peut se retourner contre nous si nous tombons dans
les pièges classiques de certaines questions stériles. Au palmarès de ces
questions risquées, nous trouvons le fameux « Pourquoi tu me dis ça ? » qui
invite inexorablement l’autre à renforcer sa position et à nous expliquer
pourquoi il nous attaque. Nous prenons donc deux coups au lieu d’un seul !
En résumé, celui qui pose des questions pertinentes possède le pouvoir de
changer l’orientation d’une attaque en renvoyant la balle à son adversaire
dans le but d’avoir une communication constructive. Cela reste notre
intention bienveillante et lucide. En aucun cas les questions que nous
posons sont des pièges pour coincer l’autre.

En aïkido
Nous retrouvons ce principe de prendre le contrôle de l’attaque en modifiant sa
trajectoire. Une fois tombé dans le vide, notre adversaire est beaucoup plus facile à
déplacer car nous utilisons la force de son élan. Il est possible de réorienter son énergie,
la plupart du temps en donnant une forme circulaire au mouvement. Ce qui est amusant,
c’est que cette forme circulaire, si on la dessinait, ressemblerait à un point
d’interrogation. Certains mouvements d’Aïkido font parfois aussi penser au chiffre huit
couché, qui symbolise l’infini.
C’est pour cette raison que les personnes qui assistent à une démonstration de cet art
martial y voient une forme de danse fluide et harmonieuse. Les chutes sont
spectaculaires car le maître utilise l’énergique cinétique (l’élan de l’attaque) pour
provoquer ce changement de direction et accentuer la spirale. L’adversaire est pris dans
ce tourbillon et décolle littéralement du sol, quels que soient sa taille et son poids.

Troisième geste : accuser Réception


L’attaquant ne s’attend pas à recevoir un accueil de son attaque mais plutôt
une opposition, une contre-attaque, une phrase qui commence par « oui,
mais » peut-être ! Lorsque nous accusons réception, nous pratiquons un
geste d’accueil inattendu. Prenons une situation de la vie quotidienne en
guise de comparaison. Imaginez que vous êtes très en colère parce que vous
avez reçu trois courriers d’une administration vous demandant une somme
d’argent que vous avez déjà versée. Excédé, vous décidez d’écrire pour
protester et exprimer votre mécontentement. Une fois votre courrier écrit,
vous partez à la poste et vous demandez un formulaire de courrier
recommandé avec accusé de réception. Trois jours plus tard, alors que vous
étiez passé à autre chose, vous recevez dans votre boîte aux lettres le
fameux papier rose vous indiquant que votre courrier est bien arrivé à son
destinataire. Premier soulagement. Puis quelques jours plus tard, vous
recevez un appel du service en question et la personne au bout du fil vous
dit : « J’ai reçu votre lettre et je comprends que vous soyez en colère. C’est
une erreur de nos services. Je regrette cette mésaventure. Je suis désolé. »
Ouf, deuxième soulagement.
L’accusé de réception est un geste qui reprend cette idée du papier rose
de la poste. L’idée est de surprendre notre interlocuteur par notre capacité à
accueillir ce qu’il dit sans riposter. Rappelez-vous les énormes édredons
dans les vieilles maisons de campagne. Les enfants adorent courir et
plonger sur des grands lits moelleux. La sensation de s’enfoncer dans un
nuage de douceur est irremplaçable ! S’attendant à une résistance, notre
Joueur de rôles se retrouve encore une fois privé de point d’appui pour
continuer à jouer son rôle par exemple. En tout cas, s’il trouve un point
d’appui pour continuer, ce ne sera pas nous qui le lui aurons donné !
L’accusé de réception est un geste qui, lorsqu’il est maîtrisé, agit comme un
puissant amortisseur. Ce geste peut être décliné de deux façons différentes.

■ Accusé de réception : je suis touché


J’accuse le coup, je suis touché par la remarque de l’autre. L’attaque est
arrivée à destination et je le signale à mon interlocuteur.
Un de mes collègue m’attaque et me dit : « Ta présentation était vraiment
mauvaise hier devant l’équipe ! » Après avoir marqué un temps de pause
silencieuse, je me rends compte que je suis impacté, vexé. J’ai pris un coup.
Vais-je faire semblant de ne pas l’être ? Vais-je rétorquer de façon
agressive ?
Ni l’un, ni l’autre. Dans notre pratique, nous avons constaté que le fait
d’indiquer à notre interlocuteur l’impact de son attaque pouvait s’avérer très
déstabilisant. À nous de trouver une formule bienveillante, lucide et
constructive. Nous pourrions tenter quelque chose de très simple comme :
« Ta remarque est très directe. Je ne m’y attendais pas. Ce n’était peut-être
pas ton but, pourtant je suis blessé. »
Voyons maintenant comment va s’en sortir notre interlocuteur avec cette
information. Il lui faudra beaucoup d’aplomb ou de malveillance pour
continuer à dire les choses sans ménagement alors qu’il sait maintenant quel
est l’impact de sa communication.
Dans cette version de l’accusé de réception, nous informons donc l’autre
de ce qu’il provoque lorsqu’il s’exprime.

■ Accusé de réception : tu es touché


Dans une seconde version, nous pourrions aussi accuser réception du
ressenti de l’autre. C’est ce qu’a fait cette personne qui vous a appelé pour
vous dire qu’elle avait reçu votre courrier et qu’elle comprenait votre
colère. Ce faisant, elle prend en compte votre émotion sans la dévaloriser,
sans la minimiser, sans ajouter un « mais » après vous avoir dit qu’elle
comprenait. Si par exemple, une personne de votre entourage vous
interpelle depuis le rôle de Victime et vous dit : « Si tu savais comme c’est
dur en ce moment. Je ne sais plus quoi faire. Je sens que je suis sur le point
de craquer… »
Dans ce cas de figure, l’accusé réception est un moyen de signifier à cette
personne que vous avez entendu son message. C’est apaisant pour elle de le
savoir. Vous pourriez tenter, toujours après avoir marqué un silence, un
accusé réception simple et sincère comme : « Je reçois cinq sur cinq ce que
tu me dis et ce que tu ressens. »
Nous faisons l’hypothèse que si cette personne entend que son message
est reçu, elle aura moins de raisons de rester dans le rôle de Victime et
trouvera l’énergie d’en sortir pour poursuivre la discussion de façon plus
constructive.
En aïkido
Le principe de l’accusé de réception se retrouve dans toutes les techniques sous la forme
d’une phase d’absorption de l’attaque. Il s’agit d’un processus par lequel un coup est
accompagné pour anéantir son effet ou pour emmagasiner l’énergie contenue. Ainsi,
plus le coup est porté violemment, plus il y a d’énergie à récupérer. « Accepte
l’attaque » est un conseil qui est régulièrement donné par les professeurs dans les dojos
d’aïkido. « Si quelqu’un te tire, accompagne le geste et avance. Si quelqu’un te pousse,
accompagne le geste et recule. » C’est à cause de ce principe que cet art martial est
réputé absorber l’énergie de l’assaillant pour en faire quelque chose.

Quatrième geste : Métacommuniquer


Lorsque nous étions gamins et que nous voulions arrêter un jeu avec nos
camarades, nous levions le pouce en criant « Pouce ! ». Une règle du jeu
avait été bafouée ? Un copain s’était fait mal ? Les équipes étaient
déséquilibrées ? Il y avait plein de bonnes raisons de demander un temps
mort. Suivait alors un moment de régulation qui permettait de discuter et de
pouvoir reprendre le cours du divertissement dans de bonnes conditions.
Dans certains sports, l’entraîneur peut demander un temps mort lorsqu’il a
besoin que l’équipe s’arrête et prenne de la distance par rapport à ce qu’elle
produit sur le terrain. Cette pratique est indispensable pour pouvoir faire un
pas de côté et changer son angle de vue sur ce qui se passe.
Prendre de la distance et de la hauteur, voici en quoi consiste ce geste.
Pour cela, nous vous recommandons de vous autoriser à demander un temps
mort dans la discussion qui vous oppose à votre interlocuteur. Ce moment
de pause, comme une trêve, permet de quitter le champ de bataille et de
s’asseoir virtuellement à la table des négociations. La description de la
situation se fait « d’en haut » comme si nous invitions notre interlocuteur à
changer de perspective.
Par exemple, lors d’un échange un peu houleux, après avoir marqué un
moment de silence, nous pourrions positionner nos mains en forme de
« T », comme le font les coachs de basket, et demander un temps mort :
« Depuis que nous avons commencé à parler j’ai observé des signaux
d’irritation de part et d’autre. Nous parlons de plus en plus fort, nous nous
pointons du doigt. Je suggère que nous fassions baisser la pression pour
continuer sereinement. »
Nous devons être mesurés lorsque nous pratiquons la communication
méta afin d’éviter le piège de la condescendance ou de donner l’impression
que nous faisons la leçon. Il s’agit d’offrir à l’un comme à l’autre une
occasion d’avoir une vision plus large de la discussion, du processus
relationnel en cours et de prendre conscience de ce qui se passe.
La métacommunication est un des meilleurs outils pour retrouver et
maintenir une juste distance par rapport aux émotions fortes, par rapport à
l’autre et à la situation. Sans cette juste distance, il est souvent difficile de
gérer les problèmes avec discernement. Ne dit-on pas, après un moment de
tension, que nous avons besoin de prendre du recul ?

