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Sommaire

Introduc on : la vie design

DESIGN DE VIE

chapitre 1 : Démarrer d’où on est


chapitre 2 : Fabriquer une boussole
chapitre 3 : S’orienter
chapitre 4 : Sor r d’un blocage
chapitre 5 : Dessiner ses vies
chapitre 6 : Faire des prototypes
chapitre 7 : Comment ne pas trouver de boulot
chapitre 8 : Dessiner son job de rêve
chapitre 9 : Choisir le bonheur
chapitre 10 : L’immunité contre l’échec
chapitre 11 : Bâ r une équipe
Conclusion : Une vie bien dessinée
Remerciements
« À tous les merveilleux étudiants qui ont partagé leurs
histoires et leur vie avec nous ; leur franchise et leur volonté
d’engagement nous ont plus appris sur le design de vie que
nous n’aurions pu l’imaginer.

À ma femme, Cynthia, qui m’a convaincu d’accepter ce job à


Stanford ; je t’aime et je ne serais pas la personne que je suis
aujourd’hui sans toi. »
Bill Burne

« À ma chère épouse, Claudia, la vraie force li éraire de la


maison, qui a refusé que je n’écrive pas ce livre et m’a
constamment rappelé pourquoi. Ton amour me sauve, encore
et toujours. »
Dave Evans
Introduc on : la vie design

Ellen aimait les cailloux. Elle aimait les collec onner, les classer, les
trier selon leur taille, leur forme, leur nature ou leur couleur. Après
deux ans dans une université pres gieuse vint le moment pour Ellen
de choisir son op on majeure. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle
voulait faire dans la vie ou de qui elle voulait devenir plus tard, mais il
fallait choisir. La géologie lui apparut comme le meilleur choix. Après
tout, elle aimait vraiment beaucoup les cailloux.
Les parents d’Ellen étaient fiers de leur fille, la future géologue. Quand
elle ob nt son diplôme, elle revint vivre chez ses parents. Pour gagner
un peu d’argent, elle commença par faire du baby-si ng et à
promener les chiens des voisins. Ses parents n’y comprenaient rien.
C’était ce qu’elle faisait quand elle était lycéenne. Ils venaient de lui
payer des études à l’université. Quand donc leur fille allait-elle se
métamorphoser en géologue ? Quand donc allait-elle commencer son
mé er ? C’était pour ça qu’elle avait fait des études. C’était ce qu’elle
devait devenir.
Problème – Ellen s’était rendu compte qu’elle ne voulait pas devenir
géologue. Elle n’avait aucune envie de passer sa vie à étudier les
phénomènes à l’œuvre sur la Terre, ni ses matériaux, ni son histoire.
Le travail de terrain ne l’intéressait pas, pas plus que travailler pour
une société minière ou une agence pour l’environnement. Elle n’aimait
pas établir des cartes ni écrire des rapports. Elle avait choisi la
géologie par défaut, parce qu’elle s’était intéressée aux cailloux, et
maintenant, son diplôme en poche, ses parents sur le dos, Ellen ne
savait absolument pas comment trouver un travail ni quoi faire de sa
vie.
S’il était vrai, comme tout le monde le lui avait répété, que ses années
de collège avaient été les quatre meilleures de sa vie, alors tout le
reste serait forcément moins bien. Elle ne se rendait pas compte
qu’elle était loin d’être la seule à ne pas vouloir travailler dans le
domaine qu’elle avait choisi. En fait, aux États-Unis, seuls 27 % des
diplômés exercent un mé er lié à leur op on majeure. L’idée qu’elle
détermine le reste de sa vie, ou que les années d’université soient les
meilleures de sa vie (avant une vie de dur labeur et d’ennui),
correspondent à ce que nous appelons des « principes à problèmes »
– ces convic ons qui empêchent tant de gens de dessiner la vie dont
ils ont envie.

Principe à problèmes : Mon diplôme détermine ma profession.


Recadrage : Le mé er des trois quarts des diplômés n’a pas de
rapport avec leur majeure.

Vers l’âge de 35 ans, Janine était sur le point de recueillir les fruits de
vingt ans d’abnéga on. Elle était entrée tôt sur l’autoroute de la
réussite et s’y était maintenue. Diplômée d’une des meilleures
universités, tulaire d’un master dans une des meilleures écoles de
Droit, elle travaillait pour une grande firme influente : elle était
vraiment en train de « réussir ». Université, Droit, mariage, carrière –
tout dans sa vie se déroulait selon ses plans ; sa volonté et sa
capacité de travail lui avaient apporté tout ce qu’elle désirait. Elle était
l’image même de la réussite.
Mais Janine avait un secret.
Certains soirs, une fois rentrée de son cabinet d’avocats, l’un des plus
réputés de la Silicon Valley, elle s’asseyait sur sa terrasse face aux
lumières de la vallée qui s’allumaient, et elle pleurait. Elle possédait
tout ce qu’elle croyait désirer, mais elle était profondément
malheureuse. Elle savait qu’elle aurait dû s’extasier devant la vie
qu’elle s’était créée, mais elle n’y parvenait pas. Pas même un peu.
Janine se disait que quelque chose clochait en elle. Qui donc s’éveille
tous les ma ns incarna on de la réussite, pour se coucher tous les
soirs une boule à l’estomac, une impression de manque, comme si
quelque chose s’était perdu en route ? Vers qui se tourner quand on a
tout et rien en même temps ? Comme Ellen, Janine était porteuse
d’un principe à problèmes. Elle croyait que c’est en montant sur tous
les manèges et en a rapant tous les anneaux qu’on trouve le
bonheur. Janine non plus n’est pas seule dans ce cas-là. En Amérique,
deux ers des ac fs n’aiment pas leur travail. Et 15 % le détestent
carrément.

Principe à problèmes : La réussite fait le bonheur.


Recadrage : Le vrai bonheur, c’est me dessiner une vie qui me con
vienne.

Donald avait bien gagné sa vie. Pendant plus de trente ans, il avait
exercé le même mé er. Sa maison était presque en èrement payée. Il
avait envoyé tous ses enfants à l’université. Le montant de sa retraite
avait été placé avec prudence. Sa vie professionnelle et sa vie
personnelle reposaient sur des bases solides. Lève-toi, va au boulot,
paye tes factures, rentre chez toi, va te coucher. Lève-toi le lendemain
et recommence. Métro. Boulot. Dodo.
Depuis des années, Donald se posait une ques on. Il se la posait au
café, à la table familiale, à l’église, et même au bar du coin, où
quelques doigts de whisky suffisaient à la faire tenir tranquille. Mais
toujours, elle revenait. Elle le réveilla toutes les nuits à 2 h du ma n
pendant près de dix ans, elle l’accompagnait devant le miroir de la
salle de bain : « Tout ça pour quoi, nom de Dieu ? »
Pas une seule fois, le type qui lui renvoyait son regard dans la glace
n’eut de réponse sa sfaisante. Le principe à problèmes de Donald
ressemblait à celui de Janine, mais il s’y accrochait depuis bien plus
longtemps – une vie de bons et loyaux services, ça doit amener le
bonheur. Non ? Donald souffrait aussi d’un autre principe : on doit
faire ce qu’on sait faire. Si seulement le type dans le miroir avait pu lui
dire qu’il n’était pas seul dans son cas et qu’il n’était pas obligé de
con nuer à faire ce qu’il avait toujours fait. Rien qu’aux États-Unis,
plus de 31 millions de personnes entre 44 et 70 ans espèrent une
« seconde carrière » – un travail à la fois porteur de sens, source de
revenus et u le à la société. Certains la trouvent, mais beaucoup ne
savent pas où commencer et redoutent qu’il soit trop tard pour un
changement radical.

Principe à problème : Il est trop tard.


Recadrage : Il n’est jamais trop tard pour dessiner la vie que j’aime.

Trois personnes. Trois gros problèmes.

LES DESIGNERS ADORENT LES PROBLÈMES


Regardez autour de vous. Regardez votre bureau, votre appartement,
la chaise sur laquelle vous êtes assis(e), la table e ou le smartphone
que vous tenez entre les mains. Tout ce qui nous entoure a été conçu
par quelqu’un. Et chacune de ces créa ons a commencé par un
problème. Le problème de ne pas pouvoir écouter beaucoup de
musique sans transporter une valise de CD a permis qu’on puisse
écouter trois mille chansons sur un pe t objet accroché à sa chemise.
C’est à cause d’un problème qu’un téléphone ent désormais dans la
paume d’une main, ou qu’une ba erie d’ordinateur portable possède
une autonomie de cinq heures, ou qu’un réveille-ma n fait un son
d’oiseau. Certes, la sonnerie pénible d’un réveil peut paraître un
problème secondaire dans la marche du monde, mais il s’est avéré
suffisamment grave pour ceux qui n’avaient pas envie de commencer
toutes leurs journées par une série de bips désagréables. Ce sont des
problèmes qui nous ont donné l’eau courante ou permis de bien isoler
nos appartements. La plomberie est une solu on à un problème. La
brosse à dents est une solu on à un problème. On a créé la chaise
parce que quelqu’un, un jour, a décidé de résoudre un grave
problème : s’asseoir sur des rochers fait mal aux fesses.

“ Regardez autour de vous. […] Tout ce qui


nous entoure a été conçu par quelqu’un. ”
Il existe une différence entre les problèmes de design et les
problèmes d’ingénierie. Nous sommes tous deux tulaires d’un
diplôme d’ingénieur et l’ingénierie est une bonne façon
d’appréhender un problème sur lequel on a beaucoup de données,
lorsqu’on est sûr qu’il existe une solu on meilleure que les autres. Bill
a travaillé sur un problème de charnières sur le premier ordinateur
portable d’Apple, et la solu on qu’ils y ont apportée avec son équipe
en a fait un des portables les plus fiables du marché. Ce e solu on a
nécessité de nombreux prototypes et beaucoup de tests, comme dans
les processus de design, mais l’objec f de créer des charnières qui
résisteraient à cinq ans d’u lisa on (soit dix mille ouvertures et
fermetures) était prédéterminé et son équipe a testé de nombreux
mécanismes différents pour l’a eindre. Une fois l’objec f a eint, la
solu on pouvait être reproduite des millions de fois. C’était un bon
problème d’ingénierie.
Comparez cela avec le problème de créer le premier ordinateur
portable avec une « souris intégrée ». Comme presque toutes les
fonc ons des machines Apple dépendaient de la souris, fabriquer des
ordinateurs nécessairement reliés à une souris par un fil était
inacceptable. Il s’agissait d’un problème de design. Il n’existait pas
d’exemple préalable, le résultat n’était pas prédéterminé ; dans le labo,
plein d’idées circulaient, plusieurs concepts furent testés, mais aucun
ne fut sa sfaisant. Vint alors un ingénieur nommé Jon Krakower. Jon
bricolait depuis un moment des boules de commandes – des
« trackballs » – miniatures, et il eut l’idée folle de déplacer le clavier
vers le fond de l’appareil, de façon à laisser juste assez de place pour
insérer son ou l de pointage. Ce fut le progrès décisif que tout le
monde a endait, et ça devint l’une des signatures visuelles des
modèles Apple.1
L’esthé que des choses, leur apparence extérieure, est un autre
exemple des problèmes sans solu on exacte sur lesquels travaillent
les designers. Il y a par exemple beaucoup de voitures de sport très
performantes dans le monde, et toutes véhiculent une impression de
vitesse, mais une Porsche ne ressemble pas à une Ferrari. Les deux
sont élaborées par des spécialistes et leurs éléments cons tu fs sont
presque semblables, mais l’esthé que de chacune est très différente.
Dans les deux entreprises, les designers prennent un soin infini à
tracer chaque ligne et chaque courbe, chaque phare et chaque
calandre, mais ils prennent des décisions très différentes. Chaque
société travaille à sa manière – on reconnaît toujours une Ferrari à
son air italien passionné et une Porsche à son exigence millimétrée.
Les designers étudient l’esthé que pendant des années pour faire de
ces produits industriels l’équivalent de sculptures mouvantes et
émouvantes. Voilà comment l’esthé que se pose peut-être comme le
plus grand des problèmes de design. L’esthé que touche aux
émo ons humaines – et nous avons découvert que, dès qu’il est
ques on d’émo on, le mode de pensée ouvert et en mouvement
du « design thinking » – la « pensée design » – se révèle le meilleur
ou l pour trouver des solu ons.
Lorsque nous nous sommes a aqués au problème d’aider nos
étudiants à qui er l’université pour s’inscrire dans le monde de façon
sa sfaisante et produc ve – bref, à trouver ce qu’ils pourraient bien
faire de leur vie –, nous savions que la pensée design serait le
meilleur ou l pour trouver une solu on. Dans le design de sa vie, on
ne poursuit pas un objec f précis, comme quand on doit fabriquer
des charnières qui durent cinq ans, ou construire un pont gigantesque
entre deux rives – il s’agit là de problèmes d’ingénieurs, qui disposent
de données solides et de différentes op ons parmi lesquelles il faut
choisir la meilleure.
Quand on sait ce qu’on cherche (un ordinateur vraiment portable, une
voiture de sport sexy ou un bon design de vie), mais qu’aucune
solu on évidente ne se présente, c’est là qu’on se creuse la tête,
qu’on tente des trucs dingues, qu’on improvise et qu’on « avance pas
à pas » jusqu’à obtenir quelque chose qui fonc onne vraiment. On le
reconnaît quand on le trouve, qu’il s’agisse de la ligne harmonieuse
d’une Ferrari ou du MacBook Air ultra-portable. Un grand design ne
sort pas d’une équa on, d’un tableau de chiffres ou d’une analyse de
données. Il en émane une apparence et une sensa on par culières –
une esthé que qui parle d’elle-même.

“ Une vie bien dessinée est une vie féconde –


constamment créatrice, produc ve,
changeante, évolu ve : la surprise y est
toujours possible. ”
De la même façon, un bon design de vie se reconnaît de lui-même et
la pensée design aide à résoudre ses problèmes de design de vie. Tout
ce qui rend votre vie quo dienne plus facile, plus produc ve et plus
agréable est né d’un problème ; parce qu’un designer (ou une équipe
de designers), quelque part dans le monde, a cherché à le résoudre.
Nos lieux de vie ou de travail, nos espaces de jeu, ont tous été conçus
pour améliorer notre façon de vivre, de travailler ou de jouer. Où que
se posent nos yeux, on constate ce qui se produit quand des
designers s’emparent d’un problème.

Les bénéfices de la pensée design se voient


Et vous verrez les bénéfices de la pensée design dans votre propre
vie. Le design ne sert pas qu’à fabriquer des trucs choue es comme
des ordinateurs ou des Ferrari ; il sert aussi à fabriquer une choue e
vie. La pensée design permet de créer une vie pleine de sens, joyeuse
et épanouie. Peu importe qui on est ou qui on a été, ce qu’on (a) fait
ou son âge ; on peut adopter ce mode de pensée – à l’origine des
technologies, des produits et des espaces les plus extraordinaires –
pour dessiner sa trajectoire professionnelle et sa vie. Une vie bien
dessinée est une vie féconde – constamment créatrice, produc ve,
changeante, évolu ve : la surprise y est toujours possible. On en
re re plus que l’on y met. Un bon design de vie ne se résume pas
à « métro, boulot, dodo ».

COMMENT LE SAVONS-NOUS ?
Tout a commencé par un déjeuner.
En fait, tout a commencé quand nous é ons jeunes étudiants à
Stanford, dans les années 1970 (Dave quelques années avant Bill). Bill
a découvert la majeure « Design industriel » et, avec elle, une
trajectoire professionnelle excitante. Enfant, il dessinait des voitures
et des avions en restant assis sous la machine à coudre de sa grand-
mère et, s’il passa son diplôme en design industriel, c’était parce qu’il
avait découvert (à sa grande surprise) qu’il existait dans le monde des
gens qui faisaient ça tous les jours, qu’on appelait designers. En tant
que directeur exécu f de l’enseignement du design à Stanford, Bill
con nue à dessiner et à fabriquer des trucs (il est sor de sa cache e
sous la machine à coudre). Il dirige les programmes de licence et de
master en design et enseigne à la d.school (l’Ins tut de Design Hasso
Pla ner – plateforme interdisciplinaire d’innova on de Stanford où
tous les cours sont basés sur la pensée design). Bill a également
travaillé pour des start-ups et des sociétés du Fortune 100 ; il a passé
sept ans chez Apple, pour créer des portables (et des charnières)
primés, et pas mal d’années dans l’industrie du jouet, pour créer des
figurines Star Wars.
Bill mesure sa chance d’avoir découvert si tôt le design industriel et
une voie professionnelle amusante et épanouissante. En tant
qu’enseignants, nous nous sommes rendu compte à quel point c’était
rare pour les étudiants, même à Stanford.
À la différence de Bill, quand Dave était étudiant en licence, il ne
savait pas du tout ce qu’il voulait faire. Il échoua en biologie (on y
reviendra) et finit par passer son diplôme en ingénierie mécanique –
faute de mieux, pour être très franc. Durant son passage à
l’université, il n’a jamais su répondre à la ques on « Qu’est-ce que je
vais faire de ma vie ? ». Il a quand même fini par trouver, « à la dure »,
et a passé une bonne trentaine d’années à diriger ou conseiller des
entreprises dans les technologies de pointe. Chez Apple, il fut
responsable de la fabrica on de la première souris et des premières
imprimantes laser ; il fut l’un des cofondateurs d’Electronic Arts et a
aidé de nombreux jeunes entrepreneurs à trouver leur voie. Après des
débuts difficiles, sa carrière s’est magnifiquement déroulée – mais il
n’a jamais oublié que ça avait été beaucoup plus dur que ça n’aurait
dû l’être.
En marge de nos carrières et de nos vies de famille, nous avons
toujours été en contact avec des étudiants ; Bill, à Stanford, où,
pendant ses heures de permanence, il vit défiler des centaines
d’étudiants qui se demandaient ce qu’ils allaient faire après leur
diplôme ; Dave, à Berkeley, où il proposait un cours
in tulé « Comment trouver sa voca on (alias La voix de la voie) », qu’il
assura à quatorze reprises en huit ans. Mais Stanford lui manquait.
Entretemps, sa trajectoire et celle de Bill s’étaient croisées à plusieurs
reprises, aussi bien côté professionnel que personnel. Dave apprit que
Bill venait d’accepter le poste de directeur exécu f de l’enseignement
du design à Stanford, un programme que Dave connaissait bien. Il lui
sembla que les exigences interdisciplinaires du cursus de designer
risquaient de me re une pression par culièrement forte sur les
étudiants : essayer de trouver un projet de carrière à la fois sincère et
pleine de sens, tout en étant viable économiquement. Il décida
d’appeler Bill pour un déjeuner où il lui présenterait ses idées – à tout
hasard. Si ça se passait bien, peut-être en reparleraient-ils lors
d’autres déjeuners et, qui sait, d’ici un an ou deux, il en sor rait peut-
être quelque chose.
Voilà pourquoi tout a commencé par un déjeuner.
Au bout de cinq minutes, c’était fait. Nous avions décidé de nous
associer pour proposer un nouveau cours à Stanford, pour concevoir
sa vie après l’université, en u lisant la pensée design ; il serait d’abord
des né aux étudiants en design, puis, si ça se passait bien, à
l’ensemble des étudiants.
Ce cours a fini par devenir un des élec fs les plus choisis de Stanford.
Quand on nous demande ce qu’on fait à Stanford, nous donnons
parfois ce e réponse expresse bien rôdée : « Notre cours aide les
étudiants à u liser les principes d’innova on de la pensée design pour
résoudre un méchant problème : dessiner sa vie à Stanford et après ».
Et bien sûr, on nous dit alors : « Super ! Qu’est-ce que ça veut dire ? »
Ce à quoi nous répondons généralement : « Nous apprenons à u liser
le design pour trouver ce qu’on veut faire quand on sera grand ». Là,
presque tout le monde dit : « Oh ! Est-ce que je peux m’inscrire ? ! »
Pendant des années, nous avons été obligés de répondre non à ce e
ques on, en tout cas à tous ceux qui ne faisaient pas par e des
16 000 étudiants de Stanford. Ce n’est plus le cas. Nous proposons
désormais à tous un atelier (www.designingyour.life) et nous avons
écrit ce livre pour que vous n’ayez pas besoin d’aller à Stanford pour
vivre une vie bien dessinée.
Mais vous devez être prêt(e) à vous poser quelques ques ons. Des
ques ons difficiles.
LES DESIGNERS AIMENT AUSSI LES
QUESTIONS
Comme Donald qui se regardait dans la glace toutes les nuits en se
demandant « Pourquoi tout ça, nom de Dieu ? », chacun se débat avec
des ques ons de ce type sur sa vie, son boulot et son rôle dans le
monde.

• Comment trouver un travail acceptable ? Et pourquoi pas, que


j’aime ?
• Comment bâ r une carrière qui me perme e de vivre
confortablement ?
• Comment trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie de
famille ?
• Comment faire bouger les choses ?
• Comment devenir fabuleusement riche tout en restant mince et
sexy ?

Nous pouvons vous aider à répondre à toutes ces ques ons – sauf la
dernière.
On nous a tous un jour demandé : « Qu’est-ce que tu veux faire
quand tu seras grand(e) ? » C’est la ques on fondamentale de la vie –
qu’on ait quinze ou cinquante ans. Les designers adorent les
ques ons, mais ce qu’ils aiment par-dessus tout, c’est les recadrer.
Le recadrage est un des principaux par s pris du designer. Des tas de
grandes innova ons sont nées d’un recadrage. En mode design, on dit
toujours « Ne commence pas par le problème, commence par les
gens, commence par l’empathie ». Quand on se met à la place des
futurs u lisateurs, on définit un point de vue, on échange des idées et
on commence à faire des prototypes pour savoir ce qu’on ignore
encore du problème. Ce qui débouche habituellement sur un
recadrage, qu’on appelle aussi bascule. Un recadrage, c’est quand on
récupère de nouvelles informa ons sur un problème, qu’on modifie
son point de vue et qu’on se remet à réfléchir pour faire des
prototypes. Au départ, on pense qu’on est en train de concevoir un
produit (un nouveau mélange de café et une nouvelle machine à café)
et on recadre en s’apercevant qu’on est en train de changer
l’expérience même du café (Starbucks). Ou bien, pour réduire la
pauvreté, quand on arrête de prêter de l’argent aux riches (comme le
fait la Banque mondiale) pour en prêter à ceux qu’on considérait
comme trop pauvres pour être capables de rembourser (micro-crédit
et Grameen Bank). Ou encore l’équipe qui, chez Apple, imagine l’iPad,
soit un recadrage complet de l’u lisa on même d’un ordinateur
portable.
Dans le design de vie, on recadre beaucoup. Le plus important des
recadrages, c’est qu’on ne peut planifier parfaitement sa vie, qu’il
n’existe pas une solu on unique et que c’est une bonne chose. Il y a
bien des façons de construire sa vie, qui perme ent toutes d’espérer
le genre de réalité créa ve et ina endue qui fait que la vie vaut d’être
vécue. Votre vie n’est pas un objet, c’est une expérience ; le fun vient
de la façon de sculpter ce e expérience et d’y prendre plaisir.
Le recadrage de la ques on « Qu’est-ce que tu veux faire quand tu
seras grand(e) ? », c’est « Quelle personne veux-tu devenir ? ». La vie,
c’est grandir et changer. Rien de sta que là-dedans. Ce n’est pas la
des na on qui compte. Il ne s’agit pas de répondre à la ques on une
fois pour toutes, et après, c’est réglé. Personne ne sait vraiment ce
qu’il veut devenir. Même ceux qui ont coché la case docteur, avocat
ou ingénieur. Il ne s’agit là que d’indica ons vagues sur le chemin de
la vie. Il y a tant de ques ons qui con nuent de se poser à chaque
pas. Ce dont on a besoin, c’est d’un processus – un processus de
design – pour élucider ce qu’on veut, quel genre de personne on a
envie devenir et comment créer une vie qu’on aime.

BIENVENUE DANS LE DESIGN DE VIE


Le design de vie, c’est la façon d’aller de l’avant. C’est ce qui aidera
Ellen à passer de son diplôme à son premier emploi. C’est ce qui
aidera Janine à passer de la vie qu’elle est supposée avoir à celle
qu’elle a envie de mener. C’est ce qui aidera Donald à trouver les
réponses aux ques ons qui le réveillent la nuit. Les designers
imaginent des choses qui n’existent pas encore, puis ils les
construisent, et puis le monde change. On peut faire ça avec sa
propre vie. On peut imaginer une carrière et une vie qui n’existent pas
encore ; on peut se construire une iden té future et du coup, sa vie
change. Et si votre vie vous semble assez parfaite comme elle est, le
design de vie peut quand même vous aider à la rendre encore
meilleure.
Quand on pense comme un designer, quand on a la volonté de poser
des ques ons, quand on réalise que la vie consiste toujours à
concevoir quelque chose qui n’existait pas auparavant, alors la vie se
met à é nceler d’une façon qu’on n’aurait jamais imaginée. Si, bien
sûr, vous aimez les é ncelles. C’est votre dessin après tout.

QU’EN SAVONS-NOUS ?
Dans le cadre de l’enseignement du design à Stanford, nous avons
enseigné la pensée design et le design de sa vie à plus de mille
étudiants. Et nous allons vous confier un secret : personne n’a jamais
échoué à ce cours. En fait, c’est impossible. Nous avons plus de
soixante ans d’expérience combinée dans l’enseignement, nous avons
enseigné ce e approche à des lycéens, des étudiants en licence, en
master, en doctorat, à des jeunes adultes, des cadres en milieu de
parcours et des retraités à la recherche d’une seconde vie
professionnelle.
En tant que professeurs, nous avons toujours garan à nos élèves
« une permanence à vie ». Ça signifie que si vous prenez un cours
avec nous, nous serons toujours là pour vous. Point. Des anciens
étudiants reviennent nous voir au fil des ans et ils nous racontent
combien les ou ls, les idées et les par s pris que nous professons ont
changé leur vie. Nous avons bon espoir – et même confiance – que
ces idées puissent également changer la vôtre.
Mais ne nous croyez pas sur parole. Stanford est un lieu de rigueur.
Les anecdotes sympathiques n’ont pas beaucoup de valeur dans le
milieu universitaire. Pour parler avec autorité, il faut des chiffres.
Notre cours est l’un des rares cours de pensée design à avoir été testé
de façon scien fique et à avoir prouvé son rôle déterminant par
nombre d’indicateurs. Deux étudiants en doctorat y ont consacré leur
thèse et ce qu’ils ont trouvé était plutôt enthousiasmant.2 Ils ont
montré que ceux qui ont suivi notre cours arrivent mieux à définir et
suivre une voie professionnelle qui leur convient vraiment ; ils
souffrent de moins de « principes à problèmes » (ces maudites
convic ons qui vous retardent et sont juste erronées) et peuvent
mieux générer de nouvelles idées pour leur design de vie (capacité
d’idéa on accrue). Avec des chiffres « significa fs sur le plan
sta s que », ce qui, en langage normal, signifie que les idées et les
exercices que nous proposons dans notre cours et qui vont vous
accompagner tout au long de ce livre se sont révélés efficaces ; ils
peuvent vous aider à trouver ce que vous voulez et vous montrer
comment l’obtenir.
Mais nous devons être très clairs dès le départ. Science ou pas, c’est
avant tout une affaire très personnelle. Nous pouvons vous fournir
des ou ls, des idées, des exercices, mais nous ne pouvons pas trouver
la solu on pour vous. Nous ne pouvons pas avoir vos intui ons,
changer la façon dont vous envisagez les choses et vous alimenter en
révéla ons non-stop, le tout en dix étapes faciles. Ce que nous
pouvons vous dire, c’est que si vous décidez d’u liser ces ou ls et de
faire les exercices du design de vie, vous génèrerez les bonnes idées
dont vous avez besoin. Car telle est la grande vérité : il existe de
nombreuses versions de vous-même et elles sont toutes « bonnes ».
Le design de vie aide à vivre n’importe laquelle des vies qui sont à
l’affiche de votre mul plexe perso. Rappelez-vous, il n’y a pas de
mauvaises réponses et nous ne vous notons pas. Dans ce livre, nous
vous proposerons quelques exercices, mais il n’y aura pas de réponses
à la fin pour vous dire comment vous avez réussi. Nous avons ajouté
un récapitula f des exercices à la fin de chacun des chapitres qui en
comportent – une sec on « À vous de jouer » – parce que ce que
nous recommandons, c’est d’essayer soi-même. C’est ce que font les
designers. Nous ne vous comparons à personne et vous n’avez pas à
le faire. Nous sommes là pour co-créer avec vous. Imaginez que nous
faisons par e de votre équipe personnelle de designers.
En fait, nous vous conseillons de vous cons tuer immédiatement une
équipe de designers – un groupe de gens qui vont lire ce livre et faire
les exercices avec vous, une équipe de collaborateurs où chacun
sou ent tous les autres dans sa quête d’un bon design de vie. On
reparlera de cela plus loin dans le livre et, bien sûr, n’hésitez pas à le
lire d’abord de votre côté. Beaucoup de gens pensent que les
designers sont des génies solitaires, qui travaillent seuls en a endant
l’inspira on subite qui résoudra leur problème de design. Rien n’est
plus éloigné de la vérité. Certains problèmes, comme le dessin d’un
tabouret ou d’un nouveau jeu de blocs pour enfants, sont assez
simples pour être résolus par un seul individu, mais dans notre monde
très technique, presque tous les problèmes requièrent une équipe de
designers. La pensée design prolonge ce e idée en suggérant que les
meilleures idées viennent d’une collabora on sans réserve. Le par
pris de la collabora on sans réserve fonc onne sur le principe que
des gens d’horizons très divers apporteront à une équipe les
connaissances, humaines et techniques, qui leur sont propres. D’où
une meilleure capacité à se me re à la place des futurs u lisateurs et
de meilleures chances d’élaborer des solu ons vraiment uniques par
confronta on d’univers différents.
Nous en avons sans cesse la confirma on dans les cours d.school de
Stanford, où des étudiants en master montent des équipes de
business, de droit, d’ingénierie, d’enseignement ou de médecine, qui
ne cessent d’innover de manière spectaculaire. Ce qui fédère ces
équipes, c’est la pensée design, l’approche de la créa on fondée sur
l’humain, qui re avantage des différences de profils pour s muler la
collabora on et la créa vité. Généralement, quand ils s’inscrivent à
notre cours, les élèves n’ont pas de forma on en design et, au début,
les équipes ont du mal à être produc ves. Ils doivent d’abord adopter
les par s pris des designers − par culièrement la collabora on sans
réserve et la conscience qu’il s’agit d’un processus. Après, ils
découvrent que leurs capacités en équipe sont bien supérieures à
celles de n’importe quel individu isolé et la confiance qu’ils ont en leur
créa vité explose. C’est un processus qui a permis à des centaines de
projets d’étudiants et d’entreprises innovantes, comme D-Rev et
Embrace3, d’être couronnés de succès ; ce qui prouve que la
collabora on est la façon dont le design marche aujourd’hui.
Alors oui, dessinez votre vie avec génie, mais sans vous sen r obli-
gé(e) d’être un de ces fameux génies solitaires.

PENSER COMME UN DESIGNER


Avant de se lancer dans le design de sa vie, il faut apprendre à penser
comme un designer. Nous donnerons quelques façons simples d’y
parvenir, mais il faut d’abord comprendre un point très important : les
designers n’imaginent pas leur progression, ils la fabriquent. Qu’est-ce
que ça veut dire ? Qu’il n’est pas ques on de se perdre en hypothèses
sans liens avec la réalité – du monde ou de sa personne. Vous allez
fabriquer des choses (nous appelons ça des prototypes), tenter des
trucs et bien vous amuser en route.

“ Les designers n’imaginent pas leur


progression, ils la fabriquent. ”
Vous voulez changer de mé er ? Ce livre vous y aidera, mais pas sans
rien faire en a endant de décider la nature de ce changement. Nous
allons vous aider à penser comme un designer et construire votre
avenir, prototype après prototype. Nous allons vous aider à aborder
les défis de votre design de vie avec le même type de curiosité et de
créa vité qui ont présidé à l’inven on de l’imprimerie, de l’ampoule
ou d’Internet.
Nous nous concentrons avant tout sur le mé er et la carrière parce
qu’il faut bien adme re que nous passons l’essen el de nos journées
et de nos vies à travailler. Le travail peut être une source quo dienne
de joie et de sens. Il peut aussi être un supplice sans fin, un temps
perdu infini à essayer de survivre jusqu’au prochain week-end. Une
vie bien dessinée n’est pas une vie de corvées. On n’est pas sur Terre
pour passer huit heures par jour à faire un travail qu’on déteste en
a endant la mort.
Ça peut sembler un peu mélodrama que, mais beaucoup de gens
nous disent que ça décrit bien leur quo dien. Et même ceux qui ont la
chance de faire un mé er qu’ils aiment se sentent souvent frustrés et
ont du mal à équilibrer leur vie. Il est temps de changer de façon de
penser – dans tous les domaines.
La pensée design comporte certains par s pris simples. Ce livre va
vous les enseigner – avec la façon de s’en servir dans le design de
vie.
Les cinq par s pris que vous allez apprendre pour dessiner votre vie
sont : curiosité, par pris de l’ac on, recadrage, récep vité et
collabora on sans réserve. Voilà vos ou ls. Avec eux, vous pouvez tout
construire, y compris une vie qui vous plaît.

ÊTRE CURIEUX
La curiosité fait entrer la nouveauté partout. Elle invite à l’explora on.
Elle met tout en jeu. Mais avant tout, en étant curieux, « on améliore
ses chances d’avoir de la chance ». C’est comme cela que certains
voient des opportunités partout.

ESSAYER
Quand on adopte le par pris de l’ac on, on s’engage à avancer pas à
pas. Et non à s’asseoir sur un banc pour réfléchir à ce qu’on va faire de
sa vie. L’important, c’est d’entrer dans le jeu. Les designers tentent
des trucs. Ils font des tests. Prototype après prototype, échouant
souvent, jusqu’à trouver ce qui fonc onne et résout leur problème.
Parfois, ils découvrent que le problème est complètement différent de
ce qu’ils croyaient au départ. Les designers épousent le changement.
Ils ne se focalisent pas sur un objec f prédéterminé, parce qu’ils sont
toujours curieux de ce qui va se passer ensuite – pas du résultat
« final ».

RECADRER LES PROBLÈMES


Recadrer, c’est pour les designers la façon de se sor r d’un blocage.
Avec un recadrage, on s’assure également qu’on travaille sur le bon
problème. Un design de vie suppose des recadrages majeurs qui
perme ent de prendre du recul, d’examiner ses idées préconçues et
d’ouvrir de nouveaux champs de solu on. Tout au long de ce livre,
nous recadrerons les principes à problèmes qui empêchent de mener
la carrière et la vie qu’on souhaite. Le recadrage est essen el pour
iden fier les bons problèmes et les bonnes solu ons.

AVOIR CONSCIENCE DU PROCESSUS


Nous savons que la vie est parfois brouillonne. Pour chaque pas en
avant, on peut avoir l’impression d’en faire deux en arrière. Des
erreurs seront commises, des prototypes balancés. Une part
importante du processus, c’est de lâcher prise – oublier sa première
idée ou une solu on moyenne. Et parfois, de grands concepts
naissent de ce e pagaille. Le ressort Slinky, le téflon, la Super Glue, la
pâte à modeler Play-Doh ont été inventés comme ça. Aucune de ces
choses n’existerait si un designer ne s’était pas trompé quelque part.
Quand on apprend à penser comme un designer, on apprend à être
conscient du processus. Le design de vie est un voyage ; oubliez
l’objec f final, concentrez-vous sur le processus, vous verrez bien ce
qui se passe ensuite.

DEMANDER DE L’AIDE
Le dernier par pris de la pensée design est peut-être le plus
important, par culièrement quand il s’agit de dessiner sa vie : c’est la
collabora on sans réserve. Ce que ça signifie est simple : on n’est pas
tout seul. Les meilleurs designers savent qu’une grande créa on exige
une collabora on sans réserve. Ça demande une équipe. Un peintre
peut créer un chef-d’œuvre tout seul sur une côte ba ue par les
vents, mais un designer ne peut pas créer l’iPhone tout seul, que la
plage soit ba ue par les vents ou pas. Une vie tenant davantage du
grand dessein que de l’œuvre d’art, on ne peut donc la créer tout seul.
On n’est pas obligé de trouver tout seul un grand design de vie. Le
design est un processus collabora f où les meilleures idées viennent
souvent des autres. Il suffit de demander. Et de savoir quelles sont les
bonnes ques ons à poser. Dans ce livre, vous apprendrez comment
un mentor ou une communauté bien veillante peut vous aider à
élaborer votre design de vie. Quand on s’ouvre au monde, le monde
s’ouvre en retour. Et ça change tout. En d’autres termes, le design de
vie, comme toute créa on, est un sport d’équipe.
L’ANTI-PASSION, NOTRE PASSION
Beaucoup de gens fonc onnent selon le principe à problèmes qu’il
suffit de trouver sa passion. Quand on l’a trouvée, tout le reste se met
en place magiquement. Nous détestons ce e idée pour une très
bonne raison : la plupart des gens ne savent pas quelle est leur
passion.
Notre collègue à Stanford, William Damon, directeur du Centre de
l’Adolescence, a montré que seulement un jeune sur cinq, entre 12 et
26 ans, a une vision claire de ce qu’il veut faire, réussir dans la vie et
pourquoi.4 Notre expérience nous porte à croire que 80 % des gens
de tous les âges ne savent pas vraiment ce qui les passionne.
Du coup, une conversa on avec un conseiller de carrière donne
souvent ça :

Conseiller de carrière : « Qu’est-ce qui vous passionne ? »


Chercheur d’emploi : « Je ne sais pas. »
Conseiller de carrière : « Bon, revenez quand vous saurez. »

Certains conseillers de carrière font passer aux gens des tests pour
évaluer leurs forces, leurs centres d’intérêt ou leurs ap tudes, mais
quiconque a passé ce genre de tests sait que leurs conclusions sont
souvent loin d’être concluantes. En outre, découvrir qu’on pourrait
être pilote, ingénieur ou réparateur d’ascenseur n’est pas forcément
u le ou exploitable. Chercher sa passion, ça ne nous paraît donc pas
très… passionnant. En fait, nous croyons que les gens ont besoin de
temps pour développer une passion. Et les recherches montrent que,
pour la plupart des gens, une passion vient après avoir essayé quelque
chose, découvert qu’on a aimé ça et en avoir développé la maîtrise –
pas avant. Pour faire simple : une passion est la conséquence d’un
bon design de vie, pas la cause.
La plupart des gens n’ont pas ce truc dont ils sont passionnés – ce
moteur unique qui gouverne chacune de leurs décisions et donne à
chaque instant de leur vie un but et un sens. Si vous avez découvert
que vous êtes sur Terre pour étudier la reproduc on et l’évolu on des
mollusques, du Cambrien à nos jours – chapeau ! Charles Darwin a
passé 39 ans à étudier les vers de terre ; chapeau, Darwin ! Mais ce
que nous ne saluons pas, c’est l’approche du design de vie qui con-
siste à laisser 80 % de la popula on de côté. La vérité, c’est que la
plupart des gens sont passionnés par plein de choses différentes et
que la seule façon de savoir ce qu’on a envie de faire, c’est de faire
des prototypes de vies possibles, les essayer et voir ce qui nous fait
vraiment vibrer. Sérieusement, pas la peine de connaître sa passion
pour dessiner une vie qu’on aime. Une fois qu’on sait faire des
prototypes pour avancer pas à pas, on est sur la voie qui mène aux
choses qu’on aime vraiment, avec passion ou pas.

UNE VIE BIEN DESSINÉE


Une vie bien dessinée est une vie qui a du sens. C’est une vie où la
personne qu’on est, ses convic ons et ce qu’on fait sont alignés.
Quand on a une vie bien dessinée et qu’on vous demande « Comment
ça se passe ? », vous êtes capable de répondre. Vous êtes capable de
dire que votre vie se passe bien et d’expliquer comment et pourquoi.
Une vie bien dessinée est un formidable ensemble d’expériences,
d’aventures, d’échecs dont on a ré les enseignements, d’épreuves
dont on est sor plus fort et qui ont aidé à mieux se connaître,
d’accomplissements et de joies. Rappelons là que toutes les vies
comportent des échecs et des épreuves, même les mieux dessinées.
Nous allons vous aider à trouver à quoi ressemble, pour vous, une vie
bien dessinée. Nos élèves et nos clients nous disent que c’est fun. Ils
nous disent aussi que c’est plein de surprises. Nous pouvons vous
assurer que ça va parfois vous sor r de votre zone de confort. Nous
allons vous demander de faire des choses qui pourront vous sembler
bizarres, très différentes en tout cas de ce qu’on vous a appris jusque-
là.
Curiosité
Par pris de l’ac on
Recadrage
Récep vité
Collabora on sans réserve

Que se passe-t-il quand on fait tout ça, quand on s’engage dans le


design de vie ? Eh bien, il se passe quelque chose d’assez
extraordinaire. Les choses qu’on souhaite commencent à apparaître
dans notre vie. On commence à entendre parler d’offres d’emploi
dont on rêvait. Les gens qu’on voulait rencontrer se trouvent
justement être en ville. Mais que se passe-t-il au juste ? D’abord,
on « améliore ses chances d’avoir de la chance », ce drôle de truc
men onné plus haut, mélange de curiosité et de récep vité, et
conséquence de la combinaison des cinq par s pris. De plus, le
processus de découverte de qui on est et de ce qu’on veut a un effet
assez extraordinaire sur notre vie. Bien sûr, il faudra faire des efforts
et agir, mais il vous semblera que, curieusement, le monde en er est
en train de comploter en votre faveur. De plus, ayant conscience du
processus, vous vous amuserez bien en route.

Tout au long du processus de design de vie, nous serons à vos côtés.


Pour vous guider, vous me re à l’épreuve. Nous allons vous donner
les idées et les ou ls dont vous avez besoin pour dessiner votre route
dans la vie. Nous allons vous aider à trouver votre prochain job. Votre
prochaine carrière. Votre prochain grand truc. Nous allons vous aider
à dessiner votre vie. Une belle vie.

1. Jon Krakower, inventeur de la configura on notebook chez Apple, voir Brevet Européen
EP 0515664 B1.
2. Lindsay Oishi, 2012 et T. S. Reilly, 2013.
3. Pour en savoir plus sur ces sociétés : h p://embraceglobal.org et h ps ://d-rev.org.
4. William Damon, The Path to Purpose, How Young People Find Their Calling in Life (New York :
Free Press, 2009).
DESIGN DE VIE
CHAPITRE 1

Démarrer d’où on est


I l y a un panneau, devant le studio de design de Stanford, qui dit
Vous êtes ici. Nos élèves l’adorent. On pourrait y voir une forme de
clarifica on. Peu importe d’où vous venez, où vous pensez aller, quel
mé er vous avez exercé ou quel poste vous pensez devoir occuper.
Vous n’êtes ni en retard ni en avance. Le mode design peut vous aider
à vous construire de n’importe où, quel que soit votre problème de
design de vie. Mais avant de pouvoir iden fier la direc on à prendre,
vous devez savoir où vous en êtes et quel problème de design vous
cherchez à résoudre. Nous l’avons montré, les designers adorent les
problèmes et, lorsqu’on se met à réfléchir comme un designer, on
aborde les problèmes avec une mentalité complètement différente.
Ce qui excite les designers, c’est ce qu’ils appellent les « méchants
problèmes » ; rien de mauvais ou de diabolique là-dedans ;
simplement, ce sont des problèmes qui résistent à toute résolu on.
Soyons clairs, vous n’êtes pas en train de lire ce livre parce que vous
avez réponse à tout, que vous faites un boulot de rêve et que votre
vie déborde de sens. Quelque part, il y a un secteur de votre vie où
vous êtes bloqué(e).
Vous avez un méchant problème.
Et c’est un point de départ merveilleux et s mulant.

Iden fica on du problème + Résolu on du problème = Bon design


de vie
En mode design, on met autant l’accent sur l’iden fica on du
problème que sur sa résolu on. Après tout, à quoi sert de travailler
sur un problème si ce n’est pas le bon ? Nous insistons sur ceci parce
qu’il n’est pas toujours facile de définir ses problèmes. Parfois, on
croit devoir changer de travail ou de patron, mais souvent on ne sait
pas trop ce qui, dans sa vie, fonc onne ou pas. Souvent, on aborde
ses problèmes comme s’il s’agissait d’une addi on ou d’une
soustrac on. Soit on veut obtenir quelque chose (addi on), soit on
veut s’en débarrasser (soustrac on). On veut un meilleur emploi,
gagner plus d’argent, mieux réussir, trouver un meilleur équilibre,
perdre cinq kilos, arrêter d’être malheureux, cesser de souffrir. Ou
bien on peut simplement ressen r une vague insa sfac on, l’envie de
quelque chose de différent ou de quelque chose de plus.

Généralement, on définit le problème par l’élément manquant, mais


pas toujours. Et la conclusion est la suivante :
Vous avez des problèmes.
Vos amis ont des problèmes.
Nous avons tous des problèmes.
Ces problèmes peuvent être liés au travail, à la famille, à la santé,
l’amour, l’argent ou n’importe quelle combinaison de tout cela.
Parfois, ces problèmes semblent si écrasants qu’on ne cherche même
pas à les résoudre. On vit avec – comme avec un colocataire
énervant, dont on se plaint constamment, mais dont on n’arrive pas à
se débarrasser. Nos problèmes deviennent notre histoire et il arrive
qu’on devienne prisonnier de son histoire. Choisir à quels problèmes
s’a eler est peut-être l’une des décisions les plus importantes qu’on
puisse prendre : il y a des gens qui perdent des années (voire leur vie)
à s’a aquer au mauvais problème.
Un jour, Dave s’est retrouvé face un problème (OK, il en a eu plein et
il dirait que ce livre en er est le fruit de ses ahurissantes
insuffisances), mais ce problème précis l’a bloqué pendant des années.
Étudiant à Stanford, Dave a commencé par choisir la biologie comme
majeure, mais il s’est vite rendu compte que non seulement il
détestait la biologie, mais qu’en plus il était en train d’échouer
lamentablement. À la fin du lycée, il croyait que son des n était d’être
chercheur en biologie marine. Ce e version du des n de Dave avait
deux responsables – le commandant Cousteau et Mme Strauss.
Le commandant Cousteau était le héros de son enfance. Dave avait
regardé tous les épisodes de L’Odyssée sous-marine de l’équipe
Cousteau et il s’imaginait secrètement comme le véritable inventeur
du scaphandre Aqua-Lung. De plus, Dave aimait beaucoup les pho-
ques. Il finit par croire que le truc le plus cool du monde serait d’être
payé pour jouer avec des phoques. Dave se demandait également si
les phoques faisaient l’amour sous l’eau ou sur terre (ce n’est qu’avec
la naissance de Google, bien des années plus tard, qu’il apprit que la
plupart des espèces se reproduisent à terre).
La seconde mauvaise raison de devenir biologiste marin avait à voir
avec Mme Strauss, sa prof de biologie au lycée. Dave était plutôt bon
élève en tout, mais sa ma ère préférée était la biologie. Pourquoi ?
Parce que sa prof préférée était Mme Strauss. Avec elle, la biologie
était intéressante ; c’était une super prof. Et Dave crut à tort que son
enseignement à elle correspondait à son centre d’intérêt à lui. Dave
aurait aussi bien pu croire que son des n était de porter un sifflet
autour du cou pour faire voter l’obliga on de jouer au ballon
prisonnier dans les bureaux.
La réunion contre nature de Jacques-Yves Cousteau et Mme Strauss
fit que Dave travailla sur le mauvais problème pendant plus de deux
ans. Le problème qu’il croyait résoudre était comment devenir un
biologiste marin – ou plus exactement, comment hériter de la Calypso
à la mort du commandant. Dave entra à l’université avec la ferme
convic on que son avenir était dans la biologie marine ; puisque
Stanford ne proposait pas de spécialité en biologie marine, il opta
pour la biologie tout court. Qu’il détesta. À ce e époque, les cours de
biologie consistaient essen ellement à faire de la biochimie et de la
biologie moléculaire. Les étudiants qui préparaient médecine y
faisaient un malheur. Mais pas Dave. Ses notes étaient
catastrophiques et il voyait s’envoler son rêve d’être payé pour
ba foler avec les phoques en prenant l’accent français.
Il décida ensuite, pour résoudre son problème d’aversion pour la
biologie et de notes épouvantables, que tout ce qu’il avait à faire,
c’était de la vraie science : par ciper aux recherches dans un
laboratoire de biologie le rapprocherait de ses recherches sur les
habitudes de reproduc on des phoques. Il força la porte d’un labo qui
faisait des recherches sur l’ARN – en gros, il y ne oyait les tubes à
essai. C’était épouvantablement ennuyeux et il en fut d’autant plus
malheureux.
Trimestre après trimestre, les professeurs assistants du cours de
biologie et du laboratoire lui demandaient pourquoi il avait choisi
ce e majeure. Dave commençait à leur parler de Mme Strauss, du
commandant Cousteau et des phoques, mais ils l’interrompaient pour
lui dire : « Tu n’es pas bon en biologie. Tu n’aimes pas ça. Tu es tout le
temps grognon et de mauvais poil. Tu devrais arrêter. Choisir une
autre spécialité. Tout ce à quoi tu es bon, c’est les récrimina ons :
avocat, ça t’irait peut-être bien. »
En dépit de ce r – nourri – de barrage, Dave s’obs na, parce que
c’était le des n qu’il s’était mis en tête, et il con nua à travailler sur
le « problème » d’obtenir de meilleures notes en biologie. Il était
tellement concentré là-dessus qu’il n’envisagea jamais le vrai
problème : il ne devait pas se spécialiser en biologie et le des n qu’il
s’était forgé était une erreur d’aiguillage.
Au fil de nos permanences à l’université, nous nous sommes rendu
compte que les gens perdent beaucoup de temps à travailler sur le
mauvais problème. S’ils ont de la chance, ils vont vite échouer et les
circonstances les obligeront à traiter de meilleurs problèmes. S’ils sont
malchanceux et malins, ils réussiront – nous appelons cela la
« réussite-désastre » – et ils se réveilleront dix ans plus tard en se
demandant ce qu’ils font là et pourquoi ils sont si malheureux.
L’échec de Dave en biologie marine était si patent qu’il dut
reconnaître sa défaite et changer de majeure. Il lui a fallu deux ans et
demi pour régler un problème que tout le monde avait iden fié au
bout de deux semaines. Il finit par se tourner vers l’ingénierie
mécanique, où il connut réussite et sa sfac on.
Il con nue, malgré tout, d’espérer qu’il ira un jour ba foler avec les
phoques.

