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auteur de la traduction
François Caspar est designer de messages
depuis 1989. Titulaire d’un master de design
en communication traitant du marché de l’art,
© Zoé Caspar
GAGNER
SANS IDÉES GRATUITES
Titre original : The Win Without Pitching Manifesto
Copyright © 2010 Blair Enns
Édition originale publiée aux États-Unis par RockBench Publishing Corp. Nashville, USA, 2010
Cette traduction a été publiée avec l’aimable autorisation de Blair Enns
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays
Édition française : Moneydesign, Saint-Mandé, France
Copyright © 2014 : François Caspar
Traduction de l’anglais Canadien : François Caspar
Révision et relecture : Françoise Benassis et Nicole Debrand
Première édition française, 2014
ISBN 978-2-9550574-0-7
Tous droits réservés
www.moneydesign.org
M A N I F E S T E
GAGNER
SANS IDÉES GRATUITES
Blair Enns
Traduit de l’anglais par François Caspar
Cet ouvrage bénéficie du soutien de :
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Les principes que développe Blair Enns trouvent leur source dans le mar-
keting, les règles du commerce, la psychologie, les neurosciences et dans
sa longue expérience à côtoyer les « Gens Qui Voient ». C’est ainsi qu’il nous
appelle, nous, les designers. Blair Enns admire notre propension à chercher
et trouver des solutions aux problématiques grâce à notre créativité. De son
point de vue, les designers possèdent un très haut niveau d’expertise et un
talent unique : ils voient les solutions. En travaillant à notre contact, il a pu
observer les incohérences de certaines pratiques généralisées. Parce qu’on
ne nous a pas enseigné à négocier contre paiement à sa juste valeur, la plu-
part d’entre nous applique sans le vouloir des méthodes qui nous mettent
dans la position de nous voir dicter par nos clients nos conditions de travail
et de rémunération. Il n’y a aucune raison pour que les designers se sou-
mettent ainsi. C’est à partir de ce postulat que Blair Enns a développé au
fil des années une formation spécifique à notre attention. Il nous explique
pourquoi nous nous plaçons malgré nous, dès les premiers contacts, en
situation d’infériorité face au client potentiel et les incidences sur la créa-
tivité et la rentabilité de notre activité. Enfin, et surtout, il nous montre, en
douze étapes, le chemin pour nous sortir de cette impasse et pour accéder
à ce que cherche tout entrepreneur : à prospérer.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Blair Enns vit au bord de la rive nord-est du lac Kootenay, dans les
Rocheuses canadiennes. De là, il roule jusqu’à un petit aéroport, prend un
petit avion pour rejoindre l’aéroport international, d’où il s’envole parcourir
le globe en long-courrier, à la rencontre des « Gens Qui Voient ». De l’Amé-
rique à l’Asie, en passant par l’Europe et le Moyen-Orient, Blair Enns donne
des conférences et coache un nombre impressionnant de designers, gérants
d’entreprises de toutes tailles. Je l’ai rencontré il y a quelques années, un
jour de séminaire dans les beaux quartiers de Londres. Ce fut, pour moi
aussi, le choc culturel, psychologique, en même temps qu’une grande exci-
tation : il décrivait avec précision la relation à l’argent, émotionnelle compli-
quée, que l’on rencontre dans les professions artistiques, un sujet sur lequel
je travaille depuis toujours. Il pointait du doigt une attitude que bon nombre
d’entre nous avons eue : offrir nos idées. Pourquoi donc la plupart des desi-
gners dilapident-ils ainsi leur bien ? Est-ce par habitude de présenter leurs
travaux aux professeurs ou par aveuglement d’un irrépressible désir de
reconnaissance ? Avant de foncer tête baissée, réfléchissons : à qui profite
ce crime ? Dans quelle autre profession agit-on ainsi ? C’est qu’il manque à la
plupart d’entre nous une compétence : savoir vendre. Puis Blair Enns expli-
qua comment reprendre l’avantage. Je pus sentir l’impact de ses mots dans
une salle comble de designers, d’abord dubitatifs, puis enjoués par l’opti-
misme qu’il faisait naître.
J’ai moi aussi effectué le parcours que Blair Enns décrit. J’ai commencé par
fournir mes idées gratuitement. « C’est comme ça que ça se passe dans
ce métier » avais-je appris. Bien qu’ayant remporté des appels d’offres,
mon enthousiasme s’est vite effrité et j’ai finalement trouvé que l’énergie
investie ne valait pas la maigre récompense en retour. Par lassitude puis
par éthique, j’ai fui l’absurdité de ce système. Non sans angoisse, j’ai établi
que dorénavant toute relation professionnelle ne reposerait pas sur la
fourniture de ma réflexion sans contrepartie équitable. Dussé-je changer
de métier. Ma carrière n’en fut pas atteinte, bien au contraire, elle s’est
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PRÉFACE À L’ÉDITION FRANÇAISE
développée sur des bases saines. J’ai dit non aux idées gratuites, sans tou-
tefois établir de véritable stratégie commerciale.
Lors de ce séminaire, j’ai trouvé en Blair Enns un alter ego. Ce que j’abordais
sous l’angle de la déontologie, de valeurs professionnelles et citoyennes, lui
l’abordait sous l’angle des affaires et de valeurs économiques. Ce que je prô-
nais avec mes confrères comme des valeurs morales au sein d’un syndicat
professionnel — sans proposer de méthode —, lui le recommandait comme
l’intelligence d’une stratégie commerciale de développement économique
d’entreprise — en expliquant le mode d’emploi. J’avais en face de moi le chaî-
non manquant d’une suite logique pour aider les designers à développer leur
art et leur business. Blair Enns ne fait pas dans la déontologie, quoique. Les
valeurs qu’il défend sont le professionnalisme, l’écoute des besoins, le res-
pect avant le profit, la construction d’une expertise de qualité, la formation
continue pour nous améliorer toujours, entre autres. Ces valeurs, par les
effets qu’elles ont sur notre activité, défendent les intérêts de notre profes-
sion et en cela rejoignent les idées que diffusent les syndicats de designers.
« Design is a business » est un concept présent dans les esprits des pays
anglo-saxons davantage qu’en France, mais cette notion progresse auprès
de plus en plus d’adeptes. Les associations professionnelles de designers
de notre monde globalisé bannissent les démarches qui poussent à four-
nir notre expertise et nos idées gratuitement parce qu’elles tuent notre
offre. Mais les méthodes commerciales pour apprendre à développer une
entreprise créative sur d’autres bases manquent cruellement. Pourquoi
Blair Enns, qui nous donne un nom d’Indien, les « Gens Qui Voient », formé
au marketing — une activité que j’ai souvent vécue comme étant rivale de
la nôtre — est-il sollicité par des associations de designers du monde entier
pour prodiguer ses conseils ? Parce qu’au-delà de l’exposé du fonctionne-
ment de nos cerveaux créatifs — un miroir qu’il nous tend avec provoca-
tion parfois, mais toujours avec humour et respect pour notre profession
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
François Caspar
Saint-Mandé, France, 2014
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Aux Gens Qui Voient,
pour que leur entreprise puisse soutenir leur créativité
1. Note du traducteur : en Amérique du Nord, l’acception du mot « artiste » est plus large que
dans d’autres pays, comme la France. Il s’entend comme « le créateur » quel que soit son
domaine, appliqué à l’industrie ou non et englobe les professions créatives telles que le design.
2. Note du traducteur : expression lexicalisée courante dans le monde des designers.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Leur parcours, décrit dans ces pages, pourrait ne pas être le vôtre. Tout le
monde n’a pas le cœur ou l’estomac pour réussir une pareille révolution.
À vous de lire et de décider si vous voulez suivre ce chemin.