En aïkido
Cette notion de distance tient une place centrale et fondamentale, comme dans l’étude de
tous les arts de combat. C’est la distance qui sépare et qui unit les deux protagonistes
lors d’une confrontation. La distance indique le niveau du danger. Inutile de s’exciter si
notre adversaire nous attaque de trop loin. Cependant, s’il s’est approché à distance de
frappe, à nous de gérer cet espace afin de préserver notre intégrité physique. Distance
qui varie en fonction de la nature de l’attaque : à mains nues, avec un sabre, un bâton. Le
pratiquant d’aïkido est toujours en recherche de la juste distance. Soit pour rendre
inefficace l’attaque de son opposant, soit au contraire, pour optimiser l’efficacité de ses
propres parades.

Cinquième geste : Le Rendez-Vous


Il faut beaucoup de lucidité et de sagesse pour sentir à quel moment il vaut
mieux arrêter une conversation. De tous les outils de communication, le
lâcher-prise est le plus délicat à mettre en pratique car il s’agit d’une action
de non-résistance. Il fait écho à la notion de relâchement que les sportifs de
haut niveau connaissent bien et qui leur évite de se blesser. Savoir dire stop
lorsque nous savons que nos limites sont atteintes est une action
bienveillante et protectrice, envers soi-même d’abord. La difficulté ici, c’est
la peur de perdre quelque chose en lâchant prise. Il existe une confusion
majeure entre le fait de lâcher prise et celui d’abandonner. L’expression
devenue courante « je ne lâcherai pas l’affaire » montre à quel point nous
refusons de nous laisser aller et de nous retirer.
Pour comprendre la différence fondamentale entre les deux idées, faites
une simple expérience. Prenez une petite balle dans votre main et tendez le
bras devant vous. Le dessus de votre main est vers le ciel et la paume de
votre main fermée est vers le sol. Ouvrez votre main. Inexorablement, la
balle tombe. Vous venez de lâcher et vous avez perdu quelque chose.
Reprenez la balle dans votre main et recommencez l’expérience avec,
cette fois-ci, votre paume de main vers le ciel et le dos de votre main vers le
sol. Ouvrez votre main. Regardez, vous venez de lâcher prise. Vous n’avez
rien perdu car la balle est dans votre main. Mieux, vous êtes prêt à accueillir
autre chose car il y a peut-être encore un peu de place dans votre main.
Lâcher prise ne signifie pas forcément renoncer ou perdre. Au contraire,
celui qui connaît ses forces et ses limites saura laisser les choses aller et
prendra le temps de se sentir solide avant d’affronter les périls de la vie.
Dès que vous sentez que vous n’avez plus la force de combattre ou si
vous savez que vous êtes le plus fort, vous pouvez décider de prendre congé
et d’éviter l’affrontement. Cette parade est particulièrement utile lorsque
vous êtes violemment attaqué. Elle permet d’indiquer tout de suite à votre
agresseur verbal que vous ne souhaitez pas engager cette conversation dans
l’état actuel. Si vous êtes en train de vous dire que cela revient à s’enfuir,
reprenez alors la lecture du paragraphe au début !
Il y a un super-héros maudit des Avengers que nous aimons bien (les
auteurs). Il s’appelle Hulk. Avant de se transformer en monstre vert qui
casse tout, Hulk est d’abord un médecin, le Dr Banner, pour qui contrôler sa
colère est essentiel. En effet, s’il dépasse un certain seuil de colère, il se
transforme en cette créature verte de rage, capable de causer beaucoup de
dégâts sans beaucoup de discernement. Le Dr Banner a donc appris à sentir
monter en lui la colère et à quitter les lieux avant que la métamorphose ne
se produise.
C’est cette idée que nous retenons dans la parade du Rendez- Vous. Nous
suggérons de convenir avec votre interlocuteur d’un vrai Rendez-Vous avec
un lieu, un objectif, un horaire et pourquoi pas, un médiateur. Après les
quelques secondes de silence, lancez-vous et dites quelque chose du genre :
« J’ai atteint mes limites pour aujourd’hui. Je souhaite arrêter de discuter.
Si tu es disponible d’ici la fin de la semaine pour reprendre cette
conversation, j’ai un ou deux créneaux à te proposer. »
Le Rendez-Vous est une main tendue paume vers le haut !
En aïkido
Si vous participez un jour à un cours d’aïkido, vous entendrez probablement une de ces
histoires qui se transmettent de génération en génération d’enseignants. Elles racontent
souvent des épisodes de la vie de grands maîtres, très forts et très expérimentés qui
préféraient se retirer d’un conflit plutôt que de combattre. Le combat est, le plus souvent
possible, la dernière issue souhaitable. Le maître salut respectueusement son adversaire,
se retire prudemment et reprend sa route sans crainte d’être raillé ou jugé. D’ailleurs,
apprendre à chuter est aussi important qu’apprendre à déséquilibrer l’adversaire. Une
chute bien réalisée permet de se récupérer sans se blesser face à un opposant plus fort.
Une fois à nouveau debout, il sera toujours temps de saluer et de se retirer pour éviter de
prendre un mauvais coup.

Idées clés
La technique de l’Édredon
Ajoutez de la technique à vos stratégies et vos parades avec cinq gestes de base pour une
communication constructive en commençant toujours par le premier :
• Geste 1 : Silence.
Poursuivez avec un ou plusieurs autres gestes dans l’ordre que vous jugez utile :
• Geste 2 : le questionnement.
• Geste 3 : l’accusé de réception.
• Geste 4 : la métacommunication.
• Geste 5 : le rendez-vous.
CHAPITRE 12

■ Le dojo de Jérôme et Pierre Senseï


Bienvenue dans le dojo de Jérôme et Pierre constitué d’une salle
d’échauffement, de quatre salles d’entraînement et d’une salle zen. Chaque
entraînement se présente sous la forme d’une fiche consigne. Vous allez
vous y entraîner à la self-défense relationnelle en apprenant à repérer,
nommer, parer ou faire des contre-offres lucides, bienveillantes et
constructives.
Nous allons reprendre les différentes provocations que nous avons
étudiées depuis le début de ce livre. Vous aurez à trouver des réponses
appropriées aux six casse-pieds SALMEC, aux quatre attitudes CASE, aux
trois rôles et aux neuf invitations à Jouer. Votre travail consistera à utiliser
les cinq gestes de base de la technique de l’édredon pour construire une
parade appropriée.
Nous vous invitons également à vous inspirer des principes que nous
avons vus dans les parties I et II de cet ouvrage.
Nous avons créé en ligne un groupe LinkedIn consacré aux exercices du
dojo de Pierre et Jérôme. Vos propositions y seront accueillies, vos
questions traitées et vos défis relevés.
Retrouvez nous sur : https://www.linkedin.com/groups/12533563
Vous pouvez aussi rechercher notre groupe sur Linkedin en tapant :
DOJO virtuel « Déjouer les Pièges de la mauvaise foi et de la
manipulation » avec Jérôme et Pierre.

Salle d’échauffement
■ Exercice 1
Fiche consigne
Thème de la salle d’échauffement : Sous-entendus.
Objectif : Transformer les sous-entendus en communication claire.
Consigne : Réécrivez les phrases suivantes en explicitant les sous-entendus.

À VOUS

1. « Est-ce que tu crois vraiment que c’est le meilleur moyen ? »


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. « On pourrait se prendre un petit rendez-vous ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. « Bonjour, est-ce que je te dérange ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Ne pense-tu pas que ce serait mieux de faire autrement ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. « Moi, je veux bien, mais bon… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
6. « Tu pourrais quand même faire attention ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
7. « Oh là là, je suis bête, j’aurais dû y penser ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
8. « Si tu veux, je t’accompagne. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................

■ Exercice 2

Fiche consigne
Thème de la salle d’échauffement : Sous-entendus.
Objectif : Refuser les sous-entendus.
Consigne : Demandez une clarification.
À VOUS

1. « Ah bon, tu crois ça toi ? Ah ! »


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. « J’ai trouvé ton intervention devant la direction globalement intéressante. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. « En es-tu absolument certain ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Moi je dis ça… je dis rien ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. Si tu veux !
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
6. « Ça ne me dérange pas… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
7. « Moi, je t’aurai prévenu hein ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
8. « J’ai un peu peur que tu n’y arrives pas. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
9. « Je n’ai pas de conseil à te donner. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
10. Je crois que je n’y arriverai jamais !
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................

Salle d’entraînement no 1 Affronter


les six SALMEC
Votre matériel pour cette salle d’entraînement :
Repérez les six SALMEC
Six pratiques désagréables pour saboter une conversation.
Un acronyme facile à retenir, SALMEC :
• S pour changement de Sujet.
• A pour Attribution.
• L pour Lecture de pensée.
• M pour Menace.
• E pour Enthousiaste.
• C pour Cent pour cent.