L’ÉTAT D’ESPRIT DU DÉBUTANT


Si Dave avait su penser comme un designer dès sa sor e du lycée, il
aurait abordé le problème de sa majeure avec l’état d’esprit d’un
débutant. Au lieu de supposer qu’il avait réponse à tout avant d’avoir
posé la moindre ques on, il aurait été curieux. Il aurait voulu savoir ce
qu’un biologiste marin fabriquait au juste et il aurait posé ce e
ques on à des biologistes marins. Il se serait rendu à la sta on marine
Hopkins de Stanford (à une heure et demie de route du campus) et il
aurait demandé comment on passe d’un diplôme en biochimie à un
travail dans la biologie marine. Il aurait essayé des trucs. Par exemple,
il aurait pu passer du temps en mer et voir si c’était aussi séduisant
qu’à la télé. Il aurait pu se porter volontaire sur un navire de
recherche et peut-être même passer un peu de temps avec de vrais
phoques. Au lieu de ça, il arriva à l’université en ayant déjà décidé
quelle serait sa majeure et il finit par apprendre, à la dure, que sa
première idée n’était pas forcément la meilleure.
N’est-ce pas vrai pour nous tous ? Combien de fois avons-nous adoré
notre première idée et refusé de nous en détacher ? Même quand ça
tournait mal. Plus important encore, est-ce vraiment une bonne idée
de laisser son esprit de 17 ans, sérieux, mais malavisé, déterminer ce
qu’on va faire du reste de sa vie ? Et aujourd’hui ? Combien de fois
suit-on sa première idée en pensant qu’on a les réponses à des
ques ons qu’on n’a jamais vraiment creusées ? Combien de fois fait-
on le point avec soi-même pour être sûr qu’on s’est a elé au bon
problème ?
« Il faut que je trouve un meilleur emploi » n’est pas la solu on au
problème « Je n’éprouve pas de plaisir dans mon travail, je préfèrerais
être à la maison avec les enfants ». Il faut également éviter de
travailler sur un problème excellent, mais qui n’est pas le bon, pas le
sien en tout cas. Ce n’est pas au bureau qu’on résout un problème de
couple, ce n’est pas avec un nouveau régime qu’on règle un problème
professionnel. Ça paraît évident, mais, comme Dave, on peut perdre
beaucoup de temps à travailler sur un problème qui n’est pas le bon.
On a également tendance à s’embourber dans ce que nous appelons
des problèmes gravitaires.
« J’ai un gros problème et je ne sais pas quoi faire. »
« Ouh-la, Jane, c’est quoi ton problème ? »
« C’est la gravité. »
« La gravité ? »
« Oui, ça me rend dingue ! Je me sens toujours plus lourde. À vélo, je
n’arrive pas à monter les côtes facilement. Ça ne me lâche jamais. Je
ne sais pas quoi faire. Tu peux m’aider ? »
L’exemple peut paraître idiot, mais nous croisons sans cesse des
variantes de ce « problème gravitaire ».
« Les poètes ne gagnent pas assez d’argent dans notre société. On ne
les respecte pas assez. Qu’est-ce que je peux faire contre ça ? »
« La société pour laquelle je travaille est une société familiale depuis
cinq généra ons. Il n’y a aucune chance, en tant qu’extérieur à la
famille, que je fasse jamais par e de l’équipe dirigeante. Qu’est-ce
que je peux faire contre ça ? »
« Je suis au chômage depuis cinq ans. Ce sera beaucoup plus dur pour
moi de retrouver un emploi et ce n’est pas juste. Qu’est-ce que je
peux faire contre ça ? »
« Je veux retourner à l’école pour devenir docteur, mais ça va me
prendre au moins dix ans et je ne peux pas y inves r autant de temps
à ce stade de ma vie. Qu’est-ce que je peux faire contre ça ? »

Voilà autant de problèmes gravitaires – c’est-à-dire que ce ne sont


pas de vrais problèmes. Pourquoi ? Parce qu’en design de vie, si on ne
peut rien faire, ce n’est pas un problème. Je répète. Si on ne peut rien
faire, ce n’est pas un problème. C’est une situa on, une circonstance,
un fait de vie. Ça peut être embêtant, mais, comme la gravité, il ne
s’agit pas d’un problème qui peut être résolu.
Voici un pe t truc qui va vous faire gagner beaucoup de temps – des
mois, des années, peut-être des décennies. Ça concerne la réalité. Les
gens comba ent la réalité. Ils la comba ent bec et ongles, de toutes
leurs forces. Or, chaque fois qu’on se dispute ou qu’on se bat avec la
réalité, c’est la réalité qui gagne. On ne peut pas être plus malin
qu’elle. On ne peut pas la piéger. On ne peut pas en faire ce qu’on
veut.
Ni aujourd’hui. Ni jamais.

FLASH SPÉCIAL GRAVITÉ


« On ne peut pas se ba re avec l’administra on », dit une vieille
expression américaine. Une expression qui renvoie aux problèmes
gravitaires. Tout le monde sait qu’on ne peut pas se ba re avec
l’administra on. « Hé ! », répondez-vous. « Bien sûr qu’on peut se
ba re avec l’administra on ! Mar n Luther King a comba u
l’administra on. Mon copain Phil a comba u l’administra on. On a
besoin de plus de gens qui se ba ent contre l’administra on – pas
moins de gens ! Êtes-vous en train de nous dire de baisser les bras
face aux problèmes difficiles ? »
Vous soulevez une ques on importante, il est donc important de
clarifier la façon d’aborder ce que nous appelons les problèmes
gravitaires. Rappelez-vous que le sujet est ici de ne pas se laisser
bloquer par un problème contre lequel on ne peut rien faire. Quand
on est bloqué par un problème gravitaire, on est bloqué pour
toujours, parce qu’il n’y a rien qu’on puisse faire. Or, les designers,
d’abord et avant tout, font.
Nous reconnaissons qu’il existe deux sortes de problèmes
gravitaires – ceux contre lesquels on ne peut absolument rien faire
(comme la gravité elle-même) et ceux contre lesquels on ne peut rien
faire en pra que (comme un revenu minimum pour les poètes à plein
temps). Certains d’entre vous sont en train de se demander s’ils sont
bloqués par un problème gravitaire sans issue, ou juste un problème
très, très compliqué, qui exige effort et sacrifice, comporte un fort
risque d’échec, mais mérite un essai. Nous allons traiter ce e
ques on difficile en reprenant chacun des exemples ci-dessus.

Vélo et gravité
On ne peut rien changer à la gravité. Il faudrait modifier l’orbite de la
terre et c’est un objec f assez démesuré. Passez à autre chose.
Acceptez. En acceptant, vous être libre de contourner le problème et
trouver un objec f qui est réalisable. Ce e cycliste pourrait investir
dans un vélo plus léger. Elle pourrait essayer de perdre du poids. Elle
pourrait apprendre les nouvelles techniques pour grimper plus
efficacement (il s’avère que pédaler plus vite sur un plus pe t plateau
est plus facile et demande plus d’endurance que de puissance ;
l’endurance est plus facile à développer).

Poète et revenu
Pour changer le salaire moyen des poètes, il faudrait intervenir sur le
marché de la poésie, en faisant en sorte que les gens achètent plus de
poésie ou qu’ils la payent plus cher. Vous pouvez certes essayer ça.
Vous pourriez écrire au courrier des lecteurs pour vanter les mérites
de la poésie. Vous pourriez aller frapper aux portes pour que plus de
gens se rendent aux séances hebdomadaires de lecture au bar du
coin. Bon, ce n’est pas gagné. Même si c’est un problème plus
abordable que ne l’était la gravité, nous vous conseillons d’accepter
qu’il s’agit d’un problème auquel vous ne pouvez rien. En faisant cela,
vous libérez de l’a en on pour trouver des solu ons à d’autres
problèmes.

Au chômage depuis cinq ans


Ici, les sta s ques sont imparables. Après une longue période de
chômage, on a plus de mal à retrouver un emploi. Des recherches
menées à par r de CV iden ques, où seule variait la période sans
ac vité, ont clairement montré que la plupart des employeurs évitent
les chômeurs de longue durée – apparemment, selon le raisonnement
infondé qui si personne ne vous a embauché(e) pendant tout ce
temps-là, c’est qu’il devait y avoir une bonne raison. C’est un
problème gravitaire. Vous ne pouvez rien changer aux idées des
employeurs. Au lieu de changer leur manière de penser, pourquoi ne
changeriez-vous pas votre manière de vous présenter à eux ? Vous
pouvez faire des missions de volontariat et les transformer en
expériences professionnelles significa ves (sans entrer dans les
détails de votre rémunéra on avant que le processus ne soit bien
avancé). Vous pouvez iden fier des secteurs où l’âge est moins mal
perçu. (Dave est très content d’être entré dans l’enseignement tard
dans sa vie ; désormais, son âge est perçu comme une source de
sagesse et il n’essaie plus de se faire passer pour un expert en
marke ng devant des clients deux fois plus jeunes, qui savent qu’il
n’est pas de la généra on numérique et qu’il n’est plus « dans le
coup »). Même face à des réalités angoissantes, on a toujours une
marge de liberté. Trouvez-la et agissez à cet endroit plutôt que contre
la gravité.

Extérieur à l’entreprise familiale


Et donc, au cours des 132 dernières années, seuls des gens portant le
nom de Pic-la-Soupe ont figuré parmi les dirigeants de ce e
entreprise, mais vous pensez que ce e époque est révolue et vous
serez le premier à le démontrer. Si vous faites du très bon boulot et
que vous a endez votre heure, d’ici trois à cinq ans, ce poste de vice-
président sera le vôtre. OK – vous pouvez inves r ces trois à cinq
années, mais s’il-vous-plaît, faites-le en sachant que rien ne garan t
que vous a eindrez votre objec f. C’est vous qui voyez, mais il
vaudrait peut-être mieux acheter un billet de loto. Vous avez d’autres
choix. Vous pouvez aller voir ailleurs et travailler pour une société qui
n’est pas familiale. Mais vous aimez ce e ville et les enfants sont
heureux à l’école. OK – alors, acceptez votre situa on et réjouissez-
vous de ses bons côtés. Recadrez l’historique de la société en vous
disant que c’est la source de votre sécurité professionnelle, un salaire
décent dans une entreprise solide. Sachant que vous n’aurez pas à
exercer de responsabilités supplémentaires ni à vous adapter au cycle
perpétuel des promo ons, vous ferez si bien votre travail que vous
serez capable de le faire en 35 heures par semaine, ce qui vous
perme ra de trouver un excellent équilibre avec votre vie personnelle
(plus de temps pour écrire des poésies !). Ou peut-être préférez-vous
gérer un chiffre d’affaires plus important qu’exercer davantage
d’autorité ? Trouvez alors un marché nouveau ou une offre nouvelle
pour que l’entreprise se développe ou augmente ses profits ; vous
deviendrez l’expert(e) – la personne à qui il faut s’adresser – pour
diriger ce e ac vité. Vous resterez toujours cadre, sans jamais
devenir vice-président(e), mais, vu les montants générés, vous
pourriez en devenir le cadre le mieux payé. Qui a besoin d’un tre
quand on a le salaire qu’on veut ?

Dix ans d’études pour être médecin


Une nouvelle fois, c’est un vrai problème gravitaire – à moins de
vouloir démarrer votre projet de design de vie en réformant les
études de médecine (ce qui, au passage, est assez difficile sans être
déjà médecin). Non, nous ne serions pas partants pour ce projet-là
non plus. Ce que vous pouvez faire, c’est changer d’avis en vous
souvenant que c’est seulement pendant la deuxième année de
spécialisa on en médecine qu’on commence à soigner des pa ents, à
« faire de la médecine ». La plupart des soins donnés à l’hôpital sont
administrés par des « résidents » – ces stagiaires qui ont obtenu leur
diplôme après leurs années de licence et quatre autres pour être
médecin – qui arpentent les couloirs des urgences pour con nuer leur
appren ssage. Si on ne peut pas changer sa vie (à cause de la gravité),
on peut simplement changer d’avis. Ou on peut choisir une autre
op on – devenir médecin assistant et faire une grande par e de ce
que font les docteurs, mais après un appren ssage plus court et
moins coûteux. Ou aller voir dans le secteur du bien-être, s’occuper
de programmes de préven on pour une compagnie d’assurance
progressive et faire ainsi une incursion dans la santé sans passer par
les soins intensifs.

La clé, c’est de ne pas rester bloqué là où on n’a concrètement aucune


chance de réussir. Nous soutenons tous les hautes aspira ons et
l’envie de changer le monde. Oui, allez vous ba re avec
l’administra on. Opposez-vous aux injus ces. Militez pour les droits
des femmes. Pour la jus ce alimentaire. Contre la précarité. Contre le
réchauffement clima que. Mais faites-le intelligemment. Quand on a
l’esprit assez ouvert pour accepter la réalité, on est libre d’opérer un
recadrage pour trouver un problème qu’on peut résoudre et de
fonder sa par cipa on au monde sur des choses qui comptent et qui
pourraient même marcher. C’est tout ce que nous cherchons ici –
nous voulons vous donner la meilleure chance de vivre la vie que
vous avez envie de mener, voire de changer les choses tant que vous
y êtes. Nous allons vous aider à créer le meilleur design de vie
possible dans le monde réel – pas dans un monde de fic on où la
gravité est moindre et où les poètes sont riches.
La seule réponse à un problème gravitaire, c’est l’accepta on. C’est là
d’où partent tous les bons designers. C’est la phase « Vous êtes ici »
ou « Acceptez » du mode design. L’accepta on. Voilà pourquoi on
démarre d’où on est. Pas d’où on souhaiterait être. Ni d’où on es me
qu’on devrait être. Juste de là où on est.

ÉVALUATION DU DESIGN DE VIE


Pour démarrer d’où on est, on doit partager sa vie en un nombre
donné de compar ments : santé, travail, jeu et amour. Comme dit
précédemment, nous allons nous concentrer surtout sur le travail,
mais on ne peut pas comprendre le design de son travail sans avoir
compris comment il s’inscrit dans le reste de sa vie. Donc, pour
démarrer d’où on est, il faut savoir où on est. Pour cela, il faut faire le
point sur sa situa on – on fait son propre inventaire et on l’évalue.
C’est une façon de formuler clairement où on est pour répondre à la
ques on millénaire « Comment ça se passe ? ». Mais définissons
d’abord les points sur lesquels la réponse va se fonder.

Santé
Depuis les premiers temps de la civilisa on, des gens sensés se sont
rendu compte qu’être en bonne santé est u le. Et par « bonne santé »,
nous entendons celle de l’esprit, du corps et de l’âme – la santé
morale, physique et mentale. L’importance rela ve de chacune est
laissée à l’apprécia on de chacun. La façon dont on mesure son état
de santé dans ces domaines dépend de chacun. Mais une fois que
vous savez comment vous définissez votre « santé », vous devez y
faire a en on. Votre état de santé pèse lourd dans la façon dont vous
évaluez la qualité de votre vie, lorsque vous répondez à la
ques on « Comment ça se passe ? ».

Travail
Par « travail », nous entendons votre par cipa on au développement
de la grande aventure humaine sur la planète. Vous pouvez être
payé(e) ou pas pour cela, mais c’est ce que vous « faites ». En
supposant que vous n’êtes pas indépendant(e) sur le plan financier,
vous êtes généralement payé(e), au moins pour une par e de
votre « travail ». Ne réduisez surtout pas votre travail à ce pour quoi
vous êtes payé(e). La plupart des gens ont plusieurs formes de travail
à la fois.

Jeu
Jouer, c’est s’amuser. Si vous regardez des enfants jouer (nous parlons
ici de jeux dans la boue plutôt que d’un championnat de football),
vous comprendrez à quel type de jeu nous faisons allusion. Un jeu est
une ac vité, n’importe laquelle, qui vous apporte de la joie quand
vous la pra quez. Ça peut être une ac vité organisée, une
compé on ou un effort produc f, mais pra quée pour le plaisir.
Quand elle est pra quée pour gagner, progresser ou réussir – même
si ça peut être « fun » – ce n’est pas un jeu. Ça peut être génial, mais
ça n’en fait pas un jeu. Ce dont il est ques on ici, c’est de joie pure.

Amour
On sait tous ce qu’est l’amour. Et on sait tous quand on en a ou pas.
C’est bien l’amour qui fait tourner le monde, et quand il manque, le
monde ne semble pas tourner très rond. Nous n’essaierons pas de
définir l’amour (vous avez déjà votre opinion là-dessus) et nous
n’avons pas la formule pour trouver le grand amour (il y a des tas
d’autres livres là-dessus), mais ce que nous savons, c’est qu’il faut y
faire a en on. L’amour vient à nous sous des formes très diverses
(affec on, communauté, éro sme), de sources très différentes
(parents, amis, collègues, amants), mais qui ont toutes en commun ce
« truc » humain. Ce sen ment de connexion. Qui sont les gens qui
peuplent votre vie et comment l’amour s’écoule-t-il entre vous et les
autres, et réciproquement ?

ALORS – COMMENT ÇA SE PASSE ?


Nous (ni personne) ne pouvons évaluer ou juger votre vie dans ces
quatre domaines. Nous avons tous dû en réorganiser au moins un
dans nos vies. L’idée est de choisir celui dont il faut s’occuper en
premier et se demander quel design lui donner. Récep vité et
curiosité sont les par s pris du mode design dont vous avez besoin
pour commencer à avancer pas à pas.
L’exercice qui suit va vous aider à savoir où vous en êtes et à quel
problème de design vous souhaitez vous fro er. On ne peut pas
savoir où on va tant qu’on ne sait pas où on est.
Vraiment. On ne peut pas.
Faites cet exercice.
Voilà pourquoi le panneau dit Vous êtes ici.
LE TABLEAU DE BORD
SANTÉ/TRAVAIL/JEU/AMOUR
Une façon de faire le point sur sa situa on actuelle, le « Vous êtes ici »
de chacun, c’est de se concentrer sur ce que nous appelons le tableau
de bord santé/travail/jeu/amour. Voyez ça comme les différents
témoins lumineux de votre voiture. Ils disent quelque chose sur l’état
de votre voiture : avez-vous assez d’essence pour le reste de votre
trajet ? Y a-t-il assez d’huile pour que le moteur tourne bien ? Est-il
tellement chaud qu’il est sur le point d’exploser ? De la même façon,
le tableau de bord STJA donne une indica on sur les quatre éléments
qui vous alimentent en énergie et en a en on pour votre trajet et
perme ent à votre vie de tourner rond.

Principe à problème : Je devrais déjà savoir où je vais.


Recadrage : Je ne peux pas savoir où je vais tant que je ne sais pas où
je suis.

Nous allons vous demander d’évaluer votre état de santé et les façons
dont vous travaillez, jouez et aimez. La santé est à la base de notre
diagramme, parce que, quand on n’est pas en bonne santé, eh bien,
rien d’autre ne marche très bien dans la vie. Travail, jeu et amour
dépendent de la santé et sont trois domaines qu’il nous semble
important de surveiller. Précisons qu’il n’existe pas un équilibre idéal
entre tous ces domaines. Chacun les mélange différemment selon les
époques de sa vie. Un jeune célibataire qui sort de l’université peut
avoir le plein de santé physique, une bonne dose de jeu et de travail
et pas encore de rela on amoureuse forte. Un jeune couple avec des
enfants va beaucoup jouer, mais d’une façon différente de lorsqu’ils
étaient célibataires et sans enfant. En vieillissant, la santé prend plus
d’importance. Il y a un mélange approprié pour chaque étape de la
vie – et on le reconnaît quand on le trouve.

En ma ère de santé, nous suggérons de regarder plus loin qu’un sim


ple check-up chez le médecin. Un bon design de vie repose sur un
corps sain, un esprit ac f et souvent, même si ça n’est pas toujours le
cas, une forme de spiritualité. Ce e « spiritualité » n’est pas
forcément religieuse. Nous appelons spiritualité toute pra que
fondée sur une croyance en quelque chose de plus grand que soi-
même. Là encore, il n’existe pas un équilibre idéal entre ces
différentes composantes de la santé, juste une impression subjec ve
de « C’est bien comme ça » ou « Il manque quelque chose ».
Même si l’équilibre parfait n’est pas notre objec f, un coup d’œil à ce
diagramme peut aver r que quelque chose ne va pas. Comme un
témoin qui s’allume sur le tableau de bord de la voiture, ce diagramme
peut indiquer qu’il est temps de se garer sur le bord de la route pour
regarder ce qui ne va pas.
À tre d’exemple, un entrepreneur de notre connaissance, Fred, a
regardé son tableau de bord et constaté qu’il n’avait presque rien mis
dans les catégories santé et jeu. Son tableau de bord ressemblait à
ça :
Fred avait fait a en on à garder du temps pour sa femme et sa
famille – une start-up peut me re un couple à rude épreuve –, donc il
trouvait que tout allait bien du côté de son témoin Amour. Il était prêt
à y sacrifier presque tout son temps de jeu, parce qu’il était « à fond »
dans sa start-up ; du coup, il acceptait le déséquilibre. Néanmoins,
ce e évalua on l’a aidé à prendre conscience qu’il était allé trop loin,
en par culier en ce qui concernait sa santé, lumière rouge sur son
tableau de bord. « Pour réussir en tant qu’entrepreneur à haut risque,
vu le stress énorme que génère une start-up, je ne peux pas me
perme re d’être malade. Il faut que je gère ma santé, plus encore
maintenant. » Fred a effectué quelques changements : il a pris un
entraîneur personnel, il s’est mis à faire de la gym trois fois par
semaine et s’est engagé à écouter un livre audio par semaine sur un
sujet s mulant sur le plan intellectuel ou spirituel, pendant ses trajets
au travail. Il a ré de ce rééquilibrage une plus grande efficacité au
bureau et une bien plus grande sa sfac on dans son travail et dans sa
vie.

Debbie, cheffe de produit chez Apple, qui a récemment cessé de


travailler pour élever ses jumeaux, a été surprise de trouver son
tableau de bord rassurant. « Je pensais, comme je ne « travaillais »
plus, que j’avais perdu mon « iden té professionnelle ». J’ai compris
que si je valorisais correctement le travail que je faisais pour le foyer
et les enfants, je travaillais en fait plus qu’auparavant. Et je prends
suffisamment soin de mon corps et de mon esprit pour être sûre de
profiter des bons moments avec mes jumeaux. Ce tableau de bord me
conforte dans mon choix d’arrêter de travailler pour de l’argent
pendant que mes enfants sont pe ts. »
Voilà, c’était les histoires de Fred et Debbie ; passons maintenant à
votre tableau de bord.
VOTRE TÉMOIN SANTÉ
Nous l’avons déjà dit, « bien portant », pour nous, c’est plus que le seul bon
état du corps ; vous aurez peut-être envie de prendre également en
compte votre esprit et votre âme. L’importance rela ve que vous accordez
à chacun dépend en èrement de vous. Faites une évalua on rapide de
votre santé, puis coloriez votre jauge – jusqu’où est-elle remplie : au quart,
à la moi é, aux trois quarts ou totalement ? (Pour servir d’exemple et de
repère, Bill a également colorié les jauges de son tableau de bord).

La façon dont vous évaluez votre état de santé impacte largement la


mesure que vous faites de votre qualité de vie et ce que vous aurez
éventuellement envie de redesigner par la suite.

Santé

L’exemple de Bill :

Santé :
Mon état de santé général est bon, j’ai passé des examens
récemment. J’ai un peu de cholestérol, 6-7 kilos en trop par rapport à
mon poids de forme, pas d’exercice, manque d’entraînement et je suis
souvent essoufflé si je dois courir pour a raper le train. Je lis et j’écris
sur ma philosophie de la vie, du travail et de l’amour ; je lis les travaux
les plus récents sur l’esprit et la connexion corps-esprit, mais ma
mémoire baisse plus vite que je ne croyais. Je commence chaque
journée par une affirma on et cela a complètement changé ma
perspec ve sur la vie. Depuis la naissance de mon fils (il y a 21 ans), je
fais par e d’une associa on d’hommes de bonne volonté ; ils ont été
mes guides et mes compagnons dans de nombreux voyages spirituels.
Je note ma santé comme « à moi é pleine ».

VOTRE TÉMOIN TRAVAIL


Faites la liste de toutes les façons dont vous « travaillez », puis « jaugez »
votre vie professionnelle dans son ensemble. Nous supposons qu’il y a des
éléments dans votre liste pour lesquels vous êtes payé(e). Cela comprend
votre travail régulier et le second, si le premier ne suffit pas, ainsi que tout
travail de conseil, etc. Si vous êtes volontaire dans une associa on,
ajoutez-le. Si vous vous occupez de votre foyer, comme Debbie, souvenez-
vous qu’élever des enfants, préparer les repas pour la famille, s’occuper de
vos parents âgés et de la maison, cons tuent des formes de « travail ».

Travail

L’exemple de Bill :

Travail :
Je travaille à Stanford et je fais un peu de conseil privé, j’enseigne
dans les ateliers Designing Your Life, je siège au conseil
d’administra on de VOZ, une start-up socialement responsable (non
rémunéré).

VOTRE TÉMOIN JEU


Le jeu est une ac vité qui procure du plaisir par le simple fait de s’y livrer.
Cela peut concerner une ac vité organisée ou un effort produc f, mais
uniquement s’ils sont pra qués pour le plaisir, pas pour la reconnaissance.
Nous soutenons que dans toute vie, une part de jeu est nécessaire ;
s’assurer qu’on a un temps de jeu chaque jour est une étape essen elle du
design de vie. Faites une liste rapide de vos façons de jouer, puis coloriez
votre jauge – jusqu’où est-elle remplie : au quart, à la moi é, aux trois
quarts ou totalement ?

Jeu

L’exemple de Bill :

Jeu :
Je joue en faisant la cuisine pour des amis et en organisant des
grandes fêtes en plein air – mais c’est à peu près tout.
(À propos, Bill considère que c’est un témoin au rouge sur son tableau
de bord).
VOTRE TÉMOIN AMOUR
Nous croyons que c’est bien l’amour qui fait tourner le monde, et quand
on n’en a pas, le monde est certainement moins lumineux et moins vivant.
Nous savons aussi qu’il faut faire a en on à l’amour et qu’il se présente
sous une mul tude de formes. Notre rela on principale, c’est là où nous
allons d’abord pour en trouver ; viennent généralement ensuite les
enfants, puis un tas de gens, d’animaux, de communautés et tout ce qui
cons tue un objet d’affec on. Il est aussi important de se sen r aimé par
les autres que d’aimer soi-même – il faut que ça marche dans les deux
sens. Comment l’amour s’écoule-t-il dans votre vie, vers vous et vers les
autres ? Faites une liste puis coloriez votre jauge.

Amour

L’exemple de Bill :

Amour :
L’amour est présent dans de nombreux espaces de ma vie. J’aime ma
femme, mes enfants, mes parents, mes frères et ma sœur, et je reçois
de l’amour de leur part, chacun à sa façon. J’aime l’art, la peinture en
par culier ; rien ne me transporte davantage. J’aime la musique sous
toutes ses formes – elle peut me rendre heureux, elle peut me faire
pleurer. J’aime les grands espaces qui coupent le souffle, qu’ils soient
faits par l’homme ou naturels.
Quand on regarde le tableau de bord de Bill, on constate un manque
de jeu et quelques problèmes du côté de la santé physique. Ces
témoins « dans le rouge » indiquent les zones où Bill a peut-être
besoin d’intervenir.

ALORS, COMMENT ÇA SE PASSE VRAIMENT ?


Connaître l’état actuel de votre tableau de bord
santé/travail/jeu/amour vous donne un cadre de référence et
quelques données sur vous-même, d’un seul coup d’œil. Il n’y a que
vous qui sachiez ce qui est assez bon ou pas, à cet instant.

“ Quand on commence un travail de design,


on modifie les possibles. ”
Dans quelques chapitres, après quelques autres ou ls et idées, vous
aurez peut-être envie de revenir à ce e évalua on pour voir si
quelque chose a changé. Le design de vie étant un processus itéra f
de prototypes et d’expérimenta ons, il y a de nombreuses voies
d’accès et de bretelles de sor e sur la route. Si vous vous me ez à
penser comme un designer, vous allez adme re que la vie n’est jamais
finie. Le travail n’est jamais fini. Le jeu n’est jamais fini. L’amour et la
santé ne sont jamais finis. Nous ne finissons de dessiner nos vies
qu’avec la mort. Jusque-là, nous sommes dans l’itéra on constante du
prochain grand événement : la vie telle que nous la connaissons. Et
les ques ons demeurent : êtes-vous sa sfait(e) à cet instant du
niveau de vos indicateurs dans les quatre domaines ? Les avez-vous
regardés avec franchise ? Certains domaines requièrent-ils une
interven on ? Avez-vous par hasard croisé l’un de vos « méchants
problèmes » ? C’est possible, même aussi tôt dans le processus. Si
vous pensez que c’est le cas, commencez par vous assurer qu’il ne
s’agit pas d’un « problème gravitaire ». Demandez-vous si c’est un
problème contre lequel il y a quelque chose à faire. Cherchez
également dans votre tableau de bord des éléments d’équilibre, de
propor onnalité – c’est très important dans le design – sans vous dire
qu’il existe une symétrie ou un équilibre parfait entre les différents
domaines de votre vie. Il est peu probable que santé, travail, jeu et
amour vont joliment se répar r en quatre parts égales. Mais quand
une vie est franchement déséquilibrée, il peut y avoir un problème.
Bill a remarqué que son témoin Jeu était bien trop bas. Comment est
le vôtre ? Est-ce qu’il est au quart et celui du travail au maximum ou
plus ? Et l’amour ? Et la santé ? Comment va votre santé mentale ? Et
votre moral ? Nous imaginons que vous commencez déjà à
reconnaître les différentes zones de votre vie qui ont besoin d’un
coup de design ou d’une innova on.
À mesure que vous commencez à penser comme un designer,
rappelez-vous une chose importante : il est impossible de prédire
l’avenir. Corollaire : quand on commence un travail de design, on
modifie les possibles.
Gardez ce e pensée avec vous.
Un travail de design modifie les possibles.
Alors, même s’il est impossible de connaître son avenir, ou de trouver
un grand design de vie avant d’avoir commencé à chercher, au moins
vous avez maintenant une idée assez claire de votre situa on de
départ. Il est temps à présent de vous tourner dans la bonne direc on
pour le voyage qui s’annonce. Pour cela, il va vous falloir une
boussole.
À vous de jouer
Tableau de bord Santé/Travail/Jeu/Amour

1. Décrivez en quelques phrases comment ça se passe pour


vous dans chacun des quatre domaines.
2. Marquez où vous vous situez (entre 0 et Plein) sur chaque
jauge.
3. Demandez-vous si, dans un de ces domaines, il se pose un
problème de design que vous aimeriez traiter.
4. Demandez-vous aussi si votre « problème » n’est pas un
problème gravitaire.
CHAPITRE 2

Fabriquer une boussole


N ous n’avons que trois ques ons à vous poser :
Comment vous appelez-vous ?
Quelle est votre quête ?
À quelle vitesse vole une hirondelle sans charge ?
Si vous êtes comme la plupart des gens, il vous a probablement été
plus facile de répondre à deux de ces trois ques ons. Nous savons
tous notre nom et une simple recherche sur Google peut nous donner
l’autre réponse – 38 km/h. (Pour les fans de Monty Python, précisons
qu’il s’agit de la vitesse d’une hirondelle européenne).
Parlons alors de la ques on un peu plus difficile – quelle est votre
quête ? Il n’est pas difficile d’imaginer que si on addi onnait toutes les
heures passées à essayer de comprendre la vie, pour certains d’entre
nous le total dépasserait les heures passées à vivre sa vie. Vraiment.
Vivre. Sa vie.
On sait tous comment s’inquiéter à propos de sa vie. Analyser sa vie.
Même s’interroger sur sa vie. Inquiétudes, analyses et spécula ons ne
sont pas les meilleurs ou ls de recherche et la plupart d’entre nous se
sont sen s, à un moment ou un autre, complètement perdus en les
u lisant. Ils ont tendance à nous faire tourner en rond et passer des
semaines, des mois, voire des années, assis sur un canapé (ou à un
bureau, ou dans une rela on amoureuse) à essayer de savoir quoi
faire ensuite. Comme si la vie était un grand meuble à monter soi-
même, mais que seuls certains privilégiés en recevaient le mode
d’emploi.
Dessiner sa vie, ce n’est pas ça.
Ça, c’est être obsédé par sa vie.
Nous sommes là pour changer ça.
Les ques ons que nous finissons par poser sont celles que les Grecs
avaient commencé à se poser au Ve siècle avant notre ère et que nous
nous sommes tous posées depuis : qu’est-ce qu’une belle vie ?
Comment la définit-on ? Comment la vit-on ? À travers les âges, les
gens se sont posé ces mêmes ques ons :
Pourquoi suis-je ici ?
Pour quoi faire ?
Quelle importance cela a-t-il ?
Quel est mon but ?
À quoi tout cela rime-t-il ?
Le design de vie permet d’apporter ses propres réponses à ces
ques ons éternelles et de trouver sa propre bonne vie. Les réponses
de Dave aux ques ons « Pourquoi suis-je ici ? » et « Pour quoi faire ? »
et « Quelle importance ? » vont être différentes de celles de Bill, et
nos réponses vont différer des vôtres. Mais nous posons tous les
mêmes ques ons. Et on peut tous trouver des réponses pour sa
propre vie.
Dans le précédent chapitre, vous avez répondu à une de nos
ques ons préférées – « Comment ça se passe ? » – une ques on que
nous posons fréquemment pendant nos heures de permanence. Si
vous avez fait votre tableau de bord, vous savez désormais quels
témoins indiquent le plein, lesquels sont proches du zéro ; savoir
interpréter son tableau de bord, c’est la première étape du design de
vie.
La suivante consiste à fabriquer sa boussole.

FABRIQUER SA BOUSSOLE
Pour fabriquer sa boussole, il faut deux choses – une Concep on du
travail et une Concep on de la vie. Élucidons d’abord ce que le travail
signifie pour vous. À quoi sert le travail ? Pourquoi le faites-vous ?
Qu’est-ce qui est bon dans un bon travail ? Si vous arrivez à cerner
votre philosophie du travail (à quoi ça sert, pourquoi vous le faites) et
à bien la formuler, vous risquerez moins de laisser les autres dessiner
votre vie à votre place. Développer une concep on personnelle du
travail, c’est un des deux éléments de la boussole que vous êtes en
train de fabriquer ; l’autre, c’est une Concep on de la vie.
Alors, une Concep on de la vie, ça peut sembler un peu ambi eux,
mais ça ne l’est pas tant que ça – tout le monde à une concep on
de la vie. Vous ne l’avez peut-être pas encore formulée, mais du
moment qu’on est en vie, on a une concep on de la vie. Une
concep on de la vie, c’est simplement l’idée qu’on se fait du monde et
de sa marche. Qu’est-ce qui donne un sens à la vie ? Qu’est-ce qui
donne de la valeur à sa vie ? Comment sa vie est-elle reliée aux
autres, dans sa famille, sa communauté et dans le monde ? Quels
rôles jouent l’argent, la célébrité et la réussite personnelle dans une
vie sa sfaisante ? Quelle importance ennent l’expérience, le
développement et l’épanouissement dans votre vie ?
Une fois que vous aurez écrit votre Concep on du travail et votre
Concep on de la vie, et fini l’exercice simple qui suit, vous aurez votre
boussole et serez sur la voie d’une vie bien dessinée. Ne vous
inquiétez pas, nous savons que vos concep ons du travail et de la vie
vont changer. Il est évident que les vues qu’on a adolescent, après
l’université ou quand les enfants qui ent la maison sont toutes
passablement différentes. L’idée, c’est que vous n’avez pas besoin
d’avoir tout compris pour le reste de votre vie ; il vous suffit d’une
boussole qui vous indique ce qu’est la vie pour vous à cet instant.
Parker Palmer, grand réformateur de l’enseignement, auteur de Let
Your Life Speak (Laissez parler votre vie, 1999), raconte qu’il s’est
soudain rendu compte qu’il menait avec brio la vie de quelqu’un
d’autre. Parker imitait ses héros – Mar n Luther King, Gandhi – tous
deux grands hérauts de la jus ce sociale. Comme il accordait une
grande valeur à leurs convic ons et à leurs objec fs, il régla ses pas
dans le monde sur leur boussole, mais pas sur la sienne et il travailla
dur pour changer le système éduca f de l’intérieur. Il ob nt un
doctorat à l’université de Berkeley et était en passe d’a eindre son
but : devenir un président d’université respecté. Tout cela était bel et
bon, mais Parker détestait ça. Il finit par réaliser qu’il pouvait être
inspiré par des gens comme Mar n Luther King et Gandhi, mais qu’il
n’était pas obligé de suivre le même chemin. Il finit par se redessiner
une vie d’intellectuel et d’auteur – avec toujours les mêmes objec fs,
mais dans un registre qui était moins celui de l’imita on, plus
authen que.
Le fait est qu’il y a beaucoup de voix puissantes dans le monde et
beaucoup de voix puissantes dans nos têtes, qui nous disent quoi
faire ou qui devenir. Et comme il y a beaucoup de modèles à suivre
sur la façon de vivre sa vie, nous courons tous le risque, comme
Parker, d’u liser sans le vouloir la boussole de quelqu’un d’autre et de
vivre la vie de quelqu’un d’autre. La meilleure façon d’éviter ça, c’est
de formuler clairement ses propres vues sur le travail et la vie, de
façon à fabriquer sa propre boussole.
Notre but pour votre vie est plutôt simple : la cohérence. Une vie
cohérente est une vie où l’on peut aligner clairement trois choses :
• Qui on est
• Ce en quoi on croit
• Ce qu’on fait

Par exemple, si dans sa Concep on de la vie, on pense qu’il faut


laisser une planète meilleure aux généra ons futures et qu’on travaille
pour une grande entreprise qui pollue la planète (mais pour un très
bon salaire), il va y avoir un manque de cohérence entre sa vision et
ses actes – et, du coup, beaucoup de décep on et de
mécontentement. La plupart d’entre nous doivent faire des
compromis en chemin, dont certains parfois déplaisants. Si votre con-
cep on de la vie, c’est que l’Art est la seule chose qui vaille, mais que
dans votre concep on du travail, il est vital de gagner assez d’argent
pour que vos enfants puissent faire ce qu’ils veulent, vous allez faire
un compromis avec votre concep on de la vie tant que vos enfants
sont à la maison et dépendent de vous. Mais ça vous ira parce que
c’est une décision consciente qui vous permet de « garder le cap » et
de rester cohérent. Vivre de façon cohérente ne signifie pas que tout
soit parfait tout le temps. Ça signifie seulement qu’on vit en accord
avec ses valeurs sans avoir sacrifié son intégrité en route. Quand on a
une bonne boussole pour se guider, on peut passer ce genre de
marché avec soi-même. Si on peut voir le lien entre la personne qu’on
est, nos convic ons et nos actes, on sait quand on garde le cap,
quand il y a une tension, quand il faudrait peut-être faire un
compromis délicat et quand il faut opérer une grosse correc on de
cap. Notre expérience avec les élèves montre que la capacité à aligner
ces trois points augmente le sen ment d’iden té, aide à donner plus
de sens à sa vie et à en rer plus de sa sfac on.
Il est temps à présent de fabriquer votre boussole et me re le cap sur
votre quête. Pour le moment, votre quête est simple (et il ne s’agit pas
de trouver le Sacré Graal). Votre quête, c’est un design de vie. Il est
possible que nous voulions tous les mêmes choses dans la vie – une
longue vie en bonne santé, un travail qui nous plaît et qui compte, des
rela ons pleines d’amour et de sens, et une bonne dose de fun en
route –, mais les façons dont nous pensons obtenir tout ça varient
beaucoup.

RÉFLEXION SUR LA CONCEPTION DU


TRAVAIL
Écrivez un court essai sur votre concep on du travail. Il ne s’agit pas
d’une disserta on (et toujours pas de note à la clé), mais nous tenons
vraiment à ce que vous l’écriviez. Ne le faites pas de tête. Ça doit
vous prendre environ une demi-heure. Visez les 300 mots – moins
d’une page tapée à l’ordinateur.
Une concep on du travail doit aborder les problèmes essen els liés à
la nature de votre travail et à ce qu’il représente pour vous. Il ne s’agit
pas d’une liste de ce que vous a endez au (ou de votre) travail, c’est
une déclara on générale sur la façon dont vous envisagez le travail.
C’est votre défini on de ce qui mérite d’être appelé un « bon travail ».
Votre concep on du travail peut répondre à des ques ons comme :

• Pourquoi travailler ?
• À quoi sert le travail ?
• Que signifie le travail ?
• Quel est son rapport à l’individu, aux autres, à la société ?
• Qu’est-ce qui caractérise un bon travail ou un travail u le ?
• Quelle part y ent l’argent ?
• Quelle part y ennent l’expérience, la maturité et
l’épanouissement ?

Au fil des années passées à aider les gens à faire cet exercice, nous
avons remarqué que ce e idée de Concep on du travail est assez
nouvelle pour la plupart d’entre eux. Nous avons remarqué aussi que,
quand ils butent sur cet exercice, c’est parce qu’ils écrivent ce qu’ils
cherchent dans un emploi, ils font une « fiche de poste ». Dans cet
exercice, ce qui nous intéresse, ce n’est pas quel travail vous voulez
faire, mais pourquoi vous travaillez.
Ce que nous recherchons, c’est votre philosophie du travail – à quoi
ça sert, quel sens ça a. En gros, ce sera votre manifeste du travail.
Quand nous employons le mot « travail », c’est au sens le plus large –
pas seulement ce que vous faites pour gagner de l’argent ou
comme « boulot ». Le travail est souvent ce qui représente la plus
grande part de notre vie, et sur une durée de vie, il mobilise notre
a en on et notre énergie plus que toutes nos autres ac vités. Du
coup, nous vous conseillons de prendre le temps de peser et formuler
clairement ce que travail et profession signifient pour vous (et peut-
être ce que vous espérez que ça signifie aussi pour les autres).
Les concep ons du travail s’étagent largement dans ce qu’elles englo-
bent et les problèmes qu’elles incorporent, comme les services rendus
aux autres et au monde, l’argent et le niveau de vie, la maturité, les
appren ssages, les compétences et les talents. Tout cela peut faire
par e de l’équa on. Nous souhaitons que vous preniez en compte
tout ce qui vous paraît important. Vous n’êtes pas obligé(e) de vous
préoccuper de la ques on du service rendu aux autres ou de tout
autre lien explicite aux ques ons sociales. Cependant, Mar n
Seligman5, dans le courant de la psychologie posi ve, a montré que
les gens qui sont capables d’établir un lien explicite entre leur travail
et un élément social qui a de l’importance pour eux ont plus de
chances d’en re rer de la sa sfac on et peuvent mieux s’adapter aux
inévitables tensions et compromis liés au monde du travail. Comme la
plupart des gens souhaitent un travail gra fiant et porteur de sens,
nous vous encourageons à réfléchir aux ques ons posées plus haut et
rédiger votre concep on du travail. Sans cela, votre boussole ne sera
pas complète.

RÉFLEXION SUR LA CONCEPTION DE LA VIE


Comme pour votre concep on du travail, écrivez un essai sur votre
concep on de la vie. Là aussi, une trentaine de minutes et environ
300 mots doivent suffire. Pour vous aider à démarrer, vous trouverez
ci-après une liste de ques ons souvent abordées. L’enjeu est ici
d’établir par écrit les valeurs et points de vue qui sont à la base de
votre compréhension de la vie. La concep on de la vie, c’est ce qui
permet de définir les « sujets de réflexion ul me ». C’est ce qui
compte le plus pour vous.

• Pourquoi sommes-nous ici ?


• Quels sont le sens et le but de la vie ?
• Quelle est la rela on qui unit un individu aux autres ?
• Comment famille, pays et reste du monde s’y inscrivent-ils ?
• Qu’est-ce qui est bien, qu’est-ce qui est mal ?
• Existe-t-il une puissance supérieure, un Dieu ou une
transcendance et, si oui, quelle est son influence sur votre vie ?
• Joie, tristesse, jus ce, injus ce, amour, paix, conflit : quel rôle
ont-ils dans votre vie ?

Nous sommes bien conscients que ce sont des ques ons quelque peu
philosophiques et que nous venons juste d’employer le mot « Dieu ».
Pour certains, la ques on de Dieu n’a pas d’importance ; pour
d’autres, il faut l’aborder d’emblée comme la plus importante. À ce
stade, vous avez sans doute déjà compris que le design est neutre du
point de vue des valeurs, nous ne prenons pas par . Ces ques ons, y
compris celles portant sur Dieu et la spiritualité, sont là pour susciter
la réflexion ; c’est à vous de choisir auxquelles vous voulez tenter de
répondre. Il ne s’agit pas d’affûter ses arguments pour des débats
religieux ou poli ques ; ici, pas de mauvaises réponses – pas de
mauvaise concep on de la vie. La seule façon de se tromper dans cet
exercice, c’est de ne pas le faire du tout. À part ça, restez curieux(se)
et pensez comme un designer. Posez les ques ons qui vous
conviennent, inventez les vôtres et observez ce que vous découvrez.
Écrivez vos réponses.
Prêt(e) ? Allez-y.

COHÉRENCE ET INTÉGRATION CONCEPTION


DU TRAVAIL-CONCEPTION DE LA VIE
Relisez vos concep ons du travail et de la vie, puis écrivez ce que
vous inspirent les ques ons qui suivent (essayez de répondre à
chacune) :

• En quoi vos vues sur le travail et sur la vie sont-elles


complémentaires ?
• En quoi s’opposent-elles ?
• L’une guide-t-elle l’autre ? De quelle façon ?

Prenez quelques instants pour noter vos idées sur l’intégra on de vos
deux concep ons. Nos élèves nous rapportent que c’est souvent là
qu’ils ont les plus grandes révéla ons ; du coup, prenez ce e par e
de l’exercice au sérieux et réfléchissez bien à ce e intégra on. Dans
la plupart des cas, ce e réflexion vous incitera à modifier l’une de vos
concep ons, voire les deux. En me ant votre concep on du travail et
votre concep on de la vie en harmonie, vous y voyez plus clair et
vous augmentez votre capacité à mener une vie cohérente et pleine
de sens – une vie où la personne que vous êtes, vos convic ons et
vos actes sont alignés.

LE VRAI NORD
Vous disposez désormais d’une concep on de la vie et d’une
concep on du travail clairement formulées et combinées. En fin de
compte, ce qu’elles indiquent, c’est votre « vrai Nord ». Voilà votre
boussole. Elles vous aident à savoir si vous êtes sur la bonne voie ou
la mauvaise. À tout instant, vous pouvez faire le point sur votre
posi on par rapport à votre vrai Nord. Il est rare qu’on navigue tout
droit tout au long d’une belle vie toute droite. En fait, comme le
savent tous les marins, on ne peut tracer une route en ligne droite –
on re des bords selon ce que perme ent les vents et les condi ons.
Quand on cherche le vrai Nord, on peut naviguer dans une direc on,
puis dans une autre, puis à nouveau dans la première. Parfois, on
navigue près de la côte pour éviter les mers agitées, on s’adapte selon
les besoins. Et parfois, on rencontre une tempête et on est perdu, ou
le bateau chavire.
Ce sont les moments où il est le plus u le de disposer d’une
concep on du travail et d’une concep on de la vie pour pouvoir se
réorienter. À chaque fois qu’on a l’impression que quelque chose ne
va pas dans sa vie ou qu’on traverse une transi on majeure, c’est le
moment de régler sa boussole. Nous le faisons au moins une fois par
an.
Permutez vos pneus de voiture.
Changez les piles de votre détecteur de fumée.
Vérifiez votre concep on du travail et votre concep on de la vie,
assurez-vous qu’elles sont bien alignées.
À chaque fois que votre situa on change, que vous modifiez vos
objec fs ou que vous vous demandez ce que vous fabriquez à un
poste donné – arrêtez-vous. Avant de se lancer, il est bon de
consulter sa boussole pour s’orienter. Et maintenant que vous en avez
une, il est temps de « trouver votre voie ».
Après tout, c’est une quête.

Principe à problème : Je devrais savoir où je vais !


Recadrage : Je ne saurai pas toujours où je vais – mais je peux
toujours savoir si je vais dans la bonne direc on.

5. Mar n Seligman, S’épanouir (2016, tre original, Flourish, 2011). Beaucoup de nos idées et
de nos exercices s’inspirent du courant de la psychologie posi ve, par culièrement des
travaux de Mar n Seligman.
À vous de jouer
Concep on du travail et concep on de la vie

1. Écrivez un court essai sur votre Concep on du travail. Ça


doit vous prendre environ trente minutes. Visez les 300
mots – moins d’une page tapée à l’ordinateur.
2. Écrivez un court essai sur votre Concep on de la vie. Là
encore, pas plus de trente minutes ni plus de 300 mots.
3. Relisez votre Concep on de la vie et votre Concep on du
travail, puis répondez aux ques ons suivantes :
a. En quoi ces deux concep ons sont-elles
complémentaires ?
b. En quoi s’opposent-elles ?
c. L’une guide-t-elle l’autre ? Comment ?
CHAPITRE 3

S’orienter
M ichael était heureux. Dans sa pe te ville universitaire du
centre de la Californie, il avait du succès, faisait du sport,
sortait avec ses amis et profitait de la vie rela vement insouciante
d’un ado adulé, spor f et sociable. Michael ne passait pas beaucoup
de temps à penser à son avenir ou à le préparer. Il faisait simplement
ce qui se présentait et sa vie semblait se dérouler sans encombre. Sa
mère, elle, avait des idées sur son avenir. Des tas d’idées. Elle décida
qu’il irait à l’université, choisit celles auxquelles il allait postuler et
même sa majeure. Du coup, Michael étudia à Cal Poly à San Luis
Obispo et s’orienta vers le génie civil. Il n’avait pas une envie
par culière de devenir ingénieur civil, mais il suivait le plan tracé par
maman.
Sa majeure se déroula bien et il ob nt son diplôme. Puis Michael
tomba amoureux de Skylar, qui terminait ses études avant de par r
travailler à Amsterdam dans une entreprise de conseil. Michael suivit
Skylar et trouva un très bon poste d’ingénieur à Amsterdam, où il fit
correctement son travail. À nouveau, Michael était content de suivre
une trajectoire décidée pour lui, sans jamais s’être demandé ce qu’il
avait envie de faire ou qui il voulait devenir. Il n’avait jamais formulé
sa concep on de la vie ou du travail et toujours laissé les autres
guider sa route. Jusque-là, ça avait bien marché.
Après Amsterdam, Michael revint en Californie avec Skylar (devenue
sa femme), qui avait trouvé un boulot génial qu’elle adorait ; Michael
prit un emploi dans une entreprise de génie civil, non loin de là. C’est
là que les problèmes commencèrent. Il faisait tout ce que font les
ingénieurs dignes de ce nom – mais il s’ennuyait, il était agité et
malheureux. Ce e souffrance nouvelle le perturba. Il ne savait à qui
s’adresser ni que faire. Pour la première fois de sa vie, tout ne se
déroulait pas comme prévu et, sans guide, Michael se sen t
complètement perdu.
Principe à problème : Le travail ne doit pas être un plaisir ; voilà
pourquoi on appelle ça un travail.
Recadrage : Le plaisir me guide vers le travail qui me convient.

Beaucoup de gens avaient des conseils à lui donner. Quelques amis


lui suggérèrent de lancer sa propre société d’ingénierie civile, en
croyant que ses problèmes venaient de ce qu’il travaillait pour quel-
qu’un d’autre. Son beau-père lui dit : « Tu es un type intelligent. Tu es
ingénieur, donc tu es bon en maths. Tu devrais faire de la finance. Tu
devrais être cour er en bourse. » Michael réfléchit à toutes ces
sugges ons et se mit à faire des calculs pour voir comment il pourrait
qui er son job et retourner à l’université pour étudier la finance, ou
peut-être faire une école de commerce. Il envisagea toutes ces
possibilités parce que, sincèrement, il ne savait pas trop quel était son
problème. Avait-il échoué en tant qu’ingénieur ? Le génie civil était-il
une mauvaise voie ? Devait-il simplement supporter tout ça ? Après
tout, c’était juste un boulot, pas vrai ?
Pas vrai.