Blair Enns,
Kaslo, Canada, 2010
12
Faire le pitch
Tenter de vendre ses idées ou d’en obtenir l’approbation
en les proposant gratuitement, généralement au cours
d’un processus fondé sur une concurrence orchestrée par les acheteurs
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Sommaire
Préface à l’édition française 5
Un manifeste de pratiques commerciales pour entreprises créatives 11
1 Se spécialiser
Le but du positionnement
19
21
Les trois phases du positionnement 21
Les bénéfices du positionnement 22
Nous sommes la somme de nos choix 24
Le coût de la créativité 25
Le paradoxe du choix 26
Le fun et l’argent 27
Courage 28
6 Être sélectif
Nos objectifs de développement économique
79
80
Reculer là où d’autres avancent 81
De retour à la première étape 82
À la poursuite du « Non » 82
Inverser la dynamique des objections 83
Combler le fossé de l’expertise 84
La dichotomie de la passion 85
La sélectivité augmente avec l’expertise 86
11 Facturer plus
Le bénéfice améliore le service
123
125
La mort de l’ordre de modification 126
Du temps ou notre pensée : que vendons-nous ? 126
Un prix élevé améliore l’engagement 128
Réinvestir en nous-mêmes 129
De meilleures marges impliquent de meilleures entreprises et de meilleurs clients 129
Remerciements 141
1
première étape
Se spécialiser
19
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
L
e monde n’a pas besoin d’entreprises de design généralistes supplé-
mentaires. Il existe suffisamment d’agences de publicité ou de socié-
tés de marketing en communication aux services très complets. Le
monde est noyé sous les entreprises créatives indifférenciées. Ce dont il
a besoin et ce pourquoi les meilleurs clients sont prêts à payer, c’est une
haute expertise. C’est ce que nous devons élaborer et fournir. L’expertise est
la seule option valable pour nous différencier de la concurrence. Ce n’est
ni la personnalité, ni le processus, ni le prix. C’est l’expertise et l’expertise
seule qui nous distinguera de manière significative et nous permettra de
traiter en position de pouvoir avec nos clients et prospects.
20
1 : SE SPÉCIALISER
Le but du positionnement
Le positionnement est un exercice de la relativité. Notre objectif, en nous
efforçant de nous positionner face à notre concurrence, est de la réduire
ou de franchement l’éliminer. Lorsque nous diminuons considérablement les
alternatives réelles du client à nous engager, nous modifions l’équilibre des
pouvoirs en notre faveur. Ce transfert de pouvoir vers nous, nous permet
d’affecter le processus d’achat et d’accroître notre capacité à éviter de nous
mettre dans la situation de nous séparer de notre réflexion gratuitement,
de devoir répondre aux appels d’offres ou aux demandes de propositions
inutiles et inefficaces qui dévaluent notre propre offre ou augmentent nos
frais de prospection.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Gagner tout en facturant plus est l’ultime bénéfice et l’indicateur clé d’un
positionnement efficace. Lors d’une compétition, l’élasticité des prix est liée
à la disponibilité de substituts : plus il existe d’alternatives à notre entreprise,
moins nous avons le pouvoir d’exiger un prix élevé. Lorsque nous gagnons
22
1 : SE SPÉCIALISER
sans facturer plus, il est fort probable que cela signifie que nous tentions
de gérer une entreprise d’idées et de conseils en position de faiblesse, ou
que nous essayions de rivaliser en dehors de notre spécificité, ou encore
que nous évitions de prendre la Difficile Décision Commerciale et que nous
sommes résignés, par absence de choix, à gérer une entreprise banale ou
sans stratégie commerciale fondamentale.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
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1 : SE SPÉCIALISER
Le coût de la créativité
La fascination pour le nouveau et le différent est l’une des caractéristiques
de la créativité. Bien exploitée, cette fascination nous permet d’apporter des
idées nouvelles à des problèmes anciens et faire en sorte que l’offre pour nos
clients soit en constante évolution. Mais notre désir pour le nouveau et le
différent peut aussi nous conduire à éviter de prendre la Difficile Décision
Commerciale. Dans le contexte de notre entreprise, ce peut être l’argument
qui justifie de ne pas choisir une réelle spécificité sur laquelle mettre l’accent,
ce qui, de fait, nous place dans l’incapacité à éliminer notre concurrence.
Nous pouvons choisir de laisser libre cours à nos fascinations et à nos pas-
sions. Nous pouvons choisir de rester une entreprise « tous services », faisant
toutes sortes de choses pour tout le monde. Ce manque de stratégie nous
rendra pertinents pour tous ceux qui ont des besoins en marketing ou en
communication, il abondera dans le sens de notre désir de nouveauté quo-
tidienne et de rendre chacune de nos missions différentes des précédentes.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Le paradoxe du choix
Nous sommes dans une salle pleine de portes. En tant que personnes
curieuses de tout, nous voulons voir ce qui se cache derrière chaque porte.
C’est notre désir d’artiste — satisfaire notre curiosité et trouver des solu-
tions aux problèmes que nous n’avons pas auparavant résolus. À un certain
niveau cependant, nous savons que si nous voulons réduire drastiquement
la compétition et bénéficier du transfert de pouvoir qui en résulte, nous
devons choisir une seule porte, la franchir et ne jamais nous retourner.
Notre penchant pour la variété s’oppose soudain au besoin fondamental de
notre entreprise de se focaliser sur une activité spécifique. Est-il possible
malgré tout, que de l’autre côté de la porte qui nous fait face, il n’y ait pas
qu’un long couloir gris, une ennuyeuse chambre vide, mais encore d’autres
portes — encore d’autres choix ? Est-il possible que ce qui se trouve derrière
la porte ne soit pas la mort de notre créativité, à coup sûr étouffée par la
routine et l’ennui, mais exactement ce qu’il faut pour exploiter pleinement le
potentiel de notre talent ?
La réponse, bien sûr, est que c’est possible, mais nous ne le saurons
jamais avec certitude tant que nous ne franchirons pas cette porte et que
nous ne la refermons pas derrière nous.
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1 : SE SPÉCIALISER
Le fun et l’argent
Le fun et l’argent ont longtemps été les deux raisons qui nous poussent au
travail chaque matin. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous
admettons qu’au début, il était question la plupart du temps de plaisir. Nous
faisions le travail que nous adorions. Les autres validaient notre exper-
tise, nous payaient pour cela, il y avait les longues soirées entre collègues
mus par un but commun, tout le monde faisant ce qui devait être fait pour
impressionner le client.
Nous étions des âmes sœurs, tous avec la même passion pour notre métier.
Ensemble, nous célébrions nos victoires et nous nous plaignions de nos
échecs. Aux premiers jours, le studio ressemblait plus à un dortoir d’univer-
sité ou à une tournée rock’n’roll en bus, qu’à une entreprise commerciale.
Et puis soudain, ce ne fut plus amusant. Ceux qui nous avaient autrefois
inspirés devinrent un fardeau. Les employés devinrent des frais généraux.
Les soirées, de trop. D’une certaine manière, l’argent et le respect que nous
espérions n’ont jamais suivi. L’argent en particulier. Pendant longtemps,
nous étions dans le déni de l’argent. Nous n’en avions pas besoin, nous
nous amusions. Ensuite, lorsque nous avons été confrontés à notre réalité
et avons décidé que nous avions besoin d’argent, nous l’avons fait à contre-
cœur. Maintenant nous sommes fatigués du fun et nous sommes prêts à
admettre que nous sommes là, au moins en partie, pour gagner de l’argent.
27
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Courage
La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas plus plaisant que de gagner de
l’argent, parce que le potentiel financier nous offre toutes sortes de possi-
bilités dans nos affaires et notre vie personnelle. Le chemin vers la solidité
financière commence par affronter la Difficile Décision Commerciale. Il y
a quelques exceptions à la résolution de devoir se spécialiser, mais il est
peu probable que nous en fassions partie. Tant que nous attendrons de
prendre cette décision courageuse, le succès nous échappera et nous nous
pencherons sur le marché en nous plaignant de l’état de l’économie ou des
clients, tout en sachant que nous sommes la source du problème, en lutte
contre notre spécificité. Nous sommes la racine de la recommandation gra-
tuite et nous avons seuls le pouvoir de nous en défaire. Le client ne nous
en libérera pas. Nos associations professionnelles ne peuvent guère nous
aider. Nos concurrents ne cesseront de donner leurs idées gratuitement.
Nous devons faire une révolution intérieure. Il n’y a pas d’ennemi. Nous
sommes victimes de notre esprit créatif, qui rend le choix de nous focaliser
sur notre spécificité plus difficile pour nous que pour la plupart des autres
personnes. Un avenir lucratif où notre entreprise nous soutient et nourrit
notre créativité est potentiellement devant nous. Nous devons simplement
choisir de prendre le contrôle, d’abord en nous spécialisant puis en trans-
férant le pouvoir du client vers nous. Alors nous pourrons commencer à
façonner notre avenir.