Esquivez
Principes fondamentaux
1. Évaluation : mesurez les enjeux avant d’intervenir.
2. Dissociation : séparer les émotions et le contenu.
3. Expression : dénoncer le sabotage.
Technique de l’Édredon
1. Impératif : Silence.
2. Au choix : Question – Accusé de réception – Métacommunication – Rendez-vous.

■ Exercice 3

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les six SALMEC
Objectif : Repérer de quel casse-pied il s’agit.
Situation : Réunion professionnelle.
Déclencheurs : Vous dites « Je souhaite exposer un cas client intéressant. »
Consigne : Cochez le SALMEC que vous identifiez.
RÉPONSES FAITES PAR LES AUTRES PERSONNES PRÉSENTES
À CETTE RÉUNION

1. « C’est un truc pour les commerciaux ça ! »


❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
2. « Je te vois venir. Je suis sûr que si tu veux faire ça c’est en réponse à ce qui s’est passé
la semaine dernière »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
3. « Tous les cas clients sont intéressants ! »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
4.« Super ! On en parle plutôt demain ? »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
5. « Ah ben tiens ! Puisque tu parles de client. On signe demain avec qui vous savez !
Attendez, je vous raconte… »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
6. « Je te préviens, on n’a qu’une heure pour tous nos sujets ! »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
7. « OK. Vous me ferez penser à vous donner les chiffres du second trimestre. Vous les
voulez maintenant ? OK. Excuse-moi hein, ils veulent les chiffres. Tu nous raconteras
après ? »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent
8. « Tu sais, si tout le monde se met à parler d’un cas client, on est encore là demain… »
❐ Sujet ❐ Lecture de pensée ❐ Enthousiaste
❐ Attribution ❐ Menace ❐ Cent pour cent

■ Exercice 4

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les six SALMEC.
Objectif : Construire votre parade.
Situation : Réunion professionnelle (suite).
Déclencheurs : Vous avez dit « Je souhaite exposer un cas client intéressant » et vous avez
reçu huit SALMEC lors du précédent exercice.
Consigne : Écrivez huit parades en vous appuyant sur les principes étudiés dans cette salle
d’entraînement et la technique de l’édredon.

RÉPONSE FAITES PAR LES AUTRES PERSONNES PRÉSENTES


À CETTE RÉUNION

1. « C’est un truc pour les commerciaux ça ! »


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. « Je te vois venir. Je suis sûr que si tu veux faire ça c’est en réponse à ce qui s’est passé
la semaine dernière »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. « Tous les cas client sont intéressants ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Super ! On en parle plutôt demain ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. « Ah ben tiens ! Puisque tu parles de client. On signe demain avec qui vous savez !
Attendez, je vous raconte… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
6. « Je te préviens, on n’a qu’une heure pour tous nos sujets ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
7. « OK. Vous me ferez penser à vous donner les chiffres du second trimestre. Vous les
voulez maintenant ? OK. Excuse-moi hein, ils veulent les chiffres. Tu nous raconteras
après ? »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
8. Tu sais, si tout le monde se met à parler d’un cas client, on est encore là demain… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................

Salle d’entraînement no 2
Affronter les quatre CASE
Votre matériel pour cette salle d’entraînement :

Repérez les quatre boucliers de la relation


Quatre attitudes défensives pour dresser un mur relationnel.
Un acronyme facile à retenir, CASE :
• C pour Condescendant.
• A pour Abrupte.
• S pour Secret.
• E pour Évasif.

Esquivez les quatre CASE


Principes fondamentaux :
• Distanciation : mettre à distance l’attitude CASE pour éviter de prendre
les choses pour soi.
• Acceptation : accepter ce qui est et lâcher-prise provisoirement sans
renoncer.
• Transaction : négocier le Quand, le Quoi, le Où et le Comment.
Technique de l’Édredon
• Impératif : Silence
• Au choix : Question, Accusé de réception, Métacommunication, Rendez-vous.

■ Exercice 5

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les quatre CASE.
Objectif : Repérer de quelle attitude de blocage de la relation il s’agit.
Situation : En famille.
Déclencheurs : Vous dites « Je veux que nous parlions de notre relation qui se dégrade ».
Consigne : Cochez l’attitude CASE que vous identifiez.

RÉPONSE FAITE PAR LA PERSONNE AVEC QUI VOUS VOULEZ


PARLER

1. « Pas maintenant ! Écoute, c’est bon avec ça hein ! »


❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

2. « Tu sais les relations c’est compliqué ! Et puis, il y a plein de choses qui se mélangent.
Il y a des gens avec qui ça passe, d’autres non… Va savoir ! »
❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

3. « Je n’ai pas beaucoup de choses à dire. »


❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

4. « Parle si ça peut te faire du bien… »


❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

5. « Je ne trouve pas les mots. Je ne sais pas. »


❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

6. « Bon ! Si tu insistes… Ce n’est pas vraiment le moment avec tout ce que j’ai à faire. Je
t’écoute, allons-y. »
❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

7. « Basta ! Arrête un peu. Va parler avec ta sœur plutôt… »


❐ Condescendant ❐ Abrupt ❐ Secret ❐ Évasif

■ Exercice 6

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les quatre CASE.
Objectif : Construire votre parade.
Situation : En famille (suite).
Déclencheurs : Vous avez dit « Je veux que nous parlions de notre relation qui se
dégrade » et vous avez reçu sept blocages de la relation.
Consigne : Entraînez-vous à construire une réponse à partir des principes étudiés dans cette
salle d’entraînement et de la technique de l’Édredon.
RÉPONSE FAITE PAR LA PERSONNE AVEC QUI VOUS VOULEZ
PARLER

1. « Pas maintenant ! Écoute, c’est bon avec ça hein ! »


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. « Tu sais les relations c’est compliqué ! Et puis, il y a plein de choses qui se mélangent.
Il y a des gens avec qui ça passe, d’autres non… Va savoir ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. « Je n’ai pas beaucoup de choses à dire. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Parle si ça peut te faire du bien… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. « Je ne trouve pas les mots. Je ne sais pas. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
6. « Bon ! Si tu insistes… Ce n’est pas vraiment le moment avec tout ce que j’ai à faire. Je
t’écoute, allons-y. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
7. « Basta ! Arrête un peu. Va parler avec ta sœur plutôt… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................

Salle d’entraînement no 3
Affronter les trois Rôles
Votre matériel pour cette salle d’entraînement :
Repérez les trois rôles
Trois rôles pour un terrain triangulaire de Jeux Psychologiques.
• Rôle de Persécuteur : intimider l’autre, l’attaquer, le provoquer, le
secouer, insinuer, etc.
• Rôle de Sauveur : jouer les Zorro, couver, surprotéger, entretenir les
faiblesses, etc.
• Rôle de Victime : se plaindre, s’auto apitoyer, se décourager, se laisser aller, etc.

Esquivez les trois rôles


Principes fondamentaux
• Identification : de quel rôle s’agit-il ?
• Concentration : rester centré sur la personne derrière le rôle.
• Intention : dans la majorité des cas, il y a une bonne intention.
• Action de base no1 : ignorer le rôle et continuer à communiquer normalement.
• Action de base no2 : s’arrêter de parler et attendre patiemment.
Premières parades face aux rôles
• Face au rôle de Persécuteur :
1. Accepter la discussion.
2. Poser les conditions.
• Face au rôle de Sauveur :
1. Remercier pour l’aide proposée.
2. Négocier le soutien attendu.
• Face au rôle de Victime :
1. Valoriser l’expression des difficultés.
2. Identifier la nature du besoin.
Technique de l’Édredon
• Impératif : Silence
• Au choix : Question, Accusé de réception, Métacommunication, Rendez-vous.

■ Exercice 7

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les trois Rôles.
Objectif : Repérer de quel rôle il s’agit.
Situations : Quinze exemples choisis parmi la liste donnée dans le chapitre 5 sur les rôles.
Déclencheurs : Le rôle simple joué par votre interlocuteur (sans invitation).
Consigne : Cochez la bonne réponse

À VOUS

1. « Laisse-moi faire, je vais lui parler. Je le connais bien. »


❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
2. « Tu vois ? Il ne m’arrive que des ennuis… »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
3. « Les bons plans, de toute façon, ce n’est pas pour moi. Laisse tomber, j’ai l’habitude ! »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
4. « Tu ne vas pas me faire croire que tu vas arriver à rattraper ton retard ? »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
5. « Ah bon ? C’est votre façon de gérer les problèmes ? Vous ne devez pas avoir beaucoup
de clients, alors ! »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
6. « Il vaut mieux que je m’en occupe. Moi je dis ça... »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
7. « Bon, voilà, je me retrouve le dernier informé ! »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
8. « Réfléchis deux secondes avant de parler ! »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
9. « Ne t’en fais pas, tu viens d’arriver dans l’équipe. Ça marchera mieux. »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
10. « C’est foutu ! Si, je le sais, c’est foutu… »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
11. « Si vous aviez écouté ce que je vous ai dit, vous ne poseriez pas la question. »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
12. « Non, je n’ai pas pu parler. Les mots me manquaient… »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
13. « Non, je ne répéterai pas. Je l’ai déjà dit trois fois, ça suffit ! »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
14. « Tu n’y peux rien. Tu ne peux pas tout savoir non plus… »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime
15. « Un bon conseil. Ne t’en mêle pas »
❐ Rôle de Persécuteur ❐ Rôle de Sauveur ❐ Rôle de Victime

■ Exercice 8
Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les trois Rôles.
Objectif : Identifier quel enchaînement utiliser et construire votre parade.
Situations : Six autres exemples choisis parmi la liste donnée dans le chapitre 5 sur les
rôles.
Déclencheurs : Le rôle simple joué par votre interlocuteur (sans invitation).
Consigne : Cochez le bon enchaînement de parades et entraînez-vous à construire une
réponse à partir des principes étudiés dans cette salle d’entraînement et des premières
parades de base.

