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François Caspar,

auteur de la traduction
François Caspar est designer de messages
depuis 1989. Titulaire d’un master de design
en communication traitant du marché de l’art,
© Zoé Caspar

intitulé « Art is business », il a conçu la com-


munication visuelle d’entreprises publiques
et privées françaises et européennes. Ses premiers travaux incluent des
commandes ayant pour thématique les droits de l’Homme. Cofondateur en
2003 de l’Alliance française des designers (AFD), premier syndicat profes-
sionnel pluridisciplinaire de designers en France, il y est en charge des re-
lations européennes et des questions juridiques. Il est notamment auteur
du manifeste Dites NON aux idées gratuites (2007) publié par l’AFD et
repris par l’Alliance graphique internationale (AGI) sous le titre Pour une
culture visuelle en France (2008), coauteur de la Charte AFD des marchés
publics de design (2012) et du Code de déontologie des designers (2013)
publié par AFD, contributeur au Guide de la commande de design gra-
phique (2014) publié par le Centre national des arts plastiques/Ministère
de la Culture et de la Communication. François Caspar est aussi fondateur
et chercheur de l’association Moneydesign, partenaire d’organisations pro-
fessionnelles à l’international, qui édite le guide de tarification du design
CalKulator.com. Il prépare les étudiants en design à la vie professionnelle,
anime conférences et séminaires sur les droits et les devoirs des designers
professionnels et participe à diffuser les meilleures pratiques du design
en France, en Europe et au-delà.
M A N I F E S T E

GAGNER
SANS IDÉES GRATUITES
Titre original : The Win Without Pitching Manifesto
Copyright © 2010 Blair Enns
Édition originale publiée aux États-Unis par RockBench Publishing Corp. Nashville, USA, 2010
Cette traduction a été publiée avec l’aimable autorisation de Blair Enns
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays
Édition française : Moneydesign, Saint-Mandé, France
Copyright © 2014 : François Caspar
Traduction de l’anglais Canadien : François Caspar
Révision et relecture : Françoise Benassis et Nicole Debrand
Première édition française, 2014
ISBN 978-2-9550574-0-7
Tous droits réservés
www.moneydesign.org
M A N I F E S T E

GAGNER
SANS IDÉES GRATUITES

Blair Enns
Traduit de l’anglais par François Caspar
Cet ouvrage bénéficie du soutien de :
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Préface à l’édition française


Attention : révolution culturelle et commerciale. Il est question dans ce
manifeste de prendre le pouvoir ! Celui des designers entrepreneurs dans
leur relation professionnelle avec leurs clients et dans leur relation émo-
tionnelle à l’argent. Dans quel but ? Pour revenir à une idée simple, qui a
pu se perdre dans les méandres d’une activité où se mélangent ébullition
d’un cerveau créatif et données pragmatiques du monde des affaires : déve-
lopper son entreprise de design et la faire fructifier. C’est l’objet même du
projet de travailler à son compte qui est en jeu : construire sa liberté de
créer et d’entreprendre. Rien de moins.

Les principes que développe Blair Enns trouvent leur source dans le mar-
keting, les règles du commerce, la psychologie, les neurosciences et dans
sa longue expérience à côtoyer les « Gens Qui Voient ». C’est ainsi qu’il nous
appelle, nous, les designers. Blair Enns admire notre propension à chercher
et trouver des solutions aux problématiques grâce à notre créativité. De son
point de vue, les designers possèdent un très haut niveau d’expertise et un
talent unique : ils voient les solutions. En travaillant à notre contact, il a pu
observer les incohérences de certaines pratiques généralisées. Parce qu’on
ne nous a pas enseigné à négocier contre paiement à sa juste valeur, la plu-
part d’entre nous applique sans le vouloir des méthodes qui nous mettent
dans la position de nous voir dicter par nos clients nos conditions de travail
et de rémunération. Il n’y a aucune raison pour que les designers se sou-
mettent ainsi. C’est à partir de ce postulat que Blair Enns a développé au
fil des années une formation spécifique à notre attention. Il nous explique
pourquoi nous nous plaçons malgré nous, dès les premiers contacts, en
situation d’infériorité face au client potentiel et les incidences sur la créa-
tivité et la rentabilité de notre activité. Enfin, et surtout, il nous montre, en
douze étapes, le chemin pour nous sortir de cette impasse et pour accéder
à ce que cherche tout entrepreneur : à prospérer.

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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Blair Enns vit au bord de la rive nord-est du lac Kootenay, dans les
Rocheuses canadiennes. De là, il roule jusqu’à un petit aéroport, prend un
petit avion pour rejoindre l’aéroport international, d’où il s’envole parcourir
le globe en long-courrier, à la rencontre des « Gens Qui Voient ». De l’Amé-
rique à l’Asie, en passant par l’Europe et le Moyen-Orient, Blair Enns donne
des conférences et coache un nombre impressionnant de designers, gérants
d’entreprises de toutes tailles. Je l’ai rencontré il y a quelques années, un
jour de séminaire dans les beaux quartiers de Londres. Ce fut, pour moi
aussi, le choc culturel, psychologique, en même temps qu’une grande exci-
tation : il décrivait avec précision la relation à l’argent, émotionnelle compli-
quée, que l’on rencontre dans les professions artistiques, un sujet sur lequel
je travaille depuis toujours. Il pointait du doigt une attitude que bon nombre
d’entre nous avons eue : offrir nos idées. Pourquoi donc la plupart des desi-
gners dilapident-ils ainsi leur bien ? Est-ce par habitude de présenter leurs
travaux aux professeurs ou par aveuglement d’un irrépressible désir de
reconnaissance ? Avant de foncer tête baissée, réfléchissons : à qui profite
ce crime ? Dans quelle autre profession agit-on ainsi ? C’est qu’il manque à la
plupart d’entre nous une compétence : savoir vendre. Puis Blair Enns expli-
qua comment reprendre l’avantage. Je pus sentir l’impact de ses mots dans
une salle comble de designers, d’abord dubitatifs, puis enjoués par l’opti-
misme qu’il faisait naître.

J’ai moi aussi effectué le parcours que Blair Enns décrit. J’ai commencé par
fournir mes idées gratuitement. « C’est comme ça que ça se passe dans
ce métier » avais-je appris. Bien qu’ayant remporté des appels d’offres,
mon enthousiasme s’est vite effrité et j’ai finalement trouvé que l’énergie
investie ne valait pas la maigre récompense en retour. Par lassitude puis
par éthique, j’ai fui l’absurdité de ce système. Non sans angoisse, j’ai établi
que dorénavant toute relation professionnelle ne reposerait pas sur la
fourniture de ma réflexion sans contrepartie équitable. Dussé-je changer
de métier. Ma carrière n’en fut pas atteinte, bien au contraire, elle s’est

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PRÉFACE À L’ÉDITION FRANÇAISE

développée sur des bases saines. J’ai dit non aux idées gratuites, sans tou-
tefois établir de véritable stratégie commerciale.

Lors de ce séminaire, j’ai trouvé en Blair Enns un alter ego. Ce que j’abordais
sous l’angle de la déontologie, de valeurs professionnelles et citoyennes, lui
l’abordait sous l’angle des affaires et de valeurs économiques. Ce que je prô-
nais avec mes confrères comme des valeurs morales au sein d’un syndicat
professionnel — sans proposer de méthode —, lui le recommandait comme
l’intelligence d’une stratégie commerciale de développement économique
d’entreprise — en expliquant le mode d’emploi. J’avais en face de moi le chaî-
non manquant d’une suite logique pour aider les designers à développer leur
art et leur business. Blair Enns ne fait pas dans la déontologie, quoique. Les
valeurs qu’il défend sont le professionnalisme, l’écoute des besoins, le res-
pect avant le profit, la construction d’une expertise de qualité, la formation
continue pour nous améliorer toujours, entre autres. Ces valeurs, par les
effets qu’elles ont sur notre activité, défendent les intérêts de notre profes-
sion et en cela rejoignent les idées que diffusent les syndicats de designers.

« Design is a business » est un concept présent dans les esprits des pays
anglo-saxons davantage qu’en France, mais cette notion progresse auprès
de plus en plus d’adeptes. Les associations professionnelles de designers
de notre monde globalisé bannissent les démarches qui poussent à four-
nir notre expertise et nos idées gratuitement parce qu’elles tuent notre
offre. Mais les méthodes commerciales pour apprendre à développer une
entreprise créative sur d’autres bases manquent cruellement. Pourquoi
Blair Enns, qui nous donne un nom d’Indien, les « Gens Qui Voient », formé
au marketing — une activité que j’ai souvent vécue comme étant rivale de
la nôtre — est-il sollicité par des associations de designers du monde entier
pour prodiguer ses conseils ? Parce qu’au-delà de l’exposé du fonctionne-
ment de nos cerveaux créatifs — un miroir qu’il nous tend avec provoca-
tion parfois, mais toujours avec humour et respect pour notre profession

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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

(de l’empathie ?) — il construit avec pragmatisme une stratégie commer-


ciale fondée sur le refus de fournir ses idées gratuitement. Il décortique les
mécanismes du pouvoir au sein d’une relation professionnelle. Il corrige nos
travers, nous recentre vers les bons objectifs, nous montre comment nous
pouvons être reconnus comme des experts et en quoi cela est indispensable
pour notre développement économique. Certains d’entre nous appliquent
déjà quelques principes de bon sens, mais ce qui fait la force et la valeur de
ce manifeste, c’est l’ensemble cohérent et interdépendant qu’énonce Blair
Enns. Il avertit : le suivre n’est pas chose aisée. Baisser les bras et revenir
aux veilles habitudes pénibles, apparemment rassurantes, est plus facile.
Mettre en application les principes des douze étapes qu’il préconise néces-
site d’oublier quantité d’idées reçues apprises tout au long de nos études et
lors de notre entrée dans la vie active, d’avoir le courage de repenser une
approche de la relation professionnelle et de la commande, de transformer
nos méthodes de travail en conséquence. Décidons de suivre toutes ces
étapes, tout deviendra possible. Une fois cette stratégie assimilée et mise
en pratique, il peut être opportun de relire de temps en temps ce manifeste,
notre créativité étant prompte à nous jouer des tours…

Le goût des affaires et la déontologie se rejoignent ici pour promouvoir les


meilleures pratiques professionnelles. Blair Enns, qui fait autorité dans
son domaine, est depuis quelques années beaucoup imité. Il nous dédie
ce manifeste. Pour ma part, en passeur, je suis fier de vous le livrer enfin.
Maintenant qu’il est parvenu jusqu’à vous, à vous de vous en emparer.

François Caspar
Saint-Mandé, France, 2014

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Aux Gens Qui Voient,
pour que leur entreprise puisse soutenir leur créativité

et pour Colette, habibti


GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Un manifeste de pratiques commerciales


pour les entreprises créatives
Les forces des professions créatives sont liguées contre l’artiste 1 : pour
prouver sa valeur, elles le pressent de livrer son travail gratuitement avant
d’effectuer toute commande. Les clients l’exigent, les designers, les direc-
teurs artistiques, les écrivains et autres professionnels de la création s’y
résignent. Les associations professionnelles sont impuissantes face à ce
système. Les consultants et les sociétés dont le développement d’entre-
prise est fondé sur la sous-traitance gagnent leur vie en le perpétuant.
On assiste même à des conférences où les pires arrogants de tous horizons
prônent sur scène la façon de s’améliorer à ce jeu.

Il est illusoire de compter sur les professions créatives pour affronter


collectivement et de façon unie la remise en question de la recommanda-
tion spontanée — le pitch. Le « travail spéculatif 2 » ne peut être combattu
qu’entreprise par entreprise, grâce à une ferme opposition venant des pra-
ticiens eux-mêmes, soutenue par une multitude de luttes individuelles. Avec
un peu d’aide, il est possible pour des artistes qui travaillent en solo et des
entreprises créatives convaincues, de mener à bien cette grande bataille
contre les nombreuses forces alliées du statu quo.

La bataille peut sembler vaine collectivement alors que certaines entre-


prises créatives se battent et gagnent. Elles se réapproprient le haut du
pavé de la relation client, repoussant le pitch et gagnant de nouveaux mar-
chés sans devoir livrer leur réflexion gratuitement. Elles imposent ainsi un

1. Note du traducteur : en Amérique du Nord, l’acception du mot « artiste » est plus large que
dans d’autres pays, comme la France. Il s’entend comme « le créateur » quel que soit son
domaine, appliqué à l’industrie ou non et englobe les professions créatives telles que le design.
2. Note du traducteur : expression lexicalisée courante dans le monde des designers.

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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

développement plus puissant au beau milieu des forces de banalisation.


Une révolution est en marche.

Ce manifeste contient les douze principes qu’appliquent ces entreprises


gagnantes, celles du « Win Without Pitching » — du « Gagner sans idées gra-
tuites ». Cet ouvrage décrit une voie défrichée par des gérants de sociétés
créatives qui ont pris de difficiles décisions pour transformer leur entre-
prise et leur approche pour gagner de nouveaux clients. Ils ont résisté à
la pression professionnelle qui consiste à suivre la ligne habituelle du pitch.
Ils sont passés du statut de fournisseurs preneurs d’ordres au statut de
conseillers experts et ils ont ainsi forgé une stratégie plus satisfaisante et
lucrative pour gagner des missions et faire des affaires.

Leur parcours, décrit dans ces pages, pourrait ne pas être le vôtre. Tout le
monde n’a pas le cœur ou l’estomac pour réussir une pareille révolution.
À vous de lire et de décider si vous voulez suivre ce chemin.

Blair Enns,
Kaslo, Canada, 2010

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Faire le pitch
Tenter de vendre ses idées ou d’en obtenir l’approbation
en les proposant gratuitement, généralement au cours
d’un processus fondé sur une concurrence orchestrée par les acheteurs

« Chaque fois que vous vous trouvez du côté de la majorité,


il est temps de faire une pause et de réfléchir. » Mark Twain

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GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Sommaire
Préface à l’édition française 5
Un manifeste de pratiques commerciales pour entreprises créatives 11

Les douze étapes

1 Se spécialiser
Le but du positionnement
19
21
Les trois phases du positionnement 21
Les bénéfices du positionnement 22
Nous sommes la somme de nos choix 24
Le coût de la créativité 25
Le paradoxe du choix 26
Le fun et l’argent 27
Courage 28

2 Remplacer nos présentations par des conversations


Metteur en scène ou acteur ?
31
32
Préserver la surprise 33
Première phase : renforcer la collaboration avec les clients existants 34
Seconde phase : éliminer l’intrigue du cycle d’achat 37
Maintenant, la vérité sur la présentation 40

3 Diagnostiquer avant de prescrire


Le point de vue du praticien
43
45
La nature des clients qui réussissent 46
Apprendre d’autres professionnels 47
Les racines d’une mauvaise mission 47
La bataille polie pour le contrôle 48

4 Repenser ce que vendre signifie


L’histoire des deux vendeurs
53
54
Les deux fonctions de l’entreprise 55
Vendeur : facilitateur pour passer au stade suivant 56
Un nouveau modèle pour vendre 57
Acheter c’est évoluer 57
Première démarche : aider l’ignorant 58
Deuxième démarche : inspirer l’intéressé 60
Troisième démarche : rassurer l’intention 61
Les quatre priorités pour gagner de nouveaux marchés 63
Nous sommes devenus des vendeurs 66

5 Dire les mots qui se rédigeaient sur papier


Le surinvestissement crée de la résistance à l’achat
69
70
Pourquoi le client demande une proposition 71
Demande de proposition, repose en paix 75
Être payé pour rédiger des propositions 75
Contrats et propositions 76
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

6 Être sélectif
Nos objectifs de développement économique
79
80
Reculer là où d’autres avancent 81
De retour à la première étape 82
À la poursuite du « Non » 82
Inverser la dynamique des objections 83
Combler le fossé de l’expertise 84
La dichotomie de la passion 85
La sélectivité augmente avec l’expertise 86

7 Construire l’expertise rapidement


Une revendication juste
91
93
L’importance de prouver notre expertise 93
Tous ne suivront pas 97
Celui qui reste de côté 97

8 Ne pas résoudre les problèmes avant d’être payés


La pensée gratuite, ce n’est pas uniquement la création gratuite
101
103
Une fois engagés 103

9 Aborder sans délai les questions d’argent


Le stress des discussions d’argent
107
108
Un niveau minimum de commande 109
Déterminés mais flexibles 110
À propos des avant-projets 110
Renoncer à notre niveau minimum de commande 111
Partir 112

10 Refuser de travailler à perte


Engagés pour commencer par le commencement
115
116
À propos du discount 117
Le bénévolat 119

11 Facturer plus
Le bénéfice améliore le service
123
125
La mort de l’ordre de modification 126
Du temps ou notre pensée : que vendons-nous ? 126
Un prix élevé améliore l’engagement 128
Réinvestir en nous-mêmes 129
De meilleures marges impliquent de meilleures entreprises et de meilleurs clients 129

12 Avancer tête haute


Faire durer le rêve
133
134
La sélectivité, c’est du pouvoir 135
Parmi les professions, mais à part 136
Le retour à la vision 137
Le cadeau que nous pourrions apporter 137

Remerciements 141
1
première étape

Se spécialiser

Nous devons admettre que c’est la pléthore d’offres


— c’est-à-dire des alternatives légitimes à la proposi-
tion de notre entreprise — qui permettent aux clients
de demander, d’exiger de nous que nous leur fournis-
sions gratuitement notre réflexion. Si nous ne sommes
pas perçus comme plus experts que nos concur-
rents, nous nous réduisons à n’être qu’un parmi tant
d’autres, au pouvoir limité dans notre relation avec eux
et nos prospects.

19
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

L
e monde n’a pas besoin d’entreprises de design généralistes supplé-
mentaires. Il existe suffisamment d’agences de publicité ou de socié-
tés de marketing en communication aux services très complets. Le
monde est noyé sous les entreprises créatives indifférenciées. Ce dont il
a besoin et ce pourquoi les meilleurs clients sont prêts à payer, c’est une
haute expertise. C’est ce que nous devons élaborer et fournir. L’expertise est
la seule option valable pour nous différencier de la concurrence. Ce n’est
ni la personnalité, ni le processus, ni le prix. C’est l’expertise et l’expertise
seule qui nous distinguera de manière significative et nous permettra de
traiter en position de pouvoir avec nos clients et prospects.

Dans la relation client-agence, le pouvoir est généralement détenu par


le client, dont la puissance se nourrit des nombreuses alternatives qui
s’offrent à lui avant qu’il ne se décide à nous engager. C’est lorsque le client
dispose de peu de solutions de rechange à notre expertise que nous pou-
vons imposer nos prix, définir les conditions de la mission et que nous pou-
vons prendre le contrôle, afin de mieux nous assurer que nos idées et nos
conseils ont l’impact souhaité.

Lorsque les solutions de rechange à notre engagement sont nombreuses,


c’est le client qui dicte les prix, fixe les conditions de la mission, détermine
le nombre de nos idées et de nos conseils dont nous devons nous séparer
gratuitement, avant de décider s’il choisira de travailler avec nous.

C’est d’abord par le positionnement de notre entreprise que nous commen-


çons à déplacer le pouvoir dans la relation d’achat-vente et à changer la
méthode dont nos services sont achetés et vendus. Le positionnement est
le fondement de la réussite du développement commercial, donc de la réus-
site de l’entreprise. En tant que chefs d’une entreprise créative, nous devons
nous préparer à effectuer un long, coûteux et tumultueux parcours si nous
échouons sur ce point.

20
1 : SE SPÉCIALISER

Le but du positionnement
Le positionnement est un exercice de la relativité. Notre objectif, en nous
efforçant de nous positionner face à notre concurrence, est de la réduire
ou de franchement l’éliminer. Lorsque nous diminuons considérablement les
alternatives réelles du client à nous engager, nous modifions l’équilibre des
pouvoirs en notre faveur. Ce transfert de pouvoir vers nous, nous permet
d’affecter le processus d’achat et d’accroître notre capacité à éviter de nous
mettre dans la situation de nous séparer de notre réflexion gratuitement,
de devoir répondre aux appels d’offres ou aux demandes de propositions
inutiles et inefficaces qui dévaluent notre propre offre ou augmentent nos
frais de prospection.

Les trois phases du positionnement


Le positionnement est une stratégie qui doit être articulée, puis éprouvée.
Les éléments de stratégie, de langage et de démonstration sont énoncés ci-
après comme les trois phases à suivre pour construire notre haute exper-
tise et nous différencier des autres de façon significative :
1. Nous devons nous focaliser sur une spécificité.
2. Puis nous devons articuler cette spécificité
autour d’une revendication d’expertise cohérente.
3. Enfin, nous devons travailler à ajouter les compétences,
les capacités et les processus manquants, nécessaires
pour soutenir notre nouvelle revendication d’expertise.