28
2
deuxième étape
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
N
ous sommes, dans les professions créatives, dépendants de la pré-
sentation. Les mains moites, la fréquence cardiaque en augmenta-
tion et nos perceptions accrues — qui viennent de ce que nous nous
tenons au bord d’un précipice —, nous adressant aux visages dans l’expec-
tative de notre public, nous implorons l’adulation à laquelle nous aspirons
tant, ne sachant pas si notre « grande révélation » récoltera l’approbation
ou le silence inconfortable de l’échec. C’est cette inconnue — être bientôt
le héros ou devenir chèvre — qui nous propulse. Nous aimons tellement ça,
présenter, que nous sommes prêts à le faire gratuitement. C’est le sale petit
secret de notre profession.
Nous devons nous éloigner de tout contexte qui nous ramènerait, en quelque
sorte, sur une scène où le client est assis en face, les bras croisés dans
le rôle d’un juge, devant qui nous passerions une audition de claquettes.
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2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS
Préserver la surprise
Une présentation réussie exige une surprise, qui dépend d’un procédé nar-
ratif impliquant une intrigue et sa conclusion, le diagnostic, la « grande
révélation ». Elle pousse à une dramatisation de la recommandation stra-
tégique ou à un concept créatif un peu romancé en contradiction avec les
attentes et la toile de fond d’incertitudes de l’audience. Préserver la sur-
prise nous oblige à tenir le client en haleine et à laisser notre savoir-faire
caché derrière le rideau, que nous ferons tomber à l’issue de la présenta-
tion. Bien que nous protestions contre le processus de sélection du client
qui nous maintient dans l’ombre et exige de commencer à résoudre son pro-
blème sans collaboration ni indemnisation adéquate, nous jouons souvent
le jeu, en partie parce que ce processus nous permet de nous mettre en
lumière. De cette manière, afin de préserver la dynamique de la présenta-
tion, nous contribuons à créer les conditions les plus favorables à un échec
— nous le créons délibérément parfois même.
Alors que nous devrions être en train de dialoguer, nous nous cloîtrons
pour préparer une conversation à sens unique appelée « présentation ».
Nous avons adopté ce comportement avec nos clients existants, donc
quand les prospects nous demandent de combler leurs lacunes de commu-
nication en présentant au lieu de parler avec eux, il nous est tout naturel
d’être d’accord.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Établir des règles de collaboration — à utiliser d’abord avec nos clients puis
avec nos prospects — c’est s’assurer que toutes nos missions commencent
avec chacune des deux parties, designer et client, en parfaite connaissance
de la méthode de travail adoptée.
La stratégie avant tout. Nous nous entendrons avec le client sur la stra-
tégie avant que ne commence tout développement créatif. En incluant le
client dans nos processus de développement stratégiques, nous aiderons à
nous assurer que nous ne présentons pas de créations ancrées dans des
stratégies ambiguës. Nous ne développerons pas, ni ne partagerons avec le
34
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS
client, de créations d’aucune sorte, avant que le défi n’ait été diagnostiqué,
la stratégie prévue et convenue.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
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2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS
Un jour viendra où nous serons heureux d’entendre le client dire : « Ah, bien
sûr ! » au lieu du précédemment désiré : « Oh, j’adore ! » Ce jour-là, nous sau-
rons que nous avons travaillé en collaboration et nous saurons que notre
dépendance est derrière nous. Nous pourrons travailler ensuite sur la sup-
pression de la présentation lors du cycle d’achat, nous rapprochant un peu
plus de l’élimination du pitch.
Une fois que nous décidons que nous n’allons plus proposer nos idées gratui-
tement, que nous reste-il à présenter ? Nos références ? Les informations les
plus élémentaires sur nos entreprises déjà listées sur notre site Internet ?
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Une fois que nous avons éliminé notre propre nécessité de présenter, les
ultimes raisons de le faire sont celles du client. Mais sur ce point, nous ne
le laisserons pas manœuvrer. Il peut ne pas le reconnaître encore, mais la
présentation ne sert ni nos intérêts, ni les siens.
38
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS
présentation est contraire à notre mission. Cette idée simple est radicale-
ment en contradiction avec ce qu’on a enseigné à la plupart d’entre nous.
Convaincre le client de nous engager grâce à une présentation ou par tout
autre moyen n’est pas notre travail. Comme nous le verrons dans la qua-
trième étape, convaincre n’a pas sa place dans la vente.
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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
La manière dont nous vendons façonne ce que nous vendons. Elle influe sur
notre probabilité de fournir un résultat de haute qualité et elle affecte la
rémunération que nous serions en mesure de facturer pour notre travail.
Pour être vraiment libre du pitch, nous devons changer le ton de ces ren-
contres avec nos clients potentiels et passer du rôle de présentateur soumis
à celle du praticien expert. Comme un médecin ou un avocat le ferait : par la
conversation et la collaboration, et non par la présentation.
40
3
troisième étape
Diagnostiquer
avant de prescrire
43
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Q
uatre phases rythment nos obligations envers nos clients : diagnosti-
quer le problème ou l’opportunité, prescrire un traitement, appliquer
le traitement, le réappliquer au besoin.
Alors que dans les métiers de la création, il est courant de prescrire des
solutions sans diagnostiquer complètement et exactement le problème, une
telle pratique rendrait le praticien responsable de faute professionnelle
dans presque toutes les autres professions. Nous sommes coupables trop
souvent de ce processus vicié et nos clients sont coupables d’essayer de
nous l’imposer à travers le pitch. Nous devons, vis-à-vis de nous-mêmes et
de nos clients, rester ferme sur la plus fondamentale des pratiques profes-
sionnelles et ne jamais accepter de commencer à travailler sur une solution
créative pour résoudre une problématique que nous n’avons pas entière-
ment explorée.
Dans un processus qui oppose plusieurs entreprises les unes aux autres
et demande à chacune de présenter des solutions, le client n’a pas le
temps d’investir dans un diagnostic significatif pour chacune d’entre elles.
Il abrège donc la phase de diagnostic, en dicte le processus, le marginalise
et proclame son auto-diagnostic comme étant suffisamment valable pour
que nous le suivions.
Il est plus probable que le point de vue du client soit erroné, ou du moins
incomplet, qu’il ne soit entier et précis. Nous le savons. Les médecins
connaissent la même attitude chez leurs patients. De même que les avo-
cats et les comptables, le client n’a pas toujours raison. Ou plus exacte-
ment, il a en général des idées très précises et un fort sentiment d’être
44
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE
pertinent, alors qu’il est enfermé dans une vision étroite et perturbée par
ses contraintes, qui lui semblent plus immuables qu’elles ne le sont vrai-
ment. Lorsque le client nous consulte avec son auto-diagnostic, notre état
d’esprit doit être le même que celui du médecin qui entend son patient lui
dire, avant toute discussion sur les symptômes et avant tout diagnostic,
de quel type de chirurgie il a besoin. Notre réaction doit être : « Vous avez
peut-être raison, mais examinons votre cas pour en être certain. »
45
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Les clients sont de piquants scorpions en qui l’on ne peut avoir confiance.
La leçon est ici que ceux qui réussissent, qu’ils soient entrepreneurs ou diri-
geants, parviennent au succès en partie grâce à leur capacité à prendre le
contrôle — leur capacité à s’élever au-dessus des autres et à les orchestrer.
C’est leur force et même si ce n’est pas toujours dans leur intérêt, c’est dans
leur nature.
46
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE
47
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
48
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE
49
4
quatrième étape
Repenser
ce que vendre signifie
53
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
I
l est temps pour nous d’aborder la peur et l’incompréhension d’une
fonction de base de notre métier qui est l’acte de vendre. Nous
rechignons à utiliser ce mot parce que nous y voyons un acte de
persuasion de mauvais goût consistant à pousser les gens à faire quelque
chose contre leur gré. Bien que nous jouions un rôle de persuasion dans
l’art d’adresser les messages ou les produits de nos clients à des groupes
de consommateurs et ce, avec aisance, le cadre intime de l’acte de vendre,
où l’interaction est plus humaine et où nous sommes le produit que nous
vendons, nous hérisse le poil.