À VOUS

1. « Vous n’avez même pas la moindre idée de ce que vous racontez ! »


❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................
2. « Ne t’inquiète pas, je ne dirai rien… »
❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................
3. « Comment je fais, moi ? Je ne sais même pas comment marche ce logiciel ! »
❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Baisse la luminosité de ton écran. Tu vas te faire mal aux yeux. Si, je t’assure, il y a
des études qui le prouvent. »
❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................
5. « Décidément je ne suis bon qu’à dire des idioties ! »
❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................
6. « Tu le fais exprès ou quoi ! Tu vois bien que c’est fragile non ? Allez pousse-toi de là. »
❐ Accepter la discussion / Poser les conditions.
❐ Remercier pour l’aide proposée / Négocier le soutien attendu.
❐ Valoriser l’expression des difficultés / Identifier la nature du besoin.
Votre parade......................................................................................................
..........................................................................................................................

■ Exercice 9

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les trois Rôles.
Objectif : Construire votre parade.
Situations : Neuf autres exemples choisis parmi la liste donnée dans le chapitre 5 sur les
rôles.
Déclencheurs : Le rôle simple joué par votre interlocuteur (sans invitation).
Consigne : Entraînez-vous à construire une réponse à partir des principes étudiés dans cette
salle d’entraînement et de la technique de l’Édredon.

À VOUS

1. « Heureusement que j’étais là pour te couvrir ! »


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. « Je voudrais bien m’en sortir mais je ne sais pas quoi faire ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. « Moi je ne dis pas ça pour moi. C’est pour ton bien, c’est tout ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. « Ce n’est pas très malin de lui avoir dit ça ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. « Je viens de te dire que la vaisselle dans le lave-vaisselle était propre. Et toi tu mets de
la vaisselle sale dedans ! Pff… »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
6. « J’en ai marre. Je ne comprends rien à rien. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
7. « C’est nul ! Ça ne veut rien dire ce que tu racontes ! »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
8. « J’ai dit à Maxime que tu ne pourrais pas y aller. Comme ça, tu es libéré de cette
obligation. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
9. « Je me sens bête et je m’en veux. »
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................

Salle d’entraînement no 4
Affronter les neuf invitations à Jouer
Votre matériel pour cette salle d’entraînement :

Repérez les neuf invitations à jouer, trois depuis chacun


des rôles
• Persécuteur invite Persécuteur : « Viens te battre ».
• Persécuteur invite Sauveur : « Choisis ton camp ».
• Persécuteur invite Victime : « Admets-le, tu es nul ».
• Sauveur invite Sauveur : « On s’arrange entre nous ».
• Sauveur invite Victime : « Sans moi tu n’en serais pas là. Pas vrai ? ».
• Sauveur invite Persécuteur : « Frappe si ça peut te soulager ».
• Victime invite Victime : « Pas un pour rattraper l’autre ».
• Victime invite Persécuteur : « Je le mérite ».
• Victime invite Sauveur : « Ô mon héros ! ».
Esquivez les invitations à jouer
Principes fondamentaux
• Identification : de quel rôle s’agit-il ?
• Concentration : rester centré sur la personne derrière le rôle.
• Intention : dans la majorité des cas, il y a une bonne intention.
• Action de base no1 : ignorer le rôle et continuer à communiquer normalement.
• Action de base no2 : s’arrêter de parler et attendre patiemment.
Technique de l’Édredon
• Impératif : Silence
• Au choix : Question, Accusé de réception, Métacommunication, Rendez-vous.

■ Exercice 10

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les neufs Invitations à Jouer.
Objectif : Identifier de quelle invitation il s’agit.
Situation : Aléatoire.
Consigne : Cochez la bonne réponse parmi les trois choix proposés

À VOUS

1. « Reconnais que si je n’étais pas intervenu tu n’aurais pas su répondre. »


❐ Persécuteur invite Victime
❐ Sauveur invite Victime
❐ Victime invite Sauveur
2. « J’ai fait une boulette. Tu vas être très fâché après moi. Je ne sais même pas comment te
le dire… »
❐ Persécuteur invite Victime
❐ Sauveur invite Victime
❐ Victime invite Sauveur
3. « Je vais être obligé de te sanctionner. À moins que tu m’en empêches avec une
explication convaincante. »
❐ Persécuteur invite Victime
❐ Sauveur invite Victime
❐ Victime invite Sauveur
4. « Écoute, si tu ne dis rien pour hier soir, je te couvre pour ton rendez-vous de demain. »
❐ Persécuteur invite Victime
❐ Sauveur invite Victime
❐ Victime invite Sauveur
5. « Attaque-toi à moi si tu veux passer tes nerfs, pas à elle. Elle n’a rien fait de mal. »
❐ Persécuteur invite Victime
❐ Sauveur invite Victime
❐ Victime invite Sauveur

■ Exercice 11

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Affronter les neufs Invitations à Jouer.
Objectif : Éviter de rentrer dans le Jeu.
Consigne : Cochez la bonne réponse parmi les quatre choix proposés.

VOTRE RÉPONSE

1. « Quelle idiote je suis ! Tu as bien raison de me pourrir comme tu le fais ! »


❐ Je ne t’ai jamais dit que tu étais une idiote !
❐ Personne ne sait tout faire. Alors ne t’inquiète pas
❐ Arrête de te plaindre. Tu nous fatigues !
❐ Tu te sens mal. Je comprends. Regardons comment tu peux arranger ça
2. « Je t’en prie aide moi à t’aider, même si tu n’y tiens pas ! »
❐ D’accord, mais je t’en devrai une alors !
❐ Je te remercie. C’est bon de me sentir soutenue. Je te dirai si j’en ai besoin
❐ Ne me touche pas, t’as compris !?
❐ Ce n’est pas de refus
3. « Laisse-moi faire, tu ne peux pas réussir sans moi ! »
❐ Tu paries pauvre pomme !? »
❐ Je ferai même surement mieux sans toi. »
❐ Merci de proposer. Pour l’instant je vais vérifier ce que je sais faire.
❐ Je veux bien. Je suis tellement mauvais avec un ordinateur…
4. « Reste. Autant souffrir l’un par l’autre ! »
❐ Et si on se donnait une chance d’y croire pour l’amour de nous.
❐ Comme on fait son lit, on se couche.
❐ Parle pour toi !
❐ Au moins je perdrai avec toi. Et c’est mieux comme ça, tu as raison.
5. « Tu n’as qu’à m’insulter si ça peut te soulager ! »
❐ Je veux que nous discutions sérieusement de tout ça et rester civils.
❐ Et ben ouais, tu es une grosse buse ! Aaah ça fait du bien merci !
❐ Je ne veux pas t’insulter, je veux seulement que tu comprennes.
❐ Bon, je te laisse, c’est mieux pour tout le monde pour l’instant.

Salle zen Travail sur le trépied Lucide,


Bienveillant et Constructif
■ Exercice 12

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Développer encore sa lucidité, sa bienveillance et sa
capacité à construire.
Objectif : Tester son niveau de lucidité.
Situation : Auto-journalisme.
Consigne : Aller rencontrer des personnes qui vous connaissent et vous respectent et
interrogez-les sur vous.

VOTRE ENQUÊTE

Faites une enquête pour obtenir d’eux un feedback authentique. Demandez-leur de vous
parler aussi bien de vos défauts que de vos qualités.
C’est parfois une épreuve de recevoir des compliments, presqu’autant que d’accueillir les
critiques sans les rejeter. Voici un truc pour accepter l’une comme l’autre.
Demandez un exemple concret :
– « Tu me dis que je suis soupe au lait. Peux-tu me donner un exemple d’une fois où je l’ai
été ? »
– « Tu me dis que je suis quelqu’un de gentil. Peux-tu me rappeler un moment où tu as
trouvé que je faisais preuve de gentillesse ? »
Attention, veillez à transformer le verbe être par le verbe faire lorsque vous accueillez un
feed-back. Si l’on vous dit que vous êtes quelque chose, demandez toujours un exemple de
ce que vous avez fait dans ce domaine.
Votre quotient de lucidité va monter en flèche si vous prenez l’habitude de demander du
feed-back et de l’enrichir par des exemples concrets. Vous aurez une vision plus claire de
l’image que vous renvoyez et vous aurez aussi la possibilité d’agir sur ce que l’on vous dit.
Il est plus simple de changer ce que l’on fait que ce que l’on est !
■ Exercice 13

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Développer encore sa lucidité, sa bienveillance et sa
capacité à construire.
Objectif : Exercer sa bienveillance.
Situation : Un ancien conflit relationnel.
Consigne : Munissez-vous de trois chaises et laissez-vous guider.