Ce que nous appelons positionnement, d’autres, plus sérieux à propos de


l’activité de leur métier, l’appellent stratégie commerciale fondamentale.
La première étape — notre spécificité — est de répondre à la question stra-
tégique : « Dans quel domaine sommes-nous ? » Choisir la spécificité de

21
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

notre entreprise demeure une Difficile Décision Commerciale. Nous déci-


dons trop souvent de ne pas en choisir, nous laissant l’esprit libre d’ima-
giner que nous pourrions continuer à faire des tas de choses différentes
pour tous types de clients. Or, dans les entreprises créatives du monde
entier — peuplées et gérées par de curieux « solutionneurs de problèmes » —
la cause principale de la plupart des échecs du développement de l’activité
reste le fait d’éviter d’affronter la Difficile Décision Commerciale.

Nous pourrons facilement compléter les deuxième et troisième phases de


positionnement une fois que nous aurons eu l’audace de nous attaquer à
la première. Pour des raisons bien ancrées dans le cerveau d’un artiste, la
plupart d’entre nous échouent dans cette première étape essentielle.

Les bénéfices du positionnement


Nous pouvons mesurer le succès de notre positionnement en jaugeant
notre capacité à imposer deux choses en même temps : un avantage compé-
titif et un prix supérieur.

L’avantage compétitif. Posséder un avantage de vente signifie que quand


nous choisissons de participer à une compétition, sa date et son lieu, nous
gagnons plus souvent que nous ne perdons.

Le prix supérieur. Exiger un prix supérieur signifie que lorsque nous


gagnons, ce n’est pas en baissant le prix, mais bien en facturant plus.

Gagner tout en facturant plus est l’ultime bénéfice et l’indicateur clé d’un
positionnement efficace. Lors d’une compétition, l’élasticité des prix est liée
à la disponibilité de substituts : plus il existe d’alternatives à notre entreprise,
moins nous avons le pouvoir d’exiger un prix élevé. Lorsque nous gagnons

22
1 : SE SPÉCIALISER

sans facturer plus, il est fort probable que cela signifie que nous tentions
de gérer une entreprise d’idées et de conseils en position de faiblesse, ou
que nous essayions de rivaliser en dehors de notre spécificité, ou encore
que nous évitions de prendre la Difficile Décision Commerciale et que nous
sommes résignés, par absence de choix, à gérer une entreprise banale ou
sans stratégie commerciale fondamentale.

Le contrôle. Au-delà des bénéfices combinés d’un avantage commercial et


d’un prix supérieur, le positionnement nous apporte un contrôle qui accroît
notre capacité à guider la mission. Nous sommes engagés pour notre exper-
tise et non pour nos services. Croire que le mantra des activités de services
« Le client a toujours raison » s’applique à nous est une erreur. La plupart du
temps, en nous immergeant dans une nouvelle mission d’expertise, nous ne
savons pas vraiment ce dont le client a besoin. Nous sommes laissés seuls
pour reconnaître le chemin vers la solution et nous devons tirer parti de
notre point de vue extérieur pour faire au mieux notre travail. Nous devons
donc être autorisés à conduire la mission. Nous devons prendre le contrôle.

Notre capacité à contrôler la mission diminue avec le temps. Nous perdons


le contrôle parfois lentement et d’autres fois rapidement, mais nous le per-
dons toujours. Il est donc important que nous entrions dans la mission avec
autant de contrôle que possible. Si nous ne gagnons pas sur ce point avant
d’être engagés, il ne sert à rien de continuer. En effet, le développement
commercial peut être considéré comme une bataille polie pour le contrôle.

Il est difficile de demander le contrôle lorsque nous avons peu de pouvoir


dans la relation avec le client. Gagner cette position semble parfois telle-
ment en contradiction avec nos convictions. Nous sommes des personnes
optimistes et enthousiastes, alors nous avons tendance à compenser en
affichant cet enthousiasme pour emporter l’affaire. Mais il est temps d’ad-
mettre que cela ne nous a pas toujours très bien servis.

23
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Nous sommes la somme de nos choix


Nous avons la chance de faire ce que nous aimons. Et nous méritons d’être
en mesure de le faire. Mais en tant qu’entrepreneurs, nous devons accep-
ter que l’amour de notre métier ne doive pas se substituer à la prise de
décisions commerciales intelligentes. La passion pour le design ne nous
dispense pas de faire face à la Difficile Décision Commerciale. Une fois que
nous choisissons de faire de notre passion notre métier, nous prenons des
responsabilités envers notre famille, nos clients et nos employés. Entre
autres choses, ces responsabilités comprennent la nécessité de générer
un bénéfice supérieur au profit de nos salaires, au-delà de l’idée même de
rémunération. C’est à partir de ce profit que nous nous construisons une
force capable d’ouvrir de nombreuses opportunités pour nous-mêmes et
toutes les personnes impliquées dans notre entreprise.

Qui, parmi nous, à la question : « Choisissez-vous d’être faible ou d’être


fort ? » répondrait d’être faible ? Nous sommes confrontés à ce choix sur
le plan physique, émotionnel, spirituel, financier et bien d’autres. Nous
y sommes confrontés dans nos vies personnelles et dans nos métiers.
Certains choisissent d’être forts parce qu’ils veulent dominer les autres.
Certains choisissent de l’être parce qu’ils veulent aider les autres. Certains
choisissent d’être forts parce qu’ils ont vécu l’alternative et ne veulent
jamais redevenir faibles. Ce que nous choisissons de faire avec notre force
nous regarde, mais en tant qu’entrepreneurs, nous avons l’obligation d’ef-
fectuer un choix et de poursuivre le chemin que nous avons choisi. Personne
n’opte consciemment pour la faiblesse. En affaires, celle-ci est souvent un
symptôme d’une Difficile Décision Commerciale non prise.

24
1 : SE SPÉCIALISER

Le coût de la créativité
La fascination pour le nouveau et le différent est l’une des caractéristiques
de la créativité. Bien exploitée, cette fascination nous permet d’apporter des
idées nouvelles à des problèmes anciens et faire en sorte que l’offre pour nos
clients soit en constante évolution. Mais notre désir pour le nouveau et le
différent peut aussi nous conduire à éviter de prendre la Difficile Décision
Commerciale. Dans le contexte de notre entreprise, ce peut être l’argument
qui justifie de ne pas choisir une réelle spécificité sur laquelle mettre l’accent,
ce qui, de fait, nous place dans l’incapacité à éliminer notre concurrence.

Nous pouvons choisir de laisser libre cours à nos fascinations et à nos pas-
sions. Nous pouvons choisir de rester une entreprise « tous services », faisant
toutes sortes de choses pour tout le monde. Ce manque de stratégie nous
rendra pertinents pour tous ceux qui ont des besoins en marketing ou en
communication, il abondera dans le sens de notre désir de nouveauté quo-
tidienne et de rendre chacune de nos missions différentes des précédentes.

Ce faisant, nous attirerons toutes sortes de compétitions, des plus ou moins


différenciées aux très spécialisées. Nous provoquerons de nombreuses
alternatives au choix de notre entreprise et nous abandonnerons le pouvoir
au client. Dans cet environnement compétitif, nous ne serons jamais l’entre-
prise experte, nous ne forcerons jamais le respect, nous ne ferons jamais la
marge bénéficière attendue et nous ne nous libérerons jamais des proposi-
tions créatives gratuites.

Il faut reconnaître que notre personnalité nous prédispose à être contre


le fait de réduire notre champ d’activité pour parvenir à la haute exper-
tise, mais nous devons aussi admettre que notre entreprise doit trouver
cette spécificité si notre but est de prospérer. Nous devons voir nos pro-
testations, nos rationalisations et nos justifications à ne pas faire face

25
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

à la Difficile Décision Commerciale pour ce qu’elles sont : des excuses.


Bien que certains succès de notre entreprise puissent sembler faciles,
nous savons que nous tirons les meilleures récompenses des réussites qui
ont généré le travail le plus dur. En tant que créatifs et entrepreneurs,
la décision de nous situer dans une activité spécifique est rendue plus
difficile par notre tendance à préserver toutes nos options, à poursuivre
quelque chose que nous n’aurions jamais fait avant, à nous réserver le
droit de faire différemment la prochaine fois.

Le paradoxe du choix
Nous sommes dans une salle pleine de portes. En tant que personnes
curieuses de tout, nous voulons voir ce qui se cache derrière chaque porte.
C’est notre désir d’artiste — satisfaire notre curiosité et trouver des solu-
tions aux problèmes que nous n’avons pas auparavant résolus. À un certain
niveau cependant, nous savons que si nous voulons réduire drastiquement
la compétition et bénéficier du transfert de pouvoir qui en résulte, nous
devons choisir une seule porte, la franchir et ne jamais nous retourner.
Notre penchant pour la variété s’oppose soudain au besoin fondamental de
notre entreprise de se focaliser sur une activité spécifique. Est-il possible
malgré tout, que de l’autre côté de la porte qui nous fait face, il n’y ait pas
qu’un long couloir gris, une ennuyeuse chambre vide, mais encore d’autres
portes — encore d’autres choix ? Est-il possible que ce qui se trouve derrière
la porte ne soit pas la mort de notre créativité, à coup sûr étouffée par la
routine et l’ennui, mais exactement ce qu’il faut pour exploiter pleinement le
potentiel de notre talent ?

La réponse, bien sûr, est que c’est possible, mais nous ne le saurons
jamais avec certitude tant que nous ne franchirons pas cette porte et que
nous ne la refermons pas derrière nous.

26
1 : SE SPÉCIALISER

Le fun et l’argent
Le fun et l’argent ont longtemps été les deux raisons qui nous poussent au
travail chaque matin. Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous
admettons qu’au début, il était question la plupart du temps de plaisir. Nous
faisions le travail que nous adorions. Les autres validaient notre exper-
tise, nous payaient pour cela, il y avait les longues soirées entre collègues
mus par un but commun, tout le monde faisant ce qui devait être fait pour
impressionner le client.

Nous étions des âmes sœurs, tous avec la même passion pour notre métier.
Ensemble, nous célébrions nos victoires et nous nous plaignions de nos
échecs. Aux premiers jours, le studio ressemblait plus à un dortoir d’univer-
sité ou à une tournée rock’n’roll en bus, qu’à une entreprise commerciale.

Et puis soudain, ce ne fut plus amusant. Ceux qui nous avaient autrefois
inspirés devinrent un fardeau. Les employés devinrent des frais généraux.
Les soirées, de trop. D’une certaine manière, l’argent et le respect que nous
espérions n’ont jamais suivi. L’argent en particulier. Pendant longtemps,
nous étions dans le déni de l’argent. Nous n’en avions pas besoin, nous
nous amusions. Ensuite, lorsque nous avons été confrontés à notre réalité
et avons décidé que nous avions besoin d’argent, nous l’avons fait à contre-
cœur. Maintenant nous sommes fatigués du fun et nous sommes prêts à
admettre que nous sommes là, au moins en partie, pour gagner de l’argent.

Certes, il existe de meilleures causes pour s’investir dans une entreprise


et il y a de plus nobles paramètres pour permettre de mesurer la valeur
d’un effort. Mais nous ne pouvons pas nier le fait que l’argent est à la fois
une nécessité dans la vie et l’indicateur le plus fondamental de la réus-
site en affaires. Même si ce n’est pas la validation que nous recherchons,
le plus fondamental des tests que nous devons passer est : existe-t-il une

27
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

motivation suffisamment forte pour soutenir nos efforts et favoriser leur


développement ?

Courage
La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas plus plaisant que de gagner de
l’argent, parce que le potentiel financier nous offre toutes sortes de possi-
bilités dans nos affaires et notre vie personnelle. Le chemin vers la solidité
financière commence par affronter la Difficile Décision Commerciale. Il y
a quelques exceptions à la résolution de devoir se spécialiser, mais il est
peu probable que nous en fassions partie. Tant que nous attendrons de
prendre cette décision courageuse, le succès nous échappera et nous nous
pencherons sur le marché en nous plaignant de l’état de l’économie ou des
clients, tout en sachant que nous sommes la source du problème, en lutte
contre notre spécificité. Nous sommes la racine de la recommandation gra-
tuite et nous avons seuls le pouvoir de nous en défaire. Le client ne nous
en libérera pas. Nos associations professionnelles ne peuvent guère nous
aider. Nos concurrents ne cesseront de donner leurs idées gratuitement.

Nous devons faire une révolution intérieure. Il n’y a pas d’ennemi. Nous
sommes victimes de notre esprit créatif, qui rend le choix de nous focaliser
sur notre spécificité plus difficile pour nous que pour la plupart des autres
personnes. Un avenir lucratif où notre entreprise nous soutient et nourrit
notre créativité est potentiellement devant nous. Nous devons simplement
choisir de prendre le contrôle, d’abord en nous spécialisant puis en trans-
férant le pouvoir du client vers nous. Alors nous pourrons commencer à
façonner notre avenir.

28
2
deuxième étape

Remplacer nos présentations


par des conversations

Nous nous libérerons de notre dépendance à la


« grande révélation » attendue en fin de présentation et
à la montée d’adrénaline procurée par la situation de
remporter ou de perdre la mise dans laquelle nous nous
mettons. Lorsque nous faisons le pitch, l’intrigue et le
dénouement de ce procédé narratif satisfont en partie
notre addiction à cette montée d’adrénaline. Nous n’en
serons jamais libérés tant que nous ne briserons pas
cette dépendance. « Présentation » et « pitch » sont des
mots que nous laisserons derrière nous afin de recher-
cher à leur place « conversation » et « collaboration ».

31
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

N
ous sommes, dans les professions créatives, dépendants de la pré-
sentation. Les mains moites, la fréquence cardiaque en augmenta-
tion et nos perceptions accrues — qui viennent de ce que nous nous
tenons au bord d’un précipice —, nous adressant aux visages dans l’expec-
tative de notre public, nous implorons l’adulation à laquelle nous aspirons
tant, ne sachant pas si notre « grande révélation » récoltera l’approbation
ou le silence inconfortable de l’échec. C’est cette inconnue — être bientôt
le héros ou devenir chèvre — qui nous propulse. Nous aimons tellement ça,
présenter, que nous sommes prêts à le faire gratuitement. C’est le sale petit
secret de notre profession.

Nous ne nous libérerons jamais du pitch si nous ne surmontons pas notre


dépendance à la présentation. Désormais, nous devons travailler pour éli-
miner l’intrigue, le dénouement, la grande révélation et tout procédé narra-
tif. Pour nous sevrer de notre dépendance, nous devons faire le premier pas
du changement de comportement avec nos clients existants. Une fois que
nous aurons accompli cela, la deuxième étape, changer la façon dont nous
nous comportons dans le cycle d’achat avec des clients potentiels, devien-
dra possible. Avant d’explorer la façon d’appréhender ces deux étapes, exa-
minons d’abord les coûts cachés de toute recommandation spontanée.

Metteur en scène ou acteur ?


Même lorsque nous faisons le pitch et que nous remportons la mise, nous
perdons : nous dévaluons ce qui devrait être notre offre la plus précieuse
et nous installons les mauvaises dynamiques entre le client et nous.

Nous devons nous éloigner de tout contexte qui nous ramènerait, en quelque
sorte, sur une scène où le client est assis en face, les bras croisés dans
le rôle d’un juge, devant qui nous passerions une audition de claquettes.

32
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS

Les deux parties pourraient trouver le spectacle émoustillant, le metteur en


scène serait cependant en situation de force par rapport à l’acteur. C’est de
cette position de metteur en scène que nous devons nous efforcer d’opérer.
Les metteurs en scène ne présentent pas. Les stars n’auditionnent pas.

Préserver la surprise
Une présentation réussie exige une surprise, qui dépend d’un procédé nar-
ratif impliquant une intrigue et sa conclusion, le diagnostic, la « grande
révélation ». Elle pousse à une dramatisation de la recommandation stra-
tégique ou à un concept créatif un peu romancé en contradiction avec les
attentes et la toile de fond d’incertitudes de l’audience. Préserver la sur-
prise nous oblige à tenir le client en haleine et à laisser notre savoir-faire
caché derrière le rideau, que nous ferons tomber à l’issue de la présenta-
tion. Bien que nous protestions contre le processus de sélection du client
qui nous maintient dans l’ombre et exige de commencer à résoudre son pro-
blème sans collaboration ni indemnisation adéquate, nous jouons souvent
le jeu, en partie parce que ce processus nous permet de nous mettre en
lumière. De cette manière, afin de préserver la dynamique de la présenta-
tion, nous contribuons à créer les conditions les plus favorables à un échec
— nous le créons délibérément parfois même.

Alors que nous devrions être en train de dialoguer, nous nous cloîtrons
pour préparer une conversation à sens unique appelée « présentation ».
Nous avons adopté ce comportement avec nos clients existants, donc
quand les prospects nous demandent de combler leurs lacunes de commu-
nication en présentant au lieu de parler avec eux, il nous est tout naturel
d’être d’accord.

33
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Première phase : renforcer la collaboration


avec les clients existants
Simplifier les révélations et réduire notre dépendance à l’égard de la pré-
sentation nous oblige à travailler plus étroitement avec le client. Cela crée
un nouveau défi : comment l’inviter à bord sans l’autoriser à piloter ?
Rapprocher le client sans lui concéder le contrôle est un acte d’équilibre
délicat qui ne peut être réalisé que si nous établissons des règles de mis-
sion et que nous les lui communiquons. Ceci implique, hélas, un autre défi :
nous n’avons jamais été friands de règles.

Quand on ne précise pas clairement la façon dont nous allons travail-


ler ensemble, nous laissons un vide que le client s’empresse de remplir.
Ainsi commence l’érosion du pouvoir que nous avons travaillé si dur à
obtenir, en suivant la première étape. La nature a horreur du vide. Si on ne
conduit pas la mission, le client le fera, bien sûr.

Établir des règles de collaboration — à utiliser d’abord avec nos clients puis
avec nos prospects — c’est s’assurer que toutes nos missions commencent
avec chacune des deux parties, designer et client, en parfaite connaissance
de la méthode de travail adoptée.

Les règles de collaboration


Adopter pour notre entreprise les politiques décrites ci-après nous permet-
tra de nous rapprocher de nos clients sans sacrifier notre contrôle.

La stratégie avant tout. Nous nous entendrons avec le client sur ​​la stra-
tégie avant que ne commence tout développement créatif. En incluant le
client dans nos processus de développement stratégiques, nous aiderons à
nous assurer que nous ne présentons pas de créations ancrées dans des
stratégies ambiguës. Nous ne développerons pas, ni ne partagerons avec le

34
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS

client, de créations d’aucune sorte, avant que le défi n’ait été diagnostiqué,
la stratégie prévue et convenue.

Faire référence continuellement à la stratégie. Juste avant de présen-


ter une création, nous passerons en revue la stratégie convenue avec le
client. De cette façon, nous continuerons la discussion autour d’une créa-
tion ciblée et confrontée à la stratégie. Chaque fois que nous reviendrons
vers le client pour partager de nouvelles idées ou concepts, nous définirons
d’abord le stade où nous sommes en examinant, une fois de plus, la straté-
gie qui nous guide.

Notre liberté d’exécution. Nous accueillons la contribution du client à la ​​


stratégie et en échange, nous lui demandons de nous accorder la liberté
d’explorer différentes options pour l’exécuter. Cela signifie que nous l’invi-
tons à dire : « Le bleu n’est pas assez audacieux pour évoquer notre valeur
fondamentale qui est la force. » Mais nous lui expliquons qu’il n’est pas
invité à dire : « Faites-le plus foncé. » Les suggestions sont toujours les
bienvenues, mais les diktats ne le sont pas. Nous apprécions la perspica-
cité de nos clients dans la stratégie marketing, mais nous avons besoin
de notre liberté de création pour explorer les pistes qu’implique la straté-
gie. Le client devra au bout du compte approuver nos recommandations et
être satisfait du résultat, mais il doit aussi nous permettre d’explorer en
cours de route.

Moins d’options, mais de meilleure qualité. Lorsque nous présenterons


des options créatives, nous nous efforcerons de les limiter à aussi peu que
possible. Il existe une corrélation négative entre la quantité d’options créa-
tives que nous présentons au client et la confiance que nous avons dans
leur qualité. Nous comprendrons notre obligation d’en recommander une
parmi les autres. Nous dirigerons toutes les discussions concernant la créa-
tion en nous référant à la stratégie et en vérifiant que nous accomplissons

35
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

nos objectifs. Nous prendrons garde à ne pas renoncer à notre expertise


en posant la fatale question : « Laquelle vous aimez ? » Partager toutes nos
tentatives avec le client et lui demander de choisir, c’est renoncer à notre
responsabilité et à notre position de spécialiste.

Nous sommes les seuls à présenter notre travail. Chaque conclusion


de nos diagnostics, chaque conseil stratégique ou solution créative, sera
présentée à nos sociétés clientes par notre personnel uniquement. Nos
contacts privilégiés peuvent bien sûr nous aider, mais notre travail ne peut
en aucun cas être présenté sans notre engagement actif. Un des intérêts
que nous apportons à nos clients est l’avantage d’un point de vue extérieur,
qui ne soit pas en prise avec une perception partiale ou une priorité cachée.
Nous ne permettrons pas que nos conseils spécifiques soient sacrifiés sur
l’autel de la politique d’une entreprise tierce partie.

Si nous souhaitons remplacer les présentations par des conversations et


de la collaboration, l’acte conjugué d’associer le client au plus près tout en
continuant à diriger la mission, est essentiel.