TROUVER SA VOIE
L’orienta on est un art ancien qui consiste à déterminer sa route
quand on ne connaît pas sa des na on. Pour s’orienter, il faut une
boussole et une direc on. Pas une carte – une direc on. Rappelez-
vous les explorateurs américains Lewis et Clark. Ils n’avaient pas de
carte quand Jefferson les envoya traverser la Louisiane nouvellement
acquise et trouver leur route jusqu’au Pacifique. Tout en s’orientant
vers l’océan, ils dressèrent une carte de leur route (140 cartes, pour
être exact). S’orienter dans sa vie, c’est un peu la même chose.
Puisqu’il n’y a pas qu’une seule des na on dans la vie, on ne peut pas
entrer son objec f dans un GPS et a endre les instruc ons pour
tourner où il faut. Ce qu’on peut faire, c’est prêter a en on aux
signaux et essayer d’avancer au mieux avec les ou ls dont on dispose.
Nous pensons que les premiers signaux sont l’engagement et l’énergie.

L’ENGAGEMENT
Ce n’était pas le génie civil qui était mauvais. Michael ne faisait
simplement pas a en on à sa vie et tout ce qu’il savait, c’est que
quelque chose n’allait pas. À 34 ans, il ne savait pas ce qu’il aimait et
ce qu’il n’aimait pas. Quand il est venu chez nous chercher de l’aide, il
était sur le point de balancer complètement sa vie et sa carrière, sans
bonne raison. Nous lui avons demandé de tenir pendant quelques
semaines un journal à la fin de chaque journée de travail. Michael
devait noter les moments de la journée où il s’était ennuyé à son
travail, sen tendu ou malheureux, et ce qu’il faisait exactement à ces
moments-là (les moments où il était détaché). Il notait aussi les
moments où il était excité, concentré, où il passait un bon moment au
travail et ce qu’il était exactement en train de faire à ces moments-là
(les moments où il était engagé). Michael tenait là ce que nous
appelons le Journal des Bons Moments.
Pourquoi lui avoir demandé de faire cela (et, oui, nous allons vous
demander de faire la même chose) ? Ce que nous espérions, c’est qu’il
se surprenne lui-même en train de passer un bon moment. Quand on
découvre dans quelles ac vités on s’inves t volon ers, on découvre
et on exprime quelque chose de très u le en ma ère de design de
vie. Rappelez-vous que les designers sont tournés vers l’ac on –
autre façon de dire que nous faisons très a en on à la façon dont
nous faisons les choses, pas juste à la façon dont nous y pensons.
Noter les moments où on se sent engagé et plein d’énergie, ou pas,
aide à prêter a en on à ce qu’on fait et à trouver ce qui fonc onne
pour nous.
LE FLOW : L’ENGAGEMENT TOTAL
Le flow, c’est l’engagement sous stéroïdes. Le flow, c’est cet état
par culier dans lequel le temps s’arrête, où on est totalement inves
dans une ac vité, et où les difficultés qu’elle soulève correspondent à
notre savoir-faire – on évite ainsi l’ennui de ce qui est trop facile et
l’angoisse de ce qui est trop difficile. Un engagement que les gens
décrivent comme « euphorique », « dans la zone » ou « trop génial ».
Le flow a été « découvert » par le professeur Mihaly Csikszentmihalyi,
qui étudie ce phénomène depuis les années 1970. La première fois
qu’il a décrit l’état de flow, il avait étudié en détail les ac vités de la
vie quo dienne de milliers de gens, ce qui lui permit d’isoler ce e
forme spécialement intense d’engagement6.
Les gens qui sont dans le flow décrivent des expériences qui
présentent les caractéris ques suivantes :

• Implica on totale dans leur ac vité.


• Sen ment d’extase ou d’euphorie.
• Sen ment de grande clarté intérieure – savoir exactement ce
qu’il faut faire et comment le faire.
• Grand calme, sérénité totale.
• Comme si le temps s’arrêtait ou s’évaporait d’un seul coup.

Le flow peut naître au cours d’à peu près n’importe quelle ac vité
physique ou mentale et souvent lorsque les deux sont combinées.
Dave entre dans le flow lorsqu’il revoit chacun des détails d’un plan de
cours, ou bien sur son voilier, lorsqu’il règle les voiles dans le vent
naissant. Bill reconnaît être accro au flow ; donner des cours à ses
élèves, faire des croquis dans son carnet à idées ou couper un oignon
avec son couteau favori sont les ac vités qui y sont le plus propices.
Le flow fait par e de ces expériences rares « difficiles à décrire, mais
qu’on reconnaît quand on les vit » qu’il faut iden fier par soi-même.
En tant que stade ul me de l’engagement personnel, les expériences
de flow ont une place à part dans le design de vie. Il est donc
important de bien les iden fier dans votre Journal des Bons
Moments.
Le flow, c’est un jeu pour les grands. Dans le tableau de bord du
design de vie, nous avons mesuré nos niveaux de santé, de travail, de
jeu et d’amour. L’élément le plus absent dans nos vies modernes très
remplies, c’est le « jeu ». Vous pensez peut-être que nous avons tous
trop de responsabilités pour disposer de beaucoup de temps pour
jouer. D’accord, on peut faire un effort pour u liser ses talents dans
son travail et dans ses corvées, mais soyons honnêtes – c’est du
travail, pas un jeu. Peut-être. Peut-être pas. Le flow est une des clés
de ce que nous appelons le jeu d’adultes et un mé er gra fiant et
valorisant offre de nombreux moments de flow. L’essence d’un jeu,
c’est de s’y inves r totalement et de le faire avec plaisir, sans être
constamment distrait par le souci de ce qu’on en re re. Dans le flow,
c’est exactement ce qui se passe – on est totalement présent à ce
qu’on fait, tellement présent qu’on n’a même plus conscience du
temps. Vu de ce e façon, ce devrait être un objet de recherche
constant dans sa vie professionnelle (et dans sa vie privée, et dans sa
vie spor ve, et dans sa vie sexuelle… vous voyez le topo).

L’ÉNERGIE
Après l’engagement, le second signal à gue er pour s’orienter, c’est
l’énergie. L’être humain, comme toute créature vivante, a besoin
d’énergie pour vivre et se développer. Autrefois, les êtres humains
dépensaient l’essen el de leur énergie quo dienne en tâches
physiques. Pendant l’essen el de l’histoire humaine, hommes et
femmes ont travaillé à chasser et cueillir, à élever leurs enfants et
s’occuper de leurs cultures, l’essen el de leur temps passant en
travaux physiques qui consommaient beaucoup d’énergie.
Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous sont des travailleurs du savoir et
ce sont nos cerveaux que nous employons pour soulever des charges
lourdes. Le cerveau est un organe très gourmand en énergie. Sur les
quelque 2 000 calories que l’on consomme chaque jour, 500 sont
consacrées au fonc onnement du cerveau. C’est incroyable : alors
que notre cerveau ne représente qu’environ 2 % du poids de notre
corps, il consomme 25 % de notre énergie quo dienne. Pas étonnant
donc que ce à quoi on consacre notre a en on soit déterminant dans
le fait de se sen r, ou pas, plein d’énergie7.
Toute la journée, on se livre à des ac vités physiques et mentales.
Certaines nous remplissent d’énergie, d’autres nous vident ; ce sont
ces flux d’énergie que nous cherchons à suivre dans le Journal des
Bons Moments. Une fois qu’on sait où passe notre énergie chaque
semaine, on peut commencer à redessiner nos ac vités pour
maximiser notre vitalité. Rappelez-vous, avec le design de vie, on
cherche à rer plus de notre vie actuelle – pas uniquement à
concevoir une vie en èrement nouvelle. Même si ce sont des
interroga ons portant sur un grand changement dans votre vie qui
vous ont mené(e) à ce livre, l’essen el du travail de design de vie
consiste à régler et améliorer la vie que vous menez, sans
bouleversements structurels radicaux, comme changer de travail,
déménager ou retourner à l’université.
Vous vous interrogez peut-être : suivre son niveau d’énergie, n’est-ce
pas la même chose que suivre son niveau d’engagement ? Oui et non.
Oui, un fort niveau d’engagement coïncide souvent avec un haut
niveau d’énergie, mais pas forcément. Un collègue de Dave, ingénieur
informa cien brillant, a découvert que défendre son point de vue
était une ac vité dans laquelle il s’inves ssait volon ers, parce que ça
l’obligeait à réfléchir vite. Il excellait à cela et souvent, dans son
travail, les autres lui demandaient d’aller déba re à leur place. Mais il
remarqua que ces débats l’épuisaient, même quand il « l’emportait ».
Ce n’était pas un homme querelleur et même si, sur le moment, c’est
amusant d’être plus malin que les autres, il se sentait toujours très mal
à la fin. L’énergie a également ceci d’unique : elle peut être
néga ve − certaines ac vités peuvent li éralement nous pomper l’air
et nous laisser épuisés. L’ennui est un gros pompeur d’énergie, mais il
est beaucoup plus facile de se reme re d’un moment d’ennui que
d’une perte totale d’énergie ; d’où l’importance de surveiller son
niveau d’énergie.
C’EST UNE QUESTION DE PLAISIR
Après avoir tenu son Journal des Bons Moments et prêté a en on
aux occasions où il se sentait engagé, dans le flow et à ce qui lui
donnait de l’énergie, Michael s’aperçut qu’il aimait son travail d’in-
génieur civil quand il travaillait sur des problèmes difficiles et
complexes. Ce qui le fa guait et le rendait malheureux, c’était les
moments où il était confronté à des gens pénibles, quand il avait du
mal à communiquer avec les autres et quand il devait se colleter à une
tâche ou une finesse administra ves, qui n’avaient rien à voir avec les
complexités du mé er d’ingénieur.
En fin de compte, pour la première fois de sa vie, Michael faisait
vraiment a en on à ce qui lui plaisait. Les résultats furent
incroyables. Rien qu’en iden fiant les moments où il prenait du plaisir
au travail, ceux qui lui donnaient de l’énergie ou qui le vidaient,
Michael comprit qu’il aimait réellement son mé er d’ingénieur civil.
Ce qu’il détestait, c’était les problèmes humains, la rédac on d’une
proposi on et les négocia ons salariales. Il fallait juste qu’il trouve
comment façonner son poste pour faire plus ce qu’il aimait et moins
ce qu’il détestait. Au lieu de faire une école de commerce (ce qui
aurait probablement été un désastre, très coûteux de surcroît),
Michael choisit de con nuer en ingénierie. Il finit par intégrer un
programme de doctorat et il est désormais un ingénieur structures de
haut niveau. Il passe son temps, généralement seul, à travailler sur des
problèmes d’ingénierie complexes qui le rendent vraiment heureux. Et
il a fini par a eindre une compétence technique telle que plus
personne ne lui demande de faire des tâches administra ves. Les
bons jours, il revient le soir à la maison avec plus d’énergie qu’il n’en
avait le ma n en partant. Soit plutôt une bonne façon de travailler.
Autre élément clé quand on s’oriente dans la vie : suivre son plaisir.
Suivez ce qui vous donne envie, ce qui vous excite, ce qui vous met
en joie. On enseigne à la plupart des gens que le travail est toujours
dur et qu’il faut souffrir. Certes, dans tout travail et toute profession,
il y a des aspects pénibles et ennuyeux – mais si l’essen el de ce que
vous faites au travail ne vous met pas en joie, alors ça vous tue. C’est
votre profession, et vous allez y consacrer un sacré bout de temps –
nous l’es mons entre 90 000 et 125 000 heures sur la durée d’une
vie. Si vous n’y prenez pas de plaisir, c’est un sacré morceau de vie
gâché.
Alors, qu’est-ce qui rend un travail amusant ? Ce n’est peut-être pas
ce que vous pensez. Ce n’est pas faire la fête sans arrêt au bureau. Ce
n’est pas être très bien payé. Ce n’est pas avoir beaucoup de congés
payés. Un travail est amusant quand on s’appuie sur ses forces, qu’on
s’engage à fond et qu’on en re re de l’énergie.

“ Élément clé quand on s’oriente dans la vie : le


plaisir. ”

ET LE BUT, DANS TOUT ÇA ?


C’est à ce stade qu’on nous demande souvent, « Tout ça est bien joli,
mais où s’inscrivent le but, la mission ? La vie ne se résume pas à être
concentré et plein d’énergie. Je veux faire un travail qui me enne à
cœur, important pour moi et pour les autres. »
En èrement d’accord. C’est pourquoi nous nous sommes occupés de
l’élabora on d’une boussole (concep ons de la vie et du travail bien
combinées) au chapitre 2. Comme nous l’avons vu, il est crucial
d’évaluer comment son travail s’inscrit dans ses valeurs et ses
priorités – à quel point ce travail est cohérent avec la personne que
vous êtes et vos convic ons. Nous ne sommes pas en train de vous
dire qu’il faut en èrement focaliser votre vie sur votre niveau
d’engagement et d’énergie. Nous suggérons simplement que
l’a en on portée aux niveaux d’énergie et d’engagement peut fournir
des indices u les pour avancer dans le bon sens. Le design de vie est
fait d’un ensemble d’idées et d’ou ls qui fonc onnent ensemble avec
souplesse. Nous allons éme re beaucoup de sugges ons, mais à la
fin, c’est vous qui décidez sur quoi doit porter votre a en on et
comment vous allez organiser votre projet de design de vie.
Démarrons à présent votre Journal des Bons Moments.

NOTRE OUTIL DE DISCERNEMENT : LE


JOURNAL DES BONS MOMENTS
Nous allons vous demander de tenir, comme Michael, un Journal des
Bons Moments. Vous avez le choix du support. Vous pouvez tout
écrire à la main dans un cahier relié, u liser un classeur à feuilles
volantes ou même votre ordinateur (mais nous recommandons
fortement d’essayer d’écrire à la main, de façon à pouvoir dessiner).
Le plus important, c’est de le faire et d’ajouter des entrées de façon
régulière ; le meilleur format est celui auquel vous prenez le plus de
plaisir et qui vous donne envie d’y revenir souvent.
Il y a deux composantes dans ce Journal :
• Le Carnet de bord (où on note ses moments d’engagement et
d’énergie) ;
• La Réflexion (où on découvre ce qu’on apprend).

Le Carnet de bord ne fait que recenser les ac vités principales, en


indiquant le niveau d’engagement ( ) et d’énergie ( ) associé à
chacune. Nous recommandons de me re ce carnet à jour
quo diennement, pour amasser une quan té suffisante
d’informa ons. S’il vous est plus facile de laisser quelques jours entre
chaque entrée, ça marche aussi, mais deux fois par semaine est un
minimum, sinon vous allez trop en oublier. Si vous u lisez un classeur,
vous pouvez u liser le modèle de feuille que nous avons placé à la fin
du chapitre, avec des pe ts témoins pour indiquer votre niveau
d’engagement ( ) et d’énergie ( ) dans chaque ac vité
(téléchargeable sur www.designingyour.life). Vous pouvez également
dessiner des indicateurs (ou tout autre symbole d’engagement et
d’énergie) dans votre carnet. Faites ce qui vous convient – mais
me ez ces informa ons noir sur blanc.
Chacun d’entre nous trouve sa mo va on dans différents types
d’ac vité. Votre boulot consiste à trouver celles qui vous mo vent, de
la façon la plus précise possible. Il va vous falloir un moment pour
prendre le coup, parce que, si vous êtes comme la plupart des gens,
vous n’avez jusqu’à présent jamais prêté a en on à ce genre de
choses. Bien sûr, il nous est tous arrivé de rentrer à la maison en
disant « C’était génial ! » ou « C’était nul ! », mais il est rare qu’on
passe en revue les différents éléments qui ont cons tué ces
expériences. Une journée est composée de nombreux moments,
certains excellents, d’autres épouvantables, la plupart entre les deux.
Votre boulot consiste à explorer les recoins de votre journée pour
vous surprendre en train de passer un bon moment.
L’autre composante du Journal, c’est la réflexion ; en relisant votre
carnet de bord pour iden fier des tendances, les révéla ons, les
surprises – tout indice de ce qui vous convient ou pas. Nous
recommandons de nourrir le Carnet de bord pendant au moins trois
semaines, aussi longtemps que nécessaire pour être sûr(e) de noter
tous les types d’ac vités que vous croisez dans votre situa on
(certaines peuvent n’être qu’occasionnelles). Nous recommandons
ensuite de consigner ces réflexions dans votre Journal une fois par
semaine, de façon à ce qu’elles ne soient pas basées sur une seule
expérience dans chaque ac vité.
Écrivez vos réflexions hebdomadaires sur une page blanche de votre
Journal des Bons Moments.
Nous avons inséré ici une page récente du Carnet de bord de Bill (voir
page suivante).
La réflexion de Bill con ent les observa ons suivantes :
Il remarque que ses cours de dessin et ses heures de permanence
provoquent souvent un état de flow et que les heures d’enseignement
et de « soirée » sont des ac vités qui lui apportent plus d’énergie
qu’elles n’en consomment. Faire ça plus souvent serait sûrement une
façon de donner de l’énergie à sa semaine. Sa réunion pédagogique
hebdomadaire comporte parfois des échanges intéressants, parfois
non, du coup, il a mis deux flèches dans son diagramme d’énergie. Il
constate sans surprise que les réunions de budget pompent son
énergie – il n’a jamais trop aimé l’aspect fiscal des choses (même s’il
reconnaît que c’est fondamental).
Bill a aménagé son emploi du temps pour encadrer ces ac vités
moins engageantes par d’autres qui le sont davantage et pour
s’octroyer une pe te récompense quand il termine une tâche « à
énergie néga ve ». La meilleure façon de traiter ces ac vités, c’est de
s’assurer qu’on est bien reposé et qu’on a les réserves d’énergie
nécessaires pour « les faire bien ». Autrement, on risque d’avoir à les
refaire – et donc de dépenser plus d’énergie qu’elles n’en méritent.
Bill est surpris que ses cours par culiers aux étudiants en master – les
élèves qu’il préfère et avec lesquels il passe le plus de temps –
l’épuisent tellement. Après s’être un peu étendu sur le sujet dans son
Journal, il a découvert deux choses : (1) il donne ses cours dans un
mauvais environnement (l’atelier bruyant des diplômés) et (2) son
interven on n’est pas efficace – ses élèves ne « pigent » pas. À la suite
de ces observa ons, il a décidé deux choses : un redesign de
l’environnement de ses cours du mardi soir (changement de salle) et
une bascule dans la structure de ses cours ; au lieu de voir ses élèves
en par culier, il les prend en pe ts groupes, pour qu’ils puissent
s’entraider. Des changements si bénéfiques que, quelques semaines
plus tard, il a eint régulièrement le flow lors de ces séances. Les
réunions de budget con nuent à craindre, bien sûr, mais elles ne
représentent qu’une pe te par e de son travail et les moments de
flow des nouveaux cours les rendent plus supportables.
Bill a surtout u lisé son Journal des Bons Moments pour améliorer
son design de vie existant. Michael a fait cet exercice pour trouver sa
nouvelle stratégie professionnelle. Leurs objec fs étaient très
différents et ils ont obtenu des résultats très différents, mais tous
deux ont u lisé exactement la même technique – l’a en on fine
portée à ce qui leur donne de l’énergie et l’envie de s’engager.
ENTRER DANS LE DÉTAIL – SAISIR LES
BONNES CHOSES
Après une semaine ou deux, quand vous commencez à avoir pas mal
d’entrées dans votre Journal et que vous vous me ez à remarquer
des choses intéressantes, il est temps d’entrer dans les détails et de
passer au niveau supérieur de l’exercice. Généralement, quand on
commence à savoir prêter une a en on plus détaillée à ses journées,
on remarque que certaines entrées du Carnet pourraient être plus
précises : il faut entrer dans le détail pour y voir plus clair. L’idée est
d’essayer d’être aussi spécifique que possible ; plus on est clair sur ce
qui vous réussit, mieux on peut s’orienter. Par exemple… Ce que vous
avez d’abord décrit comme « Réu – Pour une fois, ça m’a plu ! »
pourrait, après réflexion, devenir : « Réu – Je me suis sen hyper bien
quand j’ai reformulé les propos de John et que tout le monde a dit
“Oooh – exactement !” » Ce e version plus précise raconte une
histoire beaucoup plus exploitable sur le type d’ac vité ou de
comportement qui vous convient. Elle permet aussi d’affiner le regard
qu’on porte sur soi-même. Quand les entrées a eignent ce niveau de
détail, la réflexion peut être plus pénétrante. Quand vous rédigez
votre réflexion à propos de ce e réunion, il se peut que vous vous
posiez la ques on suivante : « Qu’est-ce que j’ai le plus aimé ? Le fait
de reformuler adroitement les propos de John (trouver les bons mots
au bon moment) ou le fait de faciliter le consensus dans l’équipe (en
étant la personne qui permet à l’ensemble du groupe de comprendre
au même moment) ? » Si vous concluez que c’était la justesse de votre
formula on qui cons tuait le joyau de ce e réunion, c’est un progrès
important qui peut vous inciter à chercher des opportunités du côté
de la créa on de contenu plutôt que de l’anima on de réunions.
Poussez ce type d’observa on et de réflexion aussi loin que ça vous
est u le (et pas plus loin – vous ne voulez pas vous noyer dans votre
Journal).

AEIOU
Tirer de grands enseignements des réflexions de votre Journal n’est
pas toujours facile ; voici quelques ou ls u lisés par les designers
pour faire des observa ons détaillées et exactes – qui perme ent
également de développer sa curiosité. C’est la méthode AEIOU8 qui
fournit cinq jeux de ques ons à se poser quand on réfléchit à son
Carnet de bord.

Ac vités
Qu’é ez-vous en train de faire ? S’agissait-il d’une ac vité structurée
ou déstructurée ? Aviez-vous un rôle précis (leader) ou é ez-vous
simple par cipant (à la réunion) ?

Environnements
Notre environnement a une influence profonde sur notre affec f.
Dans un stade de football, on n’éprouve pas la même émo on que
dans une cathédrale. Notez où vous é ez lorsque vous avez par cipé
à ce e ac vité. Quel genre d’endroit c’était, comment vous y sen ez-
vous ?

Interac ons
Avec quoi é ez-vous en interac on – des gens ou des machines ?
Ce e interac on était-elle inédite ou familière ? S’agissait-il d’un
cadre formel ou informel ?

Objets
É ez-vous en interac on avec des appareils ou des objets – iPad ou
smartphone, crosse de hockey ou bateau à voile ? Quels objets ont
créé ou renforcé votre sen ment d’engagement ?

U lisateurs
Qui d’autre était présent, quel a été son/leur rôle dans le caractère
posi f ou néga f de ce e expérience ?
Le modèle AEIOU peut vraiment vous aider à entrer efficacement
dans le détail et me re précisément en lumière ce qui fonc onne
pour vous, ou pas. En voici deux illustra ons :
Lydia est rédactrice indépendante. Elle aide des experts à documenter
leurs procédures pour des modes d’emploi. Elle est arrivée à la
conclusion qu’elle déteste travailler avec d’autres gens –
essen ellement à cause de l’état affreux dans lequel elle se trouve
après une réunion et du sen ment merveilleux qu’elle éprouve quand
elle peut écrire toute la journée. Elle en était à se demander comment
elle pourrait vivre sans plus jamais par ciper à une réunion, lorsqu’elle
commença à tenir son Journal des Bons Moments, avec la méthode
AEIOU. Quand elle entra dans le détail, elle observa qu’en fait, elle
aimait bien les gens – quand elle ne rencontrait qu’une ou deux
personnes à la fois, soit pour travailler sérieusement sur le texte, soit
pour de rapides séances de réflexion sur de nouveaux projets
(ac vité). Elle détestait les réunions qui portaient sur les prévisions, le
planning ou la stratégie, et toute réunion qui comptait plus de six
personnes ; elle était simplement incapable de suivre les différents
points de vue (environnement). Elle comprit qu’elle aimait juste
travailler de façon intense et concentrée et que ce e intensité
pouvait être nourrie ou contrariée par les autres (u lisateurs), selon la
forme que prenait ce e collabora on (interac on).
Basra adorait les études supérieures. Peu importe ce qu’elle faisait –
du moment qu’elle était sur un campus, elle était contente
(environnement). Du coup, elle prit un travail à l’université où elle
avait passé sa licence. Pendant cinq ou six ans, elle fut très sa sfaite
de faire tout et n’importe quoi, de la levée de fonds à l’orienta on des
nouveaux étudiants (ac vité). Puis le plaisir commença à se dissiper et
elle se demanda si son histoire d’amour avec l’éduca on n’était pas
terminée. Elle se mit à tenir un Journal des Bons Moments et comprit
qu’elle aimait toujours l’université, mais qu’elle n’occupait pas le bon
emploi. Approchant la trentaine, l’environnement seul ne lui suffisait
plus ; désormais, sa fonc on comptait aussi. Elle avait accepté une
promo on qui la transférait du pôle étudiant – avec beaucoup
d’interac ons avec les élèves – au pôle juridique – beaucoup de
réunions avec les administrateurs et les juristes (u lisateurs) et
beaucoup de paperasse (objets). Elle comprit cela et opta pour un
poste légèrement inférieur au bureau des logements, avec des
interac ons de nouveau plus construc ves et moins de paperasse.
Quand vous travaillez sur votre réflexion dans le Journal des Bons
Moments, n’hésitez pas à u liser la méthode AEIOU pour rer un
meilleur profit de vos observa ons. Il est important de consigner tout
ce qui vient, sans jugement – il n’y a pas de bonne ou mauvaise
percep on de ce que vous vivez. L’essen el, c’est que ce type
d’informa on va vous être incroyablement u le pour votre design de
vie.

EXPLOITER LES SOMMETS


Votre passé aussi a end d’être fouillé – par culièrement les moments
où vous avez été « au top ». Ces points culminants du passé – même
ancien – peuvent être révélateurs. Prenez un peu de temps pour
réfléchir à vos bons souvenirs professionnels et consacrez-leur un
Journal des Bons Moments, avec Carnet de bord et Réflexion, pour
voir ce qui en sort. Vous en avez conservé le souvenir ; il y a une
bonne raison à cela. Vous pouvez faire la liste de ces expériences au
sommet ou bien les raconter comme des histoires. Il peut être très
agréable de me re en mots l’histoire de l’équipe dont vous faisiez
par e, qui a organisé une réunion commerciale légendaire, ou de la
rédac on du mode d’emploi qu’on passe encore aux nouveaux
rédacteurs pour leur servir de modèle. Ce travail sur l’histoire de vos
grands moments vous aidera à iden fier les ac vités où vous vous
êtes engagé(e) à fond et qui vous ont donné le plus d’énergie, pour y
trouver des idées applicables aujourd’hui.
L’exploita on du passé est par culièrement u le si on n’est pas dans
une situa on propice à l’exercice du Journal des Bons Moments,
quand par exemple on est à la recherche d’un emploi. Même chose si
on est au début de sa vie professionnelle et qu’on n’a pas encore
beaucoup d’expérience. Pensez alors à d’autres domaines (même si
c’était il y a des décennies), lorsque vous aviez le sen ment que votre
vie se déroulait bien. Un Journal des Bons Moments historiques, à
l’école, dans un programme d’été, une mission de volontariat. Tout ce
dans quoi vous vous êtes engagé(e) sérieusement peut être u le. En
vous retournant sur votre passé, faites quand même a en on au
révisionnisme : ne soyez pas trop tendre avec les bons moments ou
trop cri que envers les mauvais. Essayez seulement d’être honnête.

PROFITEZ DU VOYAGE
Ce e nouvelle forme d’a en on vous aidera à vous orienter vers
l’étape d’après. Comme Lewis et Clark, vous commencez à faire la
carte des territoires que vous avez déjà parcourus et commencez à
entrevoir de nouveaux horizons, d’autres ouvertures. Vous êtes en
train de passer d’un niveau de conscience à un autre, en explorant
réellement comment vous – et pas Maman, Papa, votre boss ou votre
partenaire – réagissez aux choses. Vous avez commencé à vous
orienter – à passer de votre situa on actuelle à la prochaine. Armé(e)
de votre boussole et des intui ons rées de votre Journal, vous êtes
parfaitement capable de vous orienter.
Michael a trouvé sa voie.
Lewis et Clark ont trouvé leur voie.
Vous aussi, vous pouvez la trouver.
L’étape suivante consiste à générer autant d’op ons que possible,
toutes ma ère à expérimenta on et prototype.
Pour cela, il va falloir faire un peu de cartographie mentale.

6. Pour plus d’informa ons sur le concept de flow, voir Vivre, la psychologie du bonheur, de
Mihaly Csikszentmihalyi (Pocket, 2006).
7. Voir le TED talk de Suzana Herculano-Houzel, « What’s so special about the human brain ? »
(Qu’est-ce que le cerveau humain a de si par culier ?),
h ps://www.ted.com/talks/suzana_herculano_houzel_what_is_so_special_about_the_human
_brain ; et Nikhil Swaminathan, « Why does the brain need so much power ? » (Pourquoi le
cerveau a-t-il besoin de tant d’énergie ?), Scien fic American, 29 avril 2008,
h p://www.scien ficamerican.com/ar cle/why-does-the-brain-need-s/.
8. Ce cadre AEIOU vient de Dev Patnaik, Needfinding : Design Research and Planning, 2013
(Recherche des besoins : Recherche design et planifica on).
À vous de jouer
Le Journal des Bons Moments

1. Tenez un carnet de bord de vos ac vités quo diennes, en


u lisant le modèle fourni (ou dans un cahier à vous). Notez
lorsque vous vous sentez engagé(e) et/ou plein(e) d’énergie
et ce que vous êtes en train de faire à ces moments-là.
Essayez de le faire chaque jour ou, au pire, deux fois par
semaine.
2. Tenez ce journal quo dien pendant trois semaines.
3. À la fin de chaque semaine, notez vos réflexions –
remarquez quelles sont les ac vités dans lesquelles vous
vous engagez volon ers, pour lesquelles vous êtes plein(e)
d’énergie et celles où c’est le contraire.
4. Y a-t-il des choses qui vous surprennent dans ces
réflexions ?
5. Entrez dans le détail pour être encore plus spécifique à
propos de ce que vous faites volon ers et qui vous donne de
l’énergie.
6. Employez la méthode AEIOU autant que nécessaire pour
vous aider dans vos réflexions.
CHAPITRE 4

Sor r d’un blocage


G rant était bloqué. Il travaillait pour une grande société de
loca on de voitures et après avoir tenu son Journal des Bons
Moments, il comprit qu’il passait la plupart de ses journées à des
ac vités qui ne lui donnaient aucune envie de s’engager ni aucune
énergie. Il détestait s’occuper des clients furieux. Il n’aimait pas
remplir sans fin des contrats standard. Il détestait débiter exactement
le même laïus chaque jour. Il n’aimait pas devoir constamment
pousser les clients à dépenser plus. Mais plus que tout, il détestait le
sentiment d’être insignifiant. Il ne voulait pas être le rouage minuscule
d’une énorme machine économique. Grant voulait travailler dans
un endroit où il pourrait laisser sa marque. Il voulait exercer une
influence, que son ac vité ait de l’importance pour quelqu’un.
N’importe qui.
Grant ne détestait pas complètement son boulot, mais il ne parvenait
pas à retrouver une seule occasion où il aurait ressen ce qui
ressemblait à l’état de flow. Son travail était une longue souffrance. Il
regardait l’heure. Il a endait son chèque hebdomadaire. Les week-
ends n’arrivaient jamais assez vite, ne duraient jamais assez
longtemps. Les seules choses qu’il aimait, c’était les randonnées dans
les forêts de séquoias californiennes, les par es de basket
improvisées avec des copains ou l’aide qu’il fournissait à sa nièce et
son neveu pour leurs devoirs.
Rien de tout cela ne perme ait de payer ses factures.
Grant était sur le point d’être promu chef d’antenne et il se sentait
plus coincé que jamais. Il n’avait jamais rêvé de travailler dans une
agence de loca on de voitures, mais aussi longtemps et aussi
sérieusement qu’il y pensât, il n’arrivait pas à trouver d’autre idée
réaliste de carrière. Il ne savait même pas par où commencer. Bien
sûr, il adorerait être une star du rock ou une vede e du baseball. Mais
il ne chantait pas, ne jouait d’aucun instrument et il avait arrêté le
baseball à douze ans. Après une spécialisa on en li érature à
l’université, il avait accepté le premier boulot qui payait plus que le
salaire minimum. Et maintenant, il était piégé. Grant ne voulait pas se
résigner à louer des voitures le restant de sa vie, mais il avait
l’impression de ne pas avoir le choix. « Certains n’ont juste pas de
chance », songeait-il. « Certains ne sont pas faits pour laisser leur
empreinte. »
Grant se sentait découragé. Parce que tout ce qu’il pensait pouvoir
faire, c’était ce qu’il avait toujours fait – et parce qu’il ne pensait pas
comme un designer. Les designers savent qu’on ne reste jamais sur sa
première idée. Les designers savent que, lorsqu’on choisit parmi de
nombreuses possibilités, on choisit mieux. Beaucoup de gens sont
comme Grant : ils se retrouvent bloqués en essayant de faire
fonc onner leur première idée.
Grant avait besoin de commencer à penser comme un designer.

Principe à problème : Je suis dans une impasse.


Recadrage : Je ne suis jamais dans une impasse, parce que je peux
toujours avoir des tas d’idées.

Sharon est assistante juridique. Elle travaillait dans un cabinet


pres gieux de Boston avant d’être licenciée. Elle passe désormais six
heures par jour sur Internet à chercher un boulot. Ça fait maintenant
plus d’un an. Elle est complètement démoralisée : toute trace de
confiance en elle s’est évanouie depuis longtemps. En fait, assistante
juridique, ce n’était pas son rêve au départ – c’était son plan B. Elle a
fait une école de commerce, mais quand elle a eu son diplôme en
2009, c’était la crise. Elle n’a pas trouvé d’emploi de cadre dans le
marke ng – on lui avait dit que c’était ce qu’il « fallait faire » avec un
MBA. Comme tant d’autres, elle pensait que « faire ce qu’il fallait » lui
apporterait la sa sfac on. Mais Sharon était loin d’être sa sfaite. La
vérité, c’est qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle a endait vraiment
d’une école de commerce et ce manque d’intérêt sincère était
probablement percep ble en entre en. Elle avait passé longtemps à
faire ce qu’il fallait, au lieu de faire ce qu’il lui fallait. Après un an à la
recherche d’un emploi, elle avait l’impression d’avoir tout essayé. Elle
se sentait découragée. Mais Sharon n’avait pas tout essayé – elle ne
s’était simplement pas ouvert de choix au départ.

“ Être bloqué peut être une piste de lancement


pour la créa vité. ”

Principe à problème : Il faut que je trouve LA bonne idée.


Recadrage : J’ai besoin de beaucoup d’idées pour pouvoir explorer
toutes sortes de possibilités d’avenir.

Sans autre idée que celle de con nuer à faire ce qu’elle faisait déjà,
Sharon, comme Grant, était bloquée.
La plupart des gens font comme Sharon quand ils ont besoin de
travailler : ils regardent les annonces d’emploi à la recherche d’un
poste qu’ils pensent pouvoir obtenir. C’est une des pires façons de
trouver un travail − en fait, c’est celle qui a le plus faible taux de
réussite (nous aborderons ce phénomène en détail au chapitre 7).
Ce e façon de penser, ce n’est pas de la pensée design : c’est juste
essayer d’a raper tout ce qui passe à portée et ça n’est pas très
porteur de sa sfac on à long terme. Si les enfants ont faim, que la
banque s’apprête à saisir la maison ou que vous devez beaucoup
d’argent à quelqu’un, alors oui, bien sûr, prenez n’importe quel job.
Mais, si l’urgence ne frappe pas à votre porte, il est temps de vous
orienter vers des emplois plus prome eurs. Et ne vous inquiétez pas
des éventuels blocages. Les designers se retrouvent sans cesse
bloqués. Être bloqué peut être une piste de lancement pour la
créa vité. Quand on pense comme un designer, on sait comment
trouver des idées – comment « s’enflammer » – trouver des tas de
pistes pour des tas d’avenirs possibles.
C’est tout simple. On ne peut savoir ce qu’on veut tant qu’on ne sait
pas ce qu’on pourrait vouloir, alors il va vous falloir générer des tas
d’idées et de possibilités.
Acceptez le problème.
Heurtez-vous à des blocages.
Reme ez-vous-en et ayez des idées, des idées, des idées !

GÉNÉRER DES IDÉES


Nous allons vous demander de sor r des idées toutes faites sur le
réalisme pour vous aventurer dans le monde inconnu de ce que
« vous pourriez vouloir ». Il est temps d’accepter que vous êtes
bloqué(e). Grant était bloqué. Sharon était bloquée. Nous sommes
tous bloqués d’une façon ou d’une autre dans certains compar ments
de nos vies. C’est là où l’idéa on est nécessaire, ce joli mot qui
désigne la capacité à avoir plein d’idées. Des idées saugrenues. Des
idées folles. Nous allons vous apprendre à avoir plus d’idées que vous
ne l’auriez jamais cru possible. Tant de gens restent bloqués sur leur
première idée, ou sur l’idée parfaite, ou sur ce e grande idée qui
résoudra tout et les sor ra de l’ornière dans laquelle ils se sont mis.
C’est beaucoup de pression. Croire qu’il n’y a qu’une seule idée à
trouver est à la fois source de pression et d’indécision.
« Je ne suis pas sûr(e). »
« Je ne veux pas tout gâcher. »
« Je dois vraiment faire ça bien. »
« Si seulement j’avais eu une meilleure (la bonne) idée, tout irait
bien. »
On s’arrêtera là pour être les premiers à vous dire un truc incroyable :
tout va bien se passer.
Garan .
Ceux d’entre nous qui ont la chance de vivre dans le monde moderne
avec un certain degré de choix, de liberté, de mobilité, d’éduca on et
de technologie passent l’essen el de leur temps plongés dans un
monde obsédé d’op misa on. On peut toujours trouver une
meilleure idée, une meilleure façon de faire – et même, la meilleure
façon de faire. Ce e manière de penser est assez dangereuse pour le
design de vie. La vérité, c’est que nous avons tous plus d’une vie en
nous. Quand nous demandons à nos élèves : « Combien de vies
dignes d’être vécues avez-vous en vous ? », la réponse moyenne est
3-4. Si vous acceptez ce e idée – qu’il y a plusieurs grands desseins
pour votre vie, même si on ne peut en vivre qu’une –, c’est plutôt
libérateur. Il n’y a pas qu’une seule idée pour votre vie. Vous pourriez
vivre de nombreuses vies heureuses et produc ves (à tout âge) et
emprunter de nombreuses voies différentes pour vivre chacune de
ces vies incroyablement diverses. Alors, faites le calcul ; ça représente
des myriades d’idées possibles. Nous allons vous fournir les ou ls
pour générer ces idées.
La quan té est une qualité en soi. Dans le design de vie, plus, c’est
mieux, parce que plus d’idées, c’est plus de meilleures idées et de
meilleures idées mènent à un meilleur design. Élargir sa réflexion
améliore sa capacité à avoir des idées et permet plus d’innova on. Si
on travaille sur de nombreuses idées, on augmente ses chances de
tomber sur celles qui vous donnent vraiment de l’énergie et donc ses
chances de créer quelque chose qui fonc onne et qu’on aime. Plus
d’idées, c’est aussi plus de nouvelles façons de voir les choses.
Les designers adorent avoir des idées larges et sans contraintes. Ils
adorent les idées folles autant, si ce n’est plus, que les idées
raisonnables. Pourquoi ? La plupart des gens pensent que les
designers sont « bien perchés » et qu’ils préfèrent les trucs dingues
parce que ce sont des gens branchés, avant-garde, avec des lune es
noires bien sombres (genre bérets, chaussures cool et restos en
vogue). Ça peut être vrai, mais ce n’est pas la ques on. Les designers
apprennent à avoir beaucoup d’idées folles parce qu’ils savent que
l’ennemi numéro un de la créa vité, c’est le jugement. Nos cerveaux
sont tellement habitués à être cri ques, à soulever des problèmes et
à condamner que c’est un miracle que certaines idées survivent ! Il
faut repousser le jugement et faire taire le cri que qui est en nous, si
on veut exprimer toutes nos idées. Si on ne le fait pas, on aura peut-
être quelques bonnes idées, mais la plupart auront été perdues –
prisonnières silencieuses derrière la muraille de jugement que notre
cortex préfrontal a érigé pour nous empêcher de faire des erreurs ou
d’avoir l’air ridicule. Ceci posé, nous adorons le cortex préfrontal et ne
sor rions pas en public sans lui, mais nous ne voulons pas qu’il
prenne prématurément nos idées en otages. Si l’on parvient à
s’aventurer dans le royaume des idées folles, c’est qu’on a franchi
l’obstacle du jugement prématuré. Ces idées ne seront peut-être pas
celles qu’on finira par sélec onner (elles le sont rarement, en fait),
mais souvent, après une idée folle, on passe dans une nouvelle
dimension créa ve où émergent de nouvelles op ons innovantes qui
peuvent fonc onner.
Donc, soyons fous.
D’habitude, nos élèves trouvent que c’est la par e du processus la
plus excitante, la plus engageante, du pur fun. Qui n’aime avoir des tas
de bonnes idées folles ? Qu’on se considère (ou pas) comme
quelqu’un de créa f n’a aucune importance. Rappelez-vous notre
devise « Vous êtes ici » et préparez-vous à travailler avec votre
créa vité personnelle, quel que soit le niveau que vous lui a ribuez.
On construit à par r de là. Notre objec f est de s muler et accroître
votre capacité à imaginer des tas et des tas de solu ons aux myriades
de problèmes qui se posent quand on dessine sa vie.
En tant que designer de vie, vous devez adhérer à deux philosophies :
1. Je choisis mieux quand j’ai le choix entre beaucoup de bonnes
idées.
2. Je ne choisis jamais la première solu on d’un problème.

Notre esprit est généralement paresseux et aime se débarrasser des


problèmes aussi rapidement que possible. Du coup, il noie nos idées
premières sous une pluie d’agents chimiques favorables qui nous
font « tomber amoureux » d’elles. Ne tombez pas amoureux de votre
idée première. C’est une liaison qui ne marche presque jamais. Le plus
souvent, nos solu ons premières sont dans la moyenne et pas très
créa ves. Les êtres humains ont tendance à commencer par suggérer
l’évidence. Apprendre le maniement de très bons ou ls d’idéa on
aide à surmonter ce e tendance à l’évidence et à rétablir la confiance
créatrice.
Même ceux d’entre vous qui ne se croient pas créa fs peuvent sans
doute se rappeler une époque où ils ne se sentaient pas comme ça.
C’était peut-être à la maternelle, en CP ou au CE1, quand chanter,
danser et dessiner paraissaient des formes naturelles d’expression
personnelle. Vous ne vous sen ez pas embarrassé(e), de la même
façon que vous ne jugiez pas si vos dessins étaient de l’art ou si vous
chan ez de façon professionnelle ou si votre façon de danser était
digne de l’a en on des autres. Vous vous sen ez libre de toute forme
d’expression naturelle, sans barrière.
Vous êtes probablement capable de vous souvenir aussi,
généralement comme si c’était hier, de la fois où un enseignant vous a
dit : « Tu n’es pas un ar ste, tu ne sais pas dessiner » ou quand un
camarade de classe vous a dit : « Tu danses bizarrement », ou
lorsqu’un adulte s’est exclamé : « Arrête de chanter, tu gâches la
chanson pour tout le monde ». Aïe. Nous sommes désolés si vous
avez connu un de ces moments an -créa fs. Et ces moments an -
créa fs se sont probablement reproduits au collège et au lycée, où les
normes sociales remplacent la réproba on des adultes et que nous
apprenons à réfréner nos différences de peur de nous faire
remarquer. C’est un miracle qu’il nous reste encore une mie e de
créa vité quand on parvient à l’âge adulte.
Mais faites-nous confiance, elle est là. Nous allons vous aider à la
retrouver.

LES CARTES MENTALES


La première technique d’idéa on que nous allons vous enseigner,
c’est la carte mentale. C’est un très bon ou l pour générer des idées
seul et une excellente méthode pour se sor r d’une impasse. La carte
mentale fonc onne simplement par libre associa on de mots, l’un
après l’autre, pour ouvrir le champ des idées et trouver des solu ons
nouvelles. Comme c’est une méthode graphique, elle permet de
capturer automa quement les idées et leurs associa ons. Ce e
technique vous apprend à générer des tas d’idées et, comme c’est une
méthode visuelle, elle échappe à votre censure interne – logique ou
verbale.
Le processus de la carte mentale comporte trois étapes :

1. Choisir un sujet.
2. Faire la carte mentale.

3. Établir des connexions secondaires et créer des concepts


(mélanger le tout).
Ce e image représente la carte mentale que Grant a faite lorsqu’il
était bloqué sur son problème de trouver le job « parfait ». Rappelez-
vous que lorsque Grant a consulté son Journal des Bons Moments, les
seules bonnes expériences qu’il avait pu trouver avaient à voir avec
les randonnées dans la forêt près de chez lui. Il décida donc de faire
une carte mentale à ce propos. Vous pouvez constater qu’il a mis
ÊTRE DANS LA NATURE (BEING OUTDOORS) au centre de sa carte
mentale et qu’il l’a entouré d’un cercle. C’est la première étape.
La deuxième étape consiste à faire la carte mentale. Pour cela, vous
partez de l’idée originale et notez cinq ou six choses liées à ce e idée.
Écrivez rigoureusement les premiers mots qui vous viennent à l’esprit.
Répétez ensuite le processus avec les mots du second cercle. Tirez
trois ou quatre lignes depuis chaque mot et associez librement de
nouveaux mots liés à ces nouveaux points de départ. Les mots qui
vous viennent n’ont pas besoin d’être liés à la ques on placée au
centre, seulement au mot du second cercle. Recommencez jusqu’à
obtenir au moins trois ou quatre anneaux d’associa ons.
Dans le cas de Grant, il a noté voyage (travel), faire de la randonnée
(hiking), faire du surf (surfing), camping et nature. Toutes ces choses
sont directement reliées à son idée d’ÊTRE DANS LA NATURE.
Ensuite, il a pris chacun de ces mots et créé de nouvelles
ramifica ons par associa on de mots. La randonnée lui a rappelé la
montagne (mountains), ce qui a amené explorateurs (explorers). Voyage
a donné Hawaï, Europe et voyage sac au dos (backpacking) et Hawaï a
donné plages des tropiques (tropical beaches). France, associée à Europe,
a donné crêpes, ce qui a amené Nutella, ce qui, même si c’est
intéressant, s’est révélé une impasse. Mais le surf a conduit aux plages,
puis aux marées ( des), puis aux cycles, aux bicycle es et aux courses
(races). Il a aussi conduit à la Jamaïque, qui, après une étape par Usain
Bolt (le cerveau de Grant s’avérant plus créa f qu’il ne pensait), a
mené à l’idée de des na ons exo ques.
L’ensemble de ce processus en couches successives par associa ons
de mots a pris entre trois et cinq minutes ; fixez-vous une limite de
temps pour faire ça vite et ainsi court-circuiter votre censeur interne.
L’étape suivante consiste à prendre ce e associa on aléatoire de
mots et souligner quelques éléments qui pourraient être intéressants
(ou qui vous sautent aux yeux) et les mélanger pour en faire quelques
concepts. Choisissez parmi les éléments de l’anneau extérieur ou au
périmètre de la carte mentale (ceux situés à deux ou trois degrés
d’éloignement de votre réflexion consciente). Même si le fait d’être
dans la nature a fini par mener Grant aux courses de vélo et à Usain
Bolt, dans son inconscient, tout est lié à son point de départ original.
Grant a extrait les mots qui lui semblaient intéressants – dans son cas,
explorateurs, plages des tropiques, pirates, enfants (kids), des na ons
exo ques et courses à vélo. Il a ensuite mélangé ces éléments en
quelques idées possibles.
Pourrait-il travailler à mi-temps pour un camp d’explora on pour
enfants qui aiment la vie au grand air ? Et même mieux, un camp de
pirates et faire ça à la plage ? Et s’il acceptait la promo on qu’on lui
proposait, mais à la condi on d’être muté dans une antenne de
loca on près d’une plage (il avait cherché sur Internet et trouvé que
sa société possédait un bureau à Santa Cruz en Californie – yes !) ?
Ou, encore mieux, dans un endroit vraiment exo que, comme Hawaï,
où il pourrait être moniteur dans un camp de pirates surfeurs pour
enfants (il s’avère que sa société possédait également un bureau là-
bas). Et, peut-être, s’il acceptait la promo on, il gagnerait assez
d’argent pour s’offrir des week-ends de quatre jours et avoir ainsi un
peu de temps pour « explorer » certaines de ces nouvelles idées.
C’est ça, l’innova on.
Grant n’est plus bloqué. En fait, il a tellement de bonnes idées qu’il ne
sait plus qu’en faire. Plus important, il commence à penser que la
ques on n’est pas de trouver le job parfait, mais de « parfaire » le job
qu’il a. Il s’avère que ça vaut le coup de travailler pour une société
mul na onale de loca on de voitures, avec des bureaux partout dans
le monde. En faisant sa carte mentale, Grant a réalisé qu’il avait plus
d’atouts qu’il ne pensait et qu’il pouvait u liser son emploi actuel
comme tremplin vers son avenir.
Il est important de rappeler, quand vous faites cela, de ne pas vous
censurer. C’est pour cela que nous suggérons de faire cet exercice
vite. Notez simplement les premiers mots qui vous viennent à l’esprit.
Si vous vous censurez, vous bridez votre capacité à générer des idées
neuves et originales. David Kelley, le fondateur de d.school, dit qu’il
faut souvent passer par les idées folles pour parvenir aux bonnes
idées réalisables. Ne craignez donc pas d’imaginer des trucs dingues.
Ce sera peut-être le déclic pour aller vers des choses à la fois
réalisables et nouvelles. Et aussi, n’hésitez pas à créer votre carte
mentale sur une grande feuille de papier. Vous cherchez beaucoup
d’idées – donc, faites une carte aussi illustrée et aussi grande que
possible. Allez donc chercher un immense morceau de papier
d’emballage ou un grand tableau blanc et ayez de grandes idées.
Le plus grand, le mieux.