En étant simplement bons dans ce que nous faisons, nous ne devrions pas
devoir, croyons-nous, convaincre les gens de nous engager.
54
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
S’il est vrai qu’en excellant à la première fonction, être tout juste convenable
à la seconde peut suffire au début de notre activité, avec le temps, notre
entreprise stagnera à un niveau très moyen. Quel que soit notre talent,
il y aura un cap à passer où nous serons tenus de vendre. Nous pouvons
repousser l’échéance, nous pouvons continuer à éviter l’acte de vendre,
nous pouvons nous cacher derrière le pitch et l’illusion que nous prenons
un plus noble chemin vers l’objectif de nous développer, mais en vérité,
tant que nous n’admettrons pas que nous devons aussi être des vendeurs
maîtrisant cet aspect de notre métier, nous ne pourrons pas atteindre le
succès désiré. Nous ne pouvons pas faire des affaires sans envisager l’acte
de vendre. Nous devons par conséquent surmonter les stéréotypes et
apprendre à le faire correctement — professionnellement.
Sur ce point aussi, le pitch nous a desservis. Nous l’avons utilisé comme un
outil pour éviter l’acte de vendre. Aussi douloureux que cela puisse être de
donner gratuitement nos idées et d’agir comme des marionnettes dans le
cycle d’achat dirigé par le client, il est parfois plus facile de souffrir cette
ignominie, qui nous permet au moins de pratiquer notre métier (même
gratuitement), que d’évoquer le louche vendeur et d’essayer de parler à
quelqu’un pour l’inciter à nous engager.
55
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Vendeur : facilitateur 1
pour passer au stade suivant
La bonne nouvelle est que vendre, si c’est bien fait, n’a rien à voir avec per-
suader. Il n’est pas de notre devoir de convaincre les gens de faire quelque
chose. Le premier vendeur avait raison : vendre, c’est déterminer s’il existe
une adéquation entre les besoins de l’acheteur et l’offre du vendeur (notre
objectif premier) et de faciliter une étape suivante. Parfois, l’étape suivante
consiste à se séparer du client et à l’envoyer vers un autre fournisseur
mieux à même de lui être utile.
Oui, nous devons vendre. Mais nous ne pouvons nous permettre de le faire
que d’une seule façon : celle du facilitateur respectueux.
Pensons un instant à la
difficulté que produit cette approche respectueuse
si nous n’avons pas suivi la première étape Se spécialiser. Si nous ne nous
sommes pas spécialisés et nous ne nous sommes pas démarqués de nos
concurrents de manière significative, il ne nous restera alors que le choix
de convaincre. Faire le pitch et convaincre : ce sont les options de l’entre-
prise indifférenciée.
56
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
Une méthode appropriée pour vendre peut être déclinée en trois démarches
successives, fondées sur la place du client dans le cycle d’achat. Ces trois
démarches remplacent l’art de la persuasion.
Vendre, c’est :
1. Aider l’ignorant
2. Inspirer l’intéressé
3. Rassurer ceux qui ont formé une intention
57
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Demander une réunion après qu’un client nous aura dit qu’il n’en voit pas
l’intérêt, c’est admettre que, soit nous avons besoin de plus de temps pour
lui expliquer ce que nous faisons parce que nous n’avons pas été en mesure
de l’exprimer clairement et succinctement, soit nous cherchons à le persua-
der de quelque chose.
De même, quand nous nous trouvons à dire : « Je vais être dans la région et
je voudrais passer vous voir… », les mots qui sortent de notre bouche font
grincer des dents. Un tel comportement crée une résistance à l’achat, que
58
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
nous aurons à surmonter plus tard dans la relation. Il nous amène à sacri-
fier notre mission — nous positionner comme expert — et, nous mettant
en mauvaise posture pour diriger la commande, il crée une dynamique de
vente coûteuse une fois que nous sommes engagés.
Non, pour ce futur client, nous devons prendre le long chemin de l’accom-
pagner à long terme, et voir s’il a un réel problème. Nous pouvons le faire
principalement grâce à la diffusion de notre leadership intellectuel — nos
écrits sur notre domaine d’expertise.
Dès que nous nous asseyons pour écrire sur notre domaine d’expertise,
nous sommes vite confrontés à l’évaluation de la réussite de notre première
étape Se spécialiser. Ajoutons-nous des millions de mots déjà existants sur
le sujet ? Nous engageons-nous sur un sentier battu ? (Par exemple : « Une
marque est une promesse » ou « Votre marque est-elle authentique ? ») Ou
creusons-nous plus profondément des sujets significatifs avec la sagacité
qui aide vraiment ?
59
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Trouver notre propre écriture nécessite une approche à long terme qui
exige la patience d’un agriculteur plutôt que celle d’un chasseur. Mais c’est
la seule méthode respectueuse et efficace avec le type de client qui dit non,
ne voyant pas l’adéquation entre ses besoins et notre expertise.
60
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
Soyons clairs : notre objectif est d’inspirer un tel prospect pour l’inciter à
résoudre son problème, ce n’est pas de l’inspirer pour nous engager. À ce
stade, nous engager n’est qu’une conséquence éventuelle de sa décision
d’agir. Notre objectif doit se focaliser sur le client afin de faciliter l’évolution
qu’il envisage de lui-même.
Formes d’inspiration
Nos portfolios sont nos meilleurs outils d’inspiration. Ils montrent au client
ce qu’il est possible de faire et ce que d’autres ont fait. Les exemples de nos
meilleurs travaux dépeignent l’image d’un monde à atteindre, loin de l’ur-
gence de sa problématique. Produire de l’inspiration est le rôle principal de
notre site Internet, notre brochure, notre force de vente et la présentation
en personne de notre portfolio. Il n’est même pas indispensable de montrer
notre propre travail pour inspirer les intéressés, seulement des exemples
suscitant l’inspiration.
61
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
L’émergence du doute
Notre erreur est de croire que c’est la dernière étape. Ce n’est pas le cas.
Ce qui monte doit redescendre. Après seulement quelques heures, l’eupho-
rie du client disparaît, il a la gueule de bois et glisse dans une mare de
doutes appelée remords de l’acheteur. Maintenant, il remet tout en ques-
tion, y compris sa décision d’aller de l’avant. Il juge tout ce qui pourrait
mal tourner, toutes les raisons pour lesquelles sa démarche n’aurait pas
de sens.
Il n’est pas dans la nature de la plupart des gens créatifs d’offrir la réas-
surance que le client recherche ici. Nous tendons vers l’excitation à un
moment où il a besoin de calme. Nous parlons d’une approche organique
de la résolution de problèmes alors que le client serait apaisé en entendant
évoquer la logique et la cohérence de notre approche méthodologique. Nous
62
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
continuons à insister sur une vue d’ensemble lorsque le client doit mainte-
nant comprendre et déterminer de façon séquentielle quelles seraient les
étapes de notre collaboration. Il pose des questions dans les moindres
détails — des questions qui nous semblent privées de sens et même bizarres,
mais qui sont de la plus haute importance pour lui, dans sa quête pour se
convaincre qu’il n’est pas sur le point de commettre une grosse erreur.
63
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
nouveaux marchés sans adopter une approche trop stricte. L’objectif étant
de gagner, une entreprise qui ne gagne pas ne dure pas.
Gagner sans idées gratuites est un idéal, mais parfois impossible à atteindre.
64
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE
65
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
66
5
cinquième étape
69
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
L
orsque nous repensons aux propositions que nous avons écrites
et aux missions que nous avons gagnées, nous pouvons facile-
ment déduire que c’est rarement le document écrit qui a permis de
conclure l’affaire. Les missions gagnées étaient celles pour lesquelles nous
étions le mieux adaptés. La pertinence de l’offre au regard des besoins était
évidente pour les deux parties tout au long des conversations pendant le
cycle d’achat. Le document écrit n’a guère contribué à influencer la décision.
Le surinvestissement crée
de la résistance à l’achat
La résistance à l’achat du client que nous engendrons est en partie le
résultat de l’investissement évident que nous faisons dans le but de vendre.