Notre peur mal placée des politiques d’entreprise,


des règles et de la routine
Certains d’entre nous feront respecter les règles de collaboration évoquées
ci-dessus comme des politiques d’entreprise et d’autres les verront sim-
plement comme des lignes directrices utiles. Pour beaucoup d’entre nous,
imaginer d’adopter une politique d’entreprise s’apparente à demander à
un claustrophobe d’envisager d’entrer dans une mine de charbon. Une des
caractéristiques de la créativité est d’avoir en horreur la routine, en dégoût
la façon systématique de penser et d’agir. Cette spécificité de la connec-
tique de notre cerveau contribue à notre capacité à résoudre des problèmes
selon un processus créatif et nous empêche aussi d’établir des règles sur la
façon dont nous travaillons. Cela nous pousse à perpétuer un vide dans la

36
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS

gestion du processus de notre mission, qui par voie de conséquence, invite


le client à le combler.

Bien que nous n’aimions pas la routine, le client, et finalement toute


démarche vers le succès, l’exige. Nous devons par conséquent nous réconci-
lier avec le fait que la routine doit s’imposer. Une fois que nous l’acceptons,
nous pouvons faire face à la question : « Préférons-nous que la routine nous
soit imposée, ou préférerons-nous être ceux qui prennent l’initiative et défi-
nissent les règles de la mission ? »

Un jour viendra où nous serons heureux d’entendre le client dire : « Ah, bien
sûr ! » au lieu du précédemment désiré : « Oh, j’adore ! » Ce jour-là, nous sau-
rons que nous avons travaillé en collaboration et nous saurons que notre
dépendance est derrière nous. Nous pourrons travailler ensuite sur la sup-
pression de la présentation lors du cycle d’achat, nous rapprochant un peu
plus de l’élimination du pitch.

Seconde phase : éliminer l’intrigue


du cycle d’achat
Dans un premier temps, il est difficile d’envisager qu’un client nous engage
sans présentation. Elle semble être une étape naturelle et nécessaire,
jusqu’à ce que nous réfléchissions à la question : « Comment pourrions-
nous nous conduire à la réunion si nous n’étions pas autorisés à présen-
ter ? » Sans présentation, il ne nous reste que la conversation, un mélange
d’écoute et de dialogue, non divisé par une personne exécutant pour l’autre.

Une fois que nous décidons que nous n’allons plus proposer nos idées gratui-
tement, que nous reste-il à présenter ? Nos références ? Les informations les
plus élémentaires sur nos entreprises déjà listées sur notre site Internet ?

37
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Nous pouvons sûrement communiquer ces points dans une conversation,


sans la nécessité d’un podium, d’un projecteur ou d’accessoires.

Une fois que nous avons éliminé notre propre nécessité de présenter, les
ultimes raisons de le faire sont celles du client. Mais sur ce point, nous ne
le laisserons pas manœuvrer. Il peut ne pas le reconnaître encore, mais la
présentation ne sert ni nos intérêts, ni les siens.

La présentation est un outil qui produit de l’indécision, tandis que la conver-


sation est un outil d’évaluation. Avec la première approche, nous essayons
de convaincre des gens de nous engager. Grâce à la seconde, nous pouvons
déterminer si les deux parties en présence ont intérêt à travailler ensemble.

Le ton d’une conversation, quand les deux parties s’efforcent d’évaluer


honnêtement l’adéquation entre le besoin de l’un et l’expertise de l’autre,
est tout à fait différent du ton d’une présentation où une partie tente de
convaincre l’autre de l’engager. Les présentations produisent de la résis-
tance à l’achat, les conversations l’atténuent.

Sur les rails de notre mission, poursuivons notre objectif


Prenons le temps d’examiner ce que nous essayons d’accomplir dans le
cycle d’achat, à cette réunion avec le prospect où nous avons une fois joué
le rôle du présentateur.

Notre mission : nous positionner. Tout d’abord, concentrons-nous sur


notre mission de développement de notre entreprise — notre plus haute
vocation et notre but. Notre mission est de nous positionner comme pra-
ticien expert dans l’esprit du client potentiel. Nous devons résister à la
tentation de la sacrifier pour de l’argent ou d’autres avantages à court
terme. Elle devrait guider tout ce que nous faisons dans la relation d’achat-
vente. Essayer d’influencer quelqu’un pour nous engager grâce à une

38
2 : REMPLACER NOS PRÉSENTATIONS PAR DES CONVERSATIONS

présentation est contraire à notre mission. Cette idée simple est radicale-
ment en contradiction avec ce qu’on a enseigné à la plupart d’entre nous.
Convaincre le client de nous engager grâce à une présentation ou par tout
autre moyen n’est pas notre travail. Comme nous le verrons dans la qua-
trième étape, convaincre n’a pas sa place dans la vente.

Si nous avons échoué à la première étape en n’ayant pas pu nous distinguer


de la concurrence, nous ne pourrons alors jamais atteindre et comprendre
la deuxième étape. Obtenir la position d’experts et remplacer les présenta-
tions par des conversations restera alors un idéal inaccessible.

Objectif : déterminer l’adéquation. Bien que notre mission soit de nous


positionner pour obtenir le travail, notre objectif, à chaque interaction
dans le cycle d’achat, est tout simplement de voir si le besoin du client et
notre expertise sont en phase pour passer à la prochaine étape. C’est tout.
Vendre, convaincre ou persuader n’est pas notre objectif. Il s’agit simple-
ment de déterminer s’il existe une adéquation appropriée et suffisante qui
mérite de passer à une étape suivante. Notre mission, c’est le poste, notre
objectif, c’est de déterminer une adéquation.

En acceptant une invitation à présenter pendant le cycle d’achat, nous


sacrifions notre mission et nous réduisons la probabilité de parvenir à
notre objectif.

Ayant obtenu un pouvoir par l’engagement et le travail acharné qu’implique


la première étape, pourquoi, pour d’autres raisons que nos propres besoins
personnels et les habitudes bien enracinées de notre profession, faudrait-il
maintenant volontairement y renoncer à cause d’un argumentaire de vente
lors d’une présentation ?

39
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Les rôles que nous jouons


La dynamique de la relation avec le client se façonne tôt, avant qu’il ne
nous engage. Dès le début, nous établissons le rôle que chacun va jouer
tout au long de la mission. La plupart des processus de sélection mettent en
place une atmosphère d’audition, où l’une des parties commande et l’autre
se soumet. Nous ne devons jamais nous mettre dans ce rôle de présenta-
teur au garde à vous, où les conditions et les prochaines phases de la rela-
tion sont dictées pour nous. Si nous admettons ce trop modeste rôle qui
nous est proposé au début, nous ne serons jamais en mesure de l’échanger
contre le plus noble rôle de praticien expert qui est nécessaire pour que
nous produisions notre meilleur travail.

La manière dont nous vendons façonne ce que nous vendons. Elle influe sur
notre probabilité de fournir un résultat de haute qualité et elle affecte la
rémunération que nous serions en mesure de facturer pour notre travail.

Maintenant, la vérité sur la présentation


Hélas, vous l’aurez deviné, nous ne serons jamais complètement libérés
de la présentation. Ce n’est pas le but de cette deuxième proclamation.
L’objectif est d’être libre de notre propre besoin de présenter.

Pour être vraiment libre du pitch, nous devons changer le ton de ces ren-
contres avec nos clients potentiels et passer du rôle de présentateur soumis
à celle du praticien expert. Comme un médecin ou un avocat le ferait : par la
conversation et la collaboration, et non par la présentation.

40
3
troisième étape

Diagnostiquer
avant de prescrire

Nous prendrons au sérieux notre obligation profes-


sionnelle de commencer par le commencement et nous
ne mettrons jamais nos clients, ou nous-mêmes, dans
la situation où nous prescririons des solutions sans
d’abord effectuer pleinement le diagnostic des enjeux
du client.

43
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Q
uatre phases rythment nos obligations envers nos clients : diagnosti-
quer le problème ou l’opportunité, prescrire un traitement, appliquer
le traitement, le réappliquer au besoin.

Alors que dans les métiers de la création, il est courant de prescrire des
solutions sans diagnostiquer complètement et exactement le problème, une
telle pratique rendrait le praticien responsable de faute professionnelle
dans presque toutes les autres professions. Nous sommes coupables trop
souvent de ce processus vicié et nos clients sont coupables d’essayer de
nous l’imposer à travers le pitch. Nous devons, vis-à-vis de nous-mêmes et
de nos clients, rester ferme sur la plus fondamentale des pratiques profes-
sionnelles et ne jamais accepter de commencer à travailler sur une solution
créative pour résoudre une problématique que nous n’avons pas entière-
ment explorée.

Dans un processus qui oppose plusieurs entreprises les unes aux autres
et demande à chacune de présenter des solutions, le client n’a pas le
temps d’investir dans un diagnostic significatif pour chacune d’entre elles.
Il abrège donc la phase de diagnostic, en dicte le processus, le marginalise
et proclame son auto-diagnostic comme étant suffisamment valable pour
que nous le suivions.

Combien de fois nous sommes-nous uniquement fondés sur un auto-dia-


gnostic du client qui s’est révélé faux ? Combien de fois le client nous a-il
déclaré « J’ai besoin de X » et avons-nous découvert qu’il avait besoin de Y ?

Il est plus probable que le point de vue du client soit erroné, ou du moins
incomplet, qu’il ne soit entier et précis. Nous le savons. Les médecins
connaissent la même attitude chez leurs patients. De même que les avo-
cats et les comptables, le client n’a pas toujours raison. Ou plus exacte-
ment, il a en général des idées très précises et un fort sentiment d’être

44
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE

pertinent, alors qu’il est enfermé dans une vision étroite et perturbée par
ses contraintes, qui lui semblent plus immuables qu’elles ne le sont vrai-
ment. Lorsque le client nous consulte avec son auto-diagnostic, notre état
d’esprit doit être le même que celui du médecin qui entend son patient lui
dire, avant toute discussion sur les symptômes et avant tout diagnostic,
de quel type de chirurgie il a besoin. Notre réaction doit être : « Vous avez
peut-être raison, mais examinons votre cas pour en être certain. »

Le point de vue du praticien


Un des avantages que l’expert extérieur apporte concerne un changement
de point de vue. Et l’une des caractéristiques de la créativité est sa capacité
à envisager les problématiques différemment afin de trouver des solutions
que d’autres ne peuvent pas voir. Pour apporter notre point de vue et notre
capacité à dénouer des problèmes, nous devons disposer de temps et de
liberté pour diagnostiquer à notre manière. Le design n’est pas une solu-
tion, c’est un processus. Nous ne pouvons pas être des designers efficaces
et responsables si nous laissons le client nous imposer son processus, ou
tronquer, ou marginaliser le nôtre.

Toutefois, prenons garde de ne blâmer que le client. Les médecins font


face à des cas d’auto-diagnostic aussi souvent que nous ; cependant, nous
sommes beaucoup plus enclins à adopter une approche erronée qu’eux.
Nous laissons le client dicter et conduire le processus de diagnostic, géné-
ralement parce que nous n’avons pas pris la peine de comprendre, de for-
maliser et d’expliquer le nôtre. Nous n’avons pas pris le contrôle sur ce
point. Nous n’avons pas établi de corrélation entre la probabilité d’obtenir
des résultats probants et un processus de diagnostic qui nous est propre,
défini et significatif. Nous n’y avons pas pensé, donc nous ne l’avons pas
communiqué au client. C’est pourquoi il intervient et comble le vide de notre

45
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

processus de travail, décidant de la quantité d’information que nous obtien-


drons de lui et de notre approche pour réaliser la mission. Faute de proces-
sus spécifique, nous n’avons que peu de moyens d’éviter cette situation et
de plaider de meilleure façon.

Pour inverser la tendance et remplir notre obligation professionnelle à dia-


gnostiquer d’abord, nous devons établir et formaliser notre propre proces-
sus de diagnostic. Puis, lorsque nous serons en situation où le client poten-
tiel dicte nos prérogatives, nous devrons lui expliquer que la cohérence de
nos résultats est liée à la valeur de notre processus et que nous devons
donc être autorisés à l’appliquer.

La nature des clients qui réussissent


Dans la fable d’Ésope La grenouille et le scorpion, sur la berge d’une rivière,
ce dernier se rapproche de la première et lui demande de traverser sur son
dos. La grenouille, pas si stupide, n’accepte pas, de peur que le scorpion
ne la pique une fois arrivé à mi-parcours. Le scorpion proteste qu’il serait
idiot, car il assurerait sa propre mort par noyade. La grenouille acquiesce
et accepte la mission. Une fois au milieu de la rivière, le scorpion la pique et,
dans un dernier souffle, la grenouille lui demande pourquoi il les tue tous
les deux. Le scorpion répond qu’il n’a pas pu s’en empêcher. C’est un scor-
pion et piquer est dans sa nature.

Les clients sont de piquants scorpions en qui l’on ne peut avoir confiance.
La leçon est ici que ceux qui réussissent, qu’ils soient entrepreneurs ou diri-
geants, parviennent au succès en partie grâce à leur capacité à prendre le
contrôle — leur capacité à s’élever au-dessus des autres et à les orchestrer.
C’est leur force et même si ce n’est pas toujours dans leur intérêt, c’est dans
leur nature.

46
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE

Nous sommes responsables. Comme la grenouille, nous sommes en partie


coupables quand nous laissons le client contrôler notre mission et nous dicter
notre démarche. Qu’il soit dans la nature du client de conduire ne signifie pas
qu’il doit être autorisé à le faire tout le temps. Cela signifie uniquement que,
tel le scorpion, il va tenter de faire ce qu’il est dans sa nature de faire.

Apprendre d’autres professionnels


Les autres professionnels ne souffrent pas autant que nous d’être entraî-
nés dans des missions où le client (ou patient) est autorisé à dicter le pro-
cessus du diagnostic. Beaucoup d’entre nous ont d’ailleurs découvert que
ceux-là sont les pires. La raison qui leur fait éviter le problème que nous
n’évitons pas — nous en créant un de toutes pièces quand nous travaillons
en sous-traitance pour eux — est la même : ils prennent le contrôle. Ces
autres professionnels ont appris à conduire le processus de diagnostic ou
à mettre en jeu leurs compétences professionnelles. Quand ils deviennent
notre client, ils font ce qu’ils font toujours dans la relation client-praticien :
ils tentent de prendre le contrôle. Et nous les laissons faire. Le résultat est
en général une mission qui tourne mal.

Les racines d’une mauvaise mission


Si nous repensons à ​​nos pires expériences avec nos clients, nous pouvons
comprendre que la plupart d’entre elles trouvent leurs racines dans cette
erreur : laisser un client dominant diriger la mission en commençant par un
auto-diagnostic que nous avons pris au pied de la lettre. Croyant être dans
la même entreprise que les vendeurs au détail, convaincus en quelque sorte
d’une certaine vérité ou noblesse dans l’adage « le client a toujours raison »,
nous avons accepté l’argent et fait ce qui nous était demandé.

47
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Lorsque ces missions se passent mal, nous ne comprenons pas comment


le client peut éventuellement nous le reprocher. « Nous n’avons fait que ce
qu’on nous a dit. » Nous le voyons exigeant et difficile. Il nous voit comme
irresponsable, un preneur ordres qui ne vaut pas l’argent qu’on lui donne.
Il répond, en colère, par des demandes de plus en plus exigeantes et nous
nous y conformons de nouveau en lui donnant ce qu’il veut. La spirale
continue jusqu’à ce que finalement nous nous séparions, chacun accusant
l’autre.

Si le design est réellement un processus, alors nous définirons ce processus


et le protégerons. Nous éviterons ce type de clients et de situations, comme
le pitch, où le processus nous est dicté, ou s’il nous est demandé de propo-
ser des solutions sans un diagnostic approprié.

La bataille polie pour le contrôle


Pour donner le meilleur de nous-mêmes, nous avons besoin d’un contrôle
qui inclut l’obligation d’apporter notre propre méthodologie à la mission.
Tout au long du cycle d’achat, nous devons évaluer constamment si le client
reconnaît et valorise notre savoir-faire et s’il est prêt à nous accorder ce
contrôle. Nous voit-il comme l’expert qui mérite les rênes de la mission ou
comme le fournisseur à qui l’on doit dicter des ordres ?

Sur ce point, posséder nos propres méthodes de diagnostic formalisées,


qu’elles soient notre propriété ou pas, va de pair avec notre positionnement.
Il est concevable qu’on s’attende à ce que nous commencions de manière
formalisée une mission, en professionnel compétent qui traite régulière-
ment de problématiques similaires. Il est logique de demander à être auto-
risés à suivre notre propre processus et de ne pas être prêts à accepter
d’utiliser celui développé par le client ou son responsable des achats. Il est

48
3 : DIAGNOSTIQUER AVANT DE PRESCRIRE

logique également, comme tout autre professionnel le ferait quand un client


nous approche avec son auto-diagnostic, que notre professionnalisme nous
oblige à le valider ou pas.

Un bon client commencera à renoncer au contrôle une fois qu’il aura


confiance en l’expert, qui en sait plus que lui ou qui a les outils pour le com-
prendre. Les processus de diagnostic formalisés sont de tels outils.

À partir de maintenant, nous verrons l’acte de prescription sans diagnostic


pour ce qu’il est : une faute professionnelle. Nous affirmerons l’obligation
du professionnel à commencer par le commencement et à s’éloigner de
ceux qui voudraient que nous procédions sur des suppositions ou des auto-
diagnostics non validés.

49
4
quatrième étape

Repenser
ce que vendre signifie

Nous mesurerons que notre peur et notre incompré-


hension de ce qu’est l’acte de vendre ont contribué
à notre préférence pour le pitch. Nous conviendrons
que vendre est une fonction de base de l’entreprise
qui ne peut être occultée et, de la sorte, nous appren-
drons à agir correctement, à la manière d’un facilita-
teur respectueux.

53
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

I
l est temps pour nous d’aborder la peur et l’incompréhension d’une
fonction de base de notre métier qui est l’acte de vendre. Nous
rechignons à utiliser ce mot parce que nous y voyons un acte de
persuasion de mauvais goût consistant à pousser les gens à faire quelque
chose contre leur gré. Bien que nous jouions un rôle de persuasion dans
l’art d’adresser les messages ou les produits de nos clients à des groupes
de consommateurs et ce, avec aisance, le cadre intime de l’acte de vendre,
où l’interaction est plus humaine et où nous sommes le produit que nous
vendons, nous hérisse le poil.

En étant simplement bons dans ce que nous faisons, nous ne devrions pas
devoir, croyons-nous, convaincre les gens de nous engager.

L’histoire des deux vendeurs


Nous avons tous été des consommateurs ayant vécu des situations où
le produit ou le service présenté n’était pas le meilleur choix pour nous.
Il nous est arrivé d’être aidé par un vendeur respectueux et attentionné qui,
voyant la mauvaise adéquation entre nos besoins et son produit, nous en
a détournés. Mais ce n’est pas lui dont nous nous souvenons lorsque nous
envisageons la nécessité de vendre nos propres services, car nous avons
aussi subi d’autres situations où l’unique besoin était celui de nous vendre
quelque chose à tout prix. Ce second vendeur, obnubilé par la transaction,
nous a laissé le sentiment d’avoir été violés et nous en conservons une
amère colère.

Sa motivation était peut-être ancrée dans sa forte personnalité, ses incita-


tions étaient peut-être liées à sa volonté limitée à vendre plutôt qu’à nous
aider. Peut-être, ayant une mauvaise compréhension de ce que vendre
signifie, a-t-il été victime d’une mauvaise formation. Paradoxalement, c’est

54
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

ce vendeur-là, à l’aise dans l’inconfort et l’adversité qu’il a créés, qui nous


revient en mémoire quand il est temps pour nous de vendre.

Les deux fonctions de l’entreprise


Produire et vendre sont les deux fonctions de base de l’entreprise. Pour
réussir dans notre métier nous devons réussir les deux à la fois.

S’il est vrai qu’en excellant à la première fonction, être tout juste convenable
à la seconde peut suffire au début de notre activité, avec le temps, notre
entreprise stagnera à un niveau très moyen. Quel que soit notre talent,
il y aura un cap à passer où nous serons tenus de vendre. Nous pouvons
repousser l’échéance, nous pouvons continuer à éviter l’acte de vendre,
nous pouvons nous cacher derrière le pitch et l’illusion que nous prenons
un plus noble chemin vers l’objectif de nous développer, mais en vérité,
tant que nous n’admettrons pas que nous devons aussi être des vendeurs
maîtrisant cet aspect de notre métier, nous ne pourrons pas atteindre le
succès désiré. Nous ne pouvons pas faire des affaires sans envisager l’acte
de vendre. Nous devons par conséquent surmonter les stéréotypes et
apprendre à le faire correctement — professionnellement.

Sur ce point aussi, le pitch nous a desservis. Nous l’avons utilisé comme un
outil pour éviter l’acte de vendre. Aussi douloureux que cela puisse être de
donner gratuitement nos idées et d’agir comme des marionnettes dans le
cycle d’achat dirigé par le client, il est parfois plus facile de souffrir cette
ignominie, qui nous permet au moins de pratiquer notre métier (même
gratuitement), que d’évoquer le louche vendeur et d’essayer de parler à
quelqu’un pour l’inciter à nous engager.