SUPERBLOQUÉ : LES PROBLÈMES ANCRÉS


Il existe un certain type de problèmes – ceux qui ne veulent pas s’en
aller – que nous appelons les problèmes ancrés. Comme une ancre, ils
nous re ennent à un endroit et nous empêchent de bouger. Ils nous
gardent bloqués, comme Grant et Sharon avec leurs problèmes
professionnels. Pour pra quer un bon design de vie, il est important
de savoir si on est confronté à un problème ancré.
Dave s’est retrouvé avec un problème ancré, mais, à la différence de
Grant et Sharon, ça n’avait rien à voir avec sa carrière ; il s’agissait
d’un problème plus personnel. Il faut savoir que Dave est du
genre « atelier ». Son père (Dave, troisième du nom) était un ar san
incroyable et son atelier était remarquable. Alors, évidemment, Dave
se devait d’avoir lui aussi un choue e atelier. Mais Dave est moins un
ar san qu’un réparateur, du coup, il n’avait pas besoin du même
agencement que son père. Résultat, avec de la prévoyance et du soin,
Dave s’est retrouvé avec un fabuleux garage deux-en-un – un atelier
génial qui laissait assez de place pour y garer des voitures.
Ne jugez pas les rêves de Dave.
Il l’adorait et fit vœu d’avoir un garage comme ça toute sa vie. Puis il
déménagea à la plage. Et il se retrouva avec un espace cinq fois plus
pe t pour ranger tout son matériel. Et il se retrouva avec un problème
ancré. Ancré pendant des années.
Pendant les premières années, il dut louer trois boxes de stockage en
plus de son garage à la plage. Un par un, année après année, il se
débarrassa de ses boxes, mais le dernier tas de vieux trucs, qui prend
la place d’une voiture, n’a jamais qui é le garage. Quant à organiser
l’atelier de façon sa sfaisante… évitez de poser la ques on. Il vit avec
ce désastre typiquement américain depuis plus de cinq ans et, bien
sûr, il s’y est habitué. Chaque été, depuis quatre ans, il fait le vœu de
ranger et d’installer son atelier, mais à chaque fois, c’est trop. Même
s’il garde le souvenir de son ancien aménagement – presque parfait –,
il craint de ne jamais parvenir à le retrouver. Il commence avec
sérieux, en re rant la première couche de carcasses de vélos et de
casse es vidéo, mais il est ensuite découragé par la taille de la pile et
se laisse distraire par quelque chose de plus faisable – comme
remplacer l’alternateur du van. Le réparateur qui est en lui reprend le
dessus. Et voilà déjà Noël, avec toutes ces caisses à descendre du
grenier… caramba, encore raté !
Dave est ancré à son problème, parce qu’il est ancré à l’unique
solu on qu’il est prêt à accepter – un arrangement parfait atelier +
voitures. Et c’est désormais un tel travail que Dave n’essaie même
plus ; du coup, tout le monde doit slalomer entre les obstacles, tandis
que le soleil et le sel de l’océan a aquent la peinture des voitures
garées dehors.
Le seul moyen pour Dave de lever l’ancre de ce e situa on
immuable, c’est un recadrage de sa solu on pour lancer quelques
prototypes. Il pourrait :

1. Recadrer vers un objec f d’établi simple, avec un espace de


rangement pour les vélos et le matériel de camping.
2. Recadrer pour n’avoir besoin que d’un seul box de stockage (à
vie) et rembourser son garage pour environ 100 dollars par mois.
3. Prendre pleinement conscience du processus et le découper en
sous-projets : (a) céder ses vieux livres et ses vieux disques,
(b) réduire sa flo e à quatre vélos, (c) débarrasser le sol des cartons,
(d) débarrasser l’établi des restes de vieux projets.

Le point de bascule, ici, c’est de se débarrasser de l’image du garage


parfait pour imaginer un résultat différent ou un processus par étape.
Si Dave conserve l’image de son vieux garage parfait (la solu on)
collée sur la porte de son esprit, il n’arrivera jamais nulle part, parce
que c’est trop difficile. Trop difficile, ça ne marche jamais.
Il ne s’agit pas d’un problème gravitaire – ce n’est pas impossible.
C’est juste que Dave est bloqué parce qu’il s’est ancré à une solu on
qui ne peut pas fonc onner.
Mélanie enseignait la sociologie dans une pe te université spécialisée
dans les arts libéraux et était impressionnée par les avancées dans
deux domaines en plein essor, l’innova on sociale et l’entrepreneuriat
social ; ils transformaient les capacités des associa ons à but non
lucra f en s’inspirant du monde des start-ups et du capital-risque.
Sachant que les étudiants s’intéressaient beaucoup aux nouvelles
façons de jouer un rôle sur le plan social, elle lança un nouveau cours
et un parrainage de projets en innova on sociale. Cela marcha très
bien, mais elle voulait faire plus. Elle voulait laisser son empreinte à
l’université et rêvait d’y fonder un Ins tut de l’innova on sociale.
Tout ce dont elle avait besoin, c’était de quinze millions de dollars
pour le doter correctement et faire ça bien. Elle se mit en devoir de
lever cet argent. Elle mit au point une stratégie et une présenta on
d’enfer du projet. Les étudiants étaient enthousiastes, les
administrateurs la soutenaient. Le comité de développement détesta
l’idée.
Comme la plupart des pe tes universités, celle de Mélanie manquait
de fonds et avait du mal à se maintenir. La liste des anciens ne
débordait pas de mul millionnaires et le comité de développement
entretenait jalousement ses rela ons avec les quelques grands
donateurs qu’ils avaient en portefeuille. On donna à Mélanie une
longue liste rouge des principaux donateurs de l’université, aussi bien
des par culiers que des fonda ons. Elle pouvait solliciter qui elle
voulait en dehors de ce e liste, et voilà.
C’était un sérieux revers, mais le rêve de Mélanie valait qu’elle y
consacre son temps et elle se mit au travail. Vous pouvez imaginer la
suite. Elle démarcha sans relâche pendant deux ans – sans succès.
Elle signa quelques engagements, mais tous trop pe ts. Et si elle
trouvait un gros donateur, le comité de développement le récupérait
pour d’autres projets. L’objec f de Mélanie restait hors d’a einte.
Sans accès aux quelques grands donateurs de l’université, elle ne
lèverait jamais les quinze millions.
Elle était bloquée. Inu lement bloquée.
Mélanie croyait que son problème était de lever quinze millions de
dollars pour son Ins tut de l’innova on sociale. Mais ce n’était pas
ça : c’était juste sa première idée de solu on au problème et elle
s’y était tellement ancrée qu’elle s’était enlisée. Oh, et avons-nous
dit que tous ces rejets l’avaient déprimée, que la qualité de son
enseignement s’en ressentait et que ses collègues, las de ses
lamenta ons, commençaient à l’éviter ? Voyez, quand on s’ancre à
une mauvaise solu on, ça ne fait qu’empirer avec le temps.
Le vrai problème de Mélanie, c’était d’u liser l’innova on sociale pour
laisser son empreinte à l’université – pas de financer un ins tut. Elle
commit l’erreur classique de conclure trop vite. Avec de l’aide,
Mélanie parvint à se débloquer en adoptant un mode de pensée
design, en se rappelant quel était son véritable problème et en
lançant quelques prototypes. Elle prit conscience que son idée
d’ins tut (à quinze millions), elle l’avait eue un jour toute seule et
qu’elle n’avait jamais vraiment envisagé d’autres possibilités. Elle
appliqua le principe de curiosité et fit davantage de recherches pour
décider de ce qu’elle voulait vraiment faire.
Elle décida de définir une ques on intéressante et d’en déba re
largement sur le campus. Elle demanda aux dirigeants : « Comment
pensez-vous qu’on puisse intégrer l’innova on sociale à l’université et
par quoi devrions-nous commencer ? ». Elle eut des tas de con-
versa ons intéressantes et des tas de bonnes idées. On lui suggéra
des dortoirs à thèmes, une programma on alterna ve pour les
vacances de printemps, un programme de stages d’été et un nouveau
programme pour les projets de thèse de quatrième année. Il existait
de nombreuses façons d’avoir un impact ins tu onnel sur l’université
sans devoir lancer (et financer) un nouvel ins tut. Bien sûr, un ins tut
serait plus cool, plus grand, plus sexy et aurait peut-être même plus
d’impact, mais c’était aussi quasi impossible. Les autres idées
coûtaient bien moins cher et fédéraient plus de par sans. Du coup,
Mélanie ne fut plus la seule à défendre le projet sur le campus. Elle
forma une équipe mixte élèves-professeurs, qui parvint à la
conclusion qu’un dortoir sur le thème de l’innova on sociale était la
meilleure idée.
Ils définirent des expériences prototypes. D’abord, ils effectuèrent un
tour des dortoirs à thèmes pour recenser ce qui se faisait – ce qui
fonc onnait, ce qui ne fonc onnait pas. Au passage, ils croisèrent les
étudiants qui aimaient la nouvelle idée de dortoir. L’équipe leur
proposa de former un club sur le campus, en guise de première étape.
Pendant deux ans, ce club testa des projets, ins lla l’idée dans la
culture du campus et gagna en crédibilité. Puis quatre de ses
membres postulèrent conjointement pour être animateurs du même
dortoir pendant leur quatrième année et reçurent la permission du
responsable du dortoir de faire tourner un programme pilote
d’innova on sociale l’année suivante. L’année d’après, l’innova on
sociale devint officiellement le thème du dortoir, Mélanie fut nommée
référente parmi les professeurs et le vice-président du département
logement étudiant devint son plus fervent supporteur.
En recadrant le problème, en faisant preuve de curiosité, en réalisant
des prototypes et en allant vers la collabora on sans réserve, Mélanie
modifia pour toujours l’ambiance sur le campus et son système
d’hébergement. Elle a laissé son empreinte sans avoir besoin de
financer un ins tut.
John avait lui aussi un problème ancré. Depuis que, boy scout, il en
avait entendu parler, il rêvait de faire la descente du Grand Canyon à
dos de mule, du sommet jusqu’en bas, et il s’était promis de le faire un
jour. Mais la vie se mit en travers ; il commença à travailler et fonda
une famille. Pas de problème – il ferait le voyage avec femme et
enfants, ça leur ferait un formidable souvenir. Mais quand John fut
finalement capable de financer ces vacances à cinq, lui-même prenait
plus de place : il pesait désormais cent kilos. La limite pour le trajet en
mule était fixée à 90. Chaque printemps, pendant cinq ans, John se
mit au régime pour essayer de redescendre à 89 kilos et faire le
voyage en l’été. Une année, il descendit à 96, une autre à 94. Une
fois, il parvint à 92 (OK… 95 tout habillé et avec une bouteille d’eau).
Ques on régime, il s’améliorait, mais pas assez rapidement. Ses
enfants devenaient grands et commençaient à avoir d’autres plans
pour l’été que trainer avec des ânes et leurs parents pendant trois
jours.
Ils ne par rent jamais. Ce souvenir de famille n’existe pas.
John s’accrocha à sa solu on. Il fallait que ce soit à dos de mule. S’il
avait pris un peu de recul et vu que ce e solu on, même si elle n’était
pas impossible, demandait trop de temps et n’avait qu’une faible
chance de réussir, il aurait pu la sauver. Il aurait pu la recadrer
de « Faire le Grand Canyon à dos de mule » à « Voir le Grand Canyon
jusqu’en bas ». Il y avait de nombreuses façons de faire ça – en
hélicoptère, en bateau et à pied. John avait dix fois plus de chances
d’être prêt physiquement pour la descente et la remontée du sen er à
pied que de descendre sous les 90 kilos.
La morale des histoires de Dave, Mélanie et John est la suivante : ne
transformez pas un problème jouable en problème ancré en vous
a achant irrévocablement à une solu on qui ne fonc onne pas.
Recadrez la solu on par d’autres possibilités, faites des prototypes de
ces idées (des randonnées tests) et sortez du blocage. Les problèmes
ancrés nous bloquent parce qu’on ne parvient à voir qu’une seule
solu on – celle qu’on a déjà et qui ne fonc onne pas. Un problème
ancré ne réside pas seulement dans l’échec de sa démarche actuelle. Il
ent surtout à la peur que, quoi qu’on essaie, ça ne marche pas non
plus et qu’on soit obligé d’adme re qu’on est bloqué pour toujours –
qu’on est foutu, autrement dit – et on préfère être bloqué que foutu.
Il est parfois plus réconfortant de s’accrocher à un problème familier
que risquer un échec encore pire en optant pour les changements
radicaux qu’on es me nécessaires pour s’en débarrasser. Même s’il
est paradoxal, c’est un comportement assez commun. Un changement
est toujours incertain, la réussite n’est pas garan e, même si on
s’engage à fond. Il est normal de s’inquiéter. La façon d’avancer, c’est
de réduire le risque (et la peur) d’échouer en concevant une série de
pe ts prototypes pour tâter le terrain. Il est normal qu’un prototype
échoue – il est fait pour ça –, mais chaque prototype bien conçu est
une leçon pour l’avenir.
Les prototypes tranquillisent, posent d’intéressantes ques ons et
fournissent des données sur les changements poten els qu’on
envisage. Un des principes de la pensée design, c’est de
vouloir « échouer vite, échouer pour avancer ». Quand on est bloqué
par un problème ancré, on peut essayer de recadrer le défi comme
une explora on des possibles (plutôt que de vouloir résoudre un
gigantesque problème d’un seul bond miraculeux), puis décider de
tester quelques pe ts prototypes prudents du changement qu’on
aimerait opérer. Normalement, c’est ainsi qu’on parvient à se
débloquer en trouvant une façon plus créa ve de traiter son
problème. Nous parlerons plus longuement des prototypes au
chapitre 6.
Avant d’en finir avec les problèmes ancrés, il faut souligner à quel
point ils sont différents des problèmes gravitaires évoqués au chapitre
1. Les deux sont de méchants problèmes qui bloquent ceux qui en
sont vic mes, mais leur nature est complètement différente. Un
problème ancré est un problème réel, il est seulement difficile. Il y a
moyen de le résoudre – mais on a buté dessus si souvent et depuis si
longtemps qu’il paraît insurmontable (c’est pourquoi il faut le recadrer,
puis l’ouvrir avec des idées nouvelles, avant de le réduire à une taille
normale en faisant des prototypes). Les problèmes gravitaires ne sont
en réalité pas des problèmes. Ce sont des circonstances auxquelles
vous ne pouvez rien changer. Il n’y a pas de solu on à un problème
gravitaire – on ne peut que l’adme re et changer de cap. On ne peut
défier les lois de la nature et les poètes ne gagnent pas souvent un
million de dollars par an. Dans le design de vie, on sait que, lorsqu’on
ne peut rien faire, c’est qu’il n’y a pas de solu on. Les designers sont
peut-être forts pour recadrer et inventer, mais ils ne tentent pas
d’aller contre les lois de la nature ou du marché.
Nous sommes ici pour vous sor r d’un blocage.
Nous voulons que vous ayez plein d’idées et plein de choix possibles.
Quand on a plein d’idées, on peut bâ r des prototypes de vie et les
tester. Voilà ce que font les designers de vie.

LES CARTES MENTALES AVEC LE JOURNAL


DES BONS MOMENTS
Si vous n’avez pas fait votre Journal des Bons Moments au chapitre
précédent, il est temps d’y revenir et de le faire ; vous allez en avoir
besoin pour cet exercice. Nous allons faire trois différentes cartes
mentales, chacune d’au moins trois ou quatre niveaux, et au moins
douze éléments sur l’anneau extérieur.

Carte mentale 1 – Engagement


Dans votre Journal des Bons Moments, choisissez un thème qui vous
intéresse par culièrement ou une ac vité dans laquelle vous vous
engagez volon ers (par exemple, faire les comptes ou faire une
présenta on en public), que vous me rez au centre de votre carte.
Générez ensuite une bonne dose de mots et de concepts en u lisant
la technique des cartes mentales.

Carte mentale 2 – Énergie


Dans votre Journal des Bons Moments, choisissez un thème que vous
avez iden fié comme par culièrement énergisant dans votre travail et
votre vie (comme des cours d’art, de bons échanges avec des
collègues, l’accès à une couverture santé, faire en sorte que tout
marche bien) et faites-en une carte mentale.
Carte mentale 3 – Flow
Dans votre Journal des Bons Moments, choisissez une expérience où
vous vous êtes sen (e) en état de flow, me ez-la au centre de la carte
et faites la carte mentale de votre expérience de cet état (par
exemple, vous être exprimé(e) devant un large public ou avoir
par cipé à un brainstorming créa f).
Quand vous aurez fait ces trois cartes, nous allons inventer, à par r
de chacune, un mode de vie alterna f, pas forcément pra que, mais
intéressant.

1. Étudiez l’anneau extérieur de l’une de vos cartes et choisissez


trois éléments dis ncts qui a rent votre a en on. Vous les
reconnaîtrez de façon intui ve – ils doivent li éralement
vous « sauter aux yeux ».
2. Essayez maintenant de combiner ces trois éléments en une
descrip on de job possible, qui serait à la fois amusant et
intéressant pour vous et qui serait u le à quelqu’un d’autre (encore
une fois, ça n’a pas besoin d’être applicable, ni d’intéresser
beaucoup de gens ou d’employeurs).
3. Nommez votre poste et faites une esquisse, comme sur une
nappe de restaurant (un pe t dessin rapide de ce que c’est), comme
celui que nous avons reproduit ici. Par exemple, lorsque Grant (qui
s’ennuyait dans son agence de loca on de voitures) a fait cet
exercice basé sur ce qui l’intéressait dans la vie (randonnées dans la
forêt, par es de basket impromptues, aide à sa nièce et son neveu),
il a fini par un dessin de lui à la tête d’une colonie de vacances de
pirates surfeurs.
4. Refaire l’exercice trois fois – pour chacune des cartes mentales –
en vous assurant que les trois versions sont bien différentes les
unes des autres.

ET MAINTENANT ?
Il se peut que vous vous disiez ici : « C’est génial ! Il y a là des idées
super dont je peux vraiment me servir ! ». Si c’est le cas, très bien –
mais ce n’est pas garan et ce n’est pas si fréquent.
Ou alors… vous avez fini l’exercice et vous vous dites : « Eh bien, quel
truc idiot ! À quoi ça sert d’avoir eu toutes ces idées ridicules ? ». Si
c’est le cas, vous n’avez pas été payé(e) en retour de vos efforts. Le
but de l’exercice est d’écarter tout jugement et de faire taire votre
cri que intérieur, toujours prêt à soulever des problèmes. Si vous n’y
êtes pas parvenu(e), vous avez probablement trouvé cet exercice
assez ridicule. Si vous vous reconnaissez, bienvenue au club des gens
intelligents qui essaient de bien faire (c’est-à-dire trouver tout de
suite la bonne réponse). Regardez à nouveau ce que vous avez fait
pour voir si vous pouvez l’envisager d’un autre œil ou retentez le coup
dans quelques jours.
Ou alors vous êtes en train de vous dire : « Eh bien, c’était assez
marrant et intéressant, mais je ne sais pas trop ce que je peux en rer
pour le moment ». Si ça vous ressemble, ça se passe très bien. Le but
de cet exercice n’est pas d’obtenir un résultat précis ; c’est d’agiter
votre esprit dans tous les sens pour avoir des idées sans retenue. En
faisant cet exercice jusqu’au bout, jusqu’à imaginer comment
combiner tous ces éléments avec créa vité pour les transformer en
jobs ou postes ina endus, vous êtes passé(e) avec succès de la
résolu on de problèmes (qu’est-ce que je fais ensuite ?) à la pensée
design (qu’est-ce que je peux imaginer ?). Vous travaillez à présent
avec la mentalité d’un designer et vous disposez de plein d’idées
importantes couchées sur le papier sous une forme créa ve.
Il est temps de s’a eler à la tâche d’imaginer trois vraies vies
alterna ves.
Il est temps de préparer vos Projets d’Odyssée.
À vous de jouer
Cartes mentales

1. Reprenez votre Journal des Bons Moments et notez les


ac vités dans lesquelles vous vous engagez volon ers, qui
vous procurent de l’énergie et du flow.
2. Sélec onnez une ac vité engageante, une qui vous donne
beaucoup d’énergie et une qui vous a déjà mis(e) en état de
flow ; faites-en trois cartes mentales – une pour chacune de
ces trois ac vités.
3. Étudiez l’anneau extérieur de chaque carte mentale,
sélec onnez trois éléments qui vous sautent aux yeux et
réunissez-les pour en rer la descrip on d’un poste.
4. Pour chaque poste, définissez vos fonc ons et dessinez-le
rapidement sur un papier.
CHAPITRE 5

Dessiner ses vies


V ous êtes légion.
Chacun d’entre nous est mul ple.
La vie que vous vivez est l’une des nombreuses que vous vivrez.
Nous ne sommes pas en train de parler de réincarna on ni de rien de
religieux. La vérité, c’est que vous allez mener de nombreuses vies
différentes au cours de votre vie. Si celle que vous vivez actuellement
semble un peu tordue, pas d’inquiétude ; le design de vie propose une
infinité de secondes chances. Vous pouvez recommencer à tout
instant, où que vous soyez. On a toujours le droit de « rejouer le
coup ».
Travaillant avec des adultes de tous âges, nous avons découvert que,
là où les gens se trompent (quels que soient leur âge, leur forma on
ou leur i néraire professionnel), c’est quand ils se disent que tout ce
dont ils ont besoin, c’est de trouver un plan pour toute leur vie et qu’à
par r de là, tout ira bien. S’ils parviennent à faire le bon choix (le
meilleur, le vrai, le seul), ils auront le schéma directeur de leur
personnalité, de leurs ac vités et de leur vie. C’est une approche qui
ressemble à la peinture au numéro, mais, en réalité, la vie ressemble
plus à une peinture abstraite – ouverte à de mul ples interpréta ons.
Chung était inquiet. Il avait travaillé dur toute sa scolarité à
l’université de Berkeley, en Californie, et il avait obtenu son diplôme
avec men on. Il avait l’inten on de poursuivre avec un master, mais il
voulait d’abord avoir une expérience dans le mé er qu’il avait choisi
pour rer le meilleur par de son master et commencer rapidement
sa vie professionnelle. Pour se laisser le choix, Chung postula à six
stages différents, dont la durée allait d’un à trois ans. Puis il se
produisit un truc affreux. Il fut accepté dans quatre de ces six stages,
dont les trois qu’il voulait le plus. Être pris, ce n’était pas affreux ;
c’était la suite qui l’était. L’indécision totale. Il ne savait absolument
pas quoi faire ni comment résoudre le problème ancestral de ne pas
savoir quoi faire.
Il ne s’a endait absolument pas à être accepté dans ses trois premiers
choix et, pour exacerber le problème, ils étaient totalement différents
les uns des autres. L’un consistait à enseigner en milieu rural en Asie,
l’autre était un poste d’assistant juridique dans une associa on
carita ve en Belgique lu ant contre l’esclavage sexuel, et le troisième
était un poste de documentaliste à Washington, pour un groupe de
réflexion sur les services de santé. Ils étaient tous bien, mais lequel
choisir ?

“ Les gens se trompent […] quand ils se disent


que tout ce dont ils ont besoin, c’est de
trouver un plan pour toute leur vie et qu’à
par r de là, tout ira bien. ”
Chung mesurait l’immense importance de sa décision : le choix de son
stage condi onnerait le thème de son master, qui condi onnerait à
son tour sa future carrière et donc sa vie en général. S’il ne choisissait
pas bien, il risquait de se lancer dans une vie de « second choix ». Mais
il ne savait pas quel était son premier choix. Il ne savait pas ce qui
était le mieux.
Chung comme ait là une erreur très commune. Il pensait qu’il existait
une meilleure façon de passer sa vie et il fallait qu’il sache laquelle
sous peine de transiger pour la deuxième meilleure – voire pire. Mais
ce n’est pas vrai. Nous avons tous en nous assez d’énergie, de talents
et d’intérêts pour mener différentes sortes de vies, chacune
authen que, intéressante et produc ve. Se demander quelle est sa
meilleure vie, c’est se poser une ques on sans intérêt ; c’est comme
se demander s’il vaut mieux avoir des mains ou des pieds.
Quand Chung passa nous voir, Dave lui demanda : « Si tu as tellement
de mal à choisir, es-tu bien sûr de devoir le faire ? Si tu pouvais faire
les trois stages, l’un après l’autre, est-ce que tu aimerais mieux ça ? ».
Chung répondit : « J’adorerais ça ! Mais est-ce que c’est permis ?
Comment est-ce que je peux avoir la permission de faire les trois ? ».
« Demande. Tu n’as rien à perdre à poser la ques on. »
Il posa la ques on et, à sa grande surprise, deux organisa ons se
montrèrent disposées à a endre ; il pourrait faire les trois au cours
des cinq années à venir, s’il le voulait.
C’est alors que Chung finit par s’apercevoir que la raison pour laquelle
il n’arrivait pas à trouver la meilleure op on, c’était qu’il n’y en avait
pas. Il avait devant lui trois possibilités excellentes et complètement
différentes. À ce moment de sa vie, il pouvait se perme re de les
explorer toutes et c’est ce qu’il fit.
Bien sûr, Chung n’aurait jamais pu imaginer ce qui allait arriver.
Pendant son premier stage, il resta en contact régulier avec ses
copains de licence, par téléphone ou par Skype. Au bout d’environ
neuf mois, tous, à l’excep on de Chung, étaient déçus par leur vie
après l’université. Rien d’étonnant à cela. Sor r de l’université est très
stressant et Chung lui-même connaissait des difficultés avec son
boulot, mais chacun le ressentait différemment. Chung avait appris le
design de vie. Il disposait d’ou ls dont il pouvait se servir et acceptait
qu’il puisse y avoir plus d’un i néraire sur lequel guider sa vie. Ces
copains n’avaient pas la même confiance, du coup, Chung se mit à
aider chacun à trouver ce qu’il pouvait faire ensuite. Il adora faire cela.
En fait, il aima tellement qu’il décida de se renseigner pour savoir
comment il pourrait faire cela à plein temps. Juste après son premier
stage, il annula les deux autres et revint faire un master en ges on de
carrière. Après avoir finalement accepté qu’il y avait au moins trois
grandes carrières qui s’offraient à lui, il en découvrit une quatrième.
Voilà ce qui arrive quand on cesse de vouloir « trouver la bonne
solu on du premier coup » et qu’on commence à dessiner sa vie pas à
pas.
Principe à problème : Il faut que je trouve quelle est la meilleure vie
possible qui s’offre à moi, que je définisse un projet et que je
l’exécute.
Recadrage : J’ai en moi plusieurs vies géniales (et plusieurs grands
projets) et c’est à moi de choisir dans laquelle je m’engage pas à pas
jusqu’au prochain croisement.

ACCEPTEZ LA MULTIPLICITÉ DE VOS


PERSONNALITÉS
Une des façons les plus efficaces de dessiner sa vie, c’est de dessiner
ses vies. Non, nous ne sommes pas tombés sur la tête et il ne s’agit
pas d’une coquille. Nous allons vous demander d’imaginer et d’écrire
trois différentes versions des cinq prochaines années de votre vie.
Nous appelons ça les Projets d’Odyssée. Que trois variantes des cinq
années à venir se présentent aussitôt, ou pas, à l’affiche du grand
cinéma de votre esprit, nous savons que vous avez en vous au moins
trois op ons viables et largement différentes. C’est vrai pour nous
tous. Chacun des milliers de gens avec qui nous avons travaillé en est
la preuve. Nous avons tous des tas de vie en nous. Nous en avons au
moins trois à chaque moment de notre vie. Bien sûr, nous ne pouvons
en vivre qu’une seule à la fois, mais il faut en imaginer plusieurs pour
choisir de façon créatrice et génératrice.

“ Si votre esprit se met en route avec plusieurs


idées en parallèle, il ne se focalise pas
prématurément sur un chemin, reste plus
ouvert, plus récep f et capable d’innova ons
plus originales. ”
Bon, au départ, il peut sembler ardu de trouver trois projets
différents, mais vous pouvez y arriver. Tous ceux avec qui nous avons
travaillé y sont parvenus, donc vous aussi. Vous avez peut-être déjà
en tête un projet préféré. C’est très bien. Peut-être même un projet
sur lequel vous vous êtes déjà engagé(e), déjà bien avancé. C’est très
bien aussi – il faut quand même que vous développiez trois différents
Projets d’Odyssée. Vraiment. Parmi ceux qui ont ré le plus de profit
de cet exercice, certains avaient déjà toutes les réponses prêtes pour
leur Vrai Grand Projet. La valeur ajoutée de bâ r plusieurs prototypes
en parallèle (comme ces trois Projets d’Odyssée) a été confirmée par
les chercheurs du Master d’Enseignement à Stanford. Une équipe
dirigée par le professeur Dan Schwartz a étudié deux groupes9. Le
premier a commencé avec trois idées en parallèle, puis a eu deux
autres idées avant de trouver l’idée finale. Le second a démarré avec
une idée, avant de recommencer quatre fois le processus. Chaque
groupe a généré cinq séries d’idées, mais le groupe « en parallèle » a
eu de bien meilleurs résultats – générant plus d’idées et des solu ons
finales clairement supérieures. Le groupe « en série » – qui avait
commencé avec une seule idée – a eu tendance à tourner en rond sur
la même idée sans jamais innover. Conclusion, si votre esprit se met
en route avec plusieurs idées en parallèle, il ne se focalise pas
prématurément sur un chemin, reste plus ouvert, plus récep f et
capable d’innova ons plus originales. Les designers ont toujours su
cela – on ne démarre pas avec une seule idée. Sinon, on a toutes les
chances de rester bloqué dessus.
Essayez de ne pas réfléchir à vos Projets d’Odyssée comme aux
« Projet A, B et C » – où A serait le super projet, B le projet acceptable
et C le projet avec lequel vous n’aimeriez pas vous retrouver, sauf
nécessité absolue. Tout Projet d’Odyssée est un Projet A, parce que
c’est vraiment vous et c’est vraiment possible. Les Projets d’Odyssée
sont des ébauches de possibilités qui peuvent exciter votre
imagina on et vous aider à choisir dans quelle direc on vous allez
orienter les prototypes de la prochaine étape de votre vie.
Ne vous inquiétez pas du choix. Nous avons d’excellents ou ls et
idées pour la tâche difficile qui consiste à « choisir » et nous en
discuterons au chapitre 9. Les critères de choix peuvent reposer sur
les données disponibles (proximité, temps, argent), sur la cohérence
(de quelle façon chaque variante s’inscrit dans vos concep ons de la
vie et du travail), votre niveau de confiance (vous sentez-vous capable
de faire cela ?) et combien vous aimez ça. Mais commençons par le
commencement. D’abord élaborer les variantes.

TELLEMENT DE VIES ET SI PEU DE TEMPS


Nous appelons cela les Projets d’Odyssée parce que la vie est une
odyssée – un voyage plein d’aventures dans l’avenir, avec des espoirs
et des objec fs, des alliés, des amants et des ennemis, des
incer tudes et des hasards heureux, le tout se déroulant au fil du
temps à la fois comme on l’avait prévu au départ et comme on le
compose en chemin. Homère10 a raconté l’histoire d’Ulysse comme
une métaphore de ce e aventure qu’est la vie. Il faut maintenant
prendre le temps d’imaginer différentes façons de démarrer le
prochain chapitre du voyage de votre vie – votre quête.
Nous vous demandons de créer trois projets très différents pour les
cinq prochaines années de votre vie. Pourquoi cinq ans ? Parce que
deux ans, c’est trop court (on s’inquiète de n’avoir pas regardé assez
loin) et sept ans, c’est trop long (on sait qu’il se passera des choses
d’ici là). En fait, si vous écoutez les gens vous raconter leur histoire, la
plupart des vies sont composées de séquences de deux à quatre ans
reliées ensemble. Même des périodes importantes plus longues (les
années d’éduca on des enfants) sont divisées en morceaux assez
dis ncts de deux à quatre ans – la période bébé, la maternelle, la pré-
adolescence, les années où ils ne vous parlent plus, qu’on appelle
aussi l’adolescence. Cinq ans, ça couvre une bonne période de quatre
ans, avec une année de marge. Ayant réalisé mille fois cet exercice de
façons très diverses, avec des gens de tous âges, nous sommes assez
sûrs que cinq ans, c’est bien. Essayez comme ça.
Nous insistons (puisque nous n’allons pas noter votre devoir) pour
que vous élaboriez trois versions vraiment différentes de vous-même.
Trois projets, ça vous donne vraiment le choix (une liste de trois
éléments paraît bien plus longue qu’une liste de deux) et soume ra
vos muscles créa fs à un effort suffisamment soutenu pour que vous
soyez sûr(e) de ne pas vous être contenté(e) de l’évidence. Nous
voulons que vous imaginiez trois op ons vraiment différentes – pas
trois varia ons sur le même thème. Vivre dans une communauté dans
le Vermont et dans un kibboutz en Israël n’est pas vraiment deux
op ons différentes, mais deux versions de la même. Essayez de
trouver trois idées vraiment différentes.
Nous savons que vous pouvez le faire, parce que nous avons vu des
milliers de gens y arriver, dont beaucoup pensaient au départ qu’ils ne
réussiraient jamais à imaginer trois façons différentes de mener leur
vie. Si vous faites par e de ceux-là, voici une façon de trouver
rapidement « trois versions de ma vie ».

Vie numéro un – ce e chose qu’on fait


Votre premier projet est centré sur ce que vous avez déjà en tête –
que ce soit votre vie actuelle développée dans l’avenir ou ce e idée
que vous caressez depuis un moment. C’est l’idée que vous avez
déjà – c’est une bonne idée et elle mérite votre a en on dans cet
exercice.

Vie numéro deux – ce e chose qu’on ferait si la chose numéro un


s’arrêtait soudain
Ça arrive. Certains jobs ont une fin. Presque plus personne aujour-
d’hui ne fabrique de fouets pour diligence ou de navigateurs pour le
web. Les premiers sont désuets et les seconds sont donnés
gratuitement avec le système d’exploita on, donc les fouets de
diligence et les navigateurs ne sont pas de belles opportunités de
carrière. Imaginez seulement que l’idée de votre vie est soudain
dépassée ou n’a plus lieu d’être. Que faire ? On ne peut pas ne pas
gagner sa vie. On ne peut pas ne rien faire. Que feriez-vous ? Si vous
êtes comme la plupart des gens que nous croisons, quand on force
vraiment son imagina on à croire qu’il faut, pour survivre, faire autre
chose que ce e chose qu’on fait déjà, on trouve quelque chose.

Vie numéro trois – ce e chose qu’on ferait ou la vie qu’on


mènerait si l’argent ou l’image ne comptaient pas
Si vous saviez que vous pouviez en vivre décemment, que personne
ne se moquerait de vous ou vous mépriserait pour cela – que feriez-
vous ? Nous ne sommes pas en train de dire que vous allez soudain
pouvoir en vivre et on ne peut pas vous prome re que personne ne
va rire (encore que ça n’arrive pas souvent), ce que nous disons, c’est
qu’imaginer ce e op on peut être un élément très u le dans votre
explora on du design de vie.
Récemment, Dave discutait avec un étudiant en MBA, persuadé de ne
pas avoir trois idées pour sa vie.
« Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? » demanda Dave à l’étudiant.
« Je veux travailler dans le conseil en management. »
« Super, c’est ta vie numéro un, » répondit Dave. « Mais devine quoi ?
Tous les PDG du monde viennent de se réunir et ont décidé qu’ils
n’avaient pas vraiment gagné grand-chose avec tous ces milliards
dépensés en consul ng, ils ont donc tous décidé d’arrêter de payer
pour cela. Le conseil est mort. Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
L’étudiant était sous le choc. « Quoi ? Pas de conseil du tout ? ! »
« Non – nada. Tu es obligé de faire autre chose. Qu’est-ce que ça va
être ? »
« Eh bien, si je ne pouvais pas travailler dans le conseil, j’imagine que
j’essaierai de travailler dans une grande entreprise de médias, sur la
stratégie ou la communica on marke ng. »
« Super ! C’est ta vie numéro deux ! »
Interrogé sur ce qu’il ferait si l’argent ou l’image ne comptaient pas, et
après avoir été rassuré sur le fait que personne ne se moquerait de
lui, le jeune homme proposa sa vie numéro trois.
« Eh bien, j’aimerais beaucoup travailler dans la distribu on de vin. Ça
semble un peu bête, mais franchement, ça me fascine et j’adorerais
essayer. »
« OK », dit Dave, « tu as tes trois vies ».
Nous avons eu des conversa ons similaires avec des gens bloqués sur
une seule idée pour leur vie. Si vous n’arrivez pas à trouver trois idées
rapidement, essayez ce e méthode vie un, vie deux, vie trois, et vous
vous retrouverez sans doute avec suffisamment d’idées.
Ne vous bloquez pas. N’y réfléchissez pas trop. Mais faites-le.
C’est un exercice qui va changer votre vie.
Au sens propre.

RÈGLES DE BASE POUR SES PROJETS


D’ODYSSÉE
Imaginez trois variantes des cinq prochaines années de votre vie.
Chacune doit contenir :
1. Un calendrier visuel/graphique. Avec des événements
personnels et non professionnels – voulez-vous vous marier, vous
entraîner pour remporter les CrossFit Games ou apprendre
comment tordre les cuillères par la pensée ?
2. Un nom pour chaque op on, sous la forme d’un tre en 6-8
mots, qui en donne l’essence.
3. Les ques ons que pose ce e variante – deux ou trois de
préférence. Un bon designer pose des ques ons pour tester ses
hypothèses et faire émerger de nouvelles idées. Avec chaque
calendrier, vous envisagerez différentes possibilités et apprendrez
différentes choses sur vous et le monde. Quel genre de choses
voulez-vous tester et explorer dans chacune de ces variantes de
votre vie ?
4. Un tableau de bord où vous pourrez mesurer :
a. Vos ressources (disposez-vous des ressources objec ves –
temps, argent, compétences, contacts – dont vous avez besoin
pour mener à bien votre projet ?) ;
b. Votre enthousiasme (que vous inspire votre projet : chaleur,
froideur, édeur ?) ;
c. Votre confiance (vous sentez-vous plein(e) de confiance ou
plutôt incertain(e) sur la réussite du projet ?) ;
d. La cohérence (ce projet est-il porteur de sens ? Est-il en
cohérence avec vous-même, votre concep on du travail, votre
concep on de la vie ?).

• Considéra ons possibles :


◗ Géographie – où vivrez-vous ?
◗ Quels expérience/enseignement en reriez-vous ?
◗ Quels sont les conséquences/résultats du choix de ce e
variante ?
◗ À quoi ressemblera votre vie ? Dans quels rôle, secteur ou
société vous imaginez-vous ?

• Autres idées :
◗ Gardez bien à l’esprit d’autres choses que votre carrière et
l’argent. Même si ce sont des éléments importants, centraux
peut-être, dans l’orienta on que vous allez donner à vos
prochaines années, il y a d’autres éléments décisifs dont il faut
tenir compte.
◗ Chacune des considéra ons de ce e liste peut servir de
tremplin à l’élabora on de vos différentes vies pour les cinq
années à venir. Si vous vous retrouvez bloqué(e), essayez de faire
une carte mentale de n’importe laquelle des considéra ons
design listées ici. Ne vous perdez pas en réflexion, mais ne
sautez pas cet exercice.

Pour chacun d’entre nous, les Projets d’Odyssée peuvent définir les
choses importantes qui nous restent à faire et nous aider à nous
souvenir des rêves que nous avons pu oublier. L’astronaute de douze
ans que vous é ez jadis est toujours là. Soyez curieux(se) de tout ce
que vous pourriez faire remonter. Faites en sorte qu’au moins un de
ces projets soit un peu fou. Même si c’est quelque chose que vous ne
feriez jamais dans votre état normal, notez votre idée la plus farfelue,
la plus folle. Il peut s’agir d’abandonner tout ce que vous possédez
pour vivre hors du monde, en Alaska ou en Inde. Ou d’apprendre à
jouer la comédie pour tenter votre chance à Hollywood. Ou de
devenir un pro du skate ou de vouer votre vie aux sports extrêmes
pleins d’adrénaline. Ou de par r à la recherche de ce grand-oncle
disparu depuis des lustres et boucher les trous de votre histoire
familiale. Ou de bâ r différents projets selon les compar ments de
votre vie : différents projets de carrière, d’amour, de santé ou de jeu.
Voire tout combiner. La seule façon de mal faire cet exercice, c’est de
ne pas le faire du tout.

LES VIES DE MARTHA


Voici l’exemple de trois Projets d’Odyssée à cinq ans d’une
par cipante à l’un de nos ateliers de milieu de carrière. Martha est
cadre dans le secteur des nouvelles technologies. Pour la seconde
par e de sa vie, elle cherchait à faire quelque chose de plus porteur
de sens. Elle imagina trois différents projets, chacun un peu plus
risqué et novateur, mais tous au service de la communauté.
Les voici : lancer sa première start-up dans le style de la Silicon Valley,
devenir PDG d’une organisa on carita ve travaillant avec des enfants
à risque, ouvrir un bar sympa dans son quar er de Haight-Ashbury à
San Francisco. Remarquez bien que chaque projet porte un tre en
six-huit mots qui le résume, un tableau de bord à quatre indicateurs
(nous aimons vraiment les tableaux de bord) et les trois ques ons que
pose chaque variante.

Exemple 1
Titre : « Va-tout – Histoire de Silicon Valley »

QUESTIONS
1. « Ai-je en moi ce qu’il faut pour être une entrepreneure ? »
2. « Mon idée est-elle assez bonne ? »
3. « Serai-je capable de lever des fonds d’inves sseurs en capital-
risque ? »

Exemple 2
Titre : « U liser mon savoir-faire – Aider les enfants ! »
QUESTIONS
1. « Mes compétences marcheront-elles aussi dans le secteur non
marchand ? »
2. « Puis-je réellement aider des enfants à risque avec une
organisa on carita ve ? »
3. « Cela aura-t-il un sens ? »

Exemple 3
Titre : « Créer une communauté – Un verre à la fois ! »
QUESTIONS
1. « Suis-je prête à prendre un tel risque ? »
2. « Puis-je réellement créer une communauté en ouvrant un bar ? »
3. « Est-ce que ce sera rentable ? »
EXERCICE DES PROJETS D’ODYSSÉE
Établissez à présent vos trois projets à cinq ans, un sur chacun des
modèles fournis ici (téléchargeables sur www.designingyour.life).

PARTAGER LES TROIS VERSIONS DE VOUS-


MÊME
Nous allons vous demander de partager vos différents Projets
d’Odyssée. Ne paniquez pas. Il y a dans ces trois versions de vous-
même quelque chose de très magique. D’abord, pour réaliser qu’il n’y
a pas une solu on unique à votre avenir. Regardez quelle est l’op on
qui se classe le mieux en termes de ressources, enthousiasme,
confiance et cohérence. Quelle est la version de vous-même qui vous
fait vous sen r bien, esquisser un pe t pas de danse, qui vous met le
feu ? Quelle version vous épuise à l’avance ?
La meilleure façon de mesurer ces alterna ves, c’est de les partager
avec un groupe d’amis – idéalement avec votre Équipe de design de
vie (voir chapitre 11 pour plus de détails sur l’équipe et la
communauté) ou bien le groupe avec lequel vous lisez ce livre, comme
nous le suggérions dans l’introduc on. La façon la plus amusante et la
plus efficace d’effectuer le processus de design de vie, c’est de le faire
dans un groupe de trois à six personnes, vous compris(e), qui se réunit
en tant qu’équipe. Ça peut marcher si vous êtes la seule personne à
faire un design de vie, mais un groupe où chacun fait les exercices et
sou ent le design des autres est ne ement préférable. Il est peut-
être plus facile que vous ne croyez de trouver deux à cinq personnes
prêtes à vous accompagner. Prêtez le livre à quelques suspects
possibles, réunissez-vous pour en parler et regardez ce qui se passe.
Vous risquez d’être surpris(e). Et nous ne sommes pas en train
d’essayer de vous faire acheter plus d’exemplaires (même si notre
éditeur en serait ravi !) – c’est juste un moyen facile de lancer la
discussion.
Dans tous les cas, que vous formiez une Équipe de design de vie qui
se réunit régulièrement ou pas, vous allez vouloir présenter vos
Projets d’Odyssée à un groupe de gens bien inten onnés, pour
obtenir des réac ons et des idées. Il faut inviter des gens qui
poseront de bonnes ques ons sans faire de cri ques ou donner des
conseils malvenus. Les règles d’or en ma ère d’écoute sont : dire à
vos auditeurs de ne pas faire de cri ques, de compliments ou de
conseils. Il faut qu’ils reçoivent, réfléchissent et amplifient. Trouvez
deux à cinq personnes qui sont « de votre côté » et qui viendront à
une soirée consacrée à vous aider dans votre design de vie (ou au
minimum, qui sont prêtes à lire ce chapitre). Quand il s’agira de poser
des ques ons, « Dis-m’en plus sur… » est une excellente approche, qui
assure du côté bienveillant de la demande. Si vous n’avez vraiment
pas envie ou ne parvenez pas à trouver un groupe de gens avec qui
partager, alors filmez-vous en train de présenter vos Projets
d’Odyssée, puis regardez-vous et écoutez-vous comme si vous n’en
é ez pas l’auteur(e) ; voyez ensuite ce que vous avez à vous dire et
notez vos idées.
Le design de vie consiste à générer des possibilités et cet exercice
d’imagina on de plusieurs vies vous guidera vers votre prochaine
des na on, quelle qu’elle soit. Chaque version de vous-même
con ent une part d’incer tude et de compromis, chacune avec des
conséquences iden fiables ou ina endues. Cet exercice fournit moins
de réponses qu’il n’apprend à accepter et explorer les ques ons, et à
rester ouvert aux possibilités.
Souvenez-vous, il y a plusieurs vies géniales en vous.
Vous êtes légion.
Et vous avez le choix du prototype sur lequel vous allez vous me re à
travailler.

9. Steven P. Dow, Alana Glassco, Jonathan Kass, Melissa Schwarz, Daniel L. Schwartz, Sco
R. Klemmer, « Parallel Prototyping Leads to Be er Design Results, More Divergence, and
Increased Self-Efficacy » (« Des prototypes en parallèle mènent à un meilleur design, une plus
grande divergence et une auto-efficacité accrue »), ACM Transac ons on Computer-Human
Interac ons 17, no. 4 (déc. 2010).
10. Outre Homère et les Grecs, nous avons emprunté le terme « années d’Odyssée » à David
Brooks, éditorialiste au New York Times. Dans un ar cle du 9 octobre 2007, il décrivait les
nouvelles condi ons de vie des Américains de 22 à 35 ans : « Avec un peu d’imagina on,
même un baby-boomer peut comprendre ce que c’est que de vivre ses années d’Odyssée. On
peut voir que ce e période d’improvisa on est une réponse sensée au monde moderne ».
À vous de jouer
Projets d’Odyssée

1. Imaginez trois différents projets à cinq ans, en u lisant le


modèle fourni.
2. Donnez à chacun un tre descrip f en 6-8 mots et écrivez
trois ques ons que pose chaque version de vous-même.
3. Remplissez chaque indicateur du tableau de bord –
a ribuant à chaque op on un niveau de ressources,
d’enthousiasme, de confiance et de cohérence.
4. Présentez vos projets à une autre personne, à un groupe
ou à votre équipe de design de vie. Notez l’effet de chaque
alterna ve sur votre niveau d’énergie.
CHAPITRE 6

Faire des prototypes


C lara avait besoin de redessiner sa vie. Après trente-cinq ans
d’une carrière réussie de cadre commerciale dans l’univers high-
tech, elle en avait assez. Tout ce que Clara voulait désormais, c’était
une vie sans objec fs commerciaux à trois mois. En fait, elle ne
voulait même plus entendre les mots « objec fs commerciaux » de sa
vie. Beaucoup de ses amis avaient passé les vingt dernières années à
développer des centres d’intérêt annexes – hobbies qu’ils
transformaient en mé ers, ac vités créa ves qu’ils exerçaient
désormais à plein temps ou travail de volontariat qui donnait un but
et un sens à leur vie. Tous ses amis semblaient me re un terme à leur
carrière pour faire autre chose – mais Clara n’avait rien « d’autre ».
Elle avait passé l’essen el de sa vie à élever seule ses enfants et à
construire sa carrière dans la vente. Ses enfants étaient désormais
adultes, sa carrière arrivait à son terme et Clara ne savait pas
comment s’y prendre, ni quelle serait la prochaine étape ; nous l’avons
donc aidée à commencer à se dessiner un avenir à par r de là où elle
était.
Ses amis lui donnaient beaucoup de conseils et la plupart étaient
d’accord : l’important, c’était de con nuer. « Si tu n’as pas d’idée, vas-
y au hasard. Tu es trop jeune pour t’arrêter maintenant. Quoi que tu
fasses, ne reste pas enfermée chez toi – engage-toi dans quelque
chose. » Pour eux, c’était un conseil facile à donner, puisqu’ils savaient
tous un minimum dans quoi inves r leur temps. Mais pas Clara. Alors,
par où commencer ? Clara prit une excellente décision. Elle admit que
c’était un bon conseil de « faire quelque chose », mais que c’était un
mauvais conseil de « s’engager dans quelque chose au hasard » parce
qu’elle pourrait facilement se retrouver trop engagée dans quelque
chose qu’elle n’aimait pas. Ce qu’elle avait besoin de faire, c’était
d’essayer des choses sans devoir s’engager prématurément. Elle
voulait tester certaines op ons, en faire réellement l’expérience, mais
avec de l’eau jusqu’aux genoux, pas au-dessus de la tête.
Même si elle n’avait pas d’objec f précis en tête pour ce qu’elle
appellerait plus tard son « retour sur la scène professionnelle », elle
avait quand même un centre d’intérêt envisageable. Elle avait été
l’une des premières femmes à vendre des systèmes informa ques
pour IBM et se considérait depuis longtemps comme féministe. Elle
finit par se dire : « OK, là, il reste des choses à faire – cherchons quel
que chose dans la défense des femmes ». À par r de là, elle fit des
recherches approfondies sur les façons de venir en aide aux femmes,
gardant un œil sur ce qu’elle pourrait essayer. Quelques semaines plus
tard, elle était à l’église et une femme vint parler de média on et de
communica on non violente et comment ces techniques aidaient les
mères de jeunes délinquants ou les femmes maltraitées. Clara se
présenta à ce e femme et lui posa des ques ons sur son travail. Ses
ques ons précises lui valurent d’être invitée à un cours
d’entraînement à la média on. Il ne s’agissait que de quelques heures
par semaine et même si elle réussissait l’examen de cer fica on à la
fin, il n’y avait pas d’obliga on. Elle s’y rendit donc pour savoir à quoi
ressemblait la média on pour femmes en difficulté. Elle suivit le cours
et ob nt son diplôme.
Un poste très difficile était à pourvoir, pour de la média on avec des
mineurs incarcérés. Le poste n’était financé que jusqu’à la fin de
l’année, on ne pouvait donc pas s’engager sur la durée, mais ça
convenait très bien à Clara. Elle ferait de la média on dans les
tribunaux, les écoles, auprès des parents et des enfants, pour trouver
des alterna ves à l’incarcéra on des enfants à risque. Comme point
de départ, c’était difficile, mais Clara se rendit compte que les
décennies passées à traiter avec les commerciaux capricieux de la
high-tech avaient fait d’elle une négociatrice habile, qui résolvait les
problèmes. De plus, de nombreux délinquants juvéniles avaient une
mère célibataire et elle se sentait très proche de ces mères. Clara
trouva l’offre a rac ve. Elle était prête à essayer – à mi-temps et
uniquement jusqu’à la fin de l’année. Elle con nuait son explora on.
Clara con nua à chercher des moyens de s’engager dans le combat
pour les femmes et tomba sur la Fonda on des femmes de Californie
(WFC). La WFC ne faisait rien elle-même – elle finançait d’autres
associa ons carita ves qui s’occupaient d’une grande variété de
problèmes de jus ce sociale en lien avec les femmes. C’était un poste
d’observa on pour son projet d’explora on qui consistait à « essayer
des choses » : elle entra donc en contact avec l’organisa on. Son
travail de média on impressionna la direc on de la WFC qui lui
proposa de s’inscrire. Au cours de ses trois ans dans l’associa on, elle
apprit comment on levait des fonds et finançait des associa ons, et
elle en apprit beaucoup sur les 27 associa ons de sa région qui
s’occupaient des problèmes sociaux.
En chemin, Clara comprit qu’elle n’avait pas envie de rester dans le
système pénal en tant que médiatrice (aussi important que soit ce
travail) ; elle se tournait de plus en plus vers le problème des sans-
abri, qui frappe les femmes avec une violence par culière. Au travers
de la WFC, elle rencontra le mécène qui donnait le plus d’argent à un
refuge pour sans-abri dans la ville où elle habitait. Il demanda à Clara
de faire par e du conseil d’administra on du refuge et c’est à ce
moment-là qu’elle comprit qu’elle avait trouvé sa deuxième carrière.
Elle accepta sa proposi on et laissa tomber tout le reste. Elle défend
désormais les sans-abri dans sa ville et pilote une mission pour
résoudre la ques on des sans-abri aux niveaux local et na onal.
Au départ, le projet de Clara n’était pas de travailler pour les sans-
abri. Consciente qu’aucune mission spécifique ne la guidait, elle mit
au point avec soin une série d’expériences et d’engagements, limités,
mais révélateurs, pour construire sa façon d’avancer pas à pas. Son
chemin jusqu’à devenir « défenseuse des sans-abri » (ce qui, au
passage, est devenu sa passion) ne fut clairement pas une ligne droite.
Elle a dessiné la vie qu’elle est en train de vivre, étape par étape, en
pensant comme un designer et en construisant sa route par pe tes
expériences – ses prototypes. Elle pensait qu’en con nuant à se
procurer des pe tes expériences concrètes soigneusement choisies,
elle trouverait sa voie.
Elle a suivi un cours de média on. Pris un poste dans le système
judiciaire pour enfants. Rejoint la fonda on des femmes. Appris sur le
monde des associa ons. Intégré le conseil d’administra on du refuge.
En travaillant, en rencontrant des gens et en choisissant d’explorer
ces pistes au travers d’expériences concrètes et non en passant son
temps à lire, réfléchir ou confier à son journal ce qu’elle pourrait faire,
Clara a trouvé sa deuxième carrière. Ce n’est que grâce à ce processus
de design de vie qu’elle réussit à se trouver un avenir qu’elle ne
pouvait ni connaître, ni même imaginer. Clara l’a fait et vous aussi,
vous le pouvez.