Lorsque nous passons des heures sur une longue proposition écrite, celle
qui diagnostique et prescrit gratuitement, nous envoyons implicitement un
message au client disant que nous avons besoin de son entreprise et que,
70
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER
71
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Comparer
En classant les nombreuses entreprises similaires, le client cherche à éta-
blir une grille de lecture de leurs ressemblances et de leurs différences.
Les entreprises indifférenciées participent volontiers à ce processus. En
ne suivant pas le principe de notre première étape, Se spécialiser, elles
opèrent donc à partir d’une position où elles n’ont que peu de pouvoir.
72
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER
Mesurer la valeur
Valeur = Qualité / Prix. Le client a pour défi de déterminer la valeur de nos
services, la qualité d’une idée non encore livrée étant difficile à mesurer. Cela
lui laisse deux options : il peut surévaluer sa décision sur ce qu’il peut mesu-
rer (le prix), ou il peut nous demander de livrer l’idée (gratuitement) dans le
but de déterminer sa qualité. En suivant la troisième proclamation, Nous dia-
gnostiquerons avant de prescrire, nous démontrons que notre capacité de
réaliser notre meilleur travail est enracinée dans la force de notre processus
de diagnostic et de développement stratégique. Un client exigeant des idées
non payées par une proposition écrite est tel un patient réclamant un dia-
gnostic et la prescription d’un médecin qu’il refuse de consulter ou de payer.
Les défauts de l’évaluation par la proposition constituent de bonnes raisons
de plus de relever le défi qui consiste à l’éviter. Soit nous exploitons la puis-
sance acquise par notre expertise pour avoir un impact sur le processus du
client — nous permettant ainsi de remplacer toute proposition ou présenta-
tion par un accompagnement construit avec des conversations —, soit nous
nous retirons et laissons ce client à un autre cabinet.
Gagner l’inspiration
L’erreur de développement commercial la plus courante et la plus coûteuse
partagée par les entreprises créatives du monde entier est de confondre
73
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Il est préférable, afin d’inspirer le client, d’examiner avec lui nos travaux
similaires précédents — ou ceux de ses rivaux — en pointant les exemples
de solutions et de pratiques mises en œuvres plus avancées que les siennes.
Ces explorations peuvent simplement faire partie des conversations établies
durant le cycle d’achat, ou mériter parfois des honoraires de recherche. Il
ne faut cependant pas confondre la recherche d’inspiration et la volonté
d’aller de l’avant.
Décrocher
Il arrive parfois que la réponse soit « Non » ou « Probablement pas ». Et si
c’est ce que le client pense vraiment, nous devrions alors être capables et
heureux de l’entendre. En insistant par un argumentaire, une présentation
ou l’investissement dans une proposition écrite, nous compliquons la tâche
du client pour être honnête avec nous en l’incitant à utiliser un processus
où il repoussera le moment de nous dire « Non », alors qu’il est probable qu’il
ait souhaité nous le dire assez vite. Si la réponse est « Non », nous voulons
l’entendre et, par conséquent, nous devons mettre à l’aise le client pour
qu’il nous le dise assez tôt. Il ne sert à rien de lancer une proposition écrite
par-dessus le mur et d’attendre patiemment une réponse.
74
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER
75
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
la situation du client est essentiel pour réussir toute mission, et c’est pré-
cisément cette tâche du tout début qui déterminera en grande partie le
succès ou l’échec de tous nos efforts engagés pour le client. Nous devons
facturer ce travail.
Les médecins facturent les IRM, les comptables leurs audits, les avocats
leurs études. Et nous facturons notre travail de diagnostic, qu’il s’agisse
d’un audit de marque ou d’une recherche que nous conduisons nous-mêmes
ou que nous sous-traitons.
Contrats et propositions
Notre proposition, c’est en effet les mots qui sortent de notre bouche :
« Nous proposons d’effectuer telle mission pour vous, dans tel délai, pour tel
prix. » Une fois l’accord oral entendu, nous pouvons passer à la rédaction
du contrat pour signature. Soyons clairs avec nos clients et nous-mêmes :
notre activité n’est pas la rédaction de propositions. Et faisons-nous la pro-
messe de ne plus compter sur un document écrit pour exprimer ce que nous
devrions faire oralement : proposer.
76
6
sixième étape
Être sélectif
79
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
L
a plupart d’entre nous ne souffrent pas d’avoir trop peu de clients. Si
notre portefeuille de clients ne pose généralement pas de problème
de quantité, sa qualité peut laisser à désirer. Nous essayons parfois
de compenser ce manque de qualité en décuplant la liste. Mais nous savons
que de nombreuses petites structures peu averties ou inappropriées ne
remplacent pas celles de taille et de culture adéquates.
80
6 : ÊTRE SÉLECTIF
81
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Plus notre revendication d’expertise est fine, plus nous gagnons en inté-
grité. En resserrant le domaine de notre revendication, nous construisons
notre crédibilité vis-à-vis du client tout en le laissant supposer que nos
capacités vont au-delà, alors qu’une revendication large génère la réaction
inverse. Le client connaît la grande difficulté d’acquérir une haute expertise
et devant une revendication trop large, il suppose qu’en vérité elle doit être
beaucoup plus faible que ce que nous déclarons. Dès sa première interac-
tion avec nous, à la lecture des mots sur notre site Internet, sans même
nous avoir rencontrés ou parlé, il porte sur notre intégrité des jugements
qui auront un impact sur la dynamique future.
À la poursuite du « Non »
« Non » est la deuxième meilleure réponse que nous pouvons entendre.
Si c’est non, nous voulons l’entendre dès que possible, avant que personne
ne gaspille inutilement des ressources précieuses. Lorsqu’une opportunité
se présente, essayons d’abord de voir si nous pouvons l’anéantir.
82
6 : ÊTRE SÉLECTIF
Ceci est contraire à notre mode d’action habituel mais c’est une approche
puissante qui nous permet d’éliminer précocement les faibles adéquations
entre besoins et expertises et toutes ces occasions où le client ne nous
engagerait pas finalement (ou celles où nous regretterions qu’il l’ait fait).
Si l’opportunité est bonne et que nous reculons un peu, le client est suscep-
tible de suivre. Le « je-te-fuis-tu-me-suis » est un test important pour jauger
comment le client reconnaît et valorise notre savoir-faire. Il nous dit s’il
voit une adéquation et souligne ainsi le pouvoir que nous avons pour diriger
la mission.
Nous avons un penchant à éviter les questions qui posent problème. Nous
devons ici encore apprendre à combattre nos réflexes, à démontrer la sélec-
tivité et l’efficacité de l’expert, à avancer sans hésiter vers des discussions
à la poursuite du « Non ». Il y a plusieurs raisons banales pour contrecar-
rer un engagement : l’argent, la nature des besoins du client, sa volonté de
nous laisser diriger ou pas, la situation géographique, le niveau de notre
expérience. Nous devons prendre l’habitude de mettre, sur la table des
discussions préliminaires, ces préoccupations ou d’autres que le client ou
nous-même pourrions avoir.
83
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
La cible n’est pas le marché. Nous visons un but précis dans une plus petite
cible et nous sommes heureux de toucher un marché plus large. Le champ
revendiqué de notre expertise devrait être bien plus réduit que la somme de
toutes nos capacités.
84
6 : ÊTRE SÉLECTIF
nous pouvons le faire, mais non, ce n’est pas la raison qui motive habituel-
lement notre engagement. Nous devons affirmer notre sélectivité et sou-
ligner l’écart entre ce dont il a besoin et ce que nous faisons. Dès lors, le
client peut prendre la décision de combler le fossé ou non. Il peut considé-
rer que notre expérience répond quand même à sa problématique et s’inté-
resser à quelqu’un d’honnête sur ses points forts, ou il peut se décider pour
un autre professionnel dont l’expertise s’alignera plus étroitement sur ses
besoins. Si l’écart doit être comblé, il est préférable que ce soit le client
qui le fasse. La dynamique des objections et la nécessité de l’inverser s’ap-
pliquent ici aussi.
La dichotomie de la passion
Qui sommes-nous sans notre passion ? C’est un atout qui nous pousse vers
les problèmes que nous résolvons. C’est le moteur qui nous motive à trou-
ver les meilleures solutions aux défis auxquels nous sommes confrontés.
L’affichage d’un tel actif dans le cycle d’achat est certes avantageux. Mais,
85
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
là encore, nous devons nous méfier et dans une certaine mesure, combattre
nos tendances naturelles.
La passion peut être décisive lorsque le client estime que le niveau d’exper-
tise répond aux options qu’il a envisagées. Néanmoins, quand nous mettons
l’accent sur le prix, l’alchimie et la passion, nous sous-entendons implici-
tement que quand il s’agit de nous mesurer à la plus importante variable
— l’expertise — nous ne sommes pas mieux équipés que les autres entre-
prises potentielles.
Nous devons être libres d’utiliser notre passion, sans oublier qu’elle peut
facilement favoriser le risque que le client voie dans son affichage une
invitation à prendre le contrôle et l’aveu que notre expertise pourrait être
absente. Servons-nous de notre passion mais attention à ne pas en abuser
et à ne pas permettre au client de l’utiliser contre nous.
Le généraliste est attiré par le problème qu’il n’a pas encore résolu. Sa
curiosité l’emporte sur tout le reste. Il ne ressent aucune gêne à opérer
en dehors de son domaine d’expertise, car il est large, peu profond et mal
défini. Il poursuit avec passion ce qui est nouveau et différent.
Mais lorsque la transition est faite, qu’il s’est habitué aux avantages de maî-
triser une haute expertise — c’est-à-dire que le client cédant le contrôle à
quelqu’un digne de lui est devenu la norme — il ne reviendra plus si facile-
ment opérer de la position affaiblie du généraliste.
86
6 : ÊTRE SÉLECTIF
87
7
septième étape
Construire l’expertise
rapidement
91
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
N
ous abordons ici la troisième de nos trois phases pour positionner
notre entreprise. Nous avons sélectionné notre spécificité, nous
l’avons articulée autour d’une revendication d’expertise, nous
devons maintenant produire rapidement la preuve de notre revendication.
Quand nous plantons notre drapeau dans le sol, des têtes se tournent. La
concurrence, apparemment inconsciente de notre présence auparavant,
soudainement nous remarque. Ceux qui ne revendiquent pas de territoire
de manière significative sont rarement attaqués. Qu’avons-nous à défendre,
après tout ? Un des petits plaisirs du généraliste : il mène une vie plus facile,
peut-être pas aussi lucrative ou aussi épanouissante, mais tellement plus
simple. Le généraliste n’inquiète personne, personne ne s’attaque à lui.
92
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT
Dès l’instant où nous avons une revendication nous sommes projetés dans
une course sans ligne d’arrivée, dans laquelle plus nous sommes en tête
plus nous avons à perdre, donc plus nous sentons que nous devons courir
vite. Ce n’est pas la voie facile. Néanmoins, une fois que nous y sommes,
passant devant les généralistes assis sur le banc de touche, nous réalisons
qu’il ne pourrait en être ainsi autrement. Nous préférons courir pour réali-
ser notre potentiel que de stagner dans une béate satisfaction.
93
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
La preuve que nous voulons construire et que nos futurs clients ont besoin
de voir, est enracinée dans nos compétences, nos capacités et nos proces-
sus. Ce sont des biens que nous ne devons jamais cesser de construire et
d’associer. Explorons les moyens dont nous disposons pour approfondir
notre expertise.
L’exigence d’écrire
L’écriture permet de nous faire repérer. Elle aide à consolider notre position
d’experts. Plus important : écrire sur ce que nous faisons est le moyen le
plus rapide d’approfondir nos connaissances. Écrire longuement sur notre
expertise nous pousse au plus profond de la géologie de notre territoire. En
tant qu’experts expérimentés, nous bénéficions de l’observation répétée des
mêmes défis. L’écriture est l’outil qui nous aide à formaliser notre réflexion
sur ces observations. Elle nous oblige à affiner nos arguments et donc
notre compréhension. Écrire pourrait ne pas venir naturellement, ce pour-
rait être éprouvant par moments, mais les récompenses sont importantes
et l’exercice obligatoire. Si nous devons être experts, nous devons écrire.
94
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT
Les compétences que nous devons posséder ou acquérir pour réussir dans
une entreprise créative différenciée sont : premièrement conseiller, deuxiè-
mement écrire, troisièmement créer. Comprendre les problématiques et leur
apporter des solutions tout en étant capable de piloter les autres au sein
d’une mission sont les atouts majeurs du conseiller. L’écriture suit pour à la
fois prouver et approfondir l’expertise. La création est de plus en plus consi-
dérée comme la marchandise — acquise à peu de frais — de ceux qui n’ont
pas les deux premières compétences ou qui ne les ont pas cultivées. Nous
devons donc prendre le contrôle et nous devons écrire.
95
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
plus que quand de lui-même il conclut que peu de variabilité dans le pro-
cessus égale peu de variabilité dans les résultats. Chacune des entreprises
qu’il consulte peut lui démontrer une capacité à faire un excellent travail,
mais la question à laquelle il veut répondre avant l’achat est : « Comment
savoir si j’obtiendrai le meilleur de leur travail ? » Quand nous sommes
capables de démontrer des processus solides, le client peut comprendre
lui-même leurs implications sur la cohérence de notre qualité.
Formation et responsabilisation
Sans méthodologies véritablement établies, nous manquons d’outil pour
former nos collaborateurs. Mais une fois déterminés à définir et à amé-
liorer la façon dont nous travaillons, nous nous engageons à les former à
ces méthodes.
96
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT
Cela fait des années qu’il est assis à se demander ce qui n’a pas fonc-
tionné. Qu’a-t-il fait pour mériter une telle infortune ? Il ne peut pas voir,
97
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
ou ne veut pas voir, que son malheur puise sa source dans ses premiers
succès. Il n’a pas été obligé de prendre de difficiles décisions dès ses débuts,
si bien que lorsqu’il y a été confronté par la suite, il est resté certain que ces
efforts pouvaient être évités et qu’il remonterait les marches du succès à
l’ancienne, une fois de plus. Maintenant les clients ne se présentent plus à
sa porte et il rejette la faute sur le marché ou il déplore que les temps aient
changé d’une manière qu’il ne peut pas comprendre, pour des raisons qu’il
ne peut pas voir.
Alors que d’autres passent devant, ceux qui ont pris les décisions coura-
geuses et ont fait le travail de transition difficile, lui reste de côté, KO, le
regard vague. Il est un exemple de ce que nous deviendrons si nous arrê-
tons l’apprentissage permanent ou si nous abandonnons la course.
98
8
huitième étape
101
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
U
ne stratégie de développement des affaires fondé sur le pitch déva-
lorise notre pensée et met l’accent sur les parties les plus banalisées
de notre offre. Le client utilise de nombreux indices pour essayer
de déterminer notre valeur, il recherche des signes sur la façon dont nous
nous estimons. Si nous ne valorisons pas notre pensée, il ne le fera pas non
plus. Comment pouvons-nous diagnostiquer et prescrire gratuitement une
minute et demander plus tard des centaines, voire des milliers d’euros pour
une pensée banalisée ?
Nous devons nous efforcer d’être cohérents dans la façon dont nous nous
comportons, en montrant que nous connaissons notre propre valeur et que
nous ne la braderons pas. Nous devons nous attaquer aux négligences de
notre comportement en comprenant qu’il y a une ligne à ne pas franchir
entre le fait de prouver notre capacité à résoudre le problème du client et le
fait de le résoudre réellement. Nous ne serons pas tentés de franchir cette
ligne avant d’être payés.
102
8 : NE PAS RÉSOUDRE LES PROBLÈMES AVANT D’ÊTRE PAYÉS
103
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
nous devons garder en mémoire que rien n’est conclu tant qu’il ne nous a
pas versé une somme d’argent. Chaque client se réserve le droit de changer
d’avis jusqu’à ce qu’il verse de l’argent.
Il n’est pas nécessaire d’insister sur notre exigence d’un dépôt avant le
début de tout travail. Disons simplement : « Nous commencerons à réception
du versement, c’est notre politique pour tout nouveau client. » Nous n’avons
pas à nous excuser d’être des entrepreneurs responsables. Là non plus,
nous ne devrions jamais devoir clarifier les modalités de paiement après
avoir commencé à travailler sur la mission. Voici le plus simple des tests en
affaires, pour lequel il n’y a aucune excuse à l’échec : tous nos nouveaux
clients paieront d’avance.
104
9
neuvième étape
107
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
M
émorisons une règle d’or de ce manifeste à propos de l’argent :
Ceux qui n’en parlent pas, n’en gagnent pas. Nous prétendons
avoir été élevés dans une famille ou une culture où il est impoli
de parler d’argent, mais nous savons que ce n’est qu’une demi-vérité, n’est-
ce pas ? Dans chaque culture, il est impoli de parler d’argent dans un cadre
personnel. Le corollaire à cette règle est tout aussi omniprésent : dans
toutes les cultures, il est considéré comme un signe de piètre sens des
affaires que d’éviter de parler d’argent dans un contexte d’affaires. Nous
devons concilier ces deux conventions et ne pas confondre les mœurs
sociales avec de saines pratiques commerciales. L’un des objectifs de notre
entreprise est de gagner de l’argent, par conséquent, nous devons prendre
l’habitude d’en parler tôt et souvent.
Le client dispose d’un budget, ou à tout le moins, des limites d’un budget,
et nous devrions avoir nos propres paramètres qui définissent la taille de
notre client minimum. Chaque partie ayant de tels critères, il devient facile
de déterminer dès que possible s’il y a une adéquation financière. Mais ce
n’est pas facile pour beaucoup d’entre nous : les discussions d’argent sont
source de stress.
108
9 : ABORDER SANS DÉLAI LES QUESTIONS D’ARGENT
Lorsque l’on fait le bilan du stress présent dans notre vie, on voit vite que la
quasi-totalité de celui-ci est causée par des choses qui sont hors de notre
contrôle ou, plus souvent, qui le sont mais que nous évitons. Le stress est
dû aux choses que nous ne faisons pas. La racine de ce stress lié à l’argent
ne réside pas dans les conversations elles-mêmes, mais dans le fait de ne
pas en parler alors que nous savons que nous devrions le faire. Surmonter
ce stress commence par décider qu’à partir d’aujourd’hui nous parlerons
d’argent sans délai et souvent. Dès que l’occasion se présentera, nous nous
appuierons sur l’inconfort du sujet pour y faire face immédiatement et en
éliminer le stress. Avec le temps nous apprendrons à le faire avec aisance.
109
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Peu de temps après que nous aurons déterminé un besoin avec un prospect,
il nous incombe de lui faire comprendre que nous ne travaillons qu’avec un
petit nombre de nouveaux clients chaque année et que donc nous ne pou-
vons ajouter que ceux qui dépenseront à hauteur de notre niveau minimum
de commande, ou plus. Nous ne cherchons pas un engagement à toute force,
nous disons simplement : « C’est la taille logique de client avec qui nous tra-
vaillons ; si à un moment donné vous décidiez de travailler avec nous, vous
devez être prêts à vous engager au minimum à hauteur de ces honoraires,
voire plus, au cours de l’année. »
110
9 : ABORDER SANS DÉLAI LES QUESTIONS D’ARGENT
pour les clients existants avec lesquels nous avons établi une relation pri-
vilégiée, plus complète et stratégique. Nous pouvons choisir de travailler
sur ses nouveaux avant-projets s’ils répondent à nos critères de capacité
et de rentabilité, n’empêchant pas d’obtenir par la suite une mission plus
large et appropriée, et si nous n’avons pas à concourir. Le travail d’avant-
projets amenuise les effets de notre précepte « rechercher un petit nombre
d’engagements significatifs ». Nous pouvons compléter avec lui quelques
ralentissements d’activité, mais il ne doit pas représenter le fondement de
notre pratique. Accepter ne serait-ce que la moitié des avant-projets qui
viennent à nous reviendrait à construire une société sans stratégie, acca-
blée par de trop petits clients et de trop petits projets aux défis insuffisants
ou aux maigres récompenses, outre le peu d’accomplissement personnel.
Nous refuserons donc plus d’avant-projets que nous n’en accepterons. Nous
renoncerons rarement à notre niveau minimum de commande.
111
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
niveau minimum de commande est la dernière chose que nous faisons avant
d’accepter la mission. Nous ne voulons pas, après avoir accepté de faire cet
effort, nous entendre dire : « Super, nous vous enverrons une demande de
propositions » ou « Maintenant, nous devons encore rencontrer quelques
entreprises. »
Partir
Une des fonctions du développement commercial est d’écarter les mauvais
clients et toute autre mauvaise adéquation. Tels les portiers des entreprises
de nos clients, nous devons déterminer qui est autorisé à entrer pour dis-
cuter utilement et qui doit être gentiment reconduit vers un de nos estimés
concurrents. Le moyen le plus rapide pour être efficace dans notre approche
de développement est de découvrir sans complexes les informations impor-
tantes au début et de les utiliser pour évaluer de façon honnête et pragma-
tique une adéquation. La réponse à la question : « Le client peut-il et va-t-il
nous engager ? » est l’information essentielle que nous devons découvrir le
plus tôt possible pour nous déterminer. Laisser tomber ceux qui ne peuvent
pas nous payer correctement et partir nous évite les surcoûts d’exploitation,
préserve à la fois notre positionnement et les occasions de futures affaires.
Parler d’argent dès le début est une habitude facile prendre, qui une fois
acquise nous aide à mieux prendre les décisions qui façonnent l’avenir de
notre entreprise.
112
10
dixième étape
115
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
N
ous nous efforcerons de gagner tout en facturant plus et ainsi vali-
der notre positionnement d’expert. Si nous n’accomplissons pas ce
tour de force, c’est que nous n’avons pas encore réussi à mettre en
œuvre les principes des étapes précédentes.
Nous devons nous défaire de l’idée que nous pouvons opérer grâce à des
marges bénéficiaires minces au début d’une nouvelle relation client puis tra-
vailler à augmenter ces marges au fil du temps. Nous savons que la marge
bénéficiaire, comme le pouvoir, ne fait que diminuer avec le temps.
116
10 : REFUSER DE TRAVAILLER À PERTE
Le critère décisif : gagner tout en facturant plus. Dès lors que nous factu-
rons moins, cela signifie que notre prix est devenu notre positionnement, que
nous allons le porter tel un fardeau : nous devenons la boutique discount.
À propos du discount
Nous n’aurons pas dans notre entreprise de “chef du déficit”. En tant qu’ex-
perts, nous ne ferons pas de discount avec de nouveaux clients aujourd’hui
pour espérer gagner de l’argent demain. Nous allons conserver l’utilisation
de réductions pour nos meilleurs et plus anciens clients, au moment où ils
auront besoin de notre soutien.
Les négociations de prix légitimes sont un jeu honnête. Si, de temps à autre,
nous décidons qu’il est logique de réduire les prix pour gagner la mission,
nous devons nous assurer de ne pas baisser si bas que cela compromettrait
notre rentabilité. En vérifiant que chaque mission est rentable, nous nous
assurons que notre entreprise l’est aussi. En acceptant de commencer un
engagement avec un nouveau client sans faire de profit, nous mettons en
place de façon presque certaine une relation de mécontentement mutuel.
117
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Garanties. Des clients pourraient tenter de négocier parce qu’ils sont incer-
tains de la valeur de nos services. Dans ces situations, nous pouvons consi-
dérer les garanties comme des alternatives au discount. Pas de garanties
de retour sur investissement car de trop nombreuses variables demeurent
hors de notre contrôle. Pas de garanties sur l’ensemble de notre gamme
d’offres car elle pourrait être utilisée contre nous à la fin de la mission.
Il convient de garantir la première phase de diagnostic et de prescription
d’un engagement progressif, afin de rassurer le client sur la valeur à aller
de l’avant avec nous. Il y a beaucoup moins de risque dans cette garantie
qu’il n’y en a dans une proposition d’idées gratuites avec l’espoir d’être payé.
Défendre notre terrain. Il arrive que des clients conscients de notre valeur
et ayant la capacité financière, négocient néanmoins dans le but d’obtenir
un meilleur prix. Dans une négociation, le succès est souvent gagné par la
partie qui se sent le plus à l’aise à parler d’argent. Celle avec le moins de
bagage émotionnel à ce sujet s’en sortira mieux pour défendre son terrain.
En suivant la neuvième étape, Aborder sans délai les questions d’argent,
nous travaillons à nous assurer que cette partie, c’est nous.
118
10 : REFUSER DE TRAVAILLER À PERTE
Le bénévolat
Mission après mission, nous bâtirons une entreprise experte et lucrative qui
nous permettra d’employer son potentiel à accompagner ceux qui en ont le
plus besoin. Pour ces clients soigneusement sélectionnés uniquement, nous
travaillerons gratuitement.
119
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
120
11
onzième étape
Facturer plus
123
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
E
n suivant les principes concernant l’argent — être payé d’abord
(étape 8), parler de l’argent au début (étape 9), refuser le travail à
perte (étape 10) et maintenant, facturer plus — nous développons
une confiance qui attire de meilleurs clients et nous évacuons les faibles
adéquations sans gaspiller nos ressources. Le bon usage de notre niveau
minimum de commande nous aide à cet égard : les clients en manque de
moyens sont repoussés et les clients de qualité sont attirés.
Nous inviterons le client à nous dire qu’il préférerait travailler avec une
entreprise plus abordable. Nous ne nous excuserons pas de facturer plus
cher puisque c’est la juste rémunération de la valeur ajoutée que nous
124
11 : FACTURER PLUS
livrons à titre d’experts. Cela nous permet de compléter notre offre en nous
donnant les moyens de réinvestir en nous-mêmes et, le plus important, cela
améliore assurément les résultats et l’expérience du client.
Chaque client sur notre liste mérite toute notre attention, notre meilleur
service et notre dévouement pour corriger des erreurs. Pour nous per-
mettre de livrer ce dont ils ont besoin, ils doivent nous livrer de la marge
bénéficiaire. Nous ne devons accepter rien de moins. Une marge bénéfi-
ciaire saine est vitale, car il est parfois nécessaire d’en perdre un peu afin
de corriger une mauvaise situation. Le message implicite est : nous serons
bien payés et en échange nous nous occuperons bien du client. Nous ferons
en sorte que tous les petits problèmes disparaissent.
125
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
126
11 : FACTURER PLUS
127
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
128
11 : FACTURER PLUS
Réinvestir en nous-mêmes
De toutes les opportunités d’investissement auxquelles nous devrons faire
face durant notre vie, peu d’entre elles donneront des rendements supé-
rieurs à celles de nos possibilités d’investir en nous-mêmes. Des prix sélec-
tifs nous donnent le bénéfice de réinvestir dans notre activité, auprès de
nos collaborateurs et en nous-mêmes. Les entreprises que nous admirons
le plus sont celles qui investissent dans la recherche et le développement.
Nous devons suivre leur chemin. Tandis que d’autres obtiendront des
marges minces, gagnant sur les prix, nous utiliserons une partie de nos
confortables profits pour nous améliorer et pour renforcer notre avance sur
nos concurrents.
129
12
douzième étape
133
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
N
ous nous trouvons aujourd’hui, nous, professions créatives, à une
croisée des chemins. D’un côté, le design est enfin considéré comme
le dernier grand facteur de distinction des entreprises et de crois-
sance économique, et de l’autre, les créations produites sont de plus en plus
considérées comme des marchandises.
Ce n’est pas le pire contexte pour prendre une décision. Le monde se réveille,
ouvert à l’idée que les défis des entreprises et des sociétés sont ceux du
design, de la créativité et de l’innovation. Nous avons rarement eu une telle
occasion d’avoir un impact significatif sur le monde qui nous entoure.
134
12 : AVANCER TÊTE HAUTE
Il y a de la noblesse dans notre métier. Ceux qui, comme nous, savent voir et
créer, ont une place à part. En nous lançant dans la création d’une entre-
prise autour de ces compétences, nous devons également nous engager à
acquérir un autre jeu de compétences qui lui permettra de se développer.
Réalisons notre rêve, mais soyons aussi suffisamment pragmatiques pour
prendre la Difficile Décision Commerciale et prenons l’habitude de nous
lancer à corps perdu dans les tâches les moins remarquables, mais indis-
pensables si nous souhaitons développer notre entreprise. Les rêves seuls
ne suffisent pas.
135
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
Nous avions cette ambition aux premiers jours de notre entreprise, mais
nous sommes englués dans la complexité de sa gestion. Peut-être avons-
nous commencé à croire ceux qui prônent le mensonge qui consiste à sacri-
fier un peu notre amour-propre, jusqu’à ramper parfois, pour obtenir de nou-
veaux clients. Trop souvent, nous avons fait du bon travail en échange d’une
maigre rémunération pour des clients aux missions non-valorisantes. Créer
et résoudre des problèmes nous apportent satisfaction, mais le combat pour
gérer une entreprise créative nous pousse souvent loin de notre ambitieux
objectif. Comment exploiter notre talent pour changer le monde s’il est si
commun ou tellement sous-évalué qu’il doive être donné gratuitement ?
136
12 : AVANCER TÊTE HAUTE
Le retour à la vision
Ce que nous envisagions comme une bataille contre nos clients, nous
devons le considérer maintenant comme une voie de transformation per-
sonnelle. Étape après étape, le brouillard se dissipe, la route s’éclaircit,
le succès semble possible, et enfin, est au rendez-vous.
Nous sommes les Gens Qui Voient. La motivation de notre révolution n’est
pas de débarrasser le monde des idées gratuites, mais de bâtir une entre-
prise nous permettant d’atteindre les plus hauts sommets en ayant un
impact sur un monde qui est plus fort que nous.
Nous franchirons les douze étapes de sorte que notre entreprise puisse
nous soutenir et nourrir notre créativité. Nous donnerons le meilleur de
nous-mêmes à ceux qui nous respectent et nous payent à notre juste valeur.
Cette rémunération de nos talents nous permettra d’aider à la promotion
sociale de nos proches, d’inspirer nos réseaux professionnels et d’exercer
une influence sur nos sociétés. Spécialisation, sélectivité, vente respec-
tueuse, apprentissage continu et bénéfices jalonneront notre chemin. n
137
Remerciements
Blair Enns
Des dizaines de mes clients ont apporté leur contribution à cet ouvrage.
Je leur suis reconnaissant à tous pour m’avoir fait confiance et pour tout
ce qu’ils m’ont appris.
Plus que tout, trois collègues m’ont aidé à formaliser ma pensée. Pauline
O’Malley 1 m’a prouvé que l’acte de vendre pouvait être accompli avec res-
pect et avec logique. Son enseignement se reconnaît partout dans mon tra-
vail et sa voix continue de me guider. Les idées de David C. Baker 2 — mentor,
collègue, éditeur et ami — transparaissent aussi dans ces pages. L’impact
de David sur mon travail est si profond que je ne tente même plus de savoir
ce qui est de lui ou de moi. Cal Harrison (beyondreferrals.com) est un colla-
borateur inestimable, relecteur, enseignant et ami de longue date. J’ai été
formé par eux et à tous j’ai piqué quelque chose.
François Caspar
Blair Enns, auteur du texte original et d’un unique et indispensable blog 3,
m’a accordé toute sa confiance — une « carte blanche » (prononcer avec
141
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE
1. www.therevenuebuilder.com
2. www.resources.com
3. Win Without Pitching, 2010 — www.winwithoutpitching.com
4. Notamment : traduction du français à l’anglais du Code de déontologie du designer (2012),
conçu et publié par l’Alliance française des designers.
5. Notamment : La Vallée aux crânes (2014), éditions La Bourdonnaye ;
Le Goût des déserts (2009) et Le Goût de la Loire (2005), éditions Mercure de France ;
L’Infante (2003), éditions Gallimard.
6. Notamment : Salomé Alt – Mystère (1989), éditions Le Nouveau Commerce,
Constance – Portrait (1990), éditions Champ-Vallon,
publication en revues, dont Po&sie en 2009,
traduction française de l’allemand de Du spirituel dans l’art (1989)
de Vassily Kandinsky, éditions Denoël, collection Folio Essais.
7. www.francoisecollin.com
8. www.danielcaspar.com
9. www.alliance-francaise-des-designers.org
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Colophon
Design graphique :