55
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Vendeur : facilitateur 1
pour passer au stade suivant
La bonne nouvelle est que vendre, si c’est bien fait, n’a rien à voir avec per-
suader. Il n’est pas de notre devoir de convaincre les gens de faire quelque
chose. Le premier vendeur avait raison : vendre, c’est déterminer s’il existe
une adéquation entre les besoins de l’acheteur et l’offre du vendeur (notre
objectif premier) et de faciliter une étape suivante. Parfois, l’étape suivante
consiste à se séparer du client et à l’envoyer vers un autre fournisseur
mieux à même de lui être utile.

Nous pourrions argumenter qu’un vendeur « qui met la pression » va vendre


plus de chaînes hi-fi qu’un facilitateur respectueux. Mais nous ne vendons
pas de chaînes hi-fi, nous vendons des idées et des conseils — le fruit de
notre réflexion — donc la façon dont nous les vendons produit des effets sur
ce que nous sommes en mesure de livrer. Nous ne pouvons pas disparaître
immédiatement après que la transaction est conclue et laisser le client se
vautrer dans ses remords d’acheteur. Après la fermeture du magasin, nos
clients sont coincés avec nous pendant une longue période.

Oui, nous devons vendre. Mais nous ne pouvons nous permettre de le faire
que d’une seule façon : celle du facilitateur respectueux.

Pensons un instant à la
​​ difficulté que produit cette approche respectueuse
si nous n’avons pas suivi la première étape Se spécialiser. Si nous ne nous
sommes pas spécialisés et nous ne nous sommes pas démarqués de nos
concurrents de manière significative, il ne nous restera alors que le choix
de convaincre. Faire le pitch et convaincre : ce sont les options de l’entre-
prise indifférenciée.

1. Note du traducteur : qui est chargé de faciliter le déroulement d’un processus.

56
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

Un nouveau modèle pour vendre


Nous avons relevé que notre objectif, dans chaque interaction de dévelop-
pement de l’entreprise, est de déterminer s’il existe suffisamment de cor-
respondance entre notre expertise et les besoins du client pour passer
à l’étape suivante, et que cela implique ultérieurement de déterminer et de
faciliter ce passage. Explorons maintenant un nouveau modèle pour le faire.

Une méthode appropriée pour vendre peut être déclinée en trois démarches
successives, fondées sur la place du client dans le cycle d’achat. Ces trois
démarches remplacent l’art de la persuasion.

Vendre, c’est :
1. Aider l’ignorant
2. Inspirer l’intéressé
3. Rassurer ceux qui ont formé une intention

La première chose que nous devons comprendre si nous voulons aborder


correctement et respectueusement le fait de vendre est que la motivation
du client, et donc notre rôle en tant que vendeur, évolue pendant qu’il pro-
gresse dans le cycle d’achat. Il passe de l’ignorance de son problème ou de
ses possibilités à l’intérêt de considérer une possibilité, puis enfin à l’inten-
tion de s’en servir. Tout au long de cette progression, notre rôle doit passer
de celui qui aide, à celui qui inspire, et finalement à celui qui rassure.

Acheter c’est évoluer


La psychologie de l’achat est une psychologie de l’évolution. Vendre, par
conséquent, est la gestion du changement. Les meilleurs vendeurs sont
de sélectifs facilitateurs respectueux de l’évolution : ils aident les gens à

57
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

avancer pour résoudre leurs problématiques et à capitaliser sur leurs pos-


sibilités. Toute autre attitude revient à essayer de persuader.

Ce nouveau modèle pour vendre s’appuie sur le besoin du client à aller de


l’avant pour résoudre son problème, et non sur ce que nous, les vendeurs,
avons fait ou pas : il ne demande pas « Avons-nous obtenu une réunion ? »
ou « Avons-nous présenté une proposition ? » Il se concentre sur le client,
vérifiant s’il a compris son besoin et commencé à agir ou pas.

Première démarche : aider l’ignorant


Lorsque nous rencontrons un client qui n’est pas au courant d’un problème
ou d’une opportunité qui nécessiterait nos services, que nous conseillent
nos réflexes ou notre formation ? Convertir le non en oui ? Essayez d’obtenir
une réunion pour tenter d’obtenir une conversion de vive voix ?

Si nous sommes des experts extrêmement précis dans un domaine, nous


devrions alors être en mesure d’exprimer succinctement notre expertise
et de décrire de façon concise les clients que nous aidons et comment,
par téléphone.

Demander une réunion après qu’un client nous aura dit qu’il n’en voit pas
l’intérêt, c’est admettre que, soit nous avons besoin de plus de temps pour
lui expliquer ce que nous faisons parce que nous n’avons pas été en mesure
de l’exprimer clairement et succinctement, soit nous cherchons à le persua-
der de quelque chose.

De même, quand nous nous trouvons à dire : « Je vais être dans la région et
je voudrais passer vous voir… », les mots qui sortent de notre bouche font
grincer des dents. Un tel comportement crée une résistance à l’achat, que

58
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

nous aurons à surmonter plus tard dans la relation. Il nous amène à sacri-
fier notre mission — nous positionner comme expert — et, nous mettant
en mauvaise posture pour diriger la commande, il crée une dynamique de
vente coûteuse une fois que nous sommes engagés.

Non, pour ce futur client, nous devons prendre le long chemin de l’accom-
pagner à long terme, et voir s’il a un réel problème. Nous pouvons le faire
principalement grâce à la diffusion de notre leadership intellectuel — nos
écrits sur notre domaine d’expertise.

Un véritable leadership intellectuel


Avec le temps, un véritable leadership intellectuel nous positionne comme
expert dans notre domaine, créant l’occasion pour notre pensée de déclen-
cher chez le client l’idée que sa performance pourrait être améliorée dans
un domaine.

Le rôle de notre leadership intellectuel est d’éduquer, pas de convaincre. Le


futur client devrait être plus intelligent pour le lire, nous devrions être plus
intelligents pour l’écrire. Ainsi, lorsqu’un jour le client reconnaîtra une de ses
problématiques dans un domaine sur lequel nous avons écrit, notre accom-
pagnement pourrait bien lui sembler utile et une solution possible. Dans l’at-
tente de ce jour, nous devons continuer à consolider notre position de leader
dans notre domaine grâce à nos publications. Les experts écrivent.

Dès que nous nous asseyons pour écrire sur notre domaine d’expertise,
nous sommes vite confrontés à l’évaluation de la réussite de notre première
étape Se spécialiser. Ajoutons-nous des millions de mots déjà existants sur
le sujet ? Nous engageons-nous sur un sentier battu ? (Par exemple : « Une
marque est une promesse » ou « Votre marque est-elle authentique ? ») Ou
creusons-nous plus profondément des sujets significatifs avec la sagacité
qui aide vraiment ?

59
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Trouver notre propre écriture nécessite une approche à long terme qui
exige la patience d’un agriculteur plutôt que celle d’un chasseur. Mais c’est
la seule méthode respectueuse et efficace avec le type de client qui dit non,
ne voyant pas l’adéquation entre ses besoins et notre expertise.

Nous pouvons construire une entreprise avec suffisamment de gens nous


disant non chaque semaine, à condition que beaucoup d’entre eux soient
d’accord pour s’abonner à notre leadership intellectuel et que nous effec-
tuions un suivi vigilant.

Deuxième démarche : inspirer l’intéressé


L’ignorant futur client est assis à son bureau, lisant notre littérature qui
témoigne de notre leadership intellectuel à propos d’un média, une techno-
logie ou une école de pensée, tous relatifs à son entreprise. Sa perspicacité
se développe et il commence à entrevoir que son organisation est à la traîne
dans ce domaine. Il évalue sa situation, commence à recueillir plus d’infor-
mations. Considérant son retard, il regarde vers l’avenir et perçoit mainte-
nant les avantages à prendre de l’avance, examine les risques des mesures
possibles en pesant le pour et le contre. Il s’intéresse à l’opportunité qui
s’offre à lui, mais n’a pas encore l’intention d’agir.

L’intéressé futur client cherche l’inspiration pour aller de l’avant. C’est là


que nous, les personnes créatives, excellons. Nous sommes parmi les inspi-
rateurs les plus naturels de l’humanité. Notre travail est source d’inspira-
tion. Notre compétence à animer une salle de conférences est source d’ins-
piration. Notre capacité à attaquer des problématiques sous des angles
inédits et notre passion à trouver des solutions pour celles non encore réso-
lues l’est aussi. Ici, nous excellons. Nous inspirons l’intéressé.

60
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

Soyons clairs : notre objectif est d’inspirer un tel prospect pour l’inciter à
résoudre son problème, ce n’est pas de l’inspirer pour nous engager. À ce
stade, nous engager n’est qu’une conséquence éventuelle de sa décision
d’agir. Notre objectif doit se focaliser sur le client afin de faciliter l’évolution
qu’il envisage de lui-même.

Formes d’inspiration
Nos portfolios sont nos meilleurs outils d’inspiration. Ils montrent au client
ce qu’il est possible de faire et ce que d’autres ont fait. Les exemples de nos
meilleurs travaux dépeignent l’image d’un monde à atteindre, loin de l’ur-
gence de sa problématique. Produire de l’inspiration est le rôle principal de
notre site Internet, notre brochure, notre force de vente et la présentation
en personne de notre portfolio. Il n’est même pas indispensable de montrer
notre propre travail pour inspirer les intéressés, seulement des exemples
suscitant l’inspiration.

Une mauvaise utilisation de l’inspiration


Nous jouons de nos atouts, comme tout le monde. Mais ils deviennent nos
faiblesses si nous en abusons. Lorsque nous anticipons trop la situation
et que nous essayons d’inspirer l’ignorant, nous créons une résistance à
l’achat et mettons en place une mauvaise dynamique. Essayer d’inspirer
quelqu’un qui ne reconnaît pas qu’il a un problème est une recette pour
générer chez lui de la défensive et du ressentiment. Nous devons nous
servir de notre inspiration pour l’intéressé exclusivement.

Troisième démarche : rassurer l’intention


L’intéressé client potentiel se trouve en face de nous et, à travers notre
portfolio, observe des exemples de solutions qui ont relevé le type de défi
qu’il envisage à son tour. Grâce à nos exemples et à notre conversation,

61
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

il commence à imaginer un avenir porteur de merveilleuses opportunités.


Inspiré par ce que son entreprise pourrait devenir, il a la volonté de s’enga-
ger à résoudre son problème. À ce moment, il se dit, tranquillement : « Je
vais le faire. » Cette prise de décision déclenche un changement chimique
dans son cerveau qui provoque une poussée d’euphorie. Plus la décision est
grande, plus la poussée d’euphorie est forte.

Il se tourne vers nous, heureux et reconnaissants de la force que nous


venons de lui donner pour aller de l’avant, et dit : « C’est fantastique !
C’est ce dont nous avons besoin ! Vous les gars, vous êtes supers ! Je vais
revenir vers vous. » Et il le pense vraiment. Il y croit.

L’émergence du doute
Notre erreur est de croire que c’est la dernière étape. Ce n’est pas le cas.
Ce qui monte doit redescendre. Après seulement quelques heures, l’eupho-
rie du client disparaît, il a la gueule de bois et glisse dans une mare de
doutes appelée remords de l’acheteur. Maintenant, il remet tout en ques-
tion, y compris sa décision d’aller de l’avant. Il juge tout ce qui pourrait
mal tourner, toutes les raisons pour lesquelles sa démarche n’aurait pas
de sens.

En tant qu’inspirateurs naturels, nous avons tendance à faire exactement


le contraire de ce qui est nécessaire à cet instant. Jouant de nos atouts,
nous penchons pour l’inspiration une fois de plus, à un moment où nous
devrions rassurer.

Il n’est pas dans la nature de la plupart des gens créatifs d’offrir la réas-
surance que le client recherche ici. Nous tendons vers l’excitation à un
moment où il a besoin de calme. Nous parlons d’une approche organique
de la résolution de problèmes alors que le client serait apaisé en entendant
évoquer la logique et la cohérence de notre approche méthodologique. Nous

62
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

continuons à insister sur une vue d’ensemble lorsque le client doit mainte-
nant comprendre et déterminer de façon séquentielle quelles seraient les
étapes de notre collaboration. Il pose des questions dans les moindres
détails — des questions qui nous semblent privées de sens et même bizarres,
mais qui sont de la plus haute importance pour lui, dans sa quête pour se
convaincre qu’il n’est pas sur le point de commettre une grosse erreur.

Les formes alternatives de réassurance


Conclure l’affaire, la dernière étape du cycle d’achat, est entièrement une
question de réassurance. Rappelons-nous que quand un futur client a
arrêté son intention et nous demande une proposition écrite contenant
des recommandations gratuites ou des créations spéculatives, sa motiva-
tion première est la peur de faire une erreur. Si nous pouvons garder cela à
l’esprit et voir au-delà de cette motivation sous-jacente, nous devrions alors
trouver d’autres façons d’apporter l’apaisement qu’il cherche. La plupart
des entreprises créatives prennent ces demandes à la lettre et ne font que
s’y conformer. Les entreprises qui revendiquent de gagner sans idées gra-
tuites proposent d’autres alternatives viables pour conforter le client : enga-
gements progressifs, projets pilotes, garantie de remboursement et études
de cas circonscrites dans des méthodologies bien définies. L’essentiel est de
répondre à la motivation et pas nécessairement à la demande.

Les quatre priorités pour gagner


de nouveaux marchés
Suivre les douze étapes et gagner sans idées gratuites ne signifie
​​ pas que
nous devrions toujours prendre les choses en main. Notre but n’est pas de
remplacer l’immuable et puéril processus de sélection du client par une
rigidité et une absurdité équivalentes. Laissons-nous guider, dans l’ordre,
par les quatre priorités suivantes qui devraient nous assurer de gagner de

63
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

nouveaux marchés sans adopter une approche trop stricte. L’objectif étant
de gagner, une entreprise qui ne gagne pas ne dure pas.

La première priorité : gagner sans idées gratuites


Premièrement, efforçons-nous de nous assurer le marché avant que n’in-
tervienne un processus de sélection concurrentiel préétabli, dans lequel
nous sommes opposés à nos pairs et où l’on nous demande de donner
notre réflexion gratuitement. C’est plus facile lorsque le client nous consi-
dère comme l’expert et s’adresse à nous d’abord et quand, au sein du cycle
d’achat, nous lui tendons la main au plus tôt alors qu’il ignore ses besoins,
nous l’accompagnons dans sa progression, l’aidant dans un premier temps,
l’inspirant quand c’est approprié et le rassurant au final.

Gagner sans idées gratuites est un idéal, mais parfois impossible à atteindre.

La deuxième priorité : faire dérailler le pitch


Nous sommes souvent informés d’opportunités une fois en fin de course du
cycle d’achat, lorsque le client a déjà construit son intention, qu’il a déjà
mis en place un processus de sélection et a approché de nombreuses entre-
prises. Dans ces exemples, notre priorité est de faire dérailler le pitch pour
obtenir du client qu’il mette son processus de côté et opte pour l’alternative
d’une première étape avec nous. Les douze étapes offrent des conseils sur
les principes qui font dérailler le pitch.

La troisième priorité : obtenir une longueur d’avance


Il y aura des moments où nous aurons beau essayer, nous ne pourrons pas
faire dérailler le processus de sélection du client, les politiques de certaines
organisations étant trop figées, certains clients étant trop réticents, même
quand ils reconnaissent et apprécient véritablement notre expertise. Dans
ce cas, nous appliquons les mêmes principes énoncés ici mais notre priorité
sera d’obtenir un avantage sur la concurrence dans le processus.

64
4 : REPENSER CE QUE VENDRE SIGNIFIE

En choisissant tout de même de participer à un processus de sélection


dirigé par le client, nous devrions le faire avec à l’esprit que tout processus
d’appel d’offres possède une option privilégiée. Presque toujours, quelqu’un
détient des informations de première main ou accède aux décideurs injoi-
gnables. Parfois, le résultat est prédéterminé et le processus n’est rien
d’autre que de la poudre aux yeux pour le légitimer. Notre hypothèse par
défaut devrait être qu’il y a toujours quelqu’un qui possède une longueur
d’avance. Si nous ne pouvons gagner sans idées gratuites, si nous ne pou-
vons faire dérailler le pitch, alors nous devons nous efforcer d’être celui qui
possède cette longueur d’avance. Nous devons commencer à participer au
processus tout en évaluant en permanence si le client reconnaît et valorise
notre savoir-faire. Nous devons demander des concessions et l’accès aux
décideurs. Nous devons négocier ce que nous allons écrire dans une pro-
position ou dire lors d’une présentation et ce que nous nous réserverons.
Nous mesurons les mots du client, mais plus important encore, son com-
portement — sa volonté de nous traiter différemment. S’il nous accorde une
longueur d’avance, participer à cet appel d’offres a alors un sens.

La quatrième priorité : partir


Dans la sixième étape, Nous serons sélectifs, nous discuterons de la
nécessité de partir. Nous aurons de nombreuses occasions de le faire.
Pour les prospects qui satisferaient aux paramètres de ceux que nous
pouvons le mieux aider, partir est la quatrième priorité. Nous partons
quand nous ne pouvons gagner sans idées gratuites, quand nous ne pou-
vons faire dérailler le pitch et quand nous ne pouvons posséder une lon-
gueur d’avance. Les bons clients potentiels qui reconnaissent et appré-
cient notre expertise nous accorderont une des priorités ci-dessus. Les
autres ne valent pas la peine que nous sacrifiions notre mission à long
terme de devancer nos concurrents, dont l’un a certainement déjà une
longueur d’avance sur nous.

65
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Nous sommes devenus des vendeurs


En suivant cette quatrième étape, nous adopterons le fait de vendre comme
l’une des deux fonctions de base de l’entreprise et nous exercerons cette
fonction à la manière d’un facilitateur respectueux. Nous chercherons ceux
que nous pouvons le mieux aider, ceux qui comprennent l’adéquation entre
leurs besoins et notre savoir-faire et qui sont prêts à nous laisser diriger
la mission. Ce faisant nous faciliterons le passage entre les trois démarches
fondamentales : aider l’ignorant, inspirer l’intéressé et rassurer l’intention.
Passant outre les demandes de propositions et d’idées gratuites de ce der-
nier groupe de clients, comprenant ses motivations sous-jacentes, nous
lui proposerons d’autres moyens pour aller de l’avant. Ceux qui nous dis-
tingueront comme des experts nous accorderont au moins une partie des
concessions que nous exigeons et nous permettront de gagner sans idées
gratuites, de faire dérailler le pitch ou d’obtenir une longueur d’avance. Tout
le reste, nous fuirons.

66
5
cinquième étape

Dire les mots


qui se rédigeaient sur papier

Nous comprendrons que la proposition, ce sont les


mots qui sortent de notre bouche et que le document
écrit correspondant à ces mots, c’est le contrat — que
nous ne rédigerons que lorsqu’un accord aura été
trouvé. Nous examinerons pourquoi nous demandons,
ou on nous demande, de rédiger des propositions non
payées et nous ne demanderons jamais plus à des
documents de parler à notre place.

69
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

L
orsque nous repensons aux propositions que nous avons écrites
et aux missions que nous avons gagnées, nous pouvons facile-
ment déduire que c’est rarement le document écrit qui a permis de
conclure l’affaire. Les missions gagnées étaient celles pour lesquelles nous
étions le mieux adaptés. La pertinence de l’offre au regard des besoins était
évidente pour les deux parties tout au long des conversations pendant le
cycle d’achat. Le document écrit n’a guère contribué à influencer la décision.

Tout comme nous laissons derrière nous le pitch, la présentation et la per-


suasion, nous abandonnerons aussi la proposition écrite, nous libérant ainsi
des dizaines, voire des centaines d’heures que nous y consacrions chaque
année. Nous avons longtemps été conditionnés à croire que la proposition
écrite était une étape nécessaire dans le cycle d’achat. Elle ne l’est pas.

Le document que nous écrivons, c’est le contrat. Il sert à officialiser un


accord que nous avons déjà bâti avec le client pendant la conversation.
L’accord est une entente verbale qui couvre l’étendue des travaux, le calen-
drier, le budget et les conditions de base de la mission. Bien que l’accord
puisse être soumis à des détails mineurs, toutes ces questions sont abor-
dées lors de la première conversation. Le papier entre en scène seulement
une fois l’accord atteint.

Le surinvestissement crée
de la résistance à l’achat
La résistance à l’achat du client que nous engendrons est en partie le
résultat de l’investissement évident que nous faisons dans le but de vendre.
Lorsque nous passons des heures sur une longue proposition écrite, celle
qui diagnostique et prescrit gratuitement, nous envoyons implicitement un
message au client disant que nous avons besoin de son entreprise et que,

70
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER

clairement, il a le pouvoir dans la relation. Au-delà de lui donner l’avantage,


nous ne lui facilitons pas la tâche de rester honnête envers nous. Plus nous
semblons avoir lourdement investi dans la vente, moins le client va nous
dire ce qu’il pense vraiment. S’il croit que nous ne pouvons pas supporter
d’entendre un « Non » pour réponse, il va tout simplement la bloquer, la dif-
férer, ou nous servir une série de « Peut-être ». La plupart du temps, il va le
faire en se cachant derrière un bouclier sous forme d’une demande de pro-
position écrite. Soyons francs, si le client ne voit pas d’adéquation entre ses
besoins et notre expertise, un « Non » est la meilleure deuxième réponse que
nous puissions recevoir de lui. Il nous faut l’entendre le plus précocement
possible dans le cycle d’achat.