Principe à problème : Si j’étudie à fond toutes les données sur tous


les aspects de mon projet, ça se passera bien.
Recadrage : Je devrais construire des prototypes pour savoir quelles
ques ons soulèvent mes op ons.

PROTOTYPES – POURQUOI ET COMMENT


« Construire, c’est réfléchir » : voilà une phrase qu’on entend souvent
dans le cursus de design à Stanford. Quand ce e idée est associée au
par pris de l’ac on, ça donne beaucoup de construc on et de
réflexion. Si vous demandez aux gens ce qu’ils font, ils vous diront
qu’ils construisent des prototypes. Que ce soit pour de nouveaux
produits ou de nouveaux services. À Stanford, nous croyons qu’on
peut faire des prototypes de tout, d’un objet comme d’une poli que
publique. Faire des prototypes fait tellement par e de la pensée
design que ça vaut peut-être la peine de prendre un peu de recul pour
être sûr de comprendre aussi bien « pourquoi » on fait des prototypes
que « comment » on les fait.
Quand on essaie de résoudre un problème, n’importe lequel, on part
généralement de ce qu’on en sait : on commence par les données. Il
faut suffisamment de données pour être capable de comprendre ce
qui est à l’origine de quoi et ce qui risque d’arriver quand quelque
chose d’autre se passe.
Malheureusement, dans le design de vie, on n’a pas beaucoup de
données disponibles. On manque en par culier de données fiables
sur l’avenir. Il faut accepter que c’est le genre de problèmes troubles
où le raisonnement tradi onnel des causes et des effets ne s’applique
pas. Heureusement, les designers ont trouvé un moyen de faire un
tour dans l’avenir : le prototype.
Quand on parle de l’u lisa on de prototypes dans la pensée design, il
ne s’agit pas de fabriquer quelque chose pour voir si la solu on est
bonne. Il ne s’agit pas de créer une représenta on d’un concept
complet, pas plus qu’il ne s’agit de fabriquer une seule chose (les
designers font beaucoup de prototypes – jamais un seul prototype).
Faire des prototypes de design de vie consiste à poser les bonnes
ques ons, révéler les aprioris et les hypothèses cachés, répéter le
processus rapidement et créer une dynamique vers la voie qu’on
aimerait emprunter.
Les prototypes doivent être conçus pour poser une ques on et
récupérer des données sur un sujet qui vous intéresse. Les bons
prototypes isolent un aspect du problème et conçoivent une
expérience qui permet « d’essayer » une version d’un avenir
poten ellement intéressant. Les prototypes aident à visualiser les
différentes op ons de façon expérimentale. Ce qui permet d’imaginer
son avenir comme si on le vivait déjà. Créer des expériences
nouvelles par prototypes donne une chance de comprendre ce qu’on
éprouverait dans un nouveau mé er, même si ce n’est que pour une
heure ou une journée. Les prototypes aident aussi à inclure les autres
tôt dans le processus pour bâ r une communauté de gens intéressés
par votre voyage et votre design de vie. Les prototypes sont un excel
lent moyen d’entamer un dialogue et, assez souvent, une chose en
amène une autre. Les prototypes se transforment fréquemment en
occasions inespérées – ils favorisent les hasards heureux. Enfin, les
prototypes perme ent d’essayer et d’échouer rapidement, pour ne
pas s’avancer trop loin sur une piste où on n’a pas encore de données.
Notre philosophie, c’est qu’il est toujours possible de faire des
prototypes de ce à quoi on s’intéresse. La meilleure façon de
commencer, c’est de construire des prototypes très vagues et très
simples. On cherche à isoler une variable et concevoir un prototype
pour répondre à ce e ques on. U lisez ce qui est à votre disposi on
ou ce que vous pouvez demander et préparez-vous à recommencer le
processus rapidement. Souvenez-vous qu’un prototype n’est pas une
expérience intellectuelle ; il doit comporter une dimension physique.
Les données nécessaires à la prise d’une bonne décision se trouvent
dans le monde réel et faire des prototypes est la meilleure façon de
s’y fro er pour recueillir les données qui perme ent d’avancer.
Faire des prototypes, c’est aussi développer l’empathie et la
compréhension. Notre processus en ma ère de prototypes passe
nécessairement par une collabora on, un travail avec d’autres.
Chacun est sur une route et vos échanges-prototypes avec les autres
révèleront leurs designs de vie et vous donneront des idées pour le
vôtre.
En résumé : on fait des prototypes pour poser les bonnes ques ons,
fabriquer des expériences, révéler ses idées préconçues, échouer
rapidement, échouer pour progresser, jeter un œil sur l’avenir et
développer son empathie envers soi-même et les autres. Quand on
admet l’idée que c’est vraiment la seule façon de récolter les données
dont on a besoin, réaliser des prototypes se met à faire par e
intégrante du processus de design de vie. Faire des prototypes est
une aussi bonne idée que ne pas en faire en est une mauvaise –
parfois très coûteuse.

LENTEMENT, AVEC RÉGULARITÉ


Élise n’avait pas besoin de faire de prototype – elle était déjà prête à
se lancer. Après des années dans différents départements de
ressources humaines au sein de grandes sociétés, elle était prête pour
le changement. Un grand changement. Tout de suite. Elle aimait la
nourriture, italienne en par culier, et elle avait adoré les pe ts cafés
et épiceries de Toscane. Son rêve, c’était d’ouvrir une épicerie
italienne avec un pe t café à l’intérieur qui servirait un café
merveilleux et une nourriture toscane authen que. Elle décida de se
lancer. Elle avait économisé suffisamment, rassembla toutes les
rece es dont elle avait besoin, chercha le meilleur emplacement près
de chez elle pour s’installer et signa. Elle loua un espace, le rénova
totalement, le remplit des meilleurs produits et ouvrit en grande
pompe. Ce fut un travail énorme et ça marcha du tonnerre. Tout le
monde adora. Elle travaillait plus que jamais. Et très rapidement, elle
fut malheureuse.
Elle n’avait pas du tout testé son idée. Elle n’avait pas été voir dans
l’avenir. Elle avait plongé directement. Sans essayer de savoir ce que
travailler dans un café, jour après jour, signifiait. Sans réaliser qu’elle
avait supposé que tenir un café, c’était la même chose qu’aller au café
ou avoir l’idée d’en ouvrir un. Elle comprit brutalement qu’elle était
une excellente décoratrice de café, une excellente cheffe de projet de
rénova on, mais une mauvaise ges onnaire d’épicerie. Elle n’aimait
pas embaucher du personnel (en permanence), ni suivre l’état des
stocks, ni passer les commandes, sans parler de l’entre en. Elle était
bloquée dans ce magasin qui marchait si bien et ne savait que faire.
Elle finit par le vendre et devint décoratrice d’intérieur pour des
restaurants, mais la route avait été dure.
Comment aurait-elle pu faire un prototype de son idée ? Elle aurait pu
d’abord essayer d’être traiteur – un business facile à démarrer et à
stopper (pas de loyer, peu de personnel, hyper mobile, pas d’horaires
fixes). Elle aurait pu débarrasser les tables dans un resto italien pour
se faire une idée du sale côté du mé er, loin du seul plaisir de
planifier le menu du jour. Elle aurait pu interroger trois propriétaires
sa sfaits d’épiceries-cafés et trois mécontents pour savoir à quel
groupe elle appartenait. Nous avons rencontré Élise après toute ce e
histoire. Elle nous l’a racontée en suivant un de nos ateliers de design
de vie. Après l’atelier, elle se désola : « Bon sang, si seulement j’avais
pris le temps de faire d’abord des prototypes, ça m’aurait fait gagner
tellement de temps ! » Donc oui, même quand on est pressé, mieux
vaut faire des prototypes de ses projets. Le concept est meilleur, on
gagne beaucoup de temps et on s’évite beaucoup de peine.

CONVERSATIONS PROTOTYPES :
L’INTERVIEW DESIGN
Une fois qu’on est décidé à réaliser des prototypes pour son design
de vie, comment fait-on ? La forme de prototype la plus simple et la
plus facile, c’est la conversa on. Nous allons décrire ici un format
spécial de conversa on prototype, que nous appelons interview
design.
Une interview design, c’est incroyablement simple. Il suffit de faire
raconter à quelqu’un son histoire. Pas n’importe qui et pas n’importe
quelle histoire évidemment. Vous cherchez à parler à quelqu’un qui
fait ou vit ce que vous envisagez de faire, ou qui a une expérience et
une exper se réelles du domaine sur lequel vous avez des ques ons.
Et l’histoire que vous cherchez, c’est son i néraire individuel –
comment ce e personne s’est-elle mise à faire ça, comment a-t-elle
acquis son exper se, comment le vit-elle ?
Vous cherchez à savoir ce que ce e personne, qui fait ce que vous
pourriez avoir envie de faire un jour, aime ou déteste dans son mé er,
à quoi ressemblent ses journées. Puis vous essayez de vous imaginer
faire ça – et aimer ça – pendant des mois, des années. En plus
d’interroger les gens sur leur travail et sur leur vie, vous pourrez
également élucider comment ils se sont retrouvés là – leur i néraire
professionnel. La plupart des gens échouent non par manque de
talent, mais par manque d’imagina on. On peut obtenir une grande
par e de ces informa ons simplement en prenant le temps d’écouter
l’histoire de quelqu’un. Voilà en quoi consiste l’interview design. Clara
a eu de nombreuses conversa ons de ce type, qui l’ont vraiment
aidée. Élise n’en a eu à peu près aucune et ça lui a vraiment été
dommageable.
“ La forme de prototype la plus simple et la
plus facile, c’est la conversa on. ”
La première chose à savoir sur l’interview design, c’est que ça n’est
pas un entre en d’embauche. Si vous vous retrouvez dans une de ces
interviews en train de répondre à des ques ons ou de parler de vous,
au lieu de recueillir l’histoire de la personne avec qui vous êtes,
arrêtez-vous et renversez tout. C’est essen el. Si la personne avec qui
vous êtes se méprend et a l’impression qu’il s’agit d’un entre en
d’embauche, c’est un désastre et votre interview design est un échec,
ou le sera. Tout est une ques on d’état d’esprit. Si elle pense que
vous cherchez un emploi, la première chose qu’elle a en tête n’a rien à
voir avec vous. Elle se demande : « Avons-nous un poste
disponible ? ». Et là, la réponse est généralement non. Du coup,
lorsqu’on essaie de prendre rendez-vous avec quelqu’un qui pense
que vous cherchez un emploi, tout ce qu’on ob ent, c’est un « non ».
Ça peut sembler sévère et arrogant, mais c’est en fait ce que la
personne peut faire de plus a en onné et bienveillant. Si vous
recherchez un emploi et que ce e personne n’en a pas à proposer ou
qu’elle n’intervient pas dans le processus de recrutement, la meilleure
chose qu’elle puisse faire, c’est de vous le dire et vous perme re ainsi
de chercher ailleurs. On ne le ressent pas comme un acte bienveillant
(et la plupart des gens formulent mal leur refus), mais c’est pourtant
ça.
Si la réponse à ce e première ques on est : « Oui, nous avons un
poste disponible », la ques on suivante est alors : « Est-ce qu’il/elle va
s’intégrer ici ? ». L’état d’esprit d’un entre en d’embauche repose sur
la cri que et le jugement et ce n’est pas cet état d’esprit qu’on
recherche quand on a end une histoire intéressante et une con-
nexion in me.
En fait, l’interview design n’est pas une « interview », c’est juste une
conversa on. Donc, quand vous voulez obtenir un rendez-vous,
n’u lisez pas les mots « interview » ou « entre en », sinon la personne
pensera à un entre en d’embauche (ou que vous êtes journaliste et ça
l’inquiètera pour d’autres raisons). Tout ce que vous faites ici, c’est
iden fier des gens qui sont en train de faire des choses qui vous
intéressent et dont vous voulez recueillir les histoires. C’est beaucoup
plus facile que vous ne croyez. Lorsque vous avez déterminé qu’Anna
a une personnalité sympa et qu’elle fait un boulot vraiment
intéressant, vous avez quelque chose en commun – vous êtes deux à
penser qu’elle et ce qu’elle fait sont deux de vos sujets favoris ! En
substance, votre demande de rendez-vous pour avoir ce e
conversa on consiste à dire : « Hello Anna, je suis très content(e) de
vous joindre. John m’a dit que vous é ez exactement la personne à
qui je devais parler. Je suis très impressionné(e) par ce que je sais de
votre travail et j’aimerais beaucoup vous en entendre parler. Auriez-
vous une demi-heure à me consacrer, où et quand vous voulez,
autour d’un café, le temps de m’en dire un peu plus sur vous ? ». C’est
à peu près tout – vraiment. (Et, oui, il est important de men onner
John, le cher ami ou collègue d’Anna, si c’est possible. John est celui
dont la recommanda on vous a permis de trouver Anna et c’est
également lui qui la rend plus encline à accepter votre invita on. Il y a
de nombreuses Anna de par le monde qui prendraient un café avec
vous, même si vous ne vous recommandiez pas de John, mais ça
marche beaucoup mieux avec ce référent. Nous parlerons de la façon
de trouver des référents au chapitre 8. Ça s’appelle un réseau. Oui, il
faut cul ver un réseau pour un design de vie efficace, mais on y
reviendra).

EXPÉRIENCES PROTOTYPES
Les conversa ons prototypes, c’est très bien ; elles sont
incroyablement informa ves et faciles à obtenir. Mais vous allez
vouloir plus que des histoires pour définir votre design de vie. Vous
allez vouloir faire l’expérience concrète de « ce » que c’est vraiment –
en regardant d’autres le faire ou, encore mieux, en le faisant vous-
même. Les expériences prototypes perme ent d’apprendre par la
rencontre directe d’une possible version future de nous-même. Ce e
variante expérimentale peut consister à suivre pendant une journée le
professionnel qu’on aimerait être (sur le mode « J’emmène un ami au
travail ») ou passer une semaine non rémunérée à travailler sur un
projet exploratoire que vous avez défini ou encore un stage de trois
mois (clairement, un stage de trois mois demande un inves ssement
plus important et un engagement plus fort). Si vous avez eu un bon
nombre de conversa ons prototypes du type interview design, vous
aurez rencontré des gens que vous aimeriez suivre ou observer. Vous
devriez donc être capable de varier les prototypes. Il vous suffit de
demander – et souvenez-vous, les gens aiment rendre service. La
plupart de ceux avec qui nous travaillons sont surpris à quel point
leurs interviews design se passent bien. Les gens qu’ils rencontrent
ont vraiment l’air d’apprécier. Suivre quelqu’un dans son travail, c’est
lui demander une faveur bien plus grande qu’une demi-heure autour
d’un café, mais après une douzaine de ces conversa ons prototypes,
vous serez prêt(e) à demander davantage. Essayez – même s’il vous
faut réessayer plusieurs fois. Vous apprendrez beaucoup.
Trouver des expériences prototypes concrètes, où on vous donne
quelque chose à faire, pas seulement écouter ou regarder, est encore
plus difficile. Mais ça vaut largement le coup de vous salir les mains
pour élucider réellement si quelque chose vous convient. On n’achète
pas une voiture sans l’essayer, n’est-ce pas ? Pourtant, nous faisons
cela sans cesse avec nos emplois et nos changements de vie. C’est
fou quand on y songe. Souvenez-vous de tout ce qu’Élise aurait pu
essayer avant d’ouvrir son épicerie – s’essayer comme traiteur ou
comme serveuse ? Voilà le genre d’idées que vous cherchez.
Concevoir des expériences prototypes comme celles-là, c’est un vrai
travail de design, qui va vous demander d’avoir beaucoup d’idées.
C’est donc un excellent moment pour vous présenter le brainstorming
design – une technique collabora ve pour trouver des tas d’idées.
Voici.

EXPÉRIENCES PROTOTYPES DE
BRAINSTORMING
Reprenez les projets d’Odyssée du chapitre précédent. Nous espérons
qu’ils ont donné naissance à de futures versions de vous-même que
vous aimeriez explorer et que vous avez à présent des ques ons qui
appellent des réponses. Qu’est-ce que ça fait de travailler dans une
pe te boîte après des années passées chez Énorme Interna onal ?
Quelle différence entre diriger à plein temps une ferme bio et y
travailler comme volontaire pendant un été ? À propos, un vendeur,
qu’est-ce que ça fait toute la journée ? Regardez de plus près le projet
d’Odyssée qui était le plus cohérent, le plus enthousiasmant et pour
lequel vous vous sentez assez confiant(e). Quelles ques ons vous
posez-vous ? Qu’aimeriez-vous mieux comprendre en faisant des
prototypes ?
Voilà le défi que nous allons relever en faisant des brainstormings sur
des idées prototypes.
À peu près tout le monde a déjà par cipé à un « brainstorming ». C’est
un de ces mots dont on use et abuse pour tout décrire, depuis un
exercice structuré de créa vité au fait de passer un moment dans une
pièce à lancer des idées. Le brainstorming, une technique pour
générer beaucoup d’idées créa ves et originales, a été décrit pour la
première fois par Alex Osborn dans un livre publié en 1953, Applied
Imagina on (traduit en 1956 sous le tre L’Imagina on construc ve). Il
y décrivait une méthode pour générer des idées qui reposait sur deux
règles : générer beaucoup d’idées sans se préoccuper de leur qualité
et suspendre son esprit cri que pour que les par cipants ne se
censurent pas. Depuis ce e première descrip on, le brainstorming
s’est popularisé comme moyen de générer des idées et de trouver des
innova ons ; il a revêtu bien des formats, mais tous respectent les
deux règles d’Osborn.
Le format le plus courant, c’est le brainstorming en groupe. Un groupe
de personnes, généralement quatre à six, se rassemble, choisit une
ques on ou un problème sur lesquels focaliser la réflexion commune,
avant de passer entre 20 minutes et une heure à générer autant
d’idées que possible pour résoudre le problème posé. L’objec f est
d’obtenir des idées dont on peut rer des prototypes qui seront
testés dans le monde réel.
Pour un brainstorming, il faut un groupe de gens bien inten onnés
qui ont une certaine pra que de la technique. Il n’est pas facile de
trouver de bons par cipants, mais quand un bon groupe est formé, on
peut bien progresser dans la généra on d’idées de design de vie, dont
on pourra faire des prototypes par la suite. Comme les grands
improvisateurs de jazz, les bons par cipants apprennent à se focaliser
sur un sujet, mais peuvent aussi se laisser aller, être dans l’instant et
improviser, trouver des idées réellement originales. Cela demande de
l’entraînement et de l’a en on, mais une fois qu’on maîtrise le
brainstorming design, on ne risque plus jamais de manquer d’idées.
Le brainstorming design se déroule en quatre étapes, selon une
approche très structurée pour trouver beaucoup d’idées de
prototypes. Généralement, si vous animez le groupe, vous aurez déjà
cadré le sujet du brainstorming. L’équipe ne doit pas comporter moins
de trois personnes et rarement plus de six, tous volontaires. Une fois
que le groupe est réuni, la séance se déroule comme suit.

1. Poser une bonne ques on


Pour une séance de brainstorming, il est important de poser une
bonne ques on. L’animateur se sert du processus qui mène à la
ques on pour canaliser l’énergie du groupe. Au cours de ce moment,
il doit garder en tête quelques règles de conduite.
Si la ques on n’est pas ouverte, on n’ob ent pas beaucoup de
résultats et ils ne sont pas très intéressants. Nous avons tendance à
démarrer tous nos brainstormings design avec la phrase « De combien
de façons peut-on imaginer que… » pour être sûrs de ne pas brider
notre produc on. Clara aurait pu organiser son brainstorming autour
de la ques on : « De combien de façons peut-on imaginer que
l’expérience des femmes ait un impact sur leur émancipa on ? ».
Avant de se précipiter pour faire un master, Chung aurait pu organiser
un brainstorming sur « Quelles sont les différentes fonc ons du
conseil en ges on de carrière et quelles rencontres peut-on imaginer
pour illustrer concrètement l’exercice de chacune ? ».
Il faut également faire a en on à ne pas introduire accidentellement
sa solu on dans la ques on. C’est ce qui se produit constamment
avec certains clients de Bill. Ils veulent organiser un brainstorming
pour trouver « dix façons de faire une échelle pour une réserve ». Ce
n’est pas une très bonne façon de poser la ques on parce qu’une
échelle est déjà une solu on (et qu’ils ne veulent que dix idées). Une
meilleure façon serait de se concentrer sur la fonc on de l’échelle :
« De combien de façons peut-on imaginer qu’on… ait accès aux plus
hauts espaces de stockage ? » ou « De combien de façons peut-on
imaginer qu’un… ges onnaire des stocks puisse se déplacer en trois
dimensions dans un entrepôt ? » Ces ques ons ne présupposent pas
que les échelles sont la seule façon de résoudre le problème et ils
élargissent le champ des solu ons à des réponses plus créa ves (et
pourquoi pas des drones de ges on des stocks ?).
Faites également a en on à ne pas poser la ques on de façon
tellement large qu’elle n’a plus de sens. Il nous arrive parfois de
par ciper à des brainstormings design où la ques on est « De
combien de façons peut-on imaginer que… Bob soit heureux ? ».
Ce e ques on vague est vouée à l’échec pour deux raisons : d’abord,
le mot « heureux » signifie trop de choses différentes selon les gens.
Ensuite, la psychologie posi ve nous enseigne que le bonheur dépend
du contexte ; du coup, sans un contexte comme « mon travail » ou
« ma vie sociale », personne ne saura par où commencer. Sans
certaines contraintes, ce genre de brainstorming a tendance à générer
des idées qui ne sont pas sa sfaisantes et qu’on ne peut pas
transformer en prototypes.
La plupart du temps, quand on nous dit : « Notre brainstorming n’a
pas marché », on découvre que la ques on n’était pas bien posée –
soit parce qu’elle présupposait la solu on, soit parce qu’elle était trop
vague pour lancer le processus de généra on d’idées. Surveillez cela
lorsque vous lancez un brainstorming selon notre méthode en quatre
étapes.

2. S’échauffer
Les gens ont besoin de faire une transi on entre leur journée de
travail trépidante, d’un rendez-vous à l’autre, et l’état d’a en on,
détendue et créa ve, propice à une par cipa on u le. Ils ont besoin
qu’on les y aide par une ac vité transitoire qui fait passer leur esprit
d’un mode cri que/analy que à un mode ouvert/synthé que. C’est
un problème entre le corps et l’esprit et il faut une certaine pra que
pour bien opérer ce e transi on. Un bon animateur prend les rênes
de la séance pour s’assurer que tout le monde s’est échauffé et se
sent d’humeur créa ve. C’est essen el pour que le brainstorming soit
plein d’énergie et génère beaucoup d’idées.
Sur notre site www.designingyour.life, vous trouverez une série
d’exercices et de jeux d’improvisa on que nous u lisons tout le temps
avec nos élèves. Voici une pe te idée qui marche toujours : donnez à
chaque membre du groupe une boîte de pâte à modeler. Bill vit une
histoire d’amour avec la pâte à modeler depuis l’époque où il
travaillait pour la compagnie de jouets Kenner Products ; c’est un
matériau magique qui transforme les adultes en enfants. Si vous
laissez les par cipants jouer avec pendant la séance, nous vous
garan ssons que vous ob endrez plus d’idées et qu’elles seront
meilleures.

3. Le brainstorming lui-même
Comme nous l’avons dit au départ, pour un bon brainstorming, il faut
un animateur. C’est lui qui installe la pièce, s’assure qu’il y a du papier,
des post-its et des stylos pour tout le monde et que l’espace est
calme et confortable. L’animateur aide aussi à formuler la ques on,
dirige l’échauffement, s’assure que tout ce qui est dit est bien
enregistré et fait respecter les règles.
Nous recommandons que chaque par cipant ait de quoi écrire pour
noter ses idées. De ce e façon, le groupe n’est pas tributaire de la
vitesse à laquelle l’animateur note les idées et il y a moins de chances
qu’une bonne idée se perde.
RÈGLES DU BRAINSTORMING
1. On vise la quan té, pas la qualité.
2. On suspend tout esprit cri que et on ne censure pas les idées.
3. On construit à par r des idées des autres.
4. On encourage les idées folles.

La règle « On vise la quan té, pas la qualité » aider à fixer un objec f


commun au groupe et favorise l’énergie posi ve. Un bon groupe de
réflexion bouillonne d’idées et la produc on ne s’interrompt
quasiment jamais.
La règle « On suspend tout esprit cri que et on ne censure pas les
idées » garan t qu’on pourra sans crainte formuler toutes les idées
folles qui nous viennent à l’esprit. Les gens ont peur d’avoir l’air bête
et la peur inhibe la créa vité. Ce e règle empêche que ce soit le cas.
« On construit à par r des idées des autres » de la même façon qu’un
musicien de jazz construit son solo dans un quartet à par r des idées
du précédent soliste. On cherche à exploiter la créa vité collec ve du
groupe et ce e règle favorise les interac ons créa ves.
« On encourage les idées folles », non parce que les idées folles elles-
mêmes sont u les (on les u lise rarement dans le tri final), mais parce
qu’on a besoin de casser le mode de pensée tradi onnel. Quand on
va loin dans l’originalité, qu’on passe un peu de temps chez les fous,
les idées qui suivent ont tendance à être plus innovantes et plus
originales. Les idées folles portent souvent en elles les germes des
meilleurs prototypes.

4. Nommer et formuler les résultats


C’est peut-être la par e la plus importante d’un brainstorming et c’est
l’ac vité que la plupart des groupes négligent, selon nos observa ons.
Ils prennent avec leur téléphone une photo du mur couvert de post-
its, se tapent dans les mains chaleureusement et s’en vont. Le
problème avec ça, c’est que les informa ons sur le mur sont assez
fragiles et que si on ne les traite pas immédiatement, la fraîcheur des
idées et de leurs interconnexions est perdue. Plus tard, les
par cipants ont souvent l’impression qu’il ne s’est rien passé et
n’arrivent plus à se rappeler les progrès accomplis pendant la séance.
Les idées doivent être comptées – vous voulez être capable de dire :
« On a eu 141 idées ». Regroupez les idées similaires par sujet ou
catégorie, donnez un nom à ces catégories et formulez les résultats
en faisant référence à la ques on originale. Pour chaque catégorie, on
fournit une descrip on et on lui donne un nom plutôt marrant, qui
reflète les caractéris ques essen elles de ce groupe d’idées. Ensuite,
on vote. Voter est important et il faut le faire en silence pour que les
par cipants ne soient pas influencés. Nous aimons u liser des points
colorés pour voter et aussi nous servir de catégories comme :

• La plus excitante ;
• Celle qu’on ferait si l’argent ne comptait pas ;
• L’outsider – ça ne marchera probablement pas, mais dans le cas
contraire… ;
• Celle qui a le plus de chances de mener à une super vie ;
• Si on pouvait se dispenser des lois de la physique…

Une fois qu’on a voté, on débat de celles qui ont été sélec onnées, on
les regroupe si on peut et on les reformule à nouveau ; on décide
ensuite celle qui va servir au premier prototype.
À la fin de ce processus en quatre étapes, l’objec f est de dire quel
que chose comme : « Nous avons eu 141 idées, nous les avons
regroupées en six catégories et, par rapport à notre ques on de
départ, nous en avons sélec onné huit géniales pour faire des
prototypes ; enfin, nous les avons classées par ordre de priorité et
notre premier prototype est… ». Souvent, on peut revenir un peu sur
une des idées folles pour la transformer en grande idée. Imaginons
par exemple qu’il soit sor du brainstorming de Clara l’idée folle
de « Rencontrer cent donateurs à des associa ons de défense des
femmes ». Clara aurait pu se dire que cent rendez-vous, c’était plus
qu’elle n’était capable d’en obtenir, mais l’idée de s’ouvrir l’accès à un
large champ d’expérience et de capacité de recul était séduisante – et
pouvait donner d’idée de chercher un groupe de donateurs – ce qui
est exactement ce qu’elle trouva avec la Fonda on des femmes
californiennes.
Si vous suivez les quatre étapes et obtenez des résultats comme
ceux-là, vous n’aurez pas perdu votre temps avec ce brainstorming
design. Il génèrera de l’énergie et lancera une dynamique vers votre
objec f de trouver des expériences prototypes. C’est un exercice que
vous pouvez u liser avec des gens en qui vous avez confiance chaque
fois que vous avez besoin d’idées, du sou en d’une communauté ou
juste d’un peu plus de fun dans votre vie.
Une excellente façon de le faire serait de combiner la réunion de
présenta on de vos projets d’Odyssée (décrite au chapitre 5) avec
une expérience prototype de brainstorming. Les gens avec qui vous
travaillez passeront un bien meilleur moment s’ils peuvent non
seulement réagir à vos idées, mais aussi contribuer directement à
votre design de vie, avec des idées et des exemples réalisables de
prototypes.
À vous de jouer
Prototypes

1. Reprenez vos trois Projets d’Odyssée et les ques ons que


vous avez écrites pour chacun.
2. Faites une liste de conversa ons prototypes qui pourraient
vous aider à répondre à ces ques ons.
3. Faites une liste d’expériences prototypes qui pourraient
vous aider à répondre à ces ques ons.
4. Si vous êtes bloqué(e) et si vous avez assemblé un bon
groupe, faites un brainstorming pour trouver des possibilités.
(Vous n’avez pas d’équipe ? Essayez les cartes mentales).
5. Construisez vos prototypes en recherchant ac vement des
interviews et des expériences design.
CHAPITRE 7

Comment ne pas trouver de boulot


S teve Jobs et Bill Gates n’ont jamais écrit de CV, par cipé à un
forum pour l’emploi ou bataillé pour trouver le ton parfait de la
première phrase parfaite de la le re de mo va on parfaite. La
perfec on n’intervient pas dans le design de vie et il n’y a
certainement rien de parfait dans le modèle standard qu’u lisent
90 % des postulants à un job – technique dont certains disent qu’elle
a un taux de succès inférieur à 5 %. C’est bien ça, 90 % d’entre nous
u lisent une méthode qui marche dans 5 % des cas.
Kurt venait juste de terminer deux années comme chercheur ra aché
à l’université, après avoir obtenu son master en design, dans notre
cursus à Stanford – en plus de celui qu’il avait déjà obtenu à Yale en
architecture écologique – quand il découvrit, avec sa femme Sandy,
que leur premier bébé était en route. Ils décidèrent de qui er la
Silicon Valley pour Atlanta, en Géorgie, pour avoir leur enfant près
des parents de Sandy. Kurt était finalement prêt à faire jouer tous ses
diplômes é ncelants pour trouver un travail qu’il aimerait et qui
payerait leurs factures. Kurt savait comment penser comme un
designer, mais quand il débarqua en Géorgie, il se sen t obligé de se
prouver à lui-même (ainsi qu’à sa femme et ses beaux-parents) qu’il
pouvait trouver un emploi – et vite. Il s’ac va donc. Il fit ce qu’il fallait.
Il choisit avec soin des annonces près de chez lui, qui correspondaient
bien à son parcours. Il sélec onna les proposi ons les plus viables et
envoya trente-huit candidatures, accompagnées de son
impressionnant CV et de trente-huit le res de mo va on
soigneusement individualisées.
Il aurait dû repousser les assauts des recruteurs et crouler sous les
proposi ons, mais ça ne se passa pas ainsi. Sur ses trente-huit
candidatures, Kurt reçut des mails de refus secs de la part de huit
sociétés et n’entendit jamais parler des trente autres. Huit non, trente
rien. Pas d’entre en, pas de proposi on, aucun appel. Il en fut
découragé et plus qu’inquiet sur la façon dont il allait subvenir aux
besoins de sa fille qui allait naître. Et il était allé à Yale et à Stanford.
Alors imaginez pour le reste d’entre nous !
Ce e première approche de Kurt avait été celle de la plupart des
gens – le modèle dit « standard » pour une recherche d’emploi. On
consulte une liste d’offres sur Internet ou sur le site d’une société, on
lit le descrip f du poste, on décide si c’est un job « parfait » pour soi,
on envoie son résumé et une le re de mo va on et on a end qu’un
recruteur vous appelle pour vous proposer un entre en. Et on a end.
Et on a end.
Et on a end toujours.
Le problème est que 52 % des employeurs reconnaissent qu’ils
répondent à moins de la moi é des candidatures11.
Si ce modèle standard échoue aussi souvent, c’est qu’il est basé sur
l’idée fausse que le job parfait vous a end quelque part.

CHERCHER SUR INTERNET


L’idée qu’Internet est l’alpha et l’oméga de la recherche d’emploi s’est
largement répandue, mais c’est un autre principe à problème. Qui
mène à beaucoup de frustra on, avec une pointe de démoralisa on.
La plupart des super jobs – ceux qui forment la catégorie « emplois de
rêve » – n’apparaissent jamais dans les lis ngs. Les emplois les plus
intéressants des start-ups – ces sociétés qui deviendront les
prochains Google ou Apple – sont pourvus avant d’apparaître sur
Internet. Les sociétés de moins de cinquante employés et sans
département de ressources humaines sont souvent des endroits
excitants pour travailler, mais elles ne proposent pas de postes de
façon régulière. Les grandes sociétés offrent généralement leurs
postes les plus intéressants uniquement à l’interne, invisibles donc
pour la plupart des chercheurs d’emplois. De nombreuses autres
offres ne sont publiées qu’après avoir d’abord essayé de les pourvoir
par bouche-à-oreille ou au travers des réseaux sociaux. Les super
postes ne sont pas sur Internet. Peu importe ce que vous a dit le frère
de l’ami de votre cousin sur la façon dont il a trouvé le sien.
Quand on cherche un emploi sur Internet, il faut un temps
considérable pour rédiger une bonne le re de mo va on, modifier
son CV pour qu’il corresponde à la descrip on du poste, gérer et
suivre les dizaines et dizaines de candidatures. Et de tout ce temps et
tout ce travail, tout ce qui sort, c’est beaucoup de silence. Un silence
assourdissant. Un retour posi f est tellement rare avec les
candidatures en ligne qu’une ac vité déjà déplaisante (chercher un
job) le devient encore davantage. N’u liser qu’Internet pour trouver
un emploi, ça n’est rien de moins que du masochisme.
Nous vous recommandons de ne pas u liser Internet comme
principale source de recherche, même si on y trouve chaque semaine
des milliers d’offres. Si vous voulez quand même essayer ce e voie,
voici quelques tuyaux pour améliorer vos chances.

COMPRENDRE LES DESCRIPTIONS DE POSTE


Nous devons ici rendre le mérite qui leur revient aux recruteurs du
monde en er : ils ont tous de bonnes inten ons. Simplement, le
processus ne fonc onne pas très bien. Puisque l’annonce, les
entre ens et l’embauche sont des étapes répétées des centaines de
fois par an dans les grandes sociétés, ils ne peuvent pas y passer trop
de temps. Personne ne voulant passer à côté d’un bon candidat, les
entreprises publient sur Internet des descrip ons assez génériques,
pour recevoir le plus de candidatures possible. N’oubliez pas que,
pour un recruteur, ce e ac vité vient en plus de toutes ses tâches
quo diennes, du coup la publica on d’offres adaptées ne reçoit
souvent pas le temps et l’a en on qu’elle mérite.
Combien de fois vous êtes-vous dit : « Mon CV correspond
parfaitement à ce e descrip on ! ». Du coup, vous avez envoyé votre
candidature et n’avez jamais reçu de réponse, pas même la
confirma on qu’ils avaient reçu votre CV. Il y a deux choses à
comprendre sur ce processus d’un point de vue interne, pour y voir
un peu de logique et que ça fasse moins mal.
1. La descrip on du poste sur le site n’est généralement pas
rédigée par le responsable du recrutement, ni même quelqu’un qui
connaît bien le poste.
2. La descrip on du poste ne retranscrit presque jamais ce qu’il
faut vraiment pour réussir dans ce poste.

Pour illustrer notre propos, prenons des éléments rés ou inspirés


d’annonces réelles trouvées sur Internet. La plupart des annonces
s’efforcent de décrire ce que l’entreprise recherche en deux ou trois
par es.

1re par e : le décor


C’est l’accroche de l’annonce, qui con ent souvent quelque chose
comme ça :

Entreprise X recherche un candidat (pour le poste X) ayant le profil


suivant :
• Bonnes capacités de communica on à l’écrit comme à l’oral ;
• Bonnes capacités d’analyse ;
• Bonnes capacités d’organisa on et de repor ng ;
• Personne très mo vée et créa ve ;
• Capacité démontrée à jongler entre les priorités et à réagir
rapidement ;
• Sens de l’ini a ve, goût de l’ac on, grande a en on portée aux
détails ;
• Innova on et connaissance du marché ;
• Passion pour l’expérience client.

Ces qualifica ons sont tellement génériques qu’elles ne disent rien du


poste. Il s’agit des qualités, pas des compétences, de n’importe quel
bon employé.
2e par e : les compétences
Le paragraphe des qualités génériques est généralement suivi par une
liste incroyablement détaillée de compétences et de diplômes.

Les meilleurs candidats pour ce poste auront les expériences


suivantes :
• Licence, maîtrise ou doctorat avec dix années d’expérience
(correspondant exactement à l’ac vité de notre entreprise) ;
• Cinq à dix ans de pra que d’un vieux logiciel obscur que nous
con nuons à u liser ;
• Trois à cinq ans d’expérience d’une obscure pra que spécifique
que seuls les gens qui travaillent ici connaissent.

Ce e par e de la descrip on est toujours basée sur les compétences


du précédent tulaire du poste ; c’est une leçon d’histoire. Elle ne
ent pas compte du fait que le poste puisse évoluer à l’avenir ni que
la compétence spécifique requise puisse être obsolète dans six mois,
quand la société changera de système d’exploita on. Pas plus qu’elle
ne ent compte du fait que les procédures et autres modes
opératoires évoluent constamment dans les sociétés bien portantes
en expansion.

3e par e : « ce qui dis ngue le candidat »


A endez, ce n’est pas fini. Notre par e favorite des descrip ons de
poste, c’est le moment où la personne débordée qui rédige ce e
annonce décide soudain de laisser un peu de vérité percer et ajoute
des qualifica ons comme

Ce poste n’est pas pour les pe tes natures et seuls ceux qui ont
démontré leur capacité de réussite doivent se porter candidats.
Nous appelons celle-là la men on « Il faudrait être fou pour faire ce
travail ». Elle signifie en réalité « C’est un boulot nul, et seuls les gens
qui ont survécu à des boulots nuls devraient se porter candidats ».

Recherchons : superhéros capables de fournir une incroyable


quan té de travail dans des délais invraisemblablement serrés.

Ce e men on « superhéros » doit être comprise comme « C’est un


boulot impossible et personne ne peut y arriver ».

En plus de vos capacités à produire des solu ons élégantes et


inspirantes, vous êtes une force d’intui on et de persuasion
lorsque vous analysez les nouvelles stratégies et que vous en
déba ez avec vos collaborateurs.

Nous appelons celle-là la men on « vœux pieux ». Nous n’avons


jamais rencontré de candidat qui ne pensait pas être intui f, persuasif,
élégant et inspirant. C’est bien que nous nous voyons tous ainsi, mais
ça n’aide pas à grand-chose lorsqu’on sélec onne des candidats.
Nous le répétons, nous n’avons rien inventé. Ces phrases ont été
extraites telles quelles de grands sites d’annonces. Et nous ne
pensons pas que ce soit très bien joué de la part des entreprises – il
est peu probable que ces descrip ons de poste n’a rent que les
meilleurs candidats. Cela dit, il existe des façons d’u liser les
annonces du web lorsque vous savez comment elles sont
fabriquées/composées.

ÊTRE COMPATIBLE AVANT DE SE


DISTINGUER
Pour être sélec onné pour un éventuel entre en, votre CV doit finir
sur le haut d’une pile. La première chose consiste donc à « être
compa ble ». Ça ne veut pas dire qu’il faut men r sur son compte. Ça
veut dire que, si vous voulez qu’on vous trouve, il faut vous décrire
dans les mêmes termes que ceux u lisés par la société. Ça signifie
aussi que ce n’est pas encore le moment de parler de vos incroyables
compétences interdisciplinaires – ça ne ferait que compliquer
l’évalua on de votre compa bilité.
La plupart des sociétés, grandes ou moyennes, qui passent par le web
pour récolter des CV u lisent une base de données RH ou de
« ges on des talents ». Le responsable du recrutement ne voit jamais
l’original. Votre CV va être « trouvé » au moyen d’une recherche par
mots-clés dans la base de données et les mots-clés proviennent le
plus souvent de la descrip on du poste. Donc, pour accroître vos
chances, u lisez les mêmes mots que ceux qui sont employés dans la
première par e de la descrip on du poste.
La liste des compétences spécifiques requises est importante, mais
souvent pas décisive. Rappelez-vous, les descrip ons sont faites
d’après le poste actuel, pas ce qu’il va devenir. Si vous possédez ces
compétences, parfait ; ajoutez-les à votre CV, mot pour mot. Sinon,
faites la liste des compétences voisines. Trouvez des façons de les
décrire qui pourraient les faire ressor r dans une recherche par mots-
clés basée sur la descrip on du poste.
Enfin, dans la phase « sélec on des candidats » du processus de
recrutement, les gens recherchent une correspondance de
compétences. Quand vous passez un entre en, il faut être très
a en f à façonner un historique bien « compa ble ». Si vous voulez
être sélec onné(e) dans une équipe de baseball amateur et que
l’entraîneur a besoin d’un lanceur, il cherche un lanceur, pas un
receveur ou un ailier. Ce n’est pas le moment de parler de votre
ancienne collec on de vigne es de baseball ou du fait que vous êtes
incollable sur le baseball ou qu’à vos heures perdues, vous faites des
gâteaux en forme de balle de baseball. Vous parlez de lancers.
Pendant la période de sélec on, ne parlez pas des talents ou
compétences qui ne font pas par e de la descrip on du poste. Vous
donnerez l’impression d’être éparpillé(e). On pourra croire que vous
n’êtes pas intéressé(e) par cet emploi. Pire, vous passerez pour
quelqu’un qui ne sait pas écouter, parce que vous répondez à côté de
la ques on. Il y a, plus tard dans le processus, un moment pour « se
dis nguer », mais, si vous le faites au début, vous serez sor (e) du
groupe des candidats.
Voici un résumé de nos tuyaux pour rendre une recherche sur le web
plus efficace :

Tuyau 1 : Réécrire son CV en u lisant les mêmes mots que dans


l’annonce.
Dites : « bonnes capacités de communica on à l’écrit comme à l’oral »
et pas : « Je suis un bon rédacteur et je suis doué pour la com
munica on » ; dites « passion pour l’expérience client » et pas :
« a tude centrée sur les u lisateurs ». Vous améliorerez vos chances
d’être repéré(e) dans une recherche par mots-clés. Et puis, soyez
généreux(se) ; ce n’est pas le moment d’être modeste. Après tout, on
est tous « très mo vés » et « créa fs », n’est-ce pas ?

Tuyau 2 : Si vous possédez une des compétences requises, me ez-la


dans votre CV exactement comme elle est rédigée dans l’annonce.
Si vous n’avez pas ce e compétence, trouvez une façon de décrire les
vôtres en u lisant les mots de la recherche par mots-clés.

Tuyau 3 : Centrez votre CV sur le poste tel qu’il est décrit.


Même si la descrip on du poste n’est pas très juste, cela augmentera
vos chances de faire remonter votre CV dans une recherche.
Concentrez-vous ensuite sur les capacités que vous pouvez me re au
service de la société, en u lisant leurs mots aussi souvent que
possible. Concentrez-vous sur ce que vous pouvez faire pour eux et
non sur ce qui fait que cet emploi vous convient. Ne vous présentez
pas comme une personne généraliste ou pluridisciplinaire sur votre
CV ou lors du premier entre en. Concentrez-vous sur leurs besoins.
Une fois qu’ils sont assurés que vous avez les compétences
nécessaires, vous pouvez les impressionner par votre profondeur.
Voilà comment on se « dis ngue ».
Tuyau 4 : Amenez toujours une copie récente et bien imprimée de
votre résumé à un entre en.
C’est sans doute la première fois que quelqu’un verra le mal que vous
vous êtes donné pour ce satané truc.

Il y a quelques autres éléments dont il faut avoir conscience pour


chercher du travail sur le web en toute sécurité. Les connaître peut
vous épargner des centaines d’heures perdues.

LE SYNDROME DU SUPER-POSTE
Nous avons constaté que les annonces requièrent fréquemment des
qualifica ons que les gens en poste n’ont absolument pas. C’est la
version managériale de prendre ses espoirs pour des réalités, elle
sévit partout. En gros, le processus se déroule comme cela :
Jane (employée démissionnaire) était une excellente ges onnaire de
projet, mais, bon sang, j’aurais aimé qu’elle soit meilleure à X, Y et Z.
Maintenant qu’elle est par e, postons une offre pour une « Super
Jane » et faisons la liste de tout ce que faisait Jane, plus toutes les
choses qu’on aurait aimé qu’elle fasse, et espérons que ça marche.
La descrip on du super-poste est mise en ligne, des CV sont collectés
dans une recherche par mots-clés et les candidats sont
présélec onnés par téléphone. Des entre ens sont organisés et les
candidats sont éliminés un par un parce qu’ils n’ont pas le profil d’une
« Super Jane ». D’autant plus que personne correspondant à la
nouvelle descrip on du poste n’acceptera de travailler pour le salaire
de Jane. Le processus est faussé au départ – il épuise l’équipe chargée
du recrutement comme les candidats et, à la fin, personne n’est
embauché.
En tant que chercheur d’emploi, il faut élucider au plus tôt si on est
embringué dans un processus de ce type.
Une façon de le savoir, c’est de faire quelques recherches pour voir
depuis combien de temps le poste est ouvert. Dans un marché du
travail sain, une offre ne devrait pas être accessible plus de quatre
semaines (six maximum).
Une autre méthode consiste à savoir combien de personnes ont déjà
passé un entre en. Ces deux données donnent une idée de ce qui se
passe en coulisses. Elles sont étonnamment faciles à se procurer. Il
suffit de demander à une des personnes qui fait passer les entre ens.
S’ils sont dans ce e situa on, ils savent que quelque chose ne va pas,
ils sont frustrés et il est probable qu’on vous le dira. Ils confesseront
peut-être qu’ils songent eux-mêmes à s’en aller. Ça arrive plus
souvent qu’on ne croit !
Nous avons constaté que, si plus de huit personnes ont déjà été
passées à ce e mouline e et qu’aucune décision n’a été prise, il y a
probablement quelque chose qui ne va pas dans le processus de
recrutement. C’est le signe que l’entreprise n’est probablement pas un
très bon endroit où travailler et qu’il faut rapidement chercher
ailleurs.

LE SYNDROME DE L’ANNONCE FANTÔME


Autre point à surveiller. De nombreuses sociétés ont pour règle, avant
de pouvoir embaucher quelqu’un, de me re en ligne la descrip on du
poste, soi-disant pour s’assurer que ce sont bien les meilleurs
candidats qui sont iden fiés et embauchés. Mais souvent, les
managers ont déjà sélec onné le candidat qu’ils souhaitent
embaucher, en interne ou à l’extérieur. Sachant comment contourner
la bureaucra e de l’entreprise, ils rédigent une annonce très détaillée
du poste – qui correspond exactement au profil de leur candidat –,
puis ils publient l’annonce « fantôme », a endent les deux semaines
requises, procèdent à quelques entre ens superficiels et embauchent
la personne qu’ils voulaient depuis le début. Comme la descrip on a
été rédigée pour correspondre au CV du candidat présélec onné, le
recruteur peut « prouver » que c’est la personne la plus qualifiée qui a
été embauchée.
Ce e « offre » d’emploi n’a jamais vraiment existé. Mais vous avez pu
envoyer votre candidature en pensant qu’elle était réelle et ne jamais
plus entendre parler de ce e société. Ou, pire, ils ont pu vous faire
perdre votre temps avec un entre en fac ce sans jamais donner
suite. Une façon de savoir si c’est le cas, c’est de voir à quelle vitesse
tournent les offres sur le site de la société. Si elles apparaissent et
disparaissent en une ou deux semaines, ça peut être l’explica on.

ALERTE : LES ENTREPRISES COOL ET LES


FAUX-POSITIFS
Il faut faire par culièrement a en on quand on essaie d’entrer dans
une entreprise cool – une entreprise bouillonnante, en pleine
croissance, où tout le monde veut travailler. Ici, dans la Silicon Valley,
elles s’appellent Google, Apple, Facebook et Twi er – vous en avez
peut-être entendu parler. On peut trouver des entreprises cool dans
tous les secteurs d’ac vité bien portants ; vous connaissez sans doute
celles des secteurs qui vous intéressent. Le problème, c’est qu’il y a
non seulement trop de candidats qualifiés, mais également trop de
candidats excellents. Pour ces sociétés, le nombre d’excellents
candidats est bien supérieur au nombre de postes ouverts. En
conséquence, elles ne craignent absolument pas de ne pas pouvoir
embaucher des gens fantas ques. Leur seule crainte, c’est
d’embaucher un mauvais profil. Si une société conclut à tort que
quelqu’un de simplement moyen est un bon candidat, ça cons tue
un « faux-posi f » – et c’est le cauchemar d’un recruteur.
Un mauvais recrutement est incroyablement coûteux et pénible. Il est
difficile de licencier les gens aujourd’hui (les procédures judiciaires
n’ont jamais été aussi nombreuses) et, même quand on y parvient, il
faut recommencer tout le processus de recherche, le travail pour
lequel on a recruté la personne n’est pas fait, on prend du retard sur
les objec fs, on perd de l’argent… La liste n’a pas de fin. Les
entreprises feraient n’importe quoi pour éviter les faux-posi fs. Ce
qui entraîne une certaine tolérance vis-à-vis des « faux-néga fs » – le
fait de prendre à tort un excellent candidat pour un mauvais. Perdre
par erreur un excellent candidat ne coûte rien à une entreprise cool :
il y en a plein d’autres devant la porte ; si on en perd quelques-uns,
c’est bien moins grave qu’une mauvaise embauche. Du coup, leurs
processus de recrutement sont parfois draconiens. Des gens géniaux
sont fréquemment rejetés, souvent sans savoir pourquoi. Ça peut
vous arriver. Ces sociétés sont souvent capables de recruter des gens
qui correspondent exactement à ce que la descrip on aberrante du
poste requiert (je sais que nous avons dit que ça n’arrivait pas dans la
réalité – mais les entreprises cool déforment ce e réalité). Donc, s’il y
a quoi que ce soit qui cloche par rapport au profil recherché, ou
quelques jours de retard dans l’entrée en lice, vous pouvez perdre vos
chances, même si vous êtes un excellent candidat qui ferait une
excellente recrue. Ils s’en fichent. Pas la peine. Ce n’est pas de la
méchanceté – juste une bonne décision de ges on, née des
obliga ons créées par leur popularité et leur réussite.
Il s’agit d’un problème gravitaire : vous ne pouvez rien y faire. Si vous
désirez entrer dans une de ces sociétés, il faut respecter leurs règles
et espérer avoir les cartes pour l’emporter. Souvenez-vous : elles
veulent embaucher des gens super et peuvent cons tuer un lieu de
travail génial si vous passez cet obstacle. Si vous voulez travailler dans
une de ces entreprises, vous devez vraiment entrer en rela on avec
des gens à l’intérieur, en u lisant les conversa ons prototypes
précédemment évoquées. Une connexion personnelle peut
énormément aider. Il vous faudra quand même passer par le
processus de recrutement, mais ça vous aidera. Nous ne vous disons
pas de ne pas tenter le coup – beaucoup d’employés de ces sociétés
adorent leur boulot, donc ça peut valoir le coup. Mais soyez très
honnête avec vous-même sur vos chances, ensuite caveat emptor – la
responsabilité incombe à l’acheteur.