LES TROIS CHAISES

Nous commencerons par le plus difficile et vous pourrez ainsi par la suite appliquer la
méthode à des petites rancœurs comme à de graves malentendus.
Tout d’abord, choisissez une pièce agréable, lumineuse et aérée. Placez vos trois chaises en
triangle équilatéral comme si vous alliez inviter trois personnes à discuter assises. Espacez
les trois chaises suffisamment pour que chacun puisse étendre ses jambes. Sans vous
asseoir, faites maintenant la partie la moins plaisante de l’exercice.
Rappelez-vous d’un conflit relationnel avec une personne, ayant occasionné pour vous de
fortes émotions et qui vous laisse encore un peu (ou beaucoup) de rancœur.
Rappelez-vous la colère, la tristesse, la déception, le découragement.
Repassez-vous l’enregistrement le plus complet possible des pensées que vous avez eues à
l’égard de l’autre personne et faites l’inventaire de vos sentiments négatifs.
Maintenant, asseyez-vous sur une des trois chaises.
Sur la deuxième est assise de façon imaginaire la personne qui est l’objet de votre rancœur,
sur la troisième chaise est assise une personne lucide, bienveillante, constructive et
disponible pour entendre votre histoire. Elle est imaginaire aussi, bien entendu.
Respirez, prenez votre temps et exprimez de façon factuelle, à haute voix, votre point de
vue sur le conflit que vous avez vécu et exprimez vos ressentis sans attaquer l’autre.
Une fois que vous avez le sentiment d’avoir dit ce que vous aviez à dire, respirez
profondément et, lorsque vous serez prêt(e), asseyez-vous sur la deuxième chaise (vous
l’aviez senti venir, n’est-ce pas ?).
Vous êtes maintenant l’autre personne, celle avec laquelle vous avez été en conflit.
Vous allez le plus honnêtement possible exprimer à votre tour votre point de vue sur
l’événement et vos émotions sans attaquer l’autre non plus.
Si d’aventure pendant cette expérience l’un ou l’autre des participants virtuels au jeu des
chaises avait une question à poser à l’autre, n’hésitez pas. Faites-le !
Attention, jouez le jeu et changez de chaise pour répondre.
La troisième chaise est celle où vous vous rendrez pour terminer l’exercice et apporter le
point de vue de l’observateur. Il ne prend pas parti. Il constate le vécu de l’un et de l’autre.
Il dit ce qu’il a entendu d’important et aussi ce qui n’a pas été dit.
Son rôle ici est primordial car il n’est pas émotionnellement engagé comme vous l’êtes et
comme l’est sans doute la personne qui a déclenché la rancœur que vous ressentiez.
Une fois que vous avez bouclé cette séance (et après vous être assuré(e) que personne ne
vous a vu sinon vous passerez vite pour bizarre), vérifiez ce qui a changé dans votre
perception de l’incident déclencheur. Sans doute beaucoup plus que ce que vous imaginiez
avant de vous lancer dans cette étrange expérience.

■ Exercice 14

Fiche consigne
Thème de la salle d’entraînement : Développer encore sa lucidité, sa bienveillance et sa
capacité à construire.
Objectif : Tirer des enseignements constructifs d’un conflit.
Situation : Un ancien conflit relationnel (suite).
Consigne : Répondez aux questions suivantes.

REPARTEZ DE LA SITUATION CONFLICTUELLE QUE VOUS


AVEZ UTILISÉ DANS L’EXERCICE PRÉCÉDENT.

1. Avec le recul, qu’avez-vous appris d’utile sur vous-même ?


Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
2. Qu’avez-vous appris d’utile sur les relations humaines ?
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
3. Quelle(s) décision(s) positives avez-vous prises depuis ce conflit ?
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
4. Si vous deviez donner un conseil à quelqu’un qui vous le demande et qui traverse une
épreuve proche de celle que vous avez traversée, que lui diriez-vous ?
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
5. De quoi êtes-vous le plus fier à l’issu de ce conflit ?
Votre proposition...............................................................................................
..........................................................................................................................
■ Conclusion

Voilà, maintenant, vous êtes devenu(e) ceinture


noire ; vous savez envoyer la manipulation
et la mauvaise foi au tapis

Les occasions de pratiquer les exercices que nous vous proposons seront
nombreuses. Les manipulations inconscientes, la mauvaise foi, les Jeux
Psychologiques, les raccourcis mesquins, les feintes, les petites lâchetés
sont le lot du quotidien.
Nous avons parfois pris de mauvais plis dans nos relations, nous
abandonnant à la facilité. Nos grand-mères (et sans doute la vôtre) nous
disaient souvent : mon garçon, tu dois faire du sport. Pas pour aujourd’hui,
tu es jeune et beau (car nous étions jeunes et beaux, si si !) mais pour
demain !
Alors oui, c’est pour aujourd’hui et pour demain que nous devons nous
entraîner et pratiquer. Chaque jour un peu, pour être prêts lorsque les vents
souffleront et que la tempête de la mauvaise foi, et les humeurs qui
l’accompagnent, s’abattra sur nous.
Ce livre vous a invité à rencontrer les avatars de nos mauvaises humeurs.
Nous leur avons donné des noms pour les distinguer. Les SALMEC casse-
pieds, les trois rôles, et les quatre CASE qui s’en défendent… Votre
entraînement commence ici : donnez un nom aux Vilains que vous croisez.
Faites un pas en arrière, prenez votre souffle et proposez une parade !
Vous pouvez aussi prendre des partenaires pour vous coacher, vous aider
à affiner le geste, trouver un « tapis de sol » pour éviter de vous blesser si
vous chutez. Vous pouvez choisir votre terrain d’entraînement : le coaching
pour un accompagnement rapproché ou un séminaire pour une démarche de
groupe. Et, là encore, il restera une étape à franchir…
Nous constatons dans tous nos séminaires la même chose : nos
participants comprennent parfaitement les démarches, les concepts et les
exercices que nous leur proposons. Ils passent quelques jours avec nous
dans un état de grâce entre le rire et la lucidité. Les entraînements les
enchantent parce que c’est finalement assez drôle de décomposer tous ces
phénomènes et tout est clair !
Et pourtant, lorsque pointe la dernière heure et que nous demandons ce
qu’ils ont pensé du stage et ce qu’ils vont en faire, en voilà certains qui
nous disent : « Oh oui mais (notez au passage, le oui mais) dès demain le
naturel va me rattraper au galop ! On ne peut pas lutter contre le
naturel… »
Bien sûr que notre naturel est le plus spontané et c’est pour ça qu’il
s’appelle ainsi. C’est donc notre naturel, nos réflexes, nos programmes
internes, nos habitudes, nos mauvais plis qu’il faut changer. Et, bonne
nouvelle, c’est possible !
Comment ?
Commençons par tuer ce vieux mythe selon lequel le naturel serait le
plus fort. Ce serait comme dire : je suis plus fort que moi ! Amusant, mais
pas très logique.
Certes l’inconscient semble imbattable… alors travaillons sur le
conscient, l’ici et le maintenant… Nous devons nous entraîner. Nous
devons aussi croire en notre capacité à réussir. Le moyen pour cela est de se
donner dès le départ une permission importante : la permission de changer
et de réussir ; la permission de se lancer et de progresser même
maladroitement.
Procédez d’abord lentement, étape par étape. Apprenez à décomposer les
« gestes » pour les intégrer progressivement. Jusqu’à ce qu’ils deviennent
une seconde nature. Rappelez-vous vos premiers pas. Ce jour magique où
vous êtes passés de la position quatre pattes à deux pattes ! Ah eh bien oui,
le premier jour vous ne faisiez pas les fiers et même tombiez les quatre fers
en l’air… puis le lendemain et le surlendemain, de plus en plus dégourdis,
vous voici debout, sur le tabouret de la cuisine à chiper des sucettes à la
menthe… il était loin le jour des pas hésitants et de la déambulation
grotesque… aujourd’hui, en mettant un pied devant l’autre, le naturel est
devenu une évidence.
Communiquer peut-être aussi simple que marcher, aussi naturel ! Voilà
pourquoi nous parlons d’art martial.
Tous ceux qui ont, un jour entrepris d’apprendre le judo, le karaté,
l’aïkido, le kendo, la boxe française, ont découvert que l’entraînement passe
par la décomposition de chaque geste, répété des dizaines de fois, d’abord,
au ralenti. Et un beau jour, comme par magie, le geste complet se meut tout
seul dans l’espace, comme s’il avait toujours été là.
Commencez par apprendre le silence, pour écouter. Ensuite entraînez-
vous à écouter ce que dit l’autre et ce que vous vous dites. Ce n’est qu’après
que vous commencerez à expérimenter des options de réponse. Et c’est
après tout ça que vous pourrez aborder l’art de la maîtrise de soi.
Si vous n’êtes pas fan des arts martiaux, cette métaphore s’applique aussi
à la danse, à la peinture, finalement, bien sûr, tous les arts sont concernés.
Quant à nous, dans ces pages que nous avons écrites avec passion, nous
vous proposons de visiter un art de vivre.
Vivre en dehors des Jeux.
Un des aspects de ce que certains appellent le bonheur.
■ Les mots pour le dire

Pour que nos filles aussi comprennent le livre de leur


papa

Bienveillance : Un des trois pieds du trépied des relations saines.