Nous devons opérer à partir d’une position de praticien d’où on ne surin-


vestit pas dans la vente, d’où on ne cherche pas à se faire engager et d’où
on invite à dire « Non » très tôt et souvent. Dans ce contexte, il n’y a pas de
place pour la proposition écrite, qui, comme la présentation, est un outil qui
produit de l’indécision.

Pourquoi le client demande une proposition


Même en première lecture, la logique de cette étape, Dire les mots qui
se rédigeaient sur papier, semble évidente, presque irréfutable. Cette
approche simple de l’utilisation de la conversation plutôt que de l’écriture
pour déterminer une adéquation prend tout son sens pour les deux parties,
mais elle est rarement pratiquée dans les professions créatives. La proposi-
tion écrite est la norme et non l’exception.

Explorons les nombreuses raisons pour lesquelles le client demande une


proposition écrite et voyons combien d’entre elles sont valides.

71
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Garder les hordes à distance


La surabondance de l’offre des entreprises créatives indifférenciées a
nécessité un processus qui évite au client d’être submergé. Il use de la
proposition écrite comme d’un outil pour l’aider à garder les masses à dis-
tance, donnant une occupation prétexte à déterminer une prochaine étape.
En réussissant à la première étape — construire une expertise spéciali-
sée évidente — nous encourageons le client à nous laisser entrer. Sinon, il
utilisera la proposition écrite pour nous tenir à l’écart. Nous devons rele-
ver le défi qu’implique toute demande de proposition. Si nous la compre-
nons comme étant un outil pour garder les entreprises indifférenciées à
distance, nous devons tenter de briser son processus afin de valider que
le client reconnaît pleinement la valeur de notre expertise. Il s’aidera du
processus de sélection de la proposition lorsque ce ne sera pas le cas. Les
meilleurs clients — ceux qui reconnaissent l’expertise — laissent se fissurer
cette façade et nous laissent accéder à l’entretien adéquat. Une question
mérite alors d’être posée : l’expertise de notre entreprise est-elle digne de
cet accès ? Ce défi nous aide à déterminer très tôt dans le processus si oui
ou non l’opportunité d’une mission mérite que l’on s’y investisse. Car si le
client ne reconnaît ni n’apprécie notre expertise, c’est alors que nous avons
échoué — échoué à construire une véritable expertise, échoué à la démontrer,
ou échoué en poursuivant une opportunité qui n’est pas réellement en adé-
quation avec notre expertise. Dans la plupart de ces cas, il est préférable de
se retirer. En ne surinvestissant pas dans une opportunité, nous conservons
notre intégrité et maintenons de possibles occasions d’affaires dans le futur.

Comparer
En classant les nombreuses entreprises similaires, le client cherche à éta-
blir une grille de lecture de leurs ressemblances et de leurs différences.
Les entreprises indifférenciées participent volontiers à ce processus. En
ne suivant pas le principe de notre première étape, Se spécialiser, elles
opèrent donc à partir d’une position où elles n’ont que peu de pouvoir.

72
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER

Ainsi — comme le démontre la conformité au processus du client — elles


ne peuvent qu’espérer gagner sur le service, la personnalité, le prix ou en
commençant à résoudre la problématique du client par la fourniture d’une
proposition. Le processus lui-même est un exercice d’homogénéisation qui
réduit chaque entreprise à des échantillons de leur travail, des supposi-
tions mal informées sur les stratégies possibles et des taux horaires. Les
véritables différences ne brillent pas par des propositions écrites. Si nous
sommes des grenades, nous résisterons à être poussés dans un processus
visant à comparer des pommes avec des pommes.

Mesurer la valeur
Valeur = Qualité / Prix. Le client a pour défi de déterminer la valeur de nos
services, la qualité d’une idée non encore livrée étant difficile à mesurer. Cela
lui laisse deux options : il peut surévaluer sa décision sur ce qu’il peut mesu-
rer (le prix), ou il peut nous demander de livrer l’idée (gratuitement) dans le
but de déterminer sa qualité. En suivant la troisième proclamation, Nous dia-
gnostiquerons avant de prescrire, nous démontrons que notre capacité de
réaliser notre meilleur travail est enracinée dans la force de notre processus
de diagnostic et de développement stratégique. Un client exigeant des idées
non payées par une proposition écrite est tel un patient réclamant un dia-
gnostic et la prescription d’un médecin qu’il refuse de consulter ou de payer.
Les défauts de l’évaluation par la proposition constituent de bonnes raisons
de plus de relever le défi qui consiste à l’éviter. Soit nous exploitons la puis-
sance acquise par notre expertise pour avoir un impact sur le processus du
client — nous permettant ainsi de remplacer toute proposition ou présenta-
tion par un accompagnement construit avec des conversations —, soit nous
nous retirons et laissons ce client à un autre cabinet.

Gagner l’inspiration
L’erreur de développement commercial la plus courante et la plus coûteuse
partagée par les entreprises créatives du monde entier est de confondre

73
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

« intérêt » et « intention ». Les clients demandent souvent aux entreprises


créatives des propositions avant d’avoir réellement l’intention d’agir pour
résoudre un problème fraîchement repéré. C’est une situation où le client
cherche simplement à trouver l’inspiration qui l’aiderait à aller de l’avant.
Nous envoyer écrire n’est pas la solution pour y parvenir. Nous devons le
comprendre et apprendre à mesurer son intention. Si sa décision d’agir
n’est pas encore ancrée à une date ultérieure ou à un événement (un indi-
cateur évident d’intention), la proposition écrite n’est pas l’outil pour l’aider
à avancer. Si la mission n’a pas encore bougé de sa liste de souhaits à sa
liste de choses à faire, c’est qu’il est toujours en recherche d’une source
d’inspiration.

Il est préférable, afin d’inspirer le client, d’examiner avec lui nos travaux
similaires précédents — ou ceux de ses rivaux — en pointant les exemples
de solutions et de pratiques mises en œuvres plus avancées que les siennes.
Ces explorations peuvent simplement faire partie des conversations établies
durant le cycle d’achat, ou mériter parfois des honoraires de recherche. Il
ne faut cependant pas confondre la recherche d’inspiration et la volonté
d’aller de l’avant.

Décrocher
Il arrive parfois que la réponse soit « Non » ou « Probablement pas ». Et si
c’est ce que le client pense vraiment, nous devrions alors être capables et
heureux de l’entendre. En insistant par un argumentaire, une présentation
ou l’investissement dans une proposition écrite, nous compliquons la tâche
du client pour être honnête avec nous en l’incitant à utiliser un processus
où il repoussera le moment de nous dire « Non », alors qu’il est probable qu’il
ait souhaité nous le dire assez vite. Si la réponse est « Non », nous voulons
l’entendre et, par conséquent, nous devons mettre à l’aise le client pour
qu’il nous le dise assez tôt. Il ne sert à rien de lancer une proposition écrite
par-dessus le mur et d’attendre patiemment une réponse.

74
5 : DIRE LES MOTS QUI SE RÉDIGEAIENT SUR PAPIER

Comparer pour un meilleur prix


Nous ne sommes pas tenus de fournir au client une liste de services, une
méthodologie et un devis juste pour qu’il puisse trouver quelqu’un d’autre
pour faire ce que nous ferions, de la façon dont nous le ferions, mais pour
moins cher. Res ipsa loquitur.

Demande de proposition, repose en paix


Toutes les raisons qui poussent un client à demander une proposition écrite
ne sauraient résister à la logique d’avoir une conversation d’égal à égal avec
un expert. Lorsque nous ne parvenons pas à faire entendre cette logique,
nous devons comprendre que nous n’avons pas réussi à nous démarquer de
la concurrence, ou nous avons créé une résistance à l’achat à cause de notre
besoin de présenter ou de persuader. En suivant les étapes précédentes,
nous rendons cette cinquième possible. De cette manière, nous continuons
pas à pas notre transition de l’état de preneur d’ordres à l’état d’expert.

Être payé pour rédiger des propositions


L’un de nos nouveaux mantras que nous allons nous répéter ainsi qu’à nos
clients potentiels est : nous ne commençons pas à résoudre les problèmes
de nos clients avant d’être engagés.

Les situations des clients ou les réponses probables sont la plupart du


temps si complexes ou techniques qu’elles exigent de notre part de com-
prendre en profondeur leurs enjeux afin de proposer et de quantifier des
solutions responsables. De telles missions exigent que nous commencions
notre travail de diagnostic afin de présenter un plan. Ne faisons pas l’erreur
d’assumer cette fonction gratuitement, non. Comprendre et diagnostiquer

75
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

la situation du client est essentiel pour réussir toute mission, et c’est pré-
cisément cette tâche du tout début qui déterminera en grande partie le
succès ou l’échec de tous nos efforts engagés pour le client. Nous devons
facturer ce travail.

Les médecins facturent les IRM, les comptables leurs audits, les avocats
leurs études. Et nous facturons notre travail de diagnostic, qu’il s’agisse
d’un audit de marque ou d’une recherche que nous conduisons nous-mêmes
ou que nous sous-traitons.

Dans ces défis complexes où nous devons diagnostiquer avant même de


pouvoir commencer à formaliser une prescription, nos clients nous paient
pour rédiger des propositions via un cycle de vente progressif qui com-
mence par un diagnostic. Le résultat de la phase de diagnostic est consti-
tué de deux parties : nos conclusions et nos recommandations. Dans nos
conclusions, nous livrons les découvertes du diagnostic et dans nos recom-
mandations nous incluons le plan pour aller de l’avant, avec un calendrier
et un budget. De cette façon, dans les situations où il est nécessaire d’en
écrire une, nous sommes payés pour élaborer la proposition.

Contrats et propositions
Notre proposition, c’est en effet les mots qui sortent de notre bouche :
« Nous proposons d’effectuer telle mission pour vous, dans tel délai, pour tel
prix. » Une fois l’accord oral entendu, nous pouvons passer à la rédaction
du contrat pour signature. Soyons clairs avec nos clients et nous-mêmes :
notre activité n’est pas la rédaction de propositions. Et faisons-nous la pro-
messe de ne plus compter sur un document écrit pour exprimer ce que nous
devrions faire oralement : proposer.

76
6
sixième étape

Être sélectif

Au lieu de chercher « des » clients, nous poursuivrons


scrupuleusement et avec précision notre quête d’adé-
quations parfaites — ces structures ciblées que nous
pouvons aider le mieux. Nous dirons « Non » tôt et sou-
vent et ce faisant, nous éliminerons celles qui seraient
mieux servies par d’autres et celles qui n’ont pas les
moyens de nous engager. En disant « Non » nous donne-
rons du pouvoir et de la crédibilité à notre « Oui ».

79
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

L
a plupart d’entre nous ne souffrent pas d’avoir trop peu de clients. Si
notre portefeuille de clients ne pose généralement pas de problème
de quantité, sa qualité peut laisser à désirer. Nous essayons parfois
de compenser ce manque de qualité en décuplant la liste. Mais nous savons
que de nombreuses petites structures peu averties ou inappropriées ne
remplacent pas celles de taille et de culture adéquates.

Si nous voulons construire une entreprise d’experts lucrative, nous devons


rétablir l’équilibre grâce à un petit nombre de clients de grande qualité.
Cela fait, nous devons accepter que notre clientèle se renouvelle et nous
devons comprendre que c’est signe de bonne santé. Nos relations avec les
clients ne devraient pas être des condamnations à perpétuité.

Nos objectifs de développement économique


Les clients nous engagent au moment où ils en ont besoin. Nous résolvons
généralement leurs problèmes les plus pressants au début de notre relation
et, au fil du temps, la nature de notre travail glisse vers la fin tactique de
notre offre. Ainsi, notre positionnement avec le client change. À un certain
moment, nous passons du statut de conseiller extérieur à celui d’une sorte
de partenaire, puis en fin de compte, d’un fournisseur. Finalement, nous
divergeons. La transition est inévitable, les seules variables sont le temps et
le moment du départ.

La longueur optimale de l’engagement peut varier d’une entreprise à l’autre


et d’un client à l’autre, mais nous devons accepter l’idée que le renouvelle-
ment est sain et qu’en conséquence notre objectif de développement écono-
mique est de gérer ce phénomène. Si tel est notre désir pour notre cabinet
de design, nous l’accomplirons en veillant à ce que les nouveaux clients pré-
sentent des opportunités supérieures à celle de ceux qui partent.

80
6 : ÊTRE SÉLECTIF

La sélectivité est l’une des caractéristiques déterminantes de l’expert. Elle


donne de la crédibilité, réduit la résistance à l’achat et crée les conditions
où il est possible de remplacer les présentations par des conversations.

Une compréhension claire de nos objectifs — un petit nombre de rotations


lentes de clients de haute qualité — nous rend plus facile l’adoption de cette
approche sélective. Nous n’allons pas gagner à chaque occasion, mais nous
n’en avons pas besoin. Cette notion devrait nous offrir le confort d’aller
patiemment trouver ceux que nous pouvons aider au mieux, de manière
plus ciblée et moins frénétique.

Reculer là où d’autres avancent


Les clients peuvent sentir la sélectivité. C’est un des premiers indices qui leur
signalent soit de baisser la garde en participant à des discussions sérieuses
à propos de l’adéquation entre besoins et expertise, soit de le prendre de
haut en se retranchant derrière le bouclier de leur « processus de sélection »
avec demande de références, de propositions et de présentations.

C’est dans la nature humaine de suivre ce qui recule et de s’éloigner de ce


qui s’avance vers nous. « Parlez doucement et les gens se penchent vers
vous, parlez fort et ils reculent » disait Confucius.

Les acheteurs préfèrent être poliment examinés par un vendeur qui a


clairement défini les paramètres de la nature du travail qu’il va faire, le
type de client qu’il va accepter et les budgets pour lesquels il va travailler.
L’expérience du client est toute différente selon qu’il a affaire à un expert
qui le traite de manière sélective ou à un généraliste enthousiaste qui fonce
tête baissée à la moindre occasion. C’est le jour et la nuit : l’un l’invite à
avancer, l’autre le fait battre en retraite.

81
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

De retour à la première étape


La sélectivité commence par le positionnement — la spécificité de notre
entreprise. Notre revendication publique d’expertise doit décrire qui nous
accompagnons et comment, et par cette description, ceux qui seraient
mieux servis par d’autres devraient être en mesure de ne pas nous sélec-
tionner. Le client doit pouvoir déterminer à partir d’une phrase ou deux si
notre expertise est de nature à répondre à ses besoins.

Plus notre revendication d’expertise est fine, plus nous gagnons en inté-
grité. En resserrant le domaine de notre revendication, nous construisons
notre crédibilité vis-à-vis du client tout en le laissant supposer que nos
capacités vont au-delà, alors qu’une revendication large génère la réaction
inverse. Le client connaît la grande difficulté d’acquérir une haute expertise
et devant une revendication trop large, il suppose qu’en vérité elle doit être
beaucoup plus faible que ce que nous déclarons. Dès sa première interac-
tion avec nous, à la lecture des mots sur notre site Internet, sans même
nous avoir rencontrés ou parlé, il porte sur notre intégrité des jugements
qui auront un impact sur la dynamique future.

La première étape établit les fondements de toutes les autres, y compris


celle-ci, la sixième. Si nous avons réussi à nous spécialiser, alors la sélecti-
vité devient plus facile pour nous.

À la poursuite du « Non »
« Non » est la deuxième meilleure réponse que nous pouvons entendre.
Si c’est non, nous voulons l’entendre dès que possible, avant que personne
ne gaspille inutilement des ressources précieuses. Lorsqu’une opportunité
se présente, essayons d’abord de voir si nous pouvons l’anéantir.

82
6 : ÊTRE SÉLECTIF

Ceci est contraire à notre mode d’action habituel mais c’est une approche
puissante qui nous permet d’éliminer précocement les faibles adéquations
entre besoins et expertises et toutes ces occasions où le client ne nous
engagerait pas finalement (ou celles où nous regretterions qu’il l’ait fait).
Si l’opportunité est bonne et que nous reculons un peu, le client est suscep-
tible de suivre. Le « je-te-fuis-tu-me-suis » est un test important pour jauger
comment le client reconnaît et valorise notre savoir-faire. Il nous dit s’il
voit une adéquation et souligne ainsi le pouvoir que nous avons pour diriger
la mission.

Nous avons un penchant à éviter les questions qui posent problème. Nous
devons ici encore apprendre à combattre nos réflexes, à démontrer la sélec-
tivité et l’efficacité de l’expert, à avancer sans hésiter vers des discussions
à la poursuite du « Non ». Il y a plusieurs raisons banales pour contrecar-
rer un engagement : l’argent, la nature des besoins du client, sa volonté de
nous laisser diriger ou pas, la situation géographique, le niveau de notre
expérience. Nous devons prendre l’habitude de mettre, sur la table des
discussions préliminaires, ces préoccupations ou d’autres que le client ou
nous-même pourrions avoir.

Inverser la dynamique des objections


La dynamique des objections est telle que lorsque l’une des parties en for-
mule une, il incombe à l’autre d’y répondre. Nous avons tendance à éviter
les zones d’opposition potentielles, mais il arrive toujours un moment où
ce n’est plus possible. En fin de compte le client soulève des objections
et nous sommes obligés de les résoudre. Cette dynamique est facilement
inversée lorsque nous apprenons à soulever les objections d’abord, en les
mettant sur la table pour obliger le client à les réfuter. Au lieu d’attendre
d’entendre « Vous avez l’air cher », nous pourrions dire : « Je suis un peu

83
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

préoccupé par la capacité financière d’une organisation de votre taille à


nous engager. » De cette manière, nous apprenons à nous pencher sur les
objections potentielles. Si l’opposition annule l’accord, alors annulons-la
dès le début.

Combler le fossé de l’expertise


Il est normal que nous acceptions un travail en dehors de notre domaine
d’expertise, à condition que nous en ayons la capacité et les compétences,
que nous puissions l’accomplir de façon rentable et que nous ne pen-
sions pas aussitôt qu’il mérite que nous élargissions notre revendication
d’expertise.

En étant bien positionnés, nous posséderons des capacités plus larges


— souvent bien plus larges — que notre champ d’expertise proclamée.
Lorsque des clients potentiels nous approchent avec des besoins qui
recoupent nos capacités mais en dehors de notre expertise centrale, il est
essentiel que nous traitions cette question avec honnêteté. Quand notre
revendication d’expertise est vaste, nous sommes enclins à répondre à
des demandes par ce que le client s’attend à entendre : « Nous pouvons le
faire ! » Cette réponse produit de la résistance à l’achat et il devient difficile
de remplacer les présentations par des conversations.

La cible n’est pas le marché. Nous visons un but précis dans une plus petite
cible et nous sommes heureux de toucher un marché plus large. Le champ
revendiqué de notre expertise devrait être bien plus réduit que la somme de
toutes nos capacités.

Lorsque nous rencontrons une opportunité dans le domaine de nos capaci-


tés, mais en dehors de notre expertise, nous devons dire au client que, oui,

84
6 : ÊTRE SÉLECTIF

nous pouvons le faire, mais non, ce n’est pas la raison qui motive habituel-
lement notre engagement. Nous devons affirmer notre sélectivité et sou-
ligner l’écart entre ce dont il a besoin et ce que nous faisons. Dès lors, le
client peut prendre la décision de combler le fossé ou non. Il peut considé-
rer que notre expérience répond quand même à sa problématique et s’inté-
resser à quelqu’un d’honnête sur ses points forts, ou il peut se décider pour
un autre professionnel dont l’expertise s’alignera plus étroitement sur ses
besoins. Si l’écart doit être comblé, il est préférable que ce soit le client
qui le fasse. La dynamique des objections et la nécessité de l’inverser s’ap-
pliquent ici aussi.

L’opportunité d’accepter un travail en dehors de notre expertise ne doit pas


nous faire oublier que nous ne sommes pas attirés par la compétition pour
l’obtenir. Si le client, lançant une perche, dit : « Je pense que vous pouvez
le faire » et que cela nous semble logique, alors nous sommes en droit
d’accepter ce travail. Cependant, si sa déclaration est suivie d’une invita-
tion à concourir pour lui, mieux vaut décliner, lui indiquer la direction d’une
entreprise mieux alignée sur ses besoins et retourner à notre recherche
d’adéquation vers d’autres. Il se peut que le client avance alors que nous
nous retirons, que cela vaille la peine de le suivre après qu’il aura consulté
d’autres entreprises, ou qu’il disparaisse et ne revienne jamais. Quoi qu’il en
soit, nous ne voulons pas sacrifier notre mission et être entraînés dans une
compétition pour un travail qui sort de notre expertise.