COMMENT ÇA DEVRAIT SE PASSER


Vous avez peut-être remarqué l’absence flagrante d’annonce de ce
type :
• Recherchons candidats qui aimeraient faire correspondre leur
concep on du travail avec leur concep on de la vie.
• Recherchons candidats qui croient que pour faire du bon travail, il
faut bien u liser ses meilleures capacités.
• Recherchons candidats très intègres, capables d’apprendre vite et
dotés d’une forte mo va on interne ; nous pouvons vous
apprendre tout le reste.

Dans notre monde idéal, ça devrait se passer comme ça.


Mais voilà comment ça se passe : les entreprises publient des
annonces alambiquées qui ne disent pra quement rien d’u le sur le
poste pour l’employé poten el. Ils noient ensuite ces descrip ons
dans un torrent de commentaires insensés à propos de superhéros et
de courage. Aucune des annonces que nous avons trouvées sur le
web ne semblait parler des problèmes que nous avons évoqués.
Jamais elles n’abordaient des ques ons plus profondes comme les
raisons pour lesquelles nous travaillons ou à quoi sert de travailler.
C’est un miracle qu’il y ait des gens qui fassent acte de candidature à
ces postes.
Souvenez-vous, les designers de vie ne travaillent pas sur les
problèmes gravitaires. Nous n’allons pas « réparer » les annonces sur
Internet. Mais ne vous inquiétez pas. Même si elles sont globalement
nulles, elles représentent quand même un point d’entrée possible
pour votre conversa on avec l’ins tu on qu’elles représentent.
La lucidité est un élément essen el du design de vie et c’est
par culièrement vrai quand il s’agit de sa vie professionnelle. Si vous
êtes lucide sur les processus de recrutement, de rédac on des
annonces, de lecture des CV, de conduite des entre ens (du point de
vue des employeurs), votre taux de réussite augmente sensiblement.
L’empathie est un point crucial dans la pensée design ; éprouver de
l’empathie – et de la compréhension – pour le pauvre recruteur noyé
sous une pile de CV vous aidera à bâ r une recherche plus efficace.
Se faire embaucher demande un recadrage design simple, mais
important.
Principe à problème : Pour trouver un job, je dois me concentrer sur
mes besoins.
Recadrage : Je me concentre sur le besoin du recruteur de trouver la
bonne personne.

En résumé, il n’y a pas un job parfait auquel vous correspondez


parfaitement, mais vous pouvez rendre beaucoup de jobs
suffisamment parfaits.

11. Selon un rapport de 2015 de CareerBuilder,


h p://careerbuildercommunica ons.com/candidatebehavior/.
CHAPITRE 8

Dessiner son job de rêve


Principe à problème : Le job de mes rêves m’a end quelque part.
Recadrage : Je fabrique le job de mes rêves par un processus de
recherche et de co-créa on ac ves.

Si le job de vos rêves ne vous a end pas sur le pas de la porte quand
vous rentrez chez vous, où le trouver ? D’abord, soyons clairs, le job
de vos rêves n’existe pas. Pas de licorne. Rien d’offert. Ce qu’on peut
trouver, ce sont des tas d’emplois intéressants dans des organisa ons
valables composées de gens travailleurs et dévoués qui essaient de
faire de leur mieux. Il y a de bons emplois dans de bonnes entreprises
avec de bons collègues, dont au moins quelques-uns que vous pouvez
rendre assez parfaits pour aimer les occuper. Voilà les « jobs de rêve »
que nous pouvons vous aider à trouver, mais vous ne pouvez voir
quasiment aucun d’entre eux, parce qu’ils font par e de la par e
cachée du marché du travail.
Comme nous l’avons dit plus tôt, nous ne recommandons pas de
chercher un emploi sur Internet. En fait, aux États-Unis, seuls 20 %
des emplois disponibles sont publiés sur Internet – et même publiés
tout court. Ça signifie que quatre emplois vacants sur cinq ne sont
pas accessibles par le modèle standard de recherche. Un chiffre
considérable ; pas étonnant qu’autant de gens se sentent frustrés et
rejetés quand ils sont à la recherche d’un emploi.
Comment pénétrer sur ce marché caché de l’emploi ? Eh bien, on ne
peut pas. Personne ne le peut. « L’entrée sur le marché caché de
l’emploi », ça n’existe pas. Le marché caché de l’emploi, c’est le marché
de l’emploi qui n’est ouvert qu’aux gens qui sont déjà connectés au
réseau de rela ons professionnelles au sein duquel cet emploi réside.
C’est un jeu d’ini és et il est pra quement impossible d’y entrer en
tant que chercheur d’emploi. Mais il est tout à fait possible de
pénétrer ce réseau en tant qu’observateur sincèrement intéressé –
quelqu’un qui s’intéresse à ce e histoire (pas à ce poste). Voilà
comment ça marche. C’est un merveilleux hasard que la meilleure des
techniques pour savoir quel genre de travail vous pourriez avoir envie
de faire (réaliser des interviews design prototypes, voir chapitre 6)
soit aussi la meilleure, sinon la seule, façon d’entrer sur le marché
caché du domaine qui vous intéresse, une fois que vous savez ce que
vous voulez. Kurt – celui qui avait un master de Yale et de Stanford et
trente-huit candidatures soignées pour zéro offre d’emploi – était
démoralisé par son manque de réussite avec les méthodes de
recherche tradi onnelles. Comprenant qu’il était temps d’appliquer la
pensée design à sa recherche d’emploi, Kurt cessa d’envoyer sa
candidature et commença à réaliser des interviews design. Il eut
cinquante-six véritables conversa ons prototypes avec des gens qu’il
avait vraiment envie de rencontrer. Ces cinquante-six conversa ons
débouchèrent sur sept proposi ons d’emploi de grande qualité et un
emploi de rêve (un vrai, pas un imaginaire) – qu’il ob nt. Il travaille
désormais à plein temps pour une société avec des horaires flexibles,
proche de chez lui, une bonne rémunéra on et un travail qui a du
sens pour lui, dans le secteur du design durable. Et ces sept
proposi ons, il les a obtenues non pas en demandant un job, mais en
demandant aux gens l’histoire de leur vie – cinquante-six fois.
Rappelez-vous, tout ce qu’on cherche dans une interview design (en
tant que conversa on prototype), c’est d’en savoir plus sur un mé er
ou un poste par culier, pour savoir si l’on aura envie, plus tard, de
faire soi-même un travail similaire. Quand on mène ce e
conversa on, on n’essaie vraiment pas d’obtenir un emploi – juste une
histoire. « A endez une minute », vous exclamez-vous alors. « Vous
venez juste de me dire comment Kurt a reçu sept proposi ons en
cinquante-six interviews design. Comment est-ce arrivé ? Comment
passe-t-on d’une histoire à un job ? » Bonne ques on. Et ques on
importante. La réponse est étonnamment simple.
La plupart du temps, la personne qui vous parle le fait pour vous.
« Kurt, tu as l’air très intéressé par ce que nous faisons ici et, de ce
que tu m’as dit jusque-là, il semble que tu aies des compétences que
nous pourrions u liser. As-tu déjà pensé à travailler dans une boîte
comme celle-ci ? »
Plus de la moi é du temps, quand l’approche que nous
recommandons déclenche une proposi on, elle vient d’eux. Vous
n’avez pas à le faire. S’ils ne le font pas, vous pouvez poser une
ques on qui fera basculer la conversa on de leur histoire à une
recherche d’emploi.
« Plus j’en apprends sur XYZ Environnement et plus je rencontre les
gens d’ici, plus ça m’intéresse. Je me pose la ques on, Allen, quel
serait le cheminement pour que quelqu’un comme moi fasse par e de
ce e organisa on ? »
C’est tout. Aussitôt que vous posez la ques on : « Quel serait le
cheminement pour que quelqu’un comme moi fasse par e de ce e
organisa on ? », Allen sait qu’il est temps de changer de régime et de
vous envisager comme un candidat possible. Ça signifie que son
esprit cri que va se me re en branle, mais c’est normal. Ça doit bien
finir par arriver, donc, quand c’est le bon moment, foncez.
Remarquez bien qu’il ne s’agit pas de dire : « Wow, c’est génial ici !
Vous cherchez quelqu’un ? ». Pour les raisons que nous avons
exprimées plus tôt, la réponse est probablement « non ». « Quel serait
le cheminement pour… » est une ques on ouverte (qui n’a end pas
une réponse par oui ou par non) et qui invite à des perspec ves plus
lointaines que ce qui est simplement vacant aujourd’hui. Et si vous la
posez à quelqu’un comme Allen, avec qui vous avez établi une
connexion et chez qui vous avez éveillé une certaine a en on, nous
espérons qu’il va vous faire une réponse sincère, mais bien
inten onnée. Dans certains cas, Allen pourrait même dire : « Non, il
n’y a rien chez nous pour le moment, mais je crois que tu pourrais très
bien t’intégrer chez un de nos partenaires. Tu as déjà rencontré des
gens chez Green Space ? Je crois que ce qu’ils font te plairait ».
Ça arrive. Tout le temps.
À propos, pour six des sept sociétés dont Kurt a reçu une proposi on,
il n’a pas eu à demander. Il a simplement recueilli les histoires des
gens qu’il interviewait et ils lui ont posé la ques on. Toutes ces
proposi ons sauf une ne furent pas publiées sur les sites
d’annonces – accessibles seulement sur le marché caché de l’emploi.
Le poste publié fut finalement celui qu’il choisit. Mais l’annonce
n’avait été publiée qu’après qu’il eut pris rendez-vous avec le PDG
pour une interview design ; un entre en qui se passa si bien que
quand l’annonce fut publiée, l’affaire était déjà pliée.
Oh, encore un pe t détail à propos de Kurt. Le dernier entre en avec
la société pour laquelle il travaille désormais se déroulait avec les cinq
membres du comité de direc on. Leur première ques on
fut : « Pensez-vous que vous puissiez efficacement établir une
rela on de partenariat entre les différents acteurs de l’architecture
durable ici ? Après tout, vous venez juste de vous installer en
Géorgie ». En regardant les gens autour de la table, Kurt avait eu
l’heureuse surprise de reconnaître trois des cinq membres du bureau,
pour avoir pris un café avec eux. Il répondit : « Eh bien, j’ai déjà réussi
à rencontrer trois d’entre vous. Je serais ravi de con nuer à faire ce
genre de rencontres au nom de ce e organisa on ». Ouais – il a réussi
son entre en. Mais avant cela, il avait dû faire beaucoup d’efforts
pour se bâ r un réseau.

CONSTRUIRE UN RÉSEAU
Quand Kurt s’est vraiment mis au travail pour réaliser ses interviews
prototypes, il a dû joindre toutes sortes de gens pour récolter les
connexions et les recommanda ons qui lui perme raient d’entrer en
contact avec les gens qu’il avait besoin de rencontrer. Pour obtenir
ces recommanda ons, Kurt a dû se bâ r un « réseau ». Il a dû faire
appel à ses contacts et aux contacts de ses contacts ; il a même dû
faire appel à des inconnus, iden fiés sur le net. Il a ensuite demandé à
ces personnes à qui il devrait s’adresser – quelles histoires il devait
entendre pour en savoir plus sur l’architecture durable dans la région
d’Atlanta. Ce fut difficile. Certainement pas la par e la plus agréable
du processus pour Kurt (pour personne, en fait), mais ça a fonc onné.
Et c’est absolument indispensable.
Bon, des tas de gens éprouvent une aversion ins nc ve pour le mot
« réseau ». Il évoque des gens faux et intéressés, qui manipulent les
autres pour obtenir des choses qu’ils ne méritent pas ou des
bonimenteurs qui font semblant de s’intéresser à quelqu’un dans le
seul but de l’u liser pour avoir accès à quelqu’un d’autre. Ce e
mauvaise image est tenace, renforcée par de nombreux personnages
de films et de romans et par beaucoup trop de personnes réelles que
nous avons rencontrées ou dont nous avons entendu parler. La bonne
nouvelle, c’est que même si ces stéréotypes ne sont pas sans
fondements, ils sont largement minoritaires. Voyons si nous pouvons
vous rendre la tâche plus facile en proposant une autre image des
réseaux (un recadrage).

Principe à problème : Bâ r un réseau, c’est tromper les gens, c’est


dégoûtant.
Recadrage : Bâ r un réseau, c’est juste demander sa route.

Rappelez-vous la dernière fois où vous marchiez dans la rue et qu’une


voiture s’est arrêtée à votre hauteur. La vitre s’est abaissée et le
conducteur s’est adressé à vous, manifestement perdu. Selon l’endroit
où vous vivez, votre première réac on a peut-être été de vous
planquer, de vous enfuir en hurlant ou de sor r votre bombe
lacrymogène, mais, pour la majorité d’entre nous, la première
réac on, c’est de venir en aide.

“ Nous sommes des créatures sociales et


l’entraide est une des choses qui nous fait
nous sen r le mieux. ”
Cet inconnu est perdu, il vous demande où est le café le plus proche,
l’entrée de l’autoroute, la direc on du parc d’a rac ons ou d’un
magasin d’an quités. Que faites-vous ? La plupart d’entre nous
indiquent la bonne direc on s’ils le peuvent. Nous venons en aide. Il
peut vous demander des informa ons sur votre ville, quels lieux il
pourrait visiter ou si le café que vous venez de lui indiquer est sympa.
Il s’en va et vous reprenez votre chemin. Que ressentez-vous quand il
repart ? Avez-vous l’impression d’avoir été u lisé(e) ? Vous sentez-
vous vexé(e) parce qu’il ne va pas vous appeler le lendemain ou
devenir votre ami sur Facebook ou qu’il s’intéresse davantage au café
d’à-côté qu’à vous ? Bien sûr que non. Vous n’êtes pas amis. Vous
n’avez pas entamé une rela on. Mais vous vous sentez bien parce que
vous avez aidé un autre être humain. De nombreuses études le
confirment : la plupart d’entre nous aiment rendre service. C’est
fortement implanté dans notre ADN. Nous sommes des créatures
sociales et l’entraide est une des choses qui nous fait nous sen r le
mieux.
Kurt ne connaissait pas le milieu du secteur de l’architecture durable à
Atlanta. Peut-être ne connaissez-vous pas le milieu des
nanotechnologies à Hong Kong, ou celui de la bière ar sanale à
Wichita ou le syndicat des infirmières d’urgence à Sea le. Que faites-
vous alors ? Vous demandez des indica ons à quelqu’un du coin.
Obtenir des recommanda ons pour trouver des gens dont il vous
serait u le de connaître l’histoire, c’est l’équivalent professionnel de
demander sa route. Alors, allez-y – demandez votre route. Ce. N’est.
Pas. Grand-chose.
Un « réseau », c’est d’abord un nom commun. Le but n’est pas de
« faire » du réseautage ; c’est de par ciper au réseau. Autrement dit,
ça signifie simplement entrer dans une communauté par culière où
se déroule une conversa on par culière (sur l’architecture durable,
par exemple). Tous les champs des efforts humains sont soutenus par
des réseaux de rela ons entre des gens. De vrais gens. Le réseau est
le matériau qui sous-tend, con ent et réunit ce e par e de la société.
Le « réseau » Stanford auquel nous appartenons fait tenir Stanford.
Le « réseau » Silicon Valley, c’est la communauté informelle des gens
de la côte ouest qui permet aux entreprises high-tech de fleurir. La
plupart des individus ont à la fois un réseau professionnel (les
collègues) et un réseau personnel (les amis, la famille). La façon la plus
commune pour être introduit dans un réseau professionnel, c’est par
des recommanda ons venues de son réseau personnel. Ce n’est pas
du favori sme, simplement un comportement ordinaire. L’u lisa on
des réseaux personnels ou professionnels pour ini er de nouveaux
venus à la conversa on d’une communauté est une bonne chose. Un
réseau existe pour soutenir la communauté des gens qui font les
choses – et c’est la seule façon d’accéder au marché caché de
l’emploi.
En parlant de réseau, c’est vraiment sur cet aspect-là qu’Internet peut
changer votre recherche d’emploi. U lisez Internet, non pour
consulter les offres, mais pour trouver et joindre les gens dont vous
voulez entendre les histoires. Bella, une de nos élèves, diplômée il y a
quelques années, vient de nous appeler pour dire combien elle était
heureuse et à quel point ce e démarche avait fonc onné pour elle.
Elle a réussi à iden fier ce qu’elle voulait faire (inves r avec efficacité
dans les régions en développement) et l’approche design lui a valu
trois super proposi ons dans ce secteur, parmi lesquelles celle qu’elle
a finalement acceptée dans une firme spécialisée dont elle n’avait
jamais entendu parler auparavant – et il ne lui a fallu que deux cents
conversa ons pour y arriver. Deux cents. En six mois. Vraiment.
Bella explique qu’elle a pu trouver et joindre plus de la moi é de ces
deux cents personnes en u lisant Google et LinkedIn. Bien sûr, elle
s’était renseignée sur ces personnes et ces organisa ons et elle a
cul vé son réseau pour obtenir des recommanda ons personnelles
aussi souvent qu’elle l’a pu, mais son u lisa on intelligente des ou ls
Internet a joué un grand rôle. LinkedIn a complètement transformé
notre capacité à trouver les personnes que nous cherchons. De
nombreux livres et programmes en ligne enseignent comment bien
u liser ces ou ls (certains des meilleurs sur LinkedIn même). Servez-
vous-en. Si vous savez très bien vous servir de LinkedIn et Google,
Internet peut tout changer pour vous et cesser d’être ce trou noir où
disparaissent vos innombrables candidatures.

SE CONCENTRER SUR LES PROPOSITIONS –


PAS SUR LES POSTES
Chaque année, la fédéra on américaine des universités et des
employeurs (NACE), associa on fondée en 1956, recense les données
sur l’emploi des jeunes diplômés : salaire moyen des jeunes diplômés,
compétences les plus demandées par les employeurs, ainsi que les
éléments que les diplômés citent en premier dans leur recherche de
travail. Devinez quelle était la première chose que les diplômés de
2014 prenaient en considéra on dans leur recherche d’emploi12 ?
La nature du travail.
Le salaire et l’amabilité des collègues arrivaient en deuxième et
troisième posi ons, pour compléter ce ercé totalement
dysfonc onnel du chercheur d’emploi.
Le problème de ce scénario, c’est qu’il n’y a aucun moyen de con-
naître la réelle « nature d’un travail » avant d’être près de l’exercer.
C’est impossible. Tellement de descrip ons de poste étant
dysfonc onnelles et inexactes, la plupart des gens écartent un job
comme n’étant pas « fait » pour eux, avant même d’y avoir été
candidats (et donc avant de savoir réellement ce qu’ils refusent). C’est
un méchant problème, de type œuf et poule, qui peut sérieusement
diminuer vos ouvertures. Le plus important des recadrages en design
de carrière est donc le suivant : on ne cherche jamais un emploi, on
cherche une proposi on.
Principe à problème : Je cherche un emploi.
Recadrage : Je recherche plusieurs proposi ons.

Bon, la différence peut sembler minime au départ, mais elle est


décisive. Ça change tout – les emplois qu’on envisage, l’approche des
le res de mo va on et des CV, la façon dont on aborde un entre en
et dont on conclut l’affaire pour finalement obtenir ce qu’on cherche.
Le plus gros impact de ce recadrage, il est sur l’état d’esprit. On passe
de quelqu’un qui décide s’il prendrait ou non cet emploi (dont on ne
sait rien) à quelqu’un curieux de savoir quelle proposi on intéressante
il pourrait recevoir de la part d’une telle organisa on. On passe de
juge à explorateur, de néga f à posi f – et c’est une énorme
différence.
Quand on recherche un emploi, on se concentre sur cet emploi et
notre comportement se focalise sur le fait de convaincre l’ins tu on
de nous embaucher, de faire passer le message que c’est l’emploi
parfait, qu’on est né pour l’exercer. Il faut convaincre la (ou les)
personne(s) en charge du recrutement qu’on correspond parfaitement
à la descrip on du poste (accord céleste, vous é ez faits l’un pour
l’autre, ça ne peut pas ne pas être). Et comme on ne sait pas grand-
chose de la nature de ce travail, on doit feindre l’enthousiasme pour
que le processus fonc onne. Autrement dit, soit on ment, soit on
n’est pas candidat.
Et personne n’aime men r.
Mais quand on recherche une proposi on plutôt qu’un emploi –
quand l’objec f passe d’obtenir un emploi à recevoir autant de
proposi ons que possible –, tout change. Plus besoin de men r. On
peut se montrer sincère dans sa curiosité pour ce travail, parce qu’il
est absolument vrai que vous aimeriez avoir l’opportunité d’évaluer
une proposi on. Ce n’est pas une affaire de mots ; c’est une affaire
d’authen cité. Quand on recadre sa recherche d’emploi en recherche
de proposi on, on est plus authen que, plus énergique, persévérant
et détendu. Et, ironiquement, ça nous rend plus suscep ble d’obtenir
ce e offre. Les gens n’engagent pas des CV ; ils engagent des gens.
Des gens qui leur plaisent. Des gens qui sont intéressants. Et vous
savez quel est le type de gens à qui chacun d’entre nous s’intéresse le
plus (que ce soit en amour ou pour le travail) – les gens qui
s’intéressent le plus à nous.
Ce qui nous renvoie à la curiosité – un des éléments les plus
importants du design de vie. Qu’on cherche son premier job, qu’on
soit en train de changer ou qu’on vise une seconde carrière, on doit
être sincèrement curieux. C’est tout l’enjeu des conversa ons et des
expériences prototypes : être ouvert, curieux de toutes les
possibilités. Nous appelons ça la recherche du merveilleux latent. Ça
signifie qu’on se demande : « Y a-t-il 20 % de chances qu’il y ait
quelque chose d’intéressant pour moi dans ce e organisa on ?
10 % ? ». Si la réponse est oui, vous n’avez pas envie de savoir quoi ?
Bien sûr que si. Et ce désir de le trouver permet de montrer une
curiosité et un désir authen ques de chercher le merveilleux latent
dans une organisa on que vous auriez pu éliminer d’office comme
n’étant pas faite pour vous.
On ne peut pas connaître la nature d’un travail avant d’avoir poussé
plus loin ses inves ga ons, tant qu’on n’a pas cherché l’offre. On ne
peut pas la connaître d’après la descrip on erronée du poste. On ne
peut pas à cause des idées préconçues sur ce que c’est que d’occuper
ce poste ou de travailler pour ce e société.
On en sait rarement beaucoup sur un travail avant de recevoir la
proposi on, donc traquez toutes les offres que vous pouvez. Tout ce
dont vous avez besoin, c’est de la possibilité que l’une d’entre elles
puisse offrir un bon accord. C’est cela, juste une possibilité. Et peut-
être qu’un jour, lorsque la NACE fera son étude annuelle sur ce que
les jeunes diplômés recherchent dans un emploi, la première chose ne
sera plus la nature du travail. Ce sera le merveilleux latent. Il s’agira
davantage de possibilités que d’idées toutes faites.
LE MYTHE DU JOB CHARMANT
Kurt a eu de véritables conversa ons et il a trouvé un bon emploi qu’il
a été capable de transformer en travail génial. Vous pouvez faire la
même chose. Nous savons que c’est difficile. Nous savons que ça
représente beaucoup de travail et que c’est parfois effrayant. Mais
c’est aussi incroyablement intéressant et c’est la seule façon que nous
connaissions pour entrer sur le marché caché du travail. Dans une
certaine mesure, c’est aussi une ques on de probabilités – plus vous
faites de connexions, plus vous testez de prototypes, plus les
opportunités vont se transformer en proposi ons.
Considérez l’alterna ve suivante :
Trente-huit candidatures pour zéro proposi on.
Cinquante-six conversa ons pour sept proposi ons et un super
réseau professionnel.
Quelle approche préférez-vous ? C’est vous qui voyez.
Il est plus que possible d’u liser la pensée design pour trouver son
premier boulot, changer de travail, dessiner le prochain et créer une
vie professionnelle qui réunit votre concep on du travail et votre
concep on de la vie. En fait, nous le recommandons, parce qu’aucun
job charmant ne viendra vous sauver. L’idée que le travail de vos rêves
existe déjà, parfaitement formé, n’a endant plus que vous, est une
légende.
C’est à vous de dessiner ce travail « vraiment génial, étonnamment
proche de vos rêves », de la même façon que vous dessinez votre
vie – en pensant comme un designer, en créant des possibles, en
testant des prototypes et en faisant les meilleurs choix possible.
Et en apprenant à bien vivre ces choix.

12. h ps://test.naceweb.org/press/faq.aspx
CHAPITRE 9

Choisir le bonheur
D essiner son i néraire professionnel et sa vie requiert non
seulement de s’ouvrir à un vaste choix, à de belles alterna ves,
mais aussi à une capacité à faire les bons choix et à bien vivre ces
choix, avec confiance ; ça signifie qu’on les accepte et qu’on ne doute
pas de soi-même. Peu importe d’où on part, à quelle étape de sa vie
ou de son i néraire professionnel on se situe, qu’on es me être dans
une situa on favorable ou difficile, nous parierions notre dernier sou
qu’il y a un but que nous avons tous dans la vie :
Le bonheur.
Qui n’a pas envie d’être heureux ? Nous voulons être heureux, nous
voulons que nos élèves soient heureux et que vous soyez heureux.
Dans le design de vie, être heureux, c’est choisir le bonheur.
Choisir le bonheur, ça ne veut pas dire claquer des doigts en
souhaitant se retrouver dans son pe t coin de bonheur. Le secret du
bonheur dans le design de vie, ce n’est pas faire le bon choix ; c’est
apprendre à bien choisir.
On peut faire tout le travail du design de vie – avoir des idées, tester
des prototypes, agir – qui fait naître des op ons plaisantes, mais ça
ne garan t pas qu’on sera heureux et qu’on ob endra tout ce qu’on
veut. Peut-être, mais peut-être pas. Nous disons « peut-être » parce
que, dans le fait d’être heureux et d’obtenir ce qu’on veut, il ne s’agit
pas des risques à venir, ni de l’inconnu, ni de savoir si on a fait les
bons choix ; il s’agit de la façon dont on choisit et comment on vit ces
choix une fois qu’ils sont faits. Tous vos efforts peuvent être anéan s
par un mauvais choix. Pas tant en choisissant mal (c’est un risque,
mais franchement, pas très grand et en général, on s’en remet) qu’en
vous trompant sur ce que vous pensez de votre choix. Choisir de
façon design, bonne, saine, intelligente, est essen el pour être
heureux au bout du compte. Beaucoup de gens choisissent sans tenir
compte de leurs connaissances les plus importantes, ce qui les
empêche d’être heureux de leurs choix après coup. Nous observons
cela en permanence et les études le confirment : beaucoup de gens
s’assurent d’être malheureux parce qu’ils abordent mal ce e étape
primordiale du design qu’est le choix.

Principe à problème : Pour être heureux, il faut faire le bon choix.


Recadrage : Il n’y a pas de bon choix – juste une bonne façon de
choisir.

Inversement, bien choisir, c’est la garan e presque certaine d’un


résultat porteur de bonheur et de vie, qui ouvre d’autres possibilités
et un meilleur avenir.

CHOISIR SELON LE DESIGN DE VIE


Dans le design de vie, un choix se fait en quatre étapes. D’abord on
recueille et on ouvre des possibilités, puis on resserre la liste aux
meilleures op ons, puis on choisit et, finalement, ce n’est pas le moins
important, on rumine son choix. On rumine en se demandant si on a
fait le bon. En fait, nous vous encourageons à passer des heures, des
jours, voire des mois ou des décennies à ruminer.

“ Le secret du bonheur dans le design de vie,


ce n’est pas faire le bon choix ; c’est apprendre
à bien choisir. ”
Nous plaisantons, bien sûr. On peut perdre des années à ruminer ses
choix. Nous ne voulons évidemment pas que vous les ruminiez et,
non, ce n’est pas la quatrième étape du choix dans le design de vie.

La quatrième étape du processus c’est lâcher prise vis-à-vis des


op ons inu les et avancer, en embrassant pleinement son choix pour
en rer le meilleur.

Il faut comprendre chacune de ces étapes pour mesurer l’importance


des différences entre un bon choix qui débouche sur des résultats
sa sfaisants et ouvre davantage de perspec ves et un mauvais choix
qui prépare à une mauvaise expérience.

Étape 1 : Recueillir et ouvrir des possibilités


Recueillir et ouvrir des possibilités, c’est ce dont nous avons parlé
tout au long de ce livre. Avoir de bonnes idées pour soi-même,
chercher des lieux où interagir avec le monde et faire des prototypes
d’expériences sont les façons dont le design de vie génère des idées,
des op ons et des pistes viables (toutes, bien sûr, à suivre avec un
état d’esprit curieux, à la recherche du merveilleux latent et une
approche orientée vers l’ac on plutôt qu’un trop-plein de réflexion).
Nous ne parlerons plus de la généra on des possibilités, sinon pour
vous (re)dire de rédiger vos concep ons du travail et de la vie, de
dessiner des cartes mentales, de lister vos trois Projets d’Odyssée et
de réaliser des conversa ons et expériences prototypes. Vous pouvez
employer ces ou ls dans tous les compar ments de votre vie.
Étape 2 : Resserrer la liste
Certains pensent qu’ils n’ont pas (ou peu) de choix. D’autres, dont la
plupart des designers, pensent qu’ils en ont trop. Si vous pensez en
avoir trop peu, retournez à toutes les sugges ons que nous avons
déjà faites (étape 1) et passez le temps qu’il faut à générer plus
d’idées et d’op ons. Il vous faudra peut-être des semaines ou des
mois pour parvenir à une liste sa sfaisante, mais ce n’est pas un
problème. Après tout, c’est votre vie qu’on dessine ici, et ça ne va pas
se faire du jour au lendemain.
Une fois que vous avez une bonne liste de possibilités, il est possible
que choisir vous pose un problème. On passe en revue toutes ses
idées, toutes les sugges ons faites et tout ce qu’on pourrait faire de
sa vie et… il y a de quoi se sen r dépassé. On se sent incapable de
choisir – en tout cas, de choisir avec confiance – et, du coup, on se dit
qu’on s’est trompé quelque part. On a sans doute pas assez « travaillé
la ques on » ni assez bien compris ses op ons. « Si seulement j’en
savais plus, si j’avais une image plus ne e de ces possibilités, je
saurais laquelle choisir. » Et vous voilà repar (e) dans de nouvelles
recherches, de nouveaux entre ens, de nouveaux prototypes. Et ça
ne marche pas. Ça ne marche pas parce, même si un manque
d’informa on est parfois un vrai problème, ce n’est généralement pas
le cœur du problème. Quand on s’apprête à prendre une grande
décision, on a généralement fait son travail préparatoire. On ne sait
peut-être pas tout ce qu’il y a à savoir – en fait, nos recherches font
ressor r tout ce qu’on ne sait pas plutôt que ce qu’on sait, donc
on est passablement persuadé que davantage de recherches ne
feraient pas de mal –, mais ce n’est pas cela. Si vous êtes comme la
plupart d’entre nous, la raison pour laquelle votre processus de choix
est bloqué ne dépend pas d’un manque d’informa ons : ça ent à la
taille de votre liste et à vos rela ons avec toutes ces possibilités. La
façon la plus simple de comprendre cela, c’est de regarder comment
les gens achètent de la confiture.
Professeure à l’école de commerce de Columbia, Sheena Iyengar est
une psycho-économiste spécialisée dans la prise de décision. Sa
fameuse étude sur les confitures a été réalisée dans une épicerie fine.
Pendant une semaine, les chercheurs ont exposé sur une table du
magasin six spécialités de confiture (aux parfums recherchés comme
kiwi-orange, fraise-lavande… vous voyez le genre). Ils ont ensuite
observé le comportement des clients – qui s’arrêtait pour regarder et,
parmi ceux qui s’arrêtaient, qui finissait par en acheter. La première
semaine, avec six confitures en exposi on, 40 % des clients se sont
arrêtés pour regarder les six pots et environ un ers en a acheté une
– soit 13 % des clients du magasin.

Quelques semaines plus tard, dans le même magasin et sur une durée
similaire, les chercheurs sont revenus avec vingt-quatre confitures.
Ce e fois, 60 % des clients du magasin se sont arrêtés – soit une
hausse de 50 % par rapport aux 6 pots ! Mais, face aux 24 pots, seuls
3 % en ont acheté un.
Que nous apprend ce e étude ? D’abord, que nous adorons avoir le
choix (« Wow ! Vingt-quatre confitures ? ! Allons voir ! ») et ensuite,
que nous ne savons que faire face à un choix trop important (« Hum…
il y en a tellement… impossible de décider ; je vais plutôt prendre du
fromage »). En fait, notre esprit ne parvient généralement à choisir
efficacement que parmi trois à cinq op ons. Dès qu’on dépasse ce
nombre, la capacité à choisir commence à faiblir – et si on va bien au-
delà, elle se bloque complètement. Tel est le fonc onnement de notre
cerveau. Avoir le choix nous plaît et la société moderne l’idolâtre par
principe. Mul plie les pistes ! Laisse-toi le choix ! Ne te laisse pas
enfermer ! On entend ça tout le temps et ça paraît sensé, mais on
peut être totalement dépassé par ce raisonnement. Quand on
rajoute à ça Internet et la possibilité d’être au courant de tous les faits
et idées du monde en une demi-seconde par une recherche sur
Google, la plupart d’entre nous se sentent dépassés.
La clé, c’est de prendre conscience que, si on a trop d’op ons, c’est
comme si on n’en avait pas. Quand on est pétrifié par une liste de
possibilités trop impressionnante, c’est comme si rien n’était possible.
Souvenez-vous qu’une possibilité ne crée véritablement de valeur
dans notre vie que lorsqu’on la choisit et qu’on la réalise. Nous
apprenons souvent à nos élèves que lorsqu’une possibilité grandit,
elle devient un choix. Donc, quand on a le choix entre vingt-quatre
confitures différentes, en fait, on n’a pas le choix. Comprendre que, en
ma ère de choix, vingt-quatre égale zéro (et c’est sacrément dur à
avaler quand on a travaillé dur pour les trouver et qu’on les aime
toutes), permet de passer à l’étape suivante : resserrer la liste.
Alors, que faire exactement face à un choix trop vaste ? C’est simple.
On se débarrasse de certaines op ons. D’abord, s’il s’avère que
plusieurs peuvent se rassembler en catégories, on divise sa liste en
plusieurs sous-listes. Ça peut aider à trouver la meilleure possibilité
dans chacune. Mais quand on se retrouve en situa on d’embarras du
choix, il faut se débarrasser d’un bon paquet de confitures.
Comment ? Simplement en les rayant de sa liste.
Si vous avez une liste de douze pistes possibles, barrez-en sept, avant
de réécrire votre liste avec les cinq qui restent, puis passez à l’étape
trois.
C’est une idée qui fait frémir la plupart de nos élèves et de nos
clients.
« On ne peut pas rayer des pistes comme ça ! »
« Et si je raye la mauvaise ? »
Nous comprenons. Mais nous ne plaisantons pas – vous les rayez,
c’est tout. Souvenez-vous, avoir trop de possibilités, c’est comme n’en
avoir aucune ; donc vous n’avez rien à perdre. Et vous ne rayerez pas
la mauvaise. Nous appelons ça l’Effet pizza-chinois. Nous le
connaissons tous. Ed passe la tête dans le bureau pour dire : « Hé
Paula, on va déjeuner. Tu viens avec nous ? ».
« Bien sûr ! »
« On hésite entre une pizza et un chinois – tu as une préférence ? »
« Non, ça m’est égal ! »
« OK, alors pizza. »
« Non, a ends. Je préfère chinois ! »
Dans ce e situa on, en donnant votre première réponse (« Ça m’est
égal »), vous é ez sûr(e) de vous. Vous ne saviez pas que vous aviez
une préférence jusqu’à ce qu’une solu on non désirée s’impose
comme un fait accompli. C’est seulement là que vous avez pris
conscience de votre préférence. C’est pourquoi vous n’avez rien à
perdre à raccourcir votre liste. Si vous rayez les mauvaises op ons,
vous vous en rendrez compte. Il vous faudra peut-être rayer sept
op ons parmi les douze et réécrire une nouvelle liste de cinq pour
vous en rendre compte, mais, si elle n’est pas bonne, vous le saurez.
Croyez-nous quand nous vous disons de vous faire confiance. Et si
vous découvrez que vous n’êtes toujours pas capable de choisir parmi
les cinq restantes, cela peut tenir à deux raisons très différentes. La
plus commune, c’est que vous êtes encore en train de regre er les
sept autres et que vous n’arrivez pas à lâcher prise. Si c’est le cas,
faites ce qu’il faut pour raccourcir votre liste. Brûlez la liste des sept
rejetées, faites autre chose pendant un jour ou deux, puis revenez à
votre liste de cinq et traitez ce e liste comme LA liste (et non comme
la liste raccourcie), mais avancez. Si, malgré tout cela, vous n’arrivez
pas à choisir parmi les cinq parce qu’aucune préférence ou différence
ne se dégage ne ement, vous avez gagné ! Vous venez de réaliser
que vous é ez dans une situa on forcément gagnante. Ces cinq
op ons sont toutes bonnes pour vous, rien ne les distingue vraiment
les unes des autres. Vous pouvez maintenant choisir en fonc on de
critères secondaires (la route est plus facile, le logo est cool, ça fera
un truc plus sympa à raconter dans les soirées).
Le but, c’est que vous qui ez le magasin avec un pot de confiture.

Étape 3 : Choisir avec discernement


Quand on a terminé ce travail préliminaire de recueil et de tri (eh oui,
il faut commencer par recueillir beaucoup d’op ons,
indépendamment des contraintes de choix, parce que ça permet de
piocher dans la meilleure des listes), c’est là que ça devient difficile : il
faut choisir.
Pour bien choisir, il faut comprendre comment fonc onne le cerveau
dans un tel cas. D’où viennent les bons choix et comment savons-
nous que ce sont les bons ? Fort heureusement, nous vivons une
époque de progrès inédits en ma ère de recherches sur le cerveau et
on découvre énormément de choses sur la façon dont nous pensons,
nous souvenons et décidons. En 1990, John Mayer et Peter Salovey
ont signé un ar cle fondateur qui proposait le concept d’« intelligence
émo onnelle » et l’idée qu’en ma ère de réussite et de bonheur,
notre quo ent émo onnel était aussi important – et souvent plus –
que notre QI, pour mesurer nos capacités cogni ves13. En 1995, Dan
Goleman, journaliste scien fique au New York Times, a popularisé
leurs idées dans son livre L’intelligence émo onnelle ; un phénomène
culturel était né14. « L’intelligence émo onnelle » est une expression
que chacun a entendue et relevée, mais peu de gens savent vraiment
ce qu’elle signifie et encore moins savent en rer par .
La par e de notre cerveau qui nous aide à faire les bons choix se
trouve dans les ganglions de la base. Située dans la base ancienne de
notre cerveau, elle n’est pas reliée aux centres de la parole et ne
s’exprime donc pas avec des mots. Elle communique par sen ments
via des connexions avec les intes ns – ces bonnes vieilles émo ons
qui viennent des tripes. Ces souvenirs qui guident notre capacité à
choisir, Goleman la nomme la « sagesse des émo ons » ; il désigne par
là l’ensemble des expériences qui ont, ou pas, fonc onné dans notre
vie et qui nous servent à évaluer une décision. Ce e sagesse est
ensuite communiquée au niveau affec f (sous forme de sen ments)
et intes nal (sous forme de réac ons ins nc ves). Du coup, pour
prendre une bonne décision, on doit avoir accès aux sen ments et
réac ons ins nc ves que nous inspirent les différentes possibilités.
Pensez à votre réac on automa que face à un choix paralysant : il me
faut forcément plus d’informa ons ! Nous comprenons désormais que
c’est exactement ce dont nous n’avons pas besoin. Ce sont nos
cerveaux trop bavards, constamment en train de nous parler pendant
qu’ils réfléchissent à une décision, qui nous empêchent de nous
connecter à nos réac ons ins nc ves face à ce e même décision. Il
est très important de disposer de bonnes informa ons – faire
beaucoup de recherches, prendre beaucoup de notes, remplir des
tableaux, parler à des experts, etc. Mais une fois ce travail accompli –
dirigé par notre cortex préfrontal, qui pilote les fonc ons de codage,
d’inventaire et de catégorisa on –, il nous faut accéder à ce centre de
sagesse qu’est notre savoir émo onnel, dont les informa ons
précieuses peuvent nous aider à faire les bons choix.
Nous définissons le discernement comme un processus de prise de
décision qui u lise plus d’une forme de connaissance. Nous u lisons
surtout notre savoir cogni f – ces bonnes vieilles connaissances
objectives, organisées, informa ves qui perme ent d’obtenir de
bonnes notes à l’école. Mais nous disposons également d’autres
moyens de connaissance, parmi lesquels les formes affec ves que
sont les connaissances intui ves, spirituelles et émo onnelles.
Ajoutez-y le savoir social (en rapport avec les autres) et le savoir
kinesthésique (celui du corps). Une amie de Dave, analyste
incroyablement douée, reconnaissait toujours les moments où elle
touchait un sujet important avec un client : son genou gauche se
me ait à lui faire mal. Elle ne savait pas pourquoi son genou gauche,
mais après plusieurs années de pra que a en ve, elle en vint à faire
confiance à ce que ce genou lui disait. En apprenant à écouter son
genou, elle fut capable de prendre de meilleures décisions et à mieux
s’occuper de ses clients en u lisant ce e forme de conscience.
La clé de l’étape trois est de prendre des décisions avec discernement,
en u lisant plus d’un mode de connaissance, et par culièrement en
n’u lisant pas seulement son jugement cogni f, éclairé, qui n’est pas
fiable s’il est pris isolément. Nous ne sommes pas non plus en train de
dire qu’il ne faudrait prendre que des décisions affec ves. Nous avons
tous des exemples d’émo ons qui nous ont posé des problèmes
(même s’il s’agit généralement d’émo ons impulsives, d’une nature
encore différente) ; il ne s’agit pas d’échanger votre cerveau contre
votre cœur ou votre ins nct. Nous vous invitons à mêler toutes vos
facultés de prise de décisions et à vous assurer de faire une place
dans ce processus aux savoirs affec fs et intui fs.
Autrement dit, n’oubliez pas d’écouter aussi votre genou, votre
ins nct ou votre cœur.
Pour ce faire, il faut éduquer et cul ver la conscience qu’on a de ses
savoirs émo onnel/intui f/spirituel (quel que soit le nom que vous
donnez aux aspects affec fs de notre humanité commune). Pendant
des siècles, le chemin le plus courant vers ce e maturité a été celui
de pra ques personnelles comme la tenue d’un journal in me, la
prière ou les exercices spirituels, la médita on ou les pra ques
physiques mixtes comme le yoga, le tai-chi, etc.
Nous n’avons pas la place, pas plus que l’exper se, pour vous aider à
développer un ensemble de pra ques personnelles, mais nous vous
encourageons à le faire. La raison pour laquelle ces exercices réguliers
facilitent l’accès à votre meilleure capacité de discernement tient
précisément à la nature de ces connaissances. Les formes affec ves,
intui ves et spirituelles de connaissance sont généralement sub les,
mue es, voire morées. On accède rarement à sa sagesse la plus
profonde en se précipitant quelques heures avant une date-butoir
pour discuter ou surfer sur le net. Il s’agit de quelque chose de plus
lent, de plus silencieux. Les exercices ne sont que cela – des
exercices. Tous les deux, nous nous entraînons régulièrement, selon
les mois, par culièrement hors saison, quand il n’y a pas de pression
et que nous pouvons nous concentrer simplement sur nos exercices
pour gagner en force et en équilibre. Le meilleur moment pour gagner
en sagesse, ce n’est pas pendant la finale, au moment le plus stressant
et le plus exigeant. Prendre une décision est stressant ; le meilleur
moment pour se préparer à bien choisir est donc quand il n’y a pas de
choix à opérer. C’est là qu’on peut inves r dans son intelligence
émo onnelle et dans sa maturité spirituelle pour que ces muscles
soient forts et entraînés quand viendra le moment du choix ou du
match.
Le meilleur moment pour être prêt pour l’étape trois, c’est des mois,
ou des années avant. Ça veut dire que le meilleur moment, c’est
maintenant – aujourd’hui est le meilleur jour pour démarrer cet
inves ssement.
Voici une technique possible pour mieux accéder à la sagesse de vos
émo ons : gnoquez.

GNOQUER
Dans En terre étrangère, classique de la science-fic on des années
1960, Robert Heinlein inventa le verbe « gnoquer15 » pour décrire un
mode de connaissance u lisé par les Mar ens. Ça signifie
comprendre une chose en profondeur et en totalité, au point de ne
faire qu’un avec ce e chose. En raison de sa rareté, les Mar ens ne se
contentent pas de comprendre ce qu’est l’eau, ou de la boire : ils la
gnoquent. En anglais, le mot « grok » est entré dans le vocabulaire
courant – façon de souligner qu’on « pige » ou qu’on « capte ».
Quand on en arrive finalement à choisir parmi une liste courte de
possibilités, qu’on a évalué sur le mode cogni f les problèmes liés à
chacune, qu’on a scruté les op ons de façon affec ve ou médita ve,
il est peut-être temps de les gnoquer. Pour gnoquer un choix, on ne
réfléchit pas : on devient ce choix. Me ons que vous ayez trois
possibilités. Choisissez n’importe laquelle et cessez d’y réfléchir.
Pendant une période d’un à trois jours, pensez que vous êtes la
personne qui a pris la décision de choisir l’op on A. L’op on A est
désormais votre réalité. Quand vous vous lavez les dents le ma n,
vous le faites en ayant choisi l’op on A. Quand vous pa entez au feu
rouge, vous a endez de repar r vers une des na on liée à l’op on A.
Vous pouvez en parler aux autres – genre « Oh oui, je m’installe à
Pékin en mai ! » –… Ou plutôt pas, en fait, parce que ces déclara ons
peuvent engendrer une certaine confusion. Mais vous voyez l’idée :
vous êtes dans votre tête la personne qui vit la réalité de l’op on A.
Vous n’êtes pas en train de réfléchir à l’op on A, depuis votre réalité
actuelle, comme quelqu’un confronté à un choix difficile. Vous vivez
tranquillement comme quelqu’un qui a choisi A. Après un à trois jours
comme ça (la durée dépend de vous et de vos goûts), redevenez vous-
même au moins un jour ou deux. Puis faites la même chose avec
l’op on B, puis une nouvelle pause avant l’op on C. Nouvelle pause
ensuite, pour redevenir vous-même et enfin, une réflexion sérieuse
sur les enseignements de ces expériences : laquelle de ces personnes
seriez-vous le plus volon ers ? Ce e technique n’est pas garan e
(dans ce domaine, aucune ne l’est), mais l’inten on est ici de
perme re à vos modes de connaissance alterna fs – affec f, spirituel,
social, intui f – de pouvoir s’exprimer et compléter vos données
cogni ves qui, si vous êtes comme la majorité d’entre nous, dominent
vos pensées et vos choix.