CASE : Acronyme définissant quatre stratégies défensives hostiles
pratiquées pour dresser un mur relationnel, bloquer l’intimité.
Constructivité : Néologisme qui constitue un des trois pieds du trépied des
relations saines.
Coup de Théâtre : Moment clé lors d’un Jeu Psychologique du Triangle
Dramatique, au cours duquel l’un des protagonistes change de rôle
soudainement (Switch).
Édredon (technique de l’) : Technique de gestion des conflits en cinq
gestes.
Hameçon : Façon d’accrocher ou de se faire accrocher dans un Jeu
Psychologique. Mordre à un hameçon, c’est réagir trop vite à une
provocation, un rôle ou tout autre tentative de déstabilisation.
Jeu : Toujours écrit avec majuscule quand il s’agit de Jeu Psychologique.
Pratique plus ou moins consciente consistant à inviter autrui dans une
spirale relationnelle négative en faisant une offre depuis le rôle de
Persécuteur, de Sauveur ou de Victime.
Jouer : Toujours écrit avec un J majuscule lorsqu’il s’agit de lancer ou de
participer à un Jeu Psychologique.
Joueur : Toute personne qui invite à un Jeu de Triangle ou y participe en
acceptant d’endosser un des trois rôles. Toujours écrit avec une majuscule.
Lucidité : Un des trois pieds du trépied des relations saines.
Persécuteur : Un des trois rôles dans le modèle du Triangle Dramatique.
Consiste principalement à s’adresser à autrui en sous-entendant ou disant
directement qu’il n’a pas de valeur.
P+ : Reflet positif du rôle de Persécuteur, dans lequel la personne adopte
une Position claire, fait preuve de Présence et fait un Pacte.
Racket : Très mauvaise habitude prise par les êtres humains consistant à
aller chercher de force les signaux de reconnaissance dont ils ont besoin
puis à stocker de la rancœur appelée Timbre.
Rôle : Terme de référence du Triangle Dramatique pour définir un
comportement de Persécuteur, de Sauveur ou de Victime, selon le modèle
de Steven Karpman.
SALMEC : Acronyme définissant six manières de saboter la conversation.
Sauveur : Un des trois rôles dans le modèle du Triangle Dramatique.
Consiste principalement à offrir à autrui du soutien inutile ou non souhaité.
Switch : Moment où un Joueur change de rôle dans un Jeu de Triangle.
Switch en anglais signifie changer. Ce changement provoque un Coup de
Théâtre et le Drame peut alors prendre place.
S+ : Reflet positif du rôle de Sauveur, dans lequel une personne préfère
proposer son Soutien que l’imposer, offre un Support et rend des Services
qui sont dans ses moyens.
Timbre : Terme emprunté à l’Analyse Transactionnelle décrivant les non-
dits et les rancœurs que nous accumulons et stockons jusqu’à ce que la
goutte d’eau fasse déborder le vase !
Triangle : Figure géométrique utilisée par Steven Karpman pour décrire les
cercles vicieux des conflits. Doit être présenté la pointe vers le bas et être
équilatéral.
Victime : Un des trois rôles dans le modèle du Triangle Dramatique.
Consiste principalement à s’adresser à autrui en sous-entendant ou disant
directement que l’on n’a pas de valeur.
Vilain : Terme de référence choisi par les auteurs pour définir les trois rôles
du Triangle, les six SALMEC et les quatre CASE.
V+ : Reflet positif du rôle de Victime, dans lequel une personne exprime à
la fois sa Vulnérabilité, sa Volonté d’aller de l’avant et s’appuie sur une
Vision positive de sa situation.
■ Pour en savoir plus sur le Triangle
Dramatique

Le Triangle Dramatique est resté dans l’esprit des gens un outil


d’observation et de compréhension des mécanismes du conflit. Longtemps,
nous aussi, nous avons pensé qu’il n’était qu’une infime partie du modèle
d’Eric Berne appelé Analyse Transactionnelle. (AT) En effet, le Triangle
Dramatique de Steven Karpman est présent dans la plupart des livres d’AT
où il fait l’objet de quelques pages. La majorité des personnes formées à
l’AT connaissent la dynamique du Triangle et son auteur.
La bonne surprise, en rencontrant Steven Karpman, fut de très vite
comprendre que le Triangle Dramatique était un modèle à part entière. Et à
la surprise s’est ajoutée la stupéfaction de se rendre compte qu’il s’agissait
aussi d’un modèle du monde, un modèle systémique décrivant le
fonctionnement à la fois vertueux et dysfonctionnel des organismes vivants.
Il peut se suffire à lui-même pour décrire, démonter et expliquer chaque
pièce de la mécanique des conflits, en partant de la mauvaise foi jusqu’aux
manipulations, sans oublier tous les drôles de Jeux malsains qui se jouent
dans ces circonstances. Nous l’enseignons aujourd’hui à des personnes qui
ne savent rien des théories psychologiques ou de l’Analyse
Transactionnelle, berceau du Triangle.
Bien sûr, nous faisons régulièrement référence à des notions d’Analyse
Transactionnelle car Steven Karpman et Eric Berne ont été des collègues et
des amis. La vision « triangulaire » de Karpman offre un niveau logique à la
fois différent et complémentaire de la représentation circulaire du modèle
de Berne.
Ce livre est le fruit des réflexions et des travaux
menés depuis août 2007, date de notre première
rencontre avec Steven Karpman
Pendant deux années, entre 2007 et 2009, nous avons interviewé l’auteur
du modèle du Triangle et nous avons organisé sa venue en France en juin
2009, pour une série de quatre séminaires destinés aux professionnels de la
formation et du coaching. Nous voulions offrir à ce modèle bien plus qu’un
chapitre. Ce livre est destiné à toutes celles et ceux qui souhaitent connaître
l’envergure du Triangle Dramatique et mener un travail personnel en
s’appuyant sur les travaux de celui qui l’a créé.
Le parti pris de cet ouvrage est dicté par notre conviction qu’il suffit, bien
souvent, de disposer d’un outil d’observation pertinent pour comprendre en
temps réel ce qui est en train de se jouer et d’arrêter net un engrenage
négatif. Savoir et comprendre pour agir, voilà ce que permet le modèle du
Triangle. Dans nos séminaires, nous entendons régulièrement les
participants qui reviennent en deuxième session nous dire que, maintenant,
ils se voient en train de faire ou de dire les choses. Ce que nous
comprenons, c’est qu’ils ont développé une conscience plus fine d’eux-
mêmes, une lucidité pour voir la matrice des Jeux.
La conscience de soi est une des compétences majeures dans l’art de
déjouer les pièges de la mauvaise foi et des manipulations du quotidien.
Elle permet en effet de se surprendre soi-même en train de vouloir lancer un
Jeu malsain ou de répondre à une provocation. « Se voir faire » est pour
chacun d’entre nous un cadeau inestimable, car cela offre un choix qui
n’existe pas lorsque nous ne sommes pas conscients des leviers conflictuels
que nous activons. Ce choix qui s’offre alors à nous est de décider d’arrêter
ou bien de continuer en connaissance de cause. Il est bien normal, sans un
travail personnel, de ne pas avoir conscience de ces mécanismes si bien
ancrés en nous comme de vieux systèmes de défense, presque primitifs,
réglés sur le mode « automatique », sûrement très utiles à d’autres époques
de notre vie, mais devenus inefficaces pour le déroulement harmonieux
d’une vie relationnelle saine. Nous-mêmes, équipés aussi de ces dispositifs
automatiques, ne sommes pas à l’abri de toutes sortes d’écarts de conduite !
Le modèle est une aide précieuse car il décrit des rôles et des scènes
théâtrales qui font sourire et rire tellement elles paraissent familières. Ce
qui est impressionnant avec le modèle du Triangle Dramatique, c’est
l’étendue du champ d’analyse qu’il offre. Il est aussi aisé d’appliquer les
théories du Triangle à l’échelle d’une relation entre deux personnes qu’à
l’échelle de la relation entre plusieurs pays. Ce n’est pas ici la nature des
enjeux qui prime, mais simplement le fait qu’il y ait des enjeux. Gagner, se
défendre, attaquer, provoquer, riposter, répondre, se taire, se plaindre,
s’immiscer dans les affaires des autres pour leur dire ce qu’il faut faire,
nous aurons de nombreux exemples et de nombreuses occasions de
vulgariser la théorie dans un langage de tous les jours.
C’est donc d’abord à l’échelle de la qualité des relations que s’applique
le modèle. Mais pas seulement, puisqu’il nous donne également une lecture
précieuse sur l’échelle temporelle des relations. Par exemple, lorsque nous
ne savons plus quand tout cela a commencé ou même qui a commencé et
surtout pourquoi. Parfois ce « pourquoi », lorsque nous le retrouvons, nous
semble bien dérisoire. Pour un mot de travers, pour une réflexion
inappropriée ou pour un geste de trop auquel nous avons eu la faiblesse de
répondre ou que nous avons eu le mépris d’ignorer, voilà que nous ne nous
adressons plus la parole autrement que pour nous faire des remarques que
l’autre « n’a pas volées » et qu’il serait bien inspiré de comprendre entre les
lignes.
Comme tous les bons modèles, celui de Steven Karpman est une mine de
bonnes idées et de bon sens. Seulement voilà, il fallait y penser et mettre
toutes ces idées en forme pour leur donner une cohérence. Cette forme fut
celle d’un triangle équilatéral, la pointe orientée vers le bas.