La dichotomie de la passion
Qui sommes-nous sans notre passion ? C’est un atout qui nous pousse vers
les problèmes que nous résolvons. C’est le moteur qui nous motive à trou-
ver les meilleures solutions aux défis auxquels nous sommes confrontés.
L’affichage d’un tel actif dans le cycle d’achat est certes avantageux. Mais,

85
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

là encore, nous devons nous méfier et dans une certaine mesure, combattre
nos tendances naturelles.

La passion peut être décisive lorsque le client estime que le niveau d’exper-
tise répond aux options qu’il a envisagées. Néanmoins, quand nous mettons
l’accent sur le prix, l’alchimie et la passion, nous sous-entendons implici-
tement que quand il s’agit de nous mesurer à la plus importante variable
— l’expertise — nous ne sommes pas mieux équipés que les autres entre-
prises potentielles.

Nous devons être libres d’utiliser notre passion, sans oublier qu’elle peut
facilement favoriser le risque que le client voie dans son affichage une
invitation à prendre le contrôle et l’aveu que notre expertise pourrait être
absente. Servons-nous de notre passion mais attention à ne pas en abuser
et à ne pas permettre au client de l’utiliser contre nous.

La sélectivité augmente avec l’expertise


À mesure que notre expertise s’approfondit, notre capacité à être sélectif
doit aussi s’accroître. L’expertise oblige à la sélectivité.

Le généraliste est attiré par le problème qu’il n’a pas encore résolu. Sa
curiosité l’emporte sur tout le reste. Il ne ressent aucune gêne à opérer
en dehors de son domaine d’expertise, car il est large, peu profond et mal
défini. Il poursuit avec passion ce qui est nouveau et différent.

Mais lorsque la transition est faite, qu’il s’est habitué aux avantages de maî-
triser une haute expertise — c’est-à-dire que le client cédant le contrôle à
quelqu’un digne de lui est devenu la norme — il ne reviendra plus si facile-
ment opérer de la position affaiblie du généraliste.

86
6 : ÊTRE SÉLECTIF

Lorsqu’il a le choix d’agir à partir de la position de pouvoir que lui procure


sa haute expertise, l’expert refuse de poursuivre des travaux en dehors de
cette zone pour des clients qui ne lui permettent pas de diriger. Non pas
parce que c’est écrit dans ce livre, mais parce qu’il ne voudra plus se retrou-
ver dans la situation du généraliste preneur d’ordres. Il se méfiera des cas
où il n’est pas à l’aise en sa capacité à trouver la meilleure solution, ni par
rapport à l’environnement et aux défis qui ne lui sont pas familiers. Il devra
admettre de dire à son client : « Je n’ai jamais fait ça avant. »

Une fois habitué à opérer de sa position, l’expert prendra soin de s’assu-


rer que ses futurs clients la lui accordent. De cette manière, son expertise
renforcera sa sélectivité — une démarche pas si facile au début. La sélecti-
vité est quelque chose qu’il doit apprendre. Il doit remettre sa passion à sa
place et fuir les occasions où il n’est pas considéré comme l’expert.

C’est ce que nous tous devons faire pour réussir.

87
7
septième étape

Construire l’expertise
rapidement

Nous aborderons la revendication de notre expertise


comme étant un point de départ et un cri de ralliement
pour une perpétuelle progression. Une fois spéciali-
sés, nous travaillerons pour compléter et approfon-
dir les compétences, les capacités et les processus
qui sont à la source de notre expertise, et nous nous
familiariserons à l’idée que l’apprentissage continu est
indispensable.

91
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

N
ous abordons ici la troisième de nos trois phases pour positionner
notre entreprise. Nous avons sélectionné notre spécificité, nous
l’avons articulée autour d’une revendication d’expertise, nous
devons maintenant produire rapidement la preuve de notre revendication.

Quand nous plantons notre drapeau dans le sol, des têtes se tournent. La
concurrence, apparemment inconsciente de notre présence auparavant,
soudainement nous remarque. Ceux qui ne revendiquent pas de territoire
de manière significative sont rarement attaqués. Qu’avons-nous à défendre,
après tout ? Un des petits plaisirs du généraliste : il mène une vie plus facile,
peut-être pas aussi lucrative ou aussi épanouissante, mais tellement plus
simple. Le généraliste n’inquiète personne, personne ne s’attaque à lui.

La vérité sur l’être humain moyen est que, indépendamment de ce qu’il


prétend vouloir, il évitera les décisions difficiles et les tâches indésirables,
même si elles lui ouvrent la voie vers l’issue ou l’avenir qu’il désire. Il est
prouvé que la plupart des gens, en réalité, changent leurs désirs, voire leurs
valeurs, plutôt que leur comportement.

Alors ? La question à laquelle nous devons faire face est : sommes-nous


la plupart des gens ? Allons-nous rester sur l’ancien chemin confortable
où l’on peut éviter l’attaque ? Allons-nous choisir le déni et continuer de
façonner nos croyances pour nous conformer à notre vieux comporte-
ment ? Ou avons-nous le cran de faire ce qui doit être fait pour bâtir une
entreprise d’experts, pour fournir à nos clients notre meilleur travail, nous
apporter l’accomplissement d’une carrière bien gérée, offrir à nos familles
la sécurité et la prospérité qu’elles méritent ? Allons-nous faire ce que nous
savons nécessaire ?

92
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT

Une revendication juste


Mettant un pied devant l’autre, nous commençons par choisir une spécifici-
té et nous articulons notre revendication (la première étape). Ensuite, nous
changeons la façon dont nous vendons (étapes deux à cinq). Nous devenons
sélectifs vis-à-vis de nos nouveaux clients et du travail que nous accomplis-
sons pour eux (la sixième étape). Maintenant que nous sommes sur notre
lancée et que nous commençons à goûter les avantages de l’expertise, dans
cette septième étape, faisons-nous la promesse de tester jusqu’où nous
pouvons aller. Engageons-nous à approfondir notre expertise, rapidement
et une fois pour toutes, de façon à comprendre jusqu’à quel point nous pou-
vons devenir bons.

Dès l’instant où nous avons une revendication nous sommes projetés dans
une course sans ligne d’arrivée, dans laquelle plus nous sommes en tête
plus nous avons à perdre, donc plus nous sentons que nous devons courir
vite. Ce n’est pas la voie facile. Néanmoins, une fois que nous y sommes,
passant devant les généralistes assis sur le banc de touche, nous réalisons
qu’il ne pourrait en être ainsi autrement. Nous préférons courir pour réali-
ser notre potentiel que de stagner dans une béate satisfaction.

L’importance de prouver notre expertise


Une revendication est juste une revendication, n’importe qui peut en formu-
ler une. Notre revendication d’expertise nous aide à sortir du brouhaha de
la concurrence et à attirer l’attention à la première interaction avec le client
potentiel. Mais il nous incombe dès lors de prouver notre revendication. Plus
nous avançons dans le cycle d’achat, plus la preuve de notre expertise nous
aide. Sans preuve, nous nous trouvons à devoir argumenter — devant commen-
cer à résoudre le problème du client pour prouver notre capacité de le faire.

93
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

La preuve que nous voulons construire et que nos futurs clients ont besoin
de voir, est enracinée dans nos compétences, nos capacités et nos proces-
sus. Ce sont des biens que nous ne devons jamais cesser de construire et
d’associer. Explorons les moyens dont nous disposons pour approfondir
notre expertise.

Commencer par se focaliser


La bonne nouvelle est que l’acte même de se focaliser permet de construire
de la profondeur. Si nous prenons deux personnes d’intelligence et de capa-
cités égales et que nous chargeons la première d’établir une entreprise
avec une offre très large et la seconde une entreprise avec une offre très
restreinte, nous constaterons que la deuxième personne aura construit
une expertise approfondie de façon exponentiellement supérieure à celle
de la première. Cela coule de source : lorsque nous réduisons le champ de
notre pensée, notre réflexion devient plus profonde. Nul besoin d’être plus
intelligent ou plus créatif que nos concurrents, nous devons nous focaliser
davantage. Ce phénomène est puissant, mais ce n’est que la première étape
d’une construction d’expertise approfondie. D’autres étapes suivent.

L’exigence d’écrire
L’écriture permet de nous faire repérer. Elle aide à consolider notre position
d’experts. Plus important : écrire sur ce que nous faisons est le moyen le
plus rapide d’approfondir nos connaissances. Écrire longuement sur notre
expertise nous pousse au plus profond de la géologie de notre territoire. En
tant qu’experts expérimentés, nous bénéficions de l’observation répétée des
mêmes défis. L’écriture est l’outil qui nous aide à formaliser notre réflexion
sur ces observations. Elle nous oblige à affiner nos arguments et donc
notre compréhension. Écrire pourrait ne pas venir naturellement, ce pour-
rait être éprouvant par moments, mais les récompenses sont importantes
et l’exercice obligatoire. Si nous devons être experts, nous devons écrire.

94
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT

Les compétences que nous devons posséder ou acquérir pour réussir dans
une entreprise créative différenciée sont : premièrement conseiller, deuxiè-
mement écrire, troisièmement créer. Comprendre les problématiques et leur
apporter des solutions tout en étant capable de piloter les autres au sein
d’une mission sont les atouts majeurs du conseiller. L’écriture suit pour à la
fois prouver et approfondir l’expertise. La création est de plus en plus consi-
dérée comme la marchandise — acquise à peu de frais — de ceux qui n’ont
pas les deux premières compétences ou qui ne les ont pas cultivées. Nous
devons donc prendre le contrôle et nous devons écrire.

Formaliser notre méthode de travail


Imaginons que nous soyons payés à creuser un trou de profondeur, de
largeur et de longueur spécifiques. Notre première tentative serait ache-
vée dans un certain délai et avec une certaine qualité. Si nous creusions
ce même trou chaque jour, on peut supposer que la qualité de notre tra-
vail augmenterait et que le temps nécessaire diminuerait. L’observation
répétée et la résolution de problématiques améliorent notre qualité et
notre efficacité.

Nous pouvons aussi raisonnablement supposer qu’avec le temps, grâce à


nos essais et nos erreurs, nous serions arrivés à une approche efficace qui
nous permettrait d’offrir qualité et rapidité avec cohérence. C’est le cas
pour presque tous nos efforts répétés. C’est la force de nos processus qui
conduit à la cohérence de nos résultats.

Si nous voulons construire une expertise approfondie nous devons prendre


soin de documenter la façon dont nous travaillons, pour définir comment
nous allons travailler à l’avenir et pour continuellement affiner et améliorer
notre approche. Travailler à partir d’un processus défini conduit à la cohé-
rence même de la qualité que le client potentiel essaie de discerner à la fin
du cycle d’achat, quand notre rôle est de le rassurer. Rien ne le rassure

95
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

plus que quand de lui-même il conclut que peu de variabilité dans le pro-
cessus égale peu de variabilité dans les résultats. Chacune des entreprises
qu’il consulte peut lui démontrer une capacité à faire un excellent travail,
mais la question à laquelle il veut répondre avant l’achat est : « Comment
savoir si j’obtiendrai le meilleur de leur travail ? » Quand nous sommes
capables de démontrer des processus solides, le client peut comprendre
lui-même leurs implications sur la cohérence de notre qualité.

Formation et responsabilisation
Sans méthodologies véritablement établies, nous manquons d’outil pour
former nos collaborateurs. Mais une fois déterminés à définir et à amé-
liorer la façon dont nous travaillons, nous nous engageons à les former à
ces méthodes.

La formation et d’autres formes de développement individuel profession-


nel sont essentielles. Une entreprise de création se doit d’avoir une culture
d’apprentissage permanent ou elle n’existe pas. Nous devons développer
une politique d’entreprise où nos collaborateurs se sentent portés par une
émulation, associés que nous sommes et excellant à dépasser nos concur-
rents. Quand nos nouveaux employés viennent travailler pour nous, ils
doivent sentir qu’ici on n’a jamais fini d’apprendre et que le rythme de for-
mation ne diminue jamais. Nous courons ensemble.

Nous construisons une culture de l’apprentissage permanent, embauchant


des collaborateurs sur leurs compétences, développant leurs capacités par
la formation, les incitant à bâtir leur propre plan de développement pro-
fessionnel en les responsabilisant, approuvant et finançant leurs plans,
et, surtout, en étant nous-même leaders par notre exemplarité dans cette
démarche. Nous manifestons notre attente, nous imprimons le rythme
et entretenons la détermination requise pour continuer de faire partie de
notre entreprise.

96
7 : CONSTRUIRE L’EXPERTISE RAPIDEMENT

Tous ne suivront pas


Les personnes créatives ont une propension à adopter une démarche
de généraliste qui leur permet d’explorer ce qui est nouveau et différent.
La plupart d’entre elles ne choisira le chemin de la haute expertise qu’au vu
des avantages qui lui auront été démontrés et qu’elle en aura expérimenté
les bénéfices. Sans cette expérience, toutes ne seront pas convaincues de
se joindre à notre démarche.

La culture de tolérance et d’intégration que nous avons toujours eue dans


notre entreprise s’applique encore, mais maintenant uniquement à ceux qui
sont prêts à assumer leur part d’effort. Lorsque nous choisissons de suivre
les douze étapes et d’effectuer la transition de preneur d’ordres à expert,
nous acceptons l’idée que l’apprentissage permanent et l’amélioration conti-
nue sont obligatoires. Toute personne impliquée dans notre entreprise doit
donc y souscrire pour prendre sa part à cette tâche et encourager l’équipe
autant que nous l’encourageons, ou bien elle doit se rediriger vers d’autres
entreprises plus en accord avec sa vision collective pour se réaliser.

Celui qui reste de côté


Nous avons tous en tête un gérant qui a été éjecté : le créatif entrepreneur
profitant depuis de nombreuses années d’un succès rapide et qui soudain
le voit s’éloigner pour de bon. Il s’est lancé à son compte à une époque de
conjoncture économique favorable ou avec un important client bienfaiteur,
suivant les tendances au fil des ans. Puis le vent a tourné. L’économie a
changé ou le client a évolué et le succès facile s’est évanoui.

Cela fait des années qu’il est assis à se demander ce qui n’a pas fonc-
tionné. Qu’a-t-il fait pour mériter une telle infortune ? Il ne peut pas voir,

97
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

ou ne veut pas voir, que son malheur puise sa source dans ses premiers
succès. Il n’a pas été obligé de prendre de difficiles décisions dès ses débuts,
si bien que lorsqu’il y a été confronté par la suite, il est resté certain que ces
efforts pouvaient être évités et qu’il remonterait les marches du succès à
l’ancienne, une fois de plus. Maintenant les clients ne se présentent plus à
sa porte et il rejette la faute sur le marché ou il déplore que les temps aient
changé d’une manière qu’il ne peut pas comprendre, pour des raisons qu’il
ne peut pas voir.

Alors que d’autres passent devant, ceux qui ont pris les décisions coura-
geuses et ont fait le travail de transition difficile, lui reste de côté, KO, le
regard vague. Il est un exemple de ce que nous deviendrons si nous arrê-
tons l’apprentissage permanent ou si nous abandonnons la course.

98
8
huitième étape

Ne pas résoudre les problèmes


avant d’être payés

Notre pensée constituant notre plus grande valeur,


nous ne la partagerons pas sans la compensation
appropriée. Si nous ne montrons pas que nous valori-
sons notre pensée, nos clients et nos prospects ne le
feront pas. Nos clients payeurs peuvent être assurés
que tout notre esprit restera concentré sur la résolu-
tion de leurs problèmes et non pas sur ceux des pros-
pects qui ne nous ont pas encore engagés.

101
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

U
ne stratégie de développement des affaires fondé sur le pitch déva-
lorise notre pensée et met l’accent sur les parties les plus banalisées
de notre offre. Le client utilise de nombreux indices pour essayer
de déterminer notre valeur, il recherche des signes sur la façon dont nous
nous estimons. Si nous ne valorisons pas notre pensée, il ne le fera pas non
plus. Comment pouvons-nous diagnostiquer et prescrire gratuitement une
minute et demander plus tard des centaines, voire des milliers d’euros pour
une pensée banalisée ?

Nous devons nous efforcer d’être cohérents dans la façon dont nous nous
comportons, en montrant que nous connaissons notre propre valeur et que
nous ne la braderons pas. Nous devons nous attaquer aux négligences de
notre comportement en comprenant qu’il y a une ligne à ne pas franchir
entre le fait de prouver notre capacité à résoudre le problème du client et le
fait de le résoudre réellement. Nous ne serons pas tentés de franchir cette
ligne avant d’être payés.

Le défi omniprésent de ne pas offrir notre pensée est simple à relever.


Il suffit de décider que nous ne le ferons plus et de rédiger cet engage-
ment dans une déclaration de politique générale, puis de poliment le décla-
rer avec conviction au client : « Notre politique est de ne pas commencer
à résoudre les problèmes de nos clients avant d’être engagés. »

Il est irresponsable de notre part d’utiliser notre identité d’artiste comme


une excuse pour ne pas établir des normes et des politiques commerciales.
Les clients nous assomment des leurs comme si elles faisaient loi et nous
accédons à leurs souhaits. Non, nous devons répondre par notre propre
politique. On rencontre beaucoup moins de résistance de la part d’un client
lorsque l’on peut introduire nos exigences avec les mots : « Notre politique
est… »

102
8 : NE PAS RÉSOUDRE LES PROBLÈMES AVANT D’ÊTRE PAYÉS

La pensée gratuite, ce n’est pas


uniquement la création gratuite
Nombre d’entre nous envisagent le problème des idées gratuites pensant
fièrement qu’ils ne sont pas concernés : « Nous ne faisons pas de création
spéculative. » Mais, arrivés aux commandes de la mission, notre création
découle de l’application de notre stratégie, qui elle-même découle d’un
diagnostic approfondi. Chacune des phases qui précèdent la création ou
tout autre travail a une valeur au moins aussi grande que l’application elle-
même. Toute réflexion qui précède la création ne doit donc pas être fournie
gratuitement.

Ne pas franchir la ligne qui sépare la preuve de notre capacité à résoudre


le problème du client et la résolution elle-même du problème est un prin-
cipe dont l’application commence au moment du diagnostic. Nous recueil-
lons correctement des informations préliminaires au diagnostic pendant
le cycle d’achat afin d’évaluer la situation du client et de déterminer notre
capacité à l’aider. Mais nous n’allons pas progresser au point de partager
notre diagnostic avec lui avant d’être engagés et payés en conséquence.
Et qui plus est, nous n’allons évidemment pas prescrire de stratégie sans
diagnostic et sans indemnisation appropriée. Le pitch gratuit, c’est de la
réflexion gratuite, point barre.

Une fois engagés


La nécessité de ne pas commencer les travaux sans rémunération appro-
priée ne s’arrête pas une fois que le client s’engage à travailler avec nous.
Rappelons-nous que la transition de l’état de prospect ayant une intention à
celui de nouveau client passe par une série d’étapes, une véritable escalade
de marches vers l’engagement. Bien que nous ne doutions pas de sa parole,

103
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

nous devons garder en mémoire que rien n’est conclu tant qu’il ne nous a
pas versé une somme d’argent. Chaque client se réserve le droit de changer
d’avis jusqu’à ce qu’il verse de l’argent.

L’escalade de l’engagement commence en privé, quand le client se dit : « Je


vais le faire. » De là, il passe à un engagement partagé et dit à voix haute :
« Faisons-le. » Il poursuit l’ascension en signant de son nom un document
juridique, qu’il s’agisse d’un contrat, d’une lettre d’intention ou d’un pro-
tocole d’accord. Mais même à ce moment-là, tant qu’il n’a pas versé une
somme d’argent, il n’est pas totalement engagé à aller de l’avant avec nous.
Nous devrons encore le rassurer tout au long de l’inévitable période de
remords de l’acheteur.

Nous devons reconnaître cette escalade de l’engagement comme une série


de marches naturelles et simplement nous assurer que nous ne commen-
çons pas à résoudre le problème du client tant qu’il ne les a pas toutes mon-
tées, la plus importante étant la dernière : celle où il paie. Un acompte d’un
tiers à la moitié des honoraires de la mission est convenable, voire la tota-
lité de la première phase d’un engagement progressif.

Il n’est pas nécessaire d’insister sur notre exigence d’un dépôt avant le
début de tout travail. Disons simplement : « Nous commencerons à réception
du versement, c’est notre politique pour tout nouveau client. » Nous n’avons
pas à nous excuser d’être des entrepreneurs responsables. Là non plus,
nous ne devrions jamais devoir clarifier les modalités de paiement après
avoir commencé à travailler sur la mission. Voici le plus simple des tests en
affaires, pour lequel il n’y a aucune excuse à l’échec : tous nos nouveaux
clients paieront d’avance.

104
9
neuvième étape

Aborder sans délai


les questions d’argent

Nous résisterons à tout surinvestissement durant le


cycle d’achat afin de ne pas nous trouver en situa-
tion de découvrir que le client n’a finalement pas les
moyens de nous payer à notre juste valeur. Nous défi-
nirons un minimum de facturation et nous le déclare-
rons au plus tôt dans les conversations de sorte que
si le client ne peut s’offrir nos services, les deux par-
ties seront en mesure de se retirer avant de perdre de
précieuses ressources.