Étape 4 : Ruminer Lâcher prise et avancer


Avant d’aborder l’étape du lâcher-prise, il est important de traiter, au
moins brièvement, pourquoi la quatrième étape ne consiste pas à
ruminer. Ruminer, ça ressemble à ça :
« Ai-je fait le bon choix ? »
« Ai-je vraiment la cer tude que c’est la meilleure décision ? »
« Et si j’avais opté pour la quatrième piste ? »
« Je me demande si je peux revenir en arrière et tout
recommencer ? »
Si vous n’avez aucune idée de ce dont nous sommes en train de parler
ici, considérez que vous avez une chance rare, remerciez vos parents
pour votre ADN et passez à la suite. Mais si vous êtes comme la
majorité d’entre nous, ces ques ons vous sont familières. Nous
entendons beaucoup de grognements entendus quand nous disons :
« Et la dernière étape consiste à… ruminer sans fin sa décision ! ». Ces
grognements sont le signe de notre humanité commune. La raison
pour laquelle nous ruminons, c’est que nous tenons à notre vie et à
celle des autres. Ces décisions sont importantes et nous voulons faire
de notre mieux pour le meilleur avenir possible. Nous voulons faire le
bon choix, mais bien sûr, impossible de le savoir immédiatement : les
incer tudes nous gue ent sans relâche et personne ne peut voir
l’avenir avec exac tude. Alors, comment se défaire de ces tourments
après coup ?
Notre état d’esprit sur la façon de prendre une bonne décision
compte autant que la décision elle-même. Il semble évident que la
meilleure façon d’être sa sfait de son choix, c’est de faire le meilleur.
Simple, d’accord – sauf que c’est impossible. On ne peut pas « faire le
meilleur choix », parce qu’on ne peut pas le reconnaître tant que
toutes les conséquences ne sont pas connues. On peut faire le
meilleur choix possible avec ce que l’on sait à un moment donné, mais
si l’objec f est de « faire le meilleur choix », on ne pourra jamais savoir
si on l’a fait. Ce e incapacité pousse à se demander sans relâche si on
a bien fait et à réenvisager les pistes écartées : on appelle ça
« ruminer ». Ces rumina ons enlèvent tout plaisir à notre décision et
empêchent d’avancer avec énergie dans la voie qu’on a choisie.
À Harvard, Dan Gilbert a étudié ce e ques on et démontré l’effet du
lâcher-prise, dans une étude sur des décisions prises par rapport à
différentes reproduc ons de Monet16.
Il demanda à des gens de classer cinq reproduc ons de Monet selon
leurs préférences, en les numérotant d’un à cinq. Il expliquait que,
quelles que soient celles qu’ils classaient troisième et quatrième, ils
pourraient en emporter une des deux à la fin. Bien sûr, la plupart des
gens choisirent celle qu’ils avaient classée troisième. Et puis, de façon
éclairante, les expérimentateurs proposèrent à certains, s’ils le
désiraient, la possibilité d’échanger plus tard avec l’autre
reproduc on. Aux autres, ils dirent qu’il n’y avait pas d’échange
possible.
Après quelques semaines, les expérimentateurs firent le point avec
les sujets. Ceux à qui on avait proposé l’échange – même s’ils ne
l’avaient pas fait – étaient moins contents de leur choix que ceux qui
avaient choisi exactement le même rage, mais à qui on avait
expliqué que leur choix était irréversible. La réversibilité ne garan t
pas qu’on soit content de sa décision. Apparemment, la seule
invita on à reconsidérer et « garder ses op ons ouvertes » nous fait
douter et dévalue notre choix.
Mais il y a pire. Dans son livre Le Paradoxe du choix, le chercheur Barry
Schwartz nous apprend que ce sale pe t côté avec lequel notre
cerveau traite les décisions va encore plus loin17. Quand on prend une
décision parmi de nombreuses possibilités, ou simplement lorsqu’on
sent qu’il existe des tas d’autres op ons qu’on ne connait même pas,
nous sommes moins sa sfaits de nos choix. Le problème ici, ce n’est
pas seulement les pistes que nous n’avons pas suivies (les
op ons « laissées ouvertes »), c’est ce e montagne de possibilités
qu’on n’a même pas eu le temps d’envisager. Le sen ment qu’il y a
des myriades d’op ons qui auraient pu être géniales, mais dont on n’a
jamais eu connaissance nous pousse fortement à ne pas être sa sfaits
des choix que nous opérons ; même sans savoir laquelle, il devait y
avoir une meilleure solu on et on l’a loupée. Dans un monde global, mû
par Internet, il y a toujours des myriades d’op ons, nous sommes
donc plus volon ers mécontents de nos décisions qu’aucune autre
généra on dans l’histoire.
Vive nous !
L’essen el, c’est de se rappeler que ces op ons virtuelles n’existent
pas vraiment parce qu’elles ne peuvent pas être réalisées. Nous
n’essayons pas de mener une vie imaginaire ; nous essayons de
dessiner une vie réelle et vivable. Si nous nous obligeons à tout
connaître de nos décisions et à détailler toutes les op ons possibles
(ce qui serait évidemment indispensable pour « faire le meilleur
choix »), nous ne déciderions jamais rien. Dans le design de vie, on
sait que les possibilités sont innombrables, mais on ne s’arrête pas à
ça. On aime explorer quelques possibilités, puis passer à l’ac on avec
un premier choix. C’est seulement en passant à l’ac on qu’on a une
chance d’avancer. Alors, améliorons notre capacité à avancer en nous
délestant mieux des pistes délaissées. (D’autant que vous pouvez
désormais compter sur le fait qu’il vous sera toujours possible de
trouver d’autres op ons à l’avenir, de la même façon que vous aviez
trouvé les premières). C’est essen el pour choisir le bonheur et être
content de ses choix.
Quand vous doutez… lâchez prise et avancez.
C’est vraiment aussi simple que ça.
Il ne s’agit pas de faire semblant d’ignorer les autres pistes ou qu’il ne
vous arrivera plus jamais de découvrir en cours de route quelque
chose qui vous incitera à rebrousser chemin et corriger. Il s’agit
de dire qu’il existe une manière plus intelligente de procéder, qui
développe singulièrement la capacité à me re en œuvre ses choix.
C’est la voie qui mène au bonheur, en prenant du plaisir en cours de
route.
Rendez-vous le service de générer plein de possibilités, puis de
resserrer la liste à une taille gérable (cinq max) ; puis faites le meilleur
choix possible, selon le temps et les ressources dont vous disposez,
sa sfaites-vous-en et avancez. Notez que si vous faites cela par
prototypes itéra fs, l’enjeu ne sera pas trop important et vous serez
capable d’ajuster au fil de l’eau, avant d’a eindre un niveau
d’inves ssement trop important. Une fois que vous avez fait un choix,
adhérez-y pleinement et allez-y à fond. Quand votre esprit se met à
ruminer, chassez ces pensées et concentrez-vous sur le fait de bien
vivre vos décisions. Restez a en fs et apprenez au fur et à mesure,
bien sûr, mais ne laissez pas votre regard se perdre dans le rétroviseur
des regrets.
Ce e étape du lâcher-prise repose principalement sur une discipline
personnelle. Gardez en tête la compréhension recadrée de votre
choix et assurez-vous de remporter le combat sur vous-même,
lorsque vous êtes tenté(e) de vous me re à ruminer. Me ez en place
le sou en nécessaire pour vous y tenir – trouvez quelqu’un ou une
équipe avec qui travailler sur votre design de vie, pour vous aider à
vous souvenir pourquoi vous avez fait tel ou tel choix ; consacrez une
entrée de votre Journal à votre décision et relisez-la quand vous êtes
perdu(e). Trouvez tout ce qui vous permet de profiter à fond de vos
choix.

Principe à problème : Le bonheur, c’est de tout avoir.


Recadrage : Le bonheur, c’est me délester de ce dont je n’ai pas
besoin.

LÂCHER PRISE EN S’ACCROCHANT


Andy était un excellent étudiant en médecine. À ceci près qu’il n’était
pas étudiant en médecine, mais en santé publique ou en médecine-
technologie-entrepreneuriat. Andy avait deux idées pour son avenir
et une solu on de secours, toutes au service d’un même grand
projet : réparer le système de santé.
Andy voyait bien que le système de santé avait besoin d’une réforme
massive : hausse significa ve des soins de préven on et de ges on
du mieux-être, poids dispropor onné des dépenses de santé dans
l’économie, accès aux soins réservés aux riches. Il pensait qu’il avait
deux façons d’agir avec efficacité. Il pouvait soit devenir conseiller en
poli que de santé, soit entreprendre dans le secteur des technologies
médicales. Même si, dans son entourage, envisager de s’impliquer
dans les poli ques gouvernementales et dans le secteur public n’était
pas très glamour, Andy se rendait compte que seuls ceux
qui pourraient régler les grandes variables d’ajustement de la santé
seraient en posi on d’opérer de grands changements. Pour les
technologies médicales, il savait que le secteur était en pleine
ébulli on ; les nouvelles technologies pouvaient engendrer des
changements de comportements capables d’accélérer les choses,
puisqu’ils évoluaient à la vitesse du marché et non à celle des
poli ques gouvernementales.
Sa solu on de secours, c’était d’être « un simple docteur ». Dit comme
ça, ça a l’air bizarre, vu le respect que nos sociétés témoignent aux
médecins, par culièrement dans la branche asia que de sa famille,
mais c’est en ces termes qu’il se le disait. Ce n’était pas du mépris,
juste de l’honnêteté. Sa solu on de secours, c’était son assurance au
cas où il ne réussirait pas à agir largement sur la société et devrait
envisager un des n plus modeste. Un docteur avait certainement un
impact sur sa clientèle, peut-être même dans les hôpitaux locaux et
ceux de la région. Peut-être était-ce une façon d’offrir l’exemple
brillant d’un meilleur système de santé.
Alors, comment choisir ? En fait, pour lui, la difficulté n’était pas là.
Andy était convaincu que la voie poli que était poten ellement la
plus efficace et la plus intéressante ; c’était donc la voie qu’il suivrait.
La difficulté était de choisir comment. Après sa licence, devait-il
directement faire un master en santé publique pour travailler ensuite
à Washington ? Ou bien faire d’abord médecine et ensuite un
master ? Andy savait que dans le milieu de la santé, le tre de
médecin a beaucoup de valeur et que pour toutes les ques ons
médicales, l’avis de ceux qui le portent pèse plus lourd. Il ne pensait
pas qu’être médecin ferait de lui un législateur plus avisé ou plus
efficace, mais il voulait vraiment que son avis compte et il était prêt à
envisager les huit ou dix années d’études que ça demandait pour
accroître sa crédibilité (quatre ans d’externat, plus quatre à six ans
d’internat).
Sa décision était difficile à prendre. Dix ans avant de pouvoir
commencer ce qu’il voulait vraiment, ça paraissait démesurément
long.
Andy tournait et retournait le problème dans sa tête, sans arriver à
trouver de solu on sa sfaisante. Dès qu’il décidait de commencer par
son master, il se disait : « Mais… s’ils ne m’écoutent pas, cet avantage
ne servira à rien ! » et dès qu’il résolvait de commencer par médecine,
il se disait : « Mais… dix ans, c’est trop long, qui sait ce qui se passera
d’ici là ? ». Andy tournait en rond. Il avait l’impression que son cerveau
était coincé comme un hamster sur sa roue, couinant en rond toute la
nuit.
Andy cessa de réfléchir à sa décision pour la « gnoquer ». Ce faisant, il
se rendit compte que le docteur Andy se sentait mieux que l’homme
poli que Andy. Dans la peau d’un futur médecin, Andy s’inquiétait
des dix années à venir, mais il se disait aussi « OK, c’est long, mais j’ai
vraiment envie de changer les choses. Je sais que, pour y arriver, il
faut que je fasse tout ce que je peux pour être au top. Les problèmes
seront toujours considérables dans dix ans ; je ne vais rien louper. Je
ne crois pas que je pourrai me regarder en face si je ne donne pas le
meilleur de moi-même ». À l’inverse, quand il se posait la ques on :
« Et si personne ne m’écoute sans diplôme de médecin ? », l’Andy
poli que ne trouvait aucune bonne réponse ; tout ce à quoi il arrivait,
c’était se sen r mal à l’aise.
Il choisit donc médecine et consacra les dix années suivantes à
obtenir son diplôme, presque uniquement pour être un meilleur
législateur dans le futur. OK, choix effectué, fin de l’histoire. Pas vrai ?
Pas vrai.
Il fallait encore qu’Andy réalise l’étape quatre – lâcher prise et
avancer. Andy comprit vite pourquoi nous avons bap sé ainsi ce e
étape. Le secret pour lâcher prise, c’est d’avancer. Lâcher prise est en
soi un truc extrêmement difficile à faire – certains diraient impossible.
Par exemple, juste là, pensez à n’importe quoi sauf à un cheval bleu.
Quoi que vous fassiez – ne pensez et n’imaginez pas un cheval bleu.
Pas de cheval bleu tacheté. Pas de licorne bleue. Pas de poney bleu
avec une selle rayée rouge et blanche et un ruban rose sur la queue.
Au cours des prochaines soixante secondes, con nuez à ne pas voir
de cheval bleu.
Bon, comment ça s’est passé ? Si vous êtes comme tous les gens avec
qui nous avons travaillé, vous avez été submergé par les chevaux
bleus. C’est la même chose avec le lâcher-prise : c’est davantage une
inac on qu’une ac on et le cerveau déteste ça, tout comme la nature
a horreur du vide. Du coup, pour lâcher prise, la solu on est de
passer à autre chose. Il faut se concentrer sur quelque chose, pas
simplement se détourner.
Comment Andy allait-il chasser la pensée qu’il était peut-être en train
de perdre dix ans de sa vie ? Comment allait-il chasser ces images de
lui-même obtenant sa maîtrise en deux ans et devenant le pe t jeune
qui monte dans les couloirs du Congrès ? Andy comprit que la façon
de s’en sor r était de s’y lancer à fond. Il se demanda alors :
« Comment faire pour avancer et accepter de devenir médecin ? ».
Dès qu’il fit cela, Andy réalisa que ce choix lui offrait pour rien sa
solu on de secours – devenir médecin. Il savait que les étudiants en
médecine commencent à pra quer la médecine au cours de leurs
premières années d’études et que les années d’internat se déroulent
parmi les pa ents. Quelles étaient les spécialités qui convenaient le
mieux aux poli ques de santé ? Quelles écoles avaient les liens les
plus étroits avec Washington et proposaient des masters en santé
publique ? De quelles ins tu ons de santé apprendrait-il le plus : un
pe t centre médical ? Un grand hôpital ? Dans une pe te ville ? Une
grande ? Aussitôt qu’il commença à s’inves r dans sa forma on
médicale et la façon dont elle pourrait le servir, il eut des tas d’idées
et des tas de ques ons à résoudre. En se projetant dans ce e
trajectoire, il permit à son esprit de lâcher prise. Et il trouva des tas de
façons d’avoir des conversa ons et des expériences prototypes
connectées aux poli ques de santé, en tant qu’étudiant en médecine
et interne.
Andy était un élève brillant.

LA FIN DE LA ROUE DE HAMSTER


Les designers ne ressassent pas. Ils ne ruminent pas ce qui aurait pu
être. Ils ne tournent pas sur leur roue. Ils ne gâchent pas leur avenir à
espérer un meilleur passé. Les designers de vie voient l’aventure dans
tout ce qu’ils vivent ou entreprennent. Voilà comment on opte pour le
bonheur.
D’ailleurs, avons-nous vraiment le choix ?

13. Peter Salovey et John D. Mayer, « Emo onal Intelligence », Imagina on, Cogni on and
Personality 9 (1990), pp. 185-211.
14. Daniel Goleman, L’intelligence émo onnelle (Robert Laffont, 1997) et sa suite, Cul ver
l’intelligence rela onnelle (Laffont, 2009), d’où nous avons ré l’idée de « sagesse des
émo ons ».
15. To « grok » (Stranger in a Strange Land, Robert Heinlein, 1961) (N.d.T)
16. Pour en savoir plus sur les idées de Dan Gilbert, voir le TED Talk « The Surprising Science
of Happiness » (L’étonnante science du bonheur),
h ps://www.ted.com/talks/dan_gilbert_asks_why_are_we_happy/ et lire Et si le bonheur vous
tombait dessus (Laffont, 2007).
17. Pour en savoir plus sur les idées de Barry Schwartz, voir le TED Talk « The Paradox of
Choice » (Le Paradoxe du choix),
h ps://www.ted.com/talks/barry_schwartz_on_the_paradox_of_choice.
CHAPITRE 10

L’immunité contre l’échec


I maginez un vaccin contre l’échec. Une simple injec on et votre vie
se déroule exactement comme prévu – une promenade de succès
en succès, à perte de vue. Ça sonne bien, non ? Pas de décep on, pas
de revers, pas de problème, pas de deuil ; pour la plupart d’entre
nous, c’est ça la belle vie. Personne n’aime l’échec, ce sen ment
affreux – ce e horrible sensa on de noyade au creux de l’estomac, le
poids lourd de la défaite qui oppresse la poitrine.
Qui ne voudrait être prémuni contre l’échec ?
Malheureusement, il n’existe pas de vaccin et il est impossible de ne
jamais échouer. Mais il est possible d’être immunisé. Ça ne veut pas
dire qu’on puisse éviter que des choses ne se déroulent pas comme
on l’aurait voulu ; mais on peut être immunisé contre la plupart des
émo ons néga ves qui alourdissent inu lement la vie. En u lisant les
idées et ou ls dont nous vous avons parlé, vous réduirez votre taux
de soi-disant échec ; c’est super, mais nous voulons plus qu’une
simple diminu on : nous voulons l’immunité.
Nous avons essayé beaucoup de choses pour dessiner une vie qui
vaille d’être vécue. La curiosité nous a ouverts au monde et fait
rencontrer des gens intéressants. Nous avons collaboré sans réserve
avec nos amis et les membres de notre famille, nous avons réalisé des
prototypes d’engagements pleins de sens. Au fil de ce périple, nous
nous sommes familiarisés avec le par pris de l’ac on et à chaque fois
que nous hésitons, nous savons qu’il est temps d’agir.
Vous avez ainsi développé ce que les tenants de la psychologie
posi ve, comme Angela Duckworth, appellent la persévérance ou la
ténacité18. Les recherches de Duckworth sur la ténacité et le contrôle
de soi démontrent que la ténacité est un meilleur indicateur de
réussite future que le QI. L’immunité contre l’échec permet une plus
grande ténacité.
Il est important de se voir soi-même comme un designer de vie
curieux et orienté vers l’ac on, aimant faire des prototypes et
« avancer pas à pas » vers l’avenir. Mais quand on choisit ce e
démarche pour dessiner sa vie, on s’expose à l’échec. En fait, on va
même « échouer par design » davantage qu’avec n’importe quelle
autre méthode. Il est donc important de comprendre ce que signifie
« l’échec » dans ce processus et comment parvenir à ce que nous
appelons l’immunité contre l’échec.
La peur de l’échec occupe une place énorme dans la vie des gens. Il
semble qu’elle soit liée à la percep on fondamentale de la façon dont
les gens définissent une bonne ou une mauvaise vie. Elle a réussi
(ouais, bien !). Il a échoué (hou, mauvais !). Quand on envisage cela de
ce e façon, personne ne veut échouer. On s’imagine qu’à son
enterrement, un juge extérieur (ou un quelconque comité imaginaire)
jugera si on a réussi ou échoué.
Heureusement, quand on dessine sa vie, on ne peut pas échouer. On
peut vivre des prototypes ou des engagements qui n’a eignent pas
leur but (qui « échouent »), mais souvenez-vous, ils ont été conçus
pour en rer des enseignements. Une fois qu’on est devenu designer
de sa vie et qu’on est dans le processus créa f con nu du design de
vie, on ne peut plus échouer ; on ne peut que progresser et apprendre
de ses échecs et de ses succès.

L’ÉCHEC INFINI
Nous avons bon espoir que vous comprenez désormais que faire des
prototypes pour dessiner sa vie est une excellente façon de réussir
plus vite (pour les choses importantes) en échouant plus souvent
(dans les pe tes expériences d’appren ssage, moins exposées). Une
fois qu’on est passé plusieurs fois par ce cycle de prototypes itéra fs,
on commence à vraiment apprécier le processus d’appren ssage via
les rencontres prototypes que d’autres pourraient appeler échecs. Par
exemple, un jour avant le démarrage de notre cours Designing Your
Life, Dave a fait une grosse modifica on sur un des exercices prévus.
Il avait eu une idée et voulait essayer. Il n’avait pas eu le temps de
prévenir Bill, qui découvrit cela en même temps que les étudiants.
Quand Dave eut présenté l’exercice (encore jamais testé) et alors que
les élèves y travaillaient, Bill alla voir Dave pour lui dire : « C’est
parfait ! J’adore l’idée que tu veuilles te planter lamentablement
devant quatre-vingts étudiants ! Je ne sais absolument pas si cet
exercice va marcher, mais j’adore la façon dont tu en fais un
prototype ! ». Dave et Bill en sont arrivés à faire une telle confiance au
processus de design qu’ils ne parlent même jamais de la bonne façon
de mener leur cours. Quand on maîtrise vraiment la pensée design, on
finit par tout penser différemment.
Le premier niveau d’immunité contre l’échec, c’est le biais vers l’ac on
et le fait d’être si clairement convaincu de la valeur éduca ve d’un
échec qu’on n’en sent plus la piqûre (et bien sûr, on re rapidement
les enseignements de cet échec pour s’améliorer). À propos, l’exercice
en cours se passa bien, mais nous avons décidé par la suite de le
balancer pour revenir à la version précédente, plus efficace. Quel
succès !
Il y a un autre niveau d’immunité que nous appelons l’immunité
contre les échecs graves et qui vient de la compréhension du grand
recadrage de la pensée design. Vous êtes prêt(e) ? Dessiner sa vie,
c’est la vie elle-même, parce que la vie est un processus, pas un
abou ssement.
Si vous comprenez ça, vous avez tout compris.

Principe à problème : Je juge ma vie d’après son abou ssement.


Recadrage : Ma vie est un processus, pas un abou ssement.
Nous sommes sans cesse en train de grandir du présent vers l’avenir
et donc sans cesse en train de changer. Avec chaque changement
vient un nouveau design. La vie n’est pas un abou ssement, c’est
plutôt une danse. Le design de vie est simplement un joli pas de
danse. La vie n’est jamais finie (jusqu’à la fin) et le design de vie ne
s’arrête que quand on s’arrête.
Le philosophe James Carse a écrit un livre intéressant, Jeux finis, jeux
infinis19. Il y affirme qu’à peu près tout ce que nous faisons dans la vie
est soit un jeu fini, dans lequel on joue selon les règles et dans le but
de gagner, soit un jeu infini, dans lequel on joue avec les règles dans le
but de pouvoir con nuer à jouer. Avoir 20/20 en chimie est un jeu
fini. Apprendre comment le monde est organisé et comment on s’y
inscrit est un jeu infini. Entraîner son fils pour gagner le concours
d’orthographe est un jeu fini. Faire comprendre à votre fils que vous
l’aimez de façon incondi onnelle est un jeu infini. La vie est remplie
de ces deux sortes de jeux. (Par « jeu », nous n’entendons rien de
trivial ou d’enfan n. Dans ce contexte, il s’agit simplement de la façon
dont on agit dans le monde et quelle importance on donne à nos
agissements). Tout le monde joue en permanence et simultanément à
des jeux finis et infinis. Les uns ne sont pas mieux que les autres. Le
baseball est un jeu formidable à pra quer, mais il ne fonc onne pas
sans règles, ni sans vainqueurs et vaincus. L’amour est un jeu infini –
quand on y joue bien, il dure toujours et tout le monde joue pour le
faire durer.
Quel rapport avec le design de vie ? Simplement ceci : quand on se
souvient qu’on joue en permanence au jeu infini de devenir de plus
en plus soi-même pour trouver des façons d’exprimer le caractère
excep onnel de sa présence dans le monde, on ne peut pas échouer.
En adoptant l’état d’esprit du jeu infini, on ne fait pas que réduire ses
échecs – on s’immunise réellement contre eux. Bien sûr, il y a
toujours les pertes, les blessures et les revers, mais ils ne nous
diminuent pas, ce ne sont pas des « échecs » existen els dont on
n’arrive pas à se reme re.

ÊTRE ET FAIRE
Pendant des millénaires, deux no ons se sont affrontées : celle de se
considérer comme un être humain (plus répandue dans les cultures
orientales), ou comme un acteur (plus répandue dans les cultures
occidentales). Être ou faire ? Le véritable moi intérieur ou le moi
extérieur, ac f et performant ? Lequel sommes-nous ? Selon le design
de vie, c’est une mauvaise dichotomie. Puisque la vie est un méchant
problème qu’on ne « résout » jamais, on se concentre simplement sur
le fait d’être meilleur à vivre sa vie en avançant pas à pas. Le
diagramme suivant est, selon nous, une meilleure façon d’envisager le
processus :

Quand on dessine sa vie, on commence par qui on est (chapitres 1, 2


et 3). Puis on a plein d’idées (plutôt qu’a endre et a endre d’avoir
l’idée du siècle), puis on essaie des trucs (chapitres 4, 5 et 6), avant de
faire le meilleur choix possible (chapitre 8). En faisant tout cela, y
compris en faisant des choix qui engagent pour plusieurs années, on
développe des aspects variés de sa personnalité et de son iden té,
qu’on nourrit et auxquels on fait appel au fil des expériences – on
devient davantage soi-même. On alimente ainsi un cycle de
croissance très produc f, qui évolue naturellement de l’être, au faire,
et au devenir. Puis tout se répète, à mesure que la version de soi-
même qui-nous-ressemble-davantage (notre nouvel être) se met à son
tour à faire, et ainsi de suite.
Tous les chapitres de la vie – aussi bien ceux où l’on est vainqueur
que ceux qui sont douloureux et décevants – entre ennent ce cycle
de croissance, si on a le bon état d’esprit. Ce e façon de voir et de
vivre les choses permet de toujours réussir au jeu infini de la
découverte de sa vie et de l’engagement dans le monde.
Cet état d’esprit, c’est notre version du vaccin contre l’échec.
Principe à problème : La vie est un jeu fini, avec des gagnants et des
perdants.
Recadrage : La vie est un jeu infini, sans gagnants ni perdants.

Là, vous vous dites peut-être que c’est bien joli, mais que dans le vrai
monde, ce n’est pas si simple. Nous croyons vraiment (nous l’avons vu
chez d’autres et vécu nous-mêmes) qu’on peut recadrer ses échecs
pour mener une vie plus heureuse et plus gra fiante. Il ne s’agit pas
d’une simple adapta on de la pensée posi ve ; c’est un ou l de
design, indispensable au design de vie.
L’échec est la ma ère première du succès. On se plante tous ; on a
tous des faiblesses ; on a tous des crises de croissance. Et nous avons
tous en nous au moins une histoire de recadrage, un changement de
point de vue, où nous avons perçu un échec comme la meilleure
chose qui pouvait nous arriver.
On connaît tous des histoires de rédemp on. Une vie parfaitement
planifiée, sans aucune surprise, qui ne met jamais en difficulté, est
une vie parfaitement ennuyeuse, pas une vie bien dessinée.
Acceptez les défauts, les faiblesses, les gros ratages et toutes les
choses qui se sont produites sur lesquelles vous n’aviez aucun con-
trôle. C’est tout ce qui rend la vie digne d’être vécue, et d’être
dessinée.
Il suffit de demander à Reed.

“ L’échec est la ma ère première du succès. ”


GAGNER ET PERDRE ET GAGNER
Reed avait toujours voulu être délégué à l’école. Il se mit donc en
campagne dès qu’il le put, en CM2. Et il perdit. Il se présenta de
nouveau en sixième – et perdit encore. Il se présenta ainsi tous les
ans, souvent deux fois par an, et perdit à chaque fois. À la fin de sa
première, il s’était présenté treize fois à toutes sortes de fonc ons et
avait perdu à chaque fois. Au cours de sa terminale, il décida de se
présenter une dernière fois – comme président du bureau des élèves.
Au fil des années, les parents de Reed avaient assisté avec désarroi à
tous ces revers. Après quatre ou cinq défaites, ils grimaçaient à
chaque fois que Reed annonçait : « Je vais me présenter ! ». Ils étaient
assez intelligents pour ne pas le décourager, mais intérieurement, ils
souhaitaient qu’il laisse tomber et arrête la casse. Ils ne supportaient
pas de le voir subir tous ces échecs. Mais Reed s’en moquait. Oh, bien
sûr, il détestait perdre – mais il ne changeait pas d’avis. Il savait que,
s’il persévérait, il apprendrait de ses erreurs et finirait par l’emporter –
au moins, il apprendrait quelque chose. Dans son esprit, l’échec n’était
qu’une étape du processus. À chaque échec, la défaite était moins
douloureuse, ce qui lui donna le courage de tenter d’autres
approches – faire du sport, jouer la comédie. La plupart échouèrent,
mais pas toutes. S’il était ravi de ses succès, il acceptait aussi bien
qu’elles échouent. Échouer sans cesse lui donna l’énergie de faire la
meilleure campagne possible. Chaque défaite était une leçon, du
coup, lorsqu’il se présentait, il ne redoutait jamais de perdre. Quand il
finit par l’emporter et devenir président du bureau des élèves, il fut
ravi, mais l’essen el n’était pas qu’il l’eût emporté – l’essen el, c’est
qu’il avait con nué à se présenter.
Cela s’avéra une leçon plus importante qu’il ne le pensait.
À 22 ans, vu de l’extérieur, Reed semblait enfin tout réussir. Boy
scout. Délégué de classe. Quarterback de son équipe de football.
Admis dans une des meilleures universités. Champion d’aviron.
Quand il termina sa licence en économie, sa vie semblait vouée à la
réussite. Il décrocha un poste dans une grande entreprise et les
premières années, sa trajectoire professionnelle sembla parfaite.
Son travail l’obligeait à voyager beaucoup et au cours d’un
déplacement dans le Midwest, Reed remarqua une grosseur bizarre,
juste sous son cou. Au moment de la pause déjeuner, Il s’arrêta dans
un centre médical pour se faire examiner et quand il reprit l’avion
pour rentrer chez lui, trois jours plus tard, un médecin avait confirmé
ses pires angoisses : lymphome hodgkinien, un cancer des ganglions
lympha ques. Rentré chez lui, il démarra aussitôt une chimiothérapie.
Le cancer à 25 ans ne faisait pas par e de son design de vie. Mais il
faisait désormais par e de sa vie.
Son habitude de surmonter les échecs porta alors ses fruits. Très
rapidement, Reed accepta la réalité de sa situa on et mit toute son
énergie à guérir. Il ne resta pas à se demander : « Pourquoi moi ? ». Il
ne se dit pas non plus qu’il n’avait pas réussi à rester en bonne santé.
Il était trop occupé à préparer sa nouvelle campagne – ce e fois pour
ba re le cancer. Pendant un an, sa carrière de consultant stagna,
comme il l’avait prévu ; il se fit opérer, subit une radiothérapie et une
chimiothérapie. Il apprit très jeune combien la vie était fragile.
Son traitement terminé, en rémission, Reed ne sut que faire. En fait, il
avait une idée – un peu folle. Il y avait ce pe t élément dans son
Projet d’Odyssée dont il n’avait pas encore fait de prototype : pren
dre une année sabba que pour skier. Il était partagé. Un garçon
typiquement américain en route vers la réussite ne s’arrête pas un an
pour faire du ski et rien d’autre.
Mais Reed n’était plus un gen l boy scout. Il venait de batailler avec le
cancer et, même s’il savait que la sagesse voulait qu’il retourne à sa
vie professionnelle et s’inquiétait qu’une année de césure
supplémentaire ne nuise à son CV et donc à sa vie, Reed décida qu’il
voulait vivre ce e vie, pas seulement la planifier.
Il eut quelques conversa ons prototypes avec des hommes d’affaires
avant de prendre sa décision, parce qu’il voulait savoir comment de
futurs recruteurs interprèteraient sa décision et il conclut qu’il pouvait
courir le risque : le genre de gens avec qui il voulait travailler
regarderaient son aventure post-cancer au ski comme une
manifesta on de courage plutôt qu’une irresponsabilité. Et pour les
autres – eh bien, c’était leur problème. L’élément important, ce n’est
pas tant que Reed ait « réussi à vaincre le cancer », mais qu’il ait été
capable de profiter de son immunité contre l’échec pour canaliser son
énergie de façon produc ve et en rer des enseignements qui lui
resserviraient. En transformant un problème en avantage, il a été
capable de dessiner la meilleure vie possible face à l’adversité. C’est
sacrément mieux que de se décourager en se demandant pourquoi le
malheur s’abat.
L’immunité contre l’échec qu’il avait commencé à acquérir au CM2
con nua de porter ses fruits. Quelques années plus tard, Reed décida
de faire le mé er de ses rêves : travailler pour une franchise dans le
sport professionnel, une équipe de la NFL20 pour être précis. Même
s’il n’avait aucune connexion familiale dans ce milieu, il avait
rencontré un futur cadre de la NFL à l’université et s’était
progressivement bâ un réseau dans le monde du sport en menant
des conversa ons prototypes. Il fit quelques incursions dans le
secteur, à la recherche d’un poste. Le pire qui pouvait arriver, c’était
un refus, mais ça faisait longtemps que les refus ne lui faisaient plus
peur, pourquoi ne pas essayer ?
Quand ses efforts pour être recruté par la NFL échouèrent, il passa
rapidement à autre chose et redirigea ses efforts vers son plan de
secours.
Un peu plus d’un an plus tard, il eut l’occasion de postuler pour un
poste d’agent de joueurs pour une équipe de la NFL. Face à des
douzaines d’autres candidats, dont beaucoup avait l’expérience du
secteur, il fut l’un des deux finalistes et il perdit – il n’ob nt pas le
poste. Ça lui fit mal, mais une fois encore, il réorienta ses efforts et
décrocha un poste à la direc on financière d’une excellente
entreprise.
Mais il n’avait pas renoncé au sport professionnel. Même rejeté, il
con nuait ses prototypes dans le secteur. Il resta en contact avec les
cadres de la NFL et passa des centaines d’heures à bâ r des modèles
d’analyse spor ve innovants, qu’il leur montrait de temps à autre. Ce
n’était pas le comportement habituel de ceux qui n’ont pas décroché
un boulot. Et, oui, il finit par être recruté par ce e même équipe de
NFL, pour un poste meilleur que celui auquel il s’était porté candidat
à l’origine.
Il y resta environ trois ans avant de décider que le sport pro, ce n’était
pas vraiment là où il voulait être – un nouvel « échec ». Il travailla pour
une start-up dans le domaine de la santé, sûr que si ça ne marchait
pas là, la fois prochaine – ou peut-être la suivante – ça marcherait.
Reed est à présent totalement immunisé contre l’échec. Il n’est pas
protégé contre la douleur personnelle de l’échec, mais contre la
désinforma on qu’il génère – plus jamais il ne pense être un raté ou
qu’il est défini par ses échecs, ni même, plus exactement, que ses
échecs sont des échecs. Ses revers lui apprennent des choses, de la
même façon que ses succès. Il préfère le succès, mais il accepte ce qui
se présente et con nue à progresser en échouant.
Rencontrer Reed aujourd’hui, c’est rencontrer ce qui ressemble à un
jeune homme comblé à tout point de vue. Un mariage heureux, une
magnifique pe te fille qui vient de naître et un irrésis ble pe t garçon
de trois ans. Il est grand, beau et bien portant. Avec sa femme, ils
viennent d’acheter leur première maison et tout se passe bien dans la
jeune société de tests géné ques où il travaille. Reed profite
certainement de tous ses succès récents, mais il n’y pense pas en ces
termes. Il est surtout reconnaissant, il sait que la percep on qu’on a
de sa vie dépend plus de son état d’esprit que de son niveau de
réussite du moment.
Voilà ce qui explique vraiment la réussite de Reed.

EXERCICE DE RECADRAGE DES ÉCHECS


Parler de l’immunité contre l’échec comme d’un noble objec f est
facile, l’a eindre est une autre paire de manches. Voici un exercice
pour vous y aider : le recadrage des échecs. L’échec est la ma ère
première du succès et le recadrage des échecs est le processus qui
consiste à transformer ce matériau brut en source de progrès. Il s’agit
d’un exercice simple en trois étapes :

1. Enregistrer ses échecs ;


2. Classer ses échecs ;
3. Iden fier les pistes de progrès.

Enregistrer ses échecs


Faites simplement la liste de vos déboires. En reprenant les
événements de la semaine dernière, du mois dernier, de l’an passé ou
carrément en dressant le palmarès de vos plus grands échecs de tous
les temps. Ça marche avec n’importe quelle période de temps. Pour
prendre l’habitude de transformer ses échecs en sources de progrès,
nous suggérons de faire cela une à deux fois par mois, jusqu’à se
me re à penser différemment. Le recadrage des échecs est une saine
habitude qui mène à l’immunité.

Classer ses échecs


Il est u le de classer ses échecs en trois catégories pour iden fier
plus facilement le poten el de progression.
Les boule es sont de simples erreurs sur des choses qu’on fait
normalement bien. Ça ne signifie pas qu’on ne peut pas faire mieux.
Normalement, ce sont des choses que vous faites bien, donc pas de
véritable enseignement à en rer – vous avez juste déconné. Ici, la
meilleure réac on, c’est de les reconnaître, s’excuser s’il le faut et
avancer.
Les faiblesses sont dues à l’une de vos défaillances récurrentes. Ce
sont les erreurs qu’on répète à chaque fois. Vous en connaissez bien
les sources. Ce sont de vieilles connaissances. Vous vous efforcez
sans doute déjà d’y remédier et vous vous êtes amélioré(e) autant que
vous le pensiez possible. Vous essayez d’éviter d’en être vic me, mais
elles se reproduisent. Ça ne veut pas dire que vous cédez
prématurément et que vous vous contentez de résultats médiocres,
c’est juste qu’il n’y a pas de grand bénéfice à essayer de changer ce
qu’on est. C’est une affaire de jugement bien sûr, mais certains échecs
font simplement par e de vous-même et la meilleure stratégie
consiste à éviter les situa ons qui les favorisent plutôt qu’à
s’améliorer.
Les chances de progrès sont les échecs qui auraient pu ne pas se
produire, ou au moins qui ne devraient pas se reproduire. Les causes
de ces échecs sont iden fiables et on peut y remédier. C’est là-dessus
qu’il faut concentrer votre a en on, plutôt que vous disperser et
perdre du temps sur les autres types d’échecs.

Iden fier les pistes de progrès


Certains échecs dans la catégorie « Chances de progrès » sont-ils une
invita on à faire de réels progrès ? Quels enseignements peut-on en
rer ? Qu’est-ce qui a mal tourné (le facteur d’échec, essen el) ?
Essayez de trouver ce qui pourrait modifier la donne la prochaine fois.
Prenez-en note et a elez-vous-y. C’est tout – un simple recadrage.
Voici quelques exemples rés de la liste presque interminable des
échecs de Dave :

Dave a effec vement loupé l’anniversaire de sa fille Lisa.


D’exactement une semaine. Il ne se rappelle pas bien ce genre de
choses (une de ses faiblesses), du coup il les note dans son agenda.
Mais, une année, il l’a noté à la mauvaise semaine. Il avait
soigneusement organisé un pe t dîner au restaurant avec elle – sept
jours après son anniversaire. Étant en déplacement, il a réussi à
ignorer la chose pendant toute une semaine. Une boule e royale.
Une étourderie. Ça ne se reproduira plus. L’autre terrible boule e, ce
fut de se faire cambrioler. Alors que leur maison était traitée contre
les termites, Dave et sa femme ont dû déménager pendant trois jours,
au cours desquels des voleurs se sont introduits dans leur maison
bâchée et ont volé tout ce qui avait de la valeur. Affreux. Quelle a été
son erreur ? Ne pas faire appel à une entreprise de gardiennage pour
surveiller la maison pendant trois jours. Mais qui est capable de faire
ça ? La police a dit que ça se produisait rarement (la plupart des
voleurs n’ont pas envie de se faire mortellement enfumer pour un
téléviseur) et tous les amis de Dave ont fait un traitement de ce type
sans jamais même évoquer l’idée d’embaucher un gardien. Même si ce
déboire était évitable, c’était si peu commun qu’il accepta de le traiter
comme une boule e. Grosse, douloureuse, coûteuse, mais juste une
boule e.
Ensuite, il fut (encore) obligé de veiller la moi é de la nuit pour
reme re à temps son budget. Dave est connu pour sa tendance à la
procras na on. Il a beaucoup de trucs pour résoudre ce défaut
persistant et ça marche au moins dans 7 % des cas. Il a appris à
contourner ce défaut le plus possible et à vivre avec le reste du
temps. Il ne manque presque aucune échéance – mais il se couche
tard souvent. La belle affaire. Pas grand-chose à faire ici. Déjà passé
et repassé par là. C’est une faiblesse.
En revanche, il a été très surpris lors d’une conversa on récente au
téléphone avec une cliente. Dave venait juste d’entamer la
conversa on sur le problème de marke ng que posait le projet sur
lequel ils étaient en train de travailler, quand la cliente éclata et se mit
à hurler. Dave fut a erré. Il n’était pas au courant que l’ingénieur
principal du projet avait démissionné et que tout était annulé. Même
si c’était la raison de son appel, sa longue ques on liminaire de
marke ng ne se posait plus et la cliente était furieuse qu’il lui fasse
perdre son temps. Ce n’est pas le genre d’erreurs que Dave a
l’habitude de comme re. Au contraire, il gère parfaitement ses clients
et passe des dizaines d’heures par semaine au téléphone. Que s’était-
il passé ce e fois ? En y réfléchissant, il comprit que son erreur avait
été de démarrer la conversa on sur le sujet prévu, sans prendre le
temps de vérifier. Presque tous les appels de Dave sont organisés
avec un sujet à traiter et un temps impar . Il ob ent les meilleurs
résultats s’il démarre immédiatement son ordre du jour, mais il réalise
à présent qu’il ne procède jamais comme cela quand il rencontre les
gens en personne.
Dans une vraie entrevue, il commence par faire le point pour savoir
comment va la personne, quelles sont les nouvelles depuis leur
dernier contact et il confirme toujours l’ordre du jour avant de traiter
les problèmes. Durant ces préliminaires, il apprend souvent des
choses importantes, mais ça fait un moment qu’il ne le fait plus au
téléphone, pour gagner du temps. Sauter ce e étape comportait
clairement des risques ; jusque-là, il s’en était bien sor . Ici, l’idée est
simple : faire un point rapide au début, même au téléphone. Ça ne
prend que quelques secondes et ça peut faire une grande différence.
Dave a mis moins de temps à analyser ces quatre revers qu’il ne vous
en a fallu pour les lire. Cet exercice n’est pas difficile, mais il peut
rapporter gros. Si Dave avait balayé ce e mauvaise conversa on
téléphonique en disant : « Pfff, c’est quoi son problème ? », il n’aurait
rien appris et risquerait que ça se reproduise. De la même façon, s’il
n’avait pas réfléchi à ce qui avait provoqué ce terrible cambriolage ou
l’oubli de l’anniversaire de sa fille, il con nuerait de ba re sa coulpe
en vain.
Un pe t travail de recadrage peut faire beaucoup pour renforcer son
immunité contre les échecs. Essayez.

ÉVITER DE COMBATTRE LA RÉALITÉ


Même quand on a le mé er et la vie de ses rêves, les soucis sont
inévitables. Les designers en savent long sur tout ce qui ne marche
pas comme prévu. Quand on comprend qui on est, qu’on dessine sa
vie et qu’ensuite on part vivre sa vie, on ne peut pas échouer. Ça ne
veut pas dire qu’on ne trébuchera pas ou qu’un prototype donné
fonc onnera toujours comme prévu. Mais l’immunité contre l’échec
provient de la conscience qu’un prototype qui ne fonc onne pas
donne quand même une informa on précieuse sur l’état du monde
ici – votre nouveau point de départ. Quand des obstacles se dressent,
que votre progression déraille, que le prototype change subitement,
le design de vie vous permet de transformer tous ces changements,
revers et surprises en quelque chose qui contribue à vous faire
grandir sur les plans personnel et professionnel.
Les designers de vie ne comba ent pas la réalité. Leur grande force
vient de leur persévérance à avancer pas à pas quoiqu’il advienne.
Dans le design de vie, il n’y a pas de mauvais choix, pas de regrets. Il
n’y a que des prototypes, certains qui réussissent, d’autres qui
échouent. Certains des plus grands enseignements proviennent de
l’échec d’un prototype, parce qu’on sait alors ce qu’il faudra construire
différemment la fois suivante. La vie, ce n’est pas gagner et perdre.
C’est apprendre à jouer à un jeu infini et, quand on envisage sa vie
comme un designer, on est toujours curieux de découvrir ce qui va se
passer ensuite.
La seule ques on qui se pose encore, nous l’avons tous déjà
entendue une fois ou deux : que feriez-vous si vous saviez que vous
ne pouvez pas échouer ?

18. Les recherches d’Angela Duckworth sont résumées dans un excellent ar cle de Daniel J.
Tomasulo, « Grit : What Is It and Do You Have It ? » (« La ténacité : qu’est-ce que c’est et en
avez-vous ? »), Psychology Today, 8 janvier 2014,
h ps://www.psychologytoday.com/blog/the-healing-crowd/201401/grit-what-is-it-and-do-
have-it.
19. James P. Carse, Jeux finis, jeux infinis (Seuil, 1988).
20. Na onal Football League.
À vous de jouer
Recadrer les échecs

1. En u lisant le tableau ci-dessous (téléchargeable sur


www.designingyour.life), repassez les événements de la
semaine (ou du mois, ou de l’année) et faites la liste de vos
déboires.
2. Répar ssez-les en boule es, faiblesses ou chances de
progrès.
3. Iden fiez vos idées de progrès.
4. Prenez l’habitude de transformer vos échecs en progrès en
faisant cela une à deux fois par mois.
CHAPITRE 11

Bâ r une équipe
L e design d’un projet, d’un produit ou d’un bâ ment est réussi
parce que c’est une équipe qui l’a fait naître. Les designers croient
à la collabora on sans réserve parce que le vrai génie est un
processus collabora f. Nous dessinons nos vies en collabora on et en
lien avec les autres, parce que nous est toujours plus fort que je –
c’est aussi simple que ça.

Principe à problème : C’est ma vie, je dois la dessiner moi-même.


Recadrage : Je vis et dessine ma vie en collabora on avec les autres.

Quand on dessine sa vie, on s’engage dans un acte de co-créa on.


Dans la pensée design, on adopte un état d’esprit complètement
différent du « développement de carrière », du « planning
stratégique » ou même du « coaching ». Une différence clé, c’est le
rôle de la communauté. Quand on est seul architecte de son avenir
brillant, on imagine tout un ensemble avant de le faire surgir
héroïquement de terre – tout tourne autour de soi. Le design de vie
concerne votre vie, mais ça n’est pas que vous – c’est nous tous.
Quand nous disons qu’on ne peut pas le faire tout seul, ce n’est pas
pour dire qu’on aimerait y arriver seul, mais qu’on se fait aider faute
d’en être capable ; c’est pour dire que le design de vie est par essence
un effort collec f. Quand on s’oriente, étape par étape, pour
construire (et non résoudre) son avenir, le processus doit reposer sur
les contribu ons et la par cipa on des autres. Les idées et
possibilités qu’on dessine ne sont pas seulement offertes par d’autres
à votre profit ; elles sont co-créées avec vous en collabora on avec
toute la communauté des acteurs que vous croisez dans votre vie.
Qu’ils le voient ainsi ou pas, tous les gens que vous croisez, contactez,
avec qui vous parlez ou faites des prototypes font par e de votre
communauté de design. Quelques personnes par culièrement
importantes deviendront vos collaborateurs centraux et joueront un
rôle essen el et con nu dans votre design de vie, mais tous
comptent.
Tous.
La co-créa on fait par e intégrante du mode design et est une des
raisons-clés de son efficacité. Votre design de vie n’est pas en vous ; il
est dans le monde, où vous le découvrirez et le co-créerez avec les
autres. Les idées, les ouvertures, les formes et les rôles que vous
finirez par tenir et par prendre n’existent en fait nulle part dans
l’univers à ce e heure, au moment où vous lisez ceci. Ils a endent
tous d’être inventés. Le matériau brut pour les inventer se trouve
dans le monde et, plus important, a end dans le cœur, l’esprit et les
actes d’autres personnes – dont beaucoup que vous n’avez pas
encore rencontrées. Une des grandes explica ons de l’incapacité de
nombreuses démarches tradi onnelles à faire ce travail, c’est qu’elles
reposent sur le sen ment erroné que vous – et vous seul(e) –
possédez les réponses, les ressources et la passion pour tout réussir.
Vous savez de quoi nous parlons ici : des gens qui vous disent de vous
fixer de bons objec fs et de les a eindre. On se croirait dans le
ves aire à la mi-temps : « Vas-y ! Tu peux le faire ! »
Nous disons que c’est de la folie.

“ Votre design de vie n’est pas en vous ; il est


dans le monde, où vous le découvrirez et le co-
créerez avec les autres. ”
Pensez à Ellen, à Janine, à Donald, dans notre introduc on. Ils avaient
des objec fs. Janine et Donald en avaient a eint beaucoup, avec
succès. Mais tous les deux se sont perdus en route – se demandant
pourquoi ils n’étaient pas sa sfaits de leurs choix, ce qu’ils devaient
faire après, ne sachant pas comment vivre leur vie d’une façon qui
fasse sens. Tous les trois croyaient avoir tout compris tout seuls. Ils ne
dessinaient pas leur vie et ils ne travaillaient pas en équipe.
Si vous vous retrouvez seul(e) face à un miroir à essayer d’imaginer
votre vie, a endant pour agir d’avoir trouvé toutes les bonnes répon
ses, vous allez a endre un bon moment.
Ne vous regardez plus dans la glace et regardez les gens qui vous
entourent. Si vous avez fait le travail et les exercices proposés dans ce
livre, vous êtes déjà entré(e) en contact avec des tas de gens – dont
beaucoup que vous venez de rencontrer. Vous avez parlé avec
sincérité de votre situa on aux autres, de vos valeurs, de votre vision
du travail et de la vie. Vous avez iden fié, dans votre Journal des
Bons Moments, des groupes et des individus qui font par e de vos
ac vités énergisantes. Il y a probablement eu des gens pour vous
aider à avoir des idées et réagir à vos alterna ves de vie. Il y a des
gens dans chacun de vos prototypes, que ce soit des collaborateurs,
des par cipants ou des conseillers. Vous ne voyiez peut-être pas tous
ces gens comme des membres de votre équipe. Vous les considériez
peut-être comme de simples témoins de vos efforts et tenta ves.
C’était passer à côté de l’essen el.
Ils font par e de votre équipe.

IDENTIFIER VOTRE ÉQUIPE


Tous ceux qui par cipent à votre effort de design de vie d’une façon
ou d’une autre doivent être considérés comme des membres de votre
équipe, mais ils ennent des rôles différents qu’il est u le de nommer.
Évidemment, certains en ennent plusieurs :
Les sou ens. Les sou ens sont de toutes sortes, de tous âges, de
tous les horizons et de toute taille. Ce sont ces gens sur qui vous
pouvez compter pour s’intéresser à votre vie – des gens assez
proches pour que leurs encouragements vous mo vent et que leurs
réac ons soient vraiment u les. La plupart de vos sou ens sont des
gens que vous considérez comme vos amis, mais tous les amis ne sont
pas des sou ens et certains sou ens ne sont pas des amis (ils vous
aident dans votre design de vie, mais vous ne les voyez pas en
dehors). Le nombre de sou ens sur lesquels vous pouvez compter
dépend largement de votre personnalité – leur nombre peut varier de
deux ou trois à cinquante ou cent.
Les acteurs. Les acteurs sont ceux qui par cipent ac vement à vos
projets de design de vie – par culièrement vos projets et prototypes
actuels, dans votre ac vité ou vos loisirs. Ce sont les gens avec qui
vous faites des choses, vos collègues de travail au sens classique du
terme.
Les in mes. Les in mes regroupent les membres de votre famille
immédiate et étendue, ainsi que vos amis les plus proches. Ils
cons tuent sans doute les personnes les plus directement affectées
par votre design de vie et, qu’ils soient ou non ac fs dans votre
projet, ce sont ceux qui ont sur lui le plus d’influence. Nous vous
encourageons à les tenir au moins au courant, sinon de les inclure
dans votre travail de design de vie. Ces gens sont importants dans
votre vie, ne les laissez pas en dehors. Le rôle à leur confier dans
votre généra on d’idées, vos plans et vos prototypes peut être
difficile à définir. Certains sont peut-être trop proches. Certains
peuvent avoir des préférences si clairement marquées qu’ils n’en sont
plus objec fs. Et bien sûr, certains peuvent vous apporter la meilleure
aide possible. Tout ce qui compte, c’est que vous reconnaissiez
combien ces gens sont importants et que vous leur trouviez un rôle
efficace et approprié. Essayez d’éviter l’erreur de les laisser
complètement en dehors du coup jusqu’à la fin. Ça donne rarement
de bons résultats, pour des tas de raisons que vous pouvez
certainement imaginer. Faire à votre femme la surprise que vous êtes
en train de tester des façons de vivre hors du monde l’année
prochaine, ça ne va pas bien se passer.
L’équipe. Ce sont les gens avec qui vous partagez les détails de votre
projet et qui vous suivront à intervalles réguliers tout au long du
chemin. Les membres les plus probables de ce e équipe sont les gens
que vous avez invités à réagir à vos trois Projets d’Odyssée à cinq ans.
Vous avez besoin d’un groupe de gens pour vous accompagner dans
votre travail de design de vie. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient vos
meilleurs amis. Il suffit qu’ils soient prêts à être là pour vous,
u lement a en fs, à réfléchir avec vous, à respecter et s’intéresser au
processus – sans arriver pleins de réponses et de conseils.
Vous savez de quel genre de gens il est ques on ; leurs visages vous
viennent déjà à l’esprit. Une bonne équipe est composée de plus de
deux personnes, mais pas plus de six, vous compris(e). Une seule
personne peut faire un excellent partenaire ou co-responsable, mais
deux personnes, c’est un duo, pas une équipe. Dans un duo, il y en a
toujours un qui parle et un qui écoute. La totalité de la réponse à ce
qui vient d’être dit repose sur les épaules de l’autre. Un duo ne génère
pas d’opinions assez divergentes pour le genre de collabora on dont
vous avez besoin.
Quand trois personnes sont dans la boucle, la dynamique est bien
plus ac ve et une conversa on bien plus large peut s’ensuivre. Ce e
dynamique augmente jusqu’à six personnes ; au-delà, elle se remet à
décroître, le temps de parole se réduit pour chacun. Savoir qui
s’exprime devient un problème. Comme le temps de parole est limité
et qu’on entend moins chacun, des rôles commencent à se dessiner.
Ann démontre son sens pra que, Théo défend toujours l’aspect
créa f. Dans les équipes nombreuses, chacun finit par être prisonnier
de son personnage et la discussion se tarit. Du coup, une fois encore,
essayez de bâ r une équipe de trois à cinq personnes pour une
dynamique op male et les contribu ons les plus créa ves (et puis,
une seule pizza extra-large suffira pour les réunions – c’est toujours
un plus).