Précision de Steven Karpman à ceux et celles


qui se référent à son modèle
Ces dernières quarante années, j’ai opéré une douzaine de variations et de
modifications dans l’utilisation du Triangle Dramatique. Changements
apportés par moi-même, son inventeur, et changements suggérés par la
contribution d’autres personnes1.
Certaines de ces modifications sont visibles en ligne sur les quelques
15 000 liens proposés sur Google. De nombreuses variations sont proposées
dans le domaine de la relation et de certaines situations professionnelles
spécifiques. D’autres propositions de relecture de mon modèle comprennent
l’application de l’hexagone de la redéfinition, le triangle miniscénarique, le
Triangle OK, le Triangle compassionnel et la solution à 10 %, les Triangles
de la propagande et de la manipulation, les liens pièges, les échappatoires,
le Triangle des partenaires et d’autres encore.
L’espace dans le Triangle de Karpman est désormais utilisé pour afficher
les sentiments cachés et les motivations psychologiques pendant les Jeux.
Ceci peut inclure les escalades contenues qui attendent leur moment pour
exploser au premier, second ou troisième degré de bénéfice négatif final
(issue dramatique).
Un nouveau petit triangle est apparu ces dernières années pour la scène
scénarique dramatique de la famille. Il peut être dessiné à l’intérieur du
Triangle et appelé Triangle de transfert ou de la redécision. Ce dernier
impacte la personne profondément et de manière imperceptible pendant les
scènes de Jeux du Triangle et peut piloter les choix de ceux en train de
jouer, à la recherche de leur bénéfice final dramatique.
Comme aide à l’apprentissage, des groupes de petite taille peuvent être
coachés dans des exercices. L’objectif de ces sessions de formation est de
permettre aux participants de faire l’expérience des différents rôles et du
Switch menant au Drame, ceci à partir de situations et sujets qu’ils
choisissent.
Les participants apprennent ainsi comment les gens sont piégés et
coincés dans les Drames. Ils apprennent les chemins pour en sortir afin de
mener une vie quotidienne dans l’ouverture et la confiance, hors des Jeux.
Désormais, il existe deux ouvrages de références sur mes recherches et
que nous appellerons le véritable Modèle de Karpman. Le mien qui
représente la synthèse de quarante ans de recherches, et celui de Jérôme
Lefeuvre et Pierre Agnese, manuel pratique pour les personnes désireuses
de se certifier à mon modèle, indiqués dans la bibliographie.
1. Extrait du texte en ligne sur son site www.karpmandramatriangle.com.
■ Bibliographie

Livres de référence sur le Modèle de Karpman


KARPMAN Stephen B.– Le Triangle dramatique - De la manipulation à
la compassion, InterÉditions, Malakoff, 2020.
AGNESE Pierre, LEFEUVRE Jérôme – Manuel pratique du Karpman
Process Model - Du Triangle Dramatique au Triangle
Compassionnel, InterÉditions, Malakoff, 2020.

Nos lectures de chevets (bibliographie très sélective)


BERNE Eric – Des Jeux et des hommes, Éditions Stock, Paris, 1983.
KAHLER Taibi – La Process Thérapie, Éditions Eyrolles, Paris, 2009.
KUNDERA Milan – L’insoutenable légèreté de l’être, Éditions
Gallimard, Paris, 1990.
WATZLAWICK Paul, JOHN Weakland et RICHARD Fisch – Changements,
paradoxes et psychothérapie, Éditions Seuil, Paris, 1975.
WATZLAWICK Paul – Faites vous-même votre propre malheur, Éditions
Seuil, Paris, 1986.
WATZLAWICK Paul – Comment réussir à échouer, l’ultrasolution,
Éditions Seuil, Paris, 1988.
MACHIAVEL Nicolas – Le prince (1532), Éditions LGF, 2000.
SCHOPENHAUER Arthur – L’art d’avoir toujours raison, Éditions Mille
et une Nuit, Paris, 1983.
SFAR Johann – Le chat du rabbin (tomes 1 à 5) Éditions Dargaud, Paris,
2003-2006.
SUN TZU – L’art de la guerre ( V e siècle av. J.-C.), Éditions
Flammarion, Paris, 1999.
Liste exhaustive des articles écrits par Stephen B. Karpman
First step for alcoholics. Psychiatric Spectator, 1(12), 1964.
Alcoholic ‘instant’ group therapy. Transactional Analysis Bulletin,
4(16), 74-75, 1965.
Teaching TA in ‘T’ groups. Transactional Analysis Bulletin, 5(20),
184-185, 1966.
Organizing two-day teaching groups. Transactional Analysis Bulletin,
7(25), 3-4, 1968.
Fairy tales and script drama analysis. Transactional Analysis Bulletin,
7(26), 39-43, 1968.
Parental scripting messages from female problem drinkers.
Transactional Analysis Bulletin, 9(33), 13, 1970.
Options. Transactional Analysis Journal, 1(1), 79-87, 1971.
ABC’s of hooking the reader’s, Child. Transactional Analysis Journal,
2(1), 1972.
1972 Eric Berne Memorial Scientific Award lecture. Transactional
Analysis Journal, 3(1), 73-77, 1973.
Fingograms. Transactional Analysis Journal, 3(4), 210-213, 1973.
Overlapping egograms. Transactional Analysis Journal, 4(4), 16-19,
1974.
The Loser’s Loop. Transactional Analysis Journal, 5(1), 74-75, 1975.
The Bias Box for competing psychotherapies. Transactional Analysis
Journal, 5(2). 107-116, 1975.
The Parent Percolator. Transactional Analysis Journal, 5(4), 365,
1975.
Who’s zoo on election day. Transactional Analysis Journal, 5(4), 396,
1975.
Feeling rackets : Notes from State of the Art Winter Congress, January
1976. Transactional Analysis Journal, 6(3), 339-346, 1976.
The pastime formula and intimacy formula. Bulletin of the Eric Berne
Seminar,1(1), 10, 1979.
The Get Fired Loser’s Loop. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 1(1),
18-19, 1979.
The four horsemen at the pass. Bulletin of the Eric Berne Seminar,
1(2), 28, 1979.
Five trust contracts for couples. Bulletin of the Eric Berne Seminar,
1(3), 26-2, 1979.
H. Melts and the six fightmakers. Bulletin of the Eric Berne Seminar,
1(4), 26-27, 1979.
Feature star. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 2(1), 4, 1980.
The annual Eric Berne Memorial Scientific Award acceptance speech
for Options. Transactional Analysis Journal, 10(1), 2-4.
Script adventure analysis. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 2(2), 15-
18, 1980.
1981 Presidential message. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 2(4), 3,
1980.
The politics of theory. Transactional Analysis Journal, 11(1), 68-76,
1981.
A useful new game formula. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 3(1),
5-8, 1981.
Psychological blocks to intimacy. Bulletin of the Eric Berne Seminar,
3(2), 6-9, 1981.
When needs and hurts talk fail. Bulletin of the Eric Berne Seminar,
3(3), 7-8, 1981.
Ten concepts in treating alcoholics with T.A. Bulletin of the Eric Berne
Seminar, 3(4), 6-9, 1981.
The get-well-of-depression defrogging list. Bulletin of the Eric Berne
Seminar, 3(4), 16, 1981.
Frustration and burnout. Bulletin of the Eric Berne Seminar, 4(1), 7-11,
1984.
Make your wildest dream come true. Bulletin of the Eric Berne
Seminar, 5(2), 18-23, 1985.
Notes on the transference papers : transference as a game.
Transactional Analysis Journal, 21(3), 136-140, 1991.
The scripting of a therapist. Transactional Analysis Journal, 25(1), 65,
1995.
Lost in translation : neo-Bernean or neo-Freudian ? Transactional
Analysis Journal, 36(4), 284-302, 2006.
Sex games people play : intimacy blocks, games, and scripts.
Transactional Analysis Journal, 39(2), 103-116, 2009.
KARPMAN Stephen et CALLAGHAN Viola Litt : Protection and nutritional
nervosa. Transactional Analysis Journal, 15(2), 168-172, 1985.
■ Remerciements

Merci Steve, pour ton humour joyeux, ton soutien indéfectible, ton génie
léger comme l’air et pourtant si modeste, pour la confiance placée en nous,
pour les heures passées à construire, lire, écrire, relire, dire et toujours, rire
avec nous. Steve, merci.
Merci Marie, ma sœur. Merci pour tes conseils et ton expérience de
Professeur de lettres modernes et tes encouragements.
Merci Delphine, ma meilleure amie, mon épouse, merci mes filles, mes
raisons de sourire à la vie, Géraldine, Mathilde et Lise, merci d’avoir
patiemment supporté nos heures de joutes verbales tout au long des trois
ans de cette belle aventure.
Merci Marie, mon épouse pour ton soutien et ton amour. Merci pour ta
patience pendant toutes ces heures d’écriture. Merci Lolla, mon petit ange,
née entre la première et la seconde édition et qui est venue encourager son
Papa avec ses jolis dessins.
Merci Melville, dit Shandan, pour tes illustrations dont nous sommes
fans !
Merci Jérôme d’être mon complice.
Merci Pierre d’être mon ami.
Pierre Agnèse, Steven Karpman et Jérôme Lefeuvre – Les vrais !