107
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

M
émorisons une règle d’or de ce manifeste à propos de l’argent :
Ceux qui n’en parlent pas, n’en gagnent pas. Nous prétendons
avoir été élevés dans une famille ou une culture où il est impoli
de parler d’argent, mais nous savons que ce n’est qu’une demi-vérité, n’est-
ce pas ? Dans chaque culture, il est impoli de parler d’argent dans un cadre
personnel. Le corollaire à cette règle est tout aussi omniprésent : dans
toutes les cultures, il est considéré comme un signe de piètre sens des
affaires que d’éviter de parler d’argent dans un contexte d’affaires. Nous
devons concilier ces deux conventions et ne pas confondre les mœurs
sociales avec de saines pratiques commerciales. L’un des objectifs de notre
entreprise est de gagner de l’argent, par conséquent, nous devons prendre
l’habitude d’en parler tôt et souvent.

Le stress des discussions d’argent


Combien de fois nous sommes-nous retrouvés très avancés dans une oppor-
tunité de développement de notre entreprise, ayant investi massivement
en temps et d’autres ressources, pour apprendre à la fin que le budget du
client était bien en deçà de ce qui nous était nécessaire pour effectuer le
travail ? Comment se fait-il que nous soyons allés si loin avec un tel manque
d’information vitale ? Comment se fait-il que nous ayons travaillé autant
sans avoir eu une conversation significative sur un accord financier entre
les deux parties ?

Le client dispose d’un budget, ou à tout le moins, des limites d’un budget,
et nous devrions avoir nos propres paramètres qui définissent la taille de
notre client minimum. Chaque partie ayant de tels critères, il devient facile
de déterminer dès que possible s’il y a une adéquation financière. Mais ce
n’est pas facile pour beaucoup d’entre nous : les discussions d’argent sont
source de stress.

108
9 : ABORDER SANS DÉLAI LES QUESTIONS D’ARGENT

Lorsque l’on fait le bilan du stress présent dans notre vie, on voit vite que la
quasi-totalité de celui-ci est causée par des choses qui sont hors de notre
contrôle ou, plus souvent, qui le sont mais que nous évitons. Le stress est
dû aux choses que nous ne faisons pas. La racine de ce stress lié à l’argent
ne réside pas dans les conversations elles-mêmes, mais dans le fait de ne
pas en parler alors que nous savons que nous devrions le faire. Surmonter
ce stress commence par décider qu’à partir d’aujourd’hui nous parlerons
d’argent sans délai et souvent. Dès que l’occasion se présentera, nous nous
appuierons sur l’inconfort du sujet pour y faire face immédiatement et en
éliminer le stress. Avec le temps nous apprendrons à le faire avec aisance.

Un niveau minimum de commande


En suivant le principe la sixième étape, Être sélectif, nous nous engageons
à cibler d’avantage nos nouveaux clients. Nous sommes d’accord pour éta-
blir les critères qui définissent avec qui nous travaillerons ou pas. Le budget
est inclus dans ces critères et en particulier les honoraires qu’il représente-
rait. Lorsque nous nous engageons à gérer délibérément un lent et régulier
roulement d’un petit nombre de clients, nous acceptons également l’idée
que chacun soit d’une certaine taille, représentant un certain montant de
chiffre d’affaires. Nous devons à nos clients potentiels de partager nos
attentes d’honoraires dès que c’est approprié.

Le niveau minimum d’honoraires annuels exigé devient notre niveau mini-


mum de commande. Il s’agit d’un nombre approximatif (généralement
autour de 10 % du chiffre d’affaires annuel visé) que nous utilisons comme
outil pour éliminer rapidement les maigres adéquations financières, pour
aussi transformer les discussions de projets de court terme en discussions
pour des missions stratégiques à long terme, et pour nous aider à parler
d’argent sans délai.

109
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Peu de temps après que nous aurons déterminé un besoin avec un prospect,
il nous incombe de lui faire comprendre que nous ne travaillons qu’avec un
petit nombre de nouveaux clients chaque année et que donc nous ne pou-
vons ajouter que ceux qui dépenseront à hauteur de notre niveau minimum
de commande, ou plus. Nous ne cherchons pas un engagement à toute force,
nous disons simplement : « C’est la taille logique de client avec qui nous tra-
vaillons ; si à un moment donné vous décidiez de travailler avec nous, vous
devez être prêts à vous engager au minimum à hauteur de ces honoraires,
voire plus, au cours de l’année. »

Déterminés mais flexibles


Le niveau minimum de commande est un outil puissant à utiliser souvent,
sans toutefois être trop rigide dans son application. Il y aura des moments
où nous choisirons de déroger à ce minimum. Ne confondons pas néan-
moins la possibilité de renoncer à cette nécessité avec le fait de l’utiliser
dans la conversation. Nous devons prendre l’habitude de partager le niveau
minimum de commande requis dès la première discussion d’une opportuni-
té nouvelle avec un prospect. Cela doit devenir une routine tout en se réser-
vant le droit d’y renoncer le cas échéant ; mais y renoncer sans le mention-
ner ne compte pas, car un tel comportement serait, est tout simplement un
non-respect de nos propres paramètres de sélectivité.

À propos des avant-projets


En tant qu’experts sélectifs, il n’est pas dans notre intérêt de travailler
par tactique commerciale sur des avant-projets bien en dessous de notre
niveau minimum de commande. Il est possible cependant, de temps en
temps, d’accepter ce type de travaux. Nous pouvons évidemment le faire

110
9 : ABORDER SANS DÉLAI LES QUESTIONS D’ARGENT

pour les clients existants avec lesquels nous avons établi une relation pri-
vilégiée, plus complète et stratégique. Nous pouvons choisir de travailler
sur ses nouveaux avant-projets s’ils répondent à nos critères de capacité
et de rentabilité, n’empêchant pas d’obtenir par la suite une mission plus
large et appropriée, et si nous n’avons pas à concourir. Le travail d’avant-
projets amenuise les effets de notre précepte « rechercher un petit nombre
d’engagements significatifs ». Nous pouvons compléter avec lui quelques
ralentissements d’activité, mais il ne doit pas représenter le fondement de
notre pratique. Accepter ne serait-ce que la moitié des avant-projets qui
viennent à nous reviendrait à construire une société sans stratégie, acca-
blée par de trop petits clients et de trop petits projets aux défis insuffisants
ou aux maigres récompenses, outre le peu d’accomplissement personnel.
Nous refuserons donc plus d’avant-projets que nous n’en accepterons. Nous
renoncerons rarement à notre niveau minimum de commande.

Renoncer à notre niveau minimum de commande


Lorsque, occasionnellement, nous choisissons de renoncer à ce minimum en
acceptant un travail d’avant-projet ou une mission stratégique juste en des-
sous, nous pouvons user de son impact en le plaçant tel un obstacle à écar-
ter ou pas. Parler de notre niveau minimum de commande nous renseigne
rapidement sur la capacité du client à nous engager. Si nous constatons
qu’il ne convient pas au critère financier, mais que pour d’autres raisons il
peut néanmoins présenter une opportunité lucrative, nous pouvons simple-
ment dire : « Avant de dire non, laissez-moi vous poser quelques questions. »
Jouer de notre minimum en le maintenant ainsi nous permet de continuer à
recueillir des informations pour évaluer l’adéquation. De cette façon, nous
pouvons mieux gérer la dynamique du cycle d’achat. Dans le cas où nous
jugeons l’adéquation appropriée avec un client qui exceptionnellement
déroge à notre exigence, nous devons nous assurer que la suppression du

111
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

niveau minimum de commande est la dernière chose que nous faisons avant
d’accepter la mission. Nous ne voulons pas, après avoir accepté de faire cet
effort, nous entendre dire : « Super, nous vous enverrons une demande de
propositions » ou « Maintenant, nous devons encore rencontrer quelques
entreprises. »

Nous usons de notre niveau minimum de commande comme de n’importe


quelle autre objection que nous soulevons sans délai, pour obliger le client à la
surmonter. Comme pour les autres, nous nous réservons le droit de la retirer.
C’est la puissance du « Non ». Elle nous aide à mesurer et à améliorer notre
position dans la relation et c’est ainsi que nous devons opérer constamment.

Partir
Une des fonctions du développement commercial est d’écarter les mauvais
clients et toute autre mauvaise adéquation. Tels les portiers des entreprises
de nos clients, nous devons déterminer qui est autorisé à entrer pour dis-
cuter utilement et qui doit être gentiment reconduit vers un de nos estimés
concurrents. Le moyen le plus rapide pour être efficace dans notre approche
de développement est de découvrir sans complexes les informations impor-
tantes au début et de les utiliser pour évaluer de façon honnête et pragma-
tique une adéquation. La réponse à la question : « Le client peut-il et va-t-il
nous engager ? » est l’information essentielle que nous devons découvrir le
plus tôt possible pour nous déterminer. Laisser tomber ceux qui ne peuvent
pas nous payer correctement et partir nous évite les surcoûts d’exploitation,
préserve à la fois notre positionnement et les occasions de futures affaires.

Parler d’argent dès le début est une habitude facile prendre, qui une fois
acquise nous aide à mieux prendre les décisions qui façonnent l’avenir de
notre entreprise.

112
10
dixième étape

Refuser de travailler à perte

Nous bâtirons notre entreprise mission rentable après


mission rentable. À l’exception d’un pro bono soigneu-
sement sélectionné et de rares faveurs à nos meilleurs
et plus fidèles clients. Chaque commande générera un
profit à la hauteur de notre expertise et de sa valeur,
que nous apportons aux entreprises de nos clients.

115
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

N
ous nous efforcerons de gagner tout en facturant plus et ainsi vali-
der notre positionnement d’expert. Si nous n’accomplissons pas ce
tour de force, c’est que nous n’avons pas encore réussi à mettre en
œuvre les principes des étapes précédentes.

Nous devons nous défaire de l’idée que nous pouvons opérer grâce à des
marges bénéficiaires minces au début d’une nouvelle relation client puis tra-
vailler à augmenter ces marges au fil du temps. Nous savons que la marge
bénéficiaire, comme le pouvoir, ne fait que diminuer avec le temps.

La dixième étape s’appuie sur les précédentes : la nécessité d’un diagnos-


tic avant la prescription, la nécessité de la sélectivité, la nécessité de discu-
ter des questions d’argent au début. Non seulement nous allons respecter
notre obligation de diagnostiquer avant de prescrire, mais en plus nous
allons travailler de manière sélective pour ces clients prêts à nous payer
pour une telle approche.

Engagés pour commencer par le commencement


Tout comme le modèle en quatre phases des professionnels de la santé
— diagnostiquer, prescrire, appliquer et réappliquer le traitement — la plus
haute valeur de notre offre réside dans notre capacité à apporter un nou-
veau point de vue et une nouvelle compréhension des problèmes de nos
clients. Le succès de chaque phase dépend de la réussite des précédentes.
Les deux premières phases, le diagnostic et la prescription, représentent
la partie stratégique de la mission — les phases de réflexion qui pré-
cèdent l’accomplissement. Notre force dans celle-ci est précisément ce qui
nous distingue de nos concurrents et maintient les forces de marchandi-
sation de la profession à quai. La réflexion qui précède et enveloppe notre
intervention est ce qui distingue notre valeur ajoutée. C’est le fondement

116
10 : REFUSER DE TRAVAILLER À PERTE

de notre haute expertise. Et l’opportunité de la marge bénéficiaire la plus


haute se situe lors de ces deux premières phases et diminue à partir de là.

Aucun client ne nous permettra volontiers d’inverser cette tendance natu-


relle et commandera plus de marge bénéficiaire à mesure que le temps
passe. Nous devons admettre qu’une approche qui implique de sacrifier une
marge importante et de gagner des affaires dans l’espoir d’une rentabilité
future s’enracine soit dans la naïveté, soit dans un accord faussé avec un
client qui ne nous dit que ce que nous voulons bien entendre, ou dans nos
propres intentions malhonnêtes de faire un profit non visible par le client.

Le critère décisif : gagner tout en facturant plus. Dès lors que nous factu-
rons moins, cela signifie que notre prix est devenu notre positionnement, que
nous allons le porter tel un fardeau : nous devenons la boutique discount.

À propos du discount
Nous n’aurons pas dans notre entreprise de “chef du déficit”. En tant qu’ex-
perts, nous ne ferons pas de discount avec de nouveaux clients aujourd’hui
pour espérer gagner de l’argent demain. Nous allons conserver l’utilisation
de réductions pour nos meilleurs et plus anciens clients, au moment où ils
auront besoin de notre soutien.

Les négociations de prix légitimes sont un jeu honnête. Si, de temps à autre,
nous décidons qu’il est logique de réduire les prix pour gagner la mission,
nous devons nous assurer de ne pas baisser si bas que cela compromettrait
notre rentabilité. En vérifiant que chaque mission est rentable, nous nous
assurons que notre entreprise l’est aussi. En acceptant de commencer un
engagement avec un nouveau client sans faire de profit, nous mettons en
place de façon presque certaine une relation de mécontentement mutuel.

117
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Les alternatives au discount


Nous pouvons négocier de temps en temps, mais avant de réduire le prix
assurons-nous d’avoir exploré toutes les solutions alternatives.

Garanties. Des clients pourraient tenter de négocier parce qu’ils sont incer-
tains de la valeur de nos services. Dans ces situations, nous pouvons consi-
dérer les garanties comme des alternatives au discount. Pas de garanties
de retour sur ​​investissement car de trop nombreuses variables demeurent
hors de notre contrôle. Pas de garanties sur l’ensemble de notre gamme
d’offres car elle pourrait être utilisée contre nous à la fin de la mission.
Il convient de garantir la première phase de diagnostic et de prescription
d’un engagement progressif, afin de rassurer le client sur la valeur à aller
de l’avant avec nous. Il y a beaucoup moins de risque dans cette garantie
qu’il n’y en a dans une proposition d’idées gratuites avec l’espoir d’être payé.

Conditions. Des clients pourraient comprendre la valeur de notre offre


mais tenter de négocier à cause de leur faible capacité de payer. Dans ces
situations, avant de pratiquer le discount, nous devrions envisager d’offrir
des conditions favorables permettant au client d’échelonner son paiement.

Défendre notre terrain. Il arrive que des clients conscients de notre valeur
et ayant la capacité financière, négocient néanmoins dans le but d’obtenir
un meilleur prix. Dans une négociation, le succès est souvent gagné par la
partie qui se sent le plus à l’aise à parler d’argent. Celle avec le moins de
bagage émotionnel à ce sujet s’en sortira mieux pour défendre son terrain.
En suivant la neuvième étape, Aborder sans délai les questions d’argent,
nous travaillons à nous assurer que cette partie, c’est nous.

Deux règles d’or pour pratiquer un discount


Une fois que nous avons exploré les alternatives mais que nous choisissons
de réduire notre prix, nous devons adhérer aux deux règles ci-après.

118
10 : REFUSER DE TRAVAILLER À PERTE

En dernier recours uniquement. Premièrement, nous nous assurerons que


réduire le prix est la dernière chose que nous faisons. Nous chercherons à
soulever toute autre objection avant d’effectuer un prix discount. Dans un
dernier élan avant de gagner moins, nous demanderons : « Si nous consen-
tions à baisser à ce prix-là, y a-t-il autre chose qui pourrait nous empê-
cher de travailler ensemble dès maintenant ? » S’il ne reste pas d’obstacle,
d’autres étapes de sélection, alors nous baissons le prix. Mais s’il en reste
avant d’être engagés, nous les franchissons avant de réduire notre prix.

Nous l’écrivons partout. Deuxièmement, nous devons nous assurer


qu’un tel discount est clairement identifié dans tous les documents écrits,
incluant les contrats, les devis et la facturation, dans le but de rappeler
au client la véritable valeur de nos services. Notre incapacité à respecter
cette règle pourra très certainement nous coûter à l’avenir que les clients
« oublient » la valeur appropriée et ne prennent comme référence que ce
qu’il a déjà payé. En enregistrant de cette façon notre discount dans tous
les documents où figure notre prix, nous nous assurons de ne pas produire
un précédent qui établirait une nouvelle tarification dans le futur.

Le bénévolat
Mission après mission, nous bâtirons une entreprise experte et lucrative qui
nous permettra d’employer son potentiel à accompagner ceux qui en ont le
plus besoin. Pour ces clients soigneusement sélectionnés uniquement, nous
travaillerons gratuitement.

Nous laisserons à nos concurrents la pratique inconvenante de travailler


pour des organismes de bienfaisance sans frais au début, dans l’espoir
de les faire évoluer vers des services payants. Nous laisserons les autres
choisir leurs organismes motivés par des affaires qu’ils espèrent obtenir

119
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

plus tard en salle de réunion. Nous traiterons le bénévolat pour ce qu’il


est : du bénévolat. Nous ne le confondrons pas avec les développements
de l’entreprise.

Parmi les organismes de bienfaisance dont les vocations sont en adéqua-


tion avec nos valeurs, nous nous engagerons auprès des plus démunies de
façon désintéressée, sans arrière-pensée de profiter financièrement de ce
travail. Cette démarche nous donnera ainsi le courage de nous assurer que
nos engagements à but lucratif sont effectivement rentables, une façon en
somme de nous soulager du fardeau des clients qui n’ont pas les moyens de
nous engager.

Le travail pro bono comporte une dualité émancipatrice : il peut nous


détourner du travail qui ne serait que marginalement bénévole ou dont
nous espérons tirer un profit mal venu. Chaque mission à but lucratif nous
apportera des bénéfices, nos clients pro bono, soigneusement sélectionnés,
ne nous apporteront rien d’autre qu’un accomplissement personnel. Nous
laisserons aux concurrents les clients qui ne sont pas profitables ou qui ne
méritent pas notre bénévolat.

Utiliser le bénévolat pour construire de l’expertise


À la création d’une entreprise, on peut parfois manquer de fondation pour
bâtir une expertise. Le bénévolat — ou un travail à peine facturé dans le
champ de notre spécificité — peut être nécessaire pour construire cette
expertise. Il n’y a pas de honte dans ce cas à être franc avec un prospect et
à travailler à moindre coût ou gratuitement pour engranger de l’expertise.
Une telle approche n’est valable que pendant une certaine période. Lorsque
nous faisons réellement commerce dans le but de renforcer nos compé-
tences, nous devons alors être honnêtes et directs avec notre client à ce
sujet. L’occulter reviendrait à employer la tactique de concurrence sur les
prix d’un généraliste.

120
11
onzième étape

Facturer plus

À mesure que notre expertise s’approfondit et que


notre impact sur l’activité de nos clients grandit,
nous augmenterons nos prix pour tenir compte de
cet impact. Nous reconnaîtrons que, pour nos clients,
les plus petites factures sont les plus agaçantes. En
facturant plus, nous dégagerons plus de temps dans
le but de réfléchir pour le compte de nos clients et
d’éliminer la nécessité de facturer les modifications
et autres surprises.

123
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

E
n suivant les principes concernant l’argent — être payé d’abord
(étape 8), parler de l’argent au début (étape 9), refuser le travail à
perte (étape 10) et maintenant, facturer plus — nous développons
une confiance qui attire de meilleurs clients et nous évacuons les faibles
adéquations sans gaspiller nos ressources. Le bon usage de notre niveau
minimum de commande nous aide à cet égard : les clients en manque de
moyens sont repoussés et les clients de qualité sont attirés.

En facturant largement plus que nos concurrents, nous annonçons à nos


clients potentiels que nous avons confiance dans notre capacité à fournir
des résultats de haute qualité.

Comme nous nous améliorerons encore, nous facturerons plus encore,


jusqu’à ce que nous trouvions l’équilibre qui capte la rémunération appro-
priée de la valeur de nos services. Notre prix élevé nous coûtera quelques
clients de temps à autre, mais si nous ne perdons pas, parfois, des affaires
à cause du prix, c’est que nous ne sommes pas assez chers. Et inversement,
si nous avons besoin de gagner grâce au prix, c’est que nous ne nous distin-
guons pas en tant qu’experts.

Comme nos concurrents, nous utiliserons aussi la tarification comme


outil de positionnement, mais contrairement à eux, nous nous efforcerons
de revendiquer des prix plus hauts et ainsi profiter de toutes les implica-
tions de ce positionnement. Là où d’autres parlent de leur « compétitivité »,
nous nous lancerons à corps perdu dans le sujet de la neuvième étape,
Aborder sans délai les questions d’argent, et expliquerons hardiment que
nous sommes susceptibles d’être plus chers que d’autres options à l’étude.

Nous inviterons le client à nous dire qu’il préférerait travailler avec une
entreprise plus abordable. Nous ne nous excuserons pas de facturer plus
cher puisque c’est la juste rémunération de la valeur ajoutée que nous

124
11 : FACTURER PLUS

livrons à titre d’experts. Cela nous permet de compléter notre offre en nous
donnant les moyens de réinvestir en nous-mêmes et, le plus important, cela
améliore assurément les résultats et l’expérience du client.

Le bénéfice améliore le service


Lorsque nous acceptons une mission aux très faibles marges et que nous
rencontrons un problème dans la mission (de notre fait ou pas), il ne nous
reste que peu de capacité pour le résoudre. Des marges saines nous donnent
les moyens de corriger des erreurs, de gagner la confiance de nos clients
et de les fidéliser. De cette façon, nos clients les plus rentables obtiennent
notre meilleur service. Ça ne fonctionne pas dans l’autre sens : un service de
qualité supérieure n’améliore pas le bénéfice. Le bénéfice améliore le service.