RÔLES ET RÈGLES DANS L’ÉQUIPE


Tout d’abord, faites simple. L’objec f de l’équipe, c’est de se me re au
service d’un design de vie efficace – ni plus ni moins. Les membres de
l’équipe ne sont pas votre psy, votre conseiller financier ou votre
gourou. Ils sont les co-auteurs de votre design de vie. Le seul rôle qui
doit vraiment être défini, c’est celui de l’animateur – la personne qui
organise les réunions et leur contenu. Généralement, c’est vous. Il
vaut mieux que ce soit vous qui vous occupiez des horaires et de la
communica on ; de ce e façon, vous vous assurez que l’équipe
avance, sans en faire trop ou pas assez. Mais vous pouvez demander
à un autre membre d’animer les réunions, ou faire tourner ce rôle. Peu
importe, du moment que quelqu’un surveille l’heure, l’ordre du jour et
la discussion.
Ce e dernière par e – la discussion – est la plus importante. Votre
rôle est celui d’un animateur, pas d’un patron, d’un juge ou d’un
« leader ». On n’a besoin d’aucun d’entre eux. Vous souhaitez
simplement que quelqu’un par cipe à la discussion tout en surveillant
comment elle se déroule – en s’assurant que chacun se fait entendre,
qu’aucune idée ou sugges on essen elle ne se perd en route et en
aidant l’équipe à déterminer quelle voie suivre lorsque plusieurs
ques ons se posent simultanément (ce qui se produit souvent). En ce
qui concerne les règles, dans nos équipes à Stanford (que nous
appelons sec ons), nous n’en avons que quatre. Conservez-les :

1. Respect ;
2. Confiden alité ;
3. Par cipa on (pas de retenue) ;
4. Produc vité (on est construc f, pas scep que ou cri que).

APPEL À TOUS LES MENTORS


Les mentors jouent un rôle très par culier dans votre communauté ou
équipe de design de vie. Tous les lecteurs de ce livre n’ont pas
forcément vécu une bonne expérience de mentorat, mais certains oui
et nous vous encourageons tous à essayer. Votre effort de design de
vie se trouvera largement bonifié si quelques mentors y par cipent.
Le mentorat est devenu à la mode ces dernières années ; en voici
quelques traits qui ont été très u les à nos élèves et nos clients.
Avis et conseils. Nous faisons une dis nc on claire entre avis et
conseil. Un « conseil », c’est lorsque quelqu’un essaie de vous aider à
définir ce que vous cherchez. Un « avis », c’est lorsque quelqu’un vous
dit ce qu’il pense. Heureusement, il existe un moyen très facile de
savoir si quelqu’un est en train de vous donner un avis plutôt qu’un
conseil.
Quand on vous dit : « Si j’étais toi, je ferais ceci ou cela » – à chaque
fois que vous entendez : « Si j’étais toi », vous êtes en train de
recevoir un avis. Quand quelqu’un dit : « Si j’étais toi », ce qu’il veut
réellement dire, c’est : « Si tu étais moi ». C’est même le but d’un
avis – vous dire de faire dans votre vie ce que l’autre personne ferait à
votre place. C’est très bien si vous ressemblez à la personne qui vous
donne son avis. Si vous êtes jumeaux géné ques, n’hésitez pas. Dans
les autres cas, il est rare que les gens à qui nous donnons notre avis
soient exactement comme nous. Recevoir un avis, c’est très bien – on
n’est juste pas obligé d’en tenir compte. Si quelqu’un vous donne son
avis, essayez de savoir quels sont ses valeurs, ses priorités et son
point de vue, et quelles sont les expériences clés qui ont forgé ses
convic ons.
Nous connaissons un médecin urgen ste qui donne ses avis
catégoriques à tout le monde : « Ne faites jamais de moto ou vous
finirez en donneur d’organes ! ». Du point de vue de quelqu’un qui
voit beaucoup de vic mes d’accidents de moto arriver aux urgences
et trop d’entre eux mourir de blessures au cerveau, c’est un avis très
compréhensible et ra onnel. Mais nous connaissons aussi un ar ste
remarquable sur la côte est qui a ré l’inspira on de ses toiles – et
son succès – des rencontres qu’il a faites en sillonnant les États-Unis
à moto – cinquante à cent cinquante mille kilomètres par an, pendant
trente ans. Il est convaincu que la meilleure façon de voir le monde et
de rencontrer les gens qui y vivent, c’est depuis une moto (de
préférence une vieille Harley-Davidson à soupapes latérales). Tous
deux ont raison : une moto est bien plus dangereuse qu’une voiture.
Une moto est un moyen extra de voir du pays et de rencontrer des
gens. Les deux affirma ons sont vraies. L’important, c’est : comment
cet avis s’applique-t-il à vous-même ?
Les bons avis émanent de personnes qui ont une exper se indéniable.
On veut un expert pour nous conseiller dans notre déclara on
d’impôts ou décider s’il faut opérer ou juste rééduquer ce genou
douloureux. Mais il n’y a pas d’expert pour sa vie. On entend parfois
dire : « C’était un mauvais avis ». Ce n’est sans doute pas vrai : l’avis
était bon, mais il ne s’appliquait pas à vous. Beaucoup de gens sont
prêts à vous donner leur avis sur votre vie. Soyez très prudent(e) avec
cela.
Un conseil, c’est très différent. Un conseil est toujours u le. On ne
peut jamais avoir les idées trop claires. On n’est jamais en contact
trop étroit avec sa sagesse et ses intui ons. Trouver quelqu’un
capable de vous donner de bons conseils et qui vous perme e
régulièrement d’avoir l’esprit plus clair et apaisé est un grand atout.
C’est ici que les bons mentors donnent leur mesure. Nous aurions
tendance à dire qu’un mentorat légi me consiste à donner des con-
seils. Un conseil commence invariablement par de nombreuses
ques ons visant à mieux cerner votre personnalité, ce que vous dites,
ce que vous vivez. Les bons conseillers donnent souvent l’impression
de poser plusieurs fois la même ques on différemment, pour être
sûrs de bien comprendre. Ils essaient souvent de résumer ou de
reformuler vos réponses en demandant : « Ai-je bien compris ? ».
Ce e démarche signale qu’ils sont focalisés sur vous – pas sur eux-
même.
La valeur du vécu des mentors lorsqu’ils donnent un conseil ne réside
pas dans les faits ou les réponses qu’ils connaissent, mais dans l’accès
à leur champ d’expérience et d’objec vité, qui va vous aider à
envisager votre réalité sous un nouvel angle. Les bons mentors
passent l’essen el de leur temps à écouter, puis proposent des
recadrages possibles de votre situa on, qui vous perme ent d’avoir
de nouvelles idées et trouver des réponses qui fonc onnent pour
vous.
Bien sûr, ce n’est que notre avis.
Discernement. Nous avons abordé le discernement au chapitre 9, en
parlant des décisions prises en u lisant plusieurs modes cogni fs. Les
mentors peuvent offrir des contribu ons par culièrement précieuses
à votre processus de discernement quand vient le temps de faire des
choix. Les décisions importantes sont rarement faciles : de
nombreuses ques ons annexes et possibilités d’échanges
s’assemblent pour encombrer votre esprit. Quand votre esprit est
distrait, le moment est excellent pour demander conseil à un mentor.
Il peut vous écouter déverser toutes les pensées qui occupent votre
esprit, vous aider à y donner un sens et à les ordonner entre choses
importantes, secondaires et hors de propos. Un bon mentor fera cela
avec doigté, peut-être un peu d’appréhension. Trier et classer
ressemblent souvent à montrer à quelqu’un sa solu on préférée. Un
mentor résistera à la tenta on de vous dire quoi faire ou se montrera
au moins inquiet du risque de vous influencer. Il pourra dire :
« Écoutez, je n’essaie vraiment pas de vous dire que je crois que la
meilleure chose à faire est d’accepter ce e promo on et de par r à
Pékin pour un an, mais je remarque qu’à chaque fois que vous parlez
de la Chine, votre visage s’éclaire et vous souriez. Avez-vous
remarqué ? Si oui, vous devriez envisager ce e piste. Je ne vous dis
pas de par r en Chine, je dis juste qu’il y a là quelque chose qui
mérite de s’y arrêter ».
Long terme et point de vue local. Les mentors se présentent sous de
nombreuses formes. Certains ont la chance d’en trouver un pour la
vie, qui se soucie vraiment de leur vie et voyage à leurs côtés pendant
des années. Mais il y a d’autres sortes de mentors précieux. On peut
trouver un mentor théma que (éduca on des enfants, finances,
spiritualité, etc.), un mentor ponctuel ou temporaire (pour une
grossesse, négocier son premier poste de manager, s’occuper de ses
parents âgés, déménager au Costa Rica)… Il n’y a pas de règles –
soyez seulement a en f(ve) aux gens qui pourraient vous fournir
ce e assistance.
Vous vous demandez sans doute maintenant où vous allez trouver
tous ces grands mentors. (Si vous ne vous posez pas la ques on,
sautez ce e par e, vous faites par e des chanceux qui ont tous les
mentors qu’il leur faut.) Notre sugges on, c’est qu’il y a beaucoup
plus de gens capables de bon mentorat qu’il n’y a de bons mentors.
Beaucoup de gens ont une grande expérience et le désir d’écouter
pour donner des conseils (pas seulement des avis), mais nombre
d’entre eux ne se voient pas comme des mentors ou ne sont pas
entraînés à la pra que du mentorat. Ce n’est pas qu’ils ne sont pas
mentors, c’est qu’ils ne sont pas ce qu’on appelle des « maîtres
mentors ».
C’est ici qu’être un bon mentoré intervient. Un maître mentor n’est pas
forcément nécessaire. Ils sont certes excellents et, si vous en
connaissez, retenez-les. Mais tout ce dont vous avez besoin, ce sont
des gens capables de cet apport. Et c’est étonnamment facile à
trouver. Il suffit de prendre l’ini a ve. Quand vous iden fiez un
mentor poten el, trouvez une façon de passer un peu de temps avec
lui et orientez la conversa on vers les domaines où vous avez besoin
d’aide. Concrètement, ne lui demandez pas tant ce qu’il ferait à votre
place, mais d’u liser son intui on et son expérience pour vous aider à
me re de l’ordre dans vos propres réflexions.
« Hé, Harold, j’aime beaucoup la façon dont vous avez élevé vos
enfants avec Louise, ce boulot de père me flanque une trouille bleue.
Est-ce que je peux t’offrir un café un de ces jours pour que tu m’en
parles un peu ? »
Bien sûr, Harold sera d’accord (eh oui, ce e démarche est très
similaire à la façon d’obtenir une conversa on prototype au chapitre
6). Lors de votre rencontre, quand Harold vous aura raconté quelques
moments délicieux et d’autres, effrayants, de sa paternité, demandez-
lui simplement : « Je me demande si tu pourrais faire ça pour moi. Ça
commence à chauffer un peu avec Stan ; Lucie et moi, on ne sait plus
trop quoi faire. Est-ce que je pourrais te raconter où on en est, pour
que tu m’aides à m’y retrouver ? Je crois que Stan est assez différent
de vos enfants, mais avec ton oreille de père, tu pourrais peut-être
m’aider à reconnaître ce qui est important et ce qui ne l’est pas ? ».
Il se peut qu’Harold n’ait pas l’habitude de se retrouver dans ce e
posi on, mais il fera de son mieux et se débrouillera probablement
bien. S’il se met à donner son avis, écoutez-le respectueusement, puis
revenez à votre demande. Il comprendra sûrement ; sinon, vous
n’aurez rien perdu et vous pourrez essayer avec quelqu’un d’autre.
C’est une façon de se bâ r une écurie de mentors sans devoir
a endre qu’un maître mentor se profile à l’horizon.

AU-DELÀ DE L’ÉQUIPE, VERS LA


COMMUNAUTÉ
Si vous êtes comme la plupart des gens avec qui nous avons travaillé,
vous trouverez les moments passés avec vos collaborateurs et votre
équipe de design de vie s mulants et pleins de vie. On s’accoutume
pas mal au genre de sou en et d’écoute sincère et respectueuse que
nous espérons vous faire vivre. Il y a quelque chose de très spécial à
faire par e d’une communauté. C’est la façon dont les humains sont
supposés vivre.
Une communauté, c’est davantage que le simple partage des
ressources ou passer quelques moments ensemble. C’est par ciper et
s’inves r dans la créa on con nue des vies de chacun. Par ciper à
une telle communauté, c’est une merveilleuse façon de vivre et nous
recommandons vivement d’en faire une habitude, pas seulement
lorsqu’on fait de grands projets ou qu’on démarre de nouvelles
choses.
Iden fier quelles pra ques durables vont perme re de se développer
et de mener une vie bien dessinée est une composante importante de
la rece e et la communauté en est une pièce majeure.
Alors, qu’est-ce qu’une « communauté » en tant qu’habitude, non
limitée à une équipe ponctuelle de design de vie ? Il fut un temps où
la majorité des gens vivaient organiquement en communauté. Ils
étaient élevés dans une église ou une foi par tradi on. Ils
appartenaient à une famille au sens large qui se réunissait avec
régularité, selon des coutumes par culières. Ils pouvaient appartenir à
une profession, comme l’armée, ou avoir un passe-temps commun,
comme l’escalade, qui composaient en eux-mêmes une communauté.
Mais aujourd’hui, la plupart des gens n’ont pas de communauté toute
faite – un endroit où ils peuvent retourner régulièrement pour avoir
ce genre de discussions sur la vie. Pour trouver une « communauté »
au sens où nous l’entendons, il faut chercher un groupe de gens qui
partagent la plupart des caractéris ques suivantes :
Un but partagé. Les communautés saines ont une raison d’être – pas
seulement se rassembler pour le plaisir de se rassembler. Les
membres de la communauté de Dave visent à devenir des gens plus
intègres qui vivent leur foi dans tous les aspects de leur vie. Les
membres de la communauté de Bill se rassemblent pour s’aider les
uns les autres à être de meilleurs pères et des hommes plus
authen ques. Les communautés les plus efficaces ont une mission
explicite qui les guide et les meut. Il est bien plus facile d’avancer
quand on avance vers quelque chose. Les communautés de Bill et de
Dave dévient vers toutes sortes d’autres choses – ac vités sociales,
événements récréa fs… –, mais elles ont toujours ce e étoile polaire
pour les ramener à leur objec f ini al.
Des réunions régulières. Que ce soit à la même heure chaque
semaine, chaque mois, chaque trimestre, ou pas, une communauté
doit se réunir régulièrement. Assez souvent pour entretenir une
discussion nourrie et con nue, qui repart de là où elle en était restée
la dernière fois, sans devoir tout reprendre à zéro. La véritable
inten on ici est que la par cipa on à la communauté devienne une
habitude en elle-même. Une communauté ne se réunit pas
uniquement dans le but de finir un projet précis ou de lire un livre ;
elle se réunit parce que ses membres sont d’accord sur le fait qu’une
vie vécue en accord avec la communauté est une vie mieux dessinée
et ils s’y ennent. Aucun de nous deux ne mènerait le genre de vie
que nous vivons aujourd’hui sans la fréquenta on assidue de ce genre
de communauté.
Un socle commun. Si c’est possible, en plus d’un but partagé, il est
bon d’avoir un autre terrain d’entente. Il prend généralement la forme
de certaines valeurs ou d’un point de vue. Dans le groupe de Bill, celui
des papas, la plupart des membres partagent l’espoir d’être de
meilleurs pères que n’ont été les leurs ; ils s’engagent à une honnêteté
totale (une de leurs règles est zéro bobard) ; et ils sont tous prêts à
essayer de nouvelles choses et à « s’y me re », même s’il s’agit
d’essayer un exercice un peu dingue – comme demander à quelqu’un
de faire le mort, puis parler de lui comme si on était à son
enterrement. Tant qu’on est en vie, il est toujours temps de revoir le
contenu poten el de son éloge funèbre, du coup chacun des
membres écoute et peut ensuite décider s’il aime la personne qu’il est
devenue ou pas. Ce socle commun explicite soude le groupe,
entre ent la discussion et sert à établir des priorités et à régler les
problèmes du groupe dans son voyage commun. Même si l’affec on
réciproque (« bien s’entendre ») et la volonté de par ciper peuvent
suffire au départ, nous avons rarement constaté que c’était suffisant
pour maintenir la cohésion d’un groupe à long terme.
Connaître et se faire connaître. Certains groupes sont en èrement
tournés vers le contenu ou le processus, d’autres en èrement centrés
sur leurs membres. Nous parlons ici de communautés qui se
concentrent, au moins en grande par e, sur les gens. On peut faire
par e d’un excellent club de lecture, où les gens lisent, viennent
préparés et ont des discussions profondes sur l’écriture, le récit et
l’état de la société civile, avec une pe te dégusta on de vin à
l’occasion, et tout le monde s’aime bien et c’est extra. Mais ce n’est
pas le genre de communauté dont nous parlons ici. Ne vous
méprenez pas, c’est vraiment extra. Elle a un but (des débats
li éraires aver s), elle a un socle commun (la lecture de romans nous
rend plus riches, perspicaces et ouverts) et elle se réunit
régulièrement (le premier mardi du mois) – mais on ne s’y occupe pas
de la vie de chacun et on n’a pas même pas besoin de se connaître du
tout pour que la communauté fonc onne. Ce club de lecture extra ne
serait probablement pas le lieu pour avoir une discussion in me. Une
communauté n’a pas besoin d’être composée uniquement d’in mes,
mais chacun devrait y dévoiler un minimum ses projets et la façon
dont ils se déroulent.
Ce qui rend une communauté opérante, ce n’est pas de compter dans
ses rangs des gens qui ont la bonne exper se ou les bonnes
informa ons. Ce qui la fait fonc onner, ce sont des gens présents et
animés des bonnes inten ons. Ça aide énormément de se retrouver
avec des gens qui essaient honnêtement de comprendre et de vivre
en cohérence avec eux-mêmes et le monde. Être en compagnie d’une
den ste qui essaie sincèrement de donner le meilleur d’elle-même est
plus enrichissant, même si on ne s’intéresse pas du tout à la
den sterie, que se retrouver avec quelqu’un qui a exactement les
mêmes centres d’intérêt et les mêmes aspira ons professionnelles
que vous, mais qui n’est pas vraiment présent et ne partage pas
sincèrement ses espoirs et ses difficultés. Il n’est pas nécessaire que
tout le monde se me e à nu sur le plan affec f, mais vous voulez faire
par e d’un groupe où on va finir par vous connaître et où vous finirez
par connaître les autres, au point de ressen r que vous êtes tous
ensemble dans ce e aventure.
Voici une façon de tester si c’est le cas. Pensez aux différents groupes
auxquels vous avez appartenu au fil des ans. Vous pouvez sans doute
penser à des groupes où les gens parlaient de leurs idées sur la vie et
d’autres où les gens parlaient vraiment de leur vie. C’est la différence
entre les commentateurs et les par cipants. Ce que vous cherchez,
c’est une communauté de par cipants.
L’espoir que nous plaçons dans ce livre, c’est qu’il vous aide à trouver
ou créer une telle communauté. N’hésitez pas à le lire à votre
prochain club de lecture, mais trouvez ensuite ceux qui sont prêts à
vous accompagner dans ce voyage. Le design de vie est un voyage, et
c’est moins amusant de voyager seul.
Pour l’instant, sachez que nous vous considérons comme faisant
par e de notre équipe et nous vous invitons à faire par e de notre
communauté. Découvrez comment sur www.designingyour.life.
À vous de jouer
Bâ r une équipe

1. Faites une liste de trois à cinq personnes qui pourraient


faire par e de votre équipe de design de vie. Pensez à vos
sou ens, à vos in mes, à vos mentors et à vos mentors
poten els. Idéalement, il s’agira de trois à cinq personnes
elles aussi ac vement engagées dans le design de leur vie.
2. Assurez-vous que chacun dispose d’un exemplaire du livre
(ou achetez des livres pour chacun) pour que tous les
membres de votre équipe comprennent comment le design
de vie fonc onne et soient au courant des rôles et des règles
de l’équipe.
3. Me ez-vous d’accord pour vous retrouver régulièrement
sur un mode ac f pour co-créer en communauté une vie bien
dessinée.
Conclusion : Une vie bien dessinée

À quoi ressemble une vie équilibrée et bien dessinée ? Imaginez une


journée coupée en quatre parts parfaitement égales – une pour la vie
professionnelle, une pour le fun, une pour la famille et les amis, et une
pour la santé. Quelle serait votre rece e idéale ? Nous savons tous
quels secteurs de notre vie auraient besoin d’un peu plus de temps et
d’a en on et pourraient bénéficier d’un peu plus de pensée design et
d’un peu moins d’inquiétude, de rumina ons et de regrets.
Alors, aujourd’hui, combien de temps vous êtes-vous amusé(e) ?
Combien de temps à faire progresser votre carrière ? À entretenir vos
rela ons ? À prendre soin de vous ? À faire des prototypes pour la
suite ? À quoi ressemble vraiment votre tarte ?
Perme ez-nous de vous confier un pe t secret. La tarte parfaite
n’existe pas. Il est à peu près impossible de se consacrer chaque jour à
tous les domaines qui comptent pour vous.
L’équilibre se fait sur la durée.
Le design de vie se fait sur la durée.
Bill Gates, l’homme le plus riche du monde (en 2015) n’est pas devenu
ce qu’il est en maintenant un équilibre amour/travail quo dien.
Quand il a lancé Microso Windows en 1985 et l’a fait entrer en
bourse en 1986, personne n’aurait dit de lui que c’était un
philanthrope en train de faire du bien au monde. Et on peut assurer
avec la même confiance qu’en 1998, il ne répar ssait pas son temps à
parts égales entre l’entre en de ses rela ons et sa défense contre les
accusa ons d’abus de posi on dominante portées par le
gouvernement.
L’équilibre est un mythe, à l’origine de beaucoup de souffrances pour
la plupart d’entre nous.
Comme nous l’avons dit plus tôt, nous ne comba ons pas la réalité, et
vivre dans la réalité signifie observer et accepter la situa on dans
laquelle on se trouve à un instant donné. Le design de vie sert en fait
à répondre à la ques on : « Comment ça se passe ? »
Il est possible de dessiner sa vie de telle façon que lorsque vos
proches prononceront votre éloge funèbre, ils diront : « Au final, il a
eu des parts plutôt égales ».
Bon, ce n’est peut-être pas exactement ce que vous aimeriez qu’on
dise à ce e occasion, mais c’est l’idée. Nous savons bien que nous
n’avons pas envie que quelqu’un se lève à notre enterrement pour
dire : « Dave avait de bonnes capacités de communica on écrite et
verbale ». Ou « Bill a fait preuve de sa capacité à gérer plusieurs
urgences de front et à réagir rapidement ». La vie est davantage
qu’une performance professionnelle et un chèque à la fin du mois. On
a tous envie de savoir qu’on a compté pour quelqu’un. On a tous
envie de savoir que notre travail a compté. On a tous envie de savoir
qu’on a aimé et qu’on a vécu du mieux qu’on pouvait, avec autant de
sens que possible, et qu’on s’est bien amusé en route.
Et on ne comprend cela qu’après coup, parce qu’une vie bien
dessinée, ce n’est pas un nom, c’est un verbe (techniquement, c’est un
groupe nominal, mais vous voyez où nous voulons en venir).

Principe à problème : J’ai fini mon design de vie ; le plus difficile est
fait, tout va être génial.
Recadrage : Mon design de vie n’est jamais terminé – la vie est un
projet de design joyeux et sans fin qui me fait avancer pas à pas.
Certains d’entre vous lisent ce livre pour améliorer une vie qui est
déjà pas mal ; d’autres parce qu’ils se trouvent en pleine transi on,
qu’elle soit voulue ou forcée par la réalité. Vous avez des plans à
exécuter, des choix à faire et après, votre vie sera très différente de ce
qu’elle est aujourd’hui. Dans ce sens, votre nouveau design sera en
place et l’ancien dépassé ; ce e bascule est indéniablement
importante. Vous pouvez le sen r. Mais votre design de vie n’est pas
achevé.
Du coup, si c’est en cherchant à vous orienter que vous avez trouvé le
design de la vie que vous avez envie de mener, c’est aussi la façon de
le vivre. Con nuez à avancer pas à pas. Le design n’est pas qu’une
technique pour résoudre des problèmes et des projets ; c’est un mode
de vie. Une des raisons pour lesquelles le design de vie a tellement
bien marché dans nos cours Designing Your Life et dans notre ac vité
de conseil, c’est parce qu’il est très humain. En 1963, quand le design
a commencé à être enseigné à Stanford, c’était avec l’approche
spécifique de concevoir un « design centré sur l’humain ». À l’époque,
cela s’écartait significa vement des méthodologies classiques du
design, centrées sur la technique, l’art, l’ingénierie ou l’industrie. Et les
premiers travaux pour développer une méthodologie du design à
Stanford ont remarquablement gardé l’humanité (aux deux sens du
terme) au centre de leurs efforts. Puisqu’une vie est décidément une
entreprise humaine, il est logique que le design centré sur l’humain s’y
applique bien.
De plus, dans le design de vie, on ne s’occupe que de la ques on de
comment on dessine sa vie – pas quelle vie il faudrait vivre ou
pourquoi une vie est meilleure qu’une autre.
Notre ami Tim est sor de l’université avec une licence en ingénierie
électrique pour aller travailler dans la Silicon Valley. Son premier
emploi fut dans une start-up dynamique qui venait d’entrer en
bourse, où il concevait des micro-processeurs de pointe. Mais,
lorsque son premier projet fut abandonné, Tim réévalua ses nuits et
ses week-ends de travail et en vint à la conclusion que son travail ne
serait pas le centre de sa vie. Il accordait plus de valeur au fun et à
l’amour et il comprit qu’il devait procéder à quelques changements.
Il alla travailler pour une société mieux établie, accéda à un poste
confortable de cadre et y resta. Cela fait maintenant près de vingt
ans, il est très respecté, c’est le gourou technique de l’entreprise et il a
refusé plusieurs fois des promo ons et les augmenta ons qui allaient
avec.
« Il faut gagner assez d’argent pour payer les factures et avoir ce dont
on a besoin », dit-il. Dans son cas, ça signifie subvenir aux besoins de
sa famille, s’assurer que ses enfants ont accès à une très bonne
éduca on et posséder une belle maison à Berkeley. « Après, à quoi ça
sert ? Je préfère m’amuser davantage et avoir plus d’amis. L’argent, les
promo ons et plus de responsabilités, ça ne me mo ve pas. Une belle
vie, c’est pouvoir être heureux, pas travailler. »
Le design de Tim fonc onne et c’est l’un des types les plus équilibrés
que nous connaissons. C’est un père merveilleux, il est au centre
d’une vie sociale ac ve, il a plein d’amis, joue de la musique presque
toutes les semaines, ent un blog sur les cocktails, où il détaille ses
propres rece es, il lit beaucoup et c’est l’une des personnes les plus
heureuses qu’on puisse rencontrer. Tous les témoins de son compteur
santé/travail/jeu/amour sont au vert et il entend bien qu’ils le restent.
Un exemple parfait de design de vie bien pensé où le travail n’est pas
la chose la plus importante.

SECOUER SA VIE
Certains des recadrages que nous proposons peuvent s’avérer
perturbants ; désapprendre est souvent plus difficile et plus important
qu’apprendre. Mais nous misons sur le fait que rien de ce que vous
avez appris ou désappris lors de votre séjour dans ce livre – aussi
perturbant, évident, agaçant ou éclairant que ce soit – ne fera de vous
une personne différente. Nous nous a endons à ce que vous soyez
davantage vous-même. C’est ce qu’un bon design fait toujours : il
libère le meilleur de ce qui existait déjà, a endant simplement d’être
révélé. Depuis sa créa on, notre méthodologie du design a toujours
été un processus explicitement humain, qui s’applique par itéra on.
C’est pourquoi il propose non seulement une approche innovante de
la concep on de la vie qu’on désire, mais aussi de la façon de mener
sa vie. Ce qui nous ramène aux cinq par s pris.
Dans ce livre, nous avons introduit l’idée de design de vie en donnant
cinq choses simples à faire : (1) être curieux (curiosité), (2) essayer
(par pris de l’ac on), (3) recadrer les problèmes (recadrage), (4) com
prendre qu’il s’agit d’un processus (prise de conscience) et (5)
chercher de l’aide (collabora on sans réserve). Nous vous avons
rappelé ces par s pris tout au long du livre en passant en revue les
différents idées et ou ls qui composent le design de vie.
On peut appliquer certains de ces cinq par s pris à presque tout, tous
les jours. Les occasions de se montrer curieux ou d’essayer des
choses sont infinies. Dans nos cours, nous proposons un exercice
appelé Dessiner son avenir, dans lequel nous demandons aux élèves
d’iden fier deux ou trois choses sur lesquelles ils sont bloqués, des
choses qui n’avancent pas. Nous leur demandons ensuite d’avoir des
idées pendant quatre minutes sur ce problème avec deux autres
étudiants qui les aideront à appliquer n’importe lequel des cinq par s
pris comme moyen de déblocage. Comment « être curieux » peut
vous aider à surmonter la peur de parler à une professeure lauréate
du Nobel qui enseigne dans votre classe ? Eh bien… vous pourriez :
demander à trois autres étudiants qui l’ont rencontrée de quoi ils ont
parlé et comment ça s’est passé ; regarder si elle parle de sa propre
expérience à l’université dans un ar cle ou une interview et si sa
personnalité à vingt ans avait quelque chose à voir avec la vôtre ;
trouver si certains de ses projets ont déjà échoué lamentablement (et
si c’est le cas, lesquels ?) pour la rendre plus humaine et moins
in midante. Etc. Il s’avère qu’appliquer n’importe lequel de ces par s
pris aide à se débloquer et à faire des progrès. C’est également vrai
pour la vie bien vécue dans laquelle vous vous engagez. Voici
quelques rappels pour chacun de ces par s pris.

Être curieux. Il y a quelque chose d’intéressant dans tout. Une


curiosité sans fin est essen elle à une vie bien dessinée. Rien n’est
ennuyeux pour tout le monde (même déclarer ses impôts ou faire la
vaisselle).
Que voudrait savoir quelqu’un qui s’intéresse à ce sujet ?
Comment ça marche ?
Pourquoi font-ils ça comme ça ?
Comment faisaient-ils avant ?
Sur quoi les experts de ce domaine se disputent-ils et pourquoi ?
Quelle est la chose la plus intéressante qui se passe ici ?
Qu’est-ce que je ne comprends pas à ce qui se passe ici ?
Comment puis-je le découvrir ?

Essayer. Avec le par pris de l’ac on, on n’est plus jamais bloqué –
plus d’inquiétude, d’analyses, de considéra ons ou de mystères de la
vie. Juste, faites-le.
Comment essayer ça avant la fin de la journée ?
Sur quoi aimerions-nous en savoir plus ?
Que puis-je faire pour répondre à ça ?
Qu’est-ce qui est faisable et, si on essayait, que pourrait-on
apprendre ?

Recadrer les problèmes. Un recadrage, c’est un changement de


perspec ve et presque tous les problèmes de design se prêtent aux
changements de point de vue.
Comment est-ce que j’envisage exactement les choses ?
Dans quelle posi on est-ce que je me place ?
Comment les autres pourraient-ils envisager ça ? (Donnez-leur un
nom, puis décrivez le problème de leur point de vue, pas du vôtre).
Redécrivez votre problème en u lisant certaines de ces len lles de
recadrage : votre problème est en fait très pe t, très facile à résoudre,
une chance plutôt qu’un problème, quelque chose dont vous pouvez
vous passer complètement, en fait vous n’y comprenez rien, ce n’est
pas votre problème, à quoi ça ressemblera dans un an ?

Ne pas oublier que c’est un processus. Avoir conscience du


processus, ça veut dire qu’on n’est jamais frustré ou perdu et qu’on
n’abandonne jamais.
Quelles sont toutes les étapes que vous avez déjà passées et quelles
sont celles que vous pouvez imaginer ?
Ce qui occupe votre esprit a-t-il bien à voir avec l’étape que vous êtes
en train de franchir ?
En êtes-vous à la bonne étape, ou bien êtes-vous en avance ou en
retard sur vous-même ?
Que se passe-t-il si vous ne vous projetez pas plus loin que l’étape
suivante ?
Quel est le pire qui puisse arriver ? À quel point est-ce suscep ble de
se produire et que feriez-vous si ça arrivait ?
Quelle est la meilleure chose qui puisse se produire ?
Écrivez toutes les ques ons, inquiétudes, idées et espoirs que vous
avez, puis demandez-vous si vous savez quoi faire ensuite. Vous
sentez-vous changé(e) à présent ?

Chercher de l’aide. La collabora on sans réserve, ça veut dire que


vous n’êtes pas seul(e) dans ce processus. Trouvez un sou en à qui
parler de ce que vous traversez – à cet instant précis. Décrivez à ce e
personne votre situa on en cinq minutes, puis demandez-lui cinq
minutes de réac on et de discussion. Comment vous sentez-vous à
présent (quoi qu’on vous ait répondu – juste le fait d’en avoir parlé à
quelqu’un d’autre) ? Il y a de nombreuses façons de démarrer une
collabora on :
Bâ ssez une équipe.
Créez une communauté.
Quels sont les différents groupes concernés par votre travail ? Êtes-
vous connecté(e) et en discussion avec chacun d’entre eux ? Sinon, au
boulot.
Tenez un journal Chercher-de-l’aide dans lequel vous notez les
ques ons pour lesquelles vous avez besoin d’aide, gardez-le à portée
de main. Chaque semaine, iden fiez des gens qui peuvent vous aider
sur certaines entrées de ce journal et essayez de les joindre. Notez les
réponses et les résultats dérivés de ces contribu ons.
Trouvez un mentor.
Appelez votre mère (ça lui fera plaisir, vous le savez bien).
En conservant ces par s pris comme moyens d’ac on pour vous
orienter dans la vie et en les u lisant pour me re en œuvre votre
design de vie et votre processus d’innova on, vous les maîtriserez
très rapidement. La liste est simple et il ne faut quasiment aucun
effort pour les garder à l’esprit. En peu de temps, ils feront
naturellement et organiquement par e de vous-même.

ENCORE DEUX PETITES CHOSES


En plus des cinq par s pris, on doit prêter une a en on par culière à
deux choses dans la conduite d’une vie bien dessinée : sa boussole et
ses pra ques personnelles. Votre boussole, ce sont les grandes idées
fédératrices de vos concep ons du travail et de la vie. Associées à vos
valeurs, elles vous perme ent de répondre à la ques on : « Comment
ça se passe ? », de savoir si vous êtes sur le bon chemin ou mal
synchronisé(e) avec vous-même. Elles déterminent si vous êtes en
train de mener une vie cohérente, où ce que vous êtes, ce en quoi vous
croyez et ce que vous faites sont bien alignés. Quand nous parlons à
nos anciens élèves, deux, trois, cinq ans ou plus, après qu’ils ont fini
notre cours et qui é l’université, ils disent que la boussole est un des
exercices auxquels ils reviennent régulièrement. Pour la plupart
d’entre nous, nos idées premières sur ces ques ons restent assez
constantes, même si les détails et les nuances changent et il est très
u le de suivre leur évolu on. La meilleure façon de savoir ce qu’on
pense et valorise vraiment pour répondre aux grandes ques ons de la
vie, c’est de s’interroger soi-même et voir ce qu’on a à dire. Nous vous
engageons à réviser votre boussole au moins une fois par an – pour
un étalonnage. Ça vous aidera à redonner du sens à votre vie.
Mais la recommanda on la plus importante que nous puissions faire
pour mener une vie bien dessinée, c’est sans doute de vous inves r
dans certaines des pra ques personnelles décrites au chapitre 9. Dans
nos propres vies, nous dirions tous les deux que notre évolu on
personnelle dans ce domaine – le perfec onnement et la
par cipa on régulière à ces pra ques – a été l’élément singulier le
plus vitalisant. Même si ces pra ques (yoga, médita on, poésie,
prière, etc.) sont de plus en plus appréciées, elles demeurent une
préoccupa on très secondaire, par culièrement dans notre société
moderne. Les cultures tradi onnelles orientales sont plus avancées
dans ce domaine, mais, franchement, presque aucune culture
moderne ne se dis ngue vraiment. La bonne nouvelle, c’est que
même de pe ts efforts peuvent porter de grands fruits. En
apprivoisant nos émo ons, en faisant mûrir notre discernement à
travers ces pra ques, on s’ouvre les portes de grands bénéfices
auxquels on peut avoir accès presque tous les jours.
Bill est ainsi inspiré par une médita on ma nale (pra quée en se
rasant) et une affirma on quo dienne, à laquelle il se référait dans
son tableau de bord santé : « Je vis dans le meilleur des mondes
possibles. Tout ce que je fais aujourd’hui, je choisis de le faire ». Puis il
passe en revue tout ce qu’il doit faire dans la journée, se rappelle que
toutes ces choses, c’est lui qui les a inscrites à son ordre du jour, pour
les choisir à nouveau avant de commencer sa journée. Il consacre
aussi désormais pas mal de temps chaque semaine à peindre et
dessiner, pour faire vivre son cerveau créa f et pour le simple plaisir
de le faire. Il cuisine également au moins un repas élaboré – sinon de
gourmet – par semaine, pour créer quelque chose qu’il peut partager
avec les autres.
Dave s’efforce de passer vingt minutes par jour en médita on
silencieuse (techniquement en « prière de centrage ») pour se
recentrer dans l’amour de Dieu. Il lit aussi désormais de la poésie au
moins une fois par semaine, essayant de ressen r le texte dans son
corps, pas seulement dans sa tête. Il s’en remet à l’érudi on de sa
femme, Claudia, pour lui conseiller des poésies, ayant ingénieusement
conçu un mariage avec une épouse bien plus intelligente que lui. En
ma ère d’exercice physique, il a renoncé à la vitesse et aux ivresses
du cyclisme sur route une fois par semaine, pour aller faire au moins
six kilomètres de promenade dans les collines avec Claudia et leurs
chiens, ralen r les choses et avoir un contact plus étroit avec la
nature.
Voilà quelques-unes des choses que nous faisons, mais nous espérons
que vous construirez les prototypes de vos propres pra ques, pour
trouver celles qui vous conviennent et vous aident à vivre une vie
bien à vous et bien dessinée.

ALORS, COMMENT ÇA SE PASSE ?


Au début de ce livre, nous vous avons présenté Ellen, qui aimait les
cailloux, Janine, avocate malgré elle et Donald, le manager perdu.
Comment le design de vie a-t-il changé leur façon de répondre à la
difficile ques on : « Comment ça se passe ? ».
Ellen savait qu’elle ne voulait pas être géologue, mais elle savait aussi
qu’elle aimait certaines choses qu’elle avait apprises à l’école,
par culièrement le travail d’organisa on et de catalogue d’un
géologue. Et elle aimait toujours les cailloux, par culièrement les
pierres fines u lisées en joaillerie. Elle décida donc de forcer sa
chance et entama une série d’interviews design. Elle découvrit que la
ges on de projet a besoin de gens qui excellent dans la défini on et
l’organisa on des tâches entre les gens. Elle ressen t un déclic. Après
quelques entre ens supplémentaires, son travail de réseau la mit en
contact avec une start-up qui, entre autres choses, organisait des
enchères en ligne de bijoux. Son amour des « cailloux » et son talent
naturel d’organisatrice surgirent dans la conversa on et sa curiosité
envers l’entreprise la dis ngua. L’interview design se transforma
rapidement en entre en d’embauche. Deux ans et quelques
promo ons plus tard, elle est désormais responsable de clientèle pour
toutes les ac vités d’enchères haute-couture de la société.
Janine travailla beaucoup sur sa boussole et développa des pra ques
personnelles qui l’aidèrent à reconnaître et avoir confiance en son
propre jugement. Elle trouva que le fait de tenir un journal était
vivifiant et finit par s’apercevoir que la raison pour laquelle ce e
ac vité était devenue aussi importante pour elle, c’est qu’elle aimait
écrire – de la poésie, plus précisément. Après avoir travaillé son
écriture en marge, elle et son mari décidèrent qu’il était temps pour
elle « de se lancer » et elle intégra un master de poésie ; elle mène
désormais une vie (frugale) de conférencière, écrivain et poète.
Donald se servit de sa curiosité pour recadrer sa plainte : « Bon sang,
pourquoi je fais tout ça ? » en une nouvelle ques on : « Qu’y a-t-il
donc de si intéressant ici, pour que tous ces gens reviennent dans
ce e entreprise tous les jours ? ». Il s’a acha à ce e ques on dans
toutes les interviews design qu’il fit de ses collègues, recherchant
ceux qui prenaient vraiment du plaisir et avaient manifestement
compris ce que diable ils faisaient là. Quand il combina ces histoires
avec son Journal des Bons Moments, le modèle apparut clairement.
La façon de retrouver de l’énergie, c’était de se concentrer sur les
gens. Il s’aperçut qu’il n’était pas à la mauvaise place, juste dans le
mauvais état d’esprit. Il s’était tellement préoccupé du quoi et du
comment du succès professionnel et des responsabilités familiales,
qu’il en avait complètement oublié le pourquoi et le qui. Il se réinventa
sans avoir à changer quoi que ce soit à sa situa on. Recadrer son
travail de « faire le boulot » à « créer une dynamique où mes employés
aiment leur travail » le transforma.
Ni Ellen, ni Janine, ni Donald (pas plus que Clara, Élise, Kurt, Chung
ou…) n’ont u lisé tous les ou ls, mais tous ont relevé le défi et réussi
à sor r d’un blocage pour avancer pas à pas. Nous sommes contents
de les avoir croisés et d’avoir un peu fait par e de leur vie.
Nous savons qu’écrire un livre in tulé Design de vie nous donne la
possibilité d’être soit un exemple, soit un gros hypocrite. Nous
me ons tous les deux ces idées et ces ou ls en œuvre tous les jours
et nous sommes constamment en train de me re au point de
nouveaux prototypes d’exercices, de nouvelles façons de penser et de
nouvelles façons de mener une vie bien dessinée. Nous avons partagé
avec vous certaines de nos pra ques quo diennes et nous vous
invitons à consulter notre site (www.designingyour.life) pour une liste
complète d’exercices quo diens que vous pourriez vouloir essayer.
Nos vies sont en constante évolu on – ingénieurs, puis consultants,
puis enseignants, puis auteurs – et à chaque étape de ce voyage, nous
sommes reconnaissants et curieux de voir à quoi notre vie bien
dessinée va ressembler ensuite.
Tout au long de ce livre, nous avons partagé les histoires de
nombreuses personnes avec qui nous avons travaillé et que nous
avons appris à connaître. Même s’il n’arrive pas à tout le monde de
« réaliser son rêve », nous pouvons affirmer avec confiance que
chacun de nos collaborateurs qui a mis en pra que au moins
quelques-uns de ces ou ls et idées (sinon tous) a fait de réels progrès,
supérieurs à tout ce qu’ils avaient vécu auparavant.
Nous avons aimé ce e longue collabora on sans réserve l’un avec
l’autre, ainsi qu’avec les milliers d’étudiants et clients qui ont
embarqué avec nous pour ce voyage de design de vie et nous
sommes impa ents de collaborer avec vous.
Nous espérons que vous nous direz comment ça se passe, mais
surtout, nous espérons que vous serez vous-même sa sfait(e) de
votre réponse à la ques on : « Comment ça se passe ? ».
En fin de compte, le design de vie est un mode de vie, qui
transformera votre façon d’envisager la vie et votre façon de la vivre.
Le résultat d’une vie bien dessinée, c’est une vie bien vécue.
Que peut-on espérer de mieux ?
Remerciements

Beaucoup de gens ont compté et nous ont encouragés pour la


rédac on de ce livre. Au grand risque d’oublier quelqu’un, nous
tenons à remercier :
Eugene Korsunskiy et Kyle Williams, avec qui nous avons lancé le
design de vie, qui ont cru en nous et dont l’apport a été décisif dans le
lancement du Lab.
Les membres du d.Life de Stanford : Jon Kleiman, Gabriel Lomeli,
Gabriel Wilson, Kris n Mayer, Kathy Davies, Gabrielle Santa-Donato
et Lauren Pizer, qui ont incarné la « collabora on sans réserve » et
permis de faire de Design de vie un présent pour tous.
David Kelley, pour avoir ouvert le poste de directeur exécu f du
Programme de design de Stanford pour moi (Bill), me perme ant
d’enseigner ce que je voulais, lançant ainsi le processus qui a mené à
ce livre.
La professeure Sheri Sheppard pour avoir été un des piliers de ce
livre, avoir défendu héroïquement les étudiants en master et avoir été
une mentor universitaire adroite, qui n’a pas hésité à faire confiance à
deux types qui n’avaient qu’un master.
Les dirigeants visionnaires de Stanford qui ont cru au pouvoir du
design de vie et ouvert la voie aux changements à l’université et,
espérons-le, dans toutes les études supérieures : Harry Elam, Ph. D.,
vice-doyen des programmes de licence ; Pa Gumport, Ph. D., vice-
doyenne des programmes de mastères ; Brad Osgood, Ph. D., ancien
doyen des étudiants, École d’Ingénierie ; Greg Boardman, vice-doyen
des affaires étudiantes.
Men on spéciale à nos premiers collaborateurs, qui nous ont
accompagnés aux tout premiers jours et dont les années de sou en
et d’encouragement ont tout changé : Sco y McClennan, doyen des
affaires religieuses (à la retraite), incarna on de la pa ence et de la
persévérance pour changer les mentalités ; Shari Palmer, vice-
doyenne associée aux programmes de licence, qui nous a aidés à
comprendre le mode de pensée de l’université ; Lance Choy, ancien
directeur exécu f du centre de développement professionnel, qui a
tout éclairé en posant ce e ques on fondatrice : « Pouvez-vous le
faire pour les étudiants de toutes les spécialités ? » et Judi Lythco -
Haims, ancienne doyenne des premières années, qui nous a poussés à
viser l’ensemble des étudiants, donné de l’énergie par ses
encouragements et montré la voie pour que le cours se développe au-
delà de nous-mêmes en devenant la première co-enseignante
cer fiée.
Lindsay Oishi, Ph. D. et Tim Reilly, Ph. D., qui se sont énormément
inves s personnellement en consacrant leurs projets de thèses à
démontrer l’efficacité du cours, singularisant notre travail et
perme ant ainsi que nous donnions aux gens ce qu’ils méritaient. Les
professeurs Dan Schwarz et Bill Damon, leurs maîtres de recherches,
pour leur sou en et leurs conseils, ainsi que Denise Pope, fondatrice
du Challenge Success, pour ses idées de recherches a en ves et sa
démonstra on qu’on peut changer le système éduca f.
Randy Bare, alors directeur de la Westminster House à l’université de
Californie (Berkeley), pour m’avoir suggéré innocemment en 1999 :
« Dave, tu devrais faire un cours ici ! » et lancé ainsi ma quatrième
carrière, d’enseignant ce e fois.
Dr Sharon Daloz-Parks, qui m’a demandé il y a si longtemps avec une
prescience troublante : « Dave, es-tu prêt à aller où cela va
t’emmener ? » et n’a ensuite jamais vacillé dans son sou en inspirant
et ses encouragements aimants.
Bob McKim, qui a créé le programme de design de produit à Stanford
et sauvé un étudiant en physique perdu (Bill), me perme ant ainsi de
me lancer dans une carrière si amusante. Et Bernie Roth, mentor et
guide, celui vers qui nous nous tournons quand il s’agit de
comprendre les ques ons poli ques à l’université.
Jim Adams, qui nous a inspirés tous les deux quand nous é ons
étudiants en licence et nous a appris à renverser les blocages
conceptuels, y compris celui qu’il a placé devant nous en 2007, en
disant : « Je ne vois pas comment des types comme vous pourraient
enseigner ce truc ! », ce qui nous a mo vés pour trouver la façon de le
faire.
Tous ces gens incroyables dont la vie apparaît entre les lignes de ce
livre pour nous avoir aidés à voir comment le design de vie marchait
vraiment. Nous nous sommes servis de leurs histoires pour vous aider
à écrire la vôtre (et, bien sûr, nous avons changé leur nom).
Reconnaissance éternelle pour leur contribu on incalculable qui a
permis de personnaliser et d’humaniser ce livre.
Deux personnes ont en par culier rendu ce livre possible de la façon
la plus concrète :
Lara Love, qui a écrit avec nous, pour avoir trouvé la voix de Bill-et-
Dave et trouvé les mots que nous aurions choisis si, comme elle, nous
é ons de vrais auteurs. Nous rendons hommage à sa pa ence pour
supporter les innombrables heures de réunions, de vidéos et
d’enregistrement, sans que jamais ne faiblissent son ardeur au travail
et son affec on pour nous. Quand notre énergie vacillait, il nous
suffisait de puiser dans son infa gable bonne humeur et sa capacité à
con nuer. Lara a fait preuve d’une incroyable profondeur d’écoute
pour nous retranscrire. Elle n’a pas écrit pour nous, ni à propos de
nous ni à notre place. Elle nous a écrits et nous avons été, comme
tous nos lecteurs, bien servis par son travail remarquable.
Doug Abrams, notre agent, co-inventeur de ce livre, architecte des
idées, notre guide dans le milieu de l’édi on, ami sincère et
merveilleux collaborateur à tous points de vue. Il est clair que, sans
lui, ce livre n’aurait pas vu le jour. Après notre première tenta ve
ratée, qui consistait essen ellement en une retranscrip on
ennuyeuse de nos cours, nous avons compris que nous avions besoin
d’aide. Doug est devenu notre consultant en design de livre et c’est lui
qui a mené la réflexion sur quel était vraiment le livre que nous
devions proposer et comment le structurer pour nos lecteurs. Doug le
designer de livre nous a appris ce qu’était un livre. Puis Doug l’agent
est entré en ac on, a déroulé le tapis rouge du monde de l’édi on et
dit « Suivez-moi, les gars – préparez-vous au tour de manège de votre
vie ! ». Jusque-là, ce fut parfait, on a hâte de voir la suite.
Enfin, nous aimerions remercier toute l’équipe extraordinaire de
Knopf, mais quelqu’un se dis ngue par culièrement au sein de ce e
maison d’édi on : Vicky Wilson, notre éditrice et responsable en chef
des changements culturels. Impossible de décrire comment Vicky a
mené la charge pour me re ce livre au monde. Son engagement pour
nous et pour le livre a été immédiat. C’est une force de la nature et le
succès du livre repose en èrement sur sa décision de le mener à bien.
Sa confiance et sa vision dans la contribu on culturelle que pouvait
apporter Design de vie ont été une source toujours renouvelée
d’énergie. Même les designers expérimentés ont besoin d’inspira on
et Vicky nous en a apporté sans relâche, dès l’instant de notre
rencontre. Vicky, nous é ons conquis quand tu nous as dit : « Salut,
mes chéris… » – et c’est une des meilleures choses qui nous soient
arrivées. Merci, merci, Vicky.
Pour toute informa on sur notre fonds et nos nouveautés, consultez notre site web :

www.deboecksuperieur.com

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