Pour nous trouver et nous joindre :


www.training-is.art
■ TABLE DES MATIÈRES

Couverture
Page de titre
Page de Copyright
Sommaire
Avant-propos à la troisième édition
Préface
Introduction - Découvrez un recueil d’outils de self-défense contre
la mauvaise foi et les manipulations du quotidien
PARTIE I - Soyez lucides : donnez un nom aux stratagèmes
que vous détectez
CHAPITRE 1 - Le premier qui s'énerve a perdu
Rester dans l'illusion ou affronter la réalité
Nommer pour agir
CHAPITRE 2 - Impossible d'en placer une ! Les six casse-pieds
Repérer les six casse-pieds
S comme Sujet (Subject)
A comme Attribution (Labelling)
L comme Lecture de pensée (Mind reading)
M comme Menaces (Threats)
E comme Exaltation (Enthusiastic)
C comme Cent pour cent (Hundred percent)
Que faire face aux SALMEC ?
Principe 1 : l'Évaluation
Principe 2 : la Dissociation
Principe 3 : l'Expression
Quelques répliques possibles pour désarmer un casse-pieds
Changement de Sujet (S)
Attribution (A)
Lecture de pensée (L)
Menaces (M)
Enthousiaste (E)
Cent pour cent (C)
S'entraîner à désamorcer les casse-pieds
CHAPITRE 3 - Nous n'avons rien à nous dire ! Les quatre
boucliers de la relation
Repérer les quatre boucliers
Condescendant
Abrupt
Secret
Évasif
Pourquoi brandissons-nous des boucliers ? prévenir
des intrusions
Que faire face aux boucliers relationnels CASE ?
Principe 1 : la Distanciation
Principe 2 : l'Acceptation
Principe 3 : la Transaction
Quelques répliques possibles pour neutraliser un bouclier
Parade au bouclier Condescendant
Parade au bouclier Abrupt
Parade au bouclier Secret
Parade au bouclier Évasif
S'entraîner à neutraliser un bouclier
CHAPITRE 4 - À quoi jouez-vous, bon sang ? Les trois rôles
du Triangle Dramatique
Aux sources du Triangle Dramatique,
des jeux et des hommes
Des feintes sportives aux rôles, les recherches de Karpman
Le rôle de Persécuteur
Le rôle de Sauveur
Le rôle de Victime
Les règles scientifiques d'Eric Berne
La validation du concept par le plus grand nombre
Repérer les trois rôles
Rôle de Persécuteur
Rôle de Sauveur
Rôle de Victime
Répondre aux rôles, c'est rentrer dans le Jeu
Oui… Mais… !
Bottez-Moi Les Fesses !
Battez-Vous !
Au Viol !
Que faire face à une personne qui joue un rôle ?
Principe 1 : l'Identification
Principe 2 : la Concentration
Principe 3 : l'Intention
Action de base no1 : ignorer le rôle et continuer
à communiquer normalement
Action de base no2 : S'arrêter de parler et attendre patiemment de retrouver
sa sérénité
CHAPITRE 5 - Association de malfaiteurs : Lorsque les Rôles
sont associés à d'autres vilains
Lorsque les rôles sont associés à des invitations : déclinez
poliment !
Rôle de Persécuteur invite rôle de Sauveur
Rôle de Persécuteur invite rôle de Persécuteur
Rôle de Persécuteur invite rôle de Victime
Rôle de Sauveur invite rôle de Sauveur
Rôle de Sauveur invite rôle de Victime
Rôle de Sauveur invite rôle de Persécuteur
Rôle de Victime invite rôle de Victime
Rôle de Victime invite rôle de Persécuteur
Rôle de Victime invite rôle de Sauveur
Les six SALMEC s'associent aux trois Rôles : dix-
huit variantes !
S pour changement de Sujet
A pour Attribution
L pour Lecture de pensée
M pour Menace
E pour Enthousiaste
C pour Cent pour cent
Les quatre Boucliers s'associent aux trois Rôles : douze
variantes de plus !
PARTIE II - Faites le choix de la bienveillance
CHAPITRE 6 - Résistez à la tentation des Jeux
Envie ou pas envie ?
Courage ou pas courage ?
Comment le dire, quels mots choisir ?
CHAPITRE 7 - Les freins à la bienveillance et à la compassion
Frein 1 : Les croyances et les illusions
Prendre conscience de son scénario de vie
Remettre en question son scénario de vie
Frein 2 : Les bénéfices des Jeux
Ça rapporte !
C'est excitant !
C'est addictif !
Frein 3 : Les collections de timbres
Frein 4 : Les insomnies et les racketteurs nocturnes
Comment mettre fin à ces insomnies ?
Le racket de la colère
Le racket du Bon Samaritain
Le racket de la souffrance
CHAPITRE 8 - Les leviers de la bienveillance
Levier 1 : Nous jouons tous
Des codes acquis très tôt
Pourquoi Jouons-nous encore à l'âge adulte ?
Levier 2 : La solution à 10 %
Dans chacun des rôles joués, il y a au moins 10 % d'intention positive
Dans chacune des idées émises depuis un rôle, il y a au moins 10 % de vérité
Il y a au moins 10 % de la population qui aurait agi de la même manière
Lorsque nous sommes dans un rôle, au moins 10 % de ce que nous disons
est faux
Levier 3 : Décrypter les intentions positives derrière
les trois rôles
Premières parades face aux rôles
Rôle de Persécuteur et parade associée
L'intention positive possible derrière le rôle : parler d'un sujet important
Posture P+ à adopter
Premier geste : accepter la discussion
Deuxième geste : poser les conditions
Rôle de Sauveur et parade associée
L'intention positive possible derrière le rôle : apporter son aide, se rendre
utile
Posture S+ à adopter
Premier geste : remercier pour l'aide proposée
Deuxième geste : négocier le soutien attendu
Rôle de Victime et parade associée
L'intention positive possible derrière le rôle : exprimer des difficultés
Posture V+ à adopter
Premier geste : valoriser l'expression des difficultés
Deuxième geste : identifier la nature du besoin
CHAPITRE 9 - Et si les intentions sont négatives : Fuyez !
Identifier les rôles de mauvaise foi
Rôle de Persécuteur : attaquer pour blesser
Rôle de Sauveur : créer un lien de dépendance
Rôle de Victime : rester dans l'impasse
Que faire lorsque les intentions sont négatives ?
Dénoncer le Jeu
Reporter la conversation
S'éloigner sans tarder
PARTIE III - Restez constructif : Entraînez-vous
CHAPITRE 10 - Choisissez l'énergie positive
Après l'entraînement sur la scène de théâtre
L'entraînement au dojo sur le tatami
CHAPITRE 11 - La technique de l'Édredon : amortir le choc
et renvoyer de l'énergie positive
Premier geste : Le silence est d'or
Second geste : questionner plutôt que répondre
Troisième geste : accuser Réception
Accusé de réception : je suis touché
Accusé de réception : tu es touché
Quatrième geste : Métacommuniquer
Cinquième geste : Le Rendez-Vous
CHAPITRE 12 - Le dojo de Jérôme et Pierre Senseï
Salle d'échauffement
Exercice 1
Exercice 2
Salle d'entraînement no 1 Affronter les six SALMEC
Exercice 3
Exercice 4
Salle d'entraînement no 2 Affronter les quatre CASE
Exercice 5
Exercice 6
Salle d'entraînement no 3 Affronter les trois Rôles
Exercice 7
Exercice 8
Exercice 9
Salle d'entraînement no 4 Affronter les neuf invitations
à Jouer
Exercice 10
Exercice 11
Salle zen Travail sur le trépied Lucide, Bienveillant
et Constructif
Exercice 12
Exercice 13
Exercice 14
Conclusion - Voilà, maintenant, vous êtes devenu(e) ceinture
noire ; vous savez envoyer la manipulation et la mauvaise
foi au tapis
Les mots pour le dire - Pour que nos filles aussi comprennent le
livre de leur papa
Pour en savoir plus sur le Triangle Dramatique
Bibliographie
Remerciements

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