La sonnerie du téléphone est un bon test. Nous sommes heureux de décro-


cher lorsque s’affiche le nom du client rentable. Nous grinçons des dents
quand c’est le peu rentable qui appelle. Nos clients savent qu’ils obtiennent
le meilleur de nous, mais ils savent rarement pourquoi. Ne pas facturer
assez nous laisse peu de liberté de mouvement et crée une dynamique dis-
cordante avec eux. Tout ceci affecte la qualité de notre travail et notre répu-
tation en tant que fiables conseillers.

Chaque client sur ​​notre liste mérite toute notre attention, notre meilleur
service et notre dévouement pour corriger des erreurs. Pour nous per-
mettre de livrer ce dont ils ont besoin, ils doivent nous livrer de la marge
bénéficiaire. Nous ne devons accepter rien de moins. Une marge bénéfi-
ciaire saine est vitale, car il est parfois nécessaire d’en perdre un peu afin
de corriger une mauvaise situation. Le message implicite est : nous serons
bien payés et en échange nous nous occuperons bien du client. Nous ferons
en sorte que tous les petits problèmes disparaissent.

125
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Combien de problèmes relationnels avec le client auraient pu être évités


ou corrigés si nous avions facturé correctement ? Combien de nos clients
aurions-nous pu mieux servir tout simplement en exigeant un peu plus
d’argent ?

La mort de l’ordre de modification


Un ordre de modification représente ce qu’il y a de pire dans notre modèle
de développement économique et dans notre relationnel avec les clients.
Les sociétés telles que les nôtres ne sont pas renvoyées en raison de factura-
tions importantes pour du travail stratégique, mais à cause d’une accumula-
tion de petites factures pour du travail tactique. C’est cet ordre de modification
qui crée un ressentiment qui va crescendo, jusqu’à ce que la relation cesse.

Éliminerions-nous l’ordre de modification et le ressentiment du client qui


l’accompagne, si nous avions le pouvoir de le faire ? Une telle réussite est
possible. Lorsque le client permet à l’entreprise d’experts de prendre le
contrôle de la mission et de facturer plus, il fait disparaître l’intolérable
d’une nouvelle facture à chaque fois qu’un petit changement tactique est
demandé. N’est-ce pas un compromis que les professionnels de la qualité et
leurs meilleurs clients devraient faire ?

Du temps ou notre pensée : que vendons-nous ?


Nous vendons notre pensée, mais nous ne nous rendons pas service de la
vendre à l’heure. Le plus sûr moyen de banaliser notre pensée est de la
vendre par des unités de temps. Le client achète notre temps plus tard dans
la mission, lorsque le travail de stratégie a été fait et que nous sommes pro-
fondément dans le travail de mise en œuvre. C’est notre façon de penser,

126
11 : FACTURER PLUS

cependant, qui nous démarque de nos concurrents et qui constitue la base


de notre capacité à élever le prix. Lorsque nous facturons cette pensée
à l’heure, nous défaisons en grande partie le travail commencé aux étapes
précédentes. « Combien de l’heure ? » entendons-nous le client se deman-
der. « Combien d’heures ? » Lorsque nous employons une tarification de
marchandises, nous invitons à la comparaison avec des produits de base,
quelle que soit la valeur que nous offrons. La caractéristique d’un produit
est une incapacité à soutenir toute majoration de prix. Si nous n’arrivons
pas à gagner tout en facturant plus, il nous faut réaliser qu’en réalité nous
vendons une marchandise.

La stratégie, ce n’est pas « Quoi » mais « Comment »


Alors que nos missions suivent les quatre phases que sont diagnostiquer,
prescrire, appliquer et réappliquer, ce sont les résultats des troisième et
quatrième phases qui sont les livrables que le client recherche. Notre stra-
tégie — diagnostic et prescription — est de savoir comment nous faisons ce
que nous faisons. La force de nos processus stratégiques, enracinée dans
notre profonde expérience et une réflexion systématique, est ce qui assure
la forte probabilité d’obtenir un résultat de haute qualité. C’est la base de la
prime que nous exigeons ; par conséquent, nous ne devrions pas la facturer
en unités de temps.

Nous devons chiffrer notre travail initial, jusqu’à la première création


livrable, avec de grands nombres ronds qui se terminent par des zéros, et
donc clairement impliquer que le prix de ces services a peu à voir avec les
heures qu’il faut pour les réaliser.

Nous sommes libres de facturer le travail de réapplication qui suit à l’heure,


mais lorsque nos clients achètent notre pensée, ils doivent comprendre
qu’ils ne l’achètent pas en unités de temps. Ce n’est pas en vendant les ser-
vices stratégiques à l’heure que nous pouvons véritablement facturer plus.

127
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

Un prix élevé améliore l’engagement


Nous ne devons pas laisser nos clients être en mesure de décider aisément
de refuser nos conseils. Chaque fois que quelqu’un engage un expert exté-
rieur, le résultat final qu’il recherche est d’aller de l’avant en confiance.
Quelle est la valeur d’un bon conseil qui n’est pas suivi ? Oui, il est de notre
devoir de dire au client quoi faire, c’est souvent la partie la plus facile.
Nous sommes également obligés de lui donner la force de le faire.

Nous ne répondons pas à toutes nos obligations vis-à-vis de nos clients si


nous formulons des recommandations qu’ils négligent. Les prix que nous
facturons pour de tels conseils devraient être suffisamment élevés pour
que nos clients se sentent obligés d’agir, de peur d’éprouver un profond
sentiment de gaspillage de ressources. Notre tarification doit être asso-
ciée à une quantité appropriée de douleur. Cela implique la nécessité de
varier notre prix en fonction de la taille des clients. Les grosses structures
ont besoin de payer davantage pour assurer leur engagement.

Les plus gros clients obtiennent une plus grande valeur


Une autre raison pour que les gros clients paient davantage est qu’ils
retirent une plus grande valeur financière d’un travail similaire que nous
ferions pour de petites structures. Facturer à une chaîne de restaurants
ce que nous facturerions pour le même travail à un restaurant de quartier
serait irresponsable de notre part. Le gros client paie plus pour s’assurer
que son engagement va résoudre son problème et s’assurer qu’il va travail-
ler avec nous — et il paie davantage parce que nous apportons un service
qui a une valeur supérieure pour lui.

128
11 : FACTURER PLUS

Réinvestir en nous-mêmes
De toutes les opportunités d’investissement auxquelles nous devrons faire
face durant notre vie, peu d’entre elles donneront des rendements supé-
rieurs à celles de nos possibilités d’investir en nous-mêmes. Des prix sélec-
tifs nous donnent le bénéfice de réinvestir dans notre activité, auprès de
nos collaborateurs et en nous-mêmes. Les entreprises que nous admirons
le plus sont celles qui investissent dans la recherche et le développement.
Nous devons suivre leur chemin. Tandis que d’autres obtiendront des
marges minces, gagnant sur les prix, nous utiliserons une partie de nos
confortables profits pour nous améliorer et pour renforcer notre avance sur
nos concurrents.

De meilleures marges impliquent de meilleures


entreprises et de meilleurs clients
Facturer plus améliore à tous les niveaux notre capacité à accompagner
nos clients et augmente la probabilité d’obtenir des résultats de haute qua-
lité. Cela nous permet de sélectionner les meilleurs clients, ceux que nous
sommes le plus en mesure d’aider. Tout comme se lancer mal à l’aise dans
une discussion d’argent, facturer plus peut sembler difficile et peu naturel,
mais cela est nécessaire pour tout le monde, y compris le client, et c’est le
seul moyen à terme d’agir en confiance.

129
12
douzième étape

Avancer tête haute

Nous nous considérerons en praticiens profession-


nels créateurs de solutions concrètes en réponse aux
problématiques des entreprises de nos clients. Nous
rechercherons le respect avant l’argent, car lorsque
nous serons reconnus comme experts, nous serons
payés la somme que nous demandons. Cet argent nous
permettra de réinvestir dans notre activité pour nous
améliorer encore et d’offrir à nos proches et à nous-
mêmes une vie confortable comme nous l’entendons.

133
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

N
ous nous trouvons aujourd’hui, nous, professions créatives, à une
croisée des chemins. D’un côté, le design est enfin considéré comme
le dernier grand facteur de distinction des entreprises et de crois-
sance économique, et de l’autre, les créations produites sont de plus en plus
considérées comme des marchandises.

La technologie et la pléthore d’offres se conjuguent pour creuser rapide-


ment un fossé entre les tacticiens banalisés qui soumettent maintenant en
ligne des offres de services qui se battent les unes contre les autres, et les
praticiens experts qui demandent des honoraires importants pour guider
leurs clients vers des solutions novatrices pour relever les défis significatifs
des entreprises. Le juste milieu est en train de disparaître. La nécessité de
choisir une voie nous est imposée. La décision sera prise à notre place si
nous restons indécis : nous serons poussés sur la voie des marchandises, où
nous devrons vivre avec les milliers d’autres fournisseurs preneurs d’ordres
sans pouvoir nous libérer du pitch.

Ce n’est pas le pire contexte pour prendre une décision. Le monde se réveille,
ouvert à l’idée que les défis des entreprises et des sociétés sont ceux du
design, de la créativité et de l’innovation. Nous avons rarement eu une telle
occasion d’avoir un impact significatif sur le monde qui nous entoure.

Faire durer le rêve


Nous avons été motivés dès le début par des idées audacieuses. On nous a
appris à l’école que l’artiste occupait une place particulière dans le monde.
Nous avons été encouragés par nos professeurs et nos collègues étudiants
à vivre notre rêve, à nous livrer à notre passion et à nous révéler dans la
noblesse de notre métier. Parler d’argent ou de pratiques commerciales de
base était cependant absent de nos premiers balbutiements. Nous n’avons

134
12 : AVANCER TÊTE HAUTE

jamais appris à aborder la brûlante question de la viabilité : comment nous


assurer que notre pratique se développe afin que nous puissions continuer
à faire ce que nous aimons tant, aussi longtemps qu’il nous plaira.

Il y a de la noblesse dans notre métier. Ceux qui, comme nous, savent voir et
créer, ont une place à part. En nous lançant dans la création d’une entre-
prise autour de ces compétences, nous devons également nous engager à
acquérir un autre jeu de compétences qui lui permettra de se développer.
Réalisons notre rêve, mais soyons aussi suffisamment pragmatiques pour
prendre la Difficile Décision Commerciale et prenons l’habitude de nous
lancer à corps perdu dans les tâches les moins remarquables, mais indis-
pensables si nous souhaitons développer notre entreprise. Les rêves seuls
ne suffisent pas.

La sélectivité, c’est du pouvoir


Lorsque nous exprimons du ressentiment envers un client qui ne nous
apprécie pas, nous ressentons en fait vis-à-vis de nous-même le dégoût de
ne pas être capable de le quitter. Nous devons comprendre que les mau-
vais clients et les processus de sélection surfaits existeront toujours. Ceux
qui s’attendent à ce que nous travaillions gratuitement pour prouver notre
valeur ne vont pas soudainement disparaître. Il est question, après tout, de
l’argent du client. Tous les moyens lui sont bons pour sélectionner quelqu’un
qui l’accompagne, y compris de la manière la plus absurde ou la plus mépri-
sante. Nous ne pouvons contrôler que notre façon de réagir. Notre force est
de fuir ces situations.

Il existe toujours une meilleure opportunité derrière la situation que nous


affrontons dans l’immédiat. Même si nous ne pouvons pas l’entrevoir, il faut
au moins y croire. En suivant les douze étapes, nous laisserons les piètres

135
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

clients à nos concurrents. En agissant de la sorte, nous reconnaissons que


le problème des idées gratuites ne sera jamais évacué — c’est à nous de
prendre de la distance par rapport à lui.

Parmi les professions, mais à part


Nous nous battons pour obtenir le même respect pour notre métier que
celui dont jouissent les autres professions. Nous visons à apporter à notre
entreprise le même sens des affaires que d’autres activités accordent à
la leur. Mais, pensant différemment, nous savons que nous ne pourrons
jamais être tout à fait comme les autres. Nous n’avons pas choisi notre
métier, c’est lui qui nous a choisis. Ce n’est pas l’idée de gagner de l’argent
qui nous a principalement motivés et même si nous ne pouvons plus nier
son importance, ce n’est toujours pas l’argent qui nous anime essentielle-
ment. Cependant, le profit est la preuve de la valeur de notre entreprise.
C’est la reconnaissance de notre talent qui nous donne l’énergie, comme
c’est le souhait profond de tout créateur, de marquer de notre empreinte
notre temps. Nous cherchons à créer et, ce faisant, nous cherchons, en
quelque sorte à changer le monde.

Nous avions cette ambition aux premiers jours de notre entreprise, mais
nous sommes englués dans la complexité de sa gestion. Peut-être avons-
nous commencé à croire ceux qui prônent le mensonge qui consiste à sacri-
fier un peu notre amour-propre, jusqu’à ramper parfois, pour obtenir de nou-
veaux clients. Trop souvent, nous avons fait du bon travail en échange d’une
maigre rémunération pour des clients aux missions non-valorisantes. Créer
et résoudre des problèmes nous apportent satisfaction, mais le combat pour
gérer une entreprise créative nous pousse souvent loin de notre ambitieux
objectif. Comment exploiter notre talent pour changer le monde s’il est si
commun ou tellement sous-évalué qu’il doive être donné gratuitement ?

136
12 : AVANCER TÊTE HAUTE

Le retour à la vision
Ce que nous envisagions comme une bataille contre nos clients, nous
devons le considérer maintenant comme une voie de transformation per-
sonnelle. Étape après étape, le brouillard se dissipe, la route s’éclaircit,
le succès semble possible, et enfin, est au rendez-vous.

Le cadeau que nous pourrions apporter


Nous possédons quelque chose que la plupart des autres personnes n’ont
pas. Nous voyons ce qu’ils ne voient pas. Nous pouvons concevoir ce qui
n’existe pas. Au meilleur de nous-mêmes, nous avons en nous la capacité
d’imaginer l’avenir, d’accompagner les gens vers le futur, de voir les innova-
tions qui pourraient améliorer notre cadre de vie, de ressentir notre capa-
cité à toucher les structures et les populations. En pleine possession de nos
moyens, quel problème ne pourrions-nous pas résoudre ? En faisant front
commun, quel changement ne pourrions-nous pas apporter ?

Nous sommes les Gens Qui Voient. La motivation de notre révolution n’est
pas de débarrasser le monde des idées gratuites, mais de bâtir une entre-
prise nous permettant d’atteindre les plus hauts sommets en ayant un
impact sur un monde qui est plus fort que nous.

Nous franchirons les douze étapes de sorte que notre entreprise puisse
nous soutenir et nourrir notre créativité. Nous donnerons le meilleur de
nous-mêmes à ceux qui nous respectent et nous payent à notre juste valeur.
Cette rémunération de nos talents nous permettra d’aider à la promotion
sociale de nos proches, d’inspirer nos réseaux professionnels et d’exercer
une influence sur nos sociétés. Spécialisation, sélectivité, vente respec-
tueuse, apprentissage continu et bénéfices jalonneront notre chemin. n

137
Remerciements

Blair Enns
Des dizaines de mes clients ont apporté leur contribution à cet ouvrage.
Je leur suis reconnaissant à tous pour m’avoir fait confiance et pour tout
ce qu’ils m’ont appris.

Plus que tout, trois collègues m’ont aidé à formaliser ma pensée. Pauline
O’Malley 1 m’a prouvé que l’acte de vendre pouvait être accompli avec res-
pect et avec logique. Son enseignement se reconnaît partout dans mon tra-
vail et sa voix continue de me guider. Les idées de David C. Baker 2 — mentor,
collègue, éditeur et ami — transparaissent aussi dans ces pages. L’impact
de David sur mon travail est si profond que je ne tente même plus de savoir
ce qui est de lui ou de moi. Cal Harrison (beyondreferrals.com) est un colla-
borateur inestimable, relecteur, enseignant et ami de longue date. J’ai été
formé par eux et à tous j’ai piqué quelque chose.

Trois écrivains ont apporté à mon manuscrit leur précieux éclairage et


m’ont guidé à travers le processus d’écriture. J’ai une dette envers mes
camarades Kasloviens Holley Rubinsky et Randy Morse. Loin de moi de pré-
tendre que le troisième, Mark Twain, serait satisfait de cette version finale,
mais revenant des morts par deux fois pour m’alerter de ne pas publier cet
ouvrage prématurément, il m’a aidé à m’en sentir satisfait.

Ma femme Colette Enns fit ce qu’elle a toujours fait : m’encourager sans


douter tout au long de ce livre, les affaires, la vie. Ici, les mots me manquent.

François Caspar
Blair Enns, auteur du texte original et d’un unique et indispensable blog 3,
m’a accordé toute sa confiance — une « carte blanche » (prononcer avec

141
GAGNER SANS IDÉES GRATUITES, MANIFESTE

l’accent anglo-canadien) essentielle pour mener à bien la création de l’édi-


tion française. Une drôle de connivence est née.

Svetlana Furman, consultante internationale en relations publiques pour


designers, tour de Babel 4, m’a éclairé sur le sens des expressions idioma-
tiques. Françoise Benassis, conceptrice-rédactrice et écrivain 5 qui m’accom-
pagne professionnellement depuis mes débuts, m’a sensibilisé au choix des
mots. Nicole Debrand, professeur de lettres, écrivain et traductrice 6 m’a
transmis le goût des mots et leur potentiel visuel. Enfin, ma mère 7 et mon
père 8, artistes et enseignants, m’ont insufflé le sens de la transmission.
J’ai pu observer auprès d’eux, ainsi qu’auprès de mes consœurs et de mes
confrères designers 9, les relations complexes entre l’art et l’argent.

1. www.therevenuebuilder.com
2. www.resources.com
3. Win Without Pitching, 2010 — www.winwithoutpitching.com
4. Notamment : traduction du français à l’anglais du Code de déontologie du designer (2012),
conçu et publié par l’Alliance française des designers.
5. Notamment : La Vallée aux crânes (2014), éditions La Bourdonnaye ;
Le Goût des déserts (2009) et Le Goût de la Loire (2005), éditions Mercure de France ;
L’Infante (2003), éditions Gallimard.
6. Notamment : Salomé Alt – Mystère (1989), éditions Le Nouveau Commerce,
Constance – Portrait (1990), éditions Champ-Vallon,
publication en revues, dont Po&sie en 2009,
traduction française de l’allemand de Du spirituel dans l’art (1989)
de Vassily Kandinsky, éditions Denoël, collection Folio Essais.
7. www.francoisecollin.com
8. www.danielcaspar.com
9. www.alliance-francaise-des-designers.org

142
Colophon
Design graphique :

Saint-Mandé, France. © 2014


Caractères typographiques :
Reykjavik One & Two de Stefán Kjartansson, Islande © 2001
Transfer Sans de Julien Janiszewski, France © 2006
Dépôt légal : novembre 2014
« Ce manifeste est un appel, un peu provocateur, destiné à réformer la
pratique commerciale des entreprises créatives qui consiste à fournir des
idées gratuites par de subtiles présentations — le fameux pitch. Posant le
doigt sur les erreurs que la plupart des designers commettent, Blair Enns
démontre que, tôt ou tard, les effets pervers de cette stratégie les péna-
lisent. C’est simplement inefficace, à long terme, pour le développement
de l’entreprise créative, explique-t-il. Puis il décrit comment les designers
peuvent construire, en douze étapes, une politique commerciale ambi-
tieuse et lucrative, sans se défaire de leur expertise pour rien. L’ultime
enjeu est de comprendre comment trouver — ou retrouver — sa liberté de
créer tout en prospérant. Cela nécessite peut-être d’opérer une révolution
personnelle et d’en avoir le cran. Peu
de livres produisent un tel
effet positif sur le développement économique et artis-
tique. Celui-ci est à lire avant de foncer tête baissée et à
relire dès les premiers coups de blues, par les designers
qui veulent se lancer ou ceux qui ont le sentiment que
leur entreprise stagne. » François Caspar, designer, professeur, cofonda-
teur de l’Alliance française des designers et chercheur à l’association Moneydesign.

Blair Enns, l’auteur


Blair Enns est consultant pour les entreprises créatives.
Il vit à Kaslo au Canada, où il a fondé en 2001 son cabi-
net de conseil, après douze ans passés au service du
développement des affaires d’agences de publicité d’en-
vergure mondiale ou de plus petite taille. Il propose des
© Randy Morse

solutions pour changer les méthodes d’achat et de vente


des services créatifs dans le monde. À travers son acti-
vité globale de consultant, il aide les gérants et les créa-
tifs d’agences de design, de publicité, de relations publiques et autres entreprises créa-
tives, à établir leur stratégie commerciale. Blair Enns est devenu en quelques années un
des spécialistes internationaux les plus respectés dans ce domaine. Il donne des confé-
rences dans le monde entier et anime un site Internet de e-learning Win Without Pitching.
La version papier de ce livre
est disponible sur moneydesign.